Prêts libellés en devise étrangère : pas d’automatisme du caractère abusif des clauses litigieuses
Les arrêts concernant les prêts libellés en devise étrangère foisonnent ces dernières années (v. en 2022, Civ. 1re, 7 sept. 2022, n° 20-20.826 F-B, Dalloz actualité 15 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1557 ; CJUE 8 sept. 2022, aff. jtes C-80/21 à C-82/21, Dalloz actualité, 16 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1596 ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. K. De La Asuncion Planes ; Civ. 1re, 20 avr. 2022, FS-B, n° 19-11.599 et n°20-16.316, Dalloz actualité, 12 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 788 ; RDI 2022. 382, obs. J. Bruttin ; RTD com. 2022. 361, obs. D. Legais ). Cette richesse du contentieux est liée à la multiplication à la fin des années 2000 de ces prêts dont certaines variétés ont pu créer une certaine toxicité pour le consommateur emprunteur. On sait que cette thématique est l’un des laboratoires topiques d’étude des clauses abusives tant la jurisprudence a pu utiliser cette qualification pour réputer non écrites certaines stipulations venant insérer un déséquilibre significatif au profit du créancier. L’arrêt rendu le 1er mars 2023 conjugue cette question avec une autre thématique régulièrement en lien avec cette dernière, celle du devoir de mise en garde. À l’origine de l’affaire présentée devant la Cour de cassation, on retrouve deux prêts immobiliers libellés et remboursables en devise étrangère (à savoir, des francs suisses) consentis en mars 2008 et en juillet 2009 par un établissement bancaire à un couple d’emprunteur résidents français qui percevait des revenus en francs suisses. Le 10 juillet 2017, les emprunteurs assignent leur créancier en avançant que certaines clauses des contrats signés en 2008 et en 2009 revêtent un caractère abusif et que la banque a manqué à son devoir de mise en garde concernant le fonctionnement des prêts en question. La cour d’appel saisie du litige rejette la demande concernant le caractère abusif des clauses et considère les emprunteurs irrecevables car prescrits s’agissant de leur demande concernant le devoir de mise en garde de la banque. Ils se pourvoient en cassation reprochant à cette motivation une double violation de la loi, à savoir de l’article L. 212-1 du code de la consommation et de l’article 2224 du code civil.
Leur pourvoi donnera un résultat en demi-teinte : le moyen tiré du caractère abusif n’est pas fondé selon la première chambre civile de la Cour de cassation tandis que celui tiré de la prescription entraîne une cassation pour violation de la loi.
Pas d’automatisme pour la qualification de clauses abusives
Les plaideurs avançaient, dans leur premier moyen, que les clauses « montant du prêt » et « modalités de paiement des échéances » de leurs contrats n’expliquaient pas de manière transparente le fonctionnement du mécanisme utilisé dans les...