La cour d’appel de Paris valide les visites faites au Conseil supérieur du notariat
Comme l’a signalé actuEL Direction juridique, la cour d’appel de Paris a validé, le 11 décembre 2019, les opérations de visite et saisie menées par l’Autorité de la concurrence aux sièges du Conseil supérieur du notariat et du groupe ADSN (activités et développement au service du notariat) (sur ce sujet, v. égal. P. Januel, L’enquête de l’Autorité de la concurrence qui inquiète les notaires, La lettre A).
L’ADSN est composée du bureau du CSN, d’anciens présidents du CSN et de notaires cooptés. Elle fournit des services aux offices notariaux, à travers cinq filiales, qui pesaient en 2018 de 76,7 millions d’euros de chiffre d’affaires et 5,4 millions de résultat net. L’ensemble des bénéfices de l’ADSN sont réinvestis. Mais, si certains de ces produits relèvent d’une activité de monopole (base de données PERVAL, télé@ctes), d’autres sont dans le secteur concurrentiel (magazines, annonces immobilières, sites internet).
Des pratiques contraires au droit de la concurrence ?
Selon les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence, « le groupe ADSN ainsi que les instances notariales visées auraient mis en place des agissements illicites visant à préempter et à verrouiller l’accès au secteur des prestations de services à destination des notaires ». Parmi les éléments cités, une confusion serait entretenue par l’ADSN avec les instances officielles notariales. Des instances auraient aussi incité leurs membres à mettre fin à leurs relations commerciales avec des concurrents de l’ADSN, comme le groupe Notariat service.
Autres pratiques suspectées : des ventes liées et la commercialisation de services à des prix artificiellement bas. Une filiale de l’ADSN contrôlant le réseau informatique interne du notariat, le débit des sites hébergés par des entreprises concurrentes aurait été volontairement dégradé. Enfin, le CSN aurait refusé de délivrer des accès à la base Perval à des concurrents.
Ces agissements constituant les « premiers éléments d’un faisceau d’indices laissant présumer l’existence de comportements » d’atteinte au jeu de la concurrence, l’ADLC avait saisi le juge des libertés et de la détention de Paris, afin d’autoriser des visites. Celles-ci se sont déroulées le 17 octobre 2017, dans dix-sept lieux différents, dont les sièges du CSN, de l’ADSN et de plusieurs chambres de notaires, parfois pendant près de vingt-quatre heures.
Des visites validées par la cour d’appel
Pour contester l’ordonnance fondant les visites, le CSN et l’ADSN critiquaient notamment les doubles casquettes de l’Autorité de la concurrence : outre ses missions de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité a, depuis la loi Macron, un rôle clé dans la régulation de la profession notariale. La cour d’appel rejette ce grief, rappelant qu’il « existe au sein de l’ADLC une séparation fonctionnelle stricte entre les services d’instruction placés sous la direction du rapporteur général et le collège de décision » et que le Conseil constitutionnel a validé cette structure (Cons. const. 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC, Dalloz actualité, 30 oct. 2012, obs. L. Constantin ; AJDA 2012. 1928 ; D. 2012. 2382 ; ibid. 2013. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; RFDA 2013. 141, chron. Agnés Roblot-Troizier et G. Tusseau ; Constitutions 2013. 95, obs. O. Le Bot )
La cour rejette aussi le grief de violation du secret professionnel des notaires. Ni le CSN ni l’ADSN n’étaient le siège d’une activité notariale. Par ailleurs, l’article 56-3 du code de procédure pénale, qui prévoit la présence obligatoire d’un magistrat lors d’une perquisition dans le cabinet d’un notaire, n’est applicable qu’au pénal. Le 19 juin, la cour d’appel de Paris avait déjà rejeté la demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la constitutionnalité des saisies. Les autres moyens ont été rejetés.
Les suites à venir
Le CSN et l’ADSN peuvent se pourvoir en cassation. Parallèlement à la contestation des visites, l’Autorité de la concurrence poursuit ses investigations au fond. Les 122 000 fichiers saisis sont à la base de plusieurs dossiers, outre le dossier CSN/ADSN. Une première décision a été rendue au mois de juin : l’Autorité a sanctionné un groupement de notaires de Franche-Comté et la chambre interdépartementale de, respectivement, 250 000 et 45 000 € d’amende, pour avoir contourné la libéralisation des tarifs de négociation immobilière prévue par la loi Macron.
Cet été, le CSN a totalement restructuré l’ADSN, qui est passée de cinq à deux filiales commerciales (l’une regroupant les activités de monopole, l’autre celles du secteur concurrentiel). Même si, pour le CSN, cette réorganisation n’est pas liée à la procédure en cours.