N’est pas inconstitutionnelle (contraire au principe de liberté contractuelle et au droit de propriété) la sanction prévue à l’article 1124, alinéa 2, du code civil permettant l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente si le promettant révoque sa promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l’option.
Le juge judiciaire est compétent pour connaître de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en œuvre d’un projet de restructuration, présentées par un CHSCT, même en présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi validé par l’administration.
Bien que la jurisprudence de la Cour de cassation soit déjà très abondante sur les dispositions de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, qu’elle applique avec une extrême rigueur (Civ. 2e, 11 mars 2010, n° 09-13.312, D. 2010. 771, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2102, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin ; ibid. 2011. 1509, obs. A. Leborgne ; 14 oct. 2010, n° 09-69.580, D. 2011. 1509, obs. A. Leborgne ; 31 mars 2011, n° 10-13.929, D. 2102. 644, obs. H. Adida-Canac, O. L. Bouvier et L. Leroy-Gissinger ; 25 juin 2015, n° 14-18.967, D. 2015. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle ; 28 juin 2018, n° 17-19.894, Dalloz actualité, 10 juill. 2018, obs. G. Payan ; 28 juin 2018, n° 17-19.894, D. 2019. 1306, obs. A. Leborgne ; 28 juin 2018, n° 17-15.054, Dalloz actualité, 11 juill. 2018, obs. G. Payan ; 6 sept. 2018, n° 16-26.059, Dalloz actualité, 24 sept. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 1761 ; AJDI 2019. 300 , obs. F. de La Vaissière ; RTD civ. 2018. 972, obs. N. Cayrol ), la décision commentée (Civ. 2e, 14 nov. 2019, n° 18-21.917) en apporte une nouvelle illustration.
Elle s’inscrit dans la lignée de deux arrêts récents.
Dans le premier (Civ. 2e, 22 juin 2017, n° 16-18.343, Dalloz actualité, 11 juill. 2017, obs. L. Camensuli-Feuillard ; D. 2017. 1370 ; ibid. 2018. 1223, obs. A. Leborgne ), la Cour de cassation évoquait pour la première fois le principe repris dans l’arrêt commenté selon lequel la règle posée par l’article R. 331-5 du code des procédures civiles d’exécution: « s’impose à toutes les parties appelées à l’audience d’orientation », sanctionnant le créancier poursuivant, qui, par laisser-aller, n’avait pas répondu au moyen soutenu par le débiteur tiré de la prescription, ni soutenu l’interruption de celle-ci par une autre procédure, pensant pourvoir le faire devant la cour d’appel. Or, n’ayant pas développé ses moyens à l’audience d’orientation, il était irrecevable à le...
L’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, qui interdit toute contestation ou demande incidente formée après l’audience d’orientation à moins qu’elle ne porte sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, s’impose à toutes les parties appelées à l’audience.
L’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, qui interdit toute contestation ou demande incidente formée après l’audience d’orientation à moins qu’elle ne porte sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, s’impose à toutes les parties appelées à l’audience.
La Cour de cassation se penche sur la délicate question sur la cession d’un actif – d’un droit au bail – dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ce droit au bail à l’auteur de l’offre avec faculté de substitution alors qu’une telle faculté n’était pas prévue dans l’offre d’acquisition présentée.
La Cour de cassation se penche sur la délicate question sur la cession d’un actif – d’un droit au bail – dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ce droit au bail à l’auteur de l’offre avec faculté de substitution alors qu’une telle faculté n’était pas prévue dans l’offre d’acquisition présentée.
Est recevable la demande d’annulation du refus de l’administration de respecter ses obligations, même si le requérant n’a pas précisé les mesures qu’il demandait de prendre.
Le 29 août 2016, un salarié relève appel d’un jugement du conseil de prud’hommes qui l’avait débouté des demandes qu’il formulait à l’encontre de son employeur. Une ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 octobre 2016 juge son appel irrecevable et l’appelant la défère à la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Dans le même temps, il interjette un deuxième appel, mais une nouvelle ordonnance du conseiller de la mise en état la juge cette fois caduque, décision devenue irrévocable. Qu’importe, le 17 février 2017, le salarié forme une troisième déclaration d’appel. Par arrêt du 23 mars 2017, la cour d’appel statuant sur déféré infirme la première ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait jugé irrecevable l’acte d’appel du 29 août 2016. Le salarié notifie alors ses premières conclusions au fond le 25 avril 2017 et, par un nouvel arrêt sur déféré, la cour juge la troisième déclaration d’appel dépourvue d’effet compte tenu de la première du 29 août 2016 mais juge cette dernière caduque en raison de l’absence de conclusions au fond de l’appelant dans le délai de trois mois de l’article 908 du code de procédure civile.
Le demandeur au pourvoi prétendait que l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait initialement déclaré irrecevable l’appel avait mis fin à la procédure de sorte que le délai pour conclure était interrompu et que la décision de réformation de cette ordonnance par la cour d’appel avait fait courir un nouveau délai à compter de cette décision. Au visa des articles 914 et 916 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la deuxième chambre civile juge « qu’en statuant ainsi, alors que l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui a prononcé l’irrecevabilité de la déclaration d’appel et était revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l’instance d’appel, de sorte que l’arrêt infirmatif de la cour d’appel, rendu à l’issue d’une procédure de déféré dénuée d’effet suspensif, s’il a anéanti l’ordonnance infirmée, n’a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l’ordonnance déférée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». La deuxième chambre civile casse et annule ainsi l’arrêt en ce qu’il avait constaté la caducité de la déclaration d’appel du 29 août 2016, dit n’y avoir lieu à renvoi et que l’instance se poursuivra devant la cour d’Aix-en-Provence.
Errare humanum est, perseverare diabolicum. Le célèbre adage que l’on attribue généralement à Sénèque n’a décidément pas sa place en procédure civile ; l’entêtement, pour ne pas dire l’acharnement procédural, paie parfois et le salarié appelant, auteur de trois déclarations d’appel successives, lui préféra la maxime populaire « jamais deux sans trois ». Chacun sait qu’avant l’entrée en vigueur au 1er septembre 2017 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appelant pouvait toujours, tant que la signification de la décision n’était pas venue fermer son recours, former un nouvel appel principal alors même que sa première déclaration d’appel avait été jugée caduque (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-14.154 ; 22 sept. 2016, n° 15-14.431, Dalloz jurisprudence), réserve faite en cas d’une seconde déclaration d’appel identique à la première, à l’encontre du même jugement et désignant le même intimé, obligeant alors l’appelant à conclure, à peine de caducité, dans le délai de trois mois à compter du premier acte d’appel, et réserve faite encore qu’un second appel est irrecevable tant que la caducité du premier n’a pas été prononcée (Civ. 2e, 21 janv. 2016, n° 14-28.985, Dalloz actualité, 12 févr. 2016, obs. R. Laffly ; D. 2016. 263 ; ibid. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero et 11 mai 2017, n° 16-18.464, Dalloz actualité, 7 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1053 ). Depuis le 1er septembre 2017, l’article 911-1 nouveau prive l’appelant d’un nouvel appel à l’encontre du même jugement et de la même partie dès lors que sa déclaration d’appel a été antérieurement frappée de caducité ou d’irrecevabilité.
Il faut, pour comprendre le raisonnement de la deuxième chambre civile, se détacher de ces déclarations d’appel successives et se concentrer sur la déclaration d’appel initiale. Car, in fine, le premier appel était bien recevable. L’appelant, il est vrai, n’avait pas mentionné l’intimé sur son premier acte d’appel et seul le contenu de l’acte était dès lors en cause. L’appel ne pouvait ainsi être jugé irrecevable par le conseiller de la mise en état s’agissant d’une simple nullité de forme, ainsi que le juge depuis longtemps la Cour de cassation en pareille occasion (Com. 24 mars 2009, n° 07-21.692, Dalloz jurisprudence ; Civ. 1re, 9 juin 2017, n° 15-29.346, D. 2017. 1254 ). Mais pour le savoir, il fallut attendre l’arrêt sur déféré de la cour d’appel, infirmant l’ordonnance de son conseiller de la mise en état. Entre temps, l’appelant avait régularisé deux nouveaux actes d’appel, mais aucun jeu de conclusions !
La situation étonne. En pareille hypothèse, face à une irrecevabilité encourue de son acte d’appel, et indépendamment de savoir s’il convient de formaliser un nouvel appel, il est de bon ton de conclure dans son délai de l’article 908 prévu à peine de caducité de la déclaration d’appel. En effet, l’ordonnance du conseiller de la mise en état n’étant, par définition, pas définitive en cas de déféré engagé dans les conditions de l’article 916, les avocats de l’appelant comme de l’intimé prennent la précaution, minimum, d’interrompre leurs délais pour conclure en cas d’infirmation par la cour statuant sur déféré. Ce n’était pas l’option, à risque, choisie par l’appelant, qui décida d’attendre que son appel du 29 août 2016 soit jugé recevable par la cour le 23 mars 2017, soit sept mois plus tard, pour rendre de premières écritures notifiées le 27 avril 2017, soit huit mois plus tard, ou encore cinq mois après l’expiration de son délai prévu à peine de caducité pour conclure !
La cour d’appel ayant jugé la première déclaration d’appel caduque faute pour l’appelant d’avoir conclu dans le délai de trois mois, le moins que l’on puisse dire est que sa situation était mal engagée devant la Cour de cassation. Mais le salarié – persévérant, on l’aura compris – a soutenu devant la Cour de cassation que son délai pour conclure n’avait commencé à courir qu’à compter de l’arrêt déclarant son appel recevable. Et il a triomphé.
Disons-le, on aurait misé bien peu, ou plutôt rien, sur un succès devant la deuxième chambre civile. Faut-il y voir alors un effet du récent changement de sa présidence ? On ne pariera pas non plus ce point. Toujours est-il que la haute cour a estimé, on se plaît à le redire, qu’alors que l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui a prononcé l’irrecevabilité de la déclaration d’appel et était revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l’instance d’appel, de sorte que l’arrêt infirmatif de la cour d’appel, rendu à l’issue d’une procédure de déféré dénuée d’effet suspensif, s’il a anéanti l’ordonnance infirmée, n’a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l’ordonnance déférée, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
L’arrêt est à la fois remarquable et étonnant. Remarquable car l’on peut facilement compter (sur les doigts d’une main) les arrêts publiés de la deuxième chambre civile rendus depuis l’entrée en vigueur des décrets Magendie, qui ont retenu l’article 6 de la Convention européenne pour venir au secours des plaideurs. Ce fut le cas avec l’avis du 12 juillet 2018 à propos de la notification entre avocats de la déclaration d’appel, mais la motivation était moins surprenante puisqu’elle reposait notamment sur l’inutilité d’une obligation sanctionnée par une caducité au regard d’une situation procédurale courante (Civ. 2e, avis, 12 juill. 2018, n° 18-70.008, Dalloz actualité, 12 sept. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1558 ; ibid. 2048, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2018. 570, obs. M. Jean ). L’arrêt surprend en tout cas car, dans une telle situation et comme observé supra, les avocats ont pour habitude de ne pas attendre le sort du déféré pour interrompre leurs délais, certaines dates d’audiencement du déféré permettant à la fois à l’appelant et à l’intimé de conclure au fond. Et quand bien même la même affaire fait l’objet de deux numéros de rôle distincts (l’un au fond, l’autre sur déféré), la notification de conclusions dans les délais des articles 908 et suivants est parfaitement possible. C’est encore le principe de célérité, qui gouverne l’esprit des textes et qui a maintes fois été rappelé par la Cour de cassation elle-même, qui permettait de militer pour l’absence d’effet interruptif. Car il s’agit bien de cela, pour la Cour de cassation, le délai pour conclure de l’appelant était interrompu dans l’attente du sort du déféré, lui ouvrant un nouveau délai de trois mois pour conclure.
On cherchera, mais en vain, une disposition légale permettant en pareil cas de retenir une interruption du délai pour conclure dans le code de procédure civile. La Cour de cassation le savait bien et invoqua ce que l’on qualifierait volontiers de tautologie, le « principe de sécurité juridique ». L’appelant pouvait se permettre d’attendre le sort du déféré, sans conclure au fond. On a cependant du mal à comprendre pourquoi l’ordonnance déférée, ayant autorité de chose jugée dès son prononcée et infirmée ensuite par la cour d’appel, interdirait de conclure au fond et, partant, pourrait être une menace sur la sécurité juridique. Et pourquoi cette autorité de la chose jugée d’une ordonnance qui mettrait fin à l’instance d’appel serait une atteinte à la sécurité juridique alors que, dans le même temps, les parties peuvent exercer un recours contre elle et conclure au fond ? La motivation peut s’avérer d’autant plus déroutante que la haute cour n’avait pas habitué les parties et leurs avocats à tant de mansuétude. On ne compte plus (deux mains n’y suffiraient pas), loin de toute conception de sécurité juridique, les arrêts de la deuxième chambre civile écartant l’application de l’article 6 de la Convention européenne ou bien ceux retenant des sanctions de caducité ou d’irrecevabilité, alors même qu’aucune disposition légale ne les prévoyait. Preuve en est que ces sanctions nées d’une construction prétorienne ont, la plupart du temps, été codifiées avec le décret du 6 mai 2017. La prévisibilité de la norme, dit-on, ressort pourtant, elle, du principe de sécurité juridique…
L’appel était en tout cas antérieur à l’entrée en vigueur de ce décret, et l’on pourrait légitimement se poser la question de la pérennité d’une telle jurisprudence au regard du nouvel article 910-1 du code de procédure civile : « les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées, à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige ». Certes, la position de la Cour de cassation pourrait être maintenue, mais l’idée induite par cette disposition n’était-elle pas de mettre un terme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui permettait d’interrompre les délais pour conclure au fond par la notification de conclusions d’incident, qu’il s’agisse d’une exception de procédure ou d’un incident de nature à mettre fin à l’instance ou d’une fin de non-recevoir, comme l’irrecevabilité de l’appel ?
Il n’est pas si compliqué de conclure au fond lorsque l’on bataille parallèlement sur incident et il nous semble y avoir bien d’autres hypothèses où la sécurité juridique des parties est mise à mal par nos décrets de procédure successifs.
Attendre le sort de l’incident d’irrecevabilité de l’appel, jusque sur déféré, pour conclure au fond nous paraît en tout cas, toujours, un jeu à risque. Mais, on vient de le voir, la chance sourit parfois aux audacieux. Audaces fortuna juvat. Ce salarié était, décidément, plus adepte de Virgile que de Sénèque.
Le délai de trois mois de l’appelant pour conclure court à nouveau à compter de l’arrêt sur déféré infirmant l’ordonnance du conseiller de la mise en état, revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée, qui avait jugé l’appel irrecevable.
L’obligation faite à l’appelant, induite par l’article 902 du code de procédure civile, de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai d’un mois suivant la réception de l’avis du greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel.
Par application combinée des articles 902, alinéa 3, du code de procédure civile et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, et après avoir rendu un avis tant remarqué que remarquable relevant de la même problématique dans les procédures à bref délai (Civ. 2e, avis, 12 juill. 2018, n° 18-70.008, Dalloz actualité, 12 sept. 2018, obs. R. Laffly), la deuxième chambre civile juge « que l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai d’un mois suivant la réception de l’avis que le greffe adresse à l’avocat de l’appelant, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel ».
La situation d’espèce était celle très classique d’une procédure d’appel ordinaire. Le 28 février 2018, l’avocat de l’appelant reçoit par voie électronique l’avis prévu à l’article 902 du code de procédure civile d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimé non constitué et celui-ci constitue avocat devant la cour le 8 mars 2018, c’est-à-dire dans le mois ouvert à l’avocat de l’appelant pour notifier à son confrère la déclaration d’appel, ce qu’il ne fait pas. La cour d’appel de Limoges confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui avait constaté la caducité de la déclaration d’appel dès lors que l’article 902 « ne donne pas lieu à interprétation » puisqu’il précise en son alinéa 3 qu’« à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ». La deuxième chambre civile casse et annule sans renvoi l’arrêt rendu et dit que l’affaire se poursuivra devant la cour d’appel de Limoges.
Cette dernière, qui avait jugé que le texte ne souffrait pas d’interprétation, est donc censurée et devra juger l’affaire au fond car, précisément, la rédaction hasardeuse de l’article 902 issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 donne lieu à interprétation ! La compréhension de l’alinéa 3 était tout sauf évidente du fait de l’emploi combiné d’un point-virgule censé séparer des propositions indépendantes dans une phrase et de l’adverbe « cependant » qui pouvait se rapporter à la sanction de caducité visée en début de phrase.
En effet, comme en témoigne l’avis précité de la Cour de cassation à propos de l’article 905-1 du code de procédure civile, apparu aussi avec ce même décret pour les procédures à bref délai et qui reprend littéralement la même formule (excepté que le délai de signification d’un mois est de seulement dix jours), il avait fallu l’interprétation de la deuxième chambre civile, par la procédure d’avis, pour éclairer avocats et magistrats sur la sanction réellement encourue.
La division qui régnait dans l’interprétation des articles 902 et 905-1 par les cours d’appel témoignait encore de cette confusion : tantôt la structure générale du texte faisait que l’absence de cette diligence devait entraîner la caducité, tantôt, pour d’autres cours, la sanction ne concernait que le défaut de signification et non celui de notification entre avocats et, pour d’autres enfin, si la notification à l’avocat de l’intimé devait être accomplie à titre informatif, elle ne devait pas l’être nécessairement dans le délai de dix jours.
Au regard de l’avis 12 juillet 2018, la solution de la Cour de cassation était donc attendue et l’on se référera à cet avis très didactique et empreint de sagesse puisque la Cour de cassation avait déjà convoqué les règles générales internes issues du décret du 6 mai 2017 et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.
Rappelons une dernière fois cette réponse, sous-jacente à la solution laconique donnée par l’arrêt du 14 novembre 2019 mais tout à fait transposable puisque la haute juridiction faisait déjà référence à l’article 902 : « L’obligation faite à l’appelant, par les articles 902 et 905-1 du code de procédure civile, de signifier cette déclaration d’appel à l’intimé tend à remédier au défaut de constitution de ce dernier à la suite de ce premier avis du greffe, en vue de garantir le respect du principe de la contradiction, exigeant que l’intimé ne puisse être jugé qu’après avoir été entendu ou appelé. L’acte de signification de la déclaration d’appel rappelle donc que l’intimé qui ne constitue pas dans les quinze jours suivant cet acte s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. Une fois que l’intimé a constitué un avocat, cet objectif recherché par la signification de la déclaration d’appel est atteint.
En outre, l’article 905-1 n’impose pas que la notification de la déclaration d’appel entre avocats contienne d’autres informations, sachant, par ailleurs, que l’avis de fixation à bref délai est transmis par le greffe à l’avocat de l’intimé, dès qu’il est constitué, conformément aux articles 904-1 et 970 du code de procédure civile. Dans ces conditions, sanctionner l’absence de notification entre avocats de la déclaration d’appel, dans le délai de l’article 905-1, d’une caducité de celle-ci, qui priverait définitivement l’appelant de son droit de former un appel principal en mettant fin à l’instance d’appel à l’égard de l’intimé et en rendant irrecevable tout nouvel appel principal de la part de l’appelant contre le même jugement à l’égard de la même partie (C. pr. civ., art. 911-1, al. 3), constituerait une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Du 25 novembre au 6 décembre, la cour d’assises de Paris juge six personnes, toutes d’origines nigérianes, pour traite d’êtres humains en vue de tirer un bénéfice de leur prostitution. C’est l’une des premières fois qu’un réseau de proxénétisme nigérian est jugé aux assises. Les plaidoiries et réquisitions doivent débuter ce mercredi 4 décembre.
Dans un arrêt rendu le 29 novembre, le Conseil d’État complète son édifice jurisprudentiel en matière de contentieux de la démolition des ouvrages publics. Il reconnait que le juge du plein contentieux peut être saisi directement d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté.
La loi de transformation de la fonction publique avait prévu une réduction très sensible des attributions des commissions administratives paritaires. Un décret du 29 novembre organise cette attrition tout en précisant les modalités de mise en œuvre du nouvel outil de transparence prévu par la loi, les lignes directrices de gestion.
Dans le cadre de l’adoption d’un plan de sauvegarde, la notification au créancier d’une lettre de consultation à laquelle n’est pas joint l’un des documents exigés par l’article R. 626-7, II, du code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse de trente jours prévu par l’article L. 626-5, alinéa 2, du même code.
L’arrêt du 21 novembre 2019 est appelé à une diffusion des plus larges, ainsi qu’en atteste la mention F-P+B+I dont il est revêtu. En l’espèce, un homme bénéficiant d’une mesure de tutelle avait fait l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement, tantôt sous le régime d’une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d’un programme de soins. Le 7 décembre 2018, le préfet a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète. Le 11 décembre suivant, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, il a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de cette mesure.
Le pourvoi, articulé par le patient et son tuteur, reprochait au premier président d’avoir constaté que l’appel était devenu sans objet et que le requérant était irrecevable à contester la régularité de la procédure administrative de soins au motif que, d’une part, un certificat médical en date du 26 décembre 2018, avait demandé la modification de la prise en charge du patient sous une autre forme que l’hospitalisation complète et, d’autre part, il ne lui appartenait pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure. Or, selon le pourvoi, en l’absence de toute décision du préfet sur une éventuelle modification du régime des soins, il appartenait au premier président de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par le préfet et contestée par le requérant. Le pourvoi faisait valoir, en outre, que les irrégularités de la procédure de soins psychiatriques affectant la décision du juge de la liberté et de la détention, peuvent être contestées pour la première fois même en cause d’appel. La cassation était ainsi sollicitée pour violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ainsi que des articles L. 3211-3, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique.
La Haute juridiction accueille l’argumentation du pourvoi sur tous ces aspects. Elle rappelle, d’abord, au visa de l’article 4, alinéa 1er, du code de procédure civile, que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties. Il appartenait, en conséquence, au premier président de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par le préfet, en l’absence de décision de ce dernier levant toute mesure de soins sans consentement. Le certificat médical de demande de modification de la prise en charge, intervenu depuis la décision administrative, est sans incidence à cet égard. Celui-ci n’est pas, en d’autres termes, de nature à affranchir le juge de sa mission de contrôle des mesures de soins contraints, quelle que soit la forme sous laquelle elles sont mis en œuvre (CSP, art. L. 3211-12 et L. 3211-12-1). L’arrêt censure, ensuite, au visa des articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique, l’ordonnance du premier président au motif que « dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d’un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d’appel ». Encourt, dès lors que la cassation l’ordonnance qui, « pour rejeter les conclusions de nullité, (…) retient que, dès lors que le juge des libertés et de la détention a statué dans un délai de douze jours après la décision de réintégration du préfet, il ne lui appartient pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure ».
La solution est parfaitement orthodoxe à l’aune des dispositions de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique. Ce texte reconnaît au juge des libertés et de la détention rationae materiae la compétence la plus étendue pour contrôler la régularité des mesures de soins forcés, qu’il s’agisse de soins ambulatoires ou hospitalisations complètes. Le contrôle judiciaire de la décision administrative de réadmission en hospitalisation complète, intervenu en première instance, ne purge donc pas de son éventuelle irrégularité l’arrêté antérieur de maintien de la mesure de soins contraints sous la forme ambulatoire, lequel doit être communiqué au juge à l’occasion du contrôle de la décision de maintien de la mesure de soins psychiatriques, quelle qu’en soit la forme (CSP, art. R. 3211-12).
En l’absence de décision du préfet levant toute mesure de soins sans consentement, il appartient au premier président de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par celui-ci. Le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d’appel.
La décision sous commentaire est à la fois dense et riche d’enseignements, ce qui justifie sa publication au bulletin et sa diffusion sur le site internet de la Cour de cassation.
Une banque engage à l’encontre d’époux, des poursuites de saisie immobilière sur le fondement de deux actes notariés contenant prêt souscrits en 2003 et 2006.
