L’opposabilité de la faute de la victime directe à la victime indirecte

Au cours d’une sévère algarade entre des consommateurs de stupéfiants et un trafiquant, ce dernier est tué. Ses meurtriers sont reconnus coupables par une cour d’assises. L’homme laisse derrière lui une petite fille de deux ans, victime par ricochet. L’administratrice légale de l’enfant saisit la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) afin que soit réparés ses préjudices sur le fondement de l’article 706-3 du code de procédure pénale. Celle-ci fait droit à une partie des demandes et le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) interjette appel de sa décision. 

Par une lecture in concreto des éléments du dossier, la Cour d’appel considère que la faute de la victime directe doit être prise en compte mais qu’elle n’était pas véritablement déterminante de sa fin tragique. Elle ajoute que la victime indirecte étant « parfaitement innocente », cela justifierait de ne pas réduite son droit à indemnisation. Elle rappelle, enfin, que les auteurs du crime n’ont à ce jour effectué aucun paiement et qu’il appartient au FGTI de se retourner vers eux pour obtenir les sommes avancées par le Fonds de solidarité. Ce dernier forme un pourvoi en cassation.

Il s’agit de savoir si de tels éléments pouvaient être retenus par la cour d’appel pour évaluer le montant de la réduction accordée à la victime indirecte.

La deuxième chambre civile, dans un arrêt signalé (F-P+B+I) du 12 décembre 2019, décide que seule doit être prise en compte la faute de la victime directe pour déterminer si le montant de la réparation accordée à la victime indirecte doit être réduit entièrement ou partiellement. Les autres motifs employés par la cour d’appel étant inopérants.

Sur la prise en compte de la réaction disproportionnée des meurtriers

Conformément à l’article 706-3 du code de procédure pénale « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits […] qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages ». On entend par « toute personne », les victimes directes de cette infraction mais aussi les victimes indirectes comme la petite fille dans cette espèce (V. par ex. Civ. 2e, 5 nov. 1998, n° 96-20.657, Roudil (Cts) c/ Fonds de garantie des victimes des actes de...

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Action en report de la cessation des paiements : conséquences de l’expiration du délai pour agir

Lorsque le délai d’un an fixé par l’article L. 631-8 du code de commerce pour agir en report de la date de cessation des paiements est déjà expiré, aucune régularisation de la procédure n’est plus possible.

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La garantie subséquente de l’assuré sacrifiée sur l’autel d’une clause illicite

Sur la question de la temporalité, en assurances de responsabilité, le professeur Marly introduit la problématique en présentant que, « théoriquement, l’assureur de dommages doit sa garantie pour les sinistres survenus entre la prise d’effet et l’extinction du contrat d’assurance. Reste qu’un sinistre est parfois constitué d’une succession d’événements entre lesquels peut s’écouler un intervalle plus ou moins long. Il s’agit de déterminer si tous ces événements ou seulement certains d’entre eux doivent se produire durant la période contractuelle afin que la garantie s’applique au sinistre. La question est particulièrement délicate en assurance de responsabilité civile où le sinistre suppose la réunion de trois éléments : un fait dommageable, un préjudice consécutif et une réclamation amiable ou judiciaire de la victime. Si tous ces éléments adviennent pendant la durée du contrat d’assurance, la garantie est indiscutablement acquise. En revanche, qu’en est-il lorsque la réclamation intervient en cours de la période contractuelle tandis que le fait dommageable est antérieur ? Inversement, la garantie est-elle due si le fait dommageable advient pendant le contrat alors que la réclamation est postérieure à l’extinction de celui-ci ? » (P.-G. Marly, Droit des assurances, Dalloz, 2013, n° 188).

La très regrettée professeure Carval a complété le propos en soulignant que, « pour concilier ces impératifs contradictoires de protection des assurés et de bonne gestion de l’assurance de responsabilité, le législateur a opportunément distingué entre deux catégories de contrats, ceux souscrits par les particuliers pour lesquels c’est le souci de protection de l’assuré qui l’emporte, ce qui conduit à maintenir la prohibition des clauses de réclamation, et les autres pour lesquels il a été jugé préférable d’autoriser les parties à stipuler de telles clauses avec pour contrepartie une garantie subséquente obligatoire d’une durée minimum imposée. Le régime légal de l’étendue de la garantie dans le temps trouve ainsi un certain équilibre. Même lorsqu’elle est stipulée, la clause base réclamation n’est d’ailleurs plus aussi dangereuse qu’autrefois pour les assurés, depuis qu’une loi du 17 juin 2008 a considérablement réduit la durée de la prescription de l’action en responsabilité civile » (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité. Traité de droit civil, J. Ghestin [dir.], LGDJ, 4e éd., 2017, p. 586, n° 450).

La deuxième chambre civile a eu l’occasion, dans un arrêt du 12 décembre 2019, de revenir sur les règles relatives à la garantie dans le temps en assurances de responsabilité, en lien avec la garantie subséquente et la résiliation pour non-paiement de la prime.

À l’origine de l’affaire, une société intervenant dans le domaine du bâtiment a souscrit auprès d’une société d’assurance le 18 décembre 2006, avec effet au 17 novembre 2006, un contrat d’assurance de responsabilité civile, couvrant notamment les dommages résultant de la faute inexcusable de l’assuré. Le 17 avril 2007, un salarié de la société assurée s’est blessé en chutant d’un échafaudage. Le gérant de cette société a été condamné du chef de blessures involontaires aggravées. Parallèlement à la procédure pénale, le salarié victime a saisi le 3 septembre 2010 une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, placé depuis lors en liquidation judiciaire. Par un arrêt du 10 mai 2012, une cour d’appel a accueilli ses demandes et déclaré la décision opposable à la société d’assurances. La caisse primaire d’assurance maladie a assigné le 19 février 2013 la société d’assurances en remboursement de la somme de 58 072 € dont elle avait fait l’avance au salarié.

La cour d’appel de Grenoble a condamné l’assureur à payer à la caisse la somme avancée par celle-ci au salarié et l’a débouté de l’intégralité de ses demandes (Grenoble, 6 févr. 2018). L’assureur s’est ainsi pourvu en cassation, avec pour argumentation principale le fait que, lorsque la garantie est déclenchée par la réclamation, l’assureur n’est néanmoins pas tenu à sa garantie dès lors que la réclamation est parvenue à une date à laquelle la garantie était suspendue ou le contrat d’assurance était résilié pour défaut de paiement des primes par l’assuré, et ce même si la réclamation parvient avant l’expiration du délai subséquent prévu au contrat.

