Nouvelle précision sur le pouvoir du juge de l’honoraire soulevant un moyen d’office
La Cour de cassation poursuit sa construction jurisprudentielle sur l’étendue du pouvoir du juge de l’honoraire (voir récemment, C. Caseau-Roche, Les pouvoirs du juge de l’honoraire : encore une pierre à l’édifice jurisprudentiel, JCP 2020. 1745) en apportant une nouvelle précision sur son office cette fois pour un moyen soulevé d’office dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 22 octobre 2020.
En l’espèce un client a conclu une convention d’honoraires avec son avocat en vue de la défense de ses intérêts. Après avoir acquitté trois factures pour un montant global de 4 200 € et dessaisi son avocat avant la fin de la mission, il a refusé de régler deux nouvelles factures de 1 800 € chacune et a porté sa contestation devant le bâtonnier. Le premier Président, intervenu en appel, a relevé d’office la caducité de la convention et a fixé les honoraires à la somme de 2 200 €, obligeant ainsi l’avocat à restituer la somme de 2000 euros à titre de trop perçu. L’avocat a donc formé un pourvoi contre cette ordonnance en considérant que le juge ne peut relever d’office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Sur le fond, la question, au cœur du contentieux, porte sur la validité de la convention d’honoraires, et plus particulièrement sur le défaut de la fixation du taux horaire, alors même que le mandat du conseil a pris fin avant l’achèvement de sa mission. La Cour de cassation s’est néanmoins concentrée sur le problème de la procédure. Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, elle rappelle (§§ 4 et 5) dans un chapeau interprétatif très pédagogique : « qu’aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience ». Elle censure donc le Premier président d’avoir réduit les honoraires alors que : « le client n’était pas présent à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office, pris de la caducité de la convention d’honoraires » (§§ 7 et 8).
L’arrêt, destiné à la publication, est un arrêt de principe. La nouveauté réside dans le fait que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation applique à la procédure de contestation d’honoraires la solution bien établie pour d’autres procédures. Elle a en effet déjà considéré dans le passé que le juge, qui soulève d’office un moyen, a l’obligation d’inviter les parties à présenter leurs observations (Civ. 2e, 8 déc. 2016, n° 16-13.745 ; 5 juil. 2018, n° 17-20.622). Alors qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, il existe une présomption que les parties ont débattu contradictoirement, la Cour de cassation a précisé que cette présomption cède si une des parties n’a pas comparu (Civ. 2e, 6 mars 2003, n° 02-60.835 ; 21 févr. 2013, n° 11-27.051 ; N. Cayrol, Les moyens retenus par la décision sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement, RTD civ. 2015. 943 ). Désormais la présomption tombe donc également en l’absence d’une des parties devant le juge taxateur sur le fondement du principe directeur du contradictoire.
La solution est cohérente mais elle n’est pas sans soulever d’éventuelles difficultés. Comment en effet apporter la preuve que les parties n’ont pas présenté leurs observations dans le cadre d’une procédure orale ? Une telle preuve peut s’avérer, comme cela a déjà été justement souligné, « une véritable diabolica probatio » (S. Amrani-Mekki et Y. Strickler, Procédure civile, PUF, 2014, n° 240). Ce faisant, combattre la présomption en l’espèce était assez simple car le client avait justifié son absence à l’audience en fournissant un certificat médical.
Devant la cour d’appel de renvoi, le débat contradictoire devrait porter sur la circonstance que le client a mis fin à la mission avant le terme et donc de la possibilité de se référer à la convention d’honoraires. L’affaire montre une fois encore tout l’intérêt de rédiger avec minutie et créativité ladite convention et d’y insérer une clause de dessaisissement (en ce sens, v. C. Caseau-Roche, Rédiger une convention d’honoraires parce que les avocats le valent bien !, D. avocats 2019. 153 ). Cette clause, dont la validité a été consacrée (Décr. n° 2017-1226, JO 4 août, texte n° 9 ; JCP 2017. Prat. 916), présente en effet l’avantage de régler le sort des honoraires en prévoyant qu’ils restent dus nonobstant la fin de la mission avant son terme et partant d’éviter que le juge écarte le contrat en soulevant un moyen d’office. Néanmoins le juge taxateur pourra toujours réduire l’honoraire excessif …