Rapport des libéralités : renoncer à encaisser les loyers, c’est donner

Dans cette affaire, un couple marié sous le régime de la communauté a eu deux filles. Le mari décède le 26 mai 2005 et son épouse le 9 mai 2011. Le règlement du conflit fait apparaître des conflits entre les deux sœurs. En effet, l’une d’elle bénéficiait d’un bail sur des terres agricoles appartenant à leur mère. Toutefois, aucun fermage n’a été payé à la mère entre le 1er janvier 1994 et le décès de cette dernière. Ce sont ces montants dont la sœur demande à ce qu’ils fassent l’objet d’un rapport à la succession. La fille preneuse contestait un tel rapport. Cette dernière alléguait qu’en vertu d’un accord conclu avec sa mère, elle avait réglé en lieu et place des fermages durant ces dix-sept années, l’intégralité des charges foncières afférentes à l’ensemble des biens de ses parents et non seulement celles inhérentes aux biens dont elle avait la jouissance. Les juges de première instance comme ceux en appel (Rennes, 16 juin 2020, n° 18/05187) ont accueilli l’argumentaire de la sœur lésée par les largesses maternelles. En effet, si la cour d’appel constate l’effectivité des paiements des charges foncières par la fille, elle relève que l’héritière n’apportait pas la preuve d’un accord tacite intervenu entre elle et sa mère, bailleuse. Faute d’un tel accord, les juges du fond ont considéré que les sommes abandonnées par la mère entre le 1er janvier 1994 et son décès, le 9 mai 2011, constituaient bien des libéralités dont les montants devaient être réintégrés dans l’actif de la succession.

L’héritière, loin de renoncer décide de se pourvoir en cassation. Elle invite la Cour de cassation à se prononcer sur la nature des sommes que sa mère a négligé de percevoir. Au moyen de son pourvoi, la requérante argue que seule une dette qui existe peut faire l’objet d’une libéralité. La demanderesse considère que les fermages échus entre 1994 et 2005 étaient donc prescrits et que la cour d’appel ne pouvait – sans violer les articles 843 et 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, applicable en la cause – en exiger le rapport.

L’argumentaire ne tient pas pour la Haute juridiction. Très logiquement, la première chambre civile rejette le pourvoi dans un attendu limpide : « Ayant retenu souverainement que la renonciation de [la mère] à recouvrer les fermages échus entre 1994 et 2005 l’avait été dans une intention libérale, la cour d’appel, qui s’est ainsi justement fondée sur le rapport des libéralités et non pas sur le rapport des dettes et qui a considéré que la remise de ces fermages était intervenue...

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