Les vicissitudes du point de départ du délai de l’appel dirigé contre une ordonnance sur requête
Il est assez peu fréquent que des arrêts relatifs à l’appel des ordonnances sur requête alimentent les recueils de jurisprudence. Il faut dire déjà que les personnes susceptibles d’interjeter appel d’une telle décision ne sont pas nombreuses.
Jusqu’au prononcé de l’ordonnance, la procédure organise en effet un tête-à-tête entre la partie requérante et son juge ; toute autre personne ne peut être qualifiée que de tiers qui, s’il démontre un intérêt, peut tout au plus en référer au juge qui a rendu l’ordonnance (C. pr. civ., art. 496, al. 2). Ce n’est donc que si la requête est rejetée que le requérant peut en interjeter appel, et ce, dans un délai de quinze jours (C. pr. civ., art. 496, al. 1). La manière d’animer la juridiction des requêtes peut rendre peu fréquent un tel rejet : en insufflant un esprit de collaboration, le juge peut demander au requérant de compléter une requête insuffisamment motivée ou, au contraire, d’en ôter certains éléments avant de statuer… Mais, en cas de rejet de requête, la voie de l’appel est ouverte, ce qui oblige à fixer le point de départ du délai dont dispose le requérant pour l’exercer.
Contenu de la solution
Les arrêts rendus par la Cour de cassation avaient pu faire naître quelques hésitations quant à la fixation du point de départ du délai d’appel.
Prenant acte de ce que l’ordonnance rejetant une requête n’avait pas à être notifiée par le greffe ou par une quelconque partie adverse, la Haute juridiction avait commencé par souligner que le délai d’appel court à compter de la date de l’ordonnance, sauf à démontrer qu’elle n’avait pas été remise au requérant le jour de son prononcé (Civ. 2e, 16 juill. 1992, n° 90-21.922 P, D. 1993. 186 , obs. P. Julien ; RTD civ. 1993. 194, obs. R. Perrot ; 16 mai 1990, n° 89-10.243 P, RTD civ. 1991. 172, obs. R. Perrot ). Elle avait ensuite semblé retenir un point de départ alternatif : elle soulignait ainsi que la voie de recours courait « à compter du jour du prononcé de l’ordonnance ou de la date à laquelle le requérant en a eu connaissance » (Com. 24 janv. 2024, n° 22-11.768 P ; Civ. 2e, 22 févr. 2007, n° 05-21.314 P, RTD civ. 2007. 385, obs. R. Perrot ). On pouvait pressentir que ces variations dans la formulation du principe étaient dépourvues de toute portée : ce n’était en définitive que s’il était démontré que l’ordonnance n’avait pas été remise au requérant le jour de son prononcé que le délai d’appel commençait à courir du jour où il en avait pris connaissance. Mais, comme toute variation sémantique, elle pouvait toujours faire naître quelques hésitations. Les voilà dissipées à la suite du prononcé l’arrêt commenté… du moins si, à l’instar de la loi (Civ. 2e, avis, 8 juill. 2022, n° 22-70.005 P, Dalloz actualité, 30 août 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 1498 , note M. Barba ; AJ fam. 2022. 496, obs. D. D’Ambra ), il est susceptible d’être interprété selon une méthode téléologique.
En l’espèce, une ordonnance sur requête est rendue le 29 avril 2021 ; le même jour puis quelques jours plus tard, l’avocat qui avait pris soin de déposer la requête a adressé des courriers pour s’enquérir du sort de son acte. L’appel interjeté par le requérant le 18 juin 2021 a cependant été déclaré irrecevable ; sans nier que le délai d’appel n’avait pu courir du jour du prononcé de l’ordonnance que si le requérant en avait eu connaissance, la juridiction a estimé que la présomption de remise de l’ordonnance le jour de son prononcé n’était pas renversée par les courriers de l’avocat versés aux débats.
La Cour de cassation n’a cependant pas partagé cette manière de voir les choses.
Elle a commencé par...