La prestation compensatoire repose sur un juste équilibre

La prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de l’époux débiteur au respect de ses biens. Mais elle poursuit aussi un but légitime de protection du conjoint dont la situation est la moins favorable. Elle repose sur des critères objectifs définis par le législateur qui ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur.

En conséquence de quoi la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par une femme à la charge de laquelle a été mise une prestation compensatoire en capital de 50 000 €. L’intérêt de l’arrêt réside moins dans la réponse qu’il donne et qui ne surprend pas vraiment, que dans les arguments développés par le pourvoi et dans le soin apporté par la Cour de cassation à la motivation de sa réponse.

Assurément le cas était particulier. Il n’est pas fréquent que ce soit l’épouse qui doive supporter la charge de la prestation compensatoire. Plus de neuf fois sur dix, le débiteur de la prestation compensatoire reste l’ex-époux. Seul 4 % des femmes divorcées sont les débitrices (le plus souvent d’un capital et essentiellement en numéraire en une seule fois, Infostat Justice sept. 2016, n° 144). Mais l’un des moyens développés par la demanderesse était de portée tout à fait générale.

La prestation en capital dans le viseur des droits fondamentaux

L’épouse faisait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 1, § 1, du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui prévoit que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Elle estimait que la prestation compensatoire en capital mise à sa charge ne respectait pas un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Bref, c’est le principe même de la prestation compensatoire tel que posé par l’article 270 du code civil qui se trouvait ainsi mis en cause.

On comprend que la Cour de cassation ait mis un soin particulier à broder sa réponse. Car la confrontation de la prestation compensatoire avec les droits fondamentaux a connu des épisodes antérieurs qui ont valu à la France quelques déboires devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 10 juill. 2014, Milhau c/ France, n° 4944/11, Dalloz actualité, 11 sept. 2014, obs. Mésa ; AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; AJ fam. 2014. 497, obs. N. Regis image ; RTD civ. 2014. 841, obs. J.-P. Marguénaud image ; ibid. 869, obs. J. Hauser image). On se souvient que dans cette affaire était en cause l’une des modalités d’exécution de la prestation compensatoire en capital, à savoir l’attribution d’un bien du débiteur en propriété sur décision du juge « opérant cession forcée en faveur du créancier » (C. civ., art. 274, 2°, mod. par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004). Sur ce point, la Cour européenne a estimé qu’il y avait eu « rupture du juste équilibre devant régner entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu » et qu’en...

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