Définitivement adoptée le 19 décembre, la loi Engagement et proximité revalorise les maires des communes sans détricoter l’intercommunalité.
Députés et sénateurs ayant échoué à trouver un accord en commission mixte paritaire, le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 a été définitivement adopté par les députés pour son adoption définitive.
La Cour de cassation a signé, ce mercredi 18 décembre, une évolution majeure en la matière. Les parents de même sexe d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui (GPA) ou procréation médicalement assistée (PMA) peuvent demander la transcription totale de l’acte d’état civil étranger s’il est conforme au droit local. « Un immense soulagement », a reconnu Me Caroline Mécary, l’avocate de trois familles. « Cette solution permet enfin à mes clients de tourner la page », a-t-elle déclaré jeudi par communiqué.
GPA et parent d’intention
Le père d’intention n’a plus à engager une procédure d’adoption pour valider sa filiation en cas de recours à une mère porteuse. « Il convient de faire évoluer la jurisprudence en retenant qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue d’une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du code civil », résument les juges.
Ce faisant, la Cour de cassation prend ses distances avec une conception purement biologique de la filiation. Elle validait depuis 2014 la transcription uniquement à l’égard du père biologique (Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21.323, Dalloz actualité, 7 juill. 2015, obs. R. Mésa ; D. 2015. 1819, obs. I. Gallmeister , note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1481, édito. S. Bollée ; ibid. 1773, point de vue D. Sindres ;...
La haute juridiction étend sa jurisprudence Mennesson d’octobre dernier et ordonne, dans une série de quatre arrêts, la transcription totale de l’acte de naissance étranger indépendamment du mode de conception de l’enfant.
« Simplifier, moderniser, alléger notre procédure civile » : le chantier annoncé était pour le moins ambitieux. Il consistait à centrer le propos sur la première instance, point d’entrée de la justice, pour en faciliter le déroulement et assurer la qualité du « produit fini », à savoir le jugement. Parce que l’instruction est la phase préparatoire de ce produit fini, elle a nécessairement retenu l’attention des porteurs de cette réforme. Le but affiché est de rationaliser l’instruction de l’affaire, en réformant le régime des moyens de défense mais aussi de « favoriser la mise en état conventionnelle et repenser la mise en état » (proposition 19 des chantiers de la justice). Vaste projet.
Deux aspects de la mise en état sont impactés par la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui entrera en vigueur, pour ce qui concerne la mise en état, au 1er janvier 2020 : d’une part, la mise en état judiciaire, celle qui est confiée à un magistrat ad hoc dont les pouvoirs ont été étendus ; d’autre part, la mise en état conventionnelle dont le recours est promu.
L’extension des pouvoirs du juge de la mise en état
Le décret n° 2019-1333 modifie en partie la procédure ordinaire écrite devant le tribunal judiciaire. Les dispositions relatives à la mise en état sont plus particulièrement contenues dans les articles 780 à 807 du code de procédure civile. L’impact de cette réforme se mesure sur les deux versants de la mission confiée au juge de la mise en état (JME) : préparer le jugement et purger l’affaire de son contentieux accessoire.
A. Le décret n° 2019-1333 maintient très largement l’existant s’agissant des attributions qui lui permettent de préparer le jugement. Ainsi en est-il du principe selon lequel l’instruction des affaires s’opère « sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée » (C. pr. civ., art. 780, al. 1er, nouv.), le terme de « contrôle », renvoyant ici à l’idée que c’est d’abord aux parties d’accomplir les actes et formalités qui permettront à l’affaire d’être en état d’être jugée. Ce contrôle de la procédure passe par une série d’attributions que le décret préserve intégralement.
Tout d’abord, le juge de la mise en état, qui jouit d’attributions purement « administratives », reste un gestionnaire de l’instance. Il procède à des jonctions et disjonctions d’instance (C. pr. civ., art. 783 nouv.), constate l’extinction de l’instance (C. pr. civ., art. 787 nouv.) ou encore la conciliation des parties (C. pr. civ., art. 785, nouv). Il est aussi chargé de déclarer l’instruction close lorsqu’il lui apparaît qu’elle est en état d’être jugée. Sur ce point, il est à noter que le juge de la mise en état peut désormais déclarer l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet, lorsque les parties souhaitent bénéficier de la procédure sans audience (C. pr. civ., art. 799 nouv.)
Ensuite, le juge de la mise en état est conforté dans son rôle de régulateur qui consiste à contrôler le déroulement « loyal » de la procédure entre les parties, spécialement s’agissant de la « ponctualité » de l’échange des conclusions et de la communication des pièces (C. pr. civ., art. 780, al. 1er et 2, nouv.). Dans le cadre de cette mission de contrôle, le juge peut toujours fixer « au fur et à mesure les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire » (C. pr. civ., art. 781 nouv.), eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. Il peut aussi inciter les parties à accomplir les diligences nécessaires dans les délais en adressant des injonctions (C. pr. civ., art. 780, al. 3, nouv). Il conserve par ailleurs son pouvoir de sanction en cas de méconnaissance des délais impartis (C. pr. civ., art. 801, al. 1er, nouv).
Enfin, le juge de la mise en état reste un instigateur en ce qu’il peut combler les lacunes des parties sur tel ou tel aspect de leurs échanges afin de s’assurer que le juge saisi au fond est bien informé de l’affaire. Aussi peut-il toujours inviter les avocats « à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu [et] à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige » (C. pr. civ., art. 782, al. 1er). Il peut se faire communiquer l’original des pièces versées au débat ou demander une copie (C. pr. civ., art. 782, al. 2). Il peut même d’office entendre les parties de façon contradictoire ou les inviter à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige (C. pr. civ., art. 786 nouv.). Le décret lui reconnaît par ailleurs une nouvelle prérogative tenant à la possibilité qui lui est désormais offerte de désigner « un médiateur » dans les conditions de l’article 131-1 du code de procédure civile.
B. Le décret conserve en outre l’essentiel des dispositions relatives aux pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état qui lui permettent traditionnellement de traiter les incidents qui peuvent émailler l’instruction d’une affaire. Il maintient le caractère exclusif de sa compétence, du moment que la demande est présentée postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, lequel intervient à l’ouverture des débats devant le tribunal. Traditionnellement, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance ; allouer une provision pour le procès ; accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; ordonner toutes autres mesures provisoires et ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.
Innovation majeure, le nouvel article 789 du code de procédure civile ajoute que le juge de la mise en état est compétent pour connaître « des fins de non-recevoir ». Annoncé lors de la restitution des chantiers de la justice, cet ajout marque une évolution importante dans la mesure où la Cour de cassation a refusé d’étendre la compétence du magistrat instructeur à ce moyen de défense (Cass., avis, 13 nov. 2006, n° 06-00.012, D. 2006. 2949 ; ibid. 2007. 1380, obs. P. Julien ; RTD civ. 2007. 177, obs. R. Perrot ) sur la base d’une lecture stricte de l’ancien article 771 du code de procédure civile. L’objectif est très clair : il s’agit de traiter ces moyens de défense dans les meilleurs délais. L’instance susceptible de se conclure par une irrecevabilité peut ainsi prendre fin « sans que l’affaire soit mise en état d’être jugée sur le fond » (JCP n° 18, doctr. 530, n° 3, L. Mayer). Le juge de la mise en état peut ainsi éviter qu’une instance se prolonge inutilement en cas d’irrecevabilité. Outre cet aspect, cette nouveauté garantit un « parallélisme des pouvoirs » entre le juge de la mise en état et son homologue en cause d’appel, le conseiller de la mise en état étant compétent depuis maintenant longtemps pour en connaître (C. pr. civ., art. 914). Cette prérogative nouvelle crée cependant une difficulté. On le sait, l’appréciation des fins de non-recevoir exige parfois de s’intéresser au fond du litige, ce qui n’est pas le terrain « naturel » du juge de la mise en état. Sur ce point, le décret n° 2019-1333 prévoit une procédure particulière. « Lorsque la fin de non-recevoir suppose que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. » Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire, qui est en tant que telle insusceptible de recours.
Il est par ailleurs prévu que le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement doit statuer quant à elle sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
Précision importante, les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
La modification ainsi opérée soulève plusieurs remarques.
On constate d’abord que le décret dépasse la réticence exprimée par les auteurs du rapport sur la simplification et l’amélioration de la procédure civile qui proposaient de limiter la compétence du juge de la mise en état aux fins de non-recevoir « qui ne touchent pas au fond du droit » (v. F. Agostini et N. Molfessis, rapport Amélioration et simplification de la procédure civile, p. 22).
On relève ensuite que le juge de la mise en état doit respecter une contrainte formelle dans la rédaction de son ordonnance au sein du dispositif : ce qui relève du fond d’un côté, ce qui relève de la compétence de l’autre. La formalité est importante car, par le jeu de l’autorité de la chose jugée, si le juge a tranché un aspect de fond, il ne pourra revenir sur ce point. Surtout, un autre juge saisi ultérieurement se trouvera lié et devra considérer ce point comme déjà jugé (sur ce point, en matière de compétence, v. N. Cayrol, Procédure civile, Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 413, p. 186). Autrement dit, lorsque le juge de la mise en état tranchera un aspect de fond dont dépend la fin de non-recevoir, la formation de jugement ne pourra revenir sur cet aspect et devra le tenir pour tranché. L’évolution n’est pas anodine en ce qu’elle marque un glissement des prérogatives du juge de la mise en état sur le fond du litige.
On note enfin que les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état (Civ. 2e, 13 nov. 2014, n° 13-15.642, Dalloz actualité, 27 nov. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ).
La promotion de la mise en état conventionnelle par avocat
La promotion de la mise en état conventionnelle portée par le décret n° 2019-1333 correspond à un mouvement de fond qui consiste en un retour aux sources du procès civil, traditionnellement décrit comme « la chose des parties ». La mise en état conventionnelle est une mise en état « externalisée », relevant des parties elles-mêmes et relayant le juge à un rôle de simple contrôleur (v. sur ce point, Dalloz actualité, Le droit en débats, 20 avr. 2018, par C. Bléry et J.-P. Teboul). Le Conseil national des barreaux (CNB) s’était dit favorable au développement d’une mise en état conventionnelle avec la procédure participative aux fins de mise en état. Il émettait simplement des réserves sur l’éventualité de rendre obligatoire « dans l’immédiat » cette mise en état conventionnelle qui doit selon lui rester une démarche volontaire des parties. Le CNB se prononçait donc en faveur de l’instauration d’un dispositif incitatif avec l’octroi d’un avantage procédural aux parties. Il semble qu’il ait été entendu sur ce point (v. cependant Dalloz actualité, 16 déc. 2019, obs. G. Maugain).
Où se situent concrètement les modifications ?
La première chose à souligner est qu’elles ne sont pas fondamentales. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 n’a pas été jusqu’à imposer la conclusion d’une convention de procédure participative qui reste donc toujours soumise à une initiative des parties en ce sens, ce qui est du reste conforme à la philosophie déclarée de ce mode alternatif d’instruction de l’instance qui consiste pour les parties à s’approprier le règlement de leur propre litige (v., sur l’idée que l’amiable ne se commande pas, N. Cayrol, « Observations sur la simplification et l’amélioration de la procédure civile », JCP n° 13, 26 mars 2018).
A. Le décret n° 2019-1333 modifie de façon éparse quelques dispositions purement techniques du code de procédure dans le but de faciliter le recours à la procédure participative.
Ainsi désormais, la question sera abordée lors de l’audience d’orientation au cours de laquelle il est traditionnellement débattu de l’état de la cause. Les avocats présents devront indiquer au président de la chambre saisie s’ils concluent ou non une convention de procédure participative aux fins de mise en état (C. pr. civ., art. 776, al. 2, nouv.). En cas de réponse positive, le président pourra faire application des dispositions de l’article 1546-1 et, notamment, fixer la date de l’audience à laquelle sera ordonnée la clôture et de plaidoirie.
Par ailleurs, lorsque l’affaire n’est pas tout à fait en état d’être jugée, le président a toujours la possibilité de décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui pour conférer une dernière fois de celle-ci. Les parties pourront alors à ce stade solliciter un délai pour conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état. Dans ce cas, le juge pourra ordonner le renvoi. Ensuite, de deux choses l’une :
soit à la date fixée, les parties justifient de la signature d’une telle convention et le juge prendra les mesures de l’article 1546-1,
soit les parties ne peuvent en justifier et, si l’affaire est en état d’être jugée, le juge déclarera alors l’instruction close et renverra l’affaire à l’audience qui pourra être tenue le jour même (C. pr. civ., art. 779 nouv.). Les parties pourront par ailleurs faire application de la procédure sans audience si elles le souhaitent,
il faut noter qu’il subsiste une troisième possibilité : si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle sera renvoyée au magistrat instructeur en état qui fixera la date de l’audience de mise en état.
Les incidents d’instance sont également impactés, en particulier l’interruption de l’instance.
L’article 369 est complété d’un dernier alinéa prévoyant que la conclusion d’une convention de procédure participative a pour effet d’interrompre l’instance « y compris en cas de retrait du rôle ». Cela a une conséquence pratique non négligeable lorsque l’on sait que l’interruption de l’instance emporte interruption du délai de péremption.
Du reste, l’article 392 du code de procédure civile, qui prévoit cette règle, est complété d’un dernier alinéa, aux termes duquel « un nouveau délai (i.e. de péremption) court à l’extinction de la procédure participative de mise en état ». Cela laisse donc aux parties un temps de répit durant lequel elles pourront tenter de recourir à la procédure participative sans être soumises la pression du délai de péremption, qui, rappelons-le, est un incident extinctif d’instance.
B. Surtout, le décret modifie substantiellement certaines dispositions relatives à la procédure participative en complétant le titre II du livre V du code de procédure civile.
D’une part, l’article 1543 est modifié pour étendre le champ de cette procédure. Ce texte dispose désormais qu’elle se déroule selon une procédure conventionnelle de recherche d’un accord, suivie, le cas échéant, par une procédure aux fins de jugement et qu’elle peut aussi se dérouler dans le cadre de l’instance, aux fins de mise en état, « devant toute juridiction de l’ordre judiciaire ». Le mécanisme n’est donc pas réservé à la seule instance civile.
D’autre part, et c’est sans doute le changement le plus remarquable, l’article 1546-1, qui prévoyait le retrait du rôle lorsque les parties informent le juge de la conclusion d’une convention de procédure participative, est modifié et s’enrichit de quelques alinéas. Désormais, il est prévu que :
les parties peuvent conclure une procédure participative de mise en état, à tout moment de l’instance. La conclusion de la convention de procédure participative est l’« acte fondateur » de cette instruction conventionnelle (v. la fiche pratique diffusée par le CNB) ;
lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande, fixer la date de l’audience de clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoiries. Il renvoie l’examen de l’affaire à la première audience précitée. À défaut de demande en ce sens, le juge ordonne le retrait du rôle. On retrouve en filigrane dans cette disposition l’idée d’inversion du temps judiciaire défendue par le rapport Molfessis/Aghostini (v. sur ce point, rapport p. 22 ; C. Bléry et J.-P. Teboul, art. préc.) en vertu de laquelle c’est la date de l’examen au fond de l’affaire qui doit conditionner le rythme de la mise en état du dossier et non pas l’inverse. Les parties se voient ainsi conférer la faculté de gérer les échanges procéduraux et de gérer leur « rétroplanning à partir de cette date butoir » (C. Bléry et J.-P. Teboul, art. préc.) ;
la signature d’une convention de procédure participative de mise en état vaut renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 du présent code, à l’exception de celles qui doivent être soulevées d’office par le juge ou qui apparaîtraient postérieurement à la signature de la convention de procédure participative.
Le décret consacre par ailleurs une montée en puissance des actes contresignés par avocats dans le cadre de la procédure participative. L’article 1546-3 du code de procédure civile précise d’abord la façon dont ce type d’actes peut être conclu en indiquant qu’il « est établi conjointement par les avocats des parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, en dehors ou dans le cadre d’une procédure participative ». Il précise ensuite ce que les parties peuvent faire par ce biais. Sur ce point, quelques nouveautés sont à signaler puisque désormais, les actes contresignés peuvent :
« énumérer » les faits « ou les pièces » qui ne l’auraient pas été dans la convention, « sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent » (1°) ;
déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition (2°) ;
convenir des modalités de communication de leurs écritures (3°) ;
recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 (4°) ;
désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement (5°) ;
consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter (6°) ;
consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation (dans les conditions classiques de l’article 202 C. pr. civ.) (7°) ;
consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats (8°).
D’autres innovations ont trait à l’issue de la procédure. Parmi celles-ci, on citera les nouvelles causes d’extinction que sont l’inexécution par l’une des parties de la convention et la saisine du juge dans le cadre d’une procédure participative de mise en état, aux fins de statuer sur un incident, sauf si la saisine émane de l’ensemble des parties (C. pr. civ., art. 1555 nouv.). Le nouveau texte supprime par ailleurs le dernier alinéa de l’article 1555 relatif à la conclusion d’un accord partiel, lequel est désormais traité à l’article 1555-1, qui prévoit que cet accord doit être constaté dans un acte sous signature privée contresigné par avocat. Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de mise en état, cet accord est adressé à la juridiction au plus tard à la date de l’audience à laquelle l’instruction sera clôturée. Lorsque la convention de procédure participative est conclue dans le cadre d’une procédure sans mise en état, cet accord est adressé à la juridiction au plus tard le jour de l’audience.
Les parties devront communiquer au juge la convention de procédure participative aux fins de mise en état, les pièces échangées dans le cadre de la mise en état conventionnelle, les actes d’avocat ainsi que les actes des techniciens et enfin un acte d’avocat qui reprend les points sur lesquels les parties sont en accord ou en désaccord.
Quelques ajouts sont enfin introduits en ce qui concerne la procédure aux fins de jugement, en particulier après mise en état conventionnelle du litige. Il est notamment prévu que, lorsque la phase conventionnelle a permis de mettre l’affaire en état d’être jugée mais que soit le litige a été partiellement résolu, soit qu’il persiste en totalité, l’affaire doit être fixée à bref délai (C. pr. civ., art. 1564-6 nouv.), ce qui n’est évidemment pas le cas lorsque la phase conventionnelle n’a pas permis une mise en état de l’affaire. Il s’agit à l’évidence d’une mesure incitative qui permettra aux parties de faire juger leur cause dans des délais plus attractifs.
Au-delà des changements techniques, que penser de cette réforme ?
À l’analyse, la nouvelle procédure participative conduit à renforcer la logique d’externalisation de l’instance et tend en cela à redonner du sens au principe dispositif à ce stade de la procédure. Le décret a le mérite de respecter l’économie de cette procédure participative qui consiste à replacer les parties au cœur de l’instruction de leur propre affaire. Mais il fait clairement le choix d’instaurer des mesures incitatives, purement techniques, ce qui constitue à la fois l’intérêt de la réforme et sa limite. Il semble que les changements, ponctuels, ne soient pas suffisants pour combler les lacunes classiquement attribuées à la procédure participative, notamment sa lourdeur et l’illisibilité de son régime. Elle est avant tout dépendante de son appropriation par les parties et leurs conseils. Ces derniers pourront utilement consulter le modèle de convention proposé par le CNB qui intègre les nouvelles dispositions.
Deux aspects de la mise en état sont impactés par la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui entrera en vigueur, pour ce qui concerne la mise en état, au 1er janvier 2020.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a reconnu un conflit d’intérêts, même s’il observe que « l’inobservation des règles déontologiques constatée n’atteint pas un niveau de gravité la rendant constitutive d’une faute disciplinaire à l’encontre des trois magistrats ».
Les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l’accusé de réception de la demande l’ayant fait naître si elle est implicite.
La formation disciplinaire du CSM, sous la présidence de Didier Guérin, n’a prononcé aucune sanction contre les trois hauts magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation. Jean-Guy Huglo, Laurence Pécaut-Rivolier et Jean-Yves Frouin étaient visés par une plainte des syndicats de salariés les accusant de conflit d’intérêts dans une affaire qu’ils ont jugée le 28 février 2018.
Lors de l’audience disciplinaire, plusieurs griefs, discutés à l’audience du 4 décembre (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2019, art. T. Coustet), ont été examinés, à commencer par l’absence de déclaration d’intérêts préalable. Le Conseil l’écarte, « les trois magistrats ayant signalé à leur hiérarchie les activités rémunérées pour des filiales de [Wolters Kluwer France (WKF)] ».
Un conflit d’intérêts, mais pas de faute
Sur le fond, la décision donne raison aux syndicats de salariés du groupe qui reprochaient aux trois hauts magistrats de ne pas s’être déportés, au regard de l’obligation d’impartialité qui leur est imposée. Il s’agit d’ailleurs, selon les juges, d’un « devoir absolu ». Le CSM concède que « la participation régulière et rémunérée des trois magistrats aux journées d’étude organisées par [WKF], à destination d’un public qui y accédait en réglant des frais d’inscription, constituait un lien d’intérêt entre les trois magistrats et l’une des parties au pourvoi qu’ils jugeaient », de sorte que « l’existence de ce lien a pu créer un doute légitime dans l’esprit du justiciable sur l’impartialité des magistrats mis en cause ».
En revanche, le CSM n’en déduit aucune faute disciplinaire à leur égard. « Dans le cadre de ces interventions extérieures, les trois magistrats n’entretenaient aucune relation directe avec les dirigeants des deux sociétés, ils n’étaient pas choisis comme intervenants intuitu personæ mais en raison de leur statut et de leur position au sein de la Cour de cassation, n’étaient pas salariés de la société puisqu’ils disposaient d’une liberté totale d’intervention et n’avaient aucun lien de subordination avec les sociétés. Enfin, leur rémunération pour ces interventions était forfaitaire, d’un montant conforme aux usages et ne constituait pas pour eux une condition de leurs interventions », est-il observé.
« Le doute doit favoriser le déport »
La décision rejoint la position exprimée à l’audience par Peimane Ghaleh-Marzban, directeur des services judiciaires. Il n’y avait, selon lui, aucun « doute raisonnable sur l’impartialité des magistrats visés » même s’ils auraient dû faire valoir le « principe de précaution : le doute doit favoriser le déport ». Mais il s’agit tout au plus « d’un mauvais réflexe », qui ne justifie pas une « faute disciplinaire susceptible de sanction ».
Le Conseil d’État ne reconnaît pas l’utilité publique d’une opération de réaménagement urbain autour d’une zone commerciale et en précise les raisons. Même si l’opération répond à un intérêt général certain, la haute juridiction conclut à un bilan négatif.
L’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété
Le Conseil d’État ne reconnaît pas l’utilité publique d’une opération de réaménagement urbain autour d’une zone commerciale et en précise les raisons. Même si l’opération répond à un intérêt général certain, la haute juridiction conclut à un bilan négatif.
Est irrecevable comme nouvelle en cause d’appel la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur au titre d’une maladie professionnelle particulière dès lors que la demande présentée en première instance découlait d’une maladie distincte et de nature différente.
Le salarié d’une société, mis à disposition de plusieurs entreprises utilisatrices de main d’œuvre temporaire, a successivement obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de deux pathologies distinctes, une silicose (tableau n° 25 des maladies professionnelles) et une sidérose (tableau n° 44 des maladies professionnelles). Recherchant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 25 devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale, le salarié demanda la prise en charge, devant la cour d’appel, de la maladie prévue au tableau n° 44. Pour la cour d’appel de Douai, cette dernière demande, dès lors qu’elle tendait aux mêmes fins que la première maladie professionnelle soumise au premier juge, était recevable. La société utilisatrice de main d’œuvre temporaire qui fut condamnée engagea alors un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel du 31 mai 2018 afin de contester la recevabilité de cette demande qu’elle considérait comme nouvelle en cause d’appel. La Cour de cassation fit droit au moyen et censura l’arrêt au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile, de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et des tableaux nos 25 et 44 des maladies professionnelles, au motif « qu’en statuant ainsi, alors que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d’une maladie professionnelle particulière ne tend pas aux mêmes fins que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et en indemnisation des préjudices en découlant formée au titre d’une maladie distincte, de nature différente, et n’en constitue pas l’accessoire, la conséquence ou le complément, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». Cette demande formée pour la première fois en cause d’appel est donc jugée irrecevable par la deuxième chambre civile, qui casse et annule sur ce point, sans renvoi, l’arrêt de la cour d’appel de Douai.
