Vice de forme de la saisie immobilière : nouveau cas de formalité substantielle et adaptation nécessaire de la notion de grief
L’arrêt du 13 janvier 2022 concerne un manquement relativement à la publicité préalable à l’adjudication telle que prévue aux articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. Alors que ces textes ne prévoient pas la sanction de leur non-respect, la Cour de cassation en dégage une – c’est la nullité pour vice de forme –, qui répond aux conditions de l’article 114 du code de procédure civile : pour qu’une telle nullité soit prononcée, il faut une cause de nullité (ici formalité substantielle) et un grief (apprécié de manière adaptée à la saisie immobilière).
Une saisie immobilière, engagée par une banque sur le fondement d’un commandement de payer du 10 février 2016 contre un couple de débiteurs, est émaillée de diverses péripéties. Le juge de l’exécution autorise d’abord la vente amiable du bien immobilier, puis ordonne sa vente forcée, après reprise de la procédure.
La difficulté essentielle suscitée par cette procédure tient dans l’accomplissement des formalités de publicité de cette adjudication : en effet, les débiteurs saisissent le juge de l’exécution d’une demande de nullité des annonces légales et affiches publiées à l’initiative du créancier poursuivant et d’une demande de caducité du commandement de payer valant saisie.
Appel est interjeté de la décision de ce juge.
La cour d’appel rejette la demande de nullité et, subséquemment, leur demande tendant à prononcer la caducité, en considérant que :
• les formalités de publicité, des articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas prescrites à peine de nullité et que la formalité contestée n’est pas une formalité substantielle : elle retient donc qu’« aucune nullité des actes de publicité ne peut prospérer » (notons au passage le raisonnement apparemment contradictoire de la cour d’appel, laissant entendre que, si ladite formalité avait été substantielle, le non-respect de celle-ci aurait conduit à la nullité… non prévue comme sanction) ;
• les actes de publicité sont identiques à la désignation des biens saisis tels que figurant dans le commandement et le cahier des conditions de vente et contiennent une description sommaire conforme à l’article R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution.
Les débiteurs se pourvoient en cassation.
La première branche du premier moyen de leur pourvoi reproche à la cour d’appel une violation des articles R. 311-10, R. 311-11, R. 322-30 et R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble l’article 114 du code de procédure civile : « le non-respect des conditions de publicité préalable à l’adjudication sur saisie immobilière est une cause de nullité lorsqu’il a causé un grief à celui qui s’en prévaut ».
Les trois autres branches du même moyen critiquent cette fois un manque de base légale au regard des mêmes textes : la cour d’appel n’a pas recherché si l’erreur de désignation des biens saisis dans les actes de publicité n’a pas causé un grief aux vendeurs, elle a au contraire ajouté un motif inopérant, à savoir que la désignation des biens figurant dans les actes de publicité était identique à celle figurant dans le commandement valant saisie et dans le cahier des conditions de vente était la même que celle figurant dans les autres actes de la procédure de saisie.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse, sur ce moyen, pour violation des articles R. 311-10, R. 322-31 du code des procédures civiles d’exécution et 114 du code de procédure civile et manque de base légale au regard des articles R. 322-31 du code de procédures civiles d’exécution et 114 du code de procédure civile :
• elle rappelle la teneur des textes et en déduit la règle rapportée au chapô, à savoir que « les actes de publicité préalable à l’adjudication constituent une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui...