Modalités d’accréditation des organismes certificateurs des services de MARD en ligne: un système complexe
Le procédurier, entendu comme technicien de la procédure civile et non comme l’amateur de « chicane », avait reçu un « gros Noël » en 2019 avec la réforme « Belloubet », issue principalement des décrets n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et n° 2020-1419 du 20 décembre 2019 (v., parmi d’autres réf., les dossiers publiés sur Dalloz actualité, 20 janv. 2020 et dans D. avocats 2020. 17 s. )… étant rappelé que la réforme « Belloubet » avait commencé bien avant le temps de Noël, avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (v. not. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects numériques, D. 2019. 1069 ).
La version 2020 du « Noël » a été moins volumineuse, ce dont le « procédurier » ne s’est pas plaint : il avait en effet dû essayer de comprendre, retenir et appliquer les changements intervenus en 2019 et aspirait à un peu de répit… qui n’a pas été total. En effet, ses « petits souliers » ne sont pas restés vides au pied du sapin. Le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, précédant le temps de l’avent, a apporté son lot de retouches ou de modifications (not. F.-X. Berger, Réforme de la procédure civile : pas de répit pour les praticiens, Dalloz actualité, 1er déc. 2020 ; C. Lhermitte, Décret du 27 novembre 2020 et appel : une énième réforme qui s’abstient de réformer, Dalloz actualité, 17 déc. 2020 ; C. Bléry, Un juge civil toujours plus lointain… ? Réflexions sur la dispense de présentation et la procédure sans audience, Dalloz actualité, 22 déc. 2020). Puis, pour Noël, le décret n° 2020-1641 du 22 décembre 2020 reportant la date d’entrée en vigueur de l’assignation à date dans les procédures autres que celles de divorce et de séparation de corps judiciaires, et l’arrêté du 22 décembre 2020 modifiant l’arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le tribunal judiciaire, sont venus préciser les conditions de mise en œuvre de la prise de date à compter du 1er janvier 2021 (F.-X. Berger, La saga de « l’assignation à date » : fin de la saison 1, Dalloz actualité, 5 janv. 2021).
Un autre texte, tiré de la hotte de la Chancellerie, est sans doute passé plus inaperçu. C’est le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 relatif à la procédure d’accréditation des organismes certificateurs délivrant la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il est vrai qu’il s’adresse moins au « procédurier » qu’à ceux qui veulent éviter la procédure habituelle : selon la notice, il concerne « les personnes physiques et morales proposant un service en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage, le Comité français d’accréditation (COFRAC), les organismes certificateurs, les personnes physiques et morales utilisatrices desdits services en ligne ». De fait, il s’inscrit dans le mouvement général de la faveur pour les modes amiables de résolution des différends (MARD) ou de règlement extrajudiciaire des litiges (REL) – pour utiliser deux terminologies actuelles –, qui se combine ici avec une autre tendance favorable, elle, à la dématérialisation.
Le décret du 23 décembre 2020 prend place au sein d’un ensemble de textes en vigueur au 1er janvier 2021.
C’est la loi Belloubet qui a légiféré en matière de MARD en ligne (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice…, art. préc.). Bien que n’étant pas la panacée, ne serait-ce que parce qu’on ne fait pas s’entendre des personnes qui ne le souhaitent pas, le législateur impose de plus en plus le recours à des MARD et de manière de plus en plus contraignante. L’article 3 de la loi en a été la « parfaite » illustration, pendant que l’article 4 explorait une conception des MARD, qui existe d’ores et déjà, notamment au Québec, et qui est plus novatrice : c’est en effet la possibilité de recourir à un MARD en ligne.
De fait, l’article 4 de la loi n° 2019-222 a inséré les articles 4-1 à 4-7 à la loi JXXI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 : il a innové en réglementant des services en ligne, de conciliation ou de médiation (art. 4-1), d’arbitrage (art. 4-2) ou d’aide à la saisine des juridictions (art. 4-4). L’existence de ces services en ligne a donc été consacrée par la loi du 23 mars 2019, pendant que leur statut était précisé par les articles 4-1 à 4-7 – statut qui leur est plus ou moins commun (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice…, art. préc.).
En particulier, les personnes (physiques ou morales, rémunérées ou non) mentionnées aux articles 4-1 et 4-2 peuvent proposer un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel, mais ce traitement ne peut être l’unique fondement du service et il doit en tout état de cause être soumis à information et consentement exprès des parties.
En lien avec notre décret de fin d’année, rappelons que ces mêmes personnes peuvent solliciter une certification délivrée par un organisme accrédité dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État évoqué (art. 4-7, al. 1er et 2) – une telle certification étant en revanche accordée de plein droit aux médiateurs de consommation inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation, des médiateurs ou des conciliateurs de justice (art. 4-7, al. 3). Or « les conditions de délivrance et de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont précisées par décret en Conseil d’État » (art. 4-7, al. 4).
En fait, il aurait été plus juste d’écrire « décrets » (au pluriel) puisque, comme trop souvent désormais, deux textes ont, depuis la loi Belloubet, été pris sur le fondement de cet article 4-7, alinéa 4, de la loi JXXI. Ils sont en outre complétés par un arrêté qui leur est commun.