Après une instance infructueuse afin de voir reconnaître la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur au titre de la maladie prise en charge sur la base du tableau n° 25 devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale, le salarié a entrepris, pour la première fois en cause d’appel, de faire juger que la maladie...
La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la recevabilité d’une action en partage judiciaire, consécutive à un premier partage amiable et destinée à obtenir l’exécution du rapport d’une libéralité et la sanction d’un recel successoral.
Le recel successoral permet de sanctionner l’héritier qui dissimule des biens ou des droits d’une succession en le privant, au moment du partage, de ses droits dans les biens détournés. La question se pose toutefois de savoir si ce comportement peut encore être sanctionné lorsqu’un partage amiable est déjà intervenu. La Cour de cassation y apporte une réponse en demi-teinte qui n’est pas pleinement satisfaisante : une fois le partage intervenu, l’héritier victime du recel doit agir en nullité du partage, en complément de part ou en partage complémentaire, mais n’est pas recevable à solliciter l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision. De la même façon, lorsque les indemnités de rapport des libéralités ont été omises d’un partage amiable, l’action en partage destinée à obtenir l’exécution du rapport n’est plus recevable.
En l’espèce, le litige est né à la suite du partage successoral réalisé par un frère et une sœur postérieurement au décès de leurs deux parents. La succession du père prémourant ne comportait que des liquidités et quelques meubles meublants, sur lesquels l’épouse survivante avait exercé un droit d’usufruit. La succession de l’épouse, décédée en second lieu, comportait quant à elle deux propriétés immobilières que les héritiers ont vendues avant de s’en répartir le prix entre eux. Elle comprenait également des liquidités et meubles meublants que les héritiers se sont répartis au même moment. Cette répartition valait partage amiable des trois indivisions (l’indivision de la communauté ayant existé entre les deux époux et l’indivision de la succession de chacun d’eux).
Quelques jours seulement après cette répartition, le frère a assigné sa cohéritière en justice, soutenant qu’elle avait soustrait des sommes communes avant le décès de leur père en utilisant pour son profit personnel une procuration qu’elle détenait sur les comptes bancaires de leurs parents. Il a alors sollicité en justice le rapport des sommes prélevées et l’application des peines du recel successoral sur ces sommes, ainsi que le rapport de la libéralité constituée par la mise à disposition d’un bien à titre gratuit par leur mère et que l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de leurs parents et de la communauté ayant existé entre eux.
Les juges du fond ont déclaré ces demandes irrecevables, poussant le frère à se pourvoir en cassation. Pour l’essentiel, le moyen du pourvoi soutenait que l’existence d’un partage amiable et informel survenu entre les cohéritiers ne rendait pas la demande de rapport irrecevable dès lors que, d’une part, le partage amiable n’était que partiel et que, d’autre part, la demande fondée sur un recel successoral était recevable indépendamment d’une action en partage judiciaire.
La Cour de cassation a rejeté ces deux arguments, le premier implicitement, le second explicitement, au motif que « les demandes en rapport d’une libéralité dont aurait bénéficié un héritier et en application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire ; qu’une telle action ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision ».
Elle a ensuite relevé que, suivant les constatations de la cour d’appel, les parties avaient déjà procédé au partage amiable des biens des successions des deux parents, ce dont elle a déduit que les demandes de l’héritier étaient irrecevables, en l’absence de toute action en nullité du partage, en complément de part ou en partage complémentaire.
La Cour de cassation a donc raisonné en deux temps, sur chacun desquels il convient de revenir.
Dans un premier temps, elle a affirmé que les demandes en rapport d’une libéralité et en application de la sanction du recel successoral ne pouvaient être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire. La solution n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été appliquée, tant en matière de rapport successoral (Civ. 1re, 4 janv. 2017, n° 15-26.827, D. 2017. 599, chron. I. Guyon-Renard ; AJ fam. 2017. 205, obs. J. Casey ) qu’au sujet de la sanction du recel successoral (Civ. 1re, 13 déc. 2017, n° 16-26.927 ; 1er avr. 2015, n° 14-15.184 ; 30 janv. 2019, n° 18-11.078, Dalloz jurisprudence). Pour l’essentiel, elle n’est pas surprenante. En effet, tant le rapport successoral que le recel successoral sont éminemment liés à l’opération du partage.
Le mécanisme du rapport des libéralités est d’ailleurs régi par une section figurant dans un chapitre du code civil consacré au partage. Destiné à assurer l’égalité entre les héritiers, il consiste à réintégrer dans la masse partageable les libéralités consenties à ceux qui ont une vocation légale dans la succession de leur auteur. Il s’agit donc d’une opération préalable à un partage, qui intéresse la composition de la masse partageable (en ce sens, v. M. Grimaldi, Droit des successions, 7e éd., LexisNexis, 2017, spéc. n° 724, p. 562) et ne se conçoit pas indépendamment d’une opération de partage.
De même, le recel successoral, régi par l’article 778 du code civil, vise des actes matériels par lesquels un héritier manifeste son intention de porter atteinte à l’égalité du partage (en ce sens, v. par ex. Civ. 1re, 7 juill. 1982, n° 81-14218, Bull. civ. I, n° 255 ; 10 mars 1993, n° 90-19.279, Bull. civ. I, n° 109 ; RTD civ. 1994. 142, obs. J. Patarin ; 12 mai 2010, n° 09-11.133, Bull. civ. I, n° 111 ; Dalloz actualité, 4 juin 2010, obs. V. Egea ; D. 2010. 1346 ; ibid. 2392, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2010. 331, obs. F. Bicheron ). La sanction de ce type de comportement est donc, là encore, intimement liée à l’existence même du partage, puisqu’elle consiste à priver l’héritier receleur de sa part dans les biens ou les droits détournés ou recelés et à lui imposer, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable, de rapporter celle-ci sans pouvoir y prétendre à aucune part (C. civ., art. 778). C’est donc bien au moment du partage que s’applique la sanction du recel successoral.
Pour ces raisons, la solution de la Cour de cassation emporte l’approbation, en ce qu’elle impose que les demandes en rapport d’une libéralité et en application de la sanction du recel successoral soient formulées à l’occasion d’un partage. En revanche, la précision selon laquelle ces demandes ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire n’emporte pas totalement l’adhésion. En effet, elle semble exclure l’hypothèse du partage amiable. Il est vrai que le partage amiable suppose l’accord des parties sur les formes et les modalités du partage (C. civ., art. 835), ce qui paraît exclure, de fait, toute demande fondée sur un recel successoral dans ce cadre : on imagine mal un héritier consentir à être privé de ses droits dans une partie de l’indivision au motif qu’il en a recelé certains effets. En revanche, une demande de rapport successoral peut tout à fait être formulée à l’occasion d’un partage amiable (à supposer que l’on entende par « demande » la manifestation d’une volonté d’obtenir l’exécution du rapport successoral ; la demande en justice, quant à elle, ne peut effectivement être formulée qu’à l’occasion d’un partage judiciaire). Dans le cadre d’un partage amiable, les héritiers ont d’ailleurs tout intérêt à exiger le rapport successoral, si le défunt n’en a pas dispensé le gratifié (comme l’y autorise l’art. 843 C. civ.), sous peine de voir leur renonciation au rapport requalifiée en libéralité entre héritiers et soumise aux droits de mutation à titre gratuit (en ce sens, v. N. Levillain et A. Chappert, Rapport et réduction des donations : aspects fiscaux, Defrénois 2001, n° 12, p. 739). En somme, la Cour de cassation aurait pu se contenter d’affirmer que les demandes en rapport d’une libéralité et en application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’un partage (qu’il soit amiable ou judiciaire).
Dans un second temps de son raisonnement, la haute juridiction affirme qu’une action en partage judiciaire ne peut plus être engagée lorsque les parties ont déjà procédé au partage amiable de la succession, car elles ne sont alors plus en indivision. L’affirmation est, a priori, imparable : l’indivision ayant pris fin par un premier partage, elle ne peut plus être de nouveau partagée (peu important que le premier partage soit amiable ou judiciaire, d’ailleurs). La solution avait déjà été appliquée par la Cour de cassation (Civ. 1re, 20 oct. 2010, n° 09-16.157, Bull. civ. I, n° 211 ; Dalloz actualité, 12 nov. 2010, obs. C. Le Douaron ; D. 2011. 622, chron. N. Auroy et C. Creton ; AJ fam. 2010. 549, obs. C. Vernières ; RTD civ. 2011. 161, obs. M. Grimaldi ), mais elle est formulée pour la première fois de manière aussi explicite. Elle est, somme toute, une application logique de l’article 816 du code civil : « Le partage peut être demandé […] s’il n’y a pas eu d’acte de partage ». Elle est donc conforme à la lettre du texte.
Toutefois, si la solution se comprend lorsque le partage a effectivement mis fin à l’indivision, elle est beaucoup plus discutable lorsque le partage intervenu a laissé subsister certains biens indivis. Sur ce point, la réponse qu’apporte la Cour de cassation au premier moyen du pourvoi est pour le moins étonnante. Le demandeur au pourvoi soutenait que le partage qui avait eu lieu à l’amiable n’était que partiel et n’interdisait pas une action en partage complémentaire pour les biens restant en indivision, à savoir : la valeur de rapport d’une libéralité indirecte et les sommes recelées. Pour toute réponse à cet argument, la Cour de cassation a affirmé que l’action en partage judiciaire ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision. Elle a ensuite relevé que, suivant les constatations de la cour d’appel, les parties avaient en l’espèce procédé au partage amiable des immeubles, des meubles et des liquidités dépendant des successions des deux parents. Implicitement, la Cour de cassation a donc considéré que le partage amiable intervenu entre les parties était total, et non partiel. Ou bien peut-être a-t-elle estimé que le caractère total ou partiel du partage amiable n’avait aucune incidence sur la possibilité de solliciter un partage judiciaire postérieur. L’une et l’autre de ces positions sont contestables.
En effet, d’une part, le caractère total ou partiel du partage a nécessairement une incidence sur la possibilité d’agir ultérieurement en partage. Par définition, le partage partiel laisse subsister l’indivision sur certains biens, comme le prévoit explicitement l’article 838 du code civil : « Le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu’il laisse subsister l’indivision à l’égard de certains biens ou de certaines personnes ». En conséquence, en présence d’un partage simplement partiel, il reste une indivision qu’il y a lieu de partager. Le partage partiel autorise donc la survenance d’un nouveau partage, pour mettre fin à l’indivision des biens restants. Le caractère total ou partiel du partage amiable survenu dans un premier temps a donc une incidence sur la possibilité d’introduire une nouvelle demande en partage.
D’autre part, on comprend mal comment, en l’espèce, le partage amiable aurait pu être total, alors même qu’il avait laissé subsister certains biens dans l’indivision. En effet, comme le rappelle l’article 825 du code civil, la masse successorale partageable comprend les biens existant à l’ouverture de la succession, ainsi que les valeurs soumises à rapport ou à réduction. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est admis qu’une indivision successorale puisse se composer exclusivement des valeurs de rapport ou de réduction de libéralités consenties par le défunt et justifier, même en l’absence de biens existant dans le patrimoine du de cujus, un partage (en ce sens, v. Civ. 1re, 3 avr. 2019, n° 18-13.890, Dalloz actualité, 7 mai 2019, obs. J. Boisson ; D. 2019. 2216, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2019. 301, obs. N. Levillain ; RTD civ. 2019. 646, obs. B. Vareille ; 19 déc. 2012, n° 11-23.378, RTD civ. 2013. 161, obs. M. Grimaldi ). Dès lors, le partage successoral qui omet les indemnités de rapport, voire certains biens recelés par un héritier, laisse subsister ces biens dans l’indivision. De fait, un tel partage n’est que partiel. Certes, les cohéritiers ont la faculté de renoncer au rapport ou à la réduction des libéralités rapportables ou réductibles ; le fait de consentir à un partage amiable sans exiger de rapport ou de réduction pourrait s’analyser en une renonciation… interdisant une demande ultérieure de rapport. Mais une telle solution ne saurait s’appliquer que dans l’hypothèse, qui n’était pas, semble-t-il, celle de l’espèce, où les héritiers ont, en pleine conscience et de manière non équivoque, renoncé à leur droit au rapport ou à la réduction des libéralités consenties par le de cujus. Il aurait fallu, en outre, une renonciation non équivoque au droit d’invoquer le recel successoral ayant rompu l’égalité du partage. La Cour de cassation impose d’ailleurs la réalisation d’un partage complémentaire, en l’absence d’acte caractérisant la volonté d’un copartageant de renoncer à ses droits lors du premier partage (Civ. 1re, 15 mai 2008, n° 06-19.416, Bull. civ. I, n° 136).
Or, pour rejeter le moyen tiré de l’existence d’un partage amiable partiel laissant la possibilité d’un partage complémentaire des valeurs soumises à rapport ou à réduction, la Cour de cassation s’est seulement appuyée sur les constatations de la cour d’appel, suivant lesquelles « les parties avaient procédé au partage amiable des immeubles, des meubles et des liquidités dépendant des successions » des défunts. Elle n’a, à aucun moment, évoqué une quelconque renonciation, expresse ou tacite, des copartageants à solliciter le rapport des libéralités et la restitution des biens recelés. Elle a ensuite marqué son approbation totale avec les conséquences tirées par la cour d’appel, qui en aurait « déduit à bon droit que les demandes [du cohéritier], qui n’avait ni engagé une action en nullité de ce partage ni agi en complément de part ou en partage complémentaire, n’étaient pas recevables ». Le raisonnement tenu semble être le suivant : du fait du partage amiable total, le cohéritier lésé aurait dû agir en nullité de ce partage, en complément de part ou en partage complémentaire, plutôt qu’en partage judiciaire d’indivisions déjà partagées.
Cette solution pose deux difficultés. En premier lieu, laquelle de ces actions aurait-il fallu intenter ? La Cour ne se prononce pas sur ce point. Le partage à l’occasion duquel ont été omis des biens recelés et des indemnités de rapport doit-il être frappé de nullité, en raison d’une erreur commise sur la consistance de la masse partageable (omission des indemnités de rapport), conformément à l’article 887, alinéa 2, du code civil, et d’un dol commis par l’auteur du recel, conformément à l’article 887, alinéa 1er ? Doit-il faire l’objet d’une action en complément de part, conformément à l’article 889 du code civil, en raison d’une lésion qu’aurait subie le cohéritier victime du recel et n’ayant pas sollicité le rapport ? Ou doit-il simplement y avoir lieu à un partage complémentaire, conformément à l’article 892 du code civil, dans la mesure où des biens (l’objet du recel et les indemnités de rapport) auraient été omis de la masse à partager ? Or n’est-ce pas précisément à un partage complémentaire que visait l’action intentée par le demandeur, en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions des parents et de la communauté ayant existé entre eux ? Tel ne semble pas être l’avis de la Cour de cassation.
C’est d’ailleurs la difficulté qui se pose, en second lieu. Par cette solution, la Cour de cassation semble opérer une distinction entre le partage initial de l’indivision et le partage complémentaire. Le partage initial ne serait possible, suivant l’article 816 du code civil, qu’en l’absence de partage déjà intervenu. Le partage complémentaire, quant à lui, serait ouvert par l’article 892 du code civil en cas d’omission d’un bien indivis dans un précédent partage. Il semblerait donc que le cohéritier victime du recel soit sanctionné pour avoir mal fondé son action en partage, en invoquant les articles 815 et 816 du code civil, plutôt que l’article 892 du même code.
Une telle logique, si c’est bien celle que retient la Cour de cassation, ne saurait convaincre. Un partage est un partage, qu’importe le moment auquel il intervient. Le fait que le partage complémentaire ne soit mentionné que par l’article 892 du code civil n’implique pas qu’il ait une nature ou un régime différents du partage visé par l’article 816. D’ailleurs, la Cour de cassation elle-même n’hésite pas à utiliser le terme de « partage complémentaire » lorsqu’elle désigne le partage à intervenir après un partage partiel (en ce sens, v. Civ. 1re, 24 mai 2018, n° 17-18.270, AJ fam. 2018. 411, obs. N. Levillain ). C’est donc bien à un partage complémentaire qu’il convient de procéder à chaque fois que des biens sont restés en indivision, par suite d’une omission volontaire ou involontaire lors d’un premier partage (partiel, par définition). Quant au régime, l’action en partage fondée sur l’article 892 du code civil est, tout comme celle fondée sur les articles 815 et 816, imprescriptible (Civ. 1re, 20 nov. 2013, n° 12-21.621, Bull. civ. I, n° 227 ; AJ fam. 2014. 49, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2014. 346, obs. J. Hauser , au sujet de l’article 892 ; 12 déc. 2007, n° 06-20.830, Bull. civ. I, n° 387, au sujet de l’article 815). Et pour cause : il s’agit strictement de la même opération, consistant à mettre fin à une indivision. Au fond, le partage complémentaire n’est rien d’autre qu’un nouveau partage portant sur les biens restés dans l’indivision. Il n’est pas différent du partage initial qu’il complète. En réalité, il fait plutôt figure d’exception à la règle posée par l’article 816 du code civil : le partage ne peut être demandé que s’il n’y a pas eu d’acte de partage… sauf si le premier partage, partiel, a laissé subsister des biens dans l’indivision. Et, si l’on persiste à distinguer, en dépit du bon sens, le partage partiel (qui serait volontaire) et le partage incomplet (qui impliquerait une omission involontaire), il faudrait alors voir une double exception à l’article 816 du code civil : le partage ne peut être demandé que s’il n’y a pas eu d’acte de partage… sauf à ce que le premier partage n’ait été que partiel ou à ce qu’il ait omis certains biens indivis.
Pour toutes ces raisons, l’arrêt est critiquable, en ce qu’il entérine l’irrecevabilité de l’action en partage judiciaire d’une indivision dans laquelle il restait à partager un bien recelé et une indemnité de rapport (à supposer que ces allégations puissent être prouvées). Au-delà de cette objection substantielle, la solution rendue ne participe pas d’une bonne administration de la justice. Voilà un justiciable qui sera contraint d’exercer une nouvelle action en justice pour espérer être rétabli dans ses droits. Cette nouvelle action se heurtera elle-même à de nouveaux écueils : l’autorité de la chose jugée, qui pourrait lui être opposée ; le choix du fondement, qui n’apparaît pas clairement à la lecture de la solution posée ; la prescription des actions en nullité du partage amiable et en complément de part, qui pourrait être retenue si la présente action, jugée irrecevable, ne vaut pas comme acte interruptif. Le tout, alors même que la première action n’était pas réellement mal fondée, puisqu’une fois encore, un partage complémentaire (auquel il avait droit, semble-t-il) n’est rien d’autre qu’un nouveau partage judiciaire limité à certains biens (ce qui était précisément l’objet de sa demande en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage). Au temps pour les impératifs de célérité de la justice…
Les demandes tendant à l’exécution du rapport des libéralités et à la sanction d’un recel successoral doivent être formées à l’occasion d’une action en partage. Or une action en partage judiciaire ne peut plus être engagée lorsque les parties ont déjà mis fin à l’indivision par un partage amiable.
Genèse
Le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile, piloté par Mme Frédérique Agostini, alors présidente du tribunal de grande instance de Melun et M. le professeur Nicolas Molfessis présentait « trente propositions pour une justice civile de première instance modernisée » (v., Dalloz actualité, 7 févr. 2018, obs. C. Bléry). Parmi ces propositions figuraient celles tendant à « créer l’acte unique de saisine judiciaire » (prop. 12). Le rapport constatait que « la majorité des réponses aux consultations est favorable à la réduction des cinq modes de saisine des juridictions civiles et propose de ne conserver que l’assignation et la requête » et ajoutait que « le groupe de travail considère que la transformation numérique impose de sortir des schémas actuels du code de procédure civile. Proposant de distinguer la saisine de la juridiction et l’établissement du lien d’instance lorsqu’il est nécessaire […], il considère que l’instauration d’un acte unifié de saisine judiciaire par la voie électronique, unilatéral ou conjoint, est possible, tant en matière contentieuse qu’en matière gracieuse ». Bien qu’ayant donc retenu l’assignation et la requête comme acte de saisine, les rapporteurs expliquaient que cet acte de saisine judiciaire devrait être « établi par formulaire structuré, au moyen d’une application dédiée, accessible via le portail Justice »… de sorte que l’assignation semblait abandonnée comme acte introductif d’instance. Un effet de cet acte, permis par le numérique, était proposé : « l’acte de saisine judiciaire numérique doit générer pour le demandeur l’obtention d’une date qui sera adaptée à la nature de la procédure qu’il engage. La date de ce “rendez-vous” d’orientation judiciaire sera fixée selon un calendrier mis à disposition par la juridiction » ; toujours selon le groupe de travail, « l’obtention de cette date, tout comme la possibilité pour le justiciable d’avoir accès à tout moment par voie dématérialisée à l’avancée de sa procédure constituent des réponses aux attentes essentielles et légitimes du justiciable quant à la prévisibilité de la durée de son procès ».
Issue de la section 3 de la première partie du rapport Molfessis et Agostini, intitulée « Simplifier la saisine de la juridiction : pour un acte de saisine unifié », la proposition 12 était complétée par la proposition 14, à savoir « décharger le greffe des tâches de convocation dans les procédures contentieuses ». Celle-ci était développée dans le paragraphe 1 de la section 4 (« Unifier les circuits procéduraux »), qui avait pour objectif d’« établir avec certitude le lien d’instance ». Il était ici question d’une nouvelle fonction de l’assignation : celle d’acte de convocation du défendeur, en matière contentieuse. Le groupe de travail trouvait plusieurs justifications à cette proposition : « ce mode garantit le respect du contradictoire par la délivrance concomitante de l’acte de saisine et des pièces qui viennent à l’appui des demandes, assurant ainsi l’efficacité des échanges en vue de la première audience ».
Rappelons aussi la proposition 13 visant à « instaurer dès la première instance un principe de concentration des moyens ». Mais le principe de concentration dans l’acte introductif d’instance a heureusement été abandonné ; et la concentration des moyens au cours de l’instance n’est d’ailleurs pas codifiée, restant jurisprudentielle…
Consécration
S’inspirant du rapport, les auteurs du décret ont conservé l’assignation et la requête, qu’elle soit unilatérale ou conjointe : « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties » (art. 54, al. 1er, nouv. ; Dalloz actualité, 18 déc. 2019, obs. M.-P. Mourre-Schreiber).
L’assignation n’est cependant pas un acte de saisine en soi, elle reste un acte introductif d’instance devant être suivi d’une saisine réalisée par sa remise à la juridiction. Elle devient en revanche un acte de convocation du défendeur, comme envisagé par le rapport. Si l’article 55 donne une définition inchangée de l’assignation (le texte est abrogé et rétabli à l’identique par le décret n° 2019-1333), l’article 56, 1°, nouveau exige désormais que soient indiqués les « lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ».
Observations
La prise de date est consacrée par l’article 751 nouveau : « la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux » (texte à venir). Une fois la date d’audience demandée et indiquée « par tout moyen » (v. infra) par le greffe, le demandeur fait signifier l’assignation au défendeur qui se trouve ainsi convoqué à cette date.
