Nouveau retour sur la notion de « fait nouveau » susceptible de faire obstacle à l’autorité de la chose jugée
Le 8 février 2024, un arrêt publié revient une fois de plus sur l’autorité de la chose jugée, notion aussi actuelle que très ancienne (sur laquelle, v. C. Bléry, Retour sur l’autorité de la chose jugée, Le droit en débats, 28 avr. 2020) : l’attribut a pour effet d’interdire de présenter la même demande sauf si un fait nouveau s’est produit entre la première décision et la nouvelle demande. La difficulté porte dès lors sur la notion de fait nouveau : seuls des « événements postérieurs […] venus modifier la situation reconnue antérieurement en justice » peuvent faire obstacle à l’autorité de la chose jugée d’une précédente décision et rendre recevable une nouvelle demande entre les mêmes parties.
Des désordres surviennent dans une maison à la suite d’une sécheresse. Les propriétaires agissent dans un premier temps pour faire dire que leur assureur leur doit sa garantie, donc leur doit paiement de travaux de reprise des fondations. En appel, ils sont déboutés par un arrêt devenu irrévocable.
Par la suite, de nouveaux désordres se produisent qui conduisent les propriétaires à assigner leur nouvel assureur, ainsi que le précédent, en paiement de diverses sommes dont l’une au titre de démolitions. En appel, leur demande est déclarée irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt irrévocable : en effet, selon la cour d’appel, elle « a le même objet, soit l’indemnisation des époux [S] au titre de la garantie catastrophe naturelle souscrite auprès de la société Sogessur relativement à l’événement de catastrophe naturelle reconnu par l’arrêté du 7 octobre 2017 ».
Les propriétaires se pourvoient en cassation pour violation de l’article 1355 du code civil : selon le moyen, la seconde demande, aux fins notamment de condamnation du premier assureur à garantir le coût des travaux de démolition/reconstruction de leur villa avait un objet distinct de la première rejetée par l’arrêt irrévocable, « à savoir la réparation d’un préjudice nouveau compte tenu de l’aggravation des dommages subis par leur maison ».
La deuxième chambre civile casse l’arrêt d’appel pour violation de l’article 1355 du code civil. Elle rappelle la règle de la triple identité exposée par l’article 1355 puis la réserve qu’elle apporte de manière constante : « il résulte du même texte que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation reconnue antérieurement en justice ». Or, justement, les demandes introduites par la seconde assignation « résultaient d’événements postérieurs venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ». Elle fait ensuite application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile et statue au fond : l’instance se poursuivra devant le tribunal...