Procédure d’appel : une mini réforme pour un maxi bazar procédural ?

Sur les dispositions du décret du 25 février non spécifiques à la procédure d’appel et l’arrêté du 24 février pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile, v. F.-X. Berger, Décret d’application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : répercussions sur la procédure civile, Dalloz actualité, 3 mars 2022.

 

Un peu plus d’un mois après l’arrêt publié du 13 janvier 2022 (Civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-17.516, Dalloz actualité, 20 janv. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 325 image, note M. Barba image ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra image), dont la solution avait pourtant été annoncée par la Cour de cassation deux ans plus tôt (Civ. 2e, 5 déc. 2019, n° 18-17.867, Dalloz actualité, 13 janv. 2020, obs. C. Lhermitte ; D. 2019. 2421 image ; ibid. 2020. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; AJ fam. 2020. 130, obs. S. Thouret image ; JCP n° 5, 3 févr. 2020, obs. R. Laffly), le législateur a estimé opportun de modifier les textes relatifs à la procédure d’appel en matière civile.

Certains voudront y voir la réaction d’un législateur, un peu mal à l’aise alors que la pratique de l’annexe résulte d’une circulaire (Circ. 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017). Mais s’agit-il réellement de réduire à néant la portée d’un arrêt dont les effets sont évidemment désastreux pour les avocats qui ont tout de même fait preuve d’une certaine témérité ? Ou s’agit-il au contraire de tenir compte de cette jurisprudence, de manière à faire oublier cette funeste circulaire dont les avocats s’étaient abusivement emparés ?

Rien n’est certain, si ce n’est que les apparents correctifs de détails peuvent avoir des conséquences plus lourdes que prévu.

Les textes modifiés

Le décret sous commentaire du 25 février 2022 modifie l’article 901 du code de procédure civile, en y ajoutant, au premier alinéa, les mots « , comportant le cas échéant une annexe » (Décr., art. 1er, 16°). L’article 901 est ainsi désormais rédigé comme suit (l’ajout est en gras) :

« La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle. »

L’arrêté technique du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel est par ailleurs modifié par l’arrêté du 25 février 2022 sous commentaire. Il en résulte que l’article 3 de l’arrêté de 2020 est complété d’un alinéa, de sorte qu’il est désormais rédigé comme suit (ajout en gras) :

« Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4. »

Quant à l’article 4 de l’arrêté, il est réécrit (ajout en gras et suppression en italique) :

« Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »

Quelques légères modifications dont nous pourrons voir qu’elles ne sont pas sans poser quelques problèmes.

901 : l’ajout qui ne sert à rien

La déclaration d’appel peut désormais comporter « le cas échéant » une annexe. Si le terme « annexe » ne mérite pas de précisions particulières, il n’en va pas de même de l’expression « le cas échéant ». Et c’est là que les discussions peuvent s’engager.

Ces termes ne sont pas inconnus du code de procédure civile (v. par ex. art. 909). S’il fallait les remplacer, ils devraient l’être par « si cela est nécessaire ». Par conséquent, l’article 901 prévoit désormais que la déclaration d’appel peut, si nécessaire, comporter un acte joint, appelé « annexe », dont il n’est pas précisé, à ce stade, ce à quoi il peut servir, ni ce qu’il contient, et encore moins sa valeur.

En soi, cet ajout à l’article 901 n’a pas tellement de sens. En effet, cette « annexe » n’a réellement d’intérêt que pour la communication électronique, lorsque l’acte d’appel doit être remis par voie électronique et que l’appelant se heurte à un « empêchement d’ordre technique ». Ce n’est pas pour rien que dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation vise les articles 748-1 et 930-1 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, plutôt que de modifier l’article 901, pour y prévoir une annexe, c’est seulement l’arrêté du 20 mai 2020, voire l’article 748-7 du code de procédure civile, qui aurait dû prévoir qu’« en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer ».