On retrouve ensuite un schéma traditionnel avec l’article 754, alinéa 1er, qui dispose que « la juridiction est saisie, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation ». La sanction du non-respect des délais prévus pour ce faire est inchangée : elle demeure la caducité (art. 754, al. 4, nouv.). Mais les modalités de la remise constituent une autre innovation, bien difficile à comprendre (v. infra).
L’entrée en vigueur du mécanisme de prise de date est reportée au 1er septembre 2020. Ce report s’explique par le fait que les juridictions ne sont prêtes ni techniquement ni juridiquement.
Le texte est placé au sein des « dispositions communes » au tribunal judiciaire (sous-titre 1 du titre 1 du livre 2 : art. 750 à 774 – ce dernier article, spécifique à la procédure orale ordinaire, ne devrait pas figurer dans ce sous-titre). L’article 751 concerne toutes les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant le tribunal judiciaire – écrites ou orales – avec ou sans représentation obligatoire par avocat, dès lors qu’elle est introduite par une assignation à l’exclusion d’une requête. Or le principe est la formation de la demande par assignation et l’exception par requête unilatérale, ceci « lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 € en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement » (art. 750, al. 1er, nouv.) ; étant précisé que, « dans tous les cas, les parties peuvent saisir la juridiction par une requête conjointe » (art. 750, al. 1er, nouv.)… acte de procédure pourtant peu usité. Au passage, on peut s’interroger sur les raisons de cantonner la requête aux « petites affaires » : qu’est-ce qui, juridiquement, empêche de permettre dans tous les cas le choix de l’acte pour former la demande ?
Pour rappel, les procédures susceptibles d’être mises en œuvre devant le tribunal judiciaire seront les suivantes :
* procédure écrite (sous-titre 2 du titre 1 du livre 2) :
ordinaire (qui correspond à l’actuelle procédure contentieuse écrite devant le tribunal de grande instance), avec ou sans juge de la mise en état ou externalisée avec convention de procédure participative (art. 775 à 807) ;gracieuse (art. 808 à 811) ;
à juge unique (art. 812 à 816) ;
* procédure orale (sous-titre 3 du titre 1 du livre 2) :
ordinaire (qui équivaut à l’actuelle procédure devant le tribunal d’instance ; art. 817-833) ;référé devant le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection (qui équivaut à l’actuelle procédure devant le président du tribunal de grande instance ou le juge d’instance ; art. 834-838) ;
* procédure accélérée au fond (PAF) (qui remplace la procédure de référé « en la forme » et ses déclinaisons et qui fait l’objet du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 publié au JO du 22 ; art. 839). Attention : « le décret modifie les dispositions relatives à la procédure en la forme des référés devant les juridictions de l’ordre judiciaire et la renomme procédure accélérée au fond. Il distingue les procédures qui demeurent des procédures accélérées au fond de celles qui deviennent des procédures de référé, sur requête ou au fond » (v. notice du décret).
* « autres procédures » (sous-titre 4 du titre 1 du livre 2) :
* procédure à jour fixe (art. 840 à 844) ;
* ordonnance sur requêtes (art. 845 et 846) ;
* procédure sur décision de renvoi de la juridiction pénale (art. 847) ;
* procédure en matière d’action de groupe (art. 848 à 849-21).
Suivent encore des dispositions diverses (sous-titre 5 du titre 1 du livre 2) :
« communication électronique » (sic, alors que le titre XXI du livre 1er s’intitule « communication par voie électronique » ; art. 850) ;mesures d’administration judiciaire (art. 851 et 852).
Interrogations
On retrouve une nouvelle fois la notion de « tout moyen » (au singulier !) pour communiquer la date. Dans l’hypothèse où le justiciable est représenté ou assisté par un avocat, le RPVA pourrait sans doute être utilisé – cela semble résulter de la formulation peu heureuse de l’article 754, nouv. (v. infra). En toute hypothèse, le courriel ou le texto (bien que l’art. 748-8 issu du décret du 3 mai 2019 ne les mentionne plus et régisse désormais le portail du justiciable : Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul et Dalloz actualité, 17 juill. 2019, obs. C. Bléry) pourraient sans doute aussi être les vecteurs de cette communication… ce qui expliquerait la mention de « l’adresse électronique ou du numéro de portable du demandeur » dans certains cas, visée à l’article 54, alinéa 2, nouveau.
Ce dernier texte prévoit en effet que, « lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur ». Ce qui suscite des interrogations :
qu’est-ce qu’une demande « formée » par voie électronique : est-ce une demande signifiée par voie électronique ? remise par voie électronique ?quelle est cette voie électronique ?
qu’est-ce que la « dématérialisation », notion inconnue du code de procédure civile jusqu’alors ?
Il semblerait que soit visée l’hypothèse d’une requête remise par le portail du justiciable. Si c’est bien le cas, faire figurer cette mention dans l’article 54 qui vise aussi les assignations est maladroit. En se fiant à la lettre du texte, il faut considérer que les assignations signifiées par voie électronique (assez rares aujourd’hui) doivent aussi comporter cette mention.
Aujourd’hui, l’assignation devant le tribunal de grande instance doit être remise dans les quatre mois à peine de caducité ; celle devant le tribunal d’instance (notamment) quinze jours avant l’audience. Désormais, le délai est parfois double :
• « la copie de l’assignation doit être remise dans le délai de deux mois suivant la communication de la date d’audience par la juridiction effectuée selon les modalités prévues à l’article 748-1 » (art. 754, al. 2) ;
• « toutefois, la copie de l’assignation doit être remise au plus tard quinze jours avant la date de l’audience lorsque : 1° La date d’audience est communiquée par la juridiction selon d’autres modalités que celles prévues à l’article 748-1 ; 2° La date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction selon les modalités prévues à l’article 748-1 » (al. 3).
Pourquoi la mention de l’article 748-1 ? Elle semble doublement problématique :
• cette référence vise-t-elle la communication par voie électronique (CPVE) version 1 en opposition à la CPVE version 2 ? (sur ces notions, v. C. Bléry et J.-P. Teboul, De la communication par voie électronique au code de cyber procédure civile, JCP 2017. 665 et « Numérique et échanges procéduraux », in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s. ; Dalloz actualité, 24 mai 2019, obs. C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, art. préc.). Concrètement, est-ce une remise par le RPVA qui est envisagée (la signification par voie électronique ne paraît pas appropriée pour une telle remise et, de toute façon, n’est pas pratiquée), plutôt que par le portail du justiciable visé à l’article 748-8 ? Mais l’article 748-1 ne prévoit pas de modalités de la CPVE. Il détermine son champ d’application : il pose ainsi le principe selon lequel tous les actes d’un procès – qu’il énumère – sont susceptibles d’être concernés par la voie électronique (tant version 1 que version 2) – de manière facultative, sauf si une disposition la rend obligatoire…
• et l’article 751 appelle un arrêté technique pour préciser la notion de tout moyen… qui serait déjà en partie définie : soit RPVA, soit texto, courriel, avis en ligne sur le portail générant un avis de mise à disposition ou autre ?
Pourquoi ces quinze jours dans certains cas ? Les auteurs du décret ont-ils pensé aux procédures où la représentation n’est pas obligatoire et où est reconduite la règle aujourd’hui applicable au tribunal d’instance ? Règle qui est étendue à l’avocat lorsque la date lui a été communiquée par RPVA mais que le délai entre l’octroi de la date d’audience et celle-ci est assez bref…
Comparaison
Notons, pour finir que :
• lorsque la juridiction est saisie par requête, les « lieu, jour et heure » sont fixés par le président du tribunal judiciaire (art. 758, al. 1er, nouv.) : on suppose que cela vise la requête formée par le demandeur qui « saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé » conformément à l’article 57, alinéa 1er, nouveau. Le texte ajoute que, « lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu, il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée » (pourquoi cette différence de rédaction selon que la requête est unilatérale ou conjointe ?). C’est le greffe qui avise les parties (art. 758, al. 3, nouv., le requérant – c’est-à-dire le demandeur unique ou les parties selon que la requête est unilatérale ou conjointe – étant avisé « par tous moyens » [au pluriel !], art. 758, al. 2, nouv.)… sauf en cas de représentation obligatoire, où les avocats sont avisés par simple bulletin (art. 758, al. 5), nouv. C’est le greffe qui convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec avis de réception (art. 758, al. 3, nouv.) ;
• selon l’article 756, alinéa 1er, « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. Cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux » – l’alinéa 2 ajoutant que, « lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur ».
Mais, là encore, que faut-il entendre par « voie électronique » ? Le RPVA ? Bientôt le portail du justiciable ? Et pourquoi ces trois termes : « remise ou adressée ou effectuée » ? N’est-ce pas redondant ? On peut distinguer une remise papier qui implique un déplacement au greffe d’un envoi (à distance), mais une remise se confond avec un envoi par voie électronique. Et « effectuée » ?
Beaucoup de questions, donc, pour un texte qui risque de susciter du contentieux de pure procédure comme la réforme de l’appel (de 2009, puis 2017). Or le stock des affaires a augmenté en appel (v. Dalloz actualité, 2 déc. 2019, art. T. Coustet)…
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au Journal officiel du 12 décembre. Il prévoit notamment une prise de date d’audience devant le tribunal judiciaire.
La rédaction de Dalloz actualité suspend quelques jours la publication du journal.
La loi de finances 2020, la plus volumineuse de la Ve République (396 articles !), a été définitivement adoptée jeudi 19 décembre. Plusieurs mesures concernant le monde judiciaire (réforme de l’aide juridictionnelle, contribution des offices, taxes OFII, lutte contre la fraude) ont évolué au cours des débats. Dalloz actualité fait le point.
La loi de finances 2020, la plus volumineuse de la Ve République (396 articles !), a été définitivement adoptée jeudi 19 décembre. Plusieurs mesures concernant le monde judiciaire (réforme de l’aide juridictionnelle, contribution des offices, taxes OFII, lutte contre la fraude) ont évolué au cours des débats. Dalloz actualité fait le point.
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Taxes et droits
Les débats ont été rudes concernant le projet de contribution payée par les titulaires d’un office ministériel qui visait à financer un fonds pour garantir le maillage territorial des offices (v. Dalloz actualité, 22 oct. 2019, art. P. Januel). Les députés se sont longtemps opposés au gouvernement et à un important lobbying des professions concernées par l’instauration de cette taxe, pourtant prévue depuis la loi Macron de 2015. Alors que la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était entendue sur une position de compromis (taxe repoussée d’un an et taux de 0,3 %), elle s’est fait battre en séance et l’article a été supprimé. En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à proposer d’établir une « contribution volontaire obligatoire », qui serait contrôlée par les services de la Chancellerie. Cette disposition pourrait figurer dans le projet de loi sur le parquet européen.
Le Parlement a par ailleurs décidé de supprimer la taxe sur les actes des huissiers de justice (à partir de 2021) et le droit fixe de 125 € sur l’enregistrement des contrats de mariage.
Sur les taxes sur les titres de séjour, le Parlement est allé plus loin que l’amendement adopté en première lecture à l’initiative de la députée LREM Stella Dupont (v. Dalloz actualité, 23 oct. 2019, art. P. Januel). Les sénateurs avaient adopté un amendement précisant que les autorisations provisoires de séjour n’étaient pas concernées par la taxation. L’Assemblée, en nouvelle lecture, a abaissé le montant du droit de visa de régularisation de 340 à 200 €. Par ailleurs, un amendement du gouvernement a aligné la durée du titre de voyage des apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire sur la durée la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans.
Une réforme de l’aide juridictionnelle maintenue
La réforme de l’aide juridictionnelle (AJ) a été préservée. Issue d’un amendement des députés Naïma Moutchou (Modem) et Philippe Gosselin (LR) (v. Dalloz actualité, 27 oct. 2019, art. P. Januel), elle prévoit notamment que le plafond de ressource sera fixé par décret (il devrait augmenter) et son calcul basé sur le revenu fiscal de référence. Les actions manifestement abusives seront exclues et les règles de retrait de l’AJ assouplies. La garde des Sceaux a promis que la réorganisation du ressort des bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) sera « envisagée avec souplesse » et a rappelé qu’il y restera un accueil physique dans tous les tribunaux via les services d’accès unique du justiciable. Par contre, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’ont proposé de rétablir un droit de timbre de 50 € pour financer un élargissement de l’aide et une revalorisation des unités de valeur. L’heure n’est pas à la création de taxes.
Une lutte contre la fraude renforcée
Sur l’article 57, le Parlement a encadré l’article initial du gouvernement visant à permettre la collecte et l’exploitation, par le fisc et les douanes, des données rendues publiques sur les réseaux sociaux (v. Dalloz actualité, 5 nov. 2019, art. P. Januel). L’expérimentation sera limitée aux activités occultes, aux domiciliations fiscales frauduleuses, à certains manquements sur les alcools, tabac et métaux précieux et à certains délits douaniers. Les agents seront spécialement habilités et la sous-traitance sera interdite. Les données sensibles (orientation sexuelle, opinion) seront détruites au bout de cinq jours et les données inutiles au bout de trente.
Sur l’indemnisation des aviseurs fiscaux (v. Dalloz actualité, 5 mai 2019, art. P. Januel), à l’initiative de la députée Christine Pires Beaune (PS), le Parlement a fortement étendu le dispositif. Celui-ci était, jusqu’ici, limité à la fraude internationale. À titre expérimental, le dispositif d’indemnisation concernera l’ensemble des manquements les plus graves à la plupart des impositions (y compris la TVA), dès lors que le montant des droits éludés sera supérieur à 100 000 €. Les aviseurs seront également anonymisés.
À la lumière de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 24 septembre 2019, le Conseil d’État décrit avec pédagogie la manière dont le contrôle de proportionnalité doit être fait entre l’exercice par une personne du droit au déréférencement d’un lien renvoyant vers des données à caractère personnel et d’autres intérêts en présence.
La clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l’une de ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable.
La clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l’une de ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable.
On sait que la législation consumériste présume que certaines clauses sont abusives, et ce de manière irréfragable. Il s’agit des « clauses noires » (v. à ce sujet J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 102). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 décembre 2019 nous permet de revenir sur l’une des plus célèbres de ces clauses, celle ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations » (C. consom., art. R. 212-1, 6°). En l’espèce, invoquant l’avarie de deux meubles au cours d’un déménagement exécuté le 28 septembre 2016 par une société, M. X a assigné celle-ci en indemnisation. Le tribunal d’instance de Coutances, dans un jugement du 11 juin 2018, a rejeté la demande du consommateur tendant à voir dire abusive la clause de limitation de valeur stipulée au contrat, en retenant qu’une clause ne peut être déclarée abusive au seul motif que la commission des clauses abusives en condamne le type, de manière générale, que le contrat liant les parties est un accord de volontés qui doit être formé et exécuté de bonne foi et que la lettre de voiture, qui forme le contrat entre les parties, mentionne que M. X a fixé le montant de l’indemnisation éventuelle pour les meubles non listés à 152 € chacun, de sorte que cette somme a été déterminée unilatéralement, sans intervention de l’entreprise de déménagement qui l’a acceptée. Le jugement en déduit que, l’accord de volontés étant ainsi formé, la clause de limitation de valeur n’a pas de caractère abusif et s’impose aux parties. Il fut évidemment censuré au visa de l’article R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation : « Qu’en statuant ainsi, alors que la clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l’une des (sic) ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable, le tribunal d’instance a violé le texte précité ».
La cassation était en effet inéluctable au regard de l’article R. 212-1, 6°, du code de la consommation, ayant succédé à l’ancien article R. 132-1, 6° (à la suite de l’ord. n° 2016-301, 14 mars 2016, relative à la partie législative du code de la consommation), puisque la loi répute de...
Lorsqu’une décision de préemption n’est pas notifiée à l’acquéreur évincé ou l’est sans mention des voies et délais de recours, ce délai ne lui est pas opposable, mais le recours doit être exercé dans le délai raisonnable de la jurisprudence Czabaj.
Une sentence arbitrale à plus d’un milliard de dollars, la Fédération de Russie comme débiteur, une demande de suspension de l’exécution provisoire… et un conseiller de la mise en état pour trancher. C’est la situation dans laquelle s’est trouvé le président de la nouvelle chambre internationale de la cour d’appel de Paris, qui n’a pas hésité à rejeter la demande.
La jurisprudence de la Cour de cassation prévoyant que seule la faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure emporte exonération du responsable ferroviaire est neutralisée par l’entrée en vigueur du règlement européen du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
L’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle. L’absence de tels agissements ne s’oppose pas à ce que la responsabilité de l’employeur soit engagée sur le fondement d’un manquement à son obligation de sécurité.
Lorsque le congé est donné par le preneur pour une date déterminée, le bail est résilié à cette date si elle est postérieure à l’expiration du délai légal de préavis. La réalisation de l’état des lieux de sortie et la restitution des clés ne mettent pas fin au bail, caractérisée par l’expiration du préavis contractuel.
En cette fin d’année 2019, les Notaires de France ont dévoilé le 10 décembre, le Bilan Immobilier de l’année et les premières tendances pour l’année 2020.
Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).
Depuis l’entrée en vigueur du dispositif, fin 2017, vingt-deux décisions prud’homales sur cinquante-sept ont appliqué le barème. Un peu moins de la moitié d’entre elles comptait une présidence « employeur ».
La rémunération équitable prévue par l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est due par la société qui diffuse dans ses points de vente des phonogrammes « libres de droits » dès lors que les conditions d’application de la licence légale sont réunies. Les parties ne peuvent pas se soustraire à ce système.
Le préjudice subi par les acquéreurs du fait d’une erreur du diagnostiqueur dans l’appréciation de la qualité énergétique du bien ne consiste pas dans le coût de l’isolation, mais bien dans la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente.
La prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation, en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, ne peut être opposée au créancier par la caution.
La prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation, en ce qu’elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service, ne peut être opposée au créancier par la caution.
La cour d’appel de Versailles, statuant en tant que juridiction de renvoi, met un terme à une procédure de quatre années dans l’affaire opposant les ayants droit de Jean Ferrat à l’éditeur d’un livre qui lui était consacré.
Le droit de rétractation, que la loi réserve en principe à l’acquéreur non-professionnel d’un immeuble d’habitation, peut être conventionnellement étendu à un acquéreur professionnel. Tel est le cas si une clause d’un acte de vente mentionne les dispositions de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, en prévoyant les modalités de notification du droit de rétractation. Loin de la considérer comme une simple « clause de style », inapplicable en présence d’un professionnel, la Cour de cassation lui fait produire ses pleins effets.
Le droit de rétractation, que la loi réserve en principe à l’acquéreur non-professionnel d’un immeuble d’habitation, peut être conventionnellement étendu à un acquéreur professionnel. Tel est le cas si une clause d’un acte de vente mentionne les dispositions de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, en prévoyant les modalités de notification du droit de rétractation. Loin de la considérer comme une simple « clause de style », inapplicable en présence d’un professionnel, la Cour de cassation lui fait produire ses pleins effets.
La remise par l’employeur au salarié, lors de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, d’un document d’information édité par les services de l’Unédic mentionnant le délai de prescription applicable en cas d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, constitue une modalité d’information suffisante pour rendre opposable au salarié le délai de recours qui lui est ouvert pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif.
La Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 327 du code civil relatif à l’action en recherche de paternité hors mariage. Pour la Haute juridiction, la question posée ne présente pas de caractère sérieux.
Comme l’a signalé actuEL Direction juridique, la cour d’appel de Paris a validé, le 11 décembre 2019, les opérations de visite et saisie menées par l’Autorité de la concurrence aux sièges du Conseil supérieur du notariat et du groupe ADSN (activités et développement au service du notariat) (sur ce sujet, v. égal. P. Januel, L’enquête de l’Autorité de la concurrence qui inquiète les notaires, La lettre A).
L’ADSN est composée du bureau du CSN, d’anciens présidents du CSN et de notaires cooptés. Elle fournit des services aux offices notariaux, à travers cinq filiales, qui pesaient en 2018 de 76,7 millions d’euros de chiffre d’affaires et 5,4 millions de résultat net. L’ensemble des bénéfices de l’ADSN sont réinvestis. Mais, si certains de ces produits relèvent d’une activité de monopole (base de données PERVAL, télé@ctes), d’autres sont dans le secteur concurrentiel (magazines, annonces immobilières, sites internet).
Des pratiques contraires au droit de la concurrence ?
Selon les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence, « le groupe ADSN ainsi que les instances notariales visées auraient mis en place des agissements illicites visant à préempter et à verrouiller l’accès au secteur des prestations de services à destination des notaires ». Parmi les éléments cités, une confusion serait entretenue par l’ADSN avec les instances officielles notariales. Des instances auraient aussi incité leurs membres à mettre fin à leurs relations commerciales avec des concurrents de l’ADSN, comme le groupe Notariat service.
Autres pratiques suspectées : des ventes liées et la commercialisation de services à des prix artificiellement bas. Une filiale de l’ADSN contrôlant le réseau informatique interne du notariat, le débit des sites hébergés par des entreprises concurrentes aurait été volontairement dégradé. Enfin, le CSN aurait refusé de délivrer des accès à la base Perval à des concurrents.
Ces agissements constituant les « premiers éléments d’un faisceau d’indices laissant présumer l’existence de comportements » d’atteinte au jeu de la concurrence, l’ADLC avait saisi le juge des libertés et de la détention de Paris, afin d’autoriser des visites. Celles-ci se sont déroulées le 17 octobre 2017, dans dix-sept lieux différents, dont les sièges du CSN, de l’ADSN et de plusieurs chambres de notaires, parfois pendant près de vingt-quatre heures.
Des visites validées par la cour d’appel
Pour contester l’ordonnance fondant les visites, le CSN et l’ADSN critiquaient notamment les doubles casquettes de l’Autorité de la concurrence : outre ses missions de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité a, depuis la loi Macron, un rôle clé dans la régulation de la profession notariale. La cour d’appel rejette ce grief, rappelant qu’il « existe au sein de l’ADLC une séparation fonctionnelle stricte entre les services d’instruction placés sous la direction du rapporteur général et le collège de décision » et que le Conseil constitutionnel a validé cette structure (Cons. const. 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC, Dalloz actualité, 30 oct. 2012, obs. L. Constantin ; AJDA 2012. 1928 ; D. 2012. 2382 ; ibid. 2013. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; RFDA 2013. 141, chron. Agnés Roblot-Troizier et G. Tusseau ; Constitutions 2013. 95, obs. O. Le Bot )
La cour rejette aussi le grief de violation du secret professionnel des notaires. Ni le CSN ni l’ADSN n’étaient le siège d’une activité notariale. Par ailleurs, l’article 56-3 du code de procédure pénale, qui prévoit la présence obligatoire d’un magistrat lors d’une perquisition dans le cabinet d’un notaire, n’est applicable qu’au pénal. Le 19 juin, la cour d’appel de Paris avait déjà rejeté la demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la constitutionnalité des saisies. Les autres moyens ont été rejetés.
Les suites à venir
Le CSN et l’ADSN peuvent se pourvoir en cassation. Parallèlement à la contestation des visites, l’Autorité de la concurrence poursuit ses investigations au fond. Les 122 000 fichiers saisis sont à la base de plusieurs dossiers, outre le dossier CSN/ADSN. Une première décision a été rendue au mois de juin : l’Autorité a sanctionné un groupement de notaires de Franche-Comté et la chambre interdépartementale de, respectivement, 250 000 et 45 000 € d’amende, pour avoir contourné la libéralisation des tarifs de négociation immobilière prévue par la loi Macron.
Cet été, le CSN a totalement restructuré l’ADSN, qui est passée de cinq à deux filiales commerciales (l’une regroupant les activités de monopole, l’autre celles du secteur concurrentiel). Même si, pour le CSN, cette réorganisation n’est pas liée à la procédure en cours.
