Office du commissaire de justice significateur et procès-verbal de recherches infructueuses : la tentative de signification sur le lieu de travail n’est pas en option !

La Cour de cassation poursuit son œuvre pédagogique relative à la définition des contours de l’office de l’huissier significateur, désormais commissaire de justice (sur le maintien du terme « huissier », v. nos obs, T. Goujon-Bethan, L’office de l’huissier significateur à l’épreuve des boîtes aux lettres, Dalloz actualité, 26 sept. 2022).

En l’espèce, était demandée la nullité pour vice de forme (C. pr. civ., art. 114) d’un procès-verbal de recherches infructueuses (C. pr. civ., art. 659), dont on sait qu’il vaut signification d’une assignation (C. pr. civ., art. 664-1). Ledit procès-verbal était ainsi motivé par le commissaire de justice : « à ce jour, aucune personne répondant à l’identification du destinataire de l’acte n’y a son domicile. À l’adresse indiquée dans l’acte, l’intéressé n’y demeure plus. La boîte à lettres est pleine de courrier et le voisinage m’indique que l’intéressé a quitté les lieux. Ne figure pas sur les Pages blanches de l’annuaire électronique sur internet ». La cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion refuse de faire droit à la demande d’annulation de ce procès-verbal en relevant, d’abord, que les diligences du commissaire de justice sont suffisantes, et ensuite, que le destinataire « n’a pu concevoir aucun grief sur la remise de l’assignation suivant cette forme puisque l’acte mentionne qu’une copie a été envoyée au destinataire à cette adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ainsi qu’un avis par lettre simple ».

Cette décision est cassée par la Cour de cassation. La Haute juridiction, qui exerce un contrôle sur la régularité des significations, prononce une cassation pour double manque de base légale. Elle estime que les constatations de la cour d’appel n’étaient pas suffisantes pour rejeter la demande d’annulation, tant en ce qui concerne la régularité que l’absence de grief.

La régularité : l’exigence d’une tentative de signification sur le lieu de travail

Chacun sait que, lorsqu’il procède à la signification d’un acte à une personne physique, le commissaire de justice peut effectuer une remise à personne en tout lieu (C. pr. civ., art. 689) et qu’il doit tenter une signification à personne prioritairement (C. pr. civ., art. 654) ; ce n’est qu’en cas d’impossibilité de signification à personne que les autres modes de signification sont possibles (C. pr. civ., art. 655). Chacun se rappelle également que la Cour de cassation articule raisonnablement les dispositions relatives à la hiérarchie des modes de signification et celles relatives au lieu : elle considère que l’impossibilité de signifier à personne s’apprécie au lieu du domicile (Civ. 2e, 2 déc. 2021, n° 19-24.170 P, Dalloz actualité, 12 janv. 2022, obs. T. Goujon-Bethan ; D. 2021. 2238 image ; Rev. prat. rec. 2022. 9, chron. D. Cholet, O. Cousin, M. Draillard, E. Jullien, F. Kieffer, O. Salati et C. Simon image). En pratique, le commissaire de justice peut donc, dans un premier temps, se présenter à l’adresse que son mandant lui désigne comme étant le domicile du destinataire et essayer de le trouver pour effectuer une signification à personne. Si la personne est absente, ledit commissaire peut procéder à une signification à domicile, mais uniquement s’il s’est assuré qu’il se trouve réellement au domicile du destinataire.

Il faut bien comprendre ce qui se joue dans ces cas-là. Lorsque l’acte signifié est une citation en justice, c’est le caractère contradictoire de la procédure qui est en cause, celle-ci ne pouvant se dérouler régulièrement sans que n’ait été « appelée » la partie adverse (C. pr. civ., art. 14). Le commissaire de justice est le premier garant du caractère équitable de la procédure (la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH – tient les huissiers de justice pour des organes publics de l’État qui sont donc tenus de respecter les garanties de la Convention : CEDH 11 janv. 2001, n° 38460/97, Platakou c/ Grèce, § 39). Il garantit ainsi non seulement les droits de la défense du destinataire, à l’égard duquel tout doit être mis en œuvre pour l’appeler, mais aussi l’efficacité du jugement à intervenir pour son mandant, s’il...

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