La même banque, créancier poursuivant, est également créancier inscrit en vertu d’une garantie hypothécaire octroyée par les mêmes époux et d’un engagement de caution de l’épouse pour garantir le remboursement d’un prêt consenti en 2007 à une société (dont l’un des époux est gérant) pour financer une opération immobilière ; à ce titre, elle déclare deux créances.
À l’origine, ce dernier crédit devait être remboursé au fur et à mesure de la vente des appartements issus de l’opération projetée.
Mais, en 2010, alors que le premier crédit accordé en 2007 n’a pas été remboursé, la banque consent un nouveau financement à cette société et cet accord prévoit que le produit de la vente des appartements objets de l’opération financée serait imputé, non plus sur le crédit originaire, mais sur le découvert autorisé du compte centralisateur de l’opération immobilière.
Lors de l’audience d’orientation les saisis élèvent des contestations et forment une demande incidente. Le juge de l’exécution rejette les contestations et autorise la vente amiable.
La cour d’appel, confirme le jugement d’orientation mais déboute les saisis de leur demande de vente amiable.
Les saisis forment un pourvoi et développent trois moyens.
En premier lieu, en se fondant sur les articles 502 du code de procédure civile et R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution, ils reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir retenu leur demande de nullité du commandement de payer valant saisi en soutenant que lors de sa signification, l’huissier de justice aurait dû leur remettre une copie des actes notariés de 2003 et 2006, titres exécutoires servant de fondement à la procédure de saisie immobilière.
Fort logiquement, la Cour de cassation écarte ce moyen en rappelant : « qu’il ne résulte pas de l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution, seul applicable à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, l’obligation pour l’huissier de justice qui signifie cet acte de remettre au débiteur saisi une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise ».
En effet, l’article R. 321-3, 2°, dispose que le commandement doit comporter notamment :
« L’indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré », mais pas davantage.
C’est ce que l’arrêt rappelle, ce qui est fort bienvenue pour la pratique quotidienne des huissiers de justice.
En deuxième lieu, en se fondant sur les articles 1134, 1165, 1234, 1235 dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 2288 du code civil, les saisis reprochent à la cour d’appel d’avoir rejeté leurs demandes relatives à l’extinction des créances déclarées par la banque.
Comme cela a été précisé, la banque, créancier poursuivant, avait aussi la qualité de créancier inscrit et avait à ce titre, déclaré deux créances pour lesquelles le débiteur principal était une société, les saisis, garants hypothécaires et l’épouse seule, caution.
Les époux soutenaient que ces créances étaient éteintes car leur engagement était limité à la somme de 1 200 000 euros, or, le produit de la vente des appartements avait permis à la société, débiteur principal, de régler plus de 7 000 000 d’euros à la banque.
Il faut ici rappeler que, depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation (Cass., ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.210, D. 2006. 729 , concl. J. Sainte-Rose ; ibid. 61, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 733, note L. Aynès ; ibid. 1414, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2855, obs. P. Crocq ; AJ fam. 2006. 113, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2006. 357, obs. B. Vareille ; ibid. 594, obs. P. Crocq ; RTD com. 2006. 465, obs. D. Legeais ), il est admis que la sûreté pour autrui qui porte sur un bien immobilier n’est pas un cautionnement : « une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l’obligation d’autrui n’est pas un cautionnement », même si l’avant-projet de réforme des sûretés laisse penser que cette position pourrait être bouleversée (G. Pillet, Assimilation du cautionnement réel au cautionnement : nature des choses ou expédient ?, JCP n° 17, 29 avr. 2019. 449).
Aussi, le garant n’est-il pas tenu personnellement à la dette mais propter rem, donc l’argumentation des époux saisis, consistant à démontrer que la créance avait été réglée par le fruit des prix de vente des appartements était fondée, surtout que l’acte de prêt de 2007 le prévoyait.
Cependant, en 2010, à la suite d’un nouveau financement bénéficiant à cette société, il avait été convenu entre la banque et le débiteur principal que le produit de la vente des appartements objets de l’opération financée serait désormais imputé sur le découvert autorisé du compte centralisateur de l’opération immobilière.
L’épouse, caution, qui n’était pas partie à cet acte, soutenait que cette modification ne lui est pas opposable et que sans son accord, le créancier ne pouvait modifier l’imputation des paiements convenue à l’origine.
La Cour de cassation écarte également ce moyen et selon elle, les créances de la banque ne sont pas éteintes car, aux termes de l’article 1253 du code civil (abrogé par l’ord. n° 2016-13 du 10 févr. 2016), le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paie, quelle dette il entend acquitter.
Elle considère que l’accord d’imputation des paiements effectués en 2010 s’imposait au tiers qui s’était porté garant, que celui-ci en ait été informé ou non et cet acte était donc opposable à l’épouse.
La question de l’imputation des paiements a récemment été envisagée dans plusieurs arrêts de la Cour de cassation (Com. 9 oct. 2019, n° 18-15.793, D. 2019. 2037 ; JCP 18 nov. 2019. 1187, note J.-D. Pellier ; Civ. 1re, 27 nov. 2019, n° 18-21.570, Dalloz actualité, 3 déc. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 2296 ) pour rappeler que si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer celle qu’il entend acquitter, le créancier peut refuser si le paiement ne permet pas le paiement intégral de la dette.
Pourtant, en contemplation des dispositions de l’article 2290 du code civil « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses », et la position de la Cour de cassation peut sembler sévère ; mais il est vrai que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’est pas un cautionnement (Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, préc.). Cependant, il semblerait à la lecture des faits de l’espèce que l’épouse s’était également engagée personnellement à la dette.
Pour autant, en matière de cautionnement la Cour de cassation a jugé que « la renonciation par le créancier au droit à agir en paiement contre le débiteur principal n’emporte pas extinction de l’obligation principale ni du recours de la caution contre ce débiteur, de sorte que la clause précitée ne fait pas obstacle aux poursuites du créancier contre la caution solidaire » (Com., 22 mai 2007, n° 06-12.196, D. 2007. 1999, obs. V. Avena-Robardet , note O. Deshayes ; ibid. 2008. 2104, obs. P. Crocq ; AJDI 2007. 759 ; RTD civ. 2007. 805, obs. P. Théry ; ibid. 2008. 333, obs. P. Crocq ; RTD com. 2007. 833, obs. A. Martin-Serf ; ibid. 2008. 172, obs. B. Bouloc ), donc, une modification conventionnelle de l’imputation des paiements sans le consentement de la caution est dans le droit fil de cette position.
Pourtant, celle-ci est contestable puisque la caution n’est que garante, et va voir nécessairement son engagement aggravé par cette modification de l’imputation des paiements puisque la dette qu’elle garantit ne sera alors plus diminuée par le fruit des prix de vente des appartements.
Ainsi, dans le même temps, cette modification hors sa présence, va augmenter son risque d’être poursuivie, ce qui peut paraître difficilement conciliable avec l’article 2292 du code civil selon lequel le cautionnement ne peut pas être étendu « au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».
Il est vrai que la société, débiteur principal, qui a négocié cette modification, avait pour gérant l’époux, ce qui peut aussi expliquer la position de la Cour.
Enfin, en troisième lieu, les saisis reprochaient à la cour d’appel d’avoir infirmé le jugement d’orientation qui avait autorisé la vente amiable.
Sur ce point, la Cour de cassation ne retient pas le moyen développé par les saisis, mais celui développé dans le pourvoi incident soutenu par le créancier poursuivant qui avait simplement rappelé que ce chef du jugement n’était pas critiqué devant la cour d’appel, la Cour de cassation, casse l’arrêt sur ce moyen, au visa de l’article 4 du code de procédure civile en rappelant : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune partie n’avait frappé d’appel le jugement en ce qu’il avait orienté la procédure vers la vente amiable, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Reste à savoir si le compromis de vente signé en avril 2017 aura résisté au temps du procès…
Le titre exécutoire servant de fondement à la saisie-immobilière n’a pas à être remis au débiteur, lequel ne peut contester l’imputation des paiements, enfin, la cour d’appel ne peut statuer sur la vente amiable lorsqu’aucune des parties n’a frappé d’appel ce moyen.
Le titre exécutoire servant de fondement à la saisie-immobilière n’a pas à être remis au débiteur, lequel ne peut contester l’imputation des paiements, enfin, la cour d’appel ne peut statuer sur la vente amiable lorsqu’aucune des parties n’a frappé d’appel ce moyen.
L’affaire a éclaté en avril 2018. À l’époque, le Canard enchaîné révèle que les trois magistrats de la Cour de cassation collaboraient avec les éditions Lamy et Liaisons sociales, alors filiales françaises du groupe de presse néerlandais Wolters Kluwer France (WKF). Des prestations rémunérées d’environ 600 euros net la demi-journée. Or, le 28 février, cette chambre de la Cour de cassation a rendu un arrêt favorable à la direction du groupe WKF en cassant un arrêt de la cour d’appel de Versailles qui, lui, avait conclu dans un sens favorable aux syndicats de salariés concernant le calcul de la participation. Ces trois juges n’ont pas demandé à être remplacés lors de l’examen du litige opposant désormais l’entreprise aux syndicats de salariés (CGT, CFDT et SNJ).
Une plainte est alors déposée devant le CSM. Les syndicats leur reprochent autant de ne pas s’être déportés du dossier, que de ne pas avoir respecté leurs obligations déclaratives en la matière. La commission d’admission des requêtes, en charge de filtrer les plaintes des justiciables, a décidé en janvier de renvoyer officiellement devant la formation disciplinaire.
Apparence d’impartialité
Ces trois magistrats devaient-ils, par précaution, se retirer du dossier afin de garantir l’apparence d’impartialité dont ils sont tenus par serment ? L’article 7-1 de l’ordonnance statutaire leur fait, en effet, obligation de prévenir toute les situations « de nature à influencer l’exercice de leur fonction ». Cette problématique, délicate, a occupé tout l’espace des débats, devant une formation disciplinaire réunie ce mercredi sous la présidence de Didier Guérin. Mes Basile Ader et Jean-Yves Dupeux ont assuré la défense des magistrats.
Les trois mis en cause, dont « l’itinéraire sans tâche » a été souligné à l’audience, se sont défendu de toute partialité. Ils ont dénoncé « une instrumentalisation » pour « faire pression sur la chambre sociale ». Madame Laurence Pecaut-Rivolier a vu dans cette plainte une atteinte « à ce qui fait notre fierté de juge », a-t-elle exprimée au micro la voix tremblante. « J’ai assuré près de vingt-cinq interventions à l’extérieur cette année-là. Seules trois d’entre elles étaient rémunérées », s’est-elle justifiée.
Certes, Jean-Yves Frouin s’est bien entretenu avec Jean-Guy Huglo à la demande de ce dernier sur la difficulté qui pouvait s’inscrire en creux dans ce dossier. Mais pour lui, le fil rouge ne pouvait pas être franchi. « Peut-on parler de conflit d’intérêt pour des formations indemnisées 600 € en moyenne ? », a-t-il soulevé.
« Il y a peut-être eu une erreur d’interprétation »
« Vous déporteriez-vous aujourd’hui ? », a lancé un membre du CSM. « Sans doute » a reconnu Jean-Guy Huglo, même si « la situation d’aujourd’hui importe peu », a-t-il balayé. La conseillère Laurence Pecaut-Rivolet a concédé qu’« il y a peut-être eu une erreur d’interprétation », même si elle refuse d’accréditer l’idée d’avoir rendu une décision entachée d’une quelconque influence extérieure. Pour elle, la faiblesse de la rémunération, ainsi que la nature de ses interventions, semblaient, à l’époque, ne pas vraiment laisser de place à un doute sur sa neutralité.
Aucune faute disciplinaire selon la Chancellerie
Le directeur des services judiciaires, Peimane Ghaleh-Marzban, n’a pas demandé de sanction disciplinaire à l’égard des trois magistrats. Pour lui, il n’y a pas de « doute raisonnable sur l’impartialité des magistrats visés » mêms s’ils auraient dû faire valoir le « principe de précaution : le doute doit favoriser le déport ». Selon lui, il s’agit tout au plus « d’un mauvais réflexe ». Mais l’absence de déport ne justifie pas une « faute disciplinaire susceptible de sanction ». Pour preuve, la modicité des sommes d’argent. Les montants en cause, 600 € la demi-journée, ne représentaient que 0,61 % du traitement annuel pour le président de chambre, 1,62 % pour le doyen Huglo et 1,44 % pour Laurence Pecaut-Rivolier, a détaillé le représentant de la Chancellerie. Plus encore, l’activité était cantonnée à « présenter la jurisprudence ». De même, selon lui, « l’absence de subordination juridique avec l’éditeur juridique ne fait pas débat ».
Autant d’arguments qui sont venus abonder dans le sens des plaidoiries de la défense. Basile Ader a invité le CSM à laver l’honneur de ces juges confrontés à « un chemin de croix de dix-huit mois ». « On a laissé entendre durant ce temps qu’ils pouvaient être corrompus », s’est-il indigné.
Nul doute que l’affaire laissera des traces. Jean-Guy Huglo a d’ailleurs lâché qu’il ne tapait même plus son nom sur Google « par peur de voir ce qu’il pouvait y trouver ». Il faut dire que cette procédure a ébranlé la Cour de cassation dans son ensemble. Bertrand Louvel, alors premier président, avait tenté d’éteindre l’incendie, en imposant aux magistrats de la Cour, dans une « note de service » envoyée en catastrophe en juillet 2018, une autorisation préalable à toute intervention « dans les colloques, formations ou articles publiés dans les revues juridiques » (v. Dalloz actualité, 12 sept. 2018, art. T. Coustet ). Si Chantal Arens a supprimé la note à son arrivée, la première présidente de la haute juridiction a engagé depuis une réflexion pour arrêter officiellement les règles en la matière.
Le CSM lui-même a adopté en début d’année de nouvelles règles déontologiques. Désormais, le juge est invité à se dessaisir en cas de « lien avec les parties, un conseil, un expert, ou en cas d’intérêt quelconque à l’instance de nature à faire naître un doute légitime sur son impartialité dans le traitement du litige ».
Le délibéré est fixé au 19 décembre 2019.
Après l’arrêt de la chambre sociale rendu le 28 février 2018, les syndicats CGT, CFDT et SNJ ont saisi la Cour européenne des droits l’homme pour violation du droit au procès équitable et du devoir d’impartialité.
La formation disciplinaire du CSM a tenu son audience ce 4 décembre. Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Guy Huglo, le doyen de cette chambre et Laurence Pecaut-Rivolier, conseiller référendaire, sont poursuivis pour défaut d’impartialité dans un dossier qu’ils ont tranché le 28 février 2018.
La Loi Macron de 2015 a créé la profession de « commissaire de justice » qui résultera à terme de la fusion des commissaires-priseurs et des huissiers de justice. Cette profession doit voir le jour le 1er juillet 2022. Ce qui nécessite,...
L’Autorité de la concurrence a formulé, le 2 décembre, de nouvelles recommandations pour favoriser, de manière graduelle, l’installation de nouveaux professionnels.
par Mélanie Jaoulle 5 décembre 2019
Civ. 1re, 20 nov. 2019, FS-P+B+I, n° 18-23.762
Dans cette affaire, des héritiers reçoivent en indivision la maison de leurs grands-parents, suite aux décès de ceux-ci et de leurs parents. Les consorts X détenant 10/12e des droits indivis font connaître à Michel X leur intention de vendre l’immeuble par un acte notarié du 16 mars 2015. L’acte est alors signifié à Michel X par huissier le 28 mai 2015. Trois mois s’écoulent et, face au silence de l’indivisaire signifié, le notaire dresse un procès-verbal de difficulté en date du 22 septembre suivant. Les consorts X ont alors saisi le tribunal afin de demander l’autorisation de vendre le bien indivis sur le fondement de l’article 815-5-1 du code civil. La cour d’appel fait alors droit à leur demande et ordonne la licitation de l’immeuble indivis avec une mise à prix de 90 000 € avec faculté de baisse du quart puis du tiers à défaut d’enchérisseur. Michel X. forme alors un pourvoi contre la décision lequel est rejeté par la première chambre civile.
Le requérant invitait la Cour de cassation à censurer la décision, notamment en raison de l’absence de respect du délai d’un mois entre la manifestation notariée des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des voix de vendre et sa signification à l’indivisaire minoritaire. Il invoquait également qu’opérer la vente par licitation porterait une atteinte excessive à son droit de propriété. Sur ce dernier point, la Cour de cassation juge le moyen inopérant et se concentre sur...
Si l’article 815-5-1, alinéa 3, du code civil exige des indivisaires qui détiennent au moins les deux tiers des voies et qui désirent vendre de le signifier dans le délai d’un mois aux autres indivisaires, il n’est pas prévu de sanction. Seul compte le respect du délai d’opposition de trois mois posée à l’alinéa 4 du même texte.
Alors qu’une proposition de loi sur les violences conjugales devrait être définitivement adoptée mi-décembre, les députés LREM viennent de déposer un nouveau texte sur le sujet. Une quatrième loi en dix-huit mois, qui contient des dispositions très disparates sur l’autorité parentale, l’espionnage au sein du couple, le secret médical, l’aide juridictionnelle ou l’accès aux sites pornographiques.
Dans l’hypothèse du divorce d’une personne ayant obtenu la qualité de réfugié au titre de l’unité de la famille, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont tenus d’apprécier, compte tenu du changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de cette qualité, si elle doit continuer à bénéficier de cette protection.
Réforme du financement des hôpitaux de proximité et des urgences ; création d’un nouveau contrat favorisant l’installation des jeunes médecins s’installant dans les déserts médicaux ; mesures pour les femmes enceintes habitant loin d’une maternité… La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 décline le plan « Ma santé 2022 ».
Réforme du financement des hôpitaux de proximité et des urgences ; création d’un nouveau contrat favorisant l’installation des jeunes médecins s’installant dans les déserts médicaux ; mesures pour les femmes enceintes habitant loin d’une maternité… La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 décline le plan « Ma santé 2022 ».
L’emprunteur doit, pour obtenir l’annulation de la stipulation d’intérêts, démontrer que ceux-ci ont été calculés sur la base d’une année de trois cent soixante jours et que ce calcul a généré à son détriment un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du code de la consommation.
Une mère et ses deux fils relèvent appel le 5 avril 2017 et notifient leurs conclusions le 12 juillet suivant, soit au-delà du délai de trois mois prévu à peine de caducité de la déclaration d’appel par l’article 908 du code de procédure civile. Pour contrer cette caducité, l’avocat des appelants invoque un cas de force majeure lié à la maladie de sa cliente. La cour d’appel de Grenoble, estimant que la force majeure devait revêtir un caractère imprévisible et irrésistible alors que l’appelante avait été en mesure, avec ses deux fils condamnés in solidum, de donner ses instructions à leur conseil commun pour interjeter appel, retient la caducité. La cour constate en effet qu’elle était déjà hospitalisée au jour de l’appel et de la remise des conclusions au fond, le 12 juillet 2017, alors que sa situation restait identique. Au soutien du pourvoi, il était soutenu que l’opération chirurgicale dont l’appelante avait brusquement été l’objet « avait été suivie de soins particulièrement lourds et avait nécessité une hospitalisation complète », que ce n’était qu’après avoir pu entrer en contact avec sa cliente que son conseil avait pu déposer des conclusions le 12 juillet 2017, que la force majeure devait s’apprécier au regard de l’appelante elle-même sans égard à la situation de ses fils, et qu’en refusant d’écarter la caducité, la cour d’appel avait ainsi commis une violation des articles 910-3 et 908 du code de procédure civile.
La réponse de la deuxième chambre civile, constatant que l’article 910-3 était bien applicable au jour où le conseiller de la mise en état avait statué, rejette le pourvoi considérant qu’ayant relevé que, si l’appelante « justifiait de son hospitalisation le 24 mars 2017 au centre hospitalier de Lyon-Sud, puis de son transfert au centre médical spécialisé de Praz-Coutant à Passy le 22 mai 2017, établissement où elle se trouvait toujours le 18 juillet 2017, sa maladie ne l’avait pas empêchée de formaliser une déclaration d’appel en avril 2017, ainsi que des conclusions, bien que tardives, le 12 juillet 2017, la cour d’appel, qui a pu en déduire qu’aucun cas de force majeure n’avait empêché les appelants de conclure dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, a constaté à bon droit la caducité de la déclaration d’appel prévue par ce texte ».
Si l’on peut regretter que l’arrêt, pourtant destiné à une large publicité, ne se risque pas à une définition de la force majeure puisque l’article 910-3 n’en livre aucune non plus (« En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 »), on y verra au moins l’avantage d’une interrogation nécessaire sur les conditions d’application de la force majeure. On sait toutefois que la haute cour qualifie d’événement de force majeure celui qui présente un caractère imprévisible et irrésistible (Cass., ass. plén., 14 avr. 2006, nos 04-18.902 et 02-11.168, D. 2006. 1577, obs. I. Gallmeister , note P. Jourdain ; ibid. 1566, chron. D. Noguéro ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2638, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2006. 904, obs. B. Bouloc ). Et l’on sait aussi que l’article 910-3 était l’une des rares concessions, peut-être même la seule, faite à la profession d’avocat lors de l’élaboration du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile qui avait renforcé les obligations et les sanctions procédurales à la charge des parties devant la cour d’appel. La circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret (circ. 4 août 2017, Dalloz actualité, 11 sept. 2017, obs. R. Laffly), établie sous la forme de fiches pratiques, laissait augurer que cet article n’était qu’un mirage, ce que confirme l’arrêt de la Cour de cassation qui n’a pas entendu voler au secours de la demanderesse au pourvoi. On connaissait aussi la difficulté de faire admettre la « cause étrangère » visée à l’article 930-1 du code de procédure civile en cas d’incident technique lors de la notification d’un acte de procédure, et il est peu dire que les conditions résultant de l’article 910-3 seront bien plus difficiles à réunir.
Si le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 modifiant les modalités d’entrée en vigueur du 6 mai 2017 permettait de conclure que le texte relatif à la force majeure était d’application immédiate aux procédures en cours – et le présent arrêt en est une illustration puisque l’appel avait été formé avant le 1er septembre 2017 –, la généralité de la disposition et l’absence de définition ne pouvaient laisser place à une quelconque souplesse d’appréciation. C’est ainsi que la circulaire précitée avance que la force majeure fait référence à un « événement brutal et imprévisible », à son « caractère incontrôlable » dans sa survenance et ses conséquences. La cour de Grenoble associait quant à elle la force majeure à ses adjectifs habituels mais cumulatifs, elle devait être « imprévisible » et « irrésistible ». Or, en l’espèce, l’appelante n’était pas seule à pouvoir donner des instructions à son avocat, et elle aurait bien pu, selon la cour d’appel, s’y employer par l’intermédiaire de ses deux fils condamnés in solidum et appelants à ses côtés, alors qu’elle était déjà hospitalisée au jour de l’appel. Et, lors de la notification de ses conclusions au fond, tardives donc, sa situation restait la même. Il est fort à parier que l’appelante a « payé » le fait de ne pas être seule comme appelante dès lors que son avocat pouvait tenir ses instructions des coappelants, mais il est à parier aussi que, si elle l’avait été, la solution n’eut pas été différente. L’appelante avait pu valablement donner mandat à son avocat pour interjeter appel et des conclusions avaient bien été, finalement et bien que tardivement, déposées, preuve de la possibilité de conclure quelques jours auparavant. Il n’est pas rare en effet que l’avocat soit en difficulté pour joindre son client à l’approche du dernier jour de son délai pour conclure et, dans pareille hypothèse, il est bien plus osé, d’un strict point de vue de responsabilité, de risquer une caducité que d’anticiper sur les observations de son mandant quant au projet d’écritures qu’il a dû lui faire tenir en amont. Dès lors que les prétentions du client ont été concentrées dans ce même délai de trois mois par application de l’article 910-4 du code de procédure civile, celui-ci aura le temps nécessaire pour apporter les compléments souhaités dans un jeu de conclusions ultérieur, de sorte que courir après une hypothétique démonstration des conditions de la force majeure apparaît hautement plus périlleux.