En novembre 2017 avaient lieu d’importantes visites et saisies de l’Autorité de la concurrence aux sièges du Conseil supérieur du notariat (CSN). Deux ans plus tard, la cour d’appel de Paris vient de valider ces visites, liées à des suspicions d’entorses au droit de la concurrence. L’Autorité de la concurrence a déjà prononcé une sanction contre une chambre notariale, d’autres pourraient venir.
En novembre 2017 avaient lieu d’importantes visites et saisies de l’Autorité de la concurrence aux sièges du Conseil supérieur du notariat (CSN). Deux ans plus tard, la cour d’appel de Paris vient de valider ces visites, liées à des suspicions d’entorses au droit de la concurrence. L’Autorité de la concurrence a déjà prononcé une sanction contre une chambre notariale, d’autres pourraient venir.
La loi Pacte du 22 mai 2019 a créé le label de « société à mission » en faveur des sociétés commerciales s’étant fixé un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux qu’elles se donnent pour mission de poursuivre dans le cadre de leur activité. Le décret d’application détaille les règles de publicité en la matière ainsi que le régime applicable à l’organisme tiers indépendant chargé du suivi de l’accomplissement par la société de la mission qu’elle s’est assignée.
Pour la 7e édition de l’Observatoire des charges de copropriété, la FNAIM du Grand Paris a présenté les tendances en la matière, ainsi qu’un outil informatique destiné à aider les syndics à maîtriser leur évolution.
L’indice du coût de la construction (ICC) du troisième trimestre 2019, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 2019-335, 19 déc. 2019) s’élève à 1 746, soit une hausse de 0,75 % sur un an, de 6,27 % sur trois ans et de 14,87 % sur neuf ans.
Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.
Le juge judiciaire n’a pas à vérifier, en présence d’un accord professionnel étendu, que l’employeur, compris dans le champ d’application professionnel et territorial de cet accord en est signataire ou relève d’une organisation patronale représentative dans le champ de l’accord et signataire de celui-ci. En effet, lorsqu’il s’agit d’un accord collectif professionnel, l’arrêté d’extension suppose nécessairement, sous le contrôle du juge administratif, vérification de la représentativité dans ce champ des organisations syndicales et patronales signataires ou invitées à la négociation.
L’assemblée du contentieux indique les conditions d’applicabilité aux réfugiés palestiniens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.
Le régime spécial du contrat de construction de maison individuelle n’impose pas une réception constatée par écrit et partant, n’exclut pas la possibilité d’une réception judiciaire.
Les effets en France d’un jugement d’homologation d’adoption allemand sont ceux d’une adoption plénière, privant ainsi l’adoptée de sa qualité d’héritière réservataire dans la succession de son père par le sang.
Dans un arrêt du 6 novembre 2019, destiné à une large publication, la Cour de cassation, a été amenée à se prononcer, à l’occasion d’un litige successoral, sur les effets en France d’un jugement d’homologation d’adoption allemand.
Dans cette affaire, un couple marié a donné naissance en France à une petite fille en 1969. Après le divorce en 1972, la femme s’est remariée en 1973 en Allemagne. L’enfant, qui résidait avec sa mère et son nouvel époux, a été adoptée simplement « en qualité d’enfant commun », par contrat d’adoption du 11 septembre 1975, sans le consentement du père. Ce contrat a fait l’objet d’une homologation judiciaire par un tribunal allemand par deux décisions en date des 11 et 25 novembre 1975.
Le père de l’enfant s’est également remarié et a eu une seconde fille en 1980. Il décéda en 2014 en France. L’acte de notoriété, établi après son décès, mentionnait sa seconde fille comme unique héritière, ce que la première fille a contesté. La seconde a alors assigné la première devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin qu’il soit constaté que celle-ci n’avait pas la qualité d’héritière.
Le tribunal de grande instance (TGI Nanterre, 26 janv. 2017, n° 16/02541) a jugé que la première fille venait à la succession en qualité d’héritier réservataire et a rejeté l’ensemble des demandes de la demanderesse.
Par un arrêt du 23 février 2018, la cour d’appel (Versailles, 23 févr. 2018, n° 17/02361) a infirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Un pourvoi a été formé par la première fille. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir retenu qu’elle n’avait pas la qualité d’héritière réservataire de son père par le sang, qu’elle devait être tenue pour légataire à titre particulier de certains biens et que sa sœur recevrait l’intégralité de la succession, à charge pour elle de délivrer les legs particuliers. Le pourvoi a été rejeté.
La question posée par l’affaire était simple dans son principe : La première fille a-t-elle ou non la qualité d’héritière réservataire de son père par le sang ? Pour répondre à cette question, il convenait de se demander quel est l’effet du contrat d’adoption homologué en Allemagne sur la succession du de cujus ouverte en France ? Autrement dit, produit-il, en France, les effets d’une adoption simple ou ceux d’une adoption plénière rompant les liens juridiques avec la famille par le sang ? La réponse n’était pas évidente dans la mesure où elle faisait intervenir des considérations de droit international privé. Elle l’était d’autant moins que la loi allemande du 2 juillet 1976 a « converti » de plein droit les adoptions simples en adoptions plénières, et ce même pour les adoptions antérieures à son entrée en vigueur, comme en l’espèce.
Cinq moyens étaient invoqués au soutien du pourvoi.
La demanderesse à la cassation faisait, d’abord, valoir que son adoption ne pouvait produire d’effets en France en l’absence de production par la partie adverse de la décision suppléant le consentement de son père biologique (premier moyen). La Cour de cassation balaie cet argument en approuvant la cour d’appel d’avoir, en substance, considéré que l’existence de cette décision était avérée dès lors qu’elle était visée dans le contrat d’adoption homologué et que seule la régularité internationale de la décision d’homologation – laquelle avait été produite devant la cour d’appel –...
Le conseil de prud’hommes de Paris reconnaît l’existence d’une « discrimination raciale et systémique » dans le cloisonnement de travailleurs d’origine malienne aux travaux les plus difficiles et dangereux et soumis à des conditions de travail déplorables. Cependant, il refuse la requalification de la prise d’acte de ces travailleurs en licenciement nul et applique donc le barème d’indemnisation pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les représentants de la profession se félicitent depuis lundi d’une « bonne mobilisation » dans un contexte d’exaspération lié à la mise en œuvre de la réforme de la justice.
Les avocats ont largement répondu à l’appel des instances représentatives à durcir la grève contre la réforme des retraites. De Lyon à Bayonne en passant par Paris, Lille ou Quimper, c’est près de 80 % des barreaux, selon la Conférence des bâtonniers, qui n’assurent aucune audience depuis lundi 6 janvier 2020.
Chacun des 164 barreaux a choisi son mode d’action. Les avocats de Lyon, Bordeaux, Bayonne ou Mayotte ont, par exemple, voté une « grève dure et totale » jusqu’à dimanche. Cela implique notamment un arrêt des désignations d’avocats en matière d’aide juridictionnelle, pour les gardes à vue, les étrangers, les mineurs. Certains barreaux, dont celui du Val-de-Marne, étendent déjà la grève jusqu’à lundi 13 janvier inclus, date de leur prochaine assemblée générale.
À Bordeaux, le bâtonnier Christophe Bayle s’est indigné de « l’absence de dialogue » avec le gouvernement et estime que ce dernier « porte seul la responsabilité des conséquences du mouvement sur le fonctionnement de la justice ».
Le barreau de Paris a décidé le 7 janvier après-midi de reconduire la grève jusqu’à mardi prochain inclus. Il invite également l’ensemble des avocats parisiens à rejoindre la manifestation interprofessionnelle fixée le 11 janvier.
À la retraite, les avocats perçoivent actuellement au minimum 1 416 € par mois, selon le Conseil national des barreaux. Après la réforme, ce montant tomberait à 1 000 €, alors que les cotisations doubleraient, passant de 14 à 28 % pour ceux qui gagnent moins de 40 000 € par an.
Nicole Belloubet a assuré, le 7 janvier, au micro de BFM TV, que « sa porte restait ouverte ». Elle a notamment indiqué réfléchir à une baisse des autres charges des avocats et une mise en œuvre différée du nouveau régime, afin de « compenser » la hausse des cotisations retraite. Pour l’heure, le collectif « SOS retraites » a appelé à rejoindre les manifestations de samedi contre le projet de réforme.
Le texte a déjà été transmis au Conseil d’État, a annoncé Sibeth N’Diaye, lundi 6 janvier, à l’issue du Conseil des ministres de cette rentrée. Il doit être examiné à l’Assemblée nationale dès le 17 février prochain.
Une personne peut obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis du fait de l’application d’une loi déclarée contraire à la Constitution.
Article
par Thomas Coustetle 8 janvier 2020
CE, réf., 30 déc. 2019, n° 436941
Le Conseil d’État a rejeté la demande de suspension du décret n° 2019-1333 du 11 décembre dernier (sur le décret en lui-même, v. not. Dalloz actualité, 18 déc. 2019, par M.-P. Mourre-Schreiber). Les juges du Palais-Royal ont estimé « que si l’on peut regretter qu’une adoption plus précoce du décret n’ait pas été possible, il n’apparaît pas (…) qu’en...
L’arrêt du 12 décembre 2019 marquera-t-il la fin du contentieux qui oppose le FIVA aux victimes de l’amiante à propos de l’imputation des sommes versées par la sécurité sociale sur celles accordées par le fonds, après les décisions rendues par des cours d’appel sur renvoi depuis 2010 ? On ne peut que l’espérer.
En l’espèce, un salarié a été reconnu victime, par l’organisme de sécurité sociale, d’une pathologie qualifiée de maladie professionnelle. À ce titre, il a obtenu de ce dernier le versement d’un certain nombre de prestations. Parce que cette pathologie résulte d’une exposition aux poussières d’amiante, le salarié a également pu solliciter, auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), une indemnisation de ses préjudices. Insatisfaite de l’offre faite par le Fonds, la victime l’a contestée devant la cour d’appel de Douai. La décision des juges du fond fut partiellement censurée par la Cour de cassation (Civ. 2e, 18 févr. 2010, n° 09-65.866, Dalloz jurisprudence) au motif que les sommes reçues de la part de la caisse de sécurité sociale n’avaient pas été déduites de l’indemnisation versée par le Fonds. Cette décision fit de la victime le débiteur du Fonds pour les sommes versées en trop.
À la suite d’une aggravation de ses préjudices, cette dernière a sollicité une nouvelle indemnisation auprès du FIVA, lequel a déduit du versement de l’indemnité pour ces nouveaux préjudices, les sommes perçues en trop pour la réparation des premiers préjudices dont il était créancier.
Tenant compte de l’entrée en vigueur de l’article 171 de la loi de finances du 29 décembre 2015, la victime a une nouvelle fois saisi le juge. Elle a demandé le remboursement des sommes dont le FIVA avait obtenu paiement par compensation entre sa créance constatée par la Cour de cassation en 2010 et les indemnités qu’il lui devait du chef de l’aggravation de son état.
Précisons que l’article 171 prévoit que les victimes reconnues débitrices du FIVA par décision juridictionnelle rendue de manière irrévocable entre le 1er mars 2009 et le 1er mars 2014, à raison de la non-déduction des prestations versées par les organismes de sécurité sociale sont réputées avoir définitivement acquis les sommes dont ils étaient redevables.
La cour d’appel de Douai a débouté la victime de sa demande. Selon elle, il n’était pas discutable que son obligation de payer sa dette au FIVA s’était éteinte à due concurrence de cette somme avant même que n’entre en vigueur l’article 171 de la loi du 29 décembre 2015. Ce texte devait donc s’appliquer à sa situation telle qu’existante à la date de son entrée en vigueur, sans produire un quelconque effet sur une partie de son obligation juridiquement éteinte.
Sur pourvoi de la victime, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 171 de cette loi et de l’article 1302-1 du code civil. Dans un attendu de principe, la deuxième chambre civile rappelle la lettre du premier texte pour en déduire que tout paiement par les victimes ou leurs ayants droit intervenu à ce titre est devenu indu par l’effet de cette disposition et qu’il est sujet à répétition en application du second texte.
On connaît la politique jurisprudentielle favorable aux victimes de l’amiante menée par la Cour de cassation depuis des années maintenant. En ce sens, la décision ne surprend guère. Mais ce qui étonne, c’est la décision rendue par les juges du fond quand on sait combien la situation des victimes de l’amiante concernées par le revirement de jurisprudence de 2009 et les suites que lui ont données certaines cours d’appel avaient interpellé la doctrine mais surtout le législateur.
Pour comprendre l’origine de l’article 171 de la loi du 29 décembre 2015, il faut revenir sur le contentieux de l’imputation des prestations de sécurité sociale sur l’indemnisation due par le FIVA qui a été source d’incertitudes et d’hésitations jurisprudentielles en raison de l’imprécision de la loi.
Lorsqu’un salarié est victime d’une pathologie causée par l’amiante, en tant que salarié, il peut obtenir des prestations de la part de la caisse primaire d’assurance maladie à laquelle il est affilié, en tant que victime de l’amiante. Il peut également bénéficier d’une indemnisation versée par le FIVA. Il en résulte parfois un chevauchement entre les sommes perçues qui indemnisent la même chose. Chacun de ces organismes étant autonome dans l’évaluation des prestations et des indemnités accordées à la victime, l’articulation de ces deux prises en charge peut-être complexe (v. T. Tauran, note ss Civ. 2e, 10 févr. 2011, JCP S 2011. 1203 ; A. Guégan-Lécuyer, À propos de la confrontation des offres d’indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante au pouvoir judiciaire, D. 2005. 531 ; P. Sargos, Indemnisation des victimes de l’amiante, SSL n° 1396, p. 7).
Il a donc fallu établir un système de déduction des sommes versées par la caisse de sécurité sociale pour les indemnités de même nature. Dans le but d’éviter une double indemnisation, les sommes perçues par la victime de la part de la sécurité sociale lui sont acquises mais doivent être déduites par le FIVA de l’indemnisation qu’il lui doit (L. n° 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53, IV, al. 1er). L’indemnité allouée par le Fonds doit tenir compte des prestations visées par l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ainsi que les indemnités, quelle que soit leur nature, obtenues ou à percevoir, à la charge d’autres débiteurs au titre du même dommage (L. n° 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53, I, et 53, IV).
La loi ne précisant rien de plus sur le mode opératoire de cette déduction, ce sont les juges du fond, puis la Cour de cassation qui ont élaboré les règles.
Contrairement à ce que souhaiterait le FIVA, lequel ne cesse de faire application d’une déduction globale (v. Civ. 2e, 23 nov. 2017, n° 16-24.700 P, Dalloz actualité, 11 déc. 2017, obs. A. Hacene ; RCA 2017. Comm. 40, note H. Groutel), la réduction doit s’opérer « période par période » dans le but, tout à fait justifié, de ne pas léser la victime. « L’imputation doit être décomposée et donner lieu à deux comparaisons successives, de part et d’autre de la décision judiciaire : d’un côté, les arrérages échus de la rente due par le Fonds et de celle versée par la caisse ; de l’autre, les capitaux représentatifs des deux rentes » (Civ. 2e, 26 oct. 2006, n° 05-20.777, RCA 2007. Comm. 53, note H. Groutel ; RCA 2007. Comm. 89, note H. Groutel ; 18 déc. 2008, n° 08-11.525, RCA 2009. Comm. 52, note H. Groutel ; 13 sept. 2018, n° 17-18.885, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. A. Hacene ; RDSS 2018. 1109, obs. T. Tauran ).
Mais l’imputation doit également s’opérer « poste par poste ». Dans un avis du 6 octobre 2008, la Cour de cassation a précisé que le régime de la loi du 21 décembre 2006 (L. n° 2006-1640, 21 déc. 2006, art. 25, JO 22 déc. 2006, texte n° 1), laquelle prévoit notamment une imputation poste par poste, était applicable à l’indemnisation par le FIVA (Cass., avis, 6 oct. 2008, n° 08-00.009, concl. J.-C. Lautru ; D. 2009. 203 , note P. Sargos ; RCA 2008. Comm. 364, note H. Groutel). Le FIVA est donc tenu de déduire la prestation versée par la caisse de sécurité sociale pour le même poste et non globalement.
Prenant le contrepied des solutions préconisées par trois avis rendus en 2007 (Cass., avis, 29 oct. 2007, nos 0070015P, 0070016P et 0070017P, RDSS 2007. 1123, obs. P.-Y. Verkindt ; JCP 2007. II. 10194, note P. Jourdain ; RCA 2008. Comm. 57), la Cour de cassation a finalement décidé que la rente versée par le FIVA au titre du déficit fonctionnel permanent constituait l’assiette sur laquelle devait s’imputer la rente d’accident du travail versée par la caisse de sécurité sociale : « la rente versée indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent » (Civ. 2e, 11 juin 2009, n° 07-21.768, Bull. civ. II, n° 153 ; D. 2009. 1789 , note P. Jourdain ; ibid. 2010. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 532, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin ; RTD civ. 2009. 545, obs. P. Jourdain ; JCP S 2009, 1469, note D. Asquinazi-Bailleux ; JCP G 2009. 195, note S. Porchy-Simon ; ibid. 2009. I. 248, n° 9 ; H. Groutel, Recours des tiers payeurs : enfin des règles sur l’imputation des rentes d’accident du travail (et prestations analogues), RCA 2009. Chron. 10 ; 8 oct. 2009, n° 08-17.884, Bull. civ. II, n° 244 ; Dalloz actualité, 26 oct. 2009, obs. S. Lavric ; RDSS 2010. 177, obs. T. Tauran ; 10 févr. 2011, n° 10-10.305, Bull. civ. II, n° 40 ; Dalloz actualité, 9 mars 2011, obs. P. Perony : JCP E 2011. 1710, obs. J. Colonna et V. Renaux-Personnic ; 17 mars 2011, n° 10-17.497, Dalloz jurisprudence).
Ces solutions n’ont pas été sans conséquence sur le traitement des victimes de l’amiante. Il y eut un avant et un après.
Le début du contentieux opposant les victimes au FIVA était marqué par la liberté des juges du fond qui ne se considéraient pas tenus du barème proposé par le Fonds et avaient l’habitude, par faveur pour les victimes, de calculer l’indemnisation en doublant le montant de la rente annuelle du barème ainsi que les arriérés de rente (v. sur ce point, F. Arhab, obs ss Civ. 2e, 13 sept. 2007, n° 06-20.530, Dalloz actualité, 9 oct. 2007, obs. S. G. Bruguière-Fontenille ; RDSS 2008. 189, obs. F. Arhab , qui relève « la tendance de certaines juridictions du fond à remettre en cause les offres du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante pour les majorer et la liberté laissée aux juges du fond dans l’appréciation du montant de l’indemnisation du dommage »).
Toutefois, tenant compte des arrêts de la Cour de cassation rendus en 2009 à propos de l’imputation des rentes d’accident du travail poste par poste, la cour d’appel de Douai, après avoir été censurée, fit tout à coup preuve d’une grande sévérité dans l’application du barème pour les affaires desquelles elle était saisie pour la première fois.
Dans une série de décisions, elle procéda à l’imputation des rentes en appliquant le barème proposé par le FIVA « purement et simplement » (H. Groutel, Les lendemains qui déchantent, RCA 2011. Repère 11), ce qui eut pour conséquence d’obliger les victimes indemnisées à la fois par la caisse de sécurité sociale et le FIVA pour le déficit fonctionnel permanent, à rembourser au Fonds le trop-perçu (v. par ex. Douai, 27 oct. 2011, n° 11/01532, H. Groutel, art. préc.).
Il y avait entre les victimes jugées avant 2011 et celles jugées après une importante différence de traitement puisque, pour les dernières, le capital, réduit de moitié par l’application du barème fixé par le FIVA – alors qu’auparavant la cour d’appel le doublait –, subissait une seconde réduction par l’imputation de la rente versée par la caisse sur cette somme versée par le Fonds.
Qualifiée de « juridiquement imparable » mais « humainement, lamentable » (H. Groutel, Les surlendemains qui chantent, RCA 2012. Repère 7), cette solution et ses conséquences étaient attribuées au législateur, « fautif » (H. Groutel, Les lendemains qui déchantent, RCA 2011. Repère 11) de ne pas avoir précisé dans la loi du 21 décembre 2006 sur le recours des tiers payeurs, la façon dont devait s’opérer l’imputation de la rente versée par la caisse et de l’avoir ainsi « bâclée » (H. Groutel, préc.). C’est à la suite de ces solutions humainement difficiles pour les victimes de l’amiante que celui-ci est intervenu par le biais de la loi de finances pour 2016 (L. n° 2015-1785, 29 déc. 2015, JO 29 déc., texte n° 1) entrée en vigueur le 1er janvier 2016 dont l’objectif était de rectifier la situation.
Dans l’arrêt du 12 décembre 2019, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur l’article 171. Elle en fait une application stricte et littérale. Le texte pose des conditions, qui, en l’espèce, sont toutes réunies. Par le premier arrêt de cassation partielle du 18 février 2010, à raison de la non-réduction des prestations versées par les organismes de sécurité sociale au titre de l’indemnisation d’un même préjudice, la victime a bien été reconnue débiteur du FIVA par décision juridictionnelle irrévocable. L’arrêt ayant été rendu entre le 1er mars 2009 et le 1er mars 2014, la victime a bien acquis, de façon définitive, la somme dont elle était redevable au Fonds. Puisque ce dernier s’est lui-même payé en réduisant le montant de l’indemnisation qu’il lui devait au titre de l’aggravation de ses préjudices, celle-ci est autorisée à récupérer la somme déduite au titre de la répétition de l’indu.
Par la reconnaissance de l’effet rétroactif de l’article 171, la Cour de cassation tente de réparer les conséquences, jugées désastreuses pour les victimes de l’amiante, du silence initial du législateur et de la rigueur avec laquelle la cour d’appel de Douai a interprété les arrêts rendus par la deuxième chambre civile en 2009. Pour cela, la solution mérite d’être approuvée.
Mécaniquement, le principe de libre disposition des gains et salaires prévu par le régime primaire s’en trouve réduit, dans son champ d’application, aux seuls gains et salaires non encore économisés. Par ailleurs, la Cour de cassation exclut la requalification d’un contrat d’assurance-vie mixte en donation malgré l’acceptation du bénéficiaire, par application du critère de la révocabilité de l’acte.
Voilà plusieurs années que l’on attendait la position de la Cour de cassation sur une question d’importance : celle de la validité des donations consenties par un époux marié sous un régime de communauté à l’aide de ses gains et salaires. Si la réponse est on ne peut plus claire, elle n’emportera certainement pas les louanges unanimes de ses commentateurs.
L’arrêt comporte également un autre volet, concernant la requalification d’un contrat d’assurance-vie en libéralité. Sur ce point, la solution rendue est plus classique : elle écarte la requalification en raison de la faculté de rachat laissée au souscripteur malgré l’acceptation par le tiers bénéficiaire de sa désignation. La solution, toutefois, est éminemment liée à l’état des textes antérieurs à la loi du 17 décembre 2007 et ne saurait perdurer sous l’empire du droit en vigueur depuis cette réforme.
Dans cette affaire, un époux marié sous le régime de la communauté universelle avait consenti deux libéralités, puisées sur des comptes en banque ouverts à son nom, à une femme avec laquelle il entretenait une relation adultère. Il avait par ailleurs désigné cette même femme comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie mixte, et elle avait accepté cette désignation. Postérieurement au décès de l’époux, sa conjointe a agi en nullité des libéralités consenties, afin d’obtenir la restitution des sommes. L’action a été poursuivie par le légataire universel de l’épouse, après le décès de cette dernière.
Les juges du fond ont accueilli les demandes en nullité des différentes libéralités, notamment celles résultant des contrats d’assurance-vie mixte requalifiés en donations indirectes. La bénéficiaire des libéralités a formé un pourvoi en cassation.
