Le régime matrimonial aux dépens de la prestation compensatoire

L’articulation du droit des régimes matrimoniaux et de la prestation compensatoire est une question désormais classique, que la Cour de cassation traite de manière assez simple : la prestation compensatoire s’apprécie indépendamment des droits que les époux tirent de leur régime matrimonial. Dans cet arrêt rendu le 21 septembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation réaffirme cette position, qui a certes le mérite de faciliter le traitement du contentieux, mais dont la pertinence peut être sérieusement débattue.

Deux époux mariés en 1974 sans contrat de mariage ont divorcé aux torts exclusifs de l’époux au terme d’un jugement rendu le 9 juin 2016 qui a ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux et fixé à 150 000 € le montant de la prestation compensatoire due par le mari. En appel, la décision est confirmée mais la prestation compensatoire est fixée à 250 000 € par un arrêt de la cour d’appel de Besançon. À la suite d’un premier pourvoi, l’arrêt d’appel est cassé, mais uniquement en ses dispositions relatives au montant de la prestation compensatoire (Civ. 1re, 3 oct. 2019, n° 18-18.574, AJ fam. 2019. 590, obs. G. Casey, J. Marquet, C. Rollett et A. Sebag image). Sur renvoi, la cour d’appel de Besançon autrement composée fixe la prestation compensatoire à 200 000 € sans prendre en compte le patrimoine dépendant de la communauté de biens ni statuer sur les dépens de la décision cassée.

L’époux succombant forme un nouveau pourvoi articulé en deux moyens. Le premier, relatif à la prestation compensatoire, est rejeté. Le second, qui concerne les dépens de la décision cassée est accueilli favorablement par la première chambre civile, qui casse l’arrêt d’appel sans renvoi puis évoque l’affaire au fond.

Prestation compensatoire et liquidation du régime matrimonial

Le premier moyen reprochait à la cour d’appel de renvoi ne n’avoir pas pris en compte la future liquidation de la communauté de biens entre époux pour déterminer le montant de la prestation compensatoire. Le demandeur au pourvoi estimait que la cour d’appel aurait dû rechercher si la liquidation du patrimoine commun n’était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de l’épouse créancière de la prestation compensatoire. Les juges du fond auraient ainsi privé leur décision de base légale au regard de l’article 271 du code civil (§ 5).

Se posait donc une question assez classique : la liquidation à venir du régime matrimonial doit-elle être prise en compte pour la fixation de la prestation compensatoire ?

Sans grande surprise, le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation s’abrite derrière le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond puis, au terme d’un contrôle lourd, les approuve d’avoir retenu « à bon droit » que « la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n’y a pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir » à la créancière pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux (§ 6).

La Cour de cassation entend ainsi réaffirmer une position déjà bien ancrée (Civ. 1re, 1er juill. 2009, n° 08-18.486 P, D. 2010. 1243, obs. G. Serra et L. Williatte-Pellitteri image ; AJ fam. 2009. 400, obs. S. David image ; Civ. 2e, 24 mai 1991, n° 90-12.224 P, RTD civ. 1992. 64, obs. J. Hauser image ; 14 janv....

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