Si, à la différence de l’article 930-1 visé supra, la cause étrangère doit être extérieure à celui qui accomplit l’acte de procédure, la force majeure ne semble pas distinguer entre le mandant et le mandataire, entre l’avocat et le client. Aussi, l’état de santé, non plus du client mais de l’avocat lui-même, pourrait-il caractériser la force majeure ? Après tout, il s’agit là d’un facteur aggravant et bien plus déterminant encore puisque c’est sur lui seul que repose l’accomplissement des actes de procédure. Mais les premières décisions ne laissent pas plus d’espoirs. Certes sans que le fondement de la force majeure ait été invoqué, mais approuvant la sanction retenue de la caducité de la déclaration d’appel, la deuxième chambre civile a déjà eu l’occasion de juger, par arrêt également publié, que la maladie de l’avocat d’une partie ou le traitement médical que celui-ci devait suivre et conduisant à son inaptitude professionnelle ne sont pas une cause d’interruption de l’instance (Civ. 2e, 13 oct. 2016, n° 15-21.307, D. 2016. 2171 ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ). D’ailleurs, la cour d’appel de Riom, la première se penchant sur l’application de l’article 910-3 nouveau et ajoutant sans doute une condition à la construction prétorienne de la force majeure, a estimé que l’état de santé n’est pas un élément « extérieur à la partie tenue du délai », de sorte que, même si de graves problèmes médicaux et des événements particulièrement douloureux survenus dans la vie personnelle de l’avocat (sic) étaient démontrés, ceux-ci ne pouvaient revêtir le caractère de la force majeure (Riom, 18 oct. 2017, n° 17/02129, Dalloz jurisprudence). Sur ce point, notons que l’article 1218 du code civil, qui a le mérite de tenter une définition en matière contractuelle, dispose qu’il y a force majeure lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Point de référence à l’événement extérieur.
L’analyse des quelques décisions de cours d’appel rendues au visa de l’article 910-3, si elles s’affranchissent de ce caractère « extérieur », permet d’observer que la force majeure reste très délicate à démontrer et n’est retenue qu’en cas de conditions extrêmes. Elle a en tout cas plus de chance d’être constatée si l’avocat exerce à titre individuel, ce qui n’est finalement pas illogique, et si est établie, pièces médicales à l’appui, une impossibilité absolue, du fait de la maladie, de notifier des conclusions durant la période impartie pour conclure et au moment même de les notifier.
Il n’y a pas de force majeure dès lors que « les éléments médicaux produits sont postérieurs au dernier jour du délai imparti à l’avocat pour conclure et qu’ils démontrent, s’il était besoin, que le conseil de l’appelante n’est pas le seul avocat travaillant au cabinet » (Paris, 27 sept. 2019, n° 19/04224, Dalloz jurisprudence). Mais une période d’asthénie intense en lien avec une maladie de spondylodiscite qui avait nécessité une hospitalisation puis un arrêt de travail important permet à une cour d’appel de relever que « l’indisponibilité totale de l’avocat survenue au cours d’une crise ayant présenté les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure durant la période à laquelle expirait le délai qui lui était imparti pour conclure, justifie que soit écartée la sanction de la caducité » (Nîmes, 6 nov. 2018, n° 18/04133, Dalloz jurisprudence). De même, l’avocat qui avait indiqué et justifié avoir été victime d’un accident cardiaque dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2018, son état de santé l’ayant mis dans l’impossibilité de transmettre ses conclusions qui étaient prêtes à envoyer, dans la journée du 1er novembre 2018, permet de conclure à un cas de force majeure de nature à écarter la sanction de caducité (Aix-en-Provence, 30 nov. 2018, n° 18/13028, Dalloz jurisprudence).
Enfin, dès lors que la force majeure sera retenue, le juge pourra alors soit fixer un nouveau délai pour conclure à l’appelant ou à l’intimé, soit déclarer recevable l’acte effectué tardivement. Mais on l’aura compris, cela ne sera jamais une mince affaire, ce d’autant que l’article 910-3 ne vise que les délais pour conclure et aucunement le délai de signification d’un mois imposé à peine de caducité par l’article 902 pour signifier la déclaration d’appel ni même celui de l’article 905-1 nouveau du code de procédure civile qui le réduit à dix jours à compter de la réception de l’avis de fixation à bref délai. Pas d’irrésistibilité et d’imprévisibilité en matière de signification. Dans ce cas-là, l’avocat devra toujours résister et prévoir…
Par un premier arrêt publié depuis l’entrée en vigueur du texte, la deuxième chambre civile approuve l’appréciation souveraine d’une cour d’appel qui écarte la force majeure soulevée par une appelante hospitalisée au jour de la déclaration d’appel et de la notification de ses conclusions.
L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 novembre 2019 pourrait bien relancer le débat sur l’opportunité de l’accouchement « sous X », régulièrement critiqué (v., par ex., Civ. 1re, 7 avr. 2006, n° 05-11.285, D. 2006. 1177, tribune B. Mallet-Bricout ; RTD civ. 2006. 292, obs. J. Hauser ) notamment pour ses conséquences indirectes mais souvent radicales sur le lien de filiation paternelle.
En l’espèce, une enfant est « née sous X » le 23 octobre 2016. Elle a été immatriculée comme pupille de l’État le 24 décembre suivant. Le Conseil de famille des pupilles de l’État a consenti à son adoption le 10 janvier 2017 et une décision de placement a été prise le 28 janvier. L’enfant a été remise au foyer de M. et Mme B… le 15 février. Quelques jours plus tôt, le père biologique, M. A…, avait entrepris des démarches auprès du procureur de la République pour retrouver l’enfant. Une fois celle-ci retrouvée et identifiée, M. A… l’a reconnue, le 12 juin 2017. M. et Mme B… ont par la suite déposé une requête aux fins de voir prononcée l’adoption plénière de l’enfant et M. A… est intervenu volontairement dans la procédure. La cour d’appel ayant prononcé l’adoption, M. A… a formé un pourvoi en cassation à l’occasion duquel il a formulé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur lesquelles se prononce l’arrêt sous examen. La Cour de cassation ne transmettra que la première, la seconde concernant une disposition – l’article 353, alinéa 3, du code civil – qui n’était pas applicable au litige.
Rappelons en effet que, pour que la Cour de cassation décide de saisir le Conseil constitutionnel de la question transmise, il faut que la disposition législative critiquée soit applicable au litige ou à la procédure en cours, ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et enfin que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. Concernant la première QPC, qui visait les articles 351, alinéa 2, et 352, alinéa 1, du code civil, les deux premières conditions étaient indubitablement réunies. En outre, la Cour de cassation a considéré que la question présentait un caractère sérieux « en ce qu’elle invoque une atteinte aux droits et libertés garantis par les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 2 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ».
La QPC renvoyée soutenait précisément que les dispositions de l’article 351, alinéa 2, du code civil – qui prévoient que le placement en vue de l’adoption peut intervenir deux mois après le recueil de l’enfant – et de l’article 352, alinéa 1, du même code – qui indique que « le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine » et que « fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance » – portaient atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi qu’au respect de la vie privée et au principe d’égalité devant la loi, en ce qu’elles empêchent le père d’un enfant né d’un accouchement anonyme d’établir tout lien de filiation avec lui dès son placement en vue de l’adoption et avant même que l’adoption soit prononcée.
En attendant la réponse du Conseil constitutionnel à cette question, il convient d’exposer sommairement le contexte du débat qui devra se tenir rue de Montpensier. Un débat à l’issue incertaine qui verra s’affronter plusieurs droits – droit d’accoucher dans l’anonymat, droit de l’enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux, droit d’établir son lien de filiation pour le père et respect de sa vie familiale – et intérêts – de la femme qui accouche, du père, de l’enfant, voire des parents adoptifs pressentis – divergents que le droit français s’efforce de concilier (pour une approche institutionnelle de la balance des intérêts en cause, v. F. Terré, C. Goldie-Genicon, D. Fenouillet, Droit de la famille, 9e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, spéc. § 654).
Le contexte trouve son origine dans le droit reconnu à la femme enceinte, par l’article 326 du code civil, d’accoucher dans l’anonymat (autrement appelé « accouchement sous X ») qui est historiquement considéré comme une mesure de protection de la santé de l’enfant ayant pour objectif de limiter les avortements (notamment clandestins) et les abandons « sauvages » de nouveau-nés non désirés (en ce sens, v. E. Poisson-Drocourt, note sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, D. 2006. 2293 ; pour une analyse des autres fondements possibles, v. F. Terré, C. Goldie-Genicon, D. Fenouillet, op. cit., spéc. § 653). La difficulté est que cet anonymat rend très difficile l’établissement de la filiation paternelle, privant pratiquement le père biologique de toute chance de se voir confier l’enfant, ce que M. A… vivait en l’espèce.
En effet, en cas d’accouchement anonyme, la filiation paternelle repose sur la reconnaissance d’un enfant dont le père biologique ignore souvent la date et le lieu de naissance, ce qui oblige généralement ce dernier à désigner l’enfant par le biais de la femme qui le porte ou le portait. Or, en raison du secret de l’admission et de l’accouchement, cette femme n’a officiellement jamais accouché, ce qui rend l’identification de l’enfant très difficile. Ainsi, l’enfant « né sous X » est le plus souvent déclaré « sans filiation » et, en conséquence, immédiatement recueilli par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Dans le schéma classique, deux mois plus tard, l’enfant sera immatriculé pupille de l’État (CASF, art. L. 224-8, al. 1er, et L. 224-4, 1°). À la suite de cette immatriculation, le Conseil de famille des pupilles de l’État donnera en principe son consentement à l’adoption (CASF, art. R. 224-18, 2°) et l’enfant sera le plus souvent très rapidement placé en vue de cette adoption. Ce placement, qui interviendra donc rapidement mais plus de deux mois après le recueil, conformément à la première disposition critiquée par la QPC (C. civ., art. 351, al. 2), mettra fin à toute possibilité d’établir le lien de filiation biologique, ce qui est prévu par la seconde disposition critiquée (C. civ., art. 352, al. 1). Si le placement se passe bien, l’adoption plénière de l’enfant sera prononcée.
La Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur la question de l’articulation d’un accouchement anonyme et d’une reconnaissance paternelle. C’est la fameuse affaire Benjamin (sur laquelle, v., outre les notes sous l’arrêt de la Cour de cassation citées infra, P. Verdier, L’affaire Benjamin : des effets de la reconnaissance paternelle d’un enfant né sous X, AJ fam. 2004. 358 ; P. Salvage-Gerest, Benjamin encore… Une indispensable mise au point, AJ fam. 2005. 18 ; C. Neirinck, L’adoptabilité de l’enfant né sous X, RDSS 2005. 1018 ; P. Salvage-Gerest, in P. Murat [dir.], Droit de la famille, Dalloz Action, 2016, spéc. § 221.162), du prénom d’un enfant reconnu de façon prénatale par son père mais né sous X et placé en vue de l’adoption en vertu du processus décrit plus haut. Dans cette affaire, la Cour de cassation (Civ. 1re, 7 avr 2006, n° 05-11.285, D. 2006. 2293, obs. I. Gallmeister , note E. Poisson-Drocourt ; ibid. 1177, tribune B. Mallet-Bricout ; ibid. 1707, chron. J. Revel ; ibid. 2007. 879, chron. P. Salvage-Gerest ; ibid. 1460, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 2192, obs. A. Gouttenoire et L. Brunet ; Just. & cass. 2007. 328, rapp. A. Pascal ; AJ fam. 2006. 249, obs. F. Chénedé ; RDSS 2006. 575, obs. C. Neirinck ; RTD civ. 2006. 273, obs. P. Remy-Corlay ; ibid. 292, obs. J. Hauser ; JCP 2006. I. 199, nos 1 s., obs. Rubellin-Devichi ; Defrénois 2006. 1127, obs. Massip ; Gaz. Pal. 2006. 3210, note Guittet ; RJPF-2006-6/38, note Le Boursicot ; LPA 17 juill. 2006, obs. Massip ; ibid. 7 mai 2007, obs. Bourgault-Coudevylle ; RLDC juin 2006, p. 34, note Le Boursicot ; Dr. famille 2006. Comm. 124, obs. P. Murat ; RLDC mai 2006, p. 45, obs. G. Marraud des Grottes) a pu affirmer que, dès lors qu’un enfant avait été reconnu par son père et identifié avant le consentement à l’adoption, le Conseil des familles n’était plus compétent pour donner un tel consentement, ce qui rendait le placement de l’enfant en découlant irrégulier.
La décision a été critiquée pour son imprécision, voire son incohérence au regard des articles du code civil et du code de l’action sociale et des familles (en ce sens, v. C. Neirinck, note sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, n° 05-11.285, RDSS 2006. 575, art. préc.). Elle semble imposer que l’enfant soit identifié avant le consentement du Conseil de famille, consentement qui intervient en principe en amont du placement mais qui, en l’espèce, était curieusement intervenu après, ce qui a brouillé la portée de l’arrêt (sur les incertitudes quant à la portée de l’arrêt, v. P. Murat, note sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, Dr. famille 2006. Comm. 124 ; M.-C. Le Boursicot, note sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, RJPF-2006-6/38 ; J. Massip, obs. sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, LPA 17 juill. 2006, art. préc.). Pourtant, l’arrêt visait l’article 352 du code civil qui, lui, fait du placement de l’enfant en vue de l’adoption l’événement « butoir » faisant obstacle à tout établissement du lien de filiation des parents biologiques.
Pour parfaire ce tableau en clair-obscur, on évoquera également une circulaire d’application de la réforme de la filiation intervenue en 2005 (circ. 30 juin 2006, de présentation de l’ord. n° 2005-759 portant réforme de la filiation) qui a semblé renforcer cette idée qu’il fallait impérativement que l’enfant soit identifié avant le placement et non au moment du consentement à l’adoption.
À ce jour, un certain flou subsiste, notamment dans l’hypothèse où l’enfant aurait été reconnu avant le placement (notamment par une reconnaissance prénatale) mais identifié après (sur cette « distorsion temporelle », v. C. Neirinck, L’adoptabilité de l’enfant né sous X, RDSS 2005. 1018 ; v. égal. J. Massip, obs. sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, LPA 17 juill. 2006) et il pèsera peut-être dans l’analyse de la constitutionnalité des articles visés par la QPC. Cela d’autant que, nonobstant l’obligation des parquets de tout mettre en œuvre pour aider les pères biologiques d’enfants « nés sous X » à identifier ces enfants (C. civ., art. 62-1), dans l’immense majorité des cas, le temps de la procédure compromettra la restitution de l’enfant à son père (dans l’affaire Benjamin, alors que le père s’était démené pour affirmer sa volonté de l’élever avant même sa naissance, l’enfant est resté vivre dans sa famille adoptive qui l’élevait depuis six ans, v. Reims, 12 déc. 2006, RTD civ. 2007. 558, obs. Hauser ; Defrénois 2007. 795, obs. Massip).
En l’espèce, le père, sans conteste mal conseillé compte tenu de la jurisprudence rappelée, n’a pas immédiatement reconnu l’enfant. Il a attendu que celle-ci soit clairement identifiée pour le faire, à un moment où le Conseil de famille avait déjà consenti à l’adoption et où l’enfant était déjà placée en vue de cette adoption. Il se heurtait donc incontestablement aux dispositions de l’article 352, alinéa 1, du code civil et ses chances d’obtenir gain de cause sur le simple fondement des textes semblent nulles. Il lui reste donc deux voies : celle du contrôle de proportionnalité – qu’il a peut-être empruntée aussi mais nous ignorons les moyens de son pourvoi – et celle, radicale, de l’inconstitutionnalité des articles en question, dont il fait usage ici et qui ferait vaciller le château de cartes.
En effet, comme nous l’avons rappelé, les articles visés ne sont que la fin du processus dont le point de départ est l’accouchement de la mère dans l’anonymat. Ainsi, la QPC transmise, en mettant en cause la constitutionnalité des articles 351, alinéa 2, et 352, alinéa 1, du code civil pose en réalité la question prioritaire de la constitutionnalité du système entier. Certes, la QPC se garde bien de viser l’accouchement anonyme lui-même mais c’est sans doute parce que son principe a été « validé » par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 16 mai 2012, n° 2012-248 QPC, JO 17 mai ; AJDA 2012. 1036 ; D. 2013. 1235, obs. REGINE ; ibid. 1436, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2012. 406, obs. F. Chénedé ; RDSS 2012. 750, note D. Roman ; RTD civ. 2012. 520, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2012, n°120, note Neirinck) et même par la Cour européenne des droits de l’homme (à travers les arrêts Kearns, v. CEDH 10 janv. 2008, Kearns c. France, req. n° 35991/04, BICC 15 févr. 2008 ; CEDH, 10 janv. 2008, n° 35991/04, Kearns c/ France, D. 2008. 415, obs. P. Guiomard ; AJ fam. 2008. 78, obs. F. Chénedé ; RDSS 2008. 353, note C. Neirinck ; RTD civ. 2008. 252, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 285, obs. J. Hauser ; Procédures 2008, n°77, obs. Fricero ; RJPF 2008-4/23, obs. Garé ; Dr. fam. 2008, Étude 14, Gouttenoire, et Odièvre, v. CEDH, gr. ch., 13 févr. 2003, Odièvre c. France, req. n° 42326/98, AJDA 2003. 603, chron. J.-F. Flauss ; D. 2003. 739, et les obs. ; ibid. 1240, chron. B. Mallet-Bricout ; RDSS 2003. 219, note F. Monéger ; RTD civ. 2003. 276, obs. J. Hauser ; ibid. 375, obs. J.-P. Marguénaud ; JCP 2003. II. 10049, note Gouttenoire-Cornut et Sudre ; P. Malaurie, La Cour européenne des droits de l’homme et le “droit” de connaître ses origines, JCP 2003. I. 120 ; Gaz. Pal. 2005. 411, note Royant ; RJPF 2003-4/34, obs. Le Boursicot ; Dr. fam. 2003, n°58, note Murat ; Dr. fam. 2003, Étude 14, par Gaumont-Prat ; LPA 11 juin 2003, p. 11, note Roy ; JDI 2004. 696, note Leclercq-Delapierre). Néanmoins, on voit difficilement comment le Conseil constitutionnel pourrait juger les dispositions des articles visés inconstitutionnelles sans obliger le législateur à repenser entièrement l’édifice. Plusieurs auteurs ont déjà souligné combien tout repose sur cette spécificité du droit français qu’ils invitent, pour certains, à supprimer purement simplement (v., not. C. Neirinck, note sous Civ. 1re, 7 avr. 2006, RDSS 2006. 575, préc. ; F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, op. cit., spéc. § 654), d’autant que le contentieux montre que le système prive aussi des grands-parents de leurs petits-enfants (v., not., sur le contentieux relatif à l’arrêté d’admission comme pupille de l’État contesté par des grands-parents biologiques, P. Salvage-Gerest, in P. Murat [dir.], Droit de la famille, Dalloz Action, 2016, spéc. § 221.163 et les réf. citées § 221.181 s.).
C’est dire tout l’enjeu de cette question prioritaire de constitutionnalité dont on attend, avec impatience et curiosité, la réponse.
Saisie par le père biologique d’un enfant « né sous X », la Cour de cassation a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC visant les articles 351, alinéa 2, et 352, alinéa 1, du code civil relatifs au placement d’un enfant en vue de son adoption plénière et à ses effets vis-à-vis de sa famille d’origine.
Une cour d’appel ne saurait débouter la salariée n’ayant pas été réintégrée dans son précédent emploi à l’issue d’un congé parental d’éducation de ses demandes au titre de la discrimination liée à son état de grossesse.
Il résulte de l’article L. 221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code.
Les dispositions de l’article R. 1336-6 du code de la santé publique s’imposent à l’exploitant d’un circuit de vitesse homologué.
La Cour de cassation rappelle, au regard de l’article 31 du code de procédure civile, que l’intérêt à agir sur le fondement du droit de divulgation post-mortem de l’article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
La divulgation est le don de l’œuvre au public. C’est parce que l’œuvre est divulguée qu’elle va pouvoir être exploitée et la dévolution successorale de ce droit moral suit un ordre spécifique (CPI, art. L. 121-1 et L. 121-2. V. not. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, nos 476 s.). Aussi, « en cas d’abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l’auteur décédé […], le tribunal de grande instance peut ordonner toute mesure appropriée » et « il en est de même s’il y a conflit entre lesdits représentants, s’il n’y a pas d’ayant droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence » (CPI, art. L. 121-3). Se pose alors la question de savoir qui peut agir ?
En effet, le droit commun de la procédure civile prévoit que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » (C. pr. civ., art. 31) tandis que pour l’article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle « le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la Culture ». Or, l’adverbe « notamment » induit une conception libérale selon laquelle « toute personne ayant qualité et intérêt pour agir […], devrait être recevable pour voir sanctionner l’héritier indigne : à la première génération, ami de l’auteur, parent non titulaire du droit...
La Cour de cassation rappelle, au regard de l’article 31 du code de procédure civile, que l’intérêt à agir sur le fondement du droit de divulgation post-mortem de l’article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
La reconduction de contrats saisonniers en application d’un mécanisme conventionnel prévu à l’article L. 1244-2, alinéa 2, du code du travail n’a pas pour effet d’entraîner la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée. Il en résulte qu’en cas de non-reconduction du dernier contrat saisonnier sans motif réel et sérieux, seuls des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salarié peuvent être octroyés par le juge.
Le juge administratif peut enjoindre à l’administration d’entreprendre des travaux pour mettre fin à un dommage de travaux publics lorsqu’il juge son abstention fautive.
À l’occasion de contentieux relatifs à la perte de nationalité, le Conseil d’État a appliqué un nouveau délai de recours raisonnable. Il a aussi fourni une illustration des circonstances particulières qui permettent au requérant d’échapper à l’irrecevabilité.
L’erreur dans la désignation du représentant d’une personne morale ne constitue qu’un vice de forme n’entraînant la nullité de l’acte qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.
L’acte d’assignation est l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. Cet acte introductif d’instance obéit à un formalisme actuellement fixé par les articles 648 et 56 du code de procédure civile. Ainsi, pour désigner le demandeur personne morale, il doit être fait mention de sa forme, de sa dénomination, de son siège social et de l’organe qui le représente légalement. Quant au défendeur personne morale, il doit être désigné par sa dénomination et son siège social. En dépit de la clarté des textes susvisés et des enseignements de la jurisprudence, le contentieux relatif à l’erreur dans la désignation du représentant d’une personne morale persiste, comme en témoigne l’arrêt rendu le 14 novembre 2019.
En l’espèce, par délibération du 5 avril 2018, il a expressément été donné mandat à Madame X., membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’hôpital René Muret, pour représenter celui-ci en justice à l’occasion des procédures judiciaires pouvant être exercées dans le cadre du recours à l’expertise pour risque grave.
L’assistance publique-hôpitaux de Paris (l’AP-HP) a fait assigner devant le président du tribunal de grande instance de Bobigny le CHSCT afin de voir annuler une délibération désignant un cabinet d’expertise aux...
Un architecte qui s’est vu confier l’établissement et le dépôt de la demande de permis de construire engage sa responsabilité décennale, in solidum avec le bureau d’étude et le maître d’œuvre, pour des désordres imputables à la mauvaise qualité du remblai préalablement mis en œuvre par le maître d’ouvrage. En tant qu’auteur du projet architectural, il appartient à l’architecte de proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol.
Après la mise en demeure de payer un trop-perçu de RSA, c’est au tour du contrat d’insertion, qui fixe les obligations du bénéficiaire et conditionne le versement des droits, d’être qualifié d’acte insusceptible de recours devant le juge administratif.
Par un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a énoncé que le titre L’avocature ne peut bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur, pas plus que l’usage de cette dénomination usuelle pour désigner la profession d’avocat ne peut caractériser des faits de parasitismes.