Dans un premier moyen, elle a contesté la décision rendue au sujet des donations directes en soutenant que ces libéralités portaient, au moins pour partie, sur les gains et salaires de l’époux donateur, lesquels sont soumis à la libre disposition de celui qui les perçoit, dès lors qu’il s’est acquitté de sa part des charges du mariage.
Pour la première fois depuis 1984, la Cour de cassation a donc été amenée à se prononcer sur la validité d’une donation consentie par un époux commun en biens au moyen de ses gains et salaires. Elle a rejeté le moyen du pourvoi en considérant, aux termes d’un attendu de principe limpide dans sa formulation, que « ne sont pas valables les libéralités consenties par un époux commun en biens au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires lorsque ces sommes ont été économisées ».
Dans un second moyen, la demanderesse au pourvoi reprochait à la cour d’appel d’avoir requalifié les contrats d’assurance-vie en libéralités au motif que le fait, pour le souscripteur, de consentir à l’acceptation, par le bénéficiaire, de sa désignation, traduit une volonté de se dépouiller de manière irrévocable au profit du bénéficiaire, dès lors que le souscripteur se trouve privé de toute possibilité de rachat du fait de cette acceptation. Cette solution, qui aurait sans doute été approuvée sous l’empire du droit positif, a été censurée par la Cour de cassation, qui a fait application de l’article L. 132-9 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 décembre 2007.
Aux termes d’un second attendu de principe, la haute juridiction rappelle que, sous l’empire des textes anciens, « en l’absence de renonciation expresse de sa part, le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie mixte est fondé à exercer le droit de rachat prévu au contrat même en présence de bénéficiaires ayant accepté le bénéfice de ce contrat ». Dès lors, la cour d’appel ne pouvait retenir l’existence d’une libéralité sans constater une renonciation expresse du souscripteur à l’exercice de son droit de rachat.
L’arrêt est donc partiellement cassé, en ce qu’il a requalifié les contrats d’assurance-vie en donations indirectes et prononcé leur nullité, mais il n’est pas remis en cause en ce qu’il a prononcé la nullité des donations directes.
Les deux questions abordées par l’arrêt étant très différentes, il conviendra d’envisager successivement les deux solutions rendues par la Cour de cassation : d’une part, la nullité des donations consenties à l’aide de gains et salaires économisés ; d’autre part, l’éviction de la qualification de donation au sujet des contrats d’assurance-vie mixte.
La nullité des donations consenties à l’aide des gains et salaires économisés
La Cour de cassation fait ici œuvre créatrice en retenant une solution de principe que la lettre des textes n’imposait pas, et qui laisse planer des incertitudes, tant sur sa mise en œuvre que sur ses incidences.
Le principe posé
Par cet arrêt, la Cour de cassation tranche un débat bien connu dont on rappellera brièvement les termes. La difficulté provient d’une contradiction entre deux textes de loi dont les champs d’application, à première vue, se recoupent. D’un côté, l’article 223 du code civil, siège de l’autonomie professionnelle, octroie à chaque époux un droit de disposer librement de ses gains et salaires après s’être acquitté de sa part des charges du mariage. Une majeure partie de la doctrine en déduit que ce texte soumet les gains et salaires à la gestion exclusive de l’époux qui les perçoit. D’un autre côté, pour les couples mariés sous un régime de communauté de biens, l’article 1422 du code civil pose une règle de cogestion en subordonnant à l’accord des deux époux la validité des donations portant sur des biens communs. Les gains et salaires étant qualifiés de biens communs (Civ. 1re, 8 févr. 1978, n° 75-15.731, Bull. civ. I, n° 53), ils ont vocation à être soumis, en tant que tels, à cette règle de cogestion.
Toute la question est donc de savoir comment doivent s’articuler ces deux textes contradictoires qui ont une égale vocation à s’appliquer, en cas de donation des gains et salaires. La façon la plus simple de résoudre ce conflit eût été de se référer au caractère impératif du régime primaire (arg. C. civ., art. 226), dont relève l’article 223 du code civil. En tant que disposition impérative applicable à tous les couples mariés, quel que soit leur régime matrimonial, l’article 223 aurait très bien pu l’emporter sur l’article 1422, qui relève du régime de la communauté de biens. C’est d’ailleurs ce que soutenait la demanderesse au pourvoi, qui faisait valoir que « chaque époux a le pouvoir de disposer de ses gains et salaires à titre gratuit ou onéreux après s’être acquitté de la part lui incombant dans les charges du mariage ». De fait, l’article 223 pose un principe de libre disposition sans opérer de distinction selon que l’époux souhaite en disposer à titre gratuit ou onéreux, ce qui autorise à lui conférer une portée large, par application de l’adage ubi lex non distinguit.
Telle n’est toutefois pas la voie retenue par la Cour de cassation, qui a choisi de combiner les deux textes contradictoires, plutôt que de faire primer l’un sur l’autre. Pour ce faire, elle a eu recours à une notion qui ne figure dans aucun des textes en cause : la notion d’économie. Ainsi, il ressort de sa décision que la règle de cogestion de l’article 1422 du code civil s’applique aux gains et salaires à partir d’un certain seuil : le moment où ils ont été économisés. Sont donc frappées de nullité les libéralités consenties par un seul époux, commun en biens, au moyen de sommes économisées provenant de ses gains et salaires. A contrario, il faut en déduire que, tant que les gains et salaires n’ont pas été économisés, ils sont soumis au principe de libre disposition de l’article 223 du code civil, de sorte qu’un époux, quel que soit son régime matrimonial, pourra valablement en disposer à titre gratuit ou onéreux, après s’être acquitté des charges du mariage.
La solution n’est pas totalement inédite : elle transparaissait déjà dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 février 1984, dont l’interprétation avait toutefois divisé la doctrine (Civ. 1re, 29 févr. 1984, n° 82-15.712, Bull. civ. I, n° 81 ; JCP 1985. II. 20443, note Le Guidec ; D. 1984. 601, note Martin ; Defrénois 1984, art. 33379, p. 1074, obs. Champenois ; RTD civ. 1985. 721, obs. Rubellin-Devichi ; GAJC, t. 1, 2015, 13e éd., Dalloz, n° 90, p. 503 s., obs. H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette). La haute juridiction avait alors admis la validité de libéralités consenties par un époux au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires, sur le fondement de l’article 224 du code civil (devenu 223 avec la loi du 23 déc. 1985), en retenant précisément la formule invoquée par le moyen du pourvoi dans la présente affaire : « chaque époux a le pouvoir de disposer de ses gains et salaires, à titre gratuit ou onéreux, après s’être acquitté de la part lui incombant dans les charges du mariage ». À époque, le demandeur au pourvoi avait reproché aux juges du fond de n’avoir pas recherché si ces gains et salaires accumulés pendant plusieurs années n’avaient pas le caractère de fonds communs dont un époux ne pouvait disposer en fraude des droits de son conjoint. La Cour de cassation avait balayé cet argument en retenant qu’il n’avait pas été allégué devant les juges du fond que ces sommes auraient été économisées. Autrement dit, les juges n’avaient pas à procéder à une recherche qui ne leur avait pas été demandée. De cette précision incidente, une partie de la doctrine a déduit, par une lecture a contrario, que la solution aurait été différente si les sommes avaient été économisées (v. not. R. Le Guidec, art. préc. ; G. Champenois, art. préc. ; adde P. Malaurie et L. Aynès, Droit des régimes matrimoniaux, 7e éd., LGDJ, 2019, spéc. n° 419, estimant que les économies faites sur les gains et salaires ne peuvent être données sans le consentement des deux époux). Une autre partie de la doctrine, plus circonspecte, se montrait prudente sur l’interprétation de cet arrêt, dont la solution n’avait jusqu’à présent pas été réitérée (v. not. D. Martin, note préc., estimant que le constat de l’irrecevabilité du moyen n’autorise pas à préjuger, au fond, de l’opinion de la Cour de cassation ; F. Terré et P. Simler, Régimes matrimoniaux et statut patrimonial des couples non mariés, 8e éd., Dalloz, 2019, spéc. n° 102, estimant que chaque époux peut disposer de ses gains et salaires sans le consentement de son conjoint et que cette solution doit être admise au sujet des économies faites sur les gains et salaires, tant qu’elles n’ont pas été confondues avec d’autres liquidités ou employées à l’acquisition d’autres biens).
Par le présent arrêt, la Cour de cassation vient de trancher le débat de la manière la plus explicite qui soit : elle consacre très clairement la notion d’économie des gains et salaires, pour régir leur gestion. La position retenue implique que les gains et salaires changent de régime, si ce n’est de nature, à compter du moment où ils ont été économisés. Communs dès leur entrée dans le patrimoine des époux (en ce sens, v. Civ. 1re, 6 déc. 2005, n° 03-13.799, Dalloz jurisprudence), les gains et salaires sont soumis dans un premier temps à un principe de libre de disposition qui déroge aux règles applicables aux autres biens communs. Pour peu que l’on voie dans l’article 223 du code civil une règle de gestion exclusive, la dérogation sera complète puisqu’elle conduira à écarter tant la règle de cogestion posée par l’article 1422 pour la donation de biens communs que le principe de gestion concurrente de l’article 1421 du code civil (qui veut que chacun des époux puisse administrer et disposer seul des biens communs, et aurait donc impliqué qu’un époux puisse disposer des gains et salaires de l’autre, à titre onéreux). Dans un second temps, dès lors qu’ils ont été économisés, les gains et salaires échappent à leur régime dérogatoire et se retrouvent soumis aux règles applicables aux autres biens communs.
Certains auteurs s’interrogent sur le point de savoir si ce changement de régime n’implique pas que les gains et salaires, qui sont, à l’origine, des biens communs « extraordinaires », deviendraient des biens communs « ordinaires » dès lors qu’ils ont été économisés (v. not. J. Antippas, La notion d’économie en droit des régimes matrimoniaux, RRJ 2009. 1275 s., spéc. n° 5 ; évoquant également la notion de biens communs « ordinaires » au sujet des gains et salaires économisés, v. G. Champenois, obs. in Defrénois 1984, art. 33379, p. 1074 s., spéc. p. 1078 ; J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., Armand Colin, 2001, spéc. n° 431 : « En cas de thésaurisation […] de revenus sur un compte, le capital ainsi constitué est un bien ordinaire » ; adde V. Barabé-Bouchard, Article 1415 c. civ. : de la saisissabilité des comptes de l’époux caution, D. 2003. 2792 , énonçant que, d’après l’arrêt du 29 février 1984, le stade de l’économie transforme les gains et salaires en acquêts ordinaires). Dans l’arrêt commenté, les juges du fond semblent plutôt avoir considéré que les gains et salaires, une fois économisés, avaient disparu en tant que tels pour devenir d’autres biens (« même si certains de ces fonds provenaient des gains et salaires de [l’époux donateur], ils étaient devenus des économies et ne constituaient donc plus des gains et salaires »). La Cour de cassation ne prend pas parti sur cette question de la nature des gains et salaires : elle se contente de juger que « l’arrêt se trouve légalement justifié », sans marquer davantage son approbation du raisonnement tenu, limitant sa prise de position au seul régime applicable aux gains et salaires économisés.
Très clair dans sa formulation, le principe posé n’en est pas moins générateur d’incertitudes.
Les incertitudes subsistant
Deux zones d’ombres demeurent. La première tient à la notion même d’économie consacrée par l’arrêt, la seconde à la portée de la solution, notamment sur le sort des gains et salaires en matière de passif.
La notion d’économie est évoquée par le droit des régimes matrimoniaux à travers l’article 1401 du code civil, qui range parmi les acquêts de communauté les biens acquis grâce aux « économies » faites sur les fruits et revenus des biens propres des époux. En revanche, les textes ne mentionnent pas les gains et salaires économisés. Ils n’en donnent, a fortiori, aucune définition ; l’économie n’est pas définie par la loi. D’où les difficultés présidant à sa mise en œuvre concrète : à partir de quand les gains et salaires doivent-ils être considérés comme économisés ? Faut-il qu’ils soient placés sur un compte bancaire producteur d’intérêts ? Suffit-il qu’un salaire soit stocké pendant un mois sur un compte quelconque pour qu’il soit considéré comme économisé ? Un compte en banque crédité d’un montant supérieur à un mois de salaire doit-il être considéré comme comportant des biens communs ordinaires, au-delà du montant du salaire mensuel ? Cette question avait déjà été soulevée par les commentateurs de l’arrêt du 29 février 1984.
Le présent arrêt n’apporte pas véritablement de réponse à ces interrogations, tant il est évident que l’on était en l’espèce en présence de gains et salaires économisés. On pourrait d’ailleurs se demander s’il s’agissait toujours de gains et salaires ou s’ils n’avaient pas plutôt été transformés en véritables acquêts de communauté. En effet, il ressort des constatations des juges du fond que les sommes utilisées pour la réalisation des donations provenaient, en premier lieu, du rachat d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit en cours d’union et, en second lieu, de la liquidation d’un compte-titre ouvert au nom des deux époux. Dans un cas comme dans l’autre, les gains et salaires ont été utilisés pour acquérir un produit d’épargne (versement de primes dans le cadre du contrat d’assurance-vie ; acquisition de titres dans le cadre du compte-titre). Ils ont ensuite été remplacés par le fruit de cette épargne, lors du rachat de l’assurance-vie et de la liquidation du compte-titre. C’est d’ailleurs probablement ce qui a poussé les juges du fond à considérer que les gains et salaires utilisés pour acquérir ces sommes étaient devenus des « économies » et ne constituaient donc plus des gains et salaires.
Au vu des faits de l’espèce, la même solution aurait pu être rendue sans passer par le détour de la notion de gains et salaires économisés, en retenant la qualité d’acquêts des sommes issues du produit du rachat de l’assurance-vie et de la revente des titres. Du reste, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’un compte-titres tout comme un plan d’épargne logement constituent des acquêts, quand bien même ils seraient alimentés exclusivement par les gains et salaires d’un époux (Civ. 1re, 14 janv. 2003, n° 00-16.078, Bull. civ. I, n° 2 ; D. 2003. 2792 , note V. Barabé-Bouchard ; AJ fam. 2003. 109, obs. S. D.-B. ; RTD civ. 2003. 339, obs. B. Vareille ; ibid. 534, obs. B. Vareille ; JCP 2003. II. 10019, concl. Sainte-Rose ; ibid. I. 124, n° 4 ; ibid. 158, n° 9, obs. P. Simler ; JCP N 2003. 1605, obs. Casey ; Gaz. Pal., 8-9 août 2003, obs. Piedelièvre ; Defrénois 2003. 544, obs. Champenois ; Dr. fam. 2003, n° 48 [2e esp.), note Beignier ; RD banc. fin. 2003. 95, obs. Legeais). Elle a alors appliqué à ces acquêts le régime des biens communs ordinaires, et non celui des gains et salaires de l’époux concerné. De même, la Cour de cassation considère que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie mixte alimenté par des fonds communs représente un actif patrimonial qui doit être intégré dans la masse commune (Civ. 1re, 31 mars 1992, Praslicka, n° 90-16.343, Bull. civ. I, n° 95 ; D. 1993. 219 ; RTD civ. 1992. 632, obs. F. Lucet et B. Vareille ; ibid. 635, obs. F. Lucet et B. Vareille ; ibid. 1995. 171, obs. B. Vareille ; Defrénois 1992, art. 31348, obs. Champenois ; JCP 1992. II. 376, note P. Simler ; RGAT 1993. 137, note Aubert) ; il est possible d’en déduire que, lorsque le contrat d’assurance-vie alimenté par des fonds communs est racheté au cours de l’union, le produit de ce rachat intègre lui aussi la masse commune (en ce sens, v. not. M. Grimadi, Réflexions sur l’assurance-vie et le droit patrimonial de la famille, Defrénois 1994. 737, spéc. n° 27). Mais ce produit du rachat représente un nouveau bien issu de la transformation des gains et salaires.
En somme, on perçoit bien, dans la présente espèce, pourquoi il a été jugé que les donations ont été faites à partir de sommes économisées. Au-delà des seuls faits de l’espèce, la logique semble être que le versement sur un compte d’épargne, quel qu’il soit, suffit à caractériser l’économie des gains et salaires. En revanche, la question reste entière de savoir si, et dans quelle mesure, des gains et salaires simplement versés sur un compte de dépôt doivent être considérés comme économisés.
La seconde incertitude que fait naître la solution posée tient à son incidence sur le traitement des gains et salaires en matière de passif, et plus spécifiquement de passif provisoire. On sait que les gains et salaires obéissent à un régime dérogatoire en ce qui concerne les droits de poursuite des créanciers, dans les régimes communautaires. En effet, aux termes de l’article 1414 du code civil, le créancier d’un époux ne peut exercer ses poursuites sur les gains et salaires du conjoint de son débiteur, sauf en cas de dette ménagère solidaire (sur les difficultés d’interprétation posées par ce texte, v. not. J. Antippas, Pour une autre lecture de l’article 1414 du code civil, Dr. fam. déc. 2008, p. 16 s.). À l’inverse, en cas de cautionnement ou d’emprunt (non solidaire) souscrit par un époux sans le consentement de l’autre, le créancier ne peut exercer ses poursuites sur aucun bien commun, sauf les revenus (en ce compris les gains et salaires et les revenus des biens propres) de l’époux qui a souscrit la dette (C. civ., art. 1415). De même en va-t-il pour les dettes propres de chacun des époux, visées par les articles 1410 et 1411 du code civil. La notion et l’identification des gains et salaires des époux sont donc importantes pour délimiter le droit de gage général des créanciers.
La solution rendue dans le présent arrêt, sur une question de gestion, aura-t-elle un impact sur le sort des gains et salaires en matière de passif ? Les gains et salaires, une fois économisés, devront-ils toujours être traités comme des biens communs ordinaires ? Si tel est le cas, il pourrait suffire à un époux ayant souscrit seul un emprunt ou un cautionnement de placer ses salaires sur un compte épargne pour les faire échapper aux poursuites de son créancier. Inversement, pour une dette ordinaire, le créancier pourrait exercer ses poursuites sur tous les comptes épargne, y compris ceux qui sont exclusivement alimentés par les gains et salaires du conjoint non débiteur… S’interrogeant sur cette question, un auteur a parfaitement montré le rôle perturbateur que jouerait la notion d’économie des gains et salaires, à l’égard des règles de passif (J. Antippas, La notion d’économie en droit des régimes matrimoniaux, art. préc., spéc. nos 15 s.).
Faut-il conférer une telle portée à l’arrêt ? Il est vrai que la Cour de cassation ne se prononce que sur une question de gestion et s’en tient à affirmer l’invalidité des libéralités portant sur des sommes économisées à partir des gains et salaires. Mais cette solution repose sur une logique de changement de statut des gains et salaires économisés : originellement biens communs extraordinaires soumis à un régime dérogatoire, ils deviendraient, une fois économisés, des biens communs ordinaires soumis au même régime que les autres biens communs. De là, il n’y a qu’un pas pour considérer qu’une fois économisés, ils doivent être soumis à toutes les règles applicables aux autres biens communs, y compris les règles de passif. À travers cet arrêt, c’est donc tout le régime des gains et salaires qui se trouve remis en question. Si la problématique de la validité des libéralités consenties sur les gains et salaires est assez peu fréquemment soumise aux juges, celle du droit de poursuite des créanciers, en revanche, devrait donner lieu, avant longtemps, à de nouvelles décisions…
L’exclusion de la requalification des contrats d’assurance-vie mixte en libéralités
Sur le volet assurance-vie, l’arrêt commenté offre une solution plus classique au regard de la jurisprudence développée en ce domaine. Commençant par rappeler que la faculté de rachat du souscripteur ne disparaît pas du fait de l’acceptation du bénéfice du contrat, la Cour de cassation en déduit que le contrat d’assurance-vie ne pouvait être qualifié de libéralité, faute d’irrévocabilité.
Le maintien de la faculté de rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire
L’article L. 132-23 du code des assurances ménage au souscripteur de certains contrats d’assurance-vie une faculté de rachat ou de réduction. Le souscripteur peut ainsi percevoir, par anticipation par rapport au terme prévu, le montant de la créance qu’il détient contre l’assureur sur la provision mathématique du contrat. Cette faculté de rachat ménagée par la loi permet au souscripteur de conserver une certaine maîtrise sur son contrat d’assurance, instrument de prévoyance et/ou de capitalisation. Or, en parallèle et conformément aux règles applicables à la stipulation pour autrui, l’article L. 132-9 du code des assurances confère un caractère irrévocable au droit du bénéficiaire lorsque celui-ci accepte sa désignation par le contrat d’assurance-vie.
La question s’est donc posée de savoir si la faculté de rachat du souscripteur ne devait pas être neutralisée en cas d’acceptation, par le bénéficiaire, de sa désignation. En effet, l’exercice de la faculté de rachat a pu être assimilé à une révocation de la désignation du bénéficiaire, en ce qu’elle aboutit à la restitution des sommes à l’assuré (en ce sens, v. Com. 25 oct. 1994, n° 90-14.316, Bull. civ. IV, n° 311, affirmant que « la demande de rachat, en exécution de laquelle le souscripteur d’une police d’assurance sur la vie obtient de l’assureur le versement immédiat du montant de sa créance, par un remboursement qui met fin au contrat, constitue une révocation de la désignation du bénéficiaire »). Le droit conféré au bénéficiaire ne serait donc véritablement révocable que si le souscripteur était privé, une fois l’acceptation intervenue, de sa faculté de rachat.
Dans le silence de textes sur l’articulation entre la faculté de rachat et l’acceptation du bénéfice de l’assurance-vie, la Cour de cassation avait pu laisser entendre qu’elle serait favorable à une neutralisation du droit de rachat du souscripteur en cas d’acceptation du bénéficiaire. Elle retenait en effet que « tant que le contrat n’est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou modifier le bénéficiaire de la prestation » (v. not. Com. 15 juin 1999, n° 97-13.576, Dalloz jurisprudence ; Civ. 1re, 27 mai 1998, n° 96-14.614, Dalloz jurisprudence ; 28 avr. 1998, n° 96-10.333, Bull. civ. I, n° 153 ; D. 1998. 141 ). Bien que la haute juridiction n’en ait pas tiré ces conséquences, cette formule pouvait laisser entendre que l’acceptation du bénéficiaire désigné empêchait non seulement une modification du bénéficiaire mais aussi l’exercice du droit de rachat par le souscripteur.
Le législateur est alors intervenu pour trancher le débat, par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 : depuis lors, l’article L. 132-9 du code des assurances dispose que, « pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire ». Autrement dit, l’acceptation du bénéficiaire empêche le souscripteur d’exercer librement sa faculté de rachat, puisqu’il ne peut la mettre en œuvre qu’avec l’accord du bénéficiaire. L’arbitrage a dont été réalisé en faveur d’une irrévocabilité de l’avantage consenti au bénéficiaire acceptant, au détriment de la liberté du souscripteur.
