Précisions sur l’opposabilité d’un jugement pénal à l’assureur du prévenu

Un artisan, intervenant en qualité de sous-traitant sur un chantier, a été blessé à l’occasion d’une chute. Il a subi une incapacité totale de travail évaluée à plus de six mois. Par voie de citation directe, la victime et des membres de sa famille ont assigné le maître d’ouvrage devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires (C. pén., art. 222-19), tandis que le procureur de la République l’a poursuivi pour avoir omis d’assurer au coordonnateur en matière de sécurité et de santé l’autorité et les moyens indispensables à l’exercice de sa mission (C. trav., art. L. 4744-4). Après avoir ordonné la jonction des procédures, le tribunal correctionnel a condamné le maître d’ouvrage pour entrave à la mission d’un coordonnateur en matière de sécurité, mais l’a relaxé pour les faits de blessures involontaires. Il a en outre rejeté les demandes des parties civiles relatives à cette infraction. Celles-ci ont interjeté appel de la décision.

Par un arrêt du 19 octobre 2022, la Cour d’appel de Chambéry les a déboutées de leur demande d’indemnisation fondée sur la faute civile correspondant à l’infraction de blessures involontaires. En revanche, elle a reconnu le maître d’ouvrage responsable des dommages causés à la victime en raison de la faute civile correspondant au délit d’entrave à coordonnateur et a déclaré l’arrêt opposable à deux sociétés d’assurances qui avaient été appelées en garantie. N’apportant pleine satisfaction à personne, l’arrêt a fait l’objet de trois pourvois en cassation. Le maître d’ouvrage et sa société ont été déchus de leur pourvoi. En revanche, tant le pourvoi des parties civiles que celui des assureurs ont été reçus.

Sur la faute civile découlant des blessures involontaires

La cour d’appel a rejeté la demande indemnitaire des parties civiles fondée sur les blessures involontaires, au motif qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité de l’article 470-1 du code de procédure pénale. Cette disposition déroge aux règles d’indemnisation devant les juridictions répressives : en principe, il n’est fait droit à la demande d’indemnités de la partie civile que si le prévenu a été déclaré pénalement responsable. Par conséquent, en cas de relaxe, la partie civile doit voir sa demande rejetée. L’article 470-1 permet d’anticiper cette conclusion, et de demander au juge réparation en application des règles du droit civil. Il s’agit d’une simple faculté : la partie civile qui ne présente pas cette demande reste recevable à agir devant le juge civil (Cass., ass. plén., 14 avr. 2023, n° 21-13.516, Dalloz actualité, 17 mai 2023, obs. M. Barba ; D. 2023. 1387 image, note S. Pellé image ; ibid. 1488, obs. J.-B. Perrier image ; AJ pénal 2023. 231, note A. Botton image ; RSC 2023. 563, obs. Y. Mayaud image ; RTD civ. 2023. 645, obs. P. Jourdain image ; ibid. 730, obs. N. Cayrol image ; JCP 2023,...

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