Le législateur n’a pas modifié le bon texte. En l’état, la modification concerne toutes les déclarations d’appel, y compris celles qui sont remises sur support papier en cas de cause étrangère (C. pr. civ., art. 930-1) ou lorsque l’appelant est représenté par défenseur syndical (C. pr. civ., art. 930-2). Cependant, nous ne voyons pas dans quel cas il pourrait être nécessaire de joindre une annexe à une déclaration d’appel sur support papier.

La modification de l’article 901 ne présente donc strictement aucun intérêt.

La valeur de l’annexe ?

L’article 901 ne précise pas que l’annexe s’incorpore à la déclaration d’appel à proprement parler, de sorte que nous ignorons si ce document devra être joint à la déclaration d’appel lorsque l’appelant devra, en application de l’article 901 ou de l’article 905-1, signifier la déclaration d’appel.

En effet, l’alinéa 2 de l’article 902 n’a pas été complété d’un « , comportant le cas échéant l’annexe de l’article 901 alinéa 1er ». L’article 905-1 n’a pas davantage été modifié.

Bien entendu, un premier élément de réponse se trouve à l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020. Mais sa rédaction laisse entendre que l’incorporation de l’annexe à la déclaration d’appel suppose que les services du greffe retournent le récapitulatif du fichier XML avec en accompagnement « la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message ». Si cette annexe jointe au fichier XML n’accompagne pas le récapitulatif, elle ne ferait pas corps avec l’acte d’appel, et n’aurait pas à être signifiée dans le cadre de l’article 902 ou 905-1 (v. aussi Civ. 2e, 5 déc. 2019, n° 18-17.867 P, préc.).

Pour la Cour de cassation, l’annexe fait corps avec la déclaration d’appel, et il aurait été opportun que le texte reprenne cette précision. Quitte à modifier l’article 901, il aurait fallu pousser un peu plus la réflexion, et prévoir l’ajout suivant : « , comportant le cas échéant une annexe faisant corps avec elle », qui n’est que la reprise des termes de l’arrêt de la Cour de cassation.

En l’état, le timide ajout est bien inutile, et risque de poser davantage de questions que de réponses.

L’annexe nécessaire ?

Jusqu’alors, la problématique de l’annexe ne se posait pas pour les actes sur support papier, ce qui concerne les actes d’appel émanant d’un défenseur syndical ou l’appelant ayant rencontré une cause étrangère lors de la remise par voie électronique. La nécessité de recourir à une annexe ne se comprend qu’au regard d’une limitation technique du système de communication, qui n’accepte pas de dépasser les 4 080 caractères, dans l’espace prévu pour y mentionner les chefs critiqués.

Au lieu de reprendre la formule de la Cour de cassation, à savoir « l’empêchement d’ordre technique », l’article 901 admet l’annexe en cas de nécessité, ce qui englobe certainement l’empêchement d’ordre technique, mais pas seulement.

Cependant, en pratique, nous ne voyons pas tout à fait dans quel autre cas une annexe sera nécessaire. Et pour une déclaration d’appel sur support papier, il n’y aura donc jamais lieu à une annexe.

Mais le législateur a vraisemblablement perdu de vue que cet acte d’appel pouvait ne pas être un acte électronique. Si l’envie prenait à un défenseur syndical, ou un avocat rencontrant une cause étrangère, de rédiger deux actes, à savoir une déclaration d’appel et un document annexe listant les chefs critiqués, ces représentants se retrouveraient en difficulté pour justifier ce document joint.

Alors que l’arrêt du 13 janvier 2022 ne répondait qu’à un problème technique de communication électronique, le législateur a restreint l’annexe qui sera exclue lorsque la déclaration d’appel est au format papier, la nécessité de procéder de cette manière ne pouvant être démontrée.

En définitive, donc, la réécriture de l’article 901, qui dépasse la communication électronique, a restreint la possibilité de recourir à une annexe pour y mentionner notamment les chefs critiqués.