Par la suite, la Cour de cassation, amenée à se prononcer sur cette même question sous l’empire des textes antérieurs à la réforme du 17 décembre 2007, a tranché dans un sens exactement inverse : elle a jugé, par un arrêt rendu en chambre mixte le 22 février 2008, que, « lorsque le droit de rachat du souscripteur est prévu dans un contrat d’assurance-vie mixte, le bénéficiaire qui a accepté sa désignation n’est pas fondé à s’opposer à la demande de rachat du contrat en l’absence de renonciation expresse du souscripteur à son droit » (Cass., ch. mixte, 22 févr. 2008, n° 06-11.934, Bull. ch. mixte, n° 1 ; Dalloz actualité, 28 févr. 2008, obs. J. Speroni ; D. 2008. 691, obs. J. Speroni ; ibid. 2104, obs. P. Crocq ; ibid. 2009. 253, obs. H. Groutel ; ibid. 1044, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; AJ fam. 2008. 172 ; ibid. 114, étude H. Marck et E. Rivé ). Ainsi, sous l’empire des textes anciens, la seule acceptation par le tiers bénéficiaire ne suffisait pas à priver le souscripteur de sa faculté de rachat ; il fallait, pour qu’il en soit privé, qu’il y renonce expressément (pour des exemples de clauses ne valant pas renonciation expresse, v. Civ. 2e, 3 nov. 2011, n° 10-25.364 ; 4 nov. 2010, n° 09-70.606, Dalloz jurisprudence). La solution rendue par l’arrêt du 20 novembre 2019 n’est donc, à cet égard, qu’une confirmation de la position adoptée depuis 2008, puisqu’il retient « qu’en l’absence de renonciation expresse de sa part, le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie mixte est fondé à exercer le droit de rachat prévu au contrat même en présence de bénéficiaires ayant accepté le bénéfice de ce contrat ».
Ainsi, selon que l’on se place sous l’empire des textes anciens (comme dans l’arrêt commenté, où l’acceptation avait eu lieu en 2004, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi) ou des textes nouveaux, les incidences de l’acceptation du bénéficiaire sur la faculté de rachat du souscripteur sont différentes : sous l’empire du droit ancien, l’acceptation était sans incidence sur la faculté de rachat, à défaut de renonciation expresse du souscripteur à cette faculté ; sous l’empire du droit nouveau, l’acceptation neutralise par principe la faculté de rachat, sauf accord du bénéficiaire. Pour avoir méconnu cette règle, la cour d’appel est ici censurée : devant statuer sur le fondement des textes antérieurs à la réforme, les juges du fond ont considéré, à tort et en contrariété avec la jurisprudence établie de la Cour de cassation, que le souscripteur qui consent à l’acceptation par le bénéficiaire de sa désignation se trouve automatiquement privé de toute possibilité de rachat. Or seule une renonciation expresse par le souscripteur à sa faculté de rachat était de nature à l’en priver, quand bien même le bénéficiaire aurait accepté sa désignation.
Cette question de l’existence de la faculté de rachat a un impact direct sur le caractère révocable ou irrévocable de l’avantage consenti au bénéficiaire, critère retenu par les juges pour statuer sur la requalification du contrat d’assurance-vie en donation.
L’application du critère de l’irrévocabilité de la donation
La divergence entre les juges du fond et la cour régulatrice ne porte pas sur les critères de qualification de la donation. En effet, sur cette question, les juges du fond ont adopté une position retenue classiquement par la Cour de cassation : celle en vertu de laquelle un contrat d’assurance-vie « peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable » (Cass., ch. mixte, 21 déc. 2007, n° 06-12.769, Bull. ch. mixte, n° 13 ; Dalloz actualité, 10 janv. 2008, obs. G. Bruguière-Fontenille ; D. 2008. 1314 , note F. Douet ; ibid. 218, obs. G. Bruguière-Fontenille ; ibid. 2009. 253, obs. H. Groutel ; AJ fam. 2008. 79, obs. F. Bicheron ; RTD civ. 2008. 137, obs. M. Grimaldi , réitéré par la suite à plusieurs reprises ; v. not. Civ. 2e, 23 oct. 2008, n° 07-19.550, Dalloz jurisprudence ; Com. 26 oct. 2010, n° 09-70.927, Dalloz jurisprudence ; Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-13.269, D. 2018. 1279, obs. M. Bacache, L. Grynbaum, D. Noguéro et P. Pierre ).
Cette formule semble traduire une différence de nature entre le contrat d’assurance-vie et la donation : la « requalification » implique une incompatibilité entre la qualification originelle et la qualification nouvelle. Autrement dit, le contrat d’assurance-vie serait par principe exclusif de toute donation. Cette position serait dictée par l’idée, développée en jurisprudence, suivant laquelle l’aléa chasse la donation. Le raisonnement est le suivant : 1/ toute donation suppose une volonté de se dépouiller irrévocablement au profit d’un tiers ; 2/ or tout contrat d’assurance sur la vie comporte un aléa qui rend incertaine l’identité du destinataire du versement dû par l’assureur ; 3/ donc le contrat d’assurance sur la vie ne peut, en principe, être une donation, à défaut de désignation irrévocable d’un tiers destinataire du versement.
Ce raisonnement est éminemment lié à la position de principe adoptée par la Cour de cassation dans les arrêts du 23 novembre 2004 affirmant que « le contrat d’assurance dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine comporte un aléa […] et constitue un contrat d’assurance sur la vie » puis appliquant ce principe au contrat d’assurance-vie mixte : l’aléa tient alors à ce que le souscripteur ignore qui, de lui ou du bénéficiaire, recevra le capital versé à l’assureur, puisque cette donnée dépend du point de savoir si l’assuré sera vivant ou non lors de la survenance du terme du contrat (Cass., ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 01-13.592, BICC 15 févr. 2005, rapp. Crédeville, concl. de Gouttes ; AJDA 2004. 2302 , obs. M.-C. Montecler et P. Seydoux ; D. 2004. 3191, et les obs. ; RDI 2005. 11, obs. L. Grynbaum ; AJ fam. 2005. 70, obs. F. Bicheron ; RTD civ. 2005. 88, obs. R. Encinas de Munagorri ; ibid. 434, obs. M. Grimaldi ; GAJC, 12e éd., n° 132 ; JCP 2005. I. 187, n° 13, obs. Le Guidec ; JCP N 2005. 1003, étude Grosjean ; RLDC 2005/12, n° 504, note Leroy ; RDC 2005. 297, obs. Bénabent ; RGDA 2005. 110, note Mayaux ; v. égal. les autres arrêts du même jour, nos 03-13.673, 02-11.352 et 03-13.673).
Toutefois, comme l’ont fait remarquer plusieurs auteurs, la qualification du contrat d’assurance-vie devrait être indépendante de celle de libéralité (en ce sens, v. par ex., H. Lécuyer, Assurance-vie et droit des successions : dyarchie ou symbiose ?, AJ fam. 2007. 414 s., pour qui il ne faut « pas confondre la question de la déqualification de certains contrats qui, faute d’aléa pour l’assureur, ne seraient pas des contrats d’assurance-vie et la question de l’existence d’une libéralité faite, via ces contrats, par le souscripteur au bénéficiaire »), le critère de l’aléa étant étranger à la qualification de donation indirecte (en ce sens, v. F. Douet, Requalification d’un contrat d’assurance-vie en donation indirecte, D. 2008. 1314 ).
Pourtant, plusieurs arrêts opèrent un lien entre l’existence d’un aléa lors de la désignation du bénéficiaire et l’absence de volonté actuelle et irrévocable du souscripteur de se dépouiller (v. not. Civ. 1re, 26 oct. 2011, n° 10-24.608 ; Civ. 2e, 22 oct. 2009, n° 08-17.793 ; Cass., ch. mixte, 21 déc. 2007, n° 06-12.769, préc.). Il en ressort que s’il n’est pas certain que le bénéficiaire désigné dans le contrat d’assurance-vie recevra un versement par l’assureur, il ne peut y avoir de donation, faute de dépouillement irrévocable du souscripteur au profit d’un tiers.
Partant, deux analyses de cette jurisprudence sont possibles. D’une part, il peut s’agir d’une véritable requalification. Il aurait alors une incompatibilité entre le contrat d’assurance-vie, empreint d’aléa, et la donation, caractérisée par son irrévocabilité. L’aléa (donc le contrat d’assurance-vie) chasse l’irrévocabilité (donc la donation) ; réciproquement, l’irrévocabilité (donc la donation) est exclusive de tout aléa (donc du contrat d’assurance). Une telle disqualification du contrat d’assurance expliquerait la mise à l’écart des dispositions par lesquelles le code des assurances déroge au droit des libéralités (notamment les art. L. 321-12 et L. 321-13 de ce code) : la donation indirecte prenant appui sur l’assurance-vie serait soumise aux règles du rapport successoral et de la réduction pour excès parce que l’assurance-vie n’en est pas une.
D’autre part, il se peut que la requalification n’en soit pas vraiment une et qu’il s’agisse en réalité d’un cumul de qualifications (en faveur de cette analyse, v. M. Grimaldi, L’attribution du bénéfice d’une assurance-vie peut constituer une donation indirecte passible, comme telle, des droits de mutation à titre gratuit, RTD civ. 2008. 137 ). Le contrat d’assurance-vie, dont la nature n’est pas remise en cause, deviendrait l’instrument d’une donation indirecte. L’absence d’aléa dans l’identité du destinataire des fonds serait de nature à caractériser une donation indirecte, mais pas pour autant à disqualifier le contrat d’assurance-vie (lequel comporte toujours un aléa, à tout le moins quant à la date de la survenance de son terme). Cette adjonction de la qualification de donation indirecte emporterait neutralisation des règles dérogatoires prévues par le code des assurances au droit des libéralités : en principe, le capital versé par l’assureur lors du décès de l’assuré n’intègre pas la succession de l’assuré (C. assur., art. L. 321-12) et, corrélativement, ne doit pas être rapporté par le bénéficiaire à la succession de l’assuré, ni réduit pour atteinte à la réserve héréditaire (C. assur., art. L. 321-13, al. 1er), parce que le contrat d’assurance-vie n’est pas le vecteur d’une libéralité. Par exception, lorsque l’assurance-vie se révèle être l’instrument d’une donation, il convient de le soumettre cumulativement au régime des libéralités et à celui de l’assurance-vie.
Quelle que soit l’analyse retenue, la qualification de donation indirecte aboutit à soumettre la libéralité aux règles du rapport successoral et de la réduction pour excès, en écartant l’application des articles L. 321-12 et L. 321-13 du code des assurances.
Reste à savoir quelles sont les circonstances factuelles de nature à caractériser une donation indirecte, c’est-à-dire la volonté du souscripteur de se dépouiller irrévocablement au profit du bénéficiaire. Un critère, essentiellement, ressort de la jurisprudence : le fait que le souscripteur perde toute possibilité effective d’obtenir la restitution, avant son décès, des capitaux versés sur les contrats d’assurance-vie. Une telle perte peut résulter soit d’une disparition de la faculté de rachat, soit du caractère illusoire de l’aléa sur le destinataire des fonds, au regard notamment de l’âge du souscripteur et de l’imminence de son décès (Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-13.269 ; 26 oct. 2011, n° 10-24.608 ; Civ. 2e, 23 oct. 2008, n° 07-19.550 ; Cass., ch. mixte, 21 déc. 2007, n° 06-12.769, préc.). À l’inverse, lorsque le souscripteur conserve une réelle possibilité d’être destinataire du versement de l’assureur, notamment par le maintien de sa liberté de racheter son contrat, toute donation est exclue, faute d’irrévocabilité du dépouillement (Civ. 1re, 10 juill. 2013, n° 12-13.515 ; Civ. 2e, 22 oct. 2009, n° 08-17.793 ; Com. 28 juin 2005, n° 03-18.397, Dalloz jurisprudence).
C’est précisément ce critère de la faculté de rachat, devenu classique dans la jurisprudence, qui est mis à l’œuvre dans l’arrêt du 20 novembre 2019. Dès lors que l’on était sous l’empire du droit antérieur à la loi du 17 décembre 2007, la seule acceptation du bénéficiaire ne privait pas le souscripteur de sa faculté de rachat. Il aurait donc fallu une renonciation expresse du souscripteur à cette faculté pour que soit caractérisée sa volonté de se dépouiller irrévocablement au profit du bénéficiaire. Faute d’avoir constaté une telle renonciation, les juges du fond ont été censurés pour avoir retenu, à tort, la disparition de la faculté de rachat, donc la qualification de donation indirecte.
Tout porte à croire que, sous l’empire des textes nouveaux, la solution serait inversée : désormais, l’acceptation par le bénéficiaire de sa désignation neutralise la liberté, pour le souscripteur, de procéder au rachat de son contrat, puisque le rachat ne peut plus s’opérer qu’avec l’accord du bénéficiaire acceptant. En autorisant le bénéficiaire à accepter sa désignation par le contrat d’assurance-vie, le souscripteur renonce donc à sa liberté de rachat : il s’interdit de révoquer, de quelque façon que ce soit, l’avantage qu’il confère au bénéficiaire. La seule acceptation du bénéficiaire, qui est subordonnée par l’article L. 132-9, II, du code des assurances à l’accord du souscripteur, devrait donc désormais suffire à caractériser une donation indirecte, du fait de la disparition de la liberté de rachat.
La haute juridiction continue de construire un régime équilibré des soins psychiatriques contraints (v. sur ce point Civ. 1re, 5 déc. 2019, n° 19-22.930, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. N. Peterka ; D. 2019. 2419 ). Pour ce faire, elle n’hésite pas à osciller entre protection des droits de l’intéressé – par exemple en permettant d’invoquer une exception de nullité en appel – et protection de l’ordre public – en régulant la terminaison de la mesure. Ce n’est pas qu’un jeu subtil de nuances, le but reste de préserver les intérêts en présence (JCP Adm. 2019. 2199, spéc. n° 1, obs. M.-L. Moquet-Anger). Rappelons l’originalité des mesures d’hospitalisation forcée : elles peuvent être ordonnées par l’autorité judiciaire comme par l’autorité administrative (Rép. civ., v° Troubles psychiques – Malades mentaux, par E. Bonis, n° 152). Les deux arrêts étudiés présentent toutefois des différences factuelles importantes. Malgré ceci, elles permettent des interrogations transversales que nous tenterons au moins d’évoquer. À titre préliminaire, rappelons que ces deux arrêts s’inscrivent dans la nouvelle rédaction des décisions de la Cour de cassation, sans attendu et divisés clairement entre faits et solutions.
Dans la première affaire (pourvoi n° 18-50.073), l’hospitalisation forcée se conjuguait avec la fuite de l’intéressé. Un tribunal correctionnel admet, le 29 avril 2015, l’irresponsabilité pénale d’une personne physique alors qu’elle était poursuivie du chef d’agression sexuelle. Le tribunal ordonne également son admission en soins psychiatriques sans consentement par application combinée des articles 122-1 du code pénal et 706-135 du même code. En juin 2015, l’intéressé est en fuite. Le préfet demande la prolongation de la mesure. Le juge des libertés et de la détention la prolonge, à plusieurs reprises, par application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Mais alors que le préfet demande à nouveau une prolongation, le juge ordonne la fin de la mesure en 2018. Pour justifier le rejet de la prolongation, l’ordonnance retient « qu’aucun renseignement n’a été fourni par l’administration sur sa situation actuelle, au point que l’on ignore si le patient se trouve toujours sur le territoire français, est encore en vie, s’il est possible de présumer que sa dangerosité n’a pas disparu ou, au contraire, que...
L’avantage occulte dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est caractérisé par la sous-évaluation du prix, la fraction de ce prix constituant une libéralité pour l’acquéreur dès la conclusion de la vente et sans attendre la livraison du bien.
L’avantage occulte dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est caractérisé par la sous-évaluation du prix, la fraction de ce prix constituant une libéralité pour l’acquéreur dès la conclusion de la vente et sans attendre la livraison du bien.
En matière de mesures conservatoires, la jurisprudence de la Cour de cassation n’est pas très abondante, ce qui souligne l’intérêt du présent arrêt.
L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
Pour la mise en œuvre, l’article R. 511-5 du code des procédures civiles d’exécution précise que la demande d’autorisation prévue à l’article L. 511-1 est formée par requête, sans autre précision.
Si bien que, dès les premiers mois de l’application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution et du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution pour l’application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, la question du régime procédural applicable a cette requête s’est posée.
La seule réponse apportée à cette question, résulte, à notre connaissance, d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 2 septembre 1999 qui avait jugé que le décret ne réglant pas les modalités de l’obtention et de la délivrance de cette requête, il convient, pour la procédure à suivre, de se reporter aux textes du nouveau code de procédure civile dont l’application est...
L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Ni le requérant ni le juge n’ont à motiver les raisons pour lesquelles il peut être recouru à une procédure non contradictoire.
Une collectivité territoriale peut refuser de renouveler le contrat d’un agent contractuel auteur de faits qui justifieraient une sanction disciplinaire.
Le Conseil d’État confirme les doutes sur la compatibilité de la réglementation du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels avec le droit de l’Union européenne.
Le règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit le régime de reconnaissance et d’exécution des jugements rendus dans les autres États membres.
Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, en vertu de l’article 33.
En revanche, une procédure est prévue en ce qui concerne l’exécution : ces décisions sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée, selon l’article 38. Cette requête doit, en France, être présentée devant le directeur de greffe du tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire à compter du 1er janv. 2020).
Dans ce cadre, les décisions sont déclarées exécutoires, selon l’article 41, dès l’achèvement des formalités prévues à l’article 53 (notamment la production d’une expédition réunissant les conditions nécessaires à son authenticité), étant précisé que la partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut, à ce stade, présenter d’observations.
En application de l’article 42, la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire est portée à la connaissance du requérant et est signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l’exécution est demandée.
L’article 43 précise alors le régime des recours : l’une ou...
Par un arrêt du 12 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce, au regard des dispositions du droit finlandais, sur la procédure d’exécution dans un État membre des jugements rendus dans un autre État, en application du règlement Bruxelles I.
En l’absence d’accord collectif, l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. L’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ainsi que la centralisation de fonctions support dans l’entreprise ne font pas échec à la reconnaissance d’une telle autonomie de gestion, et donc à l’existence d’établissements distincts.
Un véhicule appartenant indivisément à deux personnes est incendié. Celles-ci saisissent la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) pour obtenir réparation sur le fondement de l’article 706-14 du code de procédure pénale. La cour d’appel de Bordeaux alloue à chacune des victimes la somme de 4 500 €. Le Fonds de garantie des victimes et des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Il reproche à la cour d’appel de Bordeaux d’avoir alloué deux sommes de 4 500 € aux deux coïndivisaires, ce qui serait contraire aux articles 706-14 et 706-14-1 du code de procédure pénale qui ne prévoiraient que l’octroi d’une seule indemnité.
Lorsqu’elle applique le régime d’indemnisation de l’article 706-14 du code de procédure pénale en présence d’une indivision, la CIVI peut-elle allouer deux sommes à chacun des demandeurs ou doit-elle se contenter de n’en allouer qu’une seule ?
La Cour de cassation, dans un arrêt auquel elle donne de l’importance (FS-P+B+I), rejette le pourvoi et décide que la cour d’appel a eu raison de dire que les deux victimes étaient fondées à solliciter chacune une indemnisation.
L’article 706-14 du code de procédure pénale est indissociable de l’article 706-14-1 qui en est « la déclinaison » pour les véhicules incendiés (C. Béchu et P. Kaltenbach, Rapport d’information n° 107, 2013-2014). L’objectif de ces textes est d’améliorer le sort des victimes dans divers cas précisés par la loi, au nom de la solidarité nationale. L’article 706-14-1 est issu d’une loi du 1er juillet 2008 et établit un régime visant spécifiquement les incendies de véhicules. Le texte prévoit qu’il s’applique « à toute personne victime de la destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur » tout en se rapportant aux conditions mentionnées dans l’article précédent. Il est donc plus limité en ce qu’il ne concerne qu’un certain type de dommage, mais plus facile à engager en ce qu’il s’affranchit de la condition exigeant que la victime établisse se trouver dans une situation matérielle ou psychologique grave. La deuxième chambre civile rappelle d’ailleurs, en citant l’arrêt de la cour d’appel, que les demandeurs remplissaient bien les conditions spécifiques de ce régime. Parmi ces conditions, le fait d’être titulaire de la carte grise puisque le texte précise que les victimes doivent justifier « au moment des faits avoir satisfait aux dispositions du code de la route relatives au certificat d’immatriculation et au contrôle technique ». On comprend toutefois, à la lecture de l’arrêt, que seul l’un des indivisaires était titulaire de la carte grise et que l’autre est celui qui avait payé le véhicule. Cela semblait suffisant aux juges pour conférer aux deux victimes la qualité de coïndivisaire. Cela signifie-t-il qu’il suffit d’être titulaire de la carte grise d’un véhicule pour s’en voir attribuer une partie de la propriété ? Pourtant, les juges se sont déjà prononcés, au regard de l’article 322-2 du code de la route, pour décider que « le certificat d’immatriculation dit carte grise est un titre de police mais ne préjuge pas de la propriété du véhicule » (Civ. 1re, 25 févr. 1958, Bull. civ. I, n° 114) ou encore que « la carte grise d’un véhicule est une simple pièce administrative qui permet la mise en circulation du véhicule mais qui ne vaut pas titre de propriété » (Paris, 14 sept. 2000, D. 2000. IR 265 ).
En l’espèce, ce ne sont pas tant les conditions du régime qui posent problème que les conditions d’attribution de l’indemnité. Le Fonds d’indemnisation fait valoir que l’existence d’une indivision n’est pas un motif justifiant l’octroi d’une indemnité à chaque indivisaire.
L’enjeu est important. Il est aussi multiple. En effet, le régime prévoit un plafond de ressources qui est d’ailleurs plus élevé que pour le régime de l’article 706-14 du code de procédure pénale. L’article 706-14-1 rehausse le plafond à une fois et demie celui prévu à l’article précédent (v. L. n° 91-647, 10 juill. 1991, art. 4). On comprend que, selon le mode d’attribution, il est possible de dépasser le plafond prévu pour la réalisation du dommage consistant en l’incendie de la voiture. Si on envisage l’indivision comme une entité, la somme attribuée à son profit sera forcément moindre que si on prend en considération les personnes composant l’indivision. Certes, le plafond ne pourra pas être dépassé pour chacune d’entre elles mais cela revient tout de même à multiplier la somme par deux (quand il y a deux indivisaires). Dès lors, cet arrêt questionne la portée de la solidarité nationale et la Cour de cassation affirme qu’elle doit être étendue à toutes les victimes. On comprend, en effet, pourquoi le Fonds rechigne à indemniser les indivisaires plutôt que l’indivision. Sans doute craint-il aussi l’augmentation des demandes, pouvant, pour certaines d’entre elles, s’avérer frauduleuses. Il faut alors rappeler que le texte pose des conditions très strictes et que les indemnités versées par le FGTI, sur le fondement de l’article 706-14-1, ne représentent que 4 % des demandes au regard des deux autres mécanismes – l’article 706-14 et l’article 706-3 du code de procédure pénale – (source FGTI 2011, citée in C. Béchu et P. Kaltenbach, Rapport d’information, op. cit.). La solidarité s’en remettra dans ce cas-là… On est toutefois rassuré de savoir qu’il n’y avait pas des dizaines d’indivisaires.
L’argument du FGTI, pour refuser d’indemniser les deux indivisaires, ne pourrait n’être alors que strictement juridique. Celui déployé dans le moyen par le FGTI est pourtant lacunaire. Il se contente d’affirmer que « la destruction d’un véhicule terrestre à moteur dont plusieurs personnes sont indivisément propriétaires ne peut donner lieu au paiement que d’une seule indemnité […] à répartir entre les coïndivisaires ». On pourra aussi déplorer l’absence de motivation de la Cour de cassation qui semblait pourtant vouloir l’enrichir pour les arrêts les plus importants (v. les travaux de réflexion sur la réforme interne de l’institution, mais aussi P. Deumier, Motivation enrichie : bilan et perspectives, D. 2017. 1783 ou encore C. Jamin, Le Grand Inquisiteur à la Cour de cassation, AJDA 2018. 393 ).
Pour comprendre la décision, il faut peut-être simplement se référer au texte qui vise « toute personne victime de la destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur ». Or, ici, elles sont deux personnes victimes et chacune d’elle remplit les conditions prévues dans le régime. L’existence d’une indivision et de règles spécifiques relatives à celle-ci ne semble pas être entrée en compte dans la décision de la Cour de cassation. Puisque cette dernière admet la possibilité d’allouer deux indemnités, c’est peut-être qu’elle considère que l’indemnité versée par le FGTI ne se subroge pas au bien détruit, qu’elle ne se divise pas au nom de l’indivision et qu’elle ne fait donc pas partie de l’indivision nonobstant les dispositions de l’article 815-10 du code civil. C’est la nature même de l’indemnité prévue par l’article 706-14-1 du code de procédure pénale qui doit être interrogée (v. J.-Cl. Resp. civ. ass., fasc. 260, par H. Groutel, n° 11). Quant aux préjudices réparés, on comprend, à la lecture des moyens annexes de l’arrêt, qu’il s’agit d’un préjudice d’immobilisation et d’un préjudice matériel : « il est établi que M. A avait acquis ce véhicule au prix de 8 700 € deux mois avant l’incendie et que les appelants subissent en outre un préjudice d’immobilisation, ce qui justifie l’allocation de la somme de 4 500 € à chacun d’eux ». Peut-être la cour d’appel souhaitait-elle faire sauter le plafond d’indemnisation afin de permettre l’indemnisation la plus efficiente possible ? Seul, le propriétaire du véhicule n’aurait vu son préjudice réparé que de moitié mais, à deux, cela a permis une réparation intégrale du préjudice. Une décision justifiée par l’équité ? La Cour de cassation prend soin de s’en défendre : « C’est à bon droit que la cour d’appel […] a décidé qu’ils étaient tous deux fondés à solliciter une indemnisation, dans la limite du préjudice subi par chacun d’eux et du plafond prévu par l’article 706-14-1 du code de procédure pénale ».
L’arrêt de la deuxième chambre civile du 12 décembre 2019, bien qu’il participe à une meilleure indemnisation des victimes au nom de la solidarité nationale, est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur la solidarité nationale.
Le 12 décembre 2019, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel qui avait admis la possibilité d’allouer autant d’indemnités qu’il y avait de propriétaires indivis d’un véhicule détruit dans un incendie, sur le fondement de l’article 706-14-1 du code de procédure pénale.
Recours aux contractuels, rupture conventionnelle, nominations équilibrées, accompagnement des agents en cas de restructuration de leur services… Plusieurs des mesures phares de la loi de transformation de la fonction publique sont désormais applicables.
La déclaration d’appel affectée d’un vice de forme mais signifiée dans le délai légal requis est valable.
C’est un court arrêt que nous livre la Cour de cassation, le 5 décembre 2019, dans une affaire dans laquelle il était fait reproche à l’appelant de ne pas avoir fait signifier, en même temps que la déclaration d’appel, l’annexe contenant les chefs critiqués.
La Cour de cassation, en quelques mots, casse et annule l’arrêt d’appel qui avait accueilli le moyen de caducité soulevé par l’intimé. Outre qu’il rappelle ce qu’est une déclaration d’appel, et ce qu’elle n’est pas, l’arrêt interroge quant à sa portée réelle ou possible.
« L’annexe contenant les chefs de la décision critiqués »
Il est précisé dans l’arrêt que la déclaration d’appel contenait une annexe. Cela mérite des explications. Quiconque ne pratique pas de manière habituelle la procédure d’appel sera bien en mal de comprendre ce dont il s’agit.
Le code de procédure civile ne contient aucune disposition prévoyant que l’acte d’appel devrait être assorti d’un document annexe qui contiendrait les chefs critiqués. Notamment, il n’est rien dit à ce sujet à l’article 901, au rebours de l’article 85, concernant l’appel en matière d’exception d’incompétence, qui permet de joindre des conclusions à l’acte d’appel si celui-là ne contient pas la motivation de l’appel.
L’annexe dont il est question, et qui contiendrait les chefs expressément critiqués, apparaît dans une circulaire de la chancellerie (circ. du 4 août 2017 : « Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel. L’attention du greffe et de la partie adverse sur l’existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d’appel. »). Cette possibilité laissée à l’appelant répond aux limites techniques d’un système qui ne permet pas, actuellement, de contenir plus de 4 080 caractères.
Alors que cette possibilité avait vocation à être très isolée, la limite des 4 080 caractères s’avérant amplement suffisante en pratique, force est de constater qu’elle s’est généralisée. Ainsi, de nombreux avocats ont pris l’habitude d’annexer de manière systématique un document joint contenant les chefs du jugement expressément critiqués.
Il faut néanmoins rappeler que cette tolérance provient d’une simple circulaire, qui n’a donc aucune valeur d’obligation (Civ. 2e, 30 mars 2017, n° 15-25.453 P, Dalloz actualité, 27 avr. 2017, obs. M. Kebir ; JA 2017, n° 561, p. 11, obs. J. Marfisi ; RDSS 2017. 572, obs. T. Tauran ).
La question se pose de la possibilité de procéder de cette manière lorsque l’appelant ne démontre pas être dans l’impossibilité de faire figurer les mentions dans la déclaration elle-même, sachant que l’arrêt de cassation ne consacre pas cette pratique.
Les juges, nonobstant la circulaire du 4 août 2017, pourraient retenir que la possibilité de mentionner les chefs critiqués dans un acte séparé n’est ouverte que lorsqu’il est démontré une impossibilité technique de les faire figurer dans la déclaration d’appel elle-même. Cela correspond à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de cause étrangère, lorsqu’il est démontré que le fichier joint excède la taille de 4 Mo et qu’il ne peut en conséquence être envoyé par voie électronique (Civ. 2e, 16 nov. 2017, n° 16-24.864 P, Dalloz actualité, 22 nov. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2018. 52 , note C. Bléry ; ibid. 692, obs. N. Fricero ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; AJ fam. 2017. 618, obs. M. Jean ; D. avocats 2018. 32, chron. C. Lhermitte ; Dalloz IP/IT 2018. 196, obs. L. de Gaulle et V. Ruffa ; JCP 2017. 1248, obs. Croze ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, p. 54, obs. Herman).
« L’annexe de la déclaration d’appel dans laquelle il avait fait figurer les chefs de dispositif de l’ordonnance critiqués par l’appel »
Il ressort du moyen de cassation que, dans l’annexe, l’appelant avait « fait figurer les chefs de dispositif de l’ordonnance critiqués ». Or l’article 901 impose de mentionner les chefs du jugement, lesquels, selon nous, sont à distinguer des chefs de dispositif.
Nous pouvons douter qu’un simple copié-collé du dispositif du jugement dont il est fait appel réponde à l’objectif du décret du 6 mai 2017 (décr. n° 2017-891, 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile), et ce d’autant que le jugement est joint à la déclaration d’appel. La lecture de la déclaration d’appel doit permettre à toute partie, et à la cour, de savoir précisément ce qui sera discuté́ en appel. Mieux, cette lecture devrait déjà dresser un canevas de ce que seront les conclusions en appel.
Nous pensons que la détermination des chefs du jugement critiqués impose un travail intellectuel consistant à examiner ce qui était discuté en première instance, ce qui a été jugé par le jugement dont appel, et ce que sera la discussion en appel (v. Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas Express », n° 317).
« La déclaration d’appel […] avait été signifiée dans le délai requis »
La Cour de cassation rappelle par ailleurs ce qu’est la déclaration d’appel, et ce qu’elle n’est pas. Il ressort que le document annexe n’a aucune valeur procédurale et ne fait pas partie intégrante de la déclaration d’appel.
Sur le plan procédural, cela est inattaquable. En effet, dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire, qui imposent, aux termes de l’article 930-1, de remettre les actes de procédure par voie électronique, c’est l’article 10 de l’arrêté technique du 30 mars 2011 (arr. du 30 mars 2011, art. 10, relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel : « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif tient lieu de déclaration d’appel, de même que son édition par l’auxiliaire de justice tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier. ») qui nous dit ce qu’est une déclaration d’appel. Pour former appel, l’avocat envoie un fichier structuré au greffe, lequel envoi génère, après son traitement par les services du greffe, un fichier au format PDF, qui est la déclaration d’appel au sens procédural strict, comme l’a précisé la Cour de cassation (Civ. 2e, 6 déc. 2018, n° 17-27.206 P, Dalloz actualité, 16 janv. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero ).
Or l’arrêté technique qui définit la déclaration d’appel ne connaît pas le document annexe à la déclaration d’appel. Lui donner une valeur procédurale ajouterait à l’arrêté de 2011, mais également au code. Nous comprenons que l’incident de caducité soulevé par l’intimé reposait essentiellement sur la jurisprudence de la Cour de cassation ayant retenu que n’a pas fait diligence l’appelant qui a fait signifier un acte autre que la déclaration d’appel (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-18.212 P, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2192 , note G. Bolard ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ). Pour l’intimé, il s’agissait de soutenir que la déclaration d’appel était constituée du fichier PDF en plus document annexe, de sorte que c’est cet ensemble, indissociable, qu’il fallait signifier pour satisfaire à l’obligation procédurale de l’article 905-1 (ou de l’article 902 en circuit ordinaire).
Mais dès lors que ce document joint n’est pas une partie de la déclaration d’appel, la caducité ne pouvait aboutir pour ce motif.
La cassation s’imposait.
L’arrêt semble donc prendre de la distance avec la circulaire, laquelle n’est au demeurant pas citée alors qu’elle est au centre de la problématique. En effet, la circulaire précisait quant à elle que « cette pièce jointe […] fera ainsi corps avec la déclaration d’appel », ce que l’arrêt semble rejeter en ne lui accordant aucune valeur procédurale.
Mais la question pourrait se poser lorsque la déclaration d’appel n’est pas le document PDF généré par le système RPVA, mais un document papier. Il en est ainsi lorsque l’appel est formé par un défenseur syndical en matière prud’homale, qui n’a pas accès au réseau électronique des cours d’appel (C. pr. civ., art. 930-2), ou par un avocat qui ne peut remettre son acte par voie électronique en raison d’une cause étrangère (C. pr. civ., art. 930-1).
Faudrait-il alors considérer que l’annexe papier ferait partie intégrante de la déclaration d’appel papier ? Rien n’est moins sûr. Dès lors que ce document annexe n’existe pas davantage dans le code, notamment à l’article 901, il ne saurait lui être conféré une quelconque valeur. Mais c’est justement cela qui interroge sur la portée de l’arrêt.
« La déclaration d’appel, dont la nullité n’avait pas été prononcée »
Pour la Cour de cassation, « la déclaration d’appel, dont la nullité n’avait pas été prononcée, avait été signifiée dans le délai requis ». L’arrêt de la Cour aurait certainement été aussi clair, et la solution identique, s’il s’était contenté de dire que « la déclaration d’appel avait été signifiée dans le délai requis ».
Nous doutons que cette précision, selon laquelle « la nullité n’avait pas été prononcée », soit anodine. Mais s’agit-il de souligner que l’intimé n’a pas abordé la problématique sous le bon angle ?
La nullité d’un acte d’appel, en rapport avec la mention des chefs expressément critiqués, renvoie notamment aux trois avis rendus en 2017 par la Cour de cassation (Cass., avis, 20 déc. 2017, nos 17-70.034, 17-70.035 et 17-70.036, D. 2018. 18 ; ibid. 692, obs. N. Fricero ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean ), desquels il ressort que la déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs expressément critiqués serait nulle pour vice de forme.
Cette précision de la Cour de cassation pourrait laisser entendre que cette annexe ne satisferait pas à l’exigence de l’article 901 imposant à la partie de mentionner les chefs expressément critiqués dans la déclaration d’appel elle-même. En d’autres termes, cette déclaration d’appel avec document joint ne contiendrait pas les chefs expressément critiqués et encourrait donc la nullité pour vice de forme.
Allant un peu plus loin dans le raisonnement, et oubliant la nullité de l’acte d’appel qui n’est stratégiquement jamais très intéressante à soulever (Procédures d’appel, op. cit., n° 328), cela reviendrait à dire que la cour d’appel, dans un tel cas, ne serait saisie de rien, l’effet dévolutif de l’article 562 du code de procédure civile n’ayant pu jouer (ibid.).
Cet arrêt, avec cette interprétation, ouvre des portes intéressantes et conforte la thèse qui a pu être la nôtre quant au caractère dangereux de mentionner les chefs critiqués dans un document séparé (ibid., n° 326).
Nullité de l’acte ou irrecevabilité des demandes ?
En l’état de cette jurisprudence, il apparaît que l’intimé, en présence d’une déclaration d’appel pour laquelle les chefs critiqués sont mentionnés dans un document séparé, pourrait envisager de soulever la nullité de l’acte d’appel pour vice de forme.
La difficulté, avec le vice de forme, est le grief, quasiment impossible à démontrer. Mais, en l’espèce, l’intimé se voit signifier une déclaration d’appel qui ne lui permet pas de connaître la dévolution. Le grief devient alors évident, tout comme il existe lorsque l’acte d’assignation n’est pas motivé au regard de l’article 56 (v. Civ. 2e, 6 avr. 2006, n° 04-11.737 P, AJDI 2007. 208 , obs. P. Capoulade ).
Mais il apparaît plus efficace, compte tenu de l’effet interruptif de l’article 2241 du code civil en cas de nullité de l’acte d’appel (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati ; JCP 2014. 1271, note Auché ; 1er juin 2017, n° 16-14.300 P, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1196 ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ), d’aller sur le terrain de l’irrecevabilité des demandes.
En l’état actuel, cette irrecevabilité des demandes est encore de la compétence de la cour d’appel, mais c’est le conseiller de la mise en état qui pourrait prochainement en être investi s’il récupère, fort logiquement, les nouvelles compétences du juge de la mise en état en matière de fin de non-recevoir (décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 4, I, créant un art. 789, 6°, qui donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir).
Un décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires a été publié au Journal officiel du 22 décembre.
Un décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires a été publié au Journal officiel du 22 décembre.
La présente contribution est la publication en avant-première d’un article à paraître dans le numéro de janvier de la revue Dalloz avocats qui consacre un dossier à la réforme de la procédure civile.
L’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de l’article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui avait pour ambition affichée de simplifier, clarifier et harmoniser les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires, a soumis les cas de « référé en la forme » à des procédures ordinaires, que ce soit sur requête, en référé, ou selon la voie contentieuse ordinaire (v. Y. Strickler, De la forme des référés à la procédure accélérée au fond, JCP 2019. 928 ; S. Mraouahi, La mutation du référé en la forme : bienvenue à la procédure accélérée au fond !, RDT 2019. 651 ). Le but était avant tout de répondre aux difficultés rencontrées par les praticiens du droit (Y. Strickler, Réforme des procédures « en la forme des référés » : une ordonnance pour répondre aux difficultés rencontrées par les praticiens du droit, JCP 2019. 829). Dans cette optique, le texte a maintenu une procédure accélérée au fond dans les cas où il est nécessaire d’obtenir un jugement au fond dans des délais rapides. Un décret devait intervenir pour compléter les dispositions légales que prévoyait cette ordonnance. C’est désormais chose faite. Sur le plan formel, ce décret modifie les dispositions relatives à la procédure en la forme des référés devant les juridictions de l’ordre judiciaire et la renomme « procédure accélérée au fond ». Il distingue les procédures qui demeurent des procédures accélérées au fond de celles qui deviennent des procédures de référé, sur requête ou au fond.
Les dispositions du décret s’appliquent aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020, à l’exception des dispositions de l’article 22 modiant le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, entrées en vigueur dès le lendemain de la publication du décret et dont il ne sera pas question dans le présent commentaire.
Le choix des mots
La première chose à relever s’agissant de cette réforme est à la fois la plus visible et la plus anodine si on n’y prête pas attention : c’est le choix des mots qui est loin d’être une question secondaire comme l’avait très justement relevé l’étude d’impact du projet de loi de programmation (Étude d’impact du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, 19 avr. 2018, p. 119). L’ordonnance avait fait le choix d’une nouvelle appellation pour désigner cette procédure en consacrant la « procédure accélérée au fond ». Le but était d’abord de se départir de l’ancien vocable qui entretenait une confusion fâcheuse. La procédure en « la forme des référés » n’a jamais été clairement distinguée de la procédure des référés dont elle était censée être un pastiche. Dans de très nombreux cas, le législateur a prévu que la procédure simplifiée du référé serait applicable devant des juridictions statuant au fond. Il était alors dit que le tribunal était saisi ou qu’il statuait « en la forme des référés », « selon les formes des référés », « comme en matière de référé », etc. (V., sur les variantes terminologiques, M. Foulon et Y. Strickler, Les référés en la forme, Dalloz, 2013.)
Le poids des mots
Il ne fallait cependant pas se tromper. Il ne s’agissait que d’emprunter la procédure de référé pour l’utiliser dans le cadre de procédure au fond. Conformément à l’article 492-1 du code de procédure civile, le tribunal saisi « en la forme des référés » était une juridiction du fond, rendant des décisions au principal et non au provisoire comme c’est le cas en matière de référé. Un « référé au fond » (P. Estoup, La pratique des procédures rapides, 2e éd., Litec, 1998, nos 139 s. ; v. aussi, employant ces termes, Y. Strickler et M. Foulon, De l’hybridation en procédure civile. La forme des référés et des requêtes des articles 1379 et 1380 du code de procédure civile, D. 2009. 2693 ), en somme, ce qui confine à l’oxymore. D’où l’appellation de « faux référé » qui était classiquement utilisée pour désigner les procédures en la forme des référés. En vérité, ces variations de vocabulaire étaient incommodes car elles révélaient « un abus de langage de la part du législateur qui a désigné une procédure définitive en employant un mot désignant son contraire » (Rép. pr. civ., v° Référé civil, par N. Cayrol, n° 29 ; v. aussi G. Wiederkehr, « Le droit et le sens des mots », in Mélanges Goubeaux, 2009, Dalloz-LGDJ, p. 571). Mais il y avait pire encore. Les « référés en la forme » étaient une catégorie hétéroclite recouvrant des vrais faux-référés et des faux faux-référés, c’est-à-dire « un vrai référé, travesti en faux référé » (I. Després, « Référés et requêtes… en droit des libéralités et des successions », in Mélanges Wiederkehr, 2009, Dalloz, p. 226). Autant dire que ce mécanisme procédural recouvrait une situation kafkaïenne à laquelle il devenait urgent de remédier. On le sait, dans les matières techniques comme la procédure civile, le poids des mots est important : « l’imprécision du vocabulaire engendre rapidement la confusion des problèmes » (Rép. pr. civ., v° Action en justice, par N. Cayrol, n° 40).
Déroulement de la procédure
La simplification de la terminologie était une étape indispensable – la première – de cet effort de simplification. Voilà donc consacrée la procédure accélérée au fond (pour un regard critique sur cette appellation, v. Y. Strickler, art. préc., JCP 2019. 928, spéc. n° 3) qui se libère de cette référence trompeuse au référé. Signe de cette évolution, le décret du 20 décembre 2019 abroge purement et simplement l’article 492-1 du code de procédure civile. Le nom a été changé, et c’est heureux, mais la chose demeure, au moins dans son essence. Il s’agit toujours d’une voie procédurale tout entière tournée vers le traitement rapide la prétention qui relève d’un autre juge que le juge des référés. Le décret apporte des précisions sur le déroulement de la procédure accélérée au fond. On notera le découpage qu’il adopte entre, d’un côté, les dispositions relatives au régime général de la procédure accélérée au fond et, de l’autre, les dispositions particulières.
Régime général
Au titre du régime général, le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 crée un article 481-1 au sein du code de procédure civile lui-même inséré dans une sous-section 2 relative aux « jugements en procédure accélérée au fond ». En ce qui concerne l’introduction de l’instance, il est prévu que la demande doit être portée par voie d’assignation à une audience tenue aux jour et heure prévus à cet effet. Il s’agit donc d’une procédure contradictoire dont il est précisé qu’elle est orale. Le juge doit être saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe avant la date fixée pour l’audience, sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office par ordonnance, ou, à défaut, à la requête d’une partie. Le jour de l’audience, le juge doit s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense. Il a en outre la faculté de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date, qui statuera selon la procédure accélérée au fond. À titre exceptionnel, en cas d’urgence manifeste à raison notamment d’un délai imposé par la loi ou le règlement, le président du tribunal, statuant sur requête, peut autoriser à assigner à une heure qu’il indique, même les jours fériés ou chômés. Une fois rendu, le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile. La décision du juge peut être frappée d’appel à moins qu’elle émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. Quant au délai d’appel ou d’opposition, il est de quinze jours. À la lecture de ces nouvelles dispositions, il apparaît que le régime de la procédure accélérée au fond emprunte largement à celui du référé, ce qui montre, comme son (nouveau) nom l’indique, que la célérité est toujours l’objectif premier de cette voie procédurale.
Dispositions particulières
Au titre des dispositions particulières, il faut noter que de nombreux codes sont touchés par le décret (en tout et pour tout neuf codes : les codes de procédure civile, de commerce, de l’expropriation pour cause d’utilité publique, des procédures civiles d’exécution, de la santé publique, de la sécurité sociale, du travail, de l’urbanisme et le code rural et de la pêche). Les modifications consistent, pour les procédures qui n’ont pas été intégrées au domaine du référé, des requêtes ou de la procédure contentieuse ordinaire, à substituer aux termes « en la forme des référés » les mots « selon la procédure accélérée au fond » et, par voie de conséquence, à substituer au terme « ordonnance » les mots « jugement » ou « décision ».
En définitive, l’avenir dira si la nouvelle procédure accélérée au fond permettra de surmonter les difficultés auxquelles se heurtaient les praticiens avec le référé en la forme ou si elle en suscitera elle-même. Pour l’heure, il faut se garder de tout jugement hâtif et, pourquoi pas, se montrer optimistes. La réforme simplifie les choses en adoptant une sémantique plus claire que la précédente ce qui est, en soi, une avancée : bien nommer les choses, c’est déjà les dominer.
Un décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 relatif à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires a été publié au Journal officiel du 22 décembre.
Le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) assure le suivi des instruments de lutte contre la corruption élaborés par le Conseil de l’Europe. Il vient de rendre son cinquième rapport concernant la France, plus particulièrement centré sur la prévention de la corruption parmi les membres de l’exécutif et des services répressifs. Si le rapport note des évolutions législatives positives, certains aspects doivent encore être renforcés.
La cour d’appel est immédiatement dessaisie par la notification de conclusions de désistement, n’ayant pas besoin d’être acceptées, parvenues en cours de délibéré.
Une partie, bénéficiant d’une procédure de redressement judiciaire, est placée en liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance et interjette appel du jugement. Après l’audience de plaidoirie, l’appelant adresse à la cour et aux intimés, par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) et en cours de délibéré, des conclusions de désistement d’appel. La cour d’appel de Dijon annule le jugement et déboute la caisse régionale de mutualité agricole (MSA) de ses demandes de résolution du plan de redressement et de placement de l’appelant en liquidation judiciaire. Celle-ci forme un pourvoi, motif pris qu’un désistement qui ne contient pas de réserves et n’est pas précédé d’un appel incident ou d’une demande incidente n’a pas besoin d’être accepté et peut intervenir à tout moment. Pour la MSA, la cour d’appel ne pouvait donc statuer ainsi sans violation des articles 401 et 403 du code de procédure civile. Reprenant le visa de ces articles, la deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Dijon, constate le désistement de l’appel et dit n’y avoir lieu à renvoi. Pour la Cour de cassation, les conclusions de désistement, qui n’avaient en l’espèce pas besoin d’être acceptées et étaient parvenues en cours de délibéré, c’est-à-dire avant que la cour d’appel ne rende sa décision, l’avaient donc immédiatement dessaisie.
L’article 401 dispose que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente » tandis que l’article 403 ajoute que « le désistement de l’appel emporte acquiescement au jugement. Il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel ». La procédure d’appel n’est pas la procédure de première instance, et même le désistement obéit à des...
Le travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail bénéficie de l’exception prévue à l’article 40, I, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989 en faveur des personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.
En cas de désignation d’un liquidateur sur le fondement de l’article L. 237-19 du code de commerce, le recours contre cette désignation consiste en une opposition formée par tout intéressé, devant le tribunal de commerce, dans les quinze jours de la publication de l’ordonnance, et non en le recours en rétractation institué par l’article 496 du code de procédure civile en matière d’ordonnance sur requête.
Un arrêté du 30 décembre 2019 (NOR: LOGL1937487A, JO 12 janv.) procède, pour la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020, à l’actualisation des tarifs au mètre carré pour le calcul de la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage en région d’Île-de-France (C. urb., art. L. 520-1 et L. 520-8).
Une délégation de service public peut légalement être attribuée en prenant en compte un critère ou un sous-critère relatif au nombre d’emplois locaux dont la création sera induite par la gestion du service.
Le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur le litige relatif aux demandes indemnitaires dues à la carence de l’État au titre du droit au logement opposable (DALO) à condition que la demande soit présentée par le demandeur ou ses ayants droit au seul titre des droits hérités du défunt.
Le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers ont annoncé, hier, que la rencontre avec la garde des Sceaux et le secrétaire d’État en charge des retraites, qui avait eu lieu plus tôt dans la matinée, n’avait donné lieu « à aucune nouvelle proposition » pour la profession d’avocat.
Le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers ont annoncé, hier, que la rencontre avec la garde des Sceaux et le secrétaire d’État en charge des retraites, qui avait eu lieu plus tôt dans la matinée, n’avait donné lieu « à aucune nouvelle proposition » pour la profession d’avocat.
« Les projets de loi restent donc inacceptables », a déclaré le triumvirat dans un communiqué commun (voir documents joints). « Nous avons exigé que des propositions soient formulées, que des garanties solides soient données pour préserver l’autonomie de notre régime et que les avocats ne perdent pas un euro », a résumé Christiane Féral-Schuhl, en sortant de la Chancellerie, place Vendôme.
De son côté, le ministère a évoqué « une réunion de travail constructive » et a confirmé qu’« un courrier faisant part des pistes de propositions » serait envoyé dans la soirée, hier lundi 13 janvier, ou aujourd’hui, mardi 14 janvier.
« La mobilisation des avocats et leur détermination sont totales », concluent les instances. Les barreaux français ont annoncé maintenir la grève, notamment celui de Lyon où se déroule le procès du prêtre Preynat, qui a dû être renvoyé d’une journée, hier, en raison de la grève et la suspension des robes sur les balustrades du TGI.
Les avocats se mobilisent depuis plusieurs semaines contre le projet de réforme des retraites du gouvernement. « Ce dernier prévoit l’absorption dans le régime universel du régime autonome des avocats, provoquant notamment un doublement des cotisations à 28% et la baisse des pensions », rappelle la profession.
Dans le cadre d’un contrat de partenariat qui le lie à la SNCF Réseau, un groupement d’intérêt économique (GIE) a conclu deux contrats de sous-traitance avec un groupement pour la réalisation de travaux préparatoires de terrassement, d’ouvrage d’art et de rétablissement de communication. Les conditions générales auxquelles se réfère le contrat prévoyaient un arbitrage en amiable composition sous l’égide de l’Association française d’arbitrage.
À la suite de différends entre les parties, un tribunal arbitral annula le contrat de sous-traitance en application de l’article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. Il semble en effet qu’en violation de ce texte d’ordre public, le GIE n’avait pas fourni au moment de la conclusion du contrat une copie de l’acte général de cautionnement, seul document donnant au sous-traitant l’assurance de l’existence de la garantie exigée par la loi pour assurer la sécurité financière de l’opération.
Le recours en annulation introduit contre cette sentence par le GIE s’articulait principalement autour de la décision de l’arbitre d’appliquer strictement ce texte alors que le tribunal arbitral aurait méconnu sa mission d’amiable compositeur en refusant d’écarter la nullité prévue par la loi du 31 décembre 1975, un tel refus n’étant justifié, selon le recours, qu’en présence de dispositions d’ordre public de direction et non de protection. Le demandeur soutenait encore que l’interprétation erronée de ce texte constituait une violation d’une règle d’ordre public.
L’arrêt rapporté rejette le recours en jugeant que « l’amiable compositeur qui s’estime tenu de respecter les dispositions d’ordre public de direction agit conformément à sa mission ». En outre, selon la cour d’appel de Paris, « ne viole pas l’ordre public une sentence qui fait application d’une disposition législative qui aurait été qualifiée à tort d’ordre public ».
En jugeant ainsi, la cour d’appel de Paris précise la mission de l’amiable compositeur vis-à-vis de la règle d’ordre public et le contrôle du juge de l’annulation sur l’application de ces règles.
La mission de l’amiable compositeur confronté à une règle d’ordre public
Le rôle de l’amiable compositeur ne se limite pas à un pouvoir. Il doit être compris comme un devoir d’utiliser ses prérogatives afin d’éliminer l’inéquité (v. E. Loquin, L’arbitrage du commerce international, Joly, 1980, n° 401, p. 326 ; adde, E. Loquin, note sous Civ. 1re, 1er févr. 2012, ETE c. Gascogne paper, Rev. arb. 2012. 91, spéc. p. 102 ; P. Giraud, Le devoir de l’arbitre de se conformer à sa mission, Bruylant, 2017, nos 203 et 372). Ainsi, l’arbitre qui applique à la lettre la règle de droit sans s’interroger sur le caractère équitable de sa décision ne motive pas sa sentence en équité et méconnaît donc sa mission (Civ. 2e, 18 oct. 2001, Rev. arb. 2002. 361, note C. Jarrosson ; Civ. 2e, 10 juill. 2003, n° 01-16.964, D. 2003. 2474 , obs. T. Clay ; RTD com. 2003. 698, obs. E. Loquin ; ibid. 2004. 252, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2003. 1361, note J.-G. Betto ; Civ. 28 nov. 2007, Rev. arb., 2008. 99, note V. Chantebout ; Civ. 1re, 1er févr. 2012, Rev. arb. 2012. 91, note E. Loquin ; v. E. Loquin, Pouvoirs et devoirs de l’amiable compositeur, Rev. arb. 1985. 99). Sa sentence encourt donc l’annulation (v. J.-B. Racine, Droit de l’arbitrage, PUF, 2016, nos 789 s., p. 502).
Précisément, en l’espèce, le recours en annulation reprochait à l’amiable compositeur d’avoir méconnu sa mission en appliquant l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975.
L’amiable compositeur peut pourtant employer des règles de droit s’il justifie qu’elles aboutissent à un résultat équitable. Surtout, le pouvoir d’éviction de l’arbitre statuant ex aequo et bono n’est pas illimité : « l’amiable compositeur ne peut pas écarter toute règle de droit. Il peut uniquement écarter les droits nés de l’application de règles auxquelles les parties peuvent valablement renoncer » (C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., LGDJ, 2019, n° 884 p. 878).
L’amiable compositeur peut donc, en principe, écarter les règles supplétives mais reste tenu d’appliquer les règles auxquelles on ne saurait déroger. Comme le rappelle ici la cour d’appel, « la clause d’amiable composition est une renonciation conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit, […] sauf lorsqu’est en cause une disposition d’ordre public au bénéfice de laquelle une partie ne peut renoncer ».
La sentence et l’arrêt rapporté rappellent à juste titre qu’il convient, même en matière d’amiable composition, d’établir une distinction entre l’ordre public de direction et l’ordre public de protection.
Pour justifier l’application stricte de la loi du 31 décembre 2019, le tribunal arbitral avait estimé que « l’ordre public de la loi du 31 décembre 1975 a pour fonction de protéger l’organisation sociale et économique de la société française contre les faillites en cascade résultant pour les sous-traitants et leurs créanciers de la défaillance de l’entrepreneur principal » et que « la loi du 31 décembre 1975 rend indisponible le droit de demander la nullité du contrat de sous-traitance d’une manière absolue, dès lors que, comme paraît l’admettre la jurisprudence, la nullité est une nullité de direction ». Le tribunal en avait conclu qu’« à peine d’un risque d’annulation de la sentence, ses pouvoirs d’amiable compositeur ne lui permettaient pas en l’espèce d’écarter en équité la nullité prévue par la loi du 31 décembre 1975 ».
Ce motif de la sentence fut critiqué par le recours qui soutenait qu’en retenant une solution dictée par des dispositions légales l’arbitre ne s’était pas acquitté de sa mission d’amiable compositeur. L’argument est rejeté par la cour qui juge qu’« en constatant qu’il demeurait tenu de respecter les dispositions de l’ordre public de direction au risque d’encourir l’annulation de la sentence, l’arbitre statuant en amiable composition a respecté sa mission ».
Cette décision, fondée sur la distinction entre ordre public de direction et ordre public de protection, mérite l’approbation mais fait naître une part d’inquiétude.
L’arrêt rappelle à juste titre que l’amiable compositeur ne peut passer outre les règles d’ordre public de direction, quand bien même le recourant se prévaudrait de leur caractère inéquitable. En l’espèce, on doit saluer les efforts de pédagogie de l’arbitre qui, conscient des devoirs que lui impose sa mission, explique les raisons qui le conduisent à retenir la solution dictée par la stricte application de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975. La sentence rappelle que, si ce texte impose quelques obligations de forme, dont la violation ne semble certes pas en équité mériter l’annulation du contrat de sous-traitance, elles ne constituent pas de simples formalités mais visent à « l’assurance pour le sous-traitant de la fourniture effective d’un cautionnement le garantissant de façon certaine en cas de défaillance de l’entrepreneur principal ».
Comme elle poursuit l’objectif d’éviter des faillites en cascade, la loi du 31 décembre 1975 constitue, dans ses dispositions visant à assurer le paiement du sous-traitant, une loi de police (v. M.-E. Ancel, La protection internationale du sous-traitant, Trav. Com. fr. DIP 2010. 225), notion qui recoupe l’ordre public de direction en ce que l’une et l’autre visent respectivement la sauvegarde des intérêts économiques du pays et la préservation de l’intérêt général. Le respect de cette loi ne saurait donc dépendre du bon gré des parties, qui ne peuvent valablement y renoncer. C’est donc à juste titre que l’arbitre, approuvé par la cour d’appel, retient que ses pouvoirs d’amiable compositeur, conférés par des volontés individuelles, ne lui permettent pas d’écarter les dispositions de ce texte.
Doit-on en conclure, a contrario, que les pouvoirs d’amiable compositeur autoriseraient l’arbitre à écarter les règles d’ordre public de protection ? Une telle solution poserait une série de difficultés.
Comme nous l’avons vu, l’amiable composition permet « uniquement [d’]écarter les droits nés de l’application de règles auxquelles les parties peuvent valablement renoncer » (v. C. Seraglini et J. Ortscheidt, op. cit.) ou, comme le dit la cour d’appel, elle trouve sa limite « lorsqu’est en cause une disposition d’ordre public au bénéfice de laquelle une partie ne peut renoncer ».
La distinction opérée par l’amiable compositeur entre ordre public de direction préservant l’intérêt général et règles impératives visant à la protection d’intérêts particuliers semble donc à première vue justifiée puisque la volonté individuelle ne peut renoncer qu’aux secondes. Mais peut-on estimer que, par la clause d’amiable composition les parties renoncent valablement aux règles d’ordre public de protection ? Un arrêt récent semble avoir admis, au sujet d’une clause de non-concurrence qu’« en stipulant dans les statuts de la société une clause d’arbitrage en amiable composition, et en réitérant ce choix dans l’acte de mission, les parties ont affranchi le tribunal arbitral du respect des règles d’ordre public de protection » (Paris, 19 déc. 2017, n° 16/11404, Dalloz actualité, 29 janv. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Gaz. Pal. 2018, n° 11, p. 28, obs. D. Bensaude ; Rev. arb. 2018. 292). Une réponse positive n’est pas donc pas exclue d’emblée. Quatre objections doivent néanmoins être soulevées.
Tout d’abord, le principe d’effectivité du droit de l’Union semble conduire la Cour de justice de l’Union européenne à considérer avec réticence la renonciation devant l’arbitre aux règles de protection édictées par l’Union européenne. C’est du moins le cas du droit de la consommation (CJCE 26 oct. 2006, aff. C-168/05, Mostaza Claro, Dalloz actualité, 5 déc. 2006, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2006. 2910, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 3026, obs. T. Clay ; ibid. 2007. 2562, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RTD civ. 2007. 113, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 633, obs. P. Théry ; JDI 2007. 581, note A. Mourre ; Rev. arb., 2007. 109, note L. Idot ; JCP 2007. I. 168, § 1, obs. C. Seraglini ; Gaz. Pal., 29 avr.-3 mai 2007, p. 17, obs. F.-X. Train ; LPA 2007, n° 152, p. 9, obs. C. Legros ; ibid., n° 189, p. 9, note G. Poissonier et J.-P. Tricoit ; RDAI 2007, n° 14, p. 55, obs. C. Nourissat ; Europe 2006, n° 378, p. 28, obs. L. Idot).
De plus, la renonciation au bénéfice des règles protectrices comporte une condition temporelle : elle n’est valable que lorsqu’a disparu le motif qui justifiait l’impérativité, soit, le plus souvent, après la naissance du litige. Dès lors, dans la mesure où la clause d’amiable composition est le plus souvent acceptée lors de la signature du contrat, cette condition ne sera que rarement satisfaite (v. M. de Fontmichel, Le faible et l’arbitrage, Economica, 2013, n° 485, p. 264). Ainsi, selon E. Loquin, « la clause d’amiable composition, insérée dans la clause compromissoire, ne permettra jamais aux arbitres d’écarter les droits des parties protégés par l’ordre public de protection. La renonciation qu’elle manifeste intervient, par hypothèse, à une époque où les parties n’ont pas acquis la libre disposition des droits protégés » (E. Loquin, L’arbitrage du commerce international, op. cit., n° 405, p. 331 ; adde, J.-Cl pr. civ., fasc. 1038, spéc. n° 91). Ainsi, l’arrêt du 19 décembre 2017 précité, qui admet que la clause d’amiable composition permet à l’arbitre d’écarter les règles de protection, prend soin de noter que les parties avaient réitéré leur choix dans l’acte de mission.
Surtout, l’amiable compositeur n’est censé écarter la loi que pour des motifs d’équité. Or on conçoit difficilement que les règles conçues pour protéger les plus faibles puissent être jugées inéquitables. Le législateur met en place des règles destinées à venir en aide à certaines catégories réputées faibles en compensant un déséquilibre économique par une faveur juridique. Ainsi sont protégés, parmi d’autres catégories, le consommateur, le salarié, le franchisé ou, comme en l’espèce, le sous-traitant qui, s’il n’est pas toujours en état de faiblesse, se trouve du moins fragilisé du fait des menaces que sa position dans l’opération contractuelle fait peser sur sa rémunération.
On peut admettre que ces règles de protection deviennent inéquitables lorsque la présomption de faiblesse posée par la loi n’est pas justifiée au regard des faits de la cause et/ou lorsque la situation économique des litigants ne correspond pas à la catégorie à laquelle la loi les assigne. Tel serait le cas lorsque, par exemple, le sous-traitant est une grande entreprise à laquelle un modeste maître d’œuvre n’est pas en mesure de dicter ses conditions.
Mais peut-on dire que, par la clause d’amiable composition, la partie réputée faible renonce en connaissance de cause à une mesure protectrice ? Certes, selon la cour d’appel, « la clause d’amiable composition est une renonciation conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit » (v. déjà, Paris, 28 nov. 1996, Rev. arb. 1997. 381, note E. Loquin ; 4 nov. 1997, Rev. arb. 1998. 704, obs. Y. Derains). Cependant, selon la théorie générale de l’acte abdicatif, le fait de se départir de ses prérogatives est un acte grave qui, à ce titre, ne se présume pas (v. Rép. civ., v° Renonciation, par F. Dreifuss-Netter, nos 39 s ; Les renonciations au bénéfice de la loi en droit privé, Travaux de l’association Henri-Capitant, 1959-1960, vol. XIII) mais doit résulter d’une manifestation de volonté claire et dépourvue d’ambiguïté (v. not. Paris, 14 mars 1991, Esso c. Sarl Stationnement du Stade, D. 1991. 127 ). Peut-on dire que la partie faible qui demande à être jugée en équité abdique sans équivoque les mesures par lesquelles la compassion du législateur entend secourir sa détresse ?
Une réponse catégorique semblerait bien téméraire. On peut même considérer qu’une telle solution n’est pas sans danger dans le contexte actuel d’extension de l’arbitrabilité ratione personae (réforme de C. civ., art. 2061) et de faveur envers les modes alternatifs de résolution des litiges (v. L. n° 2019-222, 23 mars 2019). L’extension des matières arbitrables aux parties qui ne contractent pas dans le cadre de leur activité professionnelle ne devrait pouvoir s’envisager qu’à la condition d’assurer le respect des règles protectrices prévues par le législateur, quand bien même elles bénéficieraient à de riches consommateurs dans des litiges qui les opposeraient à de modestes commerçants.
Reste à savoir si l’amiable compositeur qui choisirait d’appliquer strictement la loi au motif erroné qu’il s’agit d’une règle d’ordre public de direction exposerait sa sentence à un risque d’annulation. Dans la mesure où ils peuvent mettre leur décision à l’abri de toute critique en se contentant de la déclarer équitable (v. P. Giraud, Le devoir de l’arbitre de se conformer à sa mission, op. cit., n° 377 ; E. Loquin, L’arbitrage du commerce international, op. cit., n° 402 p. 327 in fine ; Civ. 2e, 8 juill. 2004, JCP 2004. I. 179, obs. C. Seraglini ; contra Paris, 10 mai 2007, Rev. arb., 2007. 825, note V. Chantebout), il est peu probable qu’un amiable compositeur paresseux use volontairement de cette manœuvre pour méconnaître les devoirs attachés à sa mission. C’est donc sur le fondement de l’ordre public que cette qualification erronée doit être contrôlée. La cour juge à ce sujet que « ne viole pas l’ordre public une sentence qui fait application d’une disposition législative qui aurait été qualifiée à tort d’ordre public ». L’erreur dans l’application d’une règle impérative ne se confond en effet pas avec une violation de l’ordre public.
Le contrôle de la violation de l’ordre public
Le recours reprochait encore à l’arbitre d’avoir violé l’ordre public en retenant une interprétation erronée de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975, ce qui, selon le demandeur, aurait conduit à l’annulation injustifiée du contrat de sous-traitance.
La Cour écarte le grief en jugeant que « le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne porte que sur la solution donnée au litige, l’annulation n’étant encourue que dans la mesure où cette solution heurte l’ordre public. Mais ne viole pas l’ordre public une sentence qui fait application d’une disposition législative qui aurait été qualifiée à tort d’ordre public ».
La Cour confirme ici sa jurisprudence en vertu de laquelle c’est dans la solution du litige et non dans la motivation de la sentence que réside le siège de l’atteinte à l’ordre public (v. J.-B. Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, LGDJ, 1998, n° 972, p. 543). Dès lors, la mauvaise application d’une règle d’ordre public, à la supposer établie, ne suffit pas en soi à constituer une violation de l’ordre public justifiant l’annulation d’une sentence arbitrale. Il faut encore que la solution retenue porte atteinte aux objectifs protégés par cette loi.
Violation de l’ordre public et erreur dans l’application d’une règle impérative ne sont en effet pas synonymes. Une telle violation résulte certes le plus souvent d’une mauvaise application d’une règle impérative mais l’erreur de droit peut ne pas donner lieu à une telle atteinte s’il n’en découle pas une solution contraire à l’ordre public.
Ainsi, si un tribunal arbitral estime à tort qu’un contrat licite constitue une entente prohibée, sa solution ne porte pas atteinte à l’ordre public malgré l’appréciation erronée d’une règle impérative dans la mesure où la libre concurrence n’est pas affectée par la sentence (v. P. Mayer, La sentence contraire à l’ordre public au fond, Rev. arb. 1994. 615, spéc. n° 18, p. 631 ; J.-B. Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, op. cit., n° 977, p. 546 ; P. Fouchard, L’arbitrage international en France après le décret du 12 mai 1981, JDI 1982. 374 ; P. Bellet et E. Mezger, L’arbitrage international dans le NCPC, Rev. crit. DIP 1981. 611, spéc. p. 648).
En l’espèce, l’erreur de l’arbitre, à la supposer établie, aurait consisté en l’annulation injustifiée d’un contrat de sous-traitance faute de caution garantissant le paiement du sous-traitant. La sentence qui annule le contrat n’exposerait pas le sous-traitant à un risque de non-paiement ; l’économie nationale ne serait donc pas confrontée au danger de faillites en cascade. Seul l’intérêt de l’entrepreneur serait lésé alors que sa protection n’est pas l’objectif de la loi du 31 décembre 1975.
Le contrôle du juge de l’annulation n’a en effet pas pour but de protéger les droits des parties au regard des règles impératives mais doit se contenter de contrôler si la solution de la sentence porte atteinte aux objectifs et valeurs que les règles d’ordre public ont pour but de sauvegarder. On peut toutefois penser que l’extension de l’arbitrabilité ratione personae aux parties faibles appelle un infléchissement de la jurisprudence sur ce point.
Curieusement, la cour retient en outre que « l’arbitre n’a pas annulé le contrat de sous-traitance au seul motif de l’absence de remise par l’entrepreneur principal au sous-traitant d’une garantie bancaire au moment de la signature du contrat de sous-traitance, mais a aussi constaté l’absence de toute caution ». Elle se livre ici à un examen approfondi de la motivation de la sentence pour juger qu’au surplus, l’arbitre a retenu une interprétation correcte de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 (pour un ex. récent d’un contrôle étendu de la bonne application par l’arbitre de la loi du 31 déc. 1975, v. Paris, 23 oct. 2018, CMO c. Lavalin, Rev. arb. 2019. 508, note V. Chantebout).
Le bien-fondé et la rectitude du raisonnement de l’arbitre confortent donc la décision de rejet du recours en annulation. On a ainsi vu les cours d’appel se livrer à un contrôle très approfondi de la motivation des sentences lorsqu’un tel contrôle permettait de sauver des sentences qui auraient autrement été compromises (v. V. Chantebout, Le principe de non-révision des sentences arbitrales, thèse Paris II, ss la dir. de C. Jarroson, 2007, spéc. nos 266 s.). Dans la mesure où un tel examen n’était pas nécessaire en l’espèce pour rejeter le recours, il est permis d’y voir le signe que la cour d’appel de Paris entend maintenir à l’avenir l’intensité du contrôle auquel elle se livre en matière d’ordre public depuis 2014 (v. C. Seraglini et J. Ortscheidt, op. cit., n° 1004, p. 996). La décennie qui s’ouvre nous le dira.
L’arrêt rapporté apporte d’utiles précisions sur la mission de l’amiable compositeur confronté aux règles d’ordre public et sur l’intensité du contrôle auquel se livre le juge de l’annulation.
Juste avant la date d’échéance du délai de mise en place du CSE dans les entreprises d’au moins onze salariés (le 31 décembre 2019), la Cour de cassation distillait de précieuses indications sur une règle de représentation équilibrée – de mixité proportionnelle – issue de la loi du 17 août 2015 puis modifiée par l’ordonnance du 22 septembre 2017.
L’arrêt rapporté apporte d’utiles précisions sur la mission de l’amiable compositeur confronté aux règles d’ordre public et sur l’intensité du contrôle auquel se livre le juge de l’annulation.
Seule la faute de la victime directe doit être prise en compte par le juge pour déterminer si la réparation doit être refusée ou si son montant doit être réduit. L’existence d’un recours subrogatoire est indifférente dans cette détermination et la faute de la victime directe est opposable à la victime indirecte même « innocente ».