Les critères d’appréciation de la faute de la victime conductrice

Un conducteur de moto-cross conduit au milieu de la route et avec un casque non attaché. Arrivé à une intersection, il percute une voiture et se trouve ainsi impliqué dans un accident de la circulation lui causant des dommages.

Les victimes (le conducteur et son épouse, victime par ricochet) assignent le conducteur de l’autre véhicule impliqué en réparation ainsi que son assureur.

La Cour d’appel de Versailles fait application de la loi de 1985 sur les accidents de la circulation et reconnaît l’existence, sur le fondement de son quatrième article, de fautes de la part du conducteur victime, susceptibles de réduire son droit à indemnisation de 60 %.

Les victimes forment un pourvoi devant la Cour de cassation.

Dans leur moyen, elles reprochent à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 4 de la loi Badinter en prenant en compte l’attitude de l’autre conducteur pour évaluer le droit à réparation du motard.

La question était de savoir si les juges du fond avaient bien pris le soin de faire abstraction du comportement du conducteur de la voiture pour apprécier les fautes de la victime dans la réalisation de son propre dommage.

L’argument développé dans le moyen est rejeté par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Elle effectue un contrôle normatif lourd de la décision des juges du fond pour rejeter le pourvoi. Les juges du quai de l’Horloge considèrent que la cour d’appel ne fait référence à la voiture que pour déterminer la position du moto-cross et non pour apprécier le rôle de la faute de la victime dans la réalisation de son dommage.

Les conditions du droit à indemnisation

Pour engager le régime d’indemnisation prévu par la loi Badinter, il est nécessaire de démontrer l’existence d’un accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules terrestres à moteurs (VTM). Les conducteurs de VTM introduisent du risque dans la vie des non-conducteurs et même s’ils sont les premières victimes des accidents de la route, ils sont moins bien protégés par la loi que les non-conducteurs (F. Chabas, Le droit des accidents de la circulation après la réforme du 5 juillet 1985, 2e éd, Paris, Litec, n° 179). Le meilleur exemple de cette discrimination se trouve dans le fait que le conducteur peut se voir opposer ses simples fautes afin de voir son droit à indemnisation réduit. Au contraire, pour diminuer le droit à indemnisation des victimes non conductrices, il faudra prouver une faute inexcusable ou volontaire de sa part et cela est rigoureusement apprécié par la Cour de cassation (Civ. 2e, 28 mars 2019, nos 18-14.125 et 18-15.855, D. 2019. 695 image ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; 28 mars 2019, n° 18-15.168, D. 2019. 695 image ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image). Cette dernière juge ainsi que : « seule est inexcusable au sens de ce texte [L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 3] la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». L’article 3 de la loi ajoute même une catégorie de victimes « super-protégées ». En effet, les victimes non-conductrices âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou, quel que soit leur âge, celles titulaires, au moment de l’accident, d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 %, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à la...

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