Revirement de jurisprudence concernant le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contre l’avocat

Parmi les arrêts dont il faudra se souvenir pour le millésime 2023, celui rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 juin que nous commentons aujourd’hui aura assurément une place de choix. Publié à la fois au Bulletin mais également aux sélectives Lettres de chambre, il aurait presque pu être promis aux honneurs du rapport annuel, mais la Cour de cassation ne lui a pas octroyé une telle publicité maximale. Il n’en est pas moins l’un des arrêts les plus importants de l’année tant son retentissement sur de nombreuses situations pratiques sera certain. L’arrêt traite, en effet, de la responsabilité de l’avocat et surtout du point de départ de la prescription applicable à cette action. Tout avocat sait à quel point la prescription extinctive peut jouer des tours même pour celui qui pense savoir la manier. La question de son point de départ reste, bien souvent, le nerf de la guerre. Depuis début 2022, on ne recense pas moins de trente décisions publiées au Bulletin dans lesquelles les différentes chambres de la Cour fixent des points de départ divers afin de donner à l’article 2224 du code civil tout son sens. Mais cette fois-ci, l’originalité de la décision est de s’intéresser à l’article 2225, lequel précise que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. Nous l’aurons compris, la principale innovation de l’arrêt du 14 juin 2023 est d’approfondir ce que l’on entend par la fin de la mission de l’avocat. Le terrain n’était pas vierge puisque des décisions avaient déjà pu explorer la question.

Rappelons brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. À l’issue du prononcé d’un divorce, un jugement du 26 janvier 2012 statue sur le partage du régime matrimonial ayant existé entre les époux. Le 26 mars 2012, appel est interjeté de ce jugement. Mais voici que le magistrat chargé de la mise en état constate que la déclaration d’appel est caduque depuis le 26 juin 2012. Les raisons nous importent peu en l’état. Le 16 octobre 2017, l’ancien époux n’ayant pas pu faire valoir ses droits en appel, en raison de la caducité, assigne en responsabilité son avocat qui estime, quant à lui, l’action prescrite car diligentée plus de cinq ans après la décision de caducité. À hauteur d’appel de cette procédure en responsabilité, les juges du fond retiennent que la mission de l’avocat a pris fin à la date de l’ordonnance de caducité. Le client déçu se pourvoit en cassation, estimant que son action n’était pas prescrite. Dans un spectaculaire revirement de jurisprudence et grâce à un moyen relevé d’office, la première chambre civile rend cet arrêt du 14 juin 2023 précisant que « le délai de prescription de l’action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l’exécution de sa mission, court à compter de l’expiration du délai de...

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