Pas de testament-partage sans partage imposé
Le testament-partage est à certains égards un acte nimbé de mystères et à la qualification fuyante (P. Catala, La réforme des liquidations successorales, 3e éd., Defrénois 1982, nos 138 et 140). Bien qu’il soit passé, avec la réforme du 23 juin 2006, de la magistrature domestique à l’acte de propriétaire, il a toujours été consubstantiel à l’idée d’une volonté posthume qui s’impose avec autorité à ses destinataires. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’arrêt rendu ce 13 avril 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
Deux époux communs en biens avaient dressé chacun un testament prévoyant un legs de la quotité disponible à l’un de leurs deux fils et lui offrant une priorité sur le choix des meubles ainsi que la faculté de prélever, à titre d’attribution, un immeuble dépendant de la communauté. Le deuxième fils se voyait quant à lui offrir une semblable faculté d’attribution sur un autre bien immobilier, dépendant aussi de la communauté, et dont il était locataire.
Au décès du dernier des époux, des difficultés sont survenues entre les frères héritiers quant au règlement des successions. Celui qui était désavantagé a sollicité et obtenu la nullité des testaments. La cour d’appel de Rennes a en effet retenu que ces actes constituaient des testaments-partages et qu’ils devaient être annulés comme portant sur des biens communs.
Sur pourvoi du légataire, la décision rennaise est censurée. La Cour de cassation fait sienne la quasi-totalité de l’argumentation du pourvoi. Au visa des articles 1075 et 1079 du code civil, elle énonce en attendu de principe que « le testament-partage est un acte d’autorité par lequel le testateur entend imposer le partage » (§ 4). Or tel n’était nullement le cas puisque la cour d’appel avait constaté que « les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires ». Ces actes ne pouvaient donc pas être des testaments-partages et la cour d’appel n’ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la cassation est prononcée pour violation des articles 1075 et 1079 du code civil.
L’orthodoxie juridique est ainsi bien heureusement préservée par la Cour de cassation, qui se montre plus que jamais gardienne des qualifications juridiques en veillant à limiter leur instrumentalisation. Déjà, en 2013, elle avait ramené les praticiens dans le droit chemin en rappelant que dans le terme « donation-partage » se situe le mot « partage », notion juridique bien précise qu’on ne saurait dévoyer sous prétexte d’optimisation civile et fiscale de la transmission (Civ. 1re, 6 mars 2013, n° 11-21.892 P, Dalloz actualité, 18 avr. 2013, obs. A.-M. Galliou-Scanvion ; D. 2013. 706 ; AJ fam. 2013. 301, obs. C. Vernières ; RTD civ. 2013. 424, obs. M. Grimaldi ; 20 nov. 2013, n° 12-25.681 P, D. 2013. 2772 ; ibid. 2014. 1905, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2014. 54, et les obs. , concl. P. Chevalier ).
Ici, l’enjeu de la qualification était grand, puisque la validité des actes en dépendait. La libéralité-partage, catégorie dont fait partie le testament-partage, consiste en effet pour le disposant à réaliser « entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits » (C. civ., art. 1075). Il est ainsi acquis de longue date qu’un testament-partage ne peut porter que sur des biens dont le testateur a la propriété et la libre disposition, ce qui exclut les biens communs ou indivis (Civ. 1re, 5 déc. 2018, n° 17-17.493 P, Dalloz actualité, 23 janv. 2019, obs. M. Jaoul ; D. 2019. 2216, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2019. 37, obs. N. Levillain ; JCP N 2019, n° 1132, note J. Dubarry ; 16 mai 2000, n° 97-20.839 P, D. 2000. 196 ; RTD civ. 2000....