Une annexe « fourre-tout »

L’article 901 reste vague sur le contenu de l’annexe. Par conséquent, même si ce document a été imaginé à l’origine pour y mentionner les chefs expressément critiqués de l’article 901, 4°, force est de constater que l’on devrait pouvoir y trouver tout autre chose.

Et en pratique, nous verrons vraisemblablement des annexes qui, au lieu de n’être que la liste des chefs critiqués, seront ni plus ni moins qu’un semblant de déclaration d’appel. Plus exactement, le document sera présenté comme une déclaration d’appel sur support papier, sans pour autant en avoir la valeur.

Ce manque de précision dans le texte, qui n’est peut-être pas volontaire, est néanmoins heureux. En effet, ce faisant, le législateur tue dans l’œuf une discussion quant au contenu de l’annexe. Dans bien des cas, l’appelant met tellement de choses dans l’annexe qu’elle dépasse le nombre fatidique de 4 080 caractères. C’est donc l’appelant lui-même qui est à l’origine de cet empêchement. Il en sera ainsi pour les annexes contenant déjà les prétentions, l’identité des parties appelantes et intimés. Dans un tel cas, l’intimé pouvait soutenir que si l’appelant n’avait mentionné que les seuls chefs critiqués, il n’aurait pas été confronté à un empêchement d’ordre technique.

Même si l’appelant avait déjà de quoi répondre à cette argumentation (v. Procédures d’appel, 2022-2023, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 21-163), il disposera d’un argument de plus à faire valoir.

Les mentions « obligatoires » de la déclaration d’appel remise par voie électronique

Proposition de lecture

L’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 précise que la déclaration d’appel, transmise par voie électronique au format XML, comprend « obligatoirement » les mentions des « alinéas 1 à 4 de l’article 901 ».

Nous aurions préféré l’emploi des termes « les mentions des 1° à 4° de l’article 901 » au lieu de « les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 ».

Les mentions concernées sont-elles : la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté et les chefs du jugement expressément critiqués (C. pr. civ., art. 901, 1° à 4°) ? ou alors l’objet de l’appel (C. pr. civ., art. 54, 2°, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), l’identité de l’appelant (C. pr. civ., art. 54, 3°, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), la date et la signature (C. pr. civ., art. 57, al. 5, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté, à l’exclusion donc du 4° concernant les chefs expressément critiqués ?

Nous pensons qu’il faut lire « les mentions des 1° à 4° de l’article 901 », en attendant une éventuelle rectification à laquelle nous commençons à nous habituer, les textes en procédure étant malheureusement de moins en moins bien écrits.

Ces précisions étant faites, relevons que la déclaration d’appel de l’article 901 prévoit déjà que l’acte de procédure doit contenir les mentions des 1° à 4°, et ce à peine de nullité. L’article 3 de l’arrêté est donc a priori redondant, et ne prévoit pas une nouvelle obligation procédurale à la charge de la partie appelante. Bref, ça ne sert à rien.

Incertitudes

Mais en sommes-nous bien assurés ? Ce qui est un peu dérangeant est que si l’article 901 est édicté à peine de nullité, l’article 3 susvisé n’édicte quant à lui aucune sanction. Et comme il n’y a pas de nullité sans texte (C. pr. civ., art. 114), cette exigence interroge quant à la sanction applicable qui ne serait pas la nullité, non prévue.

Dès lors que l’on considère que l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 est distinct de l’article 901, et ne renvoie pas à cette disposition, notamment quant à la sanction, la nullité pour vice de forme serait exclue. En effet, l’article 3, alinéa 2, concerne le fichier XML transmis par voie électronique, et qui contient les données de la déclaration d’appel.