L’affaire oppose deux avocats également écrivains. Daniel Soulez-Larivière, avocat au barreau de Paris depuis 1965, a publié en 1982 un essai intitulé L’avocature « Maître, comment pouvez-vous défendre ? », dans lequel il livre ses réflexions sur la profession d’avocat ainsi que sur les mutations de la justice. Réédité une première fois en 1990, l’essai le fut une deuxième fois en 1995 sous le titre L’avocature. Pour Aurore Boyard, la vocation de l’avocature est plus récente. Membre du barreau de Toulon, elle raconte, depuis 2014, les péripéties de Léa Dumas, jeune avocate récemment inscrite au barreau de Paris, dans une trilogie de romans légers. L’un de ces romans s’est intitulé De l’avocation à l’avocature, pour devenir L’avocature. L’avocation. Tome 2 lors de sa réédition en 2018. Manifestement irrité par cet usage du terme « avocature », Me Soulez-Larivière a demandé au tribunal de grande instance (TGI) de Paris le retrait immédiat des ouvrages de Me Boyard commercialisés sous ce titre (v. Dalloz actualité, 23 sept. 2019, art. M. Babonneau). Un avocat le sait, car il doit souvent en convaincre son client, une irritation ne trouve pas toujours une traduction juridique. Dans cette affaire, c’est le TGI de Paris qui se charge de le rappeler à l’avocat.
À l’appui de sa demande, Daniel Soulez-Larivière revendiquait un droit d’auteur sur le titre avocature. Soutenant avoir inventé le terme en 1982 pour le titre de son premier ouvrage, il arguait naturellement de son originalité, condition à la reconnaissance du droit. L’argumentation était assez simple : n’étant pas un nom commun de la langue française d’usage courant et fréquent avant 1982, pas plus qu’un terme juridique, il ne pouvait faire de doute qu’il s’agissait d’un vrai choix arbitraire, d’un parti pris intellectuel et créatif portant l’empreinte de sa personnalité. Cette argumentation s’est toutefois heurtée à la réalité. De l’aveu même du demandeur, l’usage du terme avocature est apparu dès le milieu du XIXe siècle, ce dont la partie en défense n’a pas manqué d’apporter de nombreux exemples. Ne pouvant sérieusement soutenir être l’auteur d’un terme utilisé plus d’un siècle avant lui, Me Soulez-Larivière a complété son argumentation : il n’aurait en réalité pas inventé mais réinventé un mot très peu usité avant lui pour lui donner une portée inédite et ainsi le faire entrer dans la modernité. Mais découvrir n’étant pas créer, l’usage d’un mot sans autre apport créatif ne permet pas, comme le rappelle le TGI de Paris, de bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur.
Me Soulez-Larivière fonde également sa demande de retrait du roman de Me Boyard sur un fait de parasitisme. Le code de la propriété intellectuelle interdit l’usage d’un titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans les conditions susceptibles de provoquer une confusion, et cela même lorsque le titre en question n’est plus protégé par le droit d’auteur. Autrement dit, l’absence d’originalité du titre n’empêche pas que son usage pour un ouvrage du même genre soit de nature à créer une confusion dans l’esprit du public. Selon Daniel Soulez-Larivière, un risque de confusion existait bel et bien entre les deux ouvrages, l’un et l’autre ayant une inspiration commune, celle de la vie des avocats et de la pratique de leur métier. Pour cette seule raison, ils appartiendraient au même genre. Pour autant, un essai n’est pas un roman. En l’espèce, l’un offre une réflexion sérieuse, l’autre appartient à un genre littéraire parfaitement identifié, celui du « roman de poulettes » (chick lit). Au fond, Daniel Soulez-Larivière reprochait à Aurore Boyard d’avoir cherché à s’approprier la notoriété de son ouvrage. Or sa dernière réédition remontant tout de même, au moment des faits, à près de vingt-cinq ans, aucun bilan de vente ne permettant, de plus, de la corroborer, l’existence d’une telle notoriété, notion délicate à appréhender, n’est pas patente. Le succès des romans d’Aurore Boyard est, lui, en revanche, attesté. Après une étude comparée des ouvrages quant à leur forme, quant au public visé ou au réseau de distribution employé, le TGI de Paris a conclu à l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public. Aussi, démontrant que le terme avocature était régulièrement employé, Aurore Boyard a pu convaincre le TGI de Paris qu’elle n’avait pas eu la volonté de se placer dans le sillage spécifique de l’ouvrage de Daniel Soulez-Larivière et que les faits de parasitisme ne pouvaient être établis.
Dans cette affaire, ce ne sont pas tant les questions de droit qui interpellent que les motivations d’un avocat expérimenté devant l’évidence du droit. N’étant pas protégé par le droit d’auteur, le terme avocature peut continuer de désigner un roman empreint d’humour comme un essai portant une réflexion sérieuse. Assurément, l’avocature bénéficie d’une belle mise en lumière.
On le sait, en application de la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire et posant le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge administratif est, en principe, seul compétent pour juger les actes de l’administration. Néanmoins, par exception, le juge judiciaire redevient compétent pour sanctionner les actes les plus graves commis par cette dernière à l’égard de personnes privées lorsque l’acte administratif a engendré des conséquences dommageables portant atteinte à une liberté individuelle ou portant extinction du droit de propriété, c’est-à-dire en cas de voie de fait. Le juge judiciaire est alors compétent pour réparer ces conséquences. On se souvient que les contours de la voie de fait avaient été strictement redessinés par une importante décision du Tribunal des conflits du 17 juin 2013 (T. confl. 17 juin 2013, n° 3911, Lebon ; AJDA 2013. 1245 ; ibid. 1568 , chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2014. 1844, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2014. 124, étude S. Gilbert ; RFDA 2013. 1041, note P. Delvolvé ; LPA 2 sept. 2013, n° 175, p. 6, note J. De Gliniasty ; JCP 2013. 1057 note S. Biagini-Girard ; RJEP 2013, n° 712, comm. 38, note B. Seiller ; GAJA 2019. 111, p. 896), en rendant, par conséquent, plus exceptionnelle la compétence du juge judiciaire en ce qu’elle devenait plus difficile à retenir que par le passé (comp. par ex. avec l’approche antérieure de la voie de fait initiée dans la décision Action française du Tribunal des conflits concernant la saisie à titre préventif d’un journal, T. confl. 8 avr. 1935, n° 0822, Lebon 1226, concl. Jossn ; GAJA 2013. 92 – décision présente dans l’ouvrage jusqu’à sa 19e éd.). Certains avaient pu écrire que la voie de fait était alors « en voie de disparition de fait » (B. Seiller, note préc. sous T. confl. 17 juin 2013). Cette évolution était toutefois à mettre en parallèle avec le renforcement des prérogatives du juge administratif en matière de référé (J. Schmitz, Le juge du référé-liberté à la croisée des contentieux de l’urgence et du fond, RFDA 2014. 502 ; S. Gilbert, L’immixtion du référé-liberté dans le champ de la voie de fait : vers une perte de sens de la voie de fait, Dr. adm. 2013. Comm. 23, obs. sous CE, ord., 23 janv. 2013, Cne de Chirongui, n° 365262). Depuis cette décision de 2013, tant le Conseil d’État que la Cour de cassation s’étaient ralliés à cette nouvelle approche de la voie de fait et cet arrêt, rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 24 octobre 2019, en est une nouvelle illustration concernant une atteinte au droit de propriété et non son extinction, semblant dès lors retenir une large approche de l’atteinte.
Dans cette espèce, il s’agissait d’une haie d’acacias implantée en limite de propriété sur une parcelle bâtie appartenant à un couple d’époux, personnes privées. La commune dans laquelle ce couple résidait leur avait demandé de supprimer cette haie parce qu’elle « était dangereuse pour les passants ». Le couple avait procédé à l’élagage mais la commune estimant que celui-ci était resté insuffisant, avait mis en demeure les propriétaires de procéder à l’abattage des végétaux. En raison de leur inaction, la commune avait elle-même procédé à l’abattage sans prévenir les propriétaires. Ces derniers avaient alors assigné la commune pour voie de fait en « réalisation forcée de travaux de remise en état et paiement de dommages-intérêts ». La cour d’appel avait fait droit à leur demande : retenant la voie de fait, la commune avait été condamnée à « faire enlever les souches des arbres coupés, à replanter des acacias de même taille que ceux abattus, espacés de 50 centimètres, sur la longueur totale du côté » de la parcelle et à « remplacer la clôture endommagée à l’identique » ainsi qu’à « verser la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi ». Le pourvoi formé par la commune est reçu par la Cour de cassation, qui censure l’arrêt d’appel mais sur un moyen relevé d’office en application de l’article 1015 du code de procédure civile.
Au visa de la loi des 16-24 août 1790 portant séparation des autorités administratives et judiciaires et de l’article 76, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation indique que « l’abattage, même sans titre, d’une haie implantée sur le terrain d’une personne privée qui en demande la remise en état ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration et n’a pas pour effet l’extinction d’un droit de propriété » ; c’est pourquoi, « la demande de remise en état des lieux relève de la seule compétence de la juridiction administrative », justifiant de relever d’office, par la Cour de cassation, « l’incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative ».
Cette solution n’a rien d’étonnant depuis la stricte approche de la notion de voie de fait opérée par la décision de 2013 du Tribunal des conflits. En effet, depuis cette dernière, l’administration ne commet de voie de fait, ouvrant la compétence du juge judiciaire, que lorsque l’administration soit a procédé dans des conditions irrégulières à l’exécution forcée d’une décision (même régulière), portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction du droit de propriété, soit lorsqu’elle a pris une décision ayant les mêmes effets d’atteinte à une liberté individuelle ou d’extinction du droit de propriété, et est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. Dans les deux cas de figure, et lorsque la voie de fait concerne la propriété privée, elle n’est donc constituée que lorsque l’action de l’administration aboutit à l’extinction du droit de propriété et non pas à une seule atteinte à ce droit (l’atteinte grave au droit de propriété justifiait auparavant, c’est-à-dire en application de la notion de voie de fait initiée par la décision Action française de 1935, la compétence du juge judiciaire ; v. aussi T. confl. 23 oct. 2000, n° 3227, Boussadar, Lebon ; AJDA 2001....
Il n’y a voie de fait ouvrant la compétence du juge judiciaire pour réparer les conséquences dommageables d’un acte administratif, que lorsque cet acte a pour effet de porter atteinte à une liberté individuelle ou d’éteindre le droit de propriété, et l’abattage par une commune d’une haie, implantée sur une propriété privée, parce que n’aboutissant pas à l’extinction du droit de propriété, n’est pas constitutif d’une voie de fait.
Il n’y a voie de fait ouvrant la compétence du juge judiciaire pour réparer les conséquences dommageables d’un acte administratif, que lorsque cet acte a pour effet de porter atteinte à une liberté individuelle ou d’éteindre le droit de propriété, et l’abattage par une commune d’une haie, implantée sur une propriété privée, parce que n’aboutissant pas à l’extinction du droit de propriété, n’est pas constitutif d’une voie de fait.
Il n’y a voie de fait ouvrant la compétence du juge judiciaire pour réparer les conséquences dommageables d’un acte administratif, que lorsque cet acte a pour effet de porter atteinte à une liberté individuelle ou d’éteindre le droit de propriété, et l’abattage par une commune d’une haie, implantée sur une propriété privée, parce que n’aboutissant pas à l’extinction du droit de propriété, n’est pas constitutif d’une voie de fait.
La jurisprudence peine encore à trouver un équilibre satisfaisant entre les devoirs respectifs de l’arbitre et des parties s’agissant de la mise en lumière des circonstances susceptibles d’affecter l’indépendance et l’impartialité de ce dernier. Statuant sur le devoir de révélation qui incombe à l’arbitre et l’ « obligation de curiosité » (E. Loquin, obs. sous Civ. 1re, 15 juin 2017, RTD com. 2017. 842 ) qui est celle des parties, l’arrêt rendu le 3 octobre 2019 par la Cour de cassation illustre à nouveau certaines des difficultés qui se présentent en la matière.
Dans cette affaire, une procédure d’arbitrage a été introduite en février 2013 par la société de droit qatari Saad Buzwair Automotive Co (SBA) contre la société de droit émirati Audi Volkswagen Middle East Fze (AVME) au sujet d’accords de distribution. La sentence arbitrale, rendue le 16 mars 2016, a donné raison à AVME.
C’est cette sentence, rendue à Paris, qui a fait l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 1520-2°, du code de procédure civile. SBA a fait valoir que le tribunal aurait été irrégulièrement composé, l’un des arbitres ayant omis de révéler certains liens existant entre son cabinet d’avocats et des sociétés appartenant au groupe du défendeur, faits qu’elle aurait découverts postérieurement à la reddition de la sentence.
Les circonstances invoquées étaient essentiellement de deux ordres. Tout d’abord, il apparaissait dans l’édition 2010/2011 de l’annulaire allemand des avocats que le cabinet de l’arbitre concerné avait représenté une banque du groupe Volkswagen, auquel appartenait le défendeur à l’arbitrage. Ensuite, l’édition 2015/2016 de cet annuaire mentionnait que le même cabinet avait représenté la société Porsche, elle aussi une entité du groupe Volkswagen, dans le cadre d’un litige en cours.
Pour faire droit à cette demande et annuler la sentence, la cour d’appel a opéré un tri parmi ces éléments (Paris, 27 mars 2018, n° 16/09386, Rev. arb. 2019. 522, note L.-C. Delanoy, 1re esp. ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay ; Gaz. Pal. 24 juill. 2018, p. 19, obs. D. Bensaude). D’un côté, elle a estimé que le requérant ne pouvait fonder sa demande d’annulation sur la circonstance de la représentation par le cabinet d’une entité du groupe Volkswagen ayant fait l’objet d’une « publication avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel connu de tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands » (nous soulignons). C’est donc l’exception de notoriété qui lui a permis de considérer que cette circonstance ne pouvait fonder l’annulation de la sentence. En revanche, elle a estimé que la mission de représentation en cours d’arbitrage d’une société du groupe du défendeur par le cabinet de l’arbitre, circonstance non révélée par ce dernier, fondait quant à elle l’annulation. S’agissant de cette seconde circonstance, la publication de l’information dans une édition postérieure du même annuaire et donc son caractère potentiellement notoire n’ont été d’aucun secours, dès lors que, selon la cour d’appel, « il ne saurait être raisonnablement exigé, ni que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées, ni qu’elles poursuivent leurs recherches après le début de l’instance arbitrale ». Cette information non révélée a été jugée de nature à susciter un doute raisonnable dans l’esprit des parties quant à l’indépendance et à l’impartialité de l’arbitre, justifiant l’annulation de la sentence.
La cour d’appel a donc posé une limite aux obligations d’investigation des parties, distinguant selon que l’information publique était accessible avant le début de l’arbitrage ou postérieurement à celui-ci.
Cette approche a été contestée par le pourvoi selon lequel l’obligation de révélation de l’arbitre ne concerne pas les faits notoires ou aisément accessibles « ni avant d’accepter sa mission, ni ensuite en cours d’arbitrage ». Par ailleurs, le demandeur au pourvoi a contesté la méthode en vertu de laquelle la cour d’appel avait estimé qu’il existait en l’espèce un doute raisonnable quant à l’impartialité de l’arbitre.
Sur ces deux points, la Cour de cassation a approuvé la solution retenue par la cour d’appel de Paris.
Quant à la question de l’appréciation de l’existence d’un doute raisonnable, la Cour de cassation estime que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en évoquant l’importance, aux yeux du cabinet de l’arbitre, de l’affaire qui n’avait pas été révélée, importance dont l’appréciation relevait de son pouvoir souverain.
Quant au caractère notoire des informations qui n’avaient pas été révélées par l’arbitre, la Cour de cassation rejette également le pourvoi, estimant que « si l’existence d’un contrat exécuté en 2010 par le cabinet auquel appartient l’un des arbitres pour une société du groupe de l’une des parties doit être regardée comme notoire du fait de sa publication avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel connu de tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands, en revanche, les parties ne sont pas tenues de poursuivre leurs recherches après le début des opérations d’arbitrage ; il incombe à l’arbitre d’informer les parties de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité survenant après l’acceptation de sa mission ».
Cette affaire est ainsi l’occasion de revenir brièvement sur les contours du devoir de révélation de l’arbitre et, corrélativement, sur les devoirs qui incombent aux parties. Plus précisément, deux points retiennent l’attention, à savoir, d’une part, la nature des circonstances susceptibles de soulever un doute raisonnable quant à l’indépendance ou à l’impartialité de l’arbitre et, d’autre part, les limites de l’exception de notoriété.
Nature des circonstances susceptibles de soulever un doute raisonnable quant à l’indépendance ou à l’impartialité de l’arbitre. La question des liens que le cabinet auquel appartient l’arbitre entretient avec des entités du même groupe de l’une parties à l’arbitrage se pose fréquemment en pratique (v. not., dans d’autres circonstances, Civ. 1re, 27 janv. 2016, Fibre Excellence, n° 15-12.363, affaire dans laquelle l’un des arbitres était en pourparlers avec le cabinet qui conseillait l’une des parties à l’arbitrage en vue de son intégration au sein de ce dernier ; Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra Group, n° 09/28537). Nombreux en effet sont les arbitres qui exercent de façon habituelle une activité de conseil au sein de cabinets d’avocats de taille relativement importante, augmentant le risque de conflits d’intérêts indirects. Une telle situation n’est pas toujours facile à appréhender du fait du nombre d’intermédiaires entre les parties à l’arbitrage et l’arbitre en cause. D’une part, le rapport d’affaire visé lie non pas l’arbitre directement, mais le cabinet au sein duquel celui-ci exerce son activité – à divers titres – et d’autre part, ce cabinet n’est pas directement lié à l’une des parties à l’arbitrage, mais à l’une des sociétés du groupe de l’une de ces parties. Il n’en reste pas moins que la situation est susceptible d’attirer légitimement l’attention de l’autre partie. Si de tels liens ne sont pas nécessairement la source d’une réelle partialité ou d’un manque d’indépendance de la part de l’arbitre, ni même nécessairement susceptibles de faire naître un doute raisonnable quant aux qualités exigées de l’arbitre, leur existence doit interpeller quant à l’image qu’ils pourraient projeter (dans le sens d’une appréciation au cas par cas, v. IBA Guidelines on Conflict of Interest in International Arbitration 2014, General Standard 6).
En la matière, la prudence est de mise, même si tous ces liens ne se valent pas. Pour apprécier l’existence d’une obligation de révélation des liens entre un arbitre et le cabinet de l’une des parties ou d’une société du même groupe, la jurisprudence a recours a plusieurs éléments, en particulier, la nature (Paris, 13 nov. 2012, SA Fairplus Holding c/ société JMB Corporation, n° 11/11153) ou la fréquence des relations d’intérêts (Paris, 9 sept. 2010, Cts Allaire c/ SAS SGS Holding France, n° 09/16182), leur proximité dans le temps avec l’arbitrage ou encore leur importance financière (Paris, 13 nov. 2012, préc.). De telles circonstances sont susceptibles d’être soumises à révélation, dès lors à tout le moins qu’elles présentent une certaine importance et/ou une certaine proximité temporelle avec l’arbitrage en cours.
Pour autant, la jurisprudence n’est pas parfaitement claire et n’exige pas systématiquement un véritable courant d’affaires (sur la caractérisation d’un courant d’affaires entre un groupe de sociétés et un arbitre fréquemment désigné par celui-ci, v. Civ. 1re, 20 oct. 2010, M. Marcel Batard et autre c/ société Prodim et autre, Bull. civ. I, n° 962 ; Paris, 23 juin 2015, Établissement public économique et autre c/ SARL CTI Group Inc. et autres, n° 13/09748), laissant une grande part de casuistique et donc d’incertitudes. A titre d’exemple, dans un arrêt du 10 mars 2011, la cour d’appel de Paris a jugé que devait être révélée la circonstance que l’un des arbitres ait entretenu des liens avec un cabinet d’avocats – ayant été of counsel du cabinet pendant une dizaine d’années, plusieurs années préalablement à l’arbitrage, et ayant ensuite indiqué avoir été depuis consulté deux ou trois fois par ce même cabinet – dès lors que le conseil de l’une des parties était au temps de l’arbitrage collaborateur de ce cabinet (Paris, 10 mars 2011, n° 09/28537).
Dans l’affaire commentée, l’un des éléments pris en considération est l’importance que le cabinet de l’arbitre accordait à sa relation avec la société du groupe du défendeur. La cour d’appel a relevé que le cabinet d’avocats auquel appartenait l’arbitre avait communiqué sur sa représentation de la société Porsche au point de l’inclure dans son « top 5 des affaires les plus importantes d’un point de vue juridique ou pour le développement du cabinet » et que « cette publication par laquelle les cabinets d’affaires mettent en valeur les affaires les plus flatteuses qu’ils ont eu à traiter et les clients les plus convoités qui les ont mandatés est un élément de communication important qui ne saurait être laissé au hasard ». La prise en compte de ces éléments a été contestée sans succès par le pourvoi, la Cour de cassation estimant que les énonciations par lesquelles la cour d’appel a relevé que la mission de représentation de la société Porsche « revêtait une incontestable importance aux yeux » du cabinet procédaient de son pouvoir souverain d’appréciation, et qu’elles lui permettaient de « légalement justifier sa décision sur l’existence d’un doute raisonnable ».
L’apport de l’arrêt n’est pas absolument décisif sur ce point, l’importance de l’affaire n’apparaissant que comme l’un des indices susceptibles de motiver l’existence d’un doute raisonnable. Dans ce sens, la cour d’appel a également relevé « au surplus » l’existence d’une mission de 2010 confiée par la même société Porsche au cabinet de l’arbitre, « mission certes de faible importance, mais non déclarée par l’arbitre et non rendue publique par le cabinet ».
Par ailleurs, outre l’importance de la mission, on relèvera qu’elle était également concomitante à l’arbitrage. Cette proximité temporelle pèse également dans la balance. Rappelons à titre d’exemple que le fait pour le cabinet de l’arbitre d’effectuer une mission pour l’une des parties ou pour une société du même groupe est considéré comme relevant de la liste Orange des IBA Guidelines, c’est-à-dire des circonstances soumises à l’obligation de révélation, même en l’absence de relation commerciale significative entre le cabinet et cette société (si un tel courant d’affaires est caractérisé, les IBA Guidelines considèrent alors que la circonstance tombe dans la « Waivable Red List »). L’appréciation de la cour d’appel ne surprend donc pas.
L’arbitre aurait dû révéler ces faits de façon à permettre aux parties de présenter, le cas échéant, une demande de récusation. L’obligation de révélation présente ainsi une « vertu préventive » (C. Seraglini et J. Orstcheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., LGDJ, 2019, n° 745) puisqu’à défaut d’une réaction dans les délais, les parties seront réputées avoir renoncé à se prévaloir du grief et ne pourront plus demander l’annulation de la sentence sur ce fondement.
À cet égard, la lecture du pourvoi permet indirectement d’apprécier la portée d’une telle renonciation, qui ne semble couvrir que la circonstance révélée, à l’exception de circonstances similaires ou comparables.
En effet, à suivre le pourvoi, l’arbitre aurait révélé avoir déjà été nommé en qualité d’arbitre par une société du groupe Volkswagen, ce qui n’avait pas occasionné de réaction ou de réticence de la part du requérant. Selon le demandeur au pourvoi, cette circonstance aurait dû être prise en compte par la cour d’appel pour apprécier si les nouvelles circonstances en cause créaient un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre. La Cour de cassation a écarté cet argument au motif de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Sur le fond, il semble justifié de ne pas donner suite à une telle argumentation. Si l’on comprend l’idée qui consiste à tenter de faire usage du caractère subjectif de la notion de doute raisonnable et d’en proposer une interprétation au regard de l’attitude de la partie à laquelle ce doute s’applique, il n’en reste pas moins que poussé l’extrême, le procédé pourrait revenir, de fait, à faire jouer très largement la renonciation de l’article 1466 du code de procédure civile. Or, si la renonciation peut être tacite, il serait préjudiciable aux droits des parties d’admettre qu’elle puisse être équivoque.
Du reste, en l’espèce, il était difficile de prétendre que les liens révélés - à savoir le fait pour l’arbitre d’avoir été désigné comme arbitre dans un autre litige par une société du groupe de l’une des parties - soient semblables à ceux qui ont été découverts par la suite - à savoir le fait de représenter une société de ce même groupe dans un litige, ne serait-ce que parce que, dans le premier cas, l’arbitre agit en toute indépendance et autonomie vis-à-vis de la partie qui l’a désigné.
