Préjudice personnel et faute contractuelle invoquée par le tiers

L’arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 octobre 2006 (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255 P, Myr’Ho [Sté], D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister image, note G. Viney image ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès image ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain image ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson image ; AJDI 2007. 295 image, obs. N. Damas image ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud image ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier image ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 123, obs. P. Jourdain image), dénommé « Bootshop Myr’ho », aura sans nul doute été l’une des décisions du début du XXIe siècle les plus commentées en droit civil (v. pour une synthèse F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 755, n° 680 ; Y. Lequette, F. Terré, H. Capitant et F. Chénedé, Les grands arrêts de la jurisprudence civile. Tome 2. Obligations, contrats spéciaux, sûretés, Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2015, p. 228 s., n° 177). Le résumer est fort simple : le tiers au contrat peut invoquer sur le fondement délictuel un manquement contractuel quand celui-ci lui cause un dommage. Récemment, un second arrêt d’assemblée plénière dit « Sucrerie de Bois Rouge » est venu confirmer cette position en janvier 2020 (Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier ; ibid., 27 fév. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 416, et les obs. image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 353, obs. M. Mekki image ; ibid. 394, point de vue M. Bacache image ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; AJ contrat 2020. 80 image, obs. M. Latina image ; RFDA 2020. 443, note J. Bousquet image ; Rev. crit. DIP 2020. 711, étude D. Sindres image ; RTD civ. 2020. 96, obs. H. Barbier image ; ibid. 395, obs. P. Jourdain image). L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 juin 2022 ne revient pas sur le principe de ce que l’on a pu appeler l’identité des fautes contractuelle et délictuelle. En revanche, il apporte une limite dans un contentieux où ce problème est assez récurrent, à savoir celui des successions. Rappelons les faits ayant donné lieu au pourvoi. Une personne physique souscrit le 15 mai 2001 un prêt auprès d’un établissement bancaire pour un montant de 7 500 000 F soit 1 143 367,63 € arrivant à échéance le 31 mai 2008. L’emprunteur a versé le montant de l’emprunt sur un contrat d’assurance-vie souscrit par l’intermédiaire de la société venant aux droits de la banque prêteuse de deniers. Le rachat du contrat d’assurance-vie devait permettre le remboursement du prêt à son terme. Le rachat est intervenu le 3 décembre 2008. Problème : l’emprunteur reste débiteur d’une somme de 684 982,56 € après le rachat. Il rembourse donc le solde du prêt au moyen d’une ouverture de crédit utilisable par découvert en compte consenti par un autre établissement bancaire. L’emprunteur meurt : ses héritiers décident d’assigner l’établissement bancaire en indemnisation des préjudices résultant de manquements à leurs obligations d’information et de conseil envers leur parent emprunteur. La cour d’appel de Paris confirme le jugement de première instance rendu en toutes ses dispositions. Les juges du fond avaient considéré que les héritiers invoquant un préjudice causé par les manquements de la banque se prévalaient non pas d’un préjudice personnel mais subi par leur parent et dont...

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