La question qui se posait consistait à savoir si la clause de la police d’assurance selon laquelle l’article L. 124-5 du code des assurances concernant la garantie pendant le délai subséquent n’était pas applicable en cas de résiliation pour non-paiement de la prime était licite.

La deuxième chambre civile a rejeté son pourvoi, confirmant l’illicéité d’une telle clause. La décision confronte trois textes du code des assurances : les articles L. 124-5, L. 111-2 et L. 133-3. Elle s’inscrit dans un mouvement d’oscillation jurisprudentielle.

La confrontation de trois textes du code des assurances

En premier lieu, « introduit par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, l’article L. 124-5, à la rédaction quelque peu complexe, réintroduit, en les encadrant, les clauses de réclamation de la victime en droit français » (L. Perdrix, comm. sous art. L. 124-5, C. assur. ; Code de la mutualité, Dalloz, 25e éd., 2019, p. 301). L’article L. 124-5 du code des assurances (créé par L. n° 2003-706, 1er août, art. 80 II, VII, JO 2 août, en vigueur le 2 novembre 2003) dispose que :

« La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu’elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d’État peut également imposer l’un de ces modes de déclenchement pour d’autres garanties.

Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième alinéa du présent article.

La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.

La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.

Lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d’effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu’il soit fait application des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 121-4.

Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux garanties d’assurance pour lesquelles la loi dispose d’autres conditions d’application de la garantie dans le temps ».

La rédaction de l’article L. 124-5, alinéa 4, est certes « alambiquée » et « il en résulte que les réclamations intervenues pendant ce délai sont couvertes, pour autant que le fait dommageable est antérieur au point de départ de celui-ci et donc à l’expiration de la garantie » (J. Bigot [dir.], Traité de droit des assurances. Tome 5 Les assurances de dommages, préf. G. Durry, LGDJ, 2017, n° 1539). Par ailleurs, la garantie subséquente a un caractère subsidiaire et reste d’un coût modique en comparaison avec la reprise du passé illimitée dans le temps prévue par la loi (B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva [dir.], Code des assurances 2019, 13e éd., LexisNexis, 2019, ss art. L. 124-5, p. 369).

En deuxième lieu, l’article L. 111-2 du code des assurances (modifié par l’ord. n° 2017-1433, 4 oct. 2017, art. 1) retient que :

« Ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres Ier, II, III et IV du présent livre, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues au dernier alinéa du I et au II de l’article L. 111-10 et dans les articles L. 112-1, L. 112-5, L. 112-6, L. 113-10, L. 121-5 à L. 121-8, L. 121-12, L. 121-14, L. 122-1, L. 122-2, L. 122-6, L. 124-1, L. 124-2, L. 127-6, L. 132-1, L. 132-10, L. 132-15 et L. 132-19 ».

La doctrine explique qu’« afin de protéger les assurés, le législateur a pris le parti non pas d’énumérer les règles d’ordre public, mais bien au contraire d’énoncer limitativement les règles supplétives de volonté. Autrement dit, pour assurer une meilleure protection de l’assuré, le législateur a fait de la liberté contractuelle l’exception. Dans cette optique, l’article L. 111-2 indique quels sont les articles contenant des règles supplétives et précise que ces règles sont celles qui “donnent aux parties une simple faculté”. Il faut en déduire que toutes les dispositions des articles visés ne sont pas nécessairement supplétives de volonté. Elles ne le sont que si elles confèrent aux parties une faculté » (L. Perdrix, comm. préc., p. 301).

En dernier lieu, l’article L. 113-3 du code des assurances (modifié par L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 72, V) prévoit que :

« La prime est payable en numéraire au domicile de l’assureur ou du mandataire désigné par lui à cet effet. Toutefois, la prime peut être payable au domicile de l’assuré ou à tout autre lieu convenu dans les cas et conditions limitativement fixés par décret en Conseil d’État.

À défaut de paiement d’une prime, ou d’une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l’assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d’une des fractions de prime, produit ses effets jusqu’à l’expiration de la période annuelle considérée. La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de l’assuré.

L’assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l’expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article.

Le contrat non résilié reprend pour l’avenir ses effets, à midi le lendemain du jour où ont été payés à l’assureur ou au mandataire désigné par lui à cet effet, la prime arriérée ou, en cas de fractionnement de la prime annuelle, les fractions de prime ayant fait l’objet de la mise en demeure et celles venues à échéance pendant la période de suspension ainsi que, éventuellement, les frais de poursuites et de recouvrement.

Lorsque l’adhésion au contrat résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, l’assureur ne peut faire usage des dispositions du présent article relatives à la suspension de la garantie et à la résiliation du contrat.

Les dispositions des deuxième à avant-dernier alinéas du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie » (sur le paiement et le défaut de paiement de la prime, v. J. Bigot [dir.], Code des assurances 2019, L’Argus de l’assurance, 35e éd., 2019, sous art. L. 113-3, p. 124 s.).

Une affaire jugée sous le visa de ces deux seuls derniers articles (C. assur., art. L. 111-2 et 113-3) donne un premier éclairage. Un assuré n’a pas payé à son échéance la prime d’avril 2006 du contrat d’assurance habitation souscrit auprès d’une société d’assurances. Une lettre de mise en demeure lui a été envoyée le 4 juillet 2006. Le 14 février 2008, l’assuré a saisi une juridiction de proximité pour demander la condamnation de l’assureur à lui payer des dommages-intérêts pour résiliation abusive. La juridiction de proximité de Paris 8e, par un jugement du 9 mars 2009, l’a débouté de sa demande. L’assuré, demandeur au pourvoi en cassation, a soutenu que les dispositions d’ordre public de l’article L. 113-3 du code des assurances ne peuvent pas être modifiées par convention en vertu de l’article L. 111-2 du même code et qu’ainsi la juridiction de proximité a violé ces textes. La Cour de cassation a rejeté son pourvoi aux motifs que « le jugement, après avoir rappelé que selon l’article 5-2 du contrat d’assurance l’assuré était tenu de payer sa cotisation dans les vingt jours de son échéance, retient exactement que cette disposition est plus avantageuse pour l’assuré que celles de l’article L. 113-3 du code des assurances, qui prévoient un délai de dix jours, puis constate que [l’assuré] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque faute commise par l’assureur » (Civ. 2e, 9 déc. 2010, n° 09-71.998, RGDA 2011. 495, note A. Pélissier). En définitive, la doctrine soulignait déjà que « les parties au contrat ne peuvent convenir de réduire les délais de protection de l’assurée en cas de non-paiement, par ce dernier, de la prime due à l’assureur puisque l’article L. 113-3 est d’ordre public. Les conséquences du défaut de paiement sont encadrées très strictement, et ce dans l’intérêt de l’assuré. Le contrat d’assurance peut néanmoins prévoir un dispositif plus favorable pour l’assuré » (B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva [dir.], op. cit., sous art. L. 113-3, p. 112).