Nous ne pensons pas que le législateur, sournoisement, ait entendu introduire une nouvelle chausse-trappe. Mais ce faisant, volontairement ou non, il a ouvert la porte à une autre sanction, qui ne pourrait donc qu’être l’irrecevabilité de la déclaration d’appel ne comportant pas ces mentions, dont il est dit qu’elles sont « obligatoires ». En effet, le caractère « obligatoire » peut difficilement se passer d’une sanction, sauf à admettre une obligation de fait facultative, et dès lors que la sanction n’est pas prévue dans le texte, elle ne pourrait qu’être une irrecevabilité (v. pour le caractère non limitatif des art. 122 et 124 : Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image).

Est-ce une volonté du législateur ou une erreur de rédaction ? Nous l’ignorons. Mais ces quelques mots interrogent et pourront générer un nouveau contentieux de l’acte d’appel.

À côté de la nullité, qui ne présentait aucun intérêt depuis 2014 (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; 1er juin 2017, n° 16-14.300 P, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1196 image ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image), et l’effet interruptif de l’article 2241 du code civil appliqué à la déclaration d’appel, il existerait désormais la possibilité d’invoquer une irrecevabilité de la déclaration d’appel qui ne contient pas les mentions obligatoires des 1° à 4°, lorsqu’elle est transmise par voie électronique. Cela concernerait donc la déclaration d’appel ne contenant pas la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté et, surtout, les chefs du jugement expressément critiqués.

En revanche, sauf à lire « alinéas 1 à 4 de l’article 901 » et non « 1° à 4° de l’article 901 », le fichier XML contenant les données relatives à la déclaration d’appel ne doit pas « obligatoirement » comprendre l’objet de l’appel (C. pr. civ., art. 54, 2°), l’identité de l’appelant (C. pr. civ., art. 54, 3°), la date et la signature (C. pr. civ., art. 57, al. 5). Pour ces mentions, il continue de s’agir d’une nullité, comme le prévoit l’article 901.

Pourtant, quitte à admettre un nouveau cas d’irrecevabilité, il aurait pu être davantage intéressant de prévoir une irrecevabilité lorsque l’appelant ne précise, au stade de sa déclaration d’appel, l’objet de son appel, c’est-à-dire s’il tend à l’annulation, à la réformation voire à la nullité.

Mais en l’état de cette rédaction malheureuse de l’article 3, il semble que l’intimé pourra envisager une irrecevabilité de la déclaration d’appel qui ne mentionnera pas les chefs critiqués, ce que la Cour de cassation avait évidemment rejeté jusqu’alors (Cass., avis, 20 déc. 2017, nos 17-70.034, 17-70.035 et 17-70.036, D. 2018. 18 image ; ibid. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean image).

Et comme se pose la question de la recevabilité, se pose celle de la régularisation.

Concernant les chefs critiqués, plusieurs thèses se présentent. La première, la plus sévère, serait que cette régularisation est exclue. Cela ne semble pas cohérent avec la jurisprudence en la matière et priverait de portée toute la construction jurisprudentielle sur l’effet dévolutif de l’appel (Cass., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.034 s. préc. ; 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image).

Il pourrait être aussi considéré que la nouvelle déclaration d’appel pourrait être formée dans le délai d’appel. Mais ici encore, l’articulation avec la jurisprudence de la Cour de cassation peut être difficile.

Le mieux serait de retenir une régularisation dans le délai pour conclure. Cette solution a le mérite de la simplicité et de correspondre à la jurisprudence en matière de dévolution.

Mais une autre question demeure, à savoir celle de la nature de la seconde déclaration d’appel. Jusqu’alors, la seconde déclaration était purement rectificative, sans introduire une nouvelle instance puisque la cour d’appel était régulièrement saisie par la première déclaration (Civ. 2e, 21 janv. 2016, n° 14-18.631 P, Dalloz actualité, 16 févr. 2016, obs. R. Laffly ; D. 2016. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero image ; 16 nov. 2017, n° 16-23.796 P, Dalloz actualité, 7 déc. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; 22 oct. 2020, n° 19-21.186 NP ; v. aussi Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21-211).