Contours de l’exception de notoriété. C’est assez naturellement que la cour d’appel – confirmée en cela par la Cour de cassation – a pu estimer que ces faits étaient susceptibles de faire naître un doute raisonnable quant à l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre. La question restait de savoir s’ils n’étaient pas suffisamment notoires ou facilement accessibles pour qu’il appartienne aux parties d’en prendre connaissance, dispensant ainsi l’arbitre d’avoir à les révéler.
Le devoir de révélation de l’arbitre est contrebalancé, par l’obligation des parties de se renseigner, de façon à éviter des manœuvres dilatoires. Pèse donc sur les parties un « devoir minimum d’investigation » (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, op. cit., n° 746). Cette exception de notoriété est désormais classique (Paris, 13 mars 2008, n° 06/12878, Paris, 13 mars 2008, n° 06/12878, D. 2008. 3111, obs. T. Clay ; v. égal., Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra, n° 09/28537, Rev. arb. 2011. 737, obs. D. Cohen ; Cah. arb., 2011. 787, note M. Henry ; LPA 2011, n° 225-226, p. 14, note P. Pinsolle ; Gaz. Pal. 15-17 mai 2011. 19, obs. D. Bensaude ; 10 mars 2011, n° 09/28537, D. 2011. 3023, obs. T. Clay ; RTD com. 2012. 518, obs. E. Loquin ; 13 nov. 2012, SA Fairplus Holding c/ société JMB Corporation, n° 11/11153 ; 28 mai 2013, n° 11/17672, Catering International, Gaz. Pal. 27-28 sept. 2013. 18, obs. D. Bensaude ; 28 mai 2013, n° 11/17672, D. 2013. 2936, obs. T. Clay ; 2 juill. 2013, n° 11/23234, La Valaisanne Holding, Rev. arb. 2013. 1033, note M. Henry ; JCP 2013. 1391, § 5, obs. J. Ortscheidt ; D. 2013. 2936, obs. T. Clay ; RTD com. 2014. 318, obs. E. Loquin ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, D. 2016. 2589, obs. T. Clay ; RTD com. 2016. 699, obs. E. Loquin ; Cah. arb. 2016. 633, note V. Chantebout). Néanmoins, l’arrêt commenté est une nouvelle occasion de constater les difficultés qui président à sa mise en œuvre, qu’il s’agisse de son contenu ou de ses effets, quant aux obligations respectives des parties et des arbitres.
Certains auteurs ont clairement manifesté leur hostilité à l’égard de l’exception de notoriété (v. not., J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage, Dalloz actualité, 29 oct. 2019). En opportunité, on sera moins sévère en ce que, sur le principe, l’exception de notoriété participe d’un assainissement des recours contre les sentences.
Nous rejoignons cependant ceux qui s’émeuvent de l’absence de clarté de ce critère (en ce sens, v. T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, note sous Paris, 12 avr. 2016, n° 14/884, Société J&P Avax c/ société Tecnimont, Cah. arb. 2016. 447, n° 11). La notoriété s’entend de ce qui est « connu d’un grand nombre de personnes » (Larousse, v° Notoriété). S’agissant de faits pouvant affecter l’image de l’indépendance ou de l’impartialité de l’arbitre, la jurisprudence va plus loin et nous enseigne qu’est assimilée à l’information notoire l’information aisément accessible (v. not., Civ. 1re, 15 juin 2017, République de Guinée Equatoriale c/ société Orange Middle East and Africa, n° 16-17.108, Bull. civ. I, n° 746 ; D. 2017. 1306 ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; RTD com. 2017. 842, obs. E. Loquin ), notamment sur internet (Paris, 14 mars 2017, n° 15/19525, Rev. arb. 2017. 1213, note B. Zadjela ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, D. 2016. 2589, obs. T. Clay ; RTD com. 2016. 699, obs. E. Loquin ; Cah. arb. 2016. 633, note V. Chantebout ; Civ. 1re, 19 déc. 2018, Sté J&P Avax c/ Sté Tecnimont, et les arrêts précédents). La question se pose néanmoins au regard des faits de l’espèce : l’information était-elle réellement aisément accessible, dès lors qu’elle figure dans une publication très spécialisée et géographiquement limitée ? L’on rappellera, à l’instar de la cour d’appel, qu’il « ne saurait être exigé […] que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées ».
Elle a néanmoins ajouté que les informations qu’elle qualifie de notoires étaient telles « que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l’arbitrage ». C’est parce qu’il était connu de « tous les cabinets d’avocats d’affaires allemands » que l’annuaire paraît constituer une source incontournable. On peut ne pas être totalement convaincu (v. not. Paris, 27 mars 2018, n° 17/08354, D. 2018. 2448, obs. T. Clay ). À cet égard, il est intéressant de relever que l’arbitre avait indiqué ne pas avoir eu connaissance de la représentation de la banque du groupe Volkswagen par son cabinet. Or, si l’on sait que l’argument tiré de l’ignorance par l’arbitre est insuffisant à exonérer celui-ci (la question avait déjà été soulevée dans l’affaire Tecnimont, à la fois par le pourvoi et par un commentateur. V., T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, préc. V. égal. J. Jourdan-Marques, Dalloz actualité, 29 janv. 2019), il peut sembler paradoxal d’affirmer à la fois que l’information est notoire et inconnue de l’arbitre lui-même.
La Cour de cassation adopte une position plus nuancée s’agissant de l’information publiée non plus avant, mais en cours d’arbitrage, estimant que les parties n’ont pas l’obligation de poursuivre leurs investigations postérieurement au début de l’arbitrage. Après l’acceptation de sa mission, c’est sur l’arbitre seulement que pèse l’obligation de révélation. À cet égard, la lettre de l’article 1456 du Code de procédure civile est claire. Il appartient à l’arbitre de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité « avant d’accepter sa mission » ainsi que « toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l’acceptation de sa mission » et ce, « sans délai » (V. égal. Paris, 17 févr. 2005, Rev. arb. 2005. 709, note M. Henry (3e esp.) ; 12 févr. 2009, Rev. arb. 2009. 186, note T. Clay).
Du côté des parties en revanche, l’obligation de mener des investigations sur l’existence d’éventuels conflits d’intérêts cesse « après le début de l’instance arbitrale » (V. déjà, Paris, 14 oct. 2014, n° 13/13459, Rev. arb. 2015. 151, note M. Henry ; D. 2014. 2541, obs. T. Clay ; Cah. arb. 2014. 795, note D. Cohen. V. égal. Civ. 1re, 16 déc. 2015, n° 14-26.279, D. 2016. 2589, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2016. 536, note M. Henry ; Gaz. Pal. 2016, n° 26, p. 27, obs. D. Bensaude ; Cah. arb. 2016. 653, note D. Cohen).
Le pourvoi faisait cependant valoir une forme de continuité entre les éditions 2010/2011 et 2015/2016 de l’annuaire professionnel faisant état des liens entre le cabinet de l’arbitre et le groupe du défendeur. Selon le pourvoi, si les informations contenues dans l’édition la plus ancienne étaient notoires, il en allait nécessairement de même des informations contenues dans une édition ultérieure. L’argument n’est pas sans rappeler la solution retenue dans le dernier acte de l’affaire Tecnimont (Civ. 1re, 19 déc. 2018, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. C. Debourg ; JCP E 2019. 1177, note A. Constant ; Procédures 2019. Étude 8, note L. Weiller). Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait adopté la position de la cour d’appel selon laquelle les informations « ne faisaient que compléter celles dont elle disposait avant le dépôt de sa requête » et « n’étaient pas de nature à aggraver de manière significative ses doutes sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre ». Dans l’affaire commentée, il est permis de se demander si la publication 2015/2016 se présentait comme une information nouvelle de nature à provoquer une aggravation significative au sens de l’arrêt Tecnimont ou si elle s’inscrivait dans la continuité d’informations notoires avant le début de l’arbitrage qu’elles ne font que compléter. Il nous a déjà été donné l’occasion de relever que la ligne n’est pas clairement tracée dès lors que tout lien supplémentaire ou l’augmentation du flux d’affaires est de nature, par effet d’accumulation, à aggraver les doutes des parties, quand bien même certains liens entre l’une des parties et l’arbitre étaient déjà établis (C. Debourg, obs. sous Civ. 1re, 19 déc. 2018, préc.). En l’espèce, on peut se demander si le fait que la source de l’information soit la même, malgré le fait qu’il s’agisse de publications d’années différentes, et que l’attention des parties ait été attirée sur la possibilité que le cabinet représente des sociétés du groupe, n’est pas une circonstance qui aurait dû pousser la partie requérante à enquêter davantage. La Cour de cassation ne le voit pas de cet œil et retient simplement que la partie n’était pas tenue de poursuivre ses recherches. Corrélativement, le poids de la révélation pèse donc sur l’arbitre qui doit donc être appelé à la prudence.
Si l’information publiée avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel doit être regardée comme notoire, les parties ne sont pas tenues de poursuivre leurs recherches après le début des opérations d’arbitrage ; il incombe à l’arbitre d’informer les parties de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité survenant après l’acceptation de sa mission.
Si l’information publiée avant le début de l’arbitrage dans un annuaire professionnel doit être regardée comme notoire, les parties ne sont pas tenues de poursuivre leurs recherches après le début des opérations d’arbitrage ; il incombe à l’arbitre d’informer les parties de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité survenant après l’acceptation de sa mission.
Le premier ministre a globalement confirmé l’architecture du futur régime de retraites « universel » proposé par Emmanuel Macron pendant la présidentielle 2017 et ébauché dans le rapport Delevoye publié en juillet.
Mais certains points ont également été modifiés, notamment à l’endroit des professions libérales.
Les avocats devront, selon Matignon, rejoindre le régime universel, « à horizon 2035 », un temps nécessaire de « convergence », a-t-il insisté. La réforme propose d’alléger la CSG pour compenser une possible hausse des cotisations vieillesse.
Par ailleurs, le rapport Delevoye proposait qu’une partie des réserves dont dispose la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) soit utilisée au profit du régime universel. Les avocats, et notamment le Conseil national des barreaux (CNB), s’étaient inquiétés d’un possible « hold-up ».
Face à ces craintes, Édouard Philippe a assuré mercredi que « les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés » et pourront notamment « accompagner la transition » de ces régimes vers le futur système, citant le cas des auxiliaires médicaux, des avocats ou encore des médecins. Il n’y aura « pas de siphonage », a-t-il juré.
Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, n’a pas été convaincue par ces annonces. Elle estime ne pas avoir été entendue et regrette que le premier ministre ait repris « point par point le rapport Delevoye ». « L’assemblée générale du CNB » décidera des actions à prendre », a-t-elle indiqué. Cette dernière doit se réunir vendredi 13 décembre.
De son côté, le projet de loi sera présenté le 22 janvier prochain en Conseil des ministres.
Édouard Philippe a détaillé, mercredi 11 décembre, les contours de la future réforme des retraites devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le CNB n’est pas convaincu.
Les récents sondages montrent que seulement 43 % des français considèrent que les juges sont indépendants du pouvoir politique. Un constat qui « interroge », selon l’élu, et qui doit permettre de faire la lumière sur la façon dont s’articule « l’équilibre des pouvoirs en France ».
Les obstacles à l’indépendance « doivent s’analyser sous différents angles », insiste Ugo Bernalicis. Les travaux de cette commission ne se limiteront donc pas seulement à la question de l’indépendance du ministère public et du rôle joué par l’exécutif dans la nomination du parquet.
Ils s’attaqueront à « tous les angles morts », promet l’élu. Le groupe compte, en effet, aborder le biais budgétaire, la formation des juges, leur avancement, la composition du Conseil supérieur de la magistrature, les pressions politiques et médiatiques – dont l’instrumentalisation des faits divers par les hommes politiques –, les fuites dans la presse, ou encore le déroulement des comparutions immédiates.
Pour rappel, le chef de file des députés FI Jean-Luc Mélenchon et cinq de ses proches, dont les députés Alexis Corbière et Bastien Lachaud, a été condamné lundi 9 décembre à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 € d’amende par le tribunal correctionnel de Bobigny pour « rébellion, provocation directe à la rébellion et intimidation envers des magistrats et des dépositaires de l’autorité publique » lors de la perquisition au siège de son mouvement, en octobre 2018. Un « procès politique » pour M. Mélenchon.
La commission d’enquête doit démarrer ses travaux début janvier. Elle a une durée de six mois, au maximum. Elle peut notamment convoquer toute personne dont l’audition sera jugée utile, mais elle ne peut porter sur des faits ayant donné lieu à poursuites.
Le député Ugo Bernalicis (FI) va présider une commission d’enquête « sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire ». La majorité parlementaire a nommé hier Didier Paris rapporteur.
Le Conseil d’État, au fil de ses décisions, a assoupli pour les contentieux sociaux certaines contraintes de la procédure classique. Ainsi, il vient de considérer que le juge ne pouvait pas rejeter une requête comme irrecevable sans instruction ni audience avant d’avoir informé le requérant de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à appuyer sa demande et les pièces utiles.
Le Conseil d’État, au fil de ses décisions, a assoupli pour les contentieux sociaux certaines contraintes de la procédure classique. Ainsi, il vient de considérer que le juge ne pouvait pas rejeter une requête comme irrecevable sans instruction ni audience avant d’avoir informé le requérant de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à appuyer sa demande et les pièces utiles.
Pour évaluer la responsabilité du comptable public du fait du paiement irrégulier d’une dépense, le juge des comptes doit rechercher le lien de causalité entre le manquement et le préjudice de l’organisme public.
La chambre du conseil de la cour d’appel de la Principauté de Monaco a annulé jeudi pour déloyauté des enquêteurs la procédure ouverte pour escroquerie visant le marchand d’art suisse Yves Bouvier à la suite d’une plainte déposée en janvier 2015 par le milliardaire russe Dimitri Rybolovlev, président de l’AS Monaco, le club de la principauté.
Dans une décision de section du 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat précise les règles de combinaison du recours direct en interprétation d’un acte administratif avec une autre instance impliquant le même acte.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté publie un rapport, qui paraîtra le 22 janvier aux éditions Dalloz, sur les violences interpersonnelles dans les lieux de privation de liberté.
Un État membre peut, pour des raisons d’ordre public, rejeter une demande de titre de séjour pour regroupement familial en se fondant sur une condamnation pénale si l’infraction présente une gravité suffisante pour établir qu’il est nécessaire d’exclure le séjour du demandeur.
Le juge des libertés et de la détention n’est pas le « juge des libertés et de la contention »
Par arrêt du 21 novembre 2019, la Cour de cassation a exclu les mesures de contention et d’isolement prises dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement, du domaine de compétence du juge judiciaire.
En fixant cette limite importante au contrôle du juge des libertés et de la détention, la Haute Cour a pris une décision dont la portée est juridique mais pas que …
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il précise les cas dans lesquels le demandeur devra justifier, avant de saisir la justice, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office.
La directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, adoptée le 23 octobre 2019 et publiée au JOUE du 26 novembre 2019, entre en vigueur le 16 décembre 2019 et devra être transposée par les États membres au plus tard au 17 décembre 2021. Elle porte sur la protection des personnes qui signalent les violations du droit de l’Union. Elle offre un complément mais également une protection unifiée aux lanceurs d’alerte au sein de l’Union européenne.
L’Autorité polynésienne de la concurrence rend une décision de non-lieu concernant une entente alléguée dans le cadre d’un marché public du secteur de la surveillance et du gardiennage, notamment en raison d’un défaut d’impartialité du fait de l’immixtion du collège et de son président dans l’instruction.
La première chambre civile se prononce sur la responsabilité de la société Sanofi pour les dommages causés par la Dépakine. Si elle retient la défectuosité du produit eu égard au défaut de présentation dans la notice du risque tératogène d’une particulière gravité, elle casse cependant la solution retenue par les juges du fond qui n’ont pas examiné la cause d’exonération soulevée par le laboratoire.
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile consacre le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de justice. Le chapitre IV du titre XV du livre I du code de procédure civile, qui conserve l’intitulé « Exécution provisoire », se voit dorénavant subdivisé en trois sections : la première est relative à l’exécution provisoire de droit, la deuxième à l’exécution provisoire facultative et la troisième prévoit des dispositions communes. Ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront, comme il est dit dans les dispositions liminaires, qu’aux décisions rendues sur les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Le principe de l’exécution provisoire de droit
Le principe est posé par l’article 514 nouveau du code de procédure civile, en ces termes : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
La première conséquence prévue par le texte est la suppression de toute référence au caractère exécutoire de plein droit de certaines décisions de justice, à commencer par l’ordonnance de référé. Le décret vient donc modifier les termes de l’article 489 du code de procédure civile, en supprimant purement et simplement le premier alinéa. Cet article ne comporte plus qu’un seul alinéa, ainsi rédigé : « En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute ».
Les exceptions au principe de l’exécution provisoire de droit.
Tout en posant le principe de l’exécution de droit à titre provisoire des décisions rendues en première instance, l’article 514 réserve les cas où la loi ou le juge en décideraient autrement.
Les exceptions « légales »
Au titre des exceptions légales, le nouveau texte vient modifier certaines dispositions du code de procédure civile.
C’est ainsi qu’en matière d’état civil, ne sont pas exécutoire de droit à titre provisoire :
les décisions statuant sur la nationalité des personnes physiques (C. pr. civ., art. 1045),les décisions statuant sur les demandes de rectification et d’annulation des actes d’état civil (C. pr. civ., art. 1054-1),
les décisions statuant sur le choix du ou des prénoms en matière de déclaration de naissance (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’art. 57, al. 3),
les décisions statuant sur les demandes de changement de prénoms et de nom (C. pr. civ., art. 1055-3, renvoyant à l’article 60, al. 3),
les décisions statuant sur les demandes en modification de la mention du sexe et, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l’état civil (C. pr. civ., art. 1055-10).
Il en va de même des décisions statuant sur les demandes relatives à la déclaration d’absence d’une personne (C. pr. civ., art. 1067-1)
En matière familiale, il est dit que les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire, à moins qu’il n’en soit disposé autrement. À ce titre, les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du code civil sont, par exception, exécutoires de droit à titre provisoire (C. pr. civ., art. 1074-1).
Ne bénéficient pas non plus de l’exécution de droit à titre provisoire les décisions statuant sur les demandes relatives à la filiation et aux subsides (C. pr. civ., art. 1149).
Il en va également des décisions statuant sur les demandes relatives à l’adoption (C. pr. civ., art. 1178-1).
Lorsque l’exécution provisoire n’est pas de droit, elle reste néanmoins facultative, à moins qu’elle ne soit interdite par la loi. Elle pourra, en effet, être ordonnée à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. Le régime de l’exécution provisoire ordonnée est fixé, comme il a été vu plus haut, par la deuxième section, laquelle reprend en substance les anciennes dispositions du code (C. pr. civ., art. 515 à 517-4).
Les exceptions « judiciaires »
Le juge peut, même d’office, écarter en tout ou partie l’exécution provisoire de droit, s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire. Sa décision doit être spécialement motivée. Il ne pourra néanmoins le faire, précise le texte, lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-1).
Lorsque l’exécution provisoire a été écartée, son rétablissement peut être demandé à l’occasion d’un appel, en cas d’urgence et à la double condition que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande doit être portée devant le premier président ou, lorsqu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état (C. pr. civ., art. 514-4).
Par ailleurs, en cas d’appel, il peut être demandé au premier président l’arrêt de l’exécution provisoire de droit. Si cela était déjà possible avant l’entrée en vigueur du nouveau texte, les conditions ont évolué. La demande est tout d’abord subordonnée à l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation et au risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives. En outre, le texte limite la possibilité d’une telle demande lorsque la partie qui l’invoque a comparu en première instance et qu’elle n’a alors fait valoir aucune observation sur l’exécution provisoire. La demande ne sera alors recevable que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Enfin, l’exécution provisoire peut être arrêtée en cas d’opposition par le juge qui a rendu la décision, dans les mêmes conditions (C. pr. civ., art. 514-3).
Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, subordonner sa décision de rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit mais encore sa décision de rétablissement de l’exécution provisoire de droit à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations (C. pr. civ., art. 514-5). Le régime de ces garanties n’a pas été modifié, si ce n’est qu’il se retrouve aujourd’hui dans la section troisième intitulée « Dispositions communes ». Il en va de même de la consignation, permettant à la partie condamnée d’éviter que ne soit poursuivie l’exécution provisoire de la décision, et de la radiation du rôle sanctionnant, en cas d’appel, le défaut d’exécution ou le défaut de consignation, selon le cas.
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il instaure, en son article 3, le principe de l’exécution provisoire de droit.
Le 10 décembre 2019, le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO) a formulé des propositions concernant les dispositions particulières applicables aux immeubles à construire avant la livraison du premier lot.
Dans l’application du principe d’immunité de juridiction, l’avis du chef de l’État, du chef du gouvernement ou du ministre des affaires étrangères de l’État employeur, selon lequel l’action judiciaire ayant pour objet un licenciement ou la résiliation du contrat d’un employé risque d’interférer avec les intérêts de cet État en matière de sécurité, ne dispense pas la juridiction saisie de déterminer l’existence d’un tel risque.
La contestation devant la Commission nationale d’indemnisation des décisions des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage constitue un recours administratif obligatoire préalable à la saisine du juge administratif.
Par un arrêt du 11 décembre, le Conseil d’État reprend et confirme l’interprétation des juridictions subordonnées sur le mode d’examen, par le préfet, d’une demande d’admission exceptionnelle au séjour, mention « salarié/travailleur temporaire » présentée par un jeune majeur placé à l’aide sociale à l’enfance après 16 ans (CESEDA, art. L. 313-15). Il précise ainsi, de la même façon, la portée du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation du juge administratif.
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution appelle certains acteurs du marché à corriger leurs pratiques en matière de vente de contrats d’assurance par voie de démarchage téléphonique, afin de préserver les intérêts des personnes sollicitées, potentiels souscripteurs à l’assurance.
Il existe actuellement différentes façons de saisir une juridiction. En matière contentieuse, la demande initiale est formée par assignation, par remise d’une requête conjointe au greffe de la juridiction ou par requête ou déclaration au greffe de la juridiction. Chacun de ces modes de saisine obéit à un régime juridique différent et impose au plaideur de maîtriser les arcanes de la procédure civile. Désireux de rendre l’accès au juge moins complexe, le législateur a choisi d’unifier l’introduction de l’instance autour de l’assignation et, dans certains cas, de la requête. Cette simplification des modes de saisine est désormais fixée dans la section première de l’article 1er du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 modifiant les articles 54 à 58 du code de procédure civile.
Consécration de l’assignation comme mode principal de saisine
L’article 54 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction en vigueur au 1er janvier 2020, érige la saisine de la juridiction par voie d’assignation en principe. Ce dernier n’est toutefois pas absolu dans la mesure où la demande initiale peut être formée par requête conjointe ou, sous certaines conditions, par voie de requête unilatérale. Quant à la saisine par déclaration au greffe du tribunal d’instance ouverte à la demande n’excédant pas 4 000 €, elle disparaît à compter du 1er janvier 2020.
Mentions communes de la demande en justice
L’article 54 (modifié), situé dans le livre premier du code de procédure civile relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions, énumère les mentions devant figurer à peine de nullité dans la demande initiale.
À compter du 1er janvier 2020, la demande introductive, qu’elle soit formée par voie d’assignation ou par voie de requête, doit comporter l’indication de la juridiction devant laquelle elle est portée, son objet, la désignation du demandeur conformément aux prescriptions de l’article 648 du code de procédure civile et, le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier. L’article 54 du code de procédure civile exige, par ailleurs, que soient mentionnées les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige lorsque la demande doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Les modalités de comparution devant la juridiction sont également exigées par l’article 54 ainsi que la précision de la sanction du défaut de comparution du défendeur. Ces deux dernières prescriptions n’étaient imposées, jusqu’à présent, que dans l’acte d’assignation.
