Quel délai pour conclure en cas d’opposition à arrêt ?
Sur appel d’un syndicat des copropriétaires, la cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 14 juin 2016, infirma un jugement, qui avait notamment prononcé la nullité d’une assemblée générale de la copropriété, en condamnant la société financière intimée à verser à l’appelant diverses sommes. L’arrêt étant rendu par défaut, la société financière forma opposition, laquelle fut jugée recevable par la cour d’appel qui prononça cette fois la nullité de l’assemblée générale de la copropriété et écarta les demandes indemnitaires du syndicat. Reprochant à la cour d’avoir écarté l’application de l’article 908 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires inscrit un pourvoi. La seconde branche du moyen soutenait précisément que « sur opposition, l’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition et c’est l’instance même qui a abouti à la décision frappée d’opposition qui recommence et se poursuit ; qu’il en résulte que, lorsqu’une partie forme une opposition à un arrêt d’une cour d’appel rendu dans une matière avec représentation obligatoire, les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile sont applicables ». La réponse de la deuxième chambre civile, qui rejette le pourvoi, est tout aussi limpide : « L’opposition formée contre l’arrêt d’une cour d’appel rendu suivant une procédure avec représentation obligatoire, qui reprend l’instance ayant abouti à cet arrêt, n’introduit pas un appel, de sorte que l’article 908 du code de procédure civile n’est pas applicable à l’opposant, qui n’a pas la qualité d’appelant ».
Bien que le pourvoi ne portât pas sur cette question, un débat intéressant, et finalement induit par la procédure applicable en procédure avec représentation obligatoire devant la cour, avait été initié devant la cour de Grenoble sur le point de savoir si l’opposition avait été valablement formée par voie électronique.
Devant l’absence d’onglet RPVA « opposition », la déclaration d’opposition avait été prise en compte une première fois sous la rubrique « appel », puis une seconde sous celle « déclaration de saisine ». Faute d’onglet spécifique pour un acte qui doit être transmis par voie électronique, la cour jugea le recours recevable en constatant que l’opposition avait bien été formalisée dans le délai d’un mois, avec un document d’opposition joint, par voie électronique, l’avocat prenant la peine de mentionner spécifiquement lors de son second envoi « opposition à arrêt ». Devant les carences du RPVA, il était difficile de faire plus, et la décision est heureuse sur ce point puisqu’il ne faisait aucun doute que c’était bien une opposition qui était conduite et sous la forme électronique exigée. Car si, on le sait maintenant, les délais impératifs des articles 908 et suivants ne s’appliquent pas sur opposition à arrêt, l’article 930-1 du code de procédure civile si !
L’interrogation était légitime tant on finit par se perdre dans le régime applicable à la notification de certains actes de procédure spécifiques (requête en rectification d’erreur matérielle, recours en matière de contestation d’honoraires, notification de mémoire devant la chambre des expropriations…) face à des arrêtés techniques qui ne voient pas le jour et à un article 930-1, placé après la Sous-section 4 « dispositions communes » qui précise qu’ « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». Ainsi, sans égard à un quelconque arrêté technique - à l’instar de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation non prévue par un arrêté technique - l’article 930-1 s’impose pour tous les actes de procédure, remis à la juridiction, en matière de représentation obligatoire.
Mais la problématique posée aux parties n’est pas virtuelle : si la voie électronique est imposée à peine d’irrecevabilité devant la cour, les parties sont-elles contraintes de conclure dans les délais des articles 908 et suivants du code de procédure civile ?
Ce peut être le cas, mais pas nécessairement ! Ainsi, en cas de recours en annulation d’une sentence arbitrale, non seulement l’article 930-1 est applicable (Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-14.708, D. 2019. 1891 ; ibid. 2435, obs. T. Clay ; Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. C. Bléry), mais les parties doivent conclure, à peine de caducité et d’irrecevabilité, conformément aux articles 908 et suivants. Pour le savoir, il faut aller chercher l’article 1495 du code de procédure civile, relatif au recours en annulation, qui opère par renvoi aux articles 900 à 930-1. Les délais pour conclure sont donc concernés. Pour l’opposition, l’article 573 dispose qu’elle « est faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision », l’article 576 ajoutant que « L’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition ». Le RPVA s’imposait donc mais quid alors des délais pour conclure ? La cour de Grenoble avait répondu au moyen adverse que l’article 908 est exclusivement réservé à la procédure d’appel et ne concerne pas celle d’opposition à arrêt, suivie en cela par la Cour de cassation. Un doute pouvait être instillé, et c’était l’objet du pourvoi, puisque l’opposition est « instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition ». Ne pourrait-on pas alors appliquer les articles 908 et suivants ? La réponse est claire : non, et la position de la deuxième chambre civile n’est pas illogique dès lors que face à un arrêt rendu par défaut, il ne s’agit pas, pour le défaillant, d’interjeter appel mais bien d’en obtenir la rétractation. L’appel avait déjà été formé, par la partie adverse qui, par définition, ne serait pas recevable à former opposition, tandis que l’article 908 impose un délai de trois mois au seul appelant, qui n’est pas le demandeur à l’opposition. Et encore, à peine de caducité de la déclaration d’appel, non pas de la déclaration d’opposition. D’ailleurs, lorsque le législateur a souhaité prévoir des sanctions et un délai impératif de trois mois pour conclure (intimé sur appel provoqué, intervenant forcé ou, plus curieusement, volontaire) il l’a dit expressément à l’article 910 du code de procédure civile. Bien que marginaux, il reste donc des domaines en procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel dans lesquels des délais ne sont pas imposés aux parties.