Mais si l’irrecevabilité est encourue, alors la seconde déclaration saisit véritablement la cour d’appel, sans être seulement rectificative.

La problématique est insoluble, alors pourtant que la qualification de ce second appel est essentielle au regard de l’effet interruptif ou du délai pour conclure, par exemple.

Nous ignorons si le législateur a voulu sanctionner par l’irrecevabilité la déclaration d’appel transmise par voie électronique qui ne satisferait pas à l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020, mais il est certain qu’en opérant cette modification, il a (encore) mis un beau bazar dans cette procédure d’appel qui se complexifie encore.

Il est regrettable que le législateur n’ait pas réfléchi davantage aux conséquences d’une modification qui est moins anodine qu’elle n’y paraît. En attendant une éventuelle correction, la Cour de cassation précisera peut-être que l’article 3 renvoie nécessairement à l’article 901, de sorte que l’obligation est à peine de nullité.

Compte tenu de la menace qui plane, les avocats devront encore redoubler de vigilance quant à la rédaction de leurs déclarations d’appel. 

Le renvoi au document qui doit être joint

L’article 4 de l’arrêté technique, d’une part, supprime la référence au format XML, tout en renvoyant à l’article 3 qui précise ce format, et, d’autre part, précise que l’acte transmis par voie électronique renvoie au document lorsqu’il doit être joint. L’arrêté prévoit également que lorsqu’un document doit être joint à un acte, cet acte renvoie à ce document. L’article 4 ne concerne pas la seule déclaration d’appel, mais c’est évidemment à cet acte de procédure que l’on pense.

C’est une reprise de l’arrêt du 13 janvier 2022 pour lequel « l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer ». Rien que nous ne sachions déjà.

Il n’est prévu aucune sanction, mais il pourrait être excessif de prévoir de sanctionner la déclaration d’appel ne contenant pas ce renvoi. Il aurait pu être envisagé, éventuellement, une nullité pour vice de forme, ce qui aurait le mérite d’imposer la démonstration d’un grief.

Nous préférons y voir une bonne pratique, de manière à informer le destinataire de la déclaration d’appel de l’existence de ce document annexe. Quoi qu’il en soit, même si l’article 4 de l’arrêté n’avait pas été modifié, il était de bon sens de porter cette précision dans l’acte d’appel.

Cette disposition concerne tout document devant être joint.

Ainsi, pour les appels en matière d’exception d’incompétence, la déclaration d’appel, si elle n’est pas motivée, devra renvoyer aux conclusions jointes à l’acte en application de l’article 85.

Il faudrait aussi renvoyer au jugement dont appel, qui est un document qui doit être joint (C. pr. civ., art. 901, al. 3).

Au regard de la portée générale de l’article 4, il concerne tous les actes, et non seulement la déclaration d’appel. La déclaration de saisine devra renvoyer à l’arrêt de cassation, annexé à l’acte comme le prévoit l’article 1033.

Nous ne percevons pas bien l’intérêt de cette disposition, imposant une nouvelle obligation procédurale qui, fort heureusement, devrait rester sans sanction.

En définitive…

… le législateur aurait dû se garder de cette réforme, a priori anodine mais qui pose de nombreux problèmes sans en résoudre un seul.

Il est tout de même agaçant que les réformes en procédure civile s’opèrent de cette manière, dans la précipitation et sans concertation.

La réforme d’ampleur de 2009, et même de 2017, reposait sur un rapport dit Magendie du 24 mai 2008, qui avait notamment réuni des professionnels éminents qui savaient de quoi ils parlaient. La méthode a du bon, et il serait opportun de réunir les processualistes pour discuter des vraies réformes, celles qui ne défigurent pas un code de procédure civile dont les rédacteurs de 1975 pouvaient être fiers.

 

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 SYMBOLE GRIS