L’oscillation jurisprudentielle

La jurisprudence contra legem de la deuxième chambre civile de 2012

À l’origine d’une affaire ayant trouvé son issue devant la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en 2012, une société assurée reprochait, dans son pourvoi, à l’arrêt d’appel de rejeter sa demande en garantie formée à l’encontre de son assureur.

Au titre d’un troisième moyen, il était soutenu que, « selon l’article L. 124-5 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration, ce qui ne peut être inférieur à cinq ans ; qu’en l’espèce, il résulte des propres conclusions d’appel de la société Allianz et des constatations de la cour d’appel que la garantie due par cette dernière avait été suspendue le 23 juin 2004, et que les réclamations de la société Aviva, déclenchant la garantie, était parvenues à la société Sécurité et services le 29 juin 2004 ; qu’il en résulte que ces réclamations avaient été adressées dans le délai de garantie subséquent de cinq ans à compter de la suspension du contrat, de sorte que la garantie de la société Allianz était due ; qu’en retenant que la société Allianz refusait à juste titre sa garantie dès lors que la réclamation était postérieure à la suspension du contrat, la cour d’appel a violé les articles L. 124-1 et L. 124-5 du code des assurances ».

Néanmoins, la deuxième chambre civile a jugé que le moyen n’était pas fondé et que la cour d’appel avait exactement déduit que la garantie de la société d’assurances n’était pas due à la société assurée, car ses constatations et énonciations procédaient « de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve ». À ce titre, l’arrêt d’appel « relève qu’il résulte de l’article 1.9 du contrat souscrit par la société Sécurité et services auprès de la société AGF IART que sont couvertes toutes les conséquences dommageables d’un événement survenu entre la date de prise d’effet et de cessation du contrat susceptible d’entraîner la garantie de l’assureur, pour autant qu’une réclamation ait été formulée durant la période de garantie ; que par lettre-avenant en date du 5 janvier 2004, cet assureur a informé la société Sécurité et services des modifications de son contrat, en précisant que la garantie est déclenchée par une réclamation comme le définit l’article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances ; que cette lettre-avenant précisant que la garantie est déclenchée par la réclamation, c’est à juste titre que la société AGF IART a refusé sa garantie dès lors que les réclamations de la société Aviva sont parvenues à la société Sécurité et services le 29 juin 2004, date à laquelle les garanties étaient suspendues en raison du défaut de paiement des primes par cette dernière » (Civ. 2e, 24 mai 2012, n° 10-27.972, RCA 2012. Comm. 257, note H. Groutel ; RGDA 2013. 174, note J. Kullmann ; JCP 2013, n° 400, nos 18 s., note L. Mayaux).

La doctrine s’est émue de cette jurisprudence contra legem, rappelant ainsi que « l’octroi de délais supplémentaires permet la prise en charge d’une réclamation adressée soit à l’assuré, soit à l’assureur après la résiliation ou l’expiration de la garantie. L’objet de la garantie subséquente est donc limité aux réclamations rattachées à des faits dommageables connus à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie. En continuité de base réclamation et à chaque changement d’assureur, la garantie subséquente sera déclenchée pour des réclamations rattachées à des faits dommageables relevant du passé connu. Ce n’est malheureusement pas la solution retenue par la deuxième chambre civile dans une décision du 24 mai 2012 sévèrement critiquée. Cette formation de la haute cour a en effet rejeté la demande de garantie formulée postérieurement à la suspension du contrat (pour non-paiement des primes) alors même que le fait dommageable était survenu avant l’expiration du contrat. Ne respectant nullement le quatrième alinéa de l’article L. 124-5, une telle décision ne mérite pas approbation et devrait rester isolée » (B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva [dir.], op. cit., sous art. L. 124-5, p. 359). Il s’agit encore d’un exemple contemporain du déclin de la loi (G. Ripert, Le déclin de la loi, LGDJ, 1949, nos 21 s.).

Les cours d’appel ont alors fait preuve d’une belle résistance.

La résistance des juridictions du fond de 2012 à 2019

Une garantie subséquente minimale de cinq ans est légalement prévue pour une garantie souscrite en base réclamation (J. Bigot [dir.], Traité de droit des assurances. Tome 5 Les assurances de dommages, préf. G. Durry, LGDJ, 2017, n° 1539). Une telle garantie demeure mobilisable si sa date de résiliation, d’expiration ou de suppression est postérieure au fait dommageable. Autrement dit, « la garantie subséquente, après résiliation du contrat ou de la garantie, couvre les réclamations formulées pendant sa durée concernant des faits dommageables survenus avant la résiliation du contrat ou des garanties » (J. Bigot [dir.], Code des assurances 2019, L’Argus de l’assurance, 35e éd., 2019, sous art. L. 124-5, p. 258). Il ressort d’une décision d’appel qu’en aucun cas, une entreprise d’assurance ne saurait la subordonner à la recherche préalable par un assuré d’un autre assureur susceptible d’être appelé en priorité pour le garantir (Bordeaux, 20 juin 2013, n° 11/05656, Dalloz jurisprudence).

Une société d’assurance a encore été tenue de supporter les conséquences dommageables d’un sinistre après qu’une cour d’appel a écarté une clause contractuelle stipulant que la garantie s’appliquerait exclusivement aux réclamations formulées auprès de l’assuré en cours de la période comprise entre la date de prise d’effet de la convention et la date de résiliation du contrat (Bordeaux, 29 févr. 2012, n° 09/6542, Dalloz jurisprudence).

Des auteurs relèvent que, « d’une manière générale, toute clause qui serait susceptible de faire échec aux règles posées par l’article L. 124-5 du code des assurances en matière de garantie subséquente (sauf protection plus étendue prévue par l’article 80 de la loi du 1er août 2003) doit être proscrite au moins parce que le texte dont il s’agit est d’ordre public » (B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva [dir.], op. cit., p. 359). La cour d’appel de Montpellier a fait application de ce principe dans un arrêt du 9 septembre 2014. Elle a ainsi retenu, préalablement, que « les dispositions de l’article L. 124-5 sont, aux termes de l’article L. 111-2, d’ordre public », avant d’en déduire que, « dès lors, la disposition contractuelle contenue à l’article 2.5 du contrat d’assurance, qui d’ailleurs ne reproduit pas le texte du troisième ou du quatrième alinéa de l’article L. 124-5 […], selon laquelle la garantie n’est pas applicable en cas de non-paiement de la cotisation, doit être considérée comme non écrite » (Montpellier, 9 sept. 2014, n° 13/01356, Dalloz jurisprudence).

