Le décès brutal de la magistrate Hélène Pignon bouleverse la justice parisienne
C’était une magistrate appréciée et reconnue. Hélène Pignon, substitut à la section J3 « cybercriminalité » de la troisième division du parquet de Paris, est morte dans son sommeil, vendredi 26 juin, victime d’un accident vasculaire cérébral. L’annonce de son décès a bouleversé la communauté judiciaire parisienne. Âgée seulement de 35 ans, la magistrate, mère de la petite Margaux, 3 ans, était enceinte de plusieurs mois. Lundi, ils étaient nombreux à lui rendre hommage. Personnalités du monde judiciaire – le procureur Rémy Heitz bien sûr, mais aussi son ancien chef François Molins, désormais procureur général près la Cour de cassation, ou encore le bâtonnier Olivier Cousi –, collègues et juristes se sont rassemblés en sa mémoire. « Elle faisait vraiment honneur à sa profession, a par exemple salué l’avocate Chloé Belloy sur Twitter. Je garderai le souvenir d’une grande professionnelle, sensible, efficace, technique, humaine. » Une peine partagée sur l’intranet judiciaire dans un message poignant. « Les mots sont impuissants à exprimer notre peine et notre douleur de voir partir une collègue si jeune, si brillante, si engagée professionnellement, qui bénéficiait de l’estime de tous. »
Après la cour d’appel d’Amiens et le tribunal de grande instance d’Évry, Hélène Pignon, originaire de l’Essonne, était arrivée en décembre 2015 à Paris. Substitut polyvalent, elle avait joué efficacement son rôle de renfort dans les différentes sections du parquet parisien au fil des crises qui ont rythmé la vie de la juridiction ces dernières années, de la section P12 du traitement en temps réel – où elle avait passé de nombreux week-ends lors des premières manifestations des Gilets jaunes – à la criminalité organisée (C2), en passant par la presse et la protection des libertés publiques. Un dévouement rappelé lundi par François Molins : la magistrate répondait toujours présente quand il s’agissait de remplacer au pied levé un collègue le lendemain. « Une pure parquetière à l’esprit d’équipe », résume sa collègue et amie Johanna Brousse.
Hélène Pignon, qui devait rejoindre en septembre le bureau d’entraide pénale de la direction des affaires criminelles et des grâces, était arrivée à la rentrée dernière à la section J3 cyber. Un aboutissement pour la magistrate, qui y a fait des étincelles. « Elle a su montrer d’excellentes compétences dans le suivi d’une enquête à dimension internationale », relevait dans ses observations – la fiche d’évaluation annuelle –, rédigées quelques jours avant son décès, la vice-procureur Alice Cherif, la cheffe de J3. C’est, ajoute la magistrate dans ce document, une « collègue très agréable et d’humeur égale », qui entretient de « très bonnes relations avec ses collègues » et qui est « très appréciée des services d’enquête ». Hélène Pignon s’était notamment beaucoup investie dans une affaire de jackpotting, ce piratage à distance de distributeurs automatiques de billets, qui avait débouché courant mai sur plusieurs mises en examen. Signe que son travail contre la cybercriminalité avait marqué les esprits : des enquêteurs des services spécialisés en cyber de la police judiciaire, dont leur patronne, Catherine Chambon, de la DGSI et des personnels du cyberpompier de l’État, l’ANSSI, étaient également présents lundi sur le parvis pour ce dernier adieu.
La jeune magistrate sera inhumée vendredi à Gif-sur-Yvette. Les magistrats du tribunal judiciaire de Paris espèrent désormais un geste de la ministre Nicole Belloubet en faveur de leur ancienne collègue. Si sa carrière a été trop courte pour répondre au critère des vingt ans d’activité requis pour entrer dans l’ordre de la Légion d’honneur, on rappelle, au tribunal judiciaire, qu’une telle décoration aurait « beaucoup de sens au vu du dévouement dont elle a fait preuve » et du « sens du service public » de la magistrate. Cette reconnaissance posthume aurait également des conséquences très concrètes pour la famille d’Hélène Pignon. Sa fille serait ainsi admissible aux maisons d’éducation de la Légion d’honneur, des établissements d’enseignement public destinés aux descendantes de décorés. « Ce qui nous soucie, c’est l’éducation de sa fille », résume une magistrate. Une cagnotte a déjà été mise en place. Les fonds récoltés seront destinés à financer l’éducation de la jeune fille. Un pot commun déjà abondé par le parquet de New York.
Bilingue – elle avait vécu une partie de son enfance aux États-Unis –, Hélène Pignon avait tissé des liens avec la juridiction de la côte est.