Enfin, autre nouveauté, l’article 54 exige que la demande, lorsqu’elle est formée par voie électronique, comporte, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. En revanche, la précision de l’adresse électronique et du numéro de téléphone du défendeur n’est qu’une faculté comme l’indique l’emploi du verbe « pouvoir ».
Il ressort de l’article 54 du code de procédure civile ainsi modifié que la simplification souhaitée par le législateur porte uniquement sur le mode de saisine de la juridiction et non sur le contenu de l’acte. Le nombre important de mentions exigées par cet article ainsi que la nécessaire maîtrise des règles juridiques pour satisfaire à ces prescriptions vont en ce sens.
L’exigence de la mention des diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige est, à cet égard, parlant. Afin de satisfaire à cette disposition figurant au 5° de l’article 54 du code de procédure civile, il est nécessaire pour le plaideur souhaitant soumettre au tribunal judiciaire ses prétentions, de savoir si sa demande doit, ou non, être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. La réponse est apportée par la maîtrise de l’article 750-1 du code de procédure civile et des articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Ainsi informé du montant fixé à 5 000 € en deçà duquel ces diligences sont obligatoires ainsi que des demandes liées à certains conflits de voisinage soumises à ces prescriptions, il convient encore de s’interroger sur les cas de dispenses listés à l’article 750-1 du code de procédure civile.
Une autre illustration du caractère complexe du contenu de la demande initiale est fournie par l’exigence des modalités de comparution. Comme c’est le cas aujourd’hui, le défendeur doit être informé de la possibilité qu’il a de se faire assister ou représenter. Cette information est quelque peu complexifiée par la fusion, au sein du tribunal judiciaire, du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance.
S’il était simple de retenir que, dans le cadre d’une procédure au fond devant le tribunal de grande instance, la représentation par avocat était obligatoire, ou encore que, dans le cadre d’une saisine au fond du tribunal instance, les parties pouvaient se faire représenter selon les modalités prescrites aux articles 827 et 828 du code, il en va différemment par l’effet du décret du 11 décembre 2019. Le principe porté par l’article 760 (modifié) réside dans la constitution obligatoire d’avocat devant le tribunal judiciaire, sauf dispositions contraires. Or ces dernières sont nombreuses, comme en témoigne l’article 761, ainsi rédigé :
« Les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants :
1° Dans les matières relevant de la compétence du juge de l’exécution ;
2° Dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire ;
3° À l’exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 € ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 €. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.
Lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation par avocat, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat.
Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont tenues de constituer avocat, quel que soit le montant de leur demande.
L’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. »
De ce qui précède, il est possible d’affirmer que seul le mode d’introduction de l’instance est simplifié par le décret du 11 décembre 2019 mais pas le contenu de la demande. Ce constat est d’autant plus vrai que les articles 56 et 57 (nouveaux) du code de procédure civile véhiculent des exigences supplémentaires.
Mentions spécifiques à la demande formée par voie d’assignation
Le nouvel article 56, spécifique à la saisine de la juridiction par voie d’assignation, vient compléter les mentions de la demande initiale prévues par l’article 54. Il impose dans l’acte d’assignation, comme c’est le cas aujourd’hui, le respect, à peine de nullité, des mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, c’est-à-dire celles de l’article 648. Il prescrit également, et c’est une nouveauté, la mention dans toutes les assignations, des lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée.
Cette consécration des assignations « à date » repose sur un mécanisme de prise de date obtenu à terme par voie numérique. Ce système présente l’avantage pour le justiciable de pouvoir connaître, dès l’introduction de sa demande, la date de la première audience. Corrélativement, ce mécanisme permet de décharger le greffe des convocations et des saisies de données.
Par dérogation à la date d’entrée en vigueur fixée au II de l’article 55 du décret du 11 décembre 2019, dans les procédures soumises au 31 décembre 2019 à la procédure écrite ordinaire, la saisine par assignation de la juridiction demeure soumise aux dispositions des articles 56 et 752 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret, jusqu’au 1er septembre 2020. Concrètement, jusqu’à cette date, l’assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire dans le cadre de la procédure écrite ordinaire doit être délivrée « sans date » comme c’est actuellement le cas de l’assignation au fond devant le tribunal de grande instance. Ce report de date concerne également les procédures au fond prévues aux articles R. 202-1 et suivants du livre des procédures fiscales, celles prévues au livre VI du code de commerce devant le tribunal judiciaire et celles diligentées devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
L’article 56 (modifié) spécifique à l’acte d’assignation impose par ailleurs la relation dans l’acte d’un exposé des moyens en fait et en droit. Couplés aux dispositions de l’article 54 (nouveau), les moyens seront, comme à l’heure actuelle, exposés en fait et en droit dans l’objet de la demande.
S’agissant de la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée, elle continue de figurer dans un bordereau annexé à l’acte. Il doit être observé que cette exigence est désormais prescrite dans le 3° de l’article 56. En d’autres termes, dès son entrée en vigueur, cette disposition pourra être sanctionnée par la nullité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (Civ. 2e, 3 avr. 2003, n° 00-22.066 P, D. 2003. 1134, et les obs. : l’obligation d’énumérer dans l’assignation et par bordereau annexé les pièces sur lesquelles la demande est fondée n’est assortie d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public).
Enfin, l’article 56 dans sa nouvelle rédaction indique que l’assignation doit préciser, le cas échéant, la chambre désignée. Le positionnement de cette mention dans un alinéa distinct des 1°, 2° et 3° de l’article 56 permet d’affirmer qu’elle n’est pas prescrite à peine de nullité.
Bien entendu, cet acte d’assignation revisité par l’effet du décret du 11 décembre 2019 doit être complété par les dispositions spécifiques à la juridiction et à la procédure concernées. Ainsi devant le tribunal judiciaire, l’assignation doit respecter les mentions exigées par l’article 752 ou 753, selon que la représentation par avocat est obligatoire ou non.
Mentions spécifiques à la demande formée par voie de requête
Si le décret consacre l’assignation comme mode principal de saisine d’une juridiction, il permet dans certains cas une saisine par voie de requête. Celle-ci peut être unilatérale, c’est-à-dire à l’initiative du seul demandeur (v. l’art. 818, al. 2, devant le tribunal judiciaire en procédure orale ordinaire). Mais elle peut être également conjointe. Dans cette hypothèse, elle doit soumettre au juge les prétentions respectives des parties, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Les mentions de la requête sont fixées par l’article 57 (modifié), lequel vient compléter l’article 54, commun à la saisine par voie d’assignation. Outre ces dernières mentions (v. supra), la requête doit contenir, à peine de nullité, lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social. Dans tous les cas, elle doit indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée. Elle est datée et signée.
Mais la requête doit également contenir certaines mentions spécifiques. Devant le tribunal judiciaire, elle devra ainsi satisfaire aux dispositions de l’article 757 (modifié) du code de procédure civile à compter du 1er septembre 2020.
Enfin, l’article 58 (modifié) dispose que, « lorsque cette faculté leur est ouverte par l’article 12, les parties peuvent, si elles ne l’ont déjà fait depuis la naissance du litige, conférer au juge, dans la requête conjointe, mission de statuer comme amiable compositeur ou le lier par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ».
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été publié au Journal officiel du 12 décembre 2019. Afin de rendre la procédure civile plus accessible pour le justiciable, il procède à la simplification des modes de saisine.
Après deux annulations successives du montant journalier additionnel de l’allocation pour demandeur d’asile, le Conseil d’État a fini par valider le dernier montant de 7,40 € fixé par le gouvernement.
Si la personne poursuivie pour diffamation après avoir révélé des faits de harcèlement sexuel ou moral dont elle s’estime victime peut s’exonérer de sa responsabilité pénale, en application de l’article 122-4 du code pénal, elle doit avoir réservé la révélation de tels agissements à son employeur ou à des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail.
Les dispositions de l’article 53 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 prévoyant que le prononcé d’une nouvelle sanction disciplinaire pour une infraction ou une faute commise au cours du délai d’épreuve emporte révocation automatique du sursis à l’exécution de la première sanction disciplinaire sont contraires à la Constitution.
À la suite d’une plainte déposée à son encontre pour délivrance de fausses attestations, une experte-comptable avait fait l’objet d’une procédure disciplinaire à l’occasion de laquelle elle avait soulevé, devant la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l’ordre des experts-comptables, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 53 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945. Cette QPC avait été transmise au Conseil d’État (12 juill. 2019, décis. n° D1321) qui, par une décision du 2 octobre 2019, l’avait renvoyée au Conseil constitutionnel (CE 2 oct. 2019, n° 432723, Dalloz jurisprudence).
L’article 53 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable relève du titre IV relatif à la discipline des experts-comptables. Cette...
L’absence de décision à l’issue du stage n’entraîne pas titularisation tacite. Et la décision de mettre fin au stage après la date théorique de fin de celui-ci ne nécessite pas de motivation.
Lancée en juin dernier, la mission d’information des députés Didier Paris (LREM) et Xavier Breton (LR), dont Dalloz actualité publie le rapport, a présenté ce matin ses conclusions sur le secret de l’enquête et de l’instruction. Régulièrement violé, ce secret doit pour les députés être maintenu et mieux préservé. En contrepartie, la justice doit pouvoir communiquer plus et le droit à l’information doit être garanti.
Dans cette décision, la chambre commerciale confirme sa jurisprudence en admettant que la preuve du déséquilibre significatif qui incombe au ministre ne saurait résulter de la seule présence de clauses objectivement désavantageuses pour l’une des parties. Il est en outre nécessaire de démontrer que ces clauses, comprises dans la convention, sont effectivement soustraites à toute possibilité de négociation.
Accessoire de la condamnation principale, l’astreinte s’inscrit comme une mesure comminatoire destinée à inciter le débiteur à exécuter son obligation. De simple menace financière pesant sur le débiteur lors de son prononcé, elle devient, en cas d’inexécution et par l’opération de liquidation, une véritable condamnation pécuniaire. La fixation par le juge de la somme d’argent que le débiteur récalcitrant va devoir acquitter est une étape cruciale du processus, dans la mesure où elle va offrir au créancier la possibilité de réaliser son droit alloué par le prononcé de l’astreinte. Seule l’astreinte liquidée permet, en effet, la mise en place d’une mesure d’exécution forcée.
L’arrêt présentement commenté, bien que non publié au bulletin, présente l’intérêt de revenir sur certaines des conditions requises à la demande de liquidation dune astreinte.
En l’espèce, à la demande du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Les Camélias sis à Menton (Alpes-Maritimes), la société Leader Menton, exploitant au sein de cet immeuble un supermarché à l’enseigne Leader Price, a été condamnée, sous astreinte, à retirer une rampe métallique qu’elle avait installée à l’entrée du magasin et à ne plus entreposer de conteneurs à déchets. Une cour d’appel a par la suite confirmé cette condamnation, en précisant qu’elle s’appliquait également au retrait de la rampe métallique située à l’arrière du magasin.
Le syndicat a alors saisi le juge de l’exécution d’une demande de liquidation des astreintes, obtenant la condamnation de la société au paiement de la somme de 50 000 € puis interjeté appel de la décision rendue devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Celle-ci ayant notamment rejeté ses demandes de fixation de nouvelles astreintes, il a formé un premier...
Le Conseil d’État précise les obligations incombant aux membres de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé.
L’extension de la représentation obligatoire par un avocat
L’article 4 du décret prévoit une extension importante de l’obligation d’être représenté par un avocat devant le tribunal judiciaire. Cette extension concerne aussi certaines procédures devant des juridictions spécialisées. Le décret étend cette représentation, sans distinguer selon que la procédure est écrite ou orale, ce qui unifie l’acte par lequel l’avocat se constitue.
La représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire
Le nouvel article 760 du code de procédure civile pose le principe suivant lequel les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire et que la constitution de l’avocat emporte élection de domicile. Les cas où les parties en sont dispensées sont énumérés à l’article 761 du code de procédure civile.
On signalera au passage une erreur de plume du législateur qui devrait faire l’objet d’un décret modificatif. En effet, l’article 761-1 du code de procédure civile indique que les parties sont dispensées de constituer avocat dans les matières relevant de la compétence du juge de l’exécution, alors que justement l’article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prévoit le contraire.
Abstraction faite de cette erreur, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 311-3-16, R. 211-3-18 à R. 311-3-21 et R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire.
Cette exclusion reprend pour l’essentiel les règles de représentation devant le tribunal d’instance. Il s’agit des décisions rendues en dernier ressort en matière électorale et des demandes qui relèvent désormais de la compétence des chambres de proximité en application de l’article D. 212-19-1 du code de l’organisation judiciaire.
De même, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 €, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat, à moins que leur demande, quel que soit son montant, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. L’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics sont toujours de façon générale dispensés de se faire représenter par un avocat.
Le décret précise les règles à suivre lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation par avocat. Dans ce cas, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat.
La représentation obligatoire devant les juridictions spécialisées
La section 5 du décret est consacrée à l’extension de la représentation obligatoire par un avocat dans un certain nombre de contentieux spécialisés. Ainsi, l’article 7 du décret impose désormais l’intervention d’un avocat dans le contentieux de la fixation des loyers commerciaux, les articles R. 145-26, R. 145-27, R. 145-29 et R. 145-31 du code de commerce sont donc modifiés en conséquence.
L’article 8 du décret impose l’intervention d’un avocat dans le contentieux familial pour la demande de révision de la prestation compensatoire et dans la procédure de retrait total ou partiel de l’autorité parentale. Toutefois, les demandes de délégation de l’autorité parentale restent exemptées de l’obligation de mandater un avocat. Les articles 1139, 1140 et 1203 du code de procédure civile sont modifiés en conséquence.
L’article 9 concerne le contentieux de l’établissement de l’impôt organisé par les articles R. 202-2 et R. 202-4 du livre des procédures fiscales qui prévoient désormais l’obligation de constituer avocat.
L’article 10 du décret vise les procédures devant le juge de l’exécution. Le principe est l’obligation de constituer un avocat, sauf pour une demande relative à l’expulsion ou quand la demande a pour origine une créance ne dépassant pas le montant de 10 000 €. La saisie des rémunérations reste sans représentation obligatoire.
Enfin, l’article 11 du décret modifiant l’article R. 311-9 du code de l’expropriation impose la constitution d’un avocat, l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics pouvant toujours se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
Pour la procédure devant le tribunal de commerce, l’article 5 du décret modifie l’article 853 du code de procédure civile et pose l’obligation de constituer avocat dans les litiges portant sur une demande qui excède le montant de 10 000 €, y compris les référés.
En dessous de ce seuil, et pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés, les parties sont dispensées de constituer un avocat. Pour les procédures sur requête, la nouvelle rédaction de l’article 874 du code de procédure civile dispense les parties de constituer avocat en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession. Les procédures collectives restent sans représentation obligatoire.
Les matières relevant du juge des contentieux de la protection sont exclues de la représentation par un avocat.
De manière générale, l’article 817 nouveau du code de procédure civile dispose que, lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat, conformément aux dispositions de l’article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.
L’acte de constitution d’avocat
Pour le demandeur, l’article 752 du code de procédure civile reprend l’obligation d’indiquer dans l’assignation la constitution de son avocat. Pour le défendeur, l’article 763 du code de procédure civile prévoit qu’il est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation.
L’article 764 du code de procédure civile précise que, dès qu’il est constitué, l’avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l’acte de constitution est remise au greffe.
L’article 765 du code de procédure civile indique que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats. L’alinéa 2 impose que l’acte indique les éléments d’identification de la personne physique ou de la personne morale qui est défendeur.
Selon l’article 766 du code de procédure civile, les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent être notifiées à tous les avocats constitués. Il est prévu une sanction puisque ces constitutions ne seront pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 765 n’auront pas été fournies.
Enfin, l’article 767 du code de procédure civile prévoit que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite, soit dès leur notification avec la justification de leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine de la juridiction, avec la remise de la copie de l’assignation.
Il faut souligner que cette extension de la représentation par un avocat emporte avec elle celle de la postulation, notamment pour les procédures de référés.
La généralisation de la procédure sans audience devant le tribunal judiciaire
Celle-ci est prévue à l’article L. 212-5-1 qui dispose que, devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
Cette procédure sans audience est possible nonobstant l’obligation ou non de constituer avocat. Dans la mesure où cette procédure exige l’accord exprès des parties, il appartient au demandeur d’indiquer dans son assignation son accord pour une procédure sans audience.
En cas de procédure écrite, au stade de l’orientation de l’affaire, l’article 778 du code de procédure civile dispose que, lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience, le président déclarant l’instruction close fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Ensuite, le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu.
La même possibilité est ouverte jusqu’au jour des plaidoiries. Il en est de même pour la procédure orale, l’article 828 du code de procédure civile permet aux parties de donner expressément leur accord à tout moment de la procédure pour que la procédure se déroule sans audience.
Dans ce cas, l’article 829 du code de procédure civile prévoit un acte de procédure, à savoir une déclaration qui doit être remise ou adressée au greffe et qui doit comporter, à peine de nullité, l’identification de son auteur, personne physique ou personne morale. Cette déclaration doit être datée et signée de la main de son auteur et annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.
L’article 757 du code de procédure civile prévoit que, lors de l’introduction de l’instance sur requête, le requérant a la possibilité d’indiquer que la procédure se déroule sans audience.
Il faut souligner que le choix de la procédure sans audience semble irréversible. C’est pourquoi le demandeur doit éviter de s’engager tout de suite dans cette voie et attendre de voir comment se déroule la procédure avant de renoncer, avec l’accord de la partie adverse, à plaider le dossier.
Ces nouvelles règles ne devraient pas perturber outre mesure les praticiens. Au contraire, les avocats peuvent se féliciter de constater que le législateur a pris conscience de la complexité du droit, laquelle conduit à imposer au justiciable l’intervention d’un professionnel. Les contentieux visés, les procédures civiles d’exécution ou le contentieux familial, entre autres, ont atteint un haut niveau technique qui rend indispensable l’intervention d’un avocat.
En revanche, on peut se montrer plus réservé sur l’obligation d’être représenté par un avocat dans certains référés, notamment le référé expertise. Inversement, on aurait pu étendre la représentation par un avocat dans certaines procédures complexes devant le juge des contentieux de la protection.
Concernant la procédure sans audience, les avocats ont déjà l’habitude de façon concertée de déposer leur dossier. En effet, dans certaines affaires, la plaidoirie n’est pas toujours utile. Il faut donc voir dans les nouvelles dispositions une incitation à opter pour une procédure sans audience qui laisse espérer un gain de temps précieux pour les juridictions. L’avenir dira si les avocats qui facturent cette prestation et qui sont attachés à la plaidoirie seront sensibles à cette incitation. Enfin, on peut s’interroger sur la pratique qui sera suivie lorsque la procédure mettra aux prises des parties qui sont toutes représentées par un avocat et les procédures où ce ne sera pas le cas.
Il convient de préciser que le décret entre en vigueur le 1er janvier 2020. Il est applicable aux instances en cours à cette date. Toutefois, les dispositions des articles 3 et 5 à 11, ainsi que les dispositions des articles 750 à 759 du code de procédure civile, du 6° de son article 789 et de ses articles 818 et 839, dans leur rédaction résultant du présent décret, sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Le ministère public a requis mercredi des « peines lourdes et significatives » à l’encontre des époux Balkany. Quatre ans d’emprisonnement et maintien en détention pour Patrick Balkany, incarcéré depuis le 13 septembre. Quatre ans, dont deux avec sursis, pour Isabelle Balkany. Le parquet général a demandé à leur encontre l’exécution provisoire de la peine complémentaire d’inéligibilité. Décision le 4 mars.
C’est peu dire que le décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 qui paraît ce jour au Journal officiel (JORF n° 0294, 19 déc. 2019, texte n° 2) survient dans un contexte que chacun sait particulier. En à peine trois ans, le droit du divorce a été profondément réformé : quelques mois seulement après la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui a déjudiciarisé le divorce par consentement mutuel, la loi n° 2019-222 du 23 juin 2019 a opéré une réforme tout aussi ambitieuse à propos du divorce contentieux et de la séparation de corps (J. Casey, Réforme de la procédure des divorces contentieux, simplifier pour mieux juger, vraiment, AJ fam. 2019. 239 ; E. Chaillié, La séparation de corps, AJ fam. 2019. 318 ; D. Sadi, Du divorce à grande vitesse : brèves observations à propos de la loi du 23 mars 2019, D. 2019. 1779 ; J. Boisson, La loi de programmation et de réforme de la justice : le parachèvement de la loi J21 en matière de séparation du couple, JCP N 2019. 1160 ; J.-R. Binet, Divorce et séparation de corps, Dr. fam. 2019. Doss. 10). Si certaines dispositions étaient d’application immédiate (au lendemain de la publication de la loi au JORF), on se souvient aussi que pour celles ayant trait au divorce contentieux (L. 23 mars 2019, art. 22 et 23), le législateur a différé leur entrée en application, laissant au gouvernement le soin d’en préciser la date par décret en Conseil d’État, en fixant toutefois un butoir, comme l’y oblige la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 déc. 1986, n° 86-224 DC), lequel fut arrêté au 1er septembre 2020 (L. 23 mars 2019, art. 109, VII). Depuis, l’on attendait impatiemment de savoir à quel moment précis le pouvoir réglementaire amorcerait l’entrée en application de ces nouvelles mesures. Dans le courant du mois de novembre 2019, le projet de décret de réforme du divorce – en même temps que celui relatif à la réforme de la procédure civile – a été transmis au Conseil d’État (v. Dalloz actualité, 16 nov. 2019, obs. L. Dargent) dans une version prévoyant une entrée en application au 1er janvier 2020 (v. Dalloz actualité, 15 nov. 2019, interview de J.-F. de Montgolfier, par L. Dargent). Les juridictions et les professionnels se sont légitimement inquiétés d’un lancement au 1er janvier 2020 de ces réformes d’ampleur, notamment s’agissant de l’assignation avec « prise de date ». On a craint, non sans bonnes raisons, qu’une entrée trop brutale désorganise les juridictions (déjà bien en peine, v. en dernier lieu Dalloz actualité, 18 oct. 2019, art. T. Coustet), et ce d’autant plus que l’outil informatique, indispensable à l’information des parties sur la date de la première audience, n’a pas encore été déployé et que les décrets d’application se font ici toujours désirer. C’est ainsi que les magistrats et les avocats ont attiré l’attention de la Chancellerie sur les difficultés d’une entrée en application trop hâtive de certaines mesures. Sensibles aux arguments de l’Union syndicale des magistrats et du Conseil national des barreaux, la ministre de la justice a consenti à un report, au 1er septembre 2020, de la réforme du divorce et des dispositions du projet de décret portant réforme de la procédure civile qui généralisent l’assignation avec « prise de date » (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. T. Coustet). Ainsi, par rapport à la version initiale présentée au Conseil d’État, le décret commenté prévoit aujourd’hui que les dispositions intéressant le divorce (i.e. les art. 1 à 7) entrent en application au 1er septembre 2020 (décr. n° 2019-1380, art. 15) mais la vigilance reste de mise car toutes les autres – notamment celles relatives à la séparation de corps (i.e. art. 8 à 14) – prennent effet au lendemain de sa publication, soit à compter du 20 décembre 2019. En effet, les dix-sept articles du décret n’intéressent pas seulement le divorce avec intervention judiciaire, ils tendent aussi à tirer les conséquences des modifications adoptées dans la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 en matière de séparation de corps et de divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire.
Le divorce avec intervention judiciaire
En matière de divorce contentieux, le décret prend en compte la disparition de la requête initiale et de l’audience sur tentative de conciliation et il modifie les pouvoirs du juge de la mise en état afin que la procédure pour les audiences sur les mesures provisoires soit en partie orale. En outre, le décret tire les conséquences des innovations affectant le divorce accepté et le divorce pour altération définitive du lien conjugal, avant de procéder à un certain nombre de mesures de coordination.