On peut à présent se féliciter de ce que la résistance des cours d’appel n’ait pas été vaine, au point d’inciter la deuxième chambre civile à faire machine arrière.

Le revirement confirmé de la deuxième civile de la Cour de cassation en 2019

Dernièrement, la jurisprudence a rappelé que la garantie étant déclenchée par la réclamation de la victime, la seule circonstance que le fait dommageable soit antérieur à la prise d’effet de la garantie ne suffisait pas à exclure sa mise en œuvre (Civ. 2e, 26 mars 2015, n° 14-14.661, RGDA 2015. 269, note A. Pélissier ; RCA 2015, n° 187, note H. Groutel). En outre, le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage (Civ. 3e, 12 oct. 2017, n° 16-19.657, D. 2017. 2098 image ; AJDI 2018. 36 image, obs. F. de La Vaissière image ; Gaz. Pal. 19 déc. 2017, note D. Noguéro ; RGDA 2017. 627, note A. Pélissier).

Il est déjà arrivé, par le passé, que la Cour de cassation censure une clause définissant le sinistre par référence à la manifestation du dommage, et aux termes de laquelle l’assureur refuse sa garantie en présence de dommages se manifestant après l’extinction du contrat (Civ. 1re, 30 mars 1994, n° 92-15.664, Bull. civ. I, n° 120 ; 9 mai 1994, RCA 1994, comm. n° 307, obs. H. Groutel). Puis, sur le fondement d’une notion depuis abandonnée dans la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation a admis que « toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l’assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l’assuré est génératrice d’une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite » (Civ. 1re, 16 déc. 1997, n° 94-17.061, Bull. civ. I, n° 370 ; D. 1998. 287 image, note Y. Lambert-Faivre image ; JCP 1998. II. 10018, concl. P. Sargos ; 3 juill. 2001, RGDA 2001. 104, note L. Mayaux ; RCA 2001, comm. n° 338 ; ibid. chron. n° 21, obs. H. Groutel).

En d’autres termes, la haute juridiction a donc combattu « toute inadéquation de la durée de la garantie d’assurance de responsabilité civile à la durée de la responsabilité encourue par l’assuré » (L. Grynbaum [dir.], Assurances. Droit & pratique, L’Argus de l’assurance, 6e éd., 2019/2020, n° 4088).

La première chambre civile a réitéré cette même formule dans un arrêt du 28 septembre 2004. Toute clause, même d’un contrat d’assurance facultative, ayant pour effet de réduire la durée de la garantie de l’assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l’assuré est génératrice d’une obligation sans cause et doit être réputée non écrite (Civ. 1re, 28 sept. 2004, n° 01-11.474, Bull. civ. I, n° 212 ; D. 2004. 2688 image). La deuxième chambre civile a suivi en 2005 (Civ. 2e, 21 avr. 2005, n° 03-20.683, Bull civ. II, n° 108 ; D. 2005. 1303 image ; Just. & cass. 2006. 308, rapp. R. Lafargue image ; ibid. 314, concl. R. Kessous image). La chambre commerciale, en 2010 (Com. 14 déc. 2010, nos 08-21.606 et 10-10.738, Bull. civ. IV, n° 200 ; D. 2011. 167 image), et la troisième chambre civile, en 2015 (Civ. 3e, 26 nov. 2015, n° 14-25.761, D. 2016. 458 image, note R. Boffa image ; ibid. 566, obs. M. Mekki image ; RDI 2016. 42, obs. J. Roussel image ; ibid. 282, obs. H. Périnet-Marquet image ; RCA 2016, comm. n° 90, note H. Groutel) puis en 2016 (Civ. 3e, 21 janv. 2016, n° 14-27.054, RGDA 2016. 149, note L. Mayaux) ont confirmé cette position à propos de clauses excluant l’indemnisation. En définitive, « nul doute que l’assureur ne saurait neutraliser son obligation de règlement par une stipulation d’une clause exclusive de responsabilité » (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, 2018, p. 483, n° 500).

Dans cet esprit, mais en lien avec la garantie subséquente, la deuxième chambre civile revient sur sa position contra legem de 2012 avec l’arrêt du 25 septembre 2019. Au prix d’un revirement, qu’il convient de saluer, la Cour de cassation a rappelé, d’une part, « qu’il résulte des dispositions de l’article L. 124-5 du code des assurances, qui ne peuvent être modifiées par convention en application de l’article L. 111-2 du même code, que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres » ; d’autre part, « que l’article L. 113-3 de ce code qui fixe les modalités dans lesquelles la garantie peut être suspendue et le contrat résilié en cas de non-paiement des primes ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 124-5 du code des assurances lorsque le fait engageant la responsabilité de l’assuré survient à une date à laquelle la garantie était en vigueur, peu important que la première réclamation n’ait été effectuée qu’après la résiliation du contrat, dans le délai de garantie subséquente » ; enfin, « qu’ayant exactement relevé que l’article L. 124-5 du code des assurances étant d’ordre public, la clause de la police d’assurance selon laquelle la disposition de ce texte concernant la garantie pendant le délai subséquent n’était pas applicable en cas de résiliation pour non-paiement de la prime était illicite et devait être réputée non-écrite ».

La Cour de cassation conclut que la cour d’appel en a à bon droit déduit que la garantie de la société d’assurance était due « après avoir constaté que le fait dommageable était survenu le 17 avril 2007, que la résiliation du contrat d’assurance pour non-paiement de la prime, qui avait donné lieu à une vaine mise en demeure du 12 décembre 2007, était intervenue le 21 mai 2008 suivant lettre recommandée faite à cette date et que la première réclamation, formalisée par la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, était intervenue le 3 septembre 2010, dans le délai de cinq ans de la résiliation de ce contrat ».

Diverses dispositions convergent désormais pour ne plus sacrifier l’assuré sur l’autel du rapport de force lors de la souscription et lutter ainsi contre des clauses illicites insérées par les assureurs dans les contrats qu’ils proposent et dont une majeure partie sont aussi d’adhésion (C. civ., art. 1110, al. 2 : « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties »). Avec d’autres, on peut gager que le juge s’inspirera de l’article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, ou des listes du code de la consommation lorsqu’il s’agira de déclarer abusive (C. consom., art. L. 212-1, R. 212-1 et R. 212-2) ou de réputer non écrite telle ou telle clause, à l’instar d’un arrêt du 11 décembre 2019 dont la portée « déborde potentiellement du seul droit de la consommation (déjà tentaculaire) » (J.-D. Pellier, Retour sur les clauses noires, sous Civ. 1re, 11 déc. 2019, n° 18-21.164, Dalloz actualité, 24 déc. 2019).

