Validité de la désignation du bénéficiaire d’une assurance-vie par testament sans la porter à la connaissance de l’assureur
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 10 mars 2022, revient sur la problématique de la désignation ou de la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie. Celle-ci est régulièrement source de contentieux en raison, notamment, de l’emploi de termes nébuleux – tels qu’« héritiers » ou « ayants droit » – dans la rédaction de la clause bénéficiaire (R. Bigot et F. Gasnier, Assurance-vie : l’identification du bénéficiaire désigné sous le terme d’« héritier », ss Civ. 1re, 30 sept. 2020, n° 19-11.187, Dalloz actualité, 4 nov. 2020 ; D. 2020. 1953 ; ibid. 2021. 1257, obs. J.-J. Lemouland et D. Noguéro ; AJ fam. 2020. 608, obs. H. Réol ), ou encore d’un testament annulé ayant pour objet de modifier la clause bénéficiaire (R. Bigot et F. Gasnier, Clause bénéficiaire d’une assurance-vie modifiée par un testament annulé et lettres types non signées, ss Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 18-22.563, Dalloz actualité, 22 déc. 2020). En l’espèce, le problème concernait plus spécifiquement la validité de cette désignation ou substitution, et le formalisme requis en la matière. La Cour de cassation, à nouveau saisie, trois ans plus tard, dans la même affaire (Civ. 2e, 13 juin 2019, n° 18-14.954, Dalloz actualité, 11 juill. 2019, obs. R. Bigot ; D. 2019. 1280 ; ibid. 2020. 1205, obs. M. Bacache, D. Noguéro et P. Pierre ; RGDA juill. 2019, p. 32, note L. Mayaux ; JCP N 2019. 1276, note M. Robineau), prend une position claire sur un sujet sensible, dans un scénario précis d’assurance sur la vie – en présence d’un testament – au visa de l’article L. 132-8 du code des assurances.
Pour rappel, ce texte reprend l’article 63 de la loi du 13 juillet 1930. Il a été modifié par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 (art. 10). Il est entré en vigueur depuis le 19 décembre 2008. L’article L. 132-8 dispose désormais qu’« […] en l’absence de désignation d’un bénéficiaire dans la police ou à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu’avec l’accord de l’assuré, lorsque celui-ci n’est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire […] ». Notons que, dans sa version actuelle, « l’article L. 132-8 mentionne le “contractant” en lieu et place du “souscripteur”, ce qui permet d’intégrer l’hypothèse des assurances de groupe » (M. Robineau, « La validité de la clause de désignation du bénéficiaire », in J.-M. Do Carmo Silva et D. Krajeski, Les grandes décisions du droit des assurances, préf. B. Beignier, LGDJ, Lextenso, 2022, p. 738 s., spéc. p. 739).
Quant au bénéficiaire, il s’agit du « créancier de la prestation promise par l’assureur si le risque convenu se réalise. Sa désignation n’est pas requise pour que le contrat soit valable (C. assur., art. L. 132-8). […] La désignation est libre mais certaines personnes ne peuvent être désignées bénéficiaires, en raison d’un risque de captation. Il s’agit des professionnels de santé ayant soigné l’assuré au cours de sa dernière maladie (à propos d’un médecin ayant soigné l’assuré, v. Civ. 1re, 4 nov. 2010, n° 07-21.303, Dalloz actualité, 16 nov. 2010, obs. S. Lavric ; D. 2010. 2648 ; RTD civ. 2011. 163, obs. M. Grimaldi ). En outre, d’autres personnes sont réputées être en conflit d’intérêts avec l’assuré (le tuteur, le curateur de la personne protégée, C. assur., art....