Procédure collective : qualité pour saisir la juridiction compétente en cas de contestation sérieuse de créance

Dans le cadre du déroulement d’une procédure collective, le juge-commissaire est amené à statuer sur les discussions intéressant les créances déclarées au passif du débiteur. Ce principe souffre toutefois de deux limites. D’une part, la discussion ne doit pas relever de la compétence d’une autre juridiction. D’autre part, le juge-commissaire ne peut statuer s’il s’élève devant lui une « contestation sérieuse ». Cette dernière notion impose de s’intéresser au pouvoir juridictionnel de ce juge.

Il résulte de l’analyse de la jurisprudence de la Haute juridiction que lorsque le juge-commissaire doit connaître du fond de la créance, il doit statuer en juge de l’évidence, comme le ferait le juge des référés. Ceci permet d’expliquer qu’en présence d’une contestation sérieuse, le juge-commissaire doit constater le dépassement de son office juridictionnel (C. com., art. L. 624-2). Concrètement, dans cette hypothèse, il sursoit à statuer sur le sort de la créance et désigne la partie qui doit saisir le juge « compétent » dans le délai d’un mois de la notification de sa décision sous peine de forclusion (C. com., art. R. 624-5).

Au demeurant, la mise en œuvre de cette règle a déjà fait l’objet d’une jurisprudence abondante et notamment lorsque le juge-commissaire s’abstient de désigner la partie ayant qualité pour saisir le juge compétent. Dans cette hypothèse, il appartient au juge de la vérification du passif d’apprécier les conséquences de la forclusion en cas d’inaction des parties afin de déterminer, en fonction de la contestation, qui avait intérêt à agir (Com. 23 sept. 2020, n° 19-13.748 NP). L’on s’aperçoit ici que la détermination de cet intérêt est cruciale, car la sanction en dépend : si le créancier s’abstient d’agir, sa créance peut être rejetée (Com. 13 mai 2014, n° 13-13.284 P, D. 2014. 1093, obs. A. Lienhard image ; ibid. 2147, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas image ; Rev. sociétés 2014. 405, obs. L. C. Henry image). Au contraire, si l’inaction provient du débiteur, la créance contestée peut être admise (Com. 23 sept. 2014, n° 13-22.539 P, D. 2014. 1936, obs. A. Lienhard image ; RTD civ. 2014. 941, obs. P. Théry image).

L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans la continuité de ces règles, mais pose la question sous un angle différent. En l’occurrence, il s’agissait de savoir, en l’espèce, si la désignation du débiteur au sein de l’ordonnance du juge-commissaire était exclusive de la qualité pour agir du mandataire pour saisir le juge compétent.

En l’espèce, une société a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires les 14 avril 2016 et 5 octobre 2017. Une banque créancière a déclaré, au titre de prêts, quatre créances qui ont été contestées sur le seul plan des intérêts calculés. Par une ordonnance du 18 décembre 2017, le juge-commissaire a admis ces créances pour leur montant en capital restant dû et, pour le surplus, dit que la société débitrice soulevait une contestation sérieuse et l’invitait à saisir le tribunal territorialement compétent de ses demandes formées contre la banque, et ce, dans le délai d’un mois suivant réception de la notification de l’ordonnance, à peine de forclusion. Face à l’inertie du débiteur, le 19 janvier 2018, le liquidateur de la société débitrice a assigné la banque en déchéance du droit aux intérêts contractuels et en responsabilité pour inexécution de...

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