L’on sait aussi que réputer non écrite une clause en vertu de l’article L. 241-1 du code de la consommation ne constitue pas une nullité selon la jurisprudence la plus récente (Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 image, note A. Etienney-de Sainte Marie image ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry image ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais image ; ibid. 465, obs. D. Legeais image). L’effet est le même, dans une police d’assurance, pour une clause illicite et réputée non écrite. Elle ne génère pas sa nullité.

Le professeur Delebecque a témoigné, dernièrement, que « le droit ne doit pas être le reflet de la mode ou d’une mode » (P. Delebecque, « “L’attractivité” du droit français : un mot d’ordre dépourvu de sens ?», in Mélanges en l’honneur du professeur Laurent Aynès. Liberté, justesse, autorité, LGDG, 2019, p. 185 s., spéc. p. 193) ni le reflet, osons-nous ajouter, de pratiques – illicites et aux multiples figures (v. dernièrement, Dalloz actualité, 18 déc. 2019, obs. R. Bigot) –, avec lesquelles des dispositions d’ordre public, comme l’article L. 124-5 du code des assurances, doivent demeurer parfaitement étanches.

La garantie subséquente de l’assuré sacrifiée sur l’autel d’une clause illicite

L’article L. 124-5 du code des assurances étant d’ordre public, la clause de la police d’assurance selon laquelle la disposition de ce texte concernant la garantie pendant le délai subséquent n’était pas applicable en cas de résiliation pour non-paiement de la prime était illicite et devait être réputée non écrite.

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La garantie subséquente de l’assuré sacrifiée sur l’autel d’une clause illicite

L’article L. 124-5 du code des assurances étant d’ordre public, la clause de la police d’assurance selon laquelle la disposition de ce texte concernant la garantie pendant le délai subséquent n’était pas applicable en cas de résiliation pour non-paiement de la prime était illicite et devait être réputée non écrite.

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Grève des avocats : le CNB se réunit en assemblée générale extraordinaire pour examiner les propositions du gouvernement

À la suite de la réunion ratée de lundi entre le gouvernement et les instances professionnelles des avocats, la ministre de la Justice et le secrétaire d’État devaient, dans un courrier, proposer « des garanties » aux avocats sur l’avenir de la réforme des retraites, dont la profession ne veut pas.

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Grève des avocats : « Si on fait ça, c’est par amour du droit »

Mercredi 15 janvier, des avocats volontaires du barreau de Paris ont assuré un troisième jour de « défense massive » des prévenus dans les deux chambres de comparutions immédiates, la 23.1 et la 23.2. 

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Grève des avocats : « Si on fait ça, c’est par amour du droit »

Au troisième jour de la « défense massive », aux comparutions immédiates du tribunal judiciaire de Paris, les prévenus sont de moins en moins nombreux. « Quatre dossiers, dont un sur renvoi », s’étonne un avocat de permanence à la chambre 23.2. Ils ne sont guère plus à la 23.1, où deux bâtonniers se tiennent face au tribunal, qui prend place à 14h10. Pierre-Olivier Sur et de nombreux confrères se tiennent droit derrière le bâtonnier Olivier Cousi, qui prononce une allocution solennelle pour rappeler les conséquences désastreuses, selon eux, de la réforme du régime des retraites des avocats, exhortant la magistrature à comprendre le sens de leur démarche, qui n’est pas une démarche d’entrave à la justice mais s’explique par leur « amour du droit, par amour de la justice », a déclaré Me Pierre-François Rousseau, en débutant l’exposé de sa question prioritaire de constitutionnalité (rejetée). C’est ainsi que, par amour du droit, la veille à 23 heures, des avocats ont obtenu de la même chambre (différemment composée) l’annulation de plusieurs procédures et la remise en liberté des prévenus pour des vices procéduraux variés. C’est ainsi que, lundi, la 23.2 a libéré dix prévenus au motif que leur délai de vingt heures était dépassé.

À la 23.2, ce mercredi, seul le dossier venu sur renvoi a été jugé. Les autres furent renvoyés après 20 heures, sur décision du tribunal. À la 23.1, les avocats accablent d’emblée le tribunal de nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et développent des moyens de nullité, et, pendant ce temps, au dépôt, un délai court. C’est celui de monsieur D…, qui doit comparaître avant 17h45 pour que son délai soit interrompu. Ses avocats Dominique Bréard et Claude Vincent avertissent le tribunal qu’ils ne se sont pas encore entretenus avec leur client et descendent donc au dépôt pour prendre connaissance de la procédure auprès de M. D… Pendant ce temps, Me Rousseau interroge la constitutionnalité de l’article 397-4 du code de procédure pénale en ce qu’il permet de décerner un mandat de dépôt en comparution immédiate sans minimum de peine, tandis qu’un seuil est fixé à un an dans les autres chambres correctionnelles. La loi instituant cette disposition avait déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel en 1980 mais l’avocat a argué du changement de situation de fait susceptible de conférer un caractère nouveau à la question posée (comme l’admettait une récente décision du Conseil). Le tribunal refuse cet argument.

Pendant ce temps-là, la présidente Françoise Quilès ne perd pas de vue son délai. Elle a ordonné à l’escorte de faire remonter M. D… Dans la salle, les bancs des avocats bruissent : il y aurait eu une altercation entre Mes Bréard et Vincent et les policiers, qui voulaient emmener leur client avant qu’ils n’aient pu finir de s’entretenir. Des avocats sont sur place et, soudain, Claude Vincent arrive essoufflée dans la salle pour annoncer « qu’ils vont le monter », alors que le tribunal reprend place ; cinq avocats se placent derrière la barre et, chacun leur tour, plaident ce qui leur passe par la tête, sans pouvoir être interrompu, afin que la présidente ne puisse interrompre le délai qui sera échu dans quinze minutes. À 17h40, enfin, Mme Quilès parvient à élever la voix au-dessus du nuage de robes noires, à décliner l’identité de M. D…, interdit dans son box, qui n’entend rien à ce qu’il se passe, et, cette formalité établie, elle considère avoir interrompu le délai dans le respect de l’article 803-3 de code de procédure pénale. Tard dans la soirée, l’affaire de M. D… fut renvoyée.

