Mise en état : autorité de chose jugée des ordonnances statuant sur une exception de procédure

La lecture de l’article 775 du code de procédure civile, auquel nous invite le présent arrêt, fournit un parfait exemple du fait que le droit est avant tout un phénomène linguistique :

prenez ce texte qui prévoit, depuis le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, une règle relativement claire : les ordonnances du juge (ou du conseiller) de la mise en état n’ont pas autorité de chose jugée au principal, « à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance » ; interrogez-vous sur la signification de chacun des mots qui le composent ;  vous obtiendrez une incertitude sur le véritable sens qu’il convient de donner à la règle qu’il renferme.

Un exercice concret pour illustrer le propos : isolons la formule « mettant fin à l’instance ». Doit-elle s’appliquer aux « incidents » - terme qui précède immédiatement cette formule - ou concerne-t-elle à la fois ces derniers (sur les incidents mettant fin à l’instance visés définis comme ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du code de procédure civile, V. not. : Cass., avis, 13 nov. 2006, Bull. civ. n° 10 ; D. 2006. 2949 image ; ibid. 2007. 1380, obs. P. Julien image ; RTD civ. 2007. 177, obs. R. Perrot image) et les décisions relatives aux exceptions de procédure ?

Prenons en outre le verbe « statuer » employé par le texte. Il s’agit a priori d’un terme neutre qui couvre aussi bien le cas où il est fait droit à la demande que celui où elle est rejetée (V. en ce sens, R. Perrot, Procédures n° 5, mai 2008, comm. 134). Faut-il en déduire que le texte confère une autorité de chose jugée à toute décision relative à ces exceptions de procédure et à ces incidents d’instance ?

Difficile à dire à la seule lecture du texte.

Fort heureusement, l’un des rôles essentiels de la Cour de cassation consiste à interpréter les textes, c’est-à-dire à leur donner un sens précis. C’est précisément ce que fait sa deuxième chambre civile dans cette décision du 9 janvier 2020 à laquelle elle a donné une large diffusion (F-P+B+I).

En l’espèce, une société avait confié à divers entrepreneurs la réalisation de travaux de construction de lots vendus sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement. Arguant de divers désordres, le syndicat des copropriétaires a obtenu en référé la désignation d’un expert puis a fait assigner au fond la société devant un tribunal de grande instance. Le juge de la mise en état désigné pour instruire l’affaire a été saisi d’une exception de nullité de l’assignation tirée du défaut d’habilitation du syndic. Il a cependant rejeté l’incident par ordonnance. Par jugement, le tribunal a déclaré irrecevable l’exception de nullité de l’assignation et...

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