L’unification procédurale du divorce contentieux
Acte unique d’introduction d’instance
Le décret modifie certains articles du code de procédure civile afin de prendre en compte la suppression de la requête initiale et de la phase de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 1). L’article 22 de la loi de programmation vise en effet à unifier le régime procédural du divorce contentieux. La procédure en deux temps s’efface, pour voir apparaître un seul acte de saisine. Ainsi, les mots « requête initiale » et « ordonnance de non-conciliation » disparaissent et laissent place à la simple « demande en divorce » (art. 2 et 4). En particulier, le premier paragraphe de la sous-section 3 de la section II – elle aussi désormais intitulée « le divorce et la séparation de corps judiciaires » (art. 3) – du chapitre V relatif à la procédure en matière familiale, prend le titre suivant : « la demande et l’instance en divorce », en lieu et place de « la requête initiale » (art. 5, 1°). Ce paragraphe est en outre intégralement remanié : les articles 1106 à 1109 connaissent une nouvelle rédaction et les articles 1110 à 1114 relatifs à la tentative de conciliation sont abrogés (art. 5, 2° et 3°). Le paragraphe 4 (« les mesures provisoires ») devient le paragraphe 2 (art. 5, 6°) et toute la numérotation des paragraphes suivants rétrograde d’autant, le 5 devenant le 3, le 6 le 4, et ainsi de suite (art. 5, 11° et 14°). L’article 1106 prévoit que « l’instance est formée, instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire applicable devant le tribunal judiciaire ». Il est donc renvoyé aux règles de droit commun de la procédure civile (adde, décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, réformant la procédure civile, JO 12 déc.). Il faut dès lors se référer à l’article 252 du code civil dans sa nouvelle rédaction qui impose, comme auparavant, dans l’acte introductif d’instance, une proposition de règlements des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ; mais également la mention des dispositions relatives à la médiation familiale ; à la procédure participative ; à l’homologation des accords sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce (décr. n° 2019-1380, art. 5, 4°).
Assignation avec « prise de date »
À terme, la réforme du divorce ambitionne ainsi de consacrer un unique acte d’introduction d’instance avec « prise de date ». De ce point de vue, le nouvel article 1107 du code de procédure civile requiert particulièrement l’attention : la conséquence directe de cette nouvelle procédure est que la demande en divorce est formée par assignation ou par requête remise ou adressée conjointement par les parties au greffe. Cependant, cette assignation ou cette requête conjointe doit contenir « les lieu, jour et heure de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires » (al. 1er). De cet élément à forte dimension pratique qu’est la date de l’audience dépend la validité de l’assignation ou de la requête, puisqu’elle doit y figurer « à peine de nullité ». On comprend que l’objectif est d’accélérer la procédure et de permettre une meilleure anticipation pour le justiciable mais on peut s’interroger sur la mise en œuvre concrète de ce dispositif. L’alinéa 2 ajoute ainsi que « cette date est communiquée par la juridiction au demandeur par tout moyen selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux ». Cela implique une inéluctable et délicate réorganisation des greffes que les magistrats, greffiers et avocats ont évidemment pointée au soutien d’un report de l’entrée en vigueur du décret. En effet, un outil numérique a été largement évoqué mais il ne devrait apparaître que d’ici septembre 2020. On mesure d’autant plus l’opportunité du report consenti par la Chancellerie même s’il reste à espérer que, le moment venu, cet outil soit prêt à fonctionner. Dans l’hypothèse inverse, les avocats devront obtenir cette date par tout autre moyen (c’est-à-dire concrètement par téléphone ou courriel) auprès des greffes qui devront donc s’organiser en conséquence.
Motif du divorce
S’agissant du fondement de la demande, il faut encore rappeler que la loi du 23 mars 2019 entend laisser une option au demandeur en lui permettant de motiver sa demande lorsque celle-ci sera fondée sur un divorce accepté ou sur un divorce pour altération définitive du lien conjugal et qu’à défaut, le motif pourra être choisi en cours de procédure, en étant précisé dans les premières conclusions au fond (l’art. 1116 est d’ailleurs remanié pour en tenir compte, v. décr. n° 2019-1380, art. 5, 5°). En revanche, la loi nouvelle fait interdiction à l’acte introductif d’instance d’indiquer, ab initio, que la demande en divorce est fondée sur l’article 242 du code civil : en cas de divorce pour faute, le demandeur doit nécessairement attendre les premières conclusions au fond (la règle s’infère de la nouvelle rédaction de l’art. 251 C. civ.). Il s’agit de ménager un temps de réflexion pour cette forme de divorce, certainement la plus contentieuse de toutes, dans un souci de pacification de la procédure. L’article 1107 en tire les conséquences procédurales en affirmant l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance fondé sur la faute : « À peine d’irrecevabilité, l’acte introductif d’instance n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce lorsqu’il relève de l’article 242 du code civil ni les faits à l’origine de celle-ci ».
L’organisation de l’audience d’orientation et sur mesures provisoires devant le juge de la mise en état
Saisine du juge
Le nouvel article 1108 du code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi, « à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance ». L’alinéa 6 énonce l’obligation pour le défendeur de « constituer avocat dans le délai de quinze jours à compter de l’assignation ». La procédure est ensuite rythmée par des délais fixés par l’article 1108.
Concernant la remise au greffe d’une copie de l’acte introductif d’instance, l’alinéa 2 se concentre sur la situation dans laquelle la communication de la date d’audience par la juridiction est faite par voie électronique, situation qui a vocation à devenir la norme. La remise au greffe doit ainsi être faite dans le délai de deux mois à compter de la communication de cette date par voie électronique. Si ce délai ne semble pas s’appliquer lorsque la communication a été effectuée par d’autres moyens (courrier, courriel ou téléphone notamment), il est ensuite précisé que « la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience lorsque, d’une part, la date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 et, d’autre part, lorsque la date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1 ». En somme, si la date d’audience a été communiquée par voie électronique, la remise de la copie de l’acte introductif d’instance doit intervenir dans les deux mois suivant cette communication. Cependant, si, par bonheur, la date d’audience obtenue est antérieure à la date d’échéance de ce délai de deux mois, la copie de l’acte introductif d’instance doit être remise au plus tard quinze jours avant la date d’audience (par ex., si la communication de la date est faite le 1er mars et que la date d’audience est fixée au 15 avril – donc moins de deux mois plus tard –, la remise devra être faite avant le 1er avril). Il en est de même si la communication n’a pas été effectuée par voie électronique.
La procédure est cadencée et la sanction en cas de non-respect de ces délais est claire : « La remise doit avoir lieu dans les délais prévus aux alinéas précédents sous peine de caducité de l’acte introductif d’instance constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales ou, à défaut, à la requête d’une partie ». C’est d’ailleurs à cet instant que le juge aux affaires familiales devient le juge de la mise en état. L’alinéa 3 de l’article 1108 dispose en effet qu’il exerce les fonctions de juge de la mise en état à compter « du dépôt de la requête formée conjointement par les parties, de la constitution du défendeur ou à défaut, à l’expiration du délai qui lui est imparti pour constituer avocat ». La nouvelle terminologie peut alors se déployer : il s’agit désormais d’une « audience d’orientation et sur mesures provisoires ».
Audience d’orientation et sur mesures provisoires
L’article 1117 du code de procédure civile qui ne comportait qu’un seul alinéa relatif à la prise en compte des accords conclus entre les époux est réécrit (décr. n° 2019-1380, art. 5, 7°). Il comporte désormais sept alinéas. Les demandes de mesures provisoires peuvent figurer dans l’acte introductif d’instance. À peine d’irrecevabilité, le juge de la mise en l’état est saisi de ces demandes qui doivent alors se trouver dans une partie distincte des demandes au fond (al. 1er). Présentes dès l’acte de saisine, les mesures provisoires ainsi formulées permettront une meilleure préparation de l’audience, en particulier pour le défendeur.
Si une partie renonce à demander des mesures provisoires, elle doit l’indiquer au juge avant l’audience d’orientation ou lors de celle-ci (al. 2). Cependant, les parties pourront toujours formuler une première demande de mesures provisoires jusqu’à la clôture des débats devant le juge de la mise en état. Il sera alors saisi dans les conditions de l’article 789 du code de procédure civile relatif à la saisine du juge de la mise en état, dans sa nouvelle rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
Dès lors qu’une mesure provisoire est sollicitée par au moins l’une des parties, le juge de la mise en état statue (al. 3) et, le cas échéant, précise la date d’effet des mesures provisoires (al. 7). Les accords conclus par les époux seront pris en considération par le juge (al. 6). Les parties comparaissent assistées par leur avocat mais elles peuvent aussi être représentées (al. 4). Leur présence n’est plus obligatoire même si elle est fortement recommandée. Le juge peut en outre ordonner leur comparution (S. Maitre, La future procédure de divorce et son impact sur les mesures provisoire, AJ fam. 2019. 238 ).
Mais ce qui est présenté comme une innovation procédurale majeure est certainement l’oralité. Les parties pourront en effet « présenter oralement des prétentions et des moyens à leur soutien », l’article renvoyant ensuite aux dispositions propres à la procédure orale du premier alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile (al. 5). L’oralité de la procédure vise à permettre aux parties de s’exprimer afin de faire émerger certains accords, voire en cherchant à concilier les époux (v. l’interview de J.-F. Montgolfier, préc.). On voit que l’esprit de conciliation n’est pas absent de cette nouvelle procédure, même si le vocable est bien sûr supprimé. Cette audience d’orientation et sur mesures provisoires aura somme toute la même finalité pratique que l’audience de conciliation, dont on sait qu’elle tendait bien plus à régler les mesures provisoires qu’à concilier les époux. La différence essentielle se trouve dans le rythme imposé, provoquant une certaine contraction de la procédure, ce qui est bien l’objectif poursuivi.
Si aucune demande de mesure provisoire n’est effectuée (rare en pratique), cette audience se limitera à l’orientation de la procédure, notamment par la fixation d’un calendrier. Précisons que les parties pourront choisir une mise en état conventionnelle par la procédure participative régie par le projet de décret réformant la procédure civile (décr. n° 2019-1333, art. 12 s.).
Procédure spécifique en cas d’urgence
Il faut encore signaler qu’une voie « spéciale » ou « accélérée » est prévue à l’article 1109 pour embrasser certaines situations d’urgence. Ce texte prévoit, par dérogation aux articles 1107 et 1108 du code de procédure civile, que le juge saisi par requête peut autoriser l’un des époux à assigner l’autre à une audience d’orientation et sur mesures provisoires fixée « à bref délai » (al. 1er). Les délais s’accélèrent alors : la remise au greffe d’une copie de l’assignation et la constitution d’avocat du défendeur doivent intervenir au plus tard la veille de l’audience et si cette prescription n’est pas observée « la caducité est constatée d’office par ordonnance du juge aux affaires familiales » (al. 2). Néanmoins, cette accélération doit tenir compte des droits de la défense et l’alinéa 3 précise que « le jour de l’audience, le juge de la mise en état s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que l’autre partie ait pu préparer sa défense ». Si le juge ne fait pas droit à la requête en urgence, le demandeur se tourne vers la voie « ordinaire », à savoir le nouvel article 1107 du code de procédure civile.
Les innovations affectant certains divorces contentieux
Divorce accepté
L’article 1123 du code de procédure civile ouvrant le paragraphe 6 intitulé « dispositions particulières au divorce accepté » est refondu (décr. n° 2019-1380, art. 5, 12°). Si les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage à tout moment de la procédure, les modalités de cette acceptation sont repensées. Elles intègrent le nouveau format en prévoyant la possibilité de constater cette acceptation lors de « toute audience sur les mesures provisoires », auquel cas elle sera constatée dans un « procès-verbal dressé par le juge et signé par les époux et leurs avocats respectifs ». De surcroît, la forme de l’acceptation diffère en fonction du moment auquel elle intervient :
• si le principe de la rupture du mariage est accepté avant la demande en divorce, la nouvelle voie s’inscrit dans le déploiement de l’acte sous signature privée contresigné par avocat, prévue par le nouvel article 233, alinéa 2, du code civil qui a donné lieu à la création d’un article 1123-1 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, XIII). Les alinéas 3 et 4 de l’article 1123, prévoyant l’acceptation par une déclaration de chaque époux, signée de sa main, sont ainsi supprimés. L’article 1123-1 prévoit donc que l’acceptation peut « aussi résulter d’un acte sous signature privée des parties et contresigné par avocats dans les six mois précédant la demande en divorce ou pendant la procédure ». L’article 233, alinéa 2, précisait déjà que cet acte pouvait être conclu avant l’introduction de l’instance. Cependant, l’article 1123-1 impose que cet acte soit annexé à la requête introductive d’instance formée conjointement par les parties dans le cas où l’acte contresigné par avocat contenant cette acceptation est établi avant la demande en divorce. Notons que, dans ce cas, il doit avoir été passé dans les six mois précédant ladite demande ;
• si le principe de la rupture du mariage est accepté par les époux en cours de procédure (C. civ., art. 233, al. 3), deux formes sont désormais possibles : la déclaration d’acceptation et l’acte sous signature privée contresigné par avocat. En effet, le cinquième alinéa fait réapparaître la déclaration d’acceptation de chaque époux « signée de sa main » qui doit être annexée aux conclusions lorsque la demande est formée en cours d’instance. Il intègre surtout la nouvelle forme d’acceptation par acte sous signature privée des parties contresigné par avocats, qui sera dans ce cas transmis au juge de la mise en état.
Toujours est-il que, quelle que soit sa forme, l’acceptation doit contenir la mention selon laquelle « l’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel » (C. pr. civ., art. 1123, al. 4 nouv., et art. 1123-1, al. 3).
Divorce pour altération définitive du lien conjugal
Outre celles affectant le divorce accepté, le décret tient aussi compte des innovations législatives en matière de divorce pour altération définitive du lien conjugal. À ce titre, le délai d’un an désormais prévu par le nouvel article 238 du code civil est intégré à l’article 1126 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 5, 15°). Le paragraphe (dorénavant numéroté § 5) connaît l’insertion d’un nouvel article 1126-1 (décr. n° 2019-1380, art. 5, 16°) qui prévoit que, si le divorce est fondé sur l’altération définitive du lien conjugal sans que (comme cela est possible) ce motif soit invoqué dans l’acte introductif d’instance, la décision statuant sur le principe du divorce ne peut intervenir avant l’expiration du délai d’un an. On sait que ce délai est en principe apprécié lors de la demande en divorce, puisqu’il doit être écoulé à cette date (C. civ., art. 238, al. 1er). Mais, lorsque la demande n’indique pas le fondement, le délai s’apprécie à la date du prononcé du divorce (C. civ., art. 238, al. 2). C’est cette seconde situation qu’envisage le nouvel article 1126-1 du code de procédure civile. En pratique, cela signifie concrètement que, si le motif n’est pas précisé dans la demande, le délai pourra s’écouler pendant la procédure. Toutefois, ce délai d’un an n’est pas requis lorsqu’il s’agit d’une demande reconventionnelle, l’article 1126-1 réservant le cas du dernier alinéa de l’article 238 du code civil.
Les diverses mesures de coordination
Protection des victimes de violence
Le décret modifie l’article 1136-13 du code de procédure civile relatif à la procédure aux fins de mesures de protection des victimes de violence (décr. n° 2019-1380, art. 6). En effet, l’ordonnance de protection peut porter sur la résidence séparée des époux et la jouissance du logement (C. civ., art. 515-11, 3°), de même qu’elle peut se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, ou encore sur la contribution aux charges du mariage et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Dès lors que, dans le cadre de la procédure de divorce, des mesures provisoires entrant dans le champ des 3° et 5° de l’article 515-11 telles que précitées sont prononcées par le juge de la mise en état, elles priment sur celles contenues dans l’ordonnance de protection. Ainsi, « les mesures concernées de l’ordonnance de protection cessent de produire leurs effets à compter de la notification de l’ordonnance portant sur les mesures provisoires du divorce » (C. pr. civ., art. 1136-13, al. 1er, in fine). Ces dispositions de cohérence existaient déjà ; l’article 6 du décret visant simplement à prendre en compte la nouvelle terminologie.
Aide juridictionnelle
Toujours au titre des mesures de coordination, le décret prévoit aussi la suppression du deuxième alinéa de l’article 54 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en ce qu’il porte sur la caducité de la décision d’admission à l’aide juridictionnelle lorsque l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois à compter du prononcé de l’ordonnance de non-conciliation (décr. n° 2019-1380, art. 7).
Le divorce et la séparation de corps sans intervention judiciaire
La loi du 23 mars 2019 a comblé ce qui fut qualifié par la garde des Sceaux « d’un oubli », confessant que ces dispositions « auraient dû figurer d’emblée dans la loi de modernisation de la justice » du 28 novembre 2016 (JO Sénat, 10 oct. 2018, p. 13520). Souhaitant corriger cette omission, le législateur a ouvert un cas de séparation de corps par consentement mutuel sans intervention judiciaire et, du même coup, a mis fin au débat qui fit jour en doctrine (J. Boisson, Le divorce sans juge : vers un détournement du divorce et de la séparation de corps aux fins de changement de régime matrimonial, Dr. & patr. 2016, n° 264, p. 20) jusqu’à ce que la Chancellerie se prononce sur le sujet (circ. 26 janv. 2017, BOMJ n° 2017-06, 30 juin 2017, JCP N 2017, n° 06-07, act. 252). Désormais, l’article 296 du code civil prévoit que la séparation de corps peut, à l’instar du divorce, être « prononcée » par le juge ou « constatée » par une convention sous signature privée déposée au rang des minutes d’un notaire. La loi nouvelle a ainsi calqué la séparation de corps sur le divorce (C. civ., art. 298) en créant, en sus des séparations de corps judiciaires, une séparation de corps par consentement mutuel déjudiciarisée. Il restait à en tirer les conséquences et à prendre pleinement en compte la séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire. Tel est l’objet du deuxième chapitre du décret (art. 8 à 14) qui étend à ce nouveau dispositif les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire au moyen d’un renvoi législatif, qui confirme la possibilité de recourir, pour ces actes, à la signature électronique et qui prévoit différentes mesures de coordination. Toutes ces dispositions sont d’application immédiate.
L’élargissement des textes applicables au divorce
Séparation de corps « sans juge »
Prenant acte de la déjudiciarisation opérée par la loi du 23 mars 2019, le décret étend à la séparation de corps tous les textes créés ou modifiés pour le divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire. Cet élargissement est clairement affirmé par l’introduction, dans le code de procédure civile, d’un nouvel article 1148-3 qui opère au moyen d’un renvoi : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux séparations de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 5°). Ceci impliquait une retouche dans le plan du code de procédure civile et c’est ainsi que, pour intégrer la séparation de corps, le chapitre V bis du titre Ier du livre III se pare désormais d’un nouvel intitulé : « Le divorce et la séparation de corps par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 3°).
Ce faisant, la séparation de corps « sans juge » obéit à compter du 20 décembre 2019 aux mêmes règles que le divorce « sans juge » : information de l’enfant mineur prenant la forme d’un formulaire (C. pr. civ., art. 1144) ; mentions obligatoires de la convention de séparation de corps (nom du notaire ou désignation de la personne morale titulaire de l’office, modalités de recouvrement et de révision de la pension alimentaire lorsqu’elle prend la forme de rente viagère, répartition des frais en cas de bénéfice par l’un des époux de l’aide juridictionnelle, etc.) ; signature en trois exemplaires (C. pr. civ., art. 1145) ; transmission de la convention dans un délai de sept jours pour dépôt à intervenir dans un délai de quinze jours (C. pr. civ., art. 1146) ; mention en marge des actes de naissance et de mariage (C. pr. civ., art. 1447) ; production par le notaire d’une attestation de dépôt (C. pr. civ., art. 1148), etc.
Cela étant, cette « greffe » est parfois imparfaite et peut même susciter quelques confusions. Pour ne prendre qu’un exemple, et contrairement à ce qu’inviterait une lecture littérale de l’article 1148-3 combiné avec l’article 1144-3, la convention de séparation de corps n’a évidemment pas à préciser la valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire ; si tel est le cas pour le divorce, la mesure est ici sans objet puisque la séparation de corps n’entraîne jamais l’attribution d’une prestation compensatoire (comment en effet compenser la disparité que la rupture crée dans les conditions de vie, là où le lien matrimonial n’est précisément pas rompu et où le devoir de secours entre époux est maintenu ?). C’est donc une application précautionneuse et adaptée à la singularité de la séparation de corps qu’il faut faire des textes du code de procédure civile relatifs au divorce par acte d’avocat déposé auprès d’un notaire. En revanche, s’il est une assimilation à laquelle on peut procéder sans réserve, c’est bien celle relative au recours à l’acte électronique.
Le recours à la signature électronique
Forme électronique
La loi du 23 mars 2019 a modifié l’article 1175 du code civil pour que la convention de divorce ou de séparation de corps soit reçue en la forme électronique, alors que le législateur continue de dénier cette faculté aux autres actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions. Le décret tire la conséquence de cette importante innovation : l’article 1145 du code de procédure civile est amendé pour viser le cas de la convention « par signature électronique » donnant ainsi sa pleine efficacité à la mesure (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). La convention de divorce par consentement mutuel, comme la séparation de corps de cette nature, peut être établie et conservée électroniquement conformément aux prescriptions des articles 1366 et 1367 du code civil.
Présence des parties
Il faut aussi noter, toujours à propos de l’article 1145 du code de procédure civile, un ajout qui règle définitivement un point pratique essentiel : la lettre nouvelle de ce texte précise dorénavant que l’acte doit être signé « ensemble » par les époux et leurs avocats « réunis à cet effet » (décr. n° 2019-1380, art. 8, 4°). C’est une précision importante qui ne doit pas passer inaperçue. On se souvient en effet qu’au lendemain de la loi J21 du 18 novembre 2016, cette question avait donné lieu à des discussions, même si, majoritairement – à l’appui d’une circulaire ministérielle –, il fut retenu que « la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature. En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention » (circ. 26 janv. 2017, préc., fiche 5, spéc. p. 17). La réécriture de l’article 1175 du code civil par la loi du 23 mars 2019 a très nettement semblé confirmer cette lecture en évoquant des conventions « contresignées par avocat en présence des parties ». Si bien que le Conseil national des barreaux a récemment complété l’article 7.2 du règlement intérieur national (RIN) de sa profession pour préciser que la convention « est signée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs désignés à la convention sans substitution ni délégation possible » (CNB, décis., 28 mars 2019, n° JUSC1908797S, JO 30 avr., texte n° 5, AJ fam. 2019. 322, obs. L. Junod-Fanget ; Dr. fam. 2019. Comm. 150, obs. B. Zouania). Le décret commenté entérine cette solution et lève définitivement toute hésitation, même si on peut s’interroger sur le bien-fondé de l’impossibilité de prévoir une signature « à distance » à une époque du tout numérique placée sous l’égide de la libre circulation des personnes. Surtout, on pressent combien il sera assez difficile pour le notaire de vérifier, à l’occasion de son contrôle formel, que cette solennité a parfaitement été observée.
Les ultimes mesures de coordination
Conversion en divorce
Au titre de quelques ultimes mesures de coordination, le décret met en conformité l’article 1132 du code de procédure civile avec le second alinéa de l’article 307 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019. Souvenons-nous que la retouche de ce texte, qui était déjà supposé n’être qu’une mesure de coordination, apporta en réalité d’importantes conséquences puisqu’il est désormais affirmé « qu’en cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel ». Pour harmoniser les solutions, le décret modifie l’article 1132 du code de procédure civile pour retenir la rédaction suivante : « En cas de séparation de corps par consentement mutuel et lorsqu’un mineur demande son audition par le juge, la requête aux fins de conversion en divorce par consentement mutuel fondée sur l’article 230 du code civil contient, à peine d’irrecevabilité, les mentions requises par l’article 1090, l’indication de la décision qui a prononcé la séparation de corps, et est accompagnée d’une convention sur les conséquences du divorce » (l’italique souligne les ajouts). Il s’agit seulement de traduire dans le code de procédure civile la règle du code civil selon laquelle la conversion d’une séparation de corps par consentement mutuel en divorce est « tubulaire » (et non en « Y ») puisqu’elle ne peut se faire qu’au profit du divorce par consentement mutuel (C. civ., art. 307, al. 2) à l’exclusion des autres fondements (v. Rép. civ., v° Séparation de corps, n° 62, par N. Dissaux, A. Breton, J. Bouton et E. Fortis).