La formalité accomplie, il est enfin temps de prendre le dossier défendu par Me Rousseau au fond. Le prévenu se lève : c’est un homme SDF de 42 ans, dont quatorze en prison, du fait de cinquante condamnations, dont vingt devant ce tribunal, et l’enquête sociale rapide le présente comme « un homme sans espoir ». On lui reproche deux vols : en janvier 2019, deux bouteilles d’alcool « parce que je suis alcoolique » et une poignée de pièces de monnaie. En octobre 2019, des kilos de bijoux dans une bijouterie en travaux. L’homme explique qu’il a trouvé les bijoux sur un échafaudage, mais il n’est pas cru, et la procureure requiert dix-huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Me Rousseau plaide sur l’enquête : « Une belle enquête de comparution immédiate, c’est-à-dire strictement rien ». Le prévenu est condamné à dix-huit mois dont six avec sursis avec mise à l’épreuve, et un procès-verbal d’audition est annulé.

« Quels sont les avocats qui sont la proie de cette réforme ? », entame Me Emmanuel Mercinier après cet intermède dans le fond d’un dossier, « ce sont les avocats qui sont à l’aide juridictionnelle, ceux dont l’engagement est quasi christique, ce sont ces confrères qui n’ont pas de quoi bouffer ! », lance-t-il en introduction de sa QPC. L’article 31 du code de procédure pénal est-il conforme à la Constitution en regard de l’exigence constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi ? « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu » : mais le parquet n’est pas impartial, plaide Me Mercinier. La QPC est rejetée car, selon le tribunal, « dépourvue de caractère sérieux ». La QPC suivante est également rejetée et l’audience s’étire dans d’interminables suspensions d’audience où les avocats, sans relâche, plaident, concluent, défendent au mieux leurs clients pour mieux protéger leurs droits.

L’obligation de mise en garde de l’agent immobilier contre le risque d’insolvabilité d’un acquéreur

L’agent immobilier ne justifiant pas avoir conseillé le vendeur d’un bien immobilier de l’intérêt de prendre des garanties suffisantes ou encore de l’avoir mis en garde contre les risques d’insolvabilité de l’acquéreur qu’il lui a présenté peut voir sa responsabilité contractuelle engagée.

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Projet de loi Antigaspillage : le compromis trouvé sur la consigne

Députés et sénateurs ont considérablement élargi l’ambition du projet de loi sur l’économie circulaire dont le nombre d’articles a été multiplié par dix.

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Report (limité) du point de départ du délai de déclaration des créances pour la partie civile

La possibilité du report du point de départ du délai de déclaration des créances n’autorise pas la partie civile, dont la créance de dommages-intérêts est née à la date de la réalisation du dommage, à prendre une inscription d’hypothèque postérieurement au jugement d’ouverture.

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Demande d’asile formée au nom d’un enfant né après le rejet définitif de la demande de ses parents

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est tenu de fournir les conditions matérielles d’accueil nécessaires à l’enfant titulaire d’une attestation de demande d’asile, ainsi qu’à sa famille, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande présentée en son nom par ses parents alors même que leur demande d’asile a été, préalablement à la naissance de cet enfant, définitivement rejetée.

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Retraite des avocats : premières concessions gouvernementales

La garde des Sceaux et le secrétaire d’État aux retraites ont, dans un courrier reçu mercredi 15 janvier par la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), donné des « garanties » aux instances de la profession d’avocat. Cette dernière avait en effet demandé que le gouvernement s’engage à faire des propositions après leur dernière rencontre, lundi dernier.

Le gouvernement confirme d’abord « que les avocats continueront à bénéficier, dans le cadre du régime universel de retraite, d’une caisse de retraite propre à la profession ». La Caisse nationale des barreaux français (CNBF), « guichet unique de la profession » existera après 2025, date de mise en place de la réforme des retraites, avec sa gouvernance actuelle.

Les deux ministres ont assuré qu’au-delà des régimes d’invalidité et de prévoyance, « le CNBF pourra également mettre en œuvre des dispositifs de solidarité entre les avocats dans le domaine de la retraite ».

Le dispositif de solidarité entre bas et hauts revenus sera « équivalent à celui qui existe dans le système actuel ». Autre assurance pour la profession, selon le gouvernement : la gestion des réserves, estimées à deux milliards d’euros.

« Nous sommes d’accord pour que nos équipes continuent de travailler avec vos experts pour évaluer les impacts de la réforme pour les avocats » pour « envisager ensemble les mesures d’accompagnement qui pourraient, le cas échéant, être mises en œuvre pour que cette réforme n’impacte pas l’équilibre économique des cabinets auxquels nous sommes évidemment attachés ».

« Rien de nouveau », a déclaré Christiane Féral-Schuhl, la présidente du CNB. Les membres de l’instance sont convoqués en assemblée générale extraordinaire vendredi 17 janvier.

Retraite des avocats : premières concessions gouvernementales

La garde des Sceaux et le secrétaire d’État aux retraites ont, dans un courrier reçu mercredi 15 janvier par la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), donné des « garanties » aux instances de la profession d’avocat.

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Retraites : les avant-projets de loi dévoilés

Les avant-projets de loi de réforme des retraites confirment la fin des régimes spéciaux et de ceux de la fonction publique. Les fonctionnaires qui concourent à des missions de sécurité publique conserveront cependant des possibilités de départ anticipé.

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Pérennisation du dispositif de lutte contre le mitage de la forêt francilienne

Le Sénat a voté le 14 janvier sans modification, en première lecture, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. 

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IRL : + 0,95 % au 4[SUP]e[/SUP] trimestre 2019

Au quatrième trimestre 2019, l’indice de référence des loyers (IRL) tel que modifié par l’article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, s’élève à 130,26 soit une hausse de 0,95 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 2020-6, 15 janv. 2020).

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Violences conjugales : les députés dans l’impasse de la loi

Une quatrième loi sur le sujet

Cette proposition de loi a une genèse disputée. Avec l’augmentation des féminicides et leur médiatisation, l’action des pouvoirs publics a été mise en cause. Des parlementaires, de tous bords, se sont fortement impliqués sur ce sujet, multipliant auditions, déplacements et rencontres.

En septembre, au lancement du Grenelle des violences conjugales, les députés Les Républicains ont décidé d’inscrire dans leur niche parlementaire une proposition de loi d’Aurélien Pradié (v. Dalloz actualité, 25 sept. 2019, art. P. Januel). Les députés En Marche !, se faisant couper l’herbe sur le pied, n’ont eu d’autre choix que de soutenir ce texte, qui est devenu la loi du 28 décembre 2019.

En conclusion du Grenelle, pour lutter contre les féminicides, le premier ministre a décidé de donner un débouché plus législatif que budgétaire (v. Dalloz actualité, 26 nov. 2019, art. T. Coustet). Fin novembre, une nouvelle proposition de loi a donc été annoncée, pour combler quelques failles législatives sur le retrait de l’autorité parentale, la possibilité de lever le secret médical des femmes violentées, l’interdiction de la médiation civile ou l’espionnage au sein du couple (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2019, art. P. Januel).