Un premier décret a été publié au JO du 27 octobre 2019, à savoir le décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne, étant précisé que « les dispositions du présent décret entrent en vigueur à une date fixée par arrêté du garde des Sceaux et au plus tard le 1er janvier 2021 » (art. 12). Selon l’article 1er de ce décret, « la certification mentionnée à l’article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée est délivrée par un organisme certificateur sur le fondement d’un référentiel mettant en œuvre les exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-3, 4-5 et 4-6 de la même loi et approuvé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice ». Les articles 3 à 11 réglementent la procédure de demande de certification effectuée par les services en ligne auprès de l’organisme certificateur : celle-ci suppose un audit, une éventuelle mise en conformité avec les exigences textuelles – notamment celle du référentiel sus-évoqué –, les hypothèses de changements dans la situation des personnes proposant les MARD en ligne, les recours en cas de refus, la publicité des listes (actualisées) des services en ligne (cette liste actualisée des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage certifiés est ainsi publiée sur le site justice.fr)…
Or, d’une part, « la multiplication des interlocuteurs en la matière peut laisser dubitatif » (v. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud, Droit de la consommation janvier 2019 - décembre 2020, D. 2020. 624 : avec Mme Élise Poillot, il est permis de s’interroger : « qui orientera les consommateurs dans la jungle des REL ? Quel contrôle sur l’activité des organismes sera exercé une fois la certification accordée et avec quels moyens ? ») ; et, d’autre part, ce décret de 2019 ne se suffit pas à lui-même puisqu’il prévoit une sorte de mécanisme à double détente, ou un système pyramidal.
C’est ainsi que l’organisme certificateur, qui n’est donc pas unique, doit être lui-même accrédité « par le Comité français d’accréditation [COFRAC] ou par tout autre organisme d’accréditation signataire d’un accord de reconnaissance mutuelle multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation, conformément à un référentiel d’accréditation publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 2)… M. Martin Plissonier l’exprime ainsi : « l’accréditation est désormais donnée par le Comité français d’accréditation. Elle peut aussi être donnée par un des organismes eux-mêmes certifiés à certifier » (« Réflexions sur l’incitation au recours aux modes amiables de résolution des différends en matière civile, RLDC 01/10/2020, n° 185, p. 26, n° 8). Même si cela nous semble inutilement compliqué, M. Plissonier (loc. cit.) ajoute que, « dans l’esprit du législateur, cette accréditation est doublement utile : elle encadre le traitement algorithmique du litige et le règlement de petits litiges ».
C’est dans ce contexte que le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 a été adopté, pour permettre l’entrée en vigueur annoncée au 1er janvier 2021 de l’article 1er du décret de 2019. Il s’agit cette fois de préciser « les modalités de l’audit d’accréditation, de la suspension et du retrait de l’accréditation ainsi que les conséquences de la cessation d’activité de l’organisme certificateur ». Autrement dit, c’est l’étage supérieur de la pyramide qui est l’objet du décret ; plus exactement, il s’agit d’organiser l’adoubement de l’étage intermédiaire de la pyramide (composé des organismes certificateurs), afin qu’il puisse ensuite adouber lui-même l’étage inférieur (celui des services en lignes) ?
Selon les articles 1er à 4 du décret de 2020, les organismes certificateurs candidats à l’accréditation mentionnée à l’article 2 du décret du 25 octobre 2019 susvisé doivent ainsi déposent un dossier de demande d’accréditation auprès de l’organisme d’accréditation mentionné à ce même article : sont prévus la durée de l’accréditation, des évaluations régulières du fonctionnement des organismes certificateurs accrédités par l’organisme d’accréditation, l’éventuelle suspension de l’accréditation – à l’initiative de l’organisme d’accréditation – et ses modalités, le retrait de cette accréditation, la cessation d’activité de l’organisme certificateur…
L’essentiel réside dans l’article 5 du décret de 2020… qui reprend l’article 2 du décret de 2019 : cet article 5 dispose que « l’accréditation des organismes certificateurs des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage est délivrée sur le fondement d’un référentiel publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice ».
Les deux référentiels, celui concernant l’étage supérieur et celui nécessaire à l’étage intermédiaire, sont approuvés et publiés en annexes d’un arrêté du 23 décembre 2020 portant approbation du référentiel d’accréditation des organismes certificateurs et du référentiel de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage. En annexe 1, figure le référentiel qui s’adresse aux organismes certificateurs souhaitant être accrédités pour délivrer la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation, ainsi qu’aux services en ligne souhaitant obtenir cette certification. En annexe 2, est publié le référentiel qui « s’adresse aux services en ligne fournissant lesdits services ainsi qu’aux organismes certificateurs délivrant le certificat.
Le premier s’organise en trois parties : domaine d’application du référentiel, références normatives applicables et conditions et critères d’accréditation – les deux premières étant très brèves ; c’est surtout dans la troisième qu’on apprend, par exemple, que pour l’accréditation d’un organisme de certification, une assurance RCP doit être souscrite, que les auditeurs participant aux activités de certification doivent justifier d’une formation et de compétences, dans le domaine de l’audit, de la protection des données personnelles, de la sécurité des systèmes d’information, que l’équipe d’auditeurs peut être renforcée par des experts techniques,… que l’organisme s’engage à communiquer diverses informations en français au ministère de la justice…
Le second comporte deux parties : procédure de certification (qui traite surtout de la durée des audits en un tableau) et critères de certification : ces critères (respect de la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel, confidentialité, obligation d’information,…) sont présentés sous forme de tableaux : ceux-ci comportent des colonnes présentant les caractéristiques, les critères et moyens mis en œuvre, les éléments de preuve internes, le contrôle externe. Les tableaux présentent la déclinaison et le contrôle des différents critères, soit pour tous les services : conciliation, médiation et arbitrage, soit pour certains seulement… de manière technique.
Alors que l’idée est de favoriser les MARD en ligne, il est dommage qu’il faille un empilement de normes, prises à des dates diverses et qui opèrent des renvois entre elles, au risque qu’on ne les voit pas… Si le cadre juridique est complexe, le service au justiciable sera-t-il réel ? Rendez-vous dans quelque temps…