Varia
Plus à la marge, mais toujours au titre des mesures de coordination, d’autres dispositions – qu’on ne fera que signaler – sont modifiées pour intégrer les mots « ou de séparation de corps » après ceux relatifs au divorce : ainsi de l’article 509-3 du code de procédure civile (décr. n° 2019-1380, art. 8, 1°), de l’alinéa 2 du décret n° 91-152 du 7 février 1991 relatif aux attributions notariales des agents diplomatiques et consulaires (art. 9), de l’article 4-1 du décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central d’état civil au ministère des affaires étrangères (art. 10), de l’article R. 351-12 du code de la construction et de l’habitation (art. 11), des articles R. 213-2 et R. 213-9-1 du code des procédures civiles d’exécution (art. 12), de l’article R. 5423-4 du code du travail (art. 13), et du quatrième alinéa de l’article D. 744-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (art. 14).
Conclusion
Le décret commenté, malgré son aspect technique qui n’en facilite naturellement pas la lecture, mérite toute l’attention car il sert une réforme importante qui porte l’ambition d’une désunion pacifiée et accélérée. Si certaines mesures sont d’application immédiate (au lendemain de la publication du décret, soit au 20 décembre 2019), les principales innovations – celles qui demanderont aux magistrats, aux greffiers, aux avocats et aux notaires un temps légitime d’adaptation – seront différées au 1er septembre 2020. Espérons à présent que ce délai suffise pour accueillir avec sérénité ces innovations qui résultent de réformes d’ampleur qui ont été difficiles et longues à assimiler en pratique. Si les praticiens ne sont pas fermés à des évolutions, ils attendent aussi de la clarté et de la cohérence dans l’action législative et réglementaire.
Le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile, piloté par Mme Frédérique Agostini, alors présidente du tribunal de grande instance de Melun et M. le professeur Nicolas Molfessis, présentait des propositions, à savoir « 30 propositions pour une justice civile de première instance modernisée », classées en huit thèmes. (v. Dalloz actualité, 7 févr. 2018, obs. C. Bléry). Le rapport, lui, était divisé en trois parties : refonder l’architecture de première instance, repenser les droits et devoirs des acteurs du procès et assurer la qualité et l’effectivité de la décision de justice.
Le chapitre Ier visait à « simplifier la procédure devant la juridiction de première instance », ce qui impliquait notamment de « créer une juridiction unique et recentrée en première instance : le tribunal judiciaire » (section 2 et propositions 8 à 11, spéc. § 1er : Pour la création du tribunal judiciaire). Ce qui a été fait (v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry).
Une autre proposition du rapport était de « rationaliser l’instruction de l’affaire » (section 5, propositions 18 à 20) et en particulier de « limiter les incidents d’instance » (§ 1er) et « mettre fin aux exceptions d’incompétence ». Nous constations qu’« alors que le régime des exceptions de compétence vient d’être réformé et le contredit supprimé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, il est donc à nouveau question de revenir sur ces questions » (Dalloz actualité, 7 févr. 2018, préc.) et que « deux solutions [étaient] envisagées, selon qu’un “point d’entrée unique que pourrait constituer le tribunal judiciaire” [allait être] instauré ou pas :
• en l’absence de tribunaux judiciaires, les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle devraient pouvoir être tranchées par le juge sans recours immédiat possible (c’est déjà le cas lorsque le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige : décr. n° 2017-891, art. 78) : les parties ne pourraient contester sa décision qu’à l’occasion de l’appel de la décision rendue au fond. Il est aussi suggéré d’adopter des mesures permettant d’étendre la compétence d’exception des juges spécialisés pour connaître de demandes incidentes, au-delà de ce que prévoit l’article 51 du code de procédure civile. Ces préconisations utiles pourraient jouer en l’état actuel de l’organisation judiciaire, mais aussi si un tribunal de proximité est créé à côté du tribunal judiciaire et si un tribunal des affaires économiques [non institué] reste indépendant ;
• en présence de tribunaux judiciaires, “il pourrait de même être envisagé que le juge statue sur les exceptions d’incompétence par simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de recours, puisque seule la compétence territoriale sera concernée, à l’instar des juridictions administratives” ».
Finalement, le tribunal judiciaire a été créé, mais son architecture interne est très complexe, avec le maintien des juges spécialisés d’aujourd’hui et l’ajout de nouvelles entités (juge des contentieux de la protection, chambres de proximité appelées « tribunaux de proximité »). En outre, les compétences des uns et des autres sont à géométrie variable et la plupart des compétences diverses et pointues ont été reconduites en l’état, l’occasion n’ayant pas été saisie de retenir des compétences plus génériques (sur tous ces points, v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry, préc.) Nous espérions (n° 28) « une simplification des incidents de compétence en aval, ainsi que l’avait préconisé le rapport Molfessis/Agostini », qui pourrait être inscrite dans le décret « procédure », tout en pensant « qu’éviter les difficultés en amont est plus satisfaisant », ainsi qu’en a témoigné « encore le remplacement du contredit par un appel particulier qui n’a pas tenu ses promesses de simplification » : en effet, l’appel particulier – un jour fixe imposé – est une procédure lourde et des difficultés d’interprétation ont déjà donné lieu à une abondante jurisprudence (v. Dalloz actualité, 16 juill. 2019, obs. C. Bléry).
L’espoir est en partie satisfait : un article 82-1, créé par le décret n° 2019-1333, vient régler les questions de compétence « au sein d’un tribunal judiciaire »… par dérogation aux dispositions de la sous-section 1 régissant « le jugement statuant sur la compétence », à savoir les articles 75 à 82 du code de procédure civile, tels que réorganisés par le décret du 6 mai 2017 (v. L. Mayer, Le nouvel appel du jugement sur la compétence, Gaz. Pal. 25 juill. 2017, p. 71).
Régime de droit commun
L’incompétence peut être soulevée par une « partie » (en fait le défendeur) au moyen d’une exception d’incompétence. Selon les articles 74 et 75, le déclinatoire n’est recevable que s’il est présenté in limine litis (au seuil du procès), c’est-à-dire avant toute fin de non-recevoir ou défense au fond, simultanément avec toute autre exception de procédure et à condition d’être motivé : il doit toujours contenir les raisons de fait et de droit qui, aux yeux du demandeur à l’exception, justifient l’incompétence, ainsi que la juridiction qu’il estime apte à connaître du procès. Ces deux conditions doivent être respectées « en première instance ou en appel » (décr. n° 2017-891), même si le défendeur est rarement in limine litis en appel.
Le juge a lui-même la faculté de faire naître l’incident en relevant d’office son incompétence ; il en a même parfois l’obligation, lorsque des textes le prévoient expressément (v. C. pr. civ., art. 1038 et 1406 et CPCE, art. R. 121-1, al. 1er, relatifs à la nationalité des personnes physiques, à l’injonction de payer et aux questions d’exécution), dans ces cas, il est permis de dire que l’ordre public est « renforcé ». Sous cette réserve, relever d’office son incompétence n’est permis au juge saisi à tort que dans certains cas limitativement énumérés par les articles 76, pour la compétence d’attribution et 77, pour la compétence territoriale. Selon l’article 76, le juge du premier degré peut, de sa propre initiative, se déclarer incompétent lorsque la règle violée est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas (al. 1er). La cour d’appel et la Cour de cassation n’ont ce pouvoir que lorsque l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative ou qu’elle échappe aux juridictions étatiques françaises (al. 2). L’article 77 confère au juge, de quelque degré qu’il soit, des pouvoirs différents selon qu’il statue en matière contentieuse ou gracieuse : en matière gracieuse, il est toujours possible de relever d’office l’incompétence ; en revanche, en matière contentieuse, le juge n’a ce pouvoir que si le défendeur ne comparaît pas, dans les litiges relatifs à l’état des personnes et dans les hypothèses où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction.
Que la naissance de l’incident soit le fait du défendeur ou du juge, le règlement de cette incompétence donne lieu à un jugement, qui doit être rendu le plus rapidement possible.
Si le déclinatoire soulevé par le défendeur est déclaré recevable, il incombe alors au juge d’examiner son bien-fondé. Cette vérification de sa compétence le conduit soit à se déclarer incompétent, soit à s’estimer apte à donner une solution au litige :
1. lorsque le juge s’est déclaré incompétent, il n’a plus à statuer au fond – tout au plus ordonnera-t-il une mesure provisoire ou une mesure d’instruction (art. 83, al. 2) ; il doit renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction qu’il juge compétente – la désignation s’imposant aux parties et au juge de renvoi (art. 81, al. 2). Le dossier de l’affaire est d’ailleurs transmis au greffe de cette dernière juridiction, par le greffe de la juridiction saisie, « avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai » (C. pr. civ., art. 82, al. 1er) ; les parties sont invitées « par tout moyen par le greffe » [donc y compris par courriel ou texto si elles y ont préalablement consenti] à poursuivre l’instance et, si besoin est – à savoir devant le tribunal de grande instance ou le tribunal judiciaire en procédure écrite ordinaire –, à constituer avocat (art. 82, al. 2) ; à défaut d’une telle constitution dans le délai d’un mois, l’affaire serait d’office radiée (art. 82, al. 3) ; toutefois, lorsque le juge estime que c’est une juridiction administrative, répressive, arbitrale ou étrangère qui devrait être saisie, il se contente de renvoyer les parties à mieux se pourvoir (art. 81, al. 1er) ;
2. si le juge passe outre le déclinatoire et s’estime compétent, il a alors le choix entre deux attitudes : premièrement, il a la possibilité de surseoir à statuer au fond jusqu’à ce que la décision retenant sa compétence soit insusceptible de recours (art. 80) ; deuxièmement, il peut trancher la compétence et le fond dans un même jugement : l’utilisation de cette seconde branche de l’alternative suppose que les parties aient été préalablement mises en demeure de conclure au fond et que les deux questions (fond et compétence) soient résolues dans deux dispositions distinctes du jugement (art. 78).
À noter : il y a un point commun à ces deux cas. Cette vérification peut amener le juge à trancher une question de fond, qui n’est pas la question de fond principale, mais dont dépend la compétence : le juge doit aussi statuer dans deux dispositions distinctes du jugement (art. 79, al. 1er). Sa décision a alors autorité de chose jugée sur la question de fond (art. 79, al. 2). Le juge a l’obligation de trancher la question de fond dont dépend la compétence (Civ. 2e, 5 janv. 2017, n° 15-27.953 P, Dalloz actualité, 24 janv. 2017, obs. C. Bléry ; les actuels articles 77 et 95 sont réunis et dans un nouvel article 79 (al. 1er et 2) qui reconduit les règles posées par les deux textes antérieurs, v. Dalloz actualité, 29 mai 2017, obs. M. Kebir).
Si la décision sur la compétence ne suscite aucune contestation de la part des plaideurs, l’incident de compétence est réglé en première instance. Mais elle peut aussi faire l’objet d’un recours.
La voie de recours ouverte contre la décision sur la compétence est l’appel, qui emprunte deux modalités ; le contredit a en effet été supprimé par le décret n° 2017-891 et remplacé par un appel particulier. Cet appel particulier doit être interjeté pour contester les jugements qui statuent exclusivement sur la compétence (art. 83), dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement (art. 84), alors que le point de départ du contredit était le prononcé du jugement (si la notification est en principe effectuée par lettre recommandée avec avis de réception émanant du greffe, la mise en œuvre éventuelle de l’article 470-1 invitant la partie à procéder par voie de signification peut allonger considérablement les délais). L’appel ordinaire permet la critique des jugements qui statuent sur la compétence et le fond (art. 90), dans le délai de droit commun.
C’est donc à ses dispositions que déroge le nouvel article 82-1 du code de procédure civile, qui prévoit un règlement simplifié des questions de compétence au sein du tribunal judiciaire – à l’exclusion des autres juridictions de première instance. Les erreurs risquent d’être nombreuses tant, on l’a dit, est complexe l’organisation interne du tribunal judiciaire… alors qu’on nous a « vendu » la réforme comme étant une simplification. La procédure elle-même n’est pas si simple.
Régime dérogatoire
Notons d’abord que, désormais, l’article 76, alinéa 1er, est introduit par « Sauf application de l’article 82-1 »… Or :
• l’article 82-1 prévoit que soit une partie (le défendeur), soit le juge (d’office) peut relever une incompétence d’attribution, celle-ci présentant la particularité d’être interne au tribunal judiciaire ; en revanche, ce n’est pas un incident de compétence ordinaire et il est réglé de manière administrative ;
• un règlement simplifié serait aussi souhaitable pour certaines questions liées à l’incompétence territoriale. En effet, les tribunaux judiciaires ou les chambres de proximité peuvent être spécialisés de manière variable (v. Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. C. Bléry, préc., spéc. nos 38 et 41) et les compétences d’attribution et territoriale sont moins distinctes que par le passé, du fait de ces spécialisations ;
• quid, sur un plan légistique, de la place d’un article concernant une seule juridiction – le tribunal judiciaire – au sein des dispositions communes à toutes les juridictions ? Il est permis de regretter ce choix…
Selon cet article 82-1, « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge.
Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine. Le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.
La compétence du juge à qui l’affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois. Dans ce cas, le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renvoie l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire. Le président renvoie l’affaire, selon les mêmes modalités, au juge qu’il désigne. Sa décision n’est pas susceptible de recours.
La compétence du juge peut être contestée devant lui par les parties. La décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section ».
Quelles sont ces questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire ? Il faut certainement comprendre que la compétence (d’attribution) du tribunal, d’une chambre de proximité ou d’un juge des contentieux de la protection peut faire difficulté et être contestée. Mais aussi celle du juge aux affaires familiales, du juge de l’exécution, du président (juge des référés, requêtes, police aux frontières) et juge de la mise en état ? Le texte étant générique, il semble que oui, même si cela n’a peut-être pas été pensé en ce sens.
Le juge saisi à tort désigne le tribunal judiciaire, le juge des contentieux de la protection, le juge de l’exécution… qu’il estime compétent, par simple mention au dossier, ce dossier étant transmis administrativement par le greffe. Comme aujourd’hui, si le défendeur ne dit rien et si le juge omet de réagir d’office, il statuera malgré son incompétence « interne ».
Notons que les parties ou leurs avocats sont avisés de la difficulté de compétence (?) ou de son règlement (?) « sans délai par tout moyen conférant date certaine ». La question se pose de savoir lesquels. Avec l’abrogation de l’article 748-8 tel qu’issu du décret du 11 mars 2015, quid du texto et courriel dans « le tout moyen » ? Est-il encore besoin du consentement préalable du destinataire ? Mais peuvent-ils conférer date certaine ? Le RPVA devrait, lui, pouvoir être utilisé. Et le portail du justiciable (Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul ; ibid., 17 juill. 2019, obs. C. Bléry) si ledit justiciable est « connecté » et a consenti à ce mode de communication.
Constatons que deux cas de figure peuvent se présenter :
• tout le monde accepte la réorientation et le juge désigné tranchera l’affaire. Faute de réaction pendant trois mois, une remise en cause n’étant plus permise ;
• la compétence du juge désigné est remise en cause, par le juge lui-même ou une partie dans un délai de trois mois… à compter de l’avis, auquel cas un nouveau règlement administratif est prévu, qui suppose l’intervention du président du tribunal judiciaire, par une mesure d’administration. Il est permis de s’interroger : pourquoi ce long délai alors qu’il est de quinze jours pour l’appel particulier et d’un mois pour constituer avocat dans l’article 82 et pour l’appel ordinaire ? Cela veut-il dire que l’affaire est suspendue pendant ce délai ? La transmission immédiate du dossier laisse penser le contraire (là où l’article 82, alinéa 1er, prévoit une transmission « à défaut d’appel », là elle a lieu « aussitôt »). Mais quid si le juge commence à traiter l’affaire et qu’une remise en cause de sa compétence intervient « au milieu du gué » ?
Là encore, deux cas de figure sont envisagés :
• les parties – à l’exclusion du juge désigné – acceptent la réorientation et ce juge tranchera l’affaire ;
• les parties contestent devant le juge désigné le choix du président. La décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel « dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la présente section », c’est-à-dire prévues aux articles 83 à 91 du code de procédure civile : il s’agit nécessairement d’un appel particulier puisque seule la question de la compétence a jusqu’alors occupé tout le monde !
En fait de règlement simplifié, n’est-ce pas la porte ouverte à la chicane ?
Un avocat s’inscrit au tableau de l’ordre des avocats d’un barreau en Belgique. Il établit ensuite sa résidence en France et continue, pendant plusieurs années, à payer ses cotisations annuelles professionnelles, avant de cesser le paiement. L’ordre des avocats saisit alors un tribunal en Belgique, dont la compétence est contestée au regard des dispositions du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Une question préjudicielle, qui comporte en réalité deux aspects, est transmise à la Cour de justice.
En premier lieu, on sait que le règlement s’applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction, mais qu’il ne s’applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières ou administratives, et à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (art. 1, § 1).
Or ce principe soulève une difficulté en présence d’une action engagée par un ordre professionnel. Il s’agit en effet de déterminer si cet ordre agit ou non dans le cadre de l’exercice de la puissance publique. Il est en effet certain que la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la « matière civile et commerciale » (CJUE 28 févr. 2019, aff. C-579/17, pt 49, D. 2019. 487 ).
En l’espèce, la Cour de justice retient donc qu’un litige portant sur l’obligation pour un avocat d’acquitter des cotisations professionnelles annuelles dont celui-ci est redevable à l’ordre des avocats auquel il appartient ne relève du champ d’application de ce règlement qu’à la condition qu’en demandant à cet avocat d’exécuter cette obligation, cet ordre n’agisse pas dans l’exercice d’une prérogative de puissance publique en vertu du droit national applicable. La Cour ne tranche évidemment pas le débat de la nature des prérogatives de l’ordre des avocats considéré en application du droit belge, débat qui devra être examiné par le juge national saisi.
En second lieu, la Cour de justice de l’Union européenne envisage, pour les besoins du raisonnement, l’hypothèse dans laquelle le règlement Bruxelles I bis serait bien, en définitive, applicable. Elle considère alors les dispositions de l’article 7, point 1, a. Rappelons que celles-ci énoncent, en matière contractuelle, qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.
La question à résoudre est alors la suivante : l’action de l’ordre des avocats tendant à obtenir de l’un de ses membres le paiement de ses cotisations professionnelles annuelles constitue-t-elle une action en « matière contractuelle », au sens de cet article 7 ?
L’arrêt apporte une réponse approfondie et nuancée à cette question, dont la présentation impose de rappeler la teneur de la jurisprudence habituelle de la Cour à propos de cet article 7.
La notion de matière contractuelle est une notion autonome du droit européen. Et la Cour a déjà eu l’occasion d’énoncer que, si la conclusion d’un contrat ne constitue pas une condition d’application de l’article 7 (CJUE 8 mai 2019, aff. C-25/18, pt 23, D. 2019. 996 ; RTD com. 2019. 789, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ), encore faut-il que l’on soit en présence d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (même arrêt, pts 24 et 25).
Or, se référant au droit belge, l’arrêt (pts 27 et 28) relève qu’en vertu de l’article 428 du code judiciaire belge, l’inscription au tableau de l’ordre constitue une exigence à laquelle toute personne souhaitant porter le titre d’avocat et en exercer la profession doit nécessairement se conformer et qu’en application de l’article 443 du même code, le conseil de l’Ordre peut imposer aux avocats inscrits au tableau le paiement des cotisations fixées par lui, de telle sorte que, lorsque cette autorité décide de faire usage de cette compétence légale, le paiement de ces cotisations revêt, pour les intéressés, un caractère obligatoire.
Il en déduit que, dès lors qu’en Belgique, l’inscription au tableau de l’ordre constitue une obligation légale à laquelle l’exercice de la profession d’avocat est subordonné et qui impose le paiement de cotisations, l’action par laquelle un ordre d’avocats tend à obtenir la condamnation d’un de ses membres au paiement des cotisations professionnelles annuelles qu’il lui impose de payer ne constitue pas, en principe, une action « en matière contractuelle », au sens de l’article 7 du règlement Bruxelles I bis (arrêt, pt 32). Il faut en déduire que le principe général de compétence posé par le règlement a vocation à s’appliquer : la compétence est attribuée aux juridictions de l’État membre du domicile du défendeur (art. 4).
L’arrêt formule toutefois une réserve à cette approche, en indiquant qu’il ne peut pas être exclu qu’outre les relations imposées par la loi, un ordre d’avocats établisse également avec ses membres des relations de nature contractuelle. Il pourrait en être ainsi en présence de cotisations à payer à l’ordre qui constitueraient la contrepartie de prestations librement consenties, notamment en matière d’assurance, comme ce pourrait être le cas si cet ordre négociait auprès d’un assureur des conditions avantageuses pour les avocats membres. L’obligation d’acquitter de telles cotisations aurait alors un caractère contractuel, de sorte qu’une action engagée en vue d’obtenir l’exécution de cette obligation relèverait du champ d’application de l’article 7, point 1, a, du règlement.
L’arrêt ne peut qu’être approuvé. Il est d’ailleurs rédigé avec rigueur et dans un style d’une grande clarté, ce qui n’a pas toujours été le cas pour les arrêts de la Cour de justice portant sur le droit international privé. Il est vrai qu’il a été rendu sous la présidence d’un juge français, monsieur Bonichot, et que le lecteur peut retrouver dans l’arrêt les standards de rédaction auxquels les juristes français sont habitués.
L’arrêt mérite de retenir l’attention dans la perspective française car les problématiques qu’il envisage à propos du droit belge concernent également le droit français. D’une part, quoiqu’il soit excessif d’affirmer que le contentieux du paiement des cotisations des avocats est important sur le plan européen, la difficulté peut assurément se rencontrer de manière périodique dans les régions frontalières, où il est sans doute habituel de voir des avocats inscrits dans un barreau français avoir leur domicile de l’autre côté de la frontière et vice-versa. D’autre part, les avocats inscrits à un barreau en France doivent payer des cotisations (sur celles-ci, v. H. Ader et al., Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action, 2018/2019, nos 115.73 s.). Or, sous cet angle, la distinction qu’opère l’arrêt quant à la contrepartie de l’obligation au paiement des cotisations doit retenir l’attention car, même dans le cadre interne, il arrive que la question de la qualification des cotisations des avocats soit posée (v. Rép. min. n° 24238, JO 17 sept. 2013, et n° 27524, JO 24 sept. 2013, Dalloz actualité, 1er oct. 2013, art. A. Portmann).
Par l’arrêt de la première chambre civile du 5 décembre 2019, la Cour de cassation poursuit son œuvre de précision des textes relatifs aux soins psychiatriques contraints. En l’espèce, un homme a été conduit le 30 juin 2019 au centre psychiatrique d’orientation et d’accueil pour une évaluation psychique. Un médecin exerçant dans cet établissement a rédigé un certificat proposant son admission en soins psychiatriques, sur le fondement de l’article L. 3212-1 II, 2°, du code de la santé publique, en raison du péril imminent pour sa santé et en l’absence de tiers susceptible de formuler une telle demande. Le 1er juillet 2019, le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences a pris une décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète. Il a, ensuite, saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure, conformément à l’article L. 3211-12-1 du même code.
Pour prolonger la mesure tout en relevant l’absence d’extériorité du médecin ayant établi le certificat médical, l’ordonnance du premier président avait...
Sont réputés à usage d’habitation, d’une part, les locaux affectés à cet usage au 1er janvier 1970 et, d’autre part, ceux qui ont fait l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement à cette date, à la condition que la déclaration préalable de travaux mentionne un usage d’habitation.
L’exigence d’extériorité du médecin auteur du certificat médical initial vise à garantir le droit fondamental selon lequel nul ne peut être arbitrairement privé de liberté. Il s’en déduit que la méconnaissance de cette exigence porte en soi atteinte aux droits de la personne, ce qui entraîne la mainlevée de la mesure.