Panorama rapide de l’actualité « Civil » de la semaine du 5 juin 2023

Sélection par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Chargé d’enseignement à l’Université d’Aix-Marseille, et Laurent Dargent, Rédacteur en chef

 

Contrats

Vente à réméré : prescription de l’action tendant à faire juger qu’une partie a valablement exercé une faculté de rachat

L’exercice du droit de réméré constitue l’accomplissement, par le vendeur qui en bénéficie, d’une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente sans opérer une nouvelle mutation. Il en résulte que le vendeur ne retrouve la propriété de son bien, qui a été transférée à l’acquéreur par la vente avec faculté de rachat, que par l’effet de l’exercice régulier de son droit personnel de rachat qui entraîne la résolution de la vente. Viole les articles 2224 et 1659 du code civil la cour d’appel qui pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des vendeurs tendant à voir constater qu’ils ont régulièrement usé de leur faculté de rachat et qu’en conséquence ils sont propriétaires, retient que les vendeurs sont redevenus propriétaires dès la notification de leur choix d’user de leur faculté de rachat et que leur action n’a d’autre objet qu’une revendication immobilière par nature imprescriptible, alors que l’action des vendeurs, en ce qu’elle était fondée sur l’exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat prévue à l’acte de vente, était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-17.992, FS-B)

Contrat d’entreprise: exécution d’une sous-traitance annulée et évaluation de la créance de restitution du sous-traitant

Il résulte des articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 que, dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l’exclusion de ceux qu’il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l’auteur. Viole ces textes la cour d’appel qui pour évaluer la valeur réelle de la prestation d’une société, retient que le sous-traitant est en droit d’obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, comprenant le coût réel des travaux réalisés initialement et celui des travaux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers, tenant ainsi compte de la valeur des travaux réalisés par le sous-traitant pour reprendre ceux qu’il avait mal exécutés. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-13.330, FS-B)

Construction à forfait d’un ouvrage : paiement du prix des travaux supplémentaires et portée de la procédure contractuelle de clôture des comptes

En application de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un ouvrage, il ne peut réclamer le paiement de travaux supplémentaires que si ces travaux ont été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître de l’ouvrage ou si celui-ci les a acceptés de manière expresse et non équivoque, une fois réalisés. La procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties ne peut prévaloir sur la qualification donnée au contrat. Il en résulte que, dans un marché à forfait, le silence gardé par le maître de l’ouvrage à réception du mémoire définitif de l’entreprise ou le non-respect par celui-ci de la procédure de clôture des comptes ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires dont celle-ci réclame le paiement. Viole ce texte la cour d’appel qui pour condamner le maître d’ouvrage à payer à l’entrepreneur, les sommes qu’il réclamait, retient que les parties se sont soumises, conformément au marché, à la procédure d’établissement du décompte définitif telle que définie par la norme NF P 03-001 et qu’à défaut de toute réponse du maître de l’ouvrage dans le délai de trente jours dont il disposait pour accepter ou refuser les observations de l’entreprise, celui-ci est réputé avoir accepté le solde du prix des travaux chiffré par cette dernière, alors qu’elle avait constaté que les parties étaient convenues d’un prix forfaitaire et que l’entrepreneur réclamait, au-delà de ce prix, le paiement de travaux supplémentaires. (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 22-10.393, FS-B)

Filiation

Accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs : constitutionnalité sous réserve

Sous la réserve, la première phrase du 6 ° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, est déclarée conforme à la Constitution.
Sur la garantie des droits
L’article L. 2143-6 du code de la santé publique, créé par la loi du 2 août 2021, prévoit désormais qu’une personne majeure née à la suite d’un don de gamètes ou d’embryons réalisé avant une date fixée par décret au 1er septembre 2022 peut saisir la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur d’une demande d’accès à ces informations.
Les dispositions de cet article prévoient que, dans ce cas, la commission contacte le tiers donneur afin de solliciter et de recueillir son consentement à la communication de ses données non identifiantes et de son identité ainsi qu’à la transmission de ces informations à l’Agence de la biomédecine.
Si ces dispositions permettent ainsi à la personne issue du don d’obtenir communication des données non identifiantes et de l’identité du tiers donneur, cette communication est subordonnée au consentement de ce dernier. Dès lors, elles ne remettent pas en cause la préservation de l’anonymat qui pouvait légitimement être attendue par le tiers donneur ayant effectué un don sous le régime antérieur à la loi du 2 août 2021.
Sur le droit au respect de la vie privée
En premier lieu, les dispositions contestées se bornent à prévoir que le tiers donneur peut être contacté par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur en vue de recueillir son consentement à la communication de ces informations. Elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles est donné le consentement et ne sauraient avoir pour effet, en cas de refus, de soumettre le tiers donneur à des demandes répétées émanant d’une même personne.
En second lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer le respect de la vie privée du donneur, tout en ménageant, dans la mesure du possible et par des mesures appropriées, l’accès de la personne issue du don à la connaissance de ses origines personnelles. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts du tiers donneur et ceux de la personne née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
Sous la réserve de ce qu’en cas de refus, le tiers donneur ne devra pas subir de demandes répétées de la personne, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit donc être écarté.
(Cons. const., 9 juin 2023, n° 2023-1052 QPC)

Interdiction de la filiation entre l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation et le tiers donneur : constitutionnalité (oui)

Le premier alinéa de l’article 342-9 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, et qui prévoit qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre le tiers donneur et l’enfant issu de son don, est conforme à la Constitution.
En premier lieu, le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit, pour le tiers donneur, à l’établissement, selon...

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