Pas de remise en cause du règlement chronologique des conflits de filiation
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, « un système tel que celui de l’Italie, qui prévoit que l’action en contestation de paternité est préjudicielle à l’action en recherche de paternité peut en principe être jugé compatible avec les obligations découlant de l’article 8, eu égard à la marge d’appréciation de l’État. Elle estime toutefois que, dans le cadre d’un tel système, les intérêts de la personne qui cherche à déterminer sa filiation doivent être défendus, ce qui n’est pas le cas lorsque les procédures durent plusieurs années et empêchent l’introduction d’une action en recherche de paternité ».
C’est l’essentiel de ce qui doit être retenu du point de vue du droit français. Pour le droit italien, l’arrêt s’inscrit dans un cadre qui lui donne une autre dimension.
La requérante, née en 1954, a été déclarée à l’état civil sous le nom de sa mère et de son mari. En 2010, elle introduit une action en contestation de la paternité du mari, faisant valoir qu’un autre homme est son véritable père. En 2015, à la suite d’une expertise biologique, le tribunal déclare que le mari n’est pas le père biologique. Mais l’un des frères interjette appel en arguant d’un vice de forme entachant la procédure d’expertise biologique, puis se pourvoit en cassation. Par ordonnance du 16 juin 2021, la Cour de cassation reconnaît qu’il existe une divergence sur la validité du rapport d’expertise et suspend la procédure. Sur ce point, l’affaire est toujours en instance devant les chambres réunies de la Cour de cassation (en discussion, la nature de la nullité concernant le rapport d’expertise ; traditionnellement, cette nullité était qualifiée de relative et ne pouvait être soulevée d’office par le juge ; mais cette interprétation a été contredite en par un arrêt de la Cour de cassation du 6 déc. 2019 selon lequel, si l’expert outrepasse ses fonctions, la nullité est absolue).
En 2016 alors que la contestation de paternité est toujours pendante, la requérante introduit devant une autre juridiction, le tribunal de Rome, une action en recherche de paternité contre l’homme qu’elle pense être son père (plus exactement contre ses héritiers). Le tribunal déclare l’action en recherche irrecevable au motif « que la décision par laquelle les juridictions avaient accueilli le recours en contestation de paternité n’était pas encore définitive, condition préalable en droit interne à l’exercice de l’action en recherche de paternité ».
Le droit italien : similitudes et différences avec le droit français
Le droit italien applique une présomption de paternité à l’enfant issu d’un couple marié. Mais il prévoit que cette paternité peut être contestée par la mère, son époux ou l’enfant, en prouvant que...