Prescription de l’action paulienne : point de départ subjectif du délai
L’action dite « paulienne » a pour objectif « d’éviter que le débiteur ne puisse impunément porter atteinte aux droits de ses créanciers par des actes juridiques frauduleux » (J. François, Traité de droit civil, Tome 4, Les obligations. Régime général, 5e éd., Économica, 2020, n° 407). L’article 1341-2 du code civil dispose ainsi que « Le créancier peut (…) agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude » (déjà anc. art. 1167, al. 1, selon lequel les créanciers pouvaient « aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits »). Encore faut-il, toutefois, que le délai de prescription ne soit pas écoulé.
En l’espèce, une action avait été intentée le 4 juin 2010 en vue d’obtenir le paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette. Faisant droit à cette demande, un arrêt du 23 mai 2013 avait condamné le débiteur au paiement, lequel n’eut jamais lieu en pratique. Dès le 18 juin 2010, le débiteur (depuis lors décédé) céda à son compagnon ses parts dans une société civile immobilière. Considérant que cette cession avait eu lieu en fraude de leurs droits, les créanciers assignèrent ce compagnon sur le fondement de l’action paulienne par acte du 18 octobre 2016. L’action paulienne est, en effet, une action personnelle : elle est dirigée contre l’acte frauduleux d’appauvrissement. Par conséquent, selon la Cour de cassation, « l’action paulienne doit être dirigée contre les tiers acquéreurs », c’est-à-dire en l’espèce le bénéficiaire de la cession (Civ. 1re, 6 nov. 1990, n° 89-14.948, RTD civ. 1991. 739, obs. J. Mestre ).
La demande des créanciers fut, cependant, considérée comme irrecevable, le délai de prescription étant écoulé. Selon les juges du fond, le dépôt de l’acte de cession au greffe du tribunal de commerce avait eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession de parts sociales. La publication ayant eu lieu le 2 août 2010, les créanciers étaient en mesure de connaître la cession à cette date, leur action étant donc prescrite le 18 octobre 2016. Les créanciers formèrent alors un pourvoi en cassation, fondé sur une violation de l’article 2224 du code civil et du principe selon lequel la fraude corrompt tout.
Leur argumentation est suivie par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, laquelle, dans un arrêt du 12 novembre 2020, casse l’arrêt de la cour d’appel pour défaut de base...