Perte de chance d’éviter un accident médical : la faute du professionnel de santé n’exclut pas nécessairement l’intervention de l’ONIAM

En l’espèce, en janvier 2009, une patiente présentant des douleurs dans la région latéro-pubienne a été prise en charge au sein d’un centre hospitalier par un chirurgien salarié. Une exploration sous anesthésie locale a été réalisée, sans déceler aucune hernie crurale ou inguinale. Les douleurs persistant, un examen par IRM a été réalisé, et une formation kystique sous-cutanée correspondant à une hernie inguinale atypique à, cette fois, été mise en évidence.

En mars 2009, le chirurgien a réalisé une intervention, afin de procéder à un abaissement du tendon conjoint sur l’arcade crurale, et à la mise en place d’une plaque pour fermer l’orifice externe du canal inguinal. Au cours de cette intervention, la patiente a subi une atteinte du nerf génito-fémoral, qui causera ensuite une névralgie.

En novembre 2016, la patiente et son époux ont assigné en responsabilité et en indemnisation le centre hospitalier et son assureur et ont mis en cause la CPAM, afin d’obtenir réparation du préjudice corporel subi.

En 2019, ils ont appelé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en la cause.

En novembre 2022, la Cour d’appel de Lyon a condamné l’ONIAM à verser à la victime une certaine somme d’argent. Les juges du fond ont retenu que le chirurgien avait commis plusieurs fautes dans sa prise en charge, lesquelles ont augmenté le risque inhérent à l’intervention subie le 4 mars 2009 et ont fait perdre à la patiente une chance, de l’ordre de 50 %, d’échapper à un accident médical. Mais dans le même temps, la cour d’appel a retenu que l’atteinte du nerf génito-fémoral et la névralgie qui en a résulté constituaient un accident médical imputable à l’intervention, pour lequel l’ONIAM devait verser un complément d’indemnisation. Autrement dit, les juges du fond ont distingué entre l’accident médical en lui-même et la perte de chance d’échapper à cet accident médical. Le premier est un dommage qui n’a pour origine aucune faute, et ses conséquences doivent être indemnisées par l’ONIAM. La seconde a pour origine une faute et sa réparation reste à la charge du centre hospitalier et de son assureur.

L’ONIAM a formé un pourvoi en cassation. Dans son moyen unique, il rappelle qu’en vertu de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, lorsqu’une faute a été commise lors de la réalisation de l’acte médical à l’origine du dommage, une indemnisation au titre de la solidarité nationale est exclue. Partant, en mettant à sa charge la réparation des conséquences d’un acte médical fautif, la Cour d’appel de Lyon aurait violé l’article susmentionné.

Le 24 avril 2024, la première chambre civile rejette le pourvoi formé par l’ONIAM, à l’issue d’une motivation relativement développée. À cette occasion, la Haute juridiction précise sa jurisprudence s’agissant des conditions d’intervention de l’Office en présence d’un préjudice de perte de chance d’éviter un accident médical.

Préjudice de perte de chance et intervention complémentaire de l’ONIAM

Situé à mi-chemin entre le préjudice futur – réparable, et le préjudice éventuel – qui ne l’est pas, le préjudice de perte de chance est défini par la jurisprudence judiciaire comme « la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable » (Civ. 1re, 4 juin 2007, n° 05-20.313, JCP 2007. I. 185, n° 2, obs. P. Stoffel-Munck). La perte de chance n’est réparable que si la chance est sérieuse et que la perte est certaine (v. P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Droit des obligations, 10e éd., LGDJ, n° 242). Cette définition de la perte de chance est reprise dans le projet de réforme de la responsabilité civile (Projet de réforme de la responsabilité civile, présenté par J.-J. Urvoas, garde des Sceaux et ministre de la Justice en mars 2017, art. 1238, al. 1er ; Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile n° 678, Sénat, présentée par MM. P. Bas, J. Bigot et A. Reichardt, 29 juill. 2020, art. 1237). Ont ainsi été indemnisées la perte de la chance de gagner un procès par la faute d’un avocat (Civ. 29 avr. 1963, JCP 1963. II. 13226, concl. R. Lindon), ou la perte de chance de réussite à un examen (Civ. 2e, 17 févr. 1961 P, Gaz. Pal. 1961. 1. 400).

En matière...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :

image

  

 SYMBOLE GRIS