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La production de documents contenant des informations concernant sa santé est de droit

La demande d’une personne qui souhaite obtenir communication de documents contenant des informations concernant sa santé peut-elle être rejetée si celle-ci n’apparaît pas utile pour la solution d’un litige ?

Telle était la question posée à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté.

Les faits de l’espèce n’étaient guère originaux. Une personne avait été victime d’un accident de la circulation. Comme c’est fréquemment le cas, l’assureur du véhicule impliqué avait diligenté une expertise amiable qui a été réalisée par un médecin. La victime et quelques-uns de ses parents ont alors assigné en référé l’assureur ainsi que plusieurs autres personnes susceptibles d’être obligées à réparation aux fins que le président du tribunal judiciaire ordonne une expertise médicale destinée à évaluer le préjudice corporel subi, le versement d’une provision et la communication des notes techniques de l’expert amiable.

Le débat s’est essentiellement cristallisé autour de la communication de ces notes techniques. Après que le juge des référés a ordonné leur communication, la cour d’appel a finalement fait « machine arrière » parce que l’existence de ces notes n’était pas établie de manière certaine, qu’elles pouvaient contenir des informations strictement confidentielles d’ordre administratif et que leur communication n’apparaissait pas véritablement utile dès lors qu’une expertise judiciaire avait été parallèlement ordonnée et que les requérants disposaient d’autres documents. Les juges du fond avaient ainsi fait état de considérations généralement déterminantes au regard du jeu de l’article 145 du code de procédure civile en soulignant, au moins implicitement, que les documents litigieux n’étaient pas utiles pour la solution du litige et que les demandeurs auraient dû fournir la preuve de leur existence.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation n’a cependant pas avalisé cette manière de voir les choses et a censuré l’arrêt rendu par la cour d’appel au double visa des articles L. 1111-7 du code de la santé publique et 145 du code de procédure civile : après avoir rappelé les termes du premier de ces textes, elle en a déduit que le médecin était tenu de communiquer les informations relatives à la santé de la victime recueillies au cours de l’expertise amiable et que l’assureur devait « s’assurer » de cette communication.

De prime abord, cet arrêt constitue une bizarrerie procédurale.

Lorsqu’il est saisi sur requête ou en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, le juge n’ordonne en principe une mesure d’instruction ou la production de pièces que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Cette notion de « motif légitime » est laissée à l’appréciation des juges du fond (Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-22.619, à paraître au Bulletin ; 12 mai 2016, n° 15-17.290, inédit ; Com. 18 nov. 2014, n° 13-19.767, Bull. civ. IV, n° 172 ; D. 2014. 2405 image ; ibid. 2015. 996, chron. J. Lecaroz, F. Arbellot, S. Tréard et T. Gauthier image) : ceux-ci peuvent rejeter la demande lorsqu’ils estiment que la mesure n’est pas utile pour la solution du litige (Com. 17 mars 2021, n° 18-25.236, inédit) ou lorsque l’existence des documents n’est pas établie avec certitude ou du moins vraisemblable (Civ. 2e, 17 nov. 1993, n° 92-12.922, Bull. civ. II, n° 330). Au regard des conditions d’application de l’article 145 du code de procédure civile, l’arrêt rendu par la cour d’appel paraissait justifié.

S’il en va autrement, c’est en raison de nature particulière des documents dont la communication était sollicitée. Il s’agissait de documents contenant des informations relatives à la santé du demandeur auxquelles l’accès est garanti par l’article L. 1111-7 du code de la santé publique. Ce droit d’accéder aux informations concernant sa propre santé est indépendant de toute considération de nature probatoire ; chacun doit pouvoir accéder à celles-ci même s’il n’entend pas se servir des documents recueillis comme preuve. Le but premier de cet accès est en effet qu’une personne puisse avoir connaissance de son propre état de santé. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation estime que le demandeur avait un droit d’y accéder, même si leur utilité pour le litige n’était pas avérée, et qu’elle censure l’arrêt rendu par la cour d’appel. C’est alors l’existence d’un droit du demandeur sur l’information litigieuse qui fonde directement son action, si bien que l’article 145 du code de procédure civile est, en quelque sorte, mis au ban ; bien qu’elle vise ce dernier, la Cour de cassation n’en déduit d’ailleurs aucune conséquence…

L’assureur étant tenu de garantir la communication des informations recueillies au cours de l’expertise amiable qu’il avait diligentée, la demande était en outre bien dirigée : il ne reste plus à l’assureur ou au médecin qu’à communiquer les notes techniques, au pire en biffant les informations d’ordre administratif pouvant s’y trouver…

Cela permet de rappeler qu’il existe deux moyens d’obtenir une preuve.

D’une part, et c’est le cas le plus fréquent, un individu peut revendiquer des documents sur lesquels il ne dispose d’aucun droit quelconque. Seule leur utilité probatoire justifie que ces documents soient communiqués par un tiers et encore le seront-ils uniquement si aucun « motif légitime » (tel un secret) n’y fait obstacle ; une intervention du juge est alors nécessaire dès lors que le concours que doit apporter tout justiciable en vue de la manifestation de la vérité « est celui qui doit être apporté non aux particuliers, mais à l’autorité judiciaire » (Civ. 1re, 25 oct. 1994, n° 92-15.020, Bull. civ. IV, n° 306 ; D. 1994. 257 image).

D’autre part, un individu peut disposer d’un droit sur un élément litigieux ou sur une information détenu par autrui : ce peut être un droit d’accès aux informations concernant sa santé ou encore un droit de propriété… La production de pièces fondée sur un tel droit a d’ailleurs sans doute précédé celle destinée à des fins probatoires (v. sur l’évolution, J.-J. Daigre, La production forcée de pièces dans le procès civil, PUF, coll. « Publications de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers », préf. C. Lombois, Paris 1979). Ce droit sur l’élément litigieux ou sur l’information existe indépendamment de toute intervention du juge. La lecture des articles L. 1111-7 et R. 1111-1 du code de la santé publique permet aisément de s’en convaincre en ce qui concerne le droit d’accéder aux informations concernant sa propre santé. Aucun motif légitime, aucun secret ne peut alors faire obstacle à l’exercice de ce droit même si l’élément recueilli peut finalement servir de preuve. Mais l’article 145 du code de procédure civile n’est pas toujours le fondement le plus judicieux pour obtenir l’élément litigieux en référé ; il peut parfois être plus opportun de demander au juge des référés d’ordonner au tiers détenteur d’exécuter son obligation, dès lors que celle-ci n’est pas sérieusement contestable…

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