Rien de révolutionnaire. Reste que changer la loi est une solution visible et peu coûteuse. D’autant que, pour les députés qui n’ont souvent que l’arme de l’amendement à la main, tout problème se transforme vite en « vide législatif » à combler. Mais trois lois sur le sujet, un Grenelle et la lutte contre les amendements hors sujets (v. Dalloz actualité, 27 nov. 2019, art. P. Januel) font qu’il y a peu d’idées nouvelles et utiles à creuser. En face, la rapporteure et la majorité doivent tenir bon et refuser tous les amendements inconstitutionnels, superflus ou mal rédigés. Un rôle parfois ingrat, notamment quand une députée vient défendre un amendement contraire à la jurisprudence constitutionnelle, avec cet argument : « Ici, on n’est pas au Conseil constitutionnel et je ne crois que vous soyez détenteur de ses avis ».

« Nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité »

De nombreux parlementaires s’étant impliqués sur la question, chacun tente de tirer la couverture à lui. En introduction des débats sur le retrait de l’autorité parentale, la députée LR Valérie Boyer rappelle qu’elle avait une proposition de loi sur le sujet qui n’a pas été adoptée en septembre. Son idée de favoriser le retrait de l’autorité parentale avait finalement été intégrée à la Loi Pradié, en toute fin de parcours. Elle y revient : « J’avais l’espoir que votre majorité montre que ces causes pouvaient dépasser les postures, et je regrette que ça n’ait pas été le cas quand vous avez rejeté ce texte des Républicains [le sien] sur l’autorité parentale. Je tenais à le souligner parce que ceux qui ont été marqués toute leur vie car ils ont assisté au meurtre de leur mère méritaient que l’on ne perde pas de temps ».

Guillaume Gouffier-Cha, chef de file des députés LREM : « Chère collègue Valérie Boyer, je sais que vous avez travaillé longuement sur ce sujet, comme nos collègues du Sénat. Je pense que ce retrait de l’autorité parentale a profondément marqué l’opinion publique, notamment parce que la mesure avait été annoncée fortement, dès le 3 septembre, par le premier ministre. »

Le député LR Aurélien Pradié choisit un ton plus consensuel, pour livrer une pique finale : « Nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité. J’entends depuis tout à l’heure l’importance de ce texte. Mais convenons bien que ni ce texte ni aucun autre ne réglera immédiatement la question des violences conjugales dans notre pays. Il faudra encore de nombreuses mesures pour endiguer ce drame, et il faudra surtout des moyens. »

« Cela permettrait de donner un signal fort »

Le texte en lui-même suscite peu de débats, mis à part l’article qui rend possible la levée du secret médical et le signalement par un médecin en cas de danger immédiat de la victime et d’emprise. Le débat est complexe mais les arguments ont le temps d’être échangés. L’opposition craint que cette mesure vienne briser le lien de confiance entre le médecin et la patiente. Cécile Untermaier (PS) : « Nous ne voulons pas que le médecin ne soit plus le refuge attendu, espéré et confiant des personnes victimes de violence. » En face, le député LREM Guillaume Gouffier-Cha : « Ce sujet vient bousculer les habitudes de notre société, qui est une société du silence, où nous ne parlons pas des violences conjugales. » Sa collègue Annie Chapelier : « On parle constamment du lien entre un médecin et sa patiente. Mais la possibilité de signalement concernera tous les professionnels de santé. L’infirmière, la sage-femme, le dentiste qui reçoit la patiente qui s’est fait briser les dents par son conjoint, et qui voudrait aussi avoir la possibilité de signaler. » Le texte ne bouge pas, mais la notion d’intime conviction pourrait évoluer en séance.

De nombreux problèmes ne trouvent pas de solution législative mais les députés tiennent à leurs « amendements signal ». La députée LREM Florence Provendier propose que l’enfant capable de discernement soit auditionné avant le retrait de l’autorité parentale, arguant que, sur le terrain, la mesure n’est pas appliquée. La rapporteure Bérengère Couillard lui rappelle que l’article 388-1 du code civil le prévoit déjà dans toutes les procédures et lui propose de retirer l’amendement. La députée est rétive : « Je suis perplexe… Il n’y a pas de mise en application objective de l’article du code civil, donc mon amendement a toute sa place. Pour moi, il est compliqué de le retirer. » Ce qu’elle fait finalement.

L’article 6 prévoit le retrait automatique de l’obligation alimentaire des enfants, en cas de crime d’un parent sur l’autre. Certains députés souhaiteraient aller plus loin et viser plusieurs délits. La députée Modem Laurence Vichnievsky, ancienne magistrate, intervient. « Il faut être prudent sur l’automaticité car il y a des cas de figure qu’on n’imagine pas quand on propose un texte. » Et elle rappelle que le cas de Jacqueline Sauvage serait visé par l’article : « Aurait-il fallu décharger ses enfants de l’obligation alimentaire envers leur mère ? » La députée Valérie Boyer a une solution. Instaurer une automaticité… avec des exceptions. « Cela permettrait de donner un signal fort. »

Un texte qui a peu évolué

La rapporteure Bérengère Couillard a fait adopter un amendement qui vise à ce que certaines peines alternatives à l’incarcération prévues à l’article 131-6 du code pénal puissent être, pour tout délit, prononcées en complément de la peine de prison (notamment les interdictions de paraître). Le délit d’atteinte au secret des correspondances sera aggravé s’il est commis dans le couple. Les députés LREM ont créé plusieurs délits pour pénaliser spécifiquement le fait de payer pour faire tourner, à l’étranger, la vidéo d’un crime ou d’un abus sexuel.

D’ici la séance, Bérengère Couillard veut travailler sur l’extension de l’indignité successorale pour les violences graves et non mortelles et la limitation de l’accès des mineurs à la pornographie sur internet.

Violences conjugales : les députés dans l’impasse de la loi

La commission des lois a adopté mercredi une proposition de loi sur les violences conjugales. Quatrième texte sur le sujet en dix-huit mois, le texte vient compléter les dispositifs existants plus que révolutionner la loi. Les députés ne l’ont d’ailleurs presque pas modifié, ayant épuisé les réformes législatives à faire. Récit.

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Mise en liquidation judiciaire d’un dirigeant de fait dont la responsabilité est recherchée

La situation est originale. Une filiale est mise en liquidation judiciaire. La société mère est poursuivie, en tant que dirigeante de fait de sa filiale, sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif, par le liquidateur de la filiale qui pratique contre elle une saisie conservatoire. Mais elle est elle-même mise en liquidation judiciaire avant d’être condamnée.

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Bernard Preynat ne doit pas « payer le prix du présent »

Le parquet a requis « au moins » huit ans de prison à l’encontre du prêtre Bernard Preynat qui comparaissait à Lyon pour agressions sexuelles sur dix scouts, âgés de 7 à 15 ans entre 1986 et 1989, au tribunal judiciaire de Lyon. Il encourt jusqu’à dix ans de prison. Délibéré le 16 mars 2020.

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Rapport sur les CPH : la Chancellerie conteste tout regroupement

Une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport – non finalisé – intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019 (en annexe de cet article). « Alerte ! Disparition programmée des conseils des prud’hommes dans ce document de travail de la Chancellerie !

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Rapport sur les CPH : la Chancellerie conteste tout regroupement

Une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport – non finalisé – intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019 (en annexe de cet article). « Alerte ! Disparition programmée des conseils des prud’hommes dans ce document de travail de la Chancellerie ! Ni les avocats ni les magistrats ne sont au courant de cette nouvelle atteinte à la justice de proximité ! », s’est exclamée, sur Twitter, Gwenaëlle Vautrin, ancienne bâtonnière de Compiègne, qui a diffusé le document.

Il prévoit plusieurs scenarii : le regroupement de conseils des prud’hommes et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an, la répartition des postes selon l’organisation actuelle et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an.

Pour le syndicat de la magistrature (SM), « ces réunions semblent avoir abouti, au vu du document dont nous avons eu connaissance, à des conclusions précises et étayées en termes statistiques dont certaines – un des deux scenarii envisagés – prévoient tout simplement la suppression de vingt-deux conseils de prud’hommes ».

Et d’ajouter : « il ne faut pas être grand clerc pour en déduire que les effectifs des greffes vont également être supprimés en conséquence. Il est également incompréhensible que les organisations syndicales n’aient pas été associées à ce groupe de travail dont l’un des objectifs est tout simplement la réorganisation judiciaire du contentieux prud’homal ».

Interrogée, la Chancellerie précise qu’il s’agit « d’un groupe de travail convenu dans le cadre des travaux du Conseil supérieur de la prud’homie pour tenir compte de l’impossibilité pour certains CPH de constituer des sections ». L’objectif serait « de mieux répartir les conseillers de prud’hommes entre les CPH afin de réduire la vacance de postes ». La Chancellerie assure qu’il n’est pas question de « toucher au nombre de CPH, raison pour laquelle il s’agit de répartition des effectifs et pas de carte judiciaire ».

Rapport sur les CPH : la Chancellerie conteste tout regroupement

Une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport – non finalisé – intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019 (en annexe de cet article). « Alerte ! Disparition programmée des conseils des prud’hommes dans ce document de travail de la Chancellerie !

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Stationnement payant : il faut rétablir les droits des usagers

En 2019, le Défenseur des droits a vu décupler les réclamations concernant le système des forfaits post-stationnement, issu de la dépénalisation du stationnement payant. Dans un rapport publié le 14 janvier, il présente vingt recommandations pour rétablir les droits des usagers, mis à mal par un dispositif complexe et parfois mal appliqué par les collectivités.

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Proposition de loi Nogal : les mesures phares

Le mardi 14 janvier 2020, Mickael Nogal député LREM de Haute-Garonne, a présenté une proposition de loi visant à sécuriser les relations entre bailleurs et locataires.

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Retraites des avocats : le Conseil national des barreaux veut négocier avec le premier ministre

Les propositions de Nicole Belloubet et de Laurent Pietraszewski, le secrétaire d’État aux retraites, n’ont pas convaincu les instances de la profession. 

Outre un premier courrier adressé mardi 14 janvier à Christiane Féral-Schuhl, le secrétariat général du ministère de la justice a fait parvenir à la profession, quelques heures avant le début de l’assemblée générale, un autre document précisant que le gouvernement se tenait « prêt à organiser avec vous et vos experts une série de réunions sur les garanties qui pourront être apportées pour assurer la prise en compte des spécificités de la profession d’avocat dans le système universel de retraite ».

Une première réunion porterait « sur les éléments permettant de maintenir une autonomie de la Caisse nationale des Barreaux français (CNBF) parallèlement à son intégration dans le système universel de retraite ». Une deuxième rencontre serait axée sur « les incidences de la réforme sur les avocats qui perçoivent 32 000 € et un PASS ». Enfin, « les mesures d’accompagnement pour s’assurer que les avocats ne sont pas perdants à la réforme » feraient l’objet du dernier rendez-vous. 

Des « discussions techniques » bienvenues – une délégation devrait être désignée – mais insuffisantes, explique un élu du Conseil national des barreaux (CNB). Il en sera rendu compte aux avocats et l’assemblée générale a voté le principe d’une consultation finale des avocats.

La motion réitère néanmoins son désaccord avec les projets de loi de réforme des retraites et rappelle que le courrier du 14 janvier « n’apporte aucune solution aux inquiétudes et à la légitime colère des avocats, qui appellent au maintien de leur régime autonome. La solution de cette crise sans précédent est de nature politique et relève de l’arbitrage du premier ministre ». Le CNB attend donc d’être reçu par Édouard Philippe. 

La grève est maintenue.

Au cours de l’assemblée générale, « certains ont fait part de leurs réserves quant à la prolongation de la grève » mais ces avis étaient minoritaires, selon un membre de l’instance.

Retraites des avocats : le Conseil national des barreaux veut négocier avec le premier ministre

Les membres du Conseil national des barreaux ont voté à l’unanimité, lors de l’assemblée générale extraordinaire organisée en urgence vendredi 17 janvier en vue de se prononcer sur les dernières propositions du gouvernement, la poursuite de la grève pour la semaine du 20 janvier.

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Réforme de la procédure civile : modèles d’actes

Alors que l’essentiel de la réforme de la procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2020, les éditions Dalloz vous proposent une sélection de modèles d’actes de procédure à jour de la réforme, rédigés en collaboration avec Me C. Lefevre Le Bihan, avocate au Barreau de Toulouse.

À cette occasion, nous avons par ailleurs réuni dans un dossier « Réforme de la procédure civile » l’ensemble des contributions relatives aux décrets de décembre 2019 relatifs à la réforme de la procédure civile, à la procédure applicable aux divorces contentieux et à la séparation de corps ou au divorce sans intervention judiciaire, et à la procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires.

Nous vous en souhaitons bonne lecture.

Réforme de la procédure civile : modèles d’actes

Alors que l’essentiel de la réforme de la procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2020, les éditions Dalloz vous proposent une sélection de modèles d’actes de procédure à jour de la réforme, rédigés en collaboration avec Me C. Lefevre Le Bihan