Précisions sur le formalisme de la déclaration de tierce-opposition à un jugement arrêtant un plan de redressement
L’exercice de la tierce-opposition dans le contexte d’une procédure collective est source d’un important contentieux (v. Com. 20 janv. 2021, n° 19-13.539, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 3 févr. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 132 ; Rev. sociétés 2021. 201, obs. L. C. Henry ). En règle générale, les difficultés soulevées par cette voie de recours exceptionnelle portent sur ses conditions de fond (par ex., Com. 26 janv. 2016, n° 14-11.298, Bull. civ. IV, n° 16 ; D. 2016. 309, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; RTD com. 2016. 859, obs. J.-L. Vallens ; 15 nov. 2017, n° 16-14.630, Bull. civ. IV, n° 154 ; Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. M. Kebir ; D. 2017. 2366 ; RTD com. 2018. 1024, obs. H. Poujade ). Or, l’arrêt ici rapporté se démarque de cette habitude, car il s’intéresse aux conditions de forme de la tierce-opposition.
En la matière, nous savons notamment que les décisions arrêtant ou modifiant un plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution d’un de ces plans sont susceptibles de tierce-opposition de la part d’un créancier (C. com., art. L. 661-3), à condition pour ce dernier de se prévaloir d’une fraude à ses droits ou d’un moyen qui lui est propre (C. pr. civ., art. 583). En outre, sauf dispositions contraires, la tierce-opposition doit être formée par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2).
L’interprétation de la notion de « déclaration au greffe » est au cœur de l’arrêt sous commentaire.
En l’espèce, un créancier exerce une tierce-opposition à l’encontre d’un jugement arrêtant un plan de redressement judiciaire par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe. Ce recours ayant été jugé irrecevable, en ce qu’il ne répondait pas au mode de saisine de la juridiction prescrit par la loi, le créancier forme un pourvoi en cassation en arguant notamment d’un excès de formalisme nuisant à son droit à l’accès au juge.
Las pour le demandeur, la Cour de cassation ne souscrit pas à l’argumentaire. D’abord, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe exigée à l’article R. 661-2 du code de commerce. Ensuite, elle confirme la sanction de l’irrecevabilité du mode de saisine de la juridiction ne correspondant pas à celui prescrit par la loi. Enfin, la Cour de cassation rappelle que les formalités à observer pour former un recours visent à assurer la bonne administration de la justice et la garantie, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Elle concède, en revanche, que le respect des règles formelles ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible. En l’espèce, la Haute juridiction retient que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n’ont pas pour effet de priver les créanciers de l’exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d’impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire. Par conséquent, la cour d’appel, n’ayant pas fait preuve d’un formalisme excessif, n’a pas méconnu les exigences du procès équitable.
Bien qu’il ne soit pas exempt de toutes critiques, le raisonnement de la Cour de cassation est cohérent, car en retenant une interprétation stricte du formalisme requis pour l’exercice de la tierce-opposition, la Haute juridiction peut ensuite conclure à l’irrecevabilité de la déclaration ne respectant pas le mode de saisine prescrit par la loi.
L’interprétation stricte du formalisme
La solution portée par l’arrêt ici commenté ne surprendra pas les spécialistes de la matière.
En effet, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie, même portant la mention de « déclaration de tierce-opposition », ne pouvait être considéré comme valant déclaration au greffe (par ex., Com. 29 avr. 2014, n° 12-20.988 NP). Autrement dit, pour la Haute juridiction, seule la déclaration au greffe au moyen d’une comparution du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par la lettre de l’article R. 661-2 du code de commerce.
Cette interprétation restrictive de la notion de « déclaration au greffe » peut toutefois être discutée.
En l’espèce, la Cour de cassation cantonne la notion de déclaration au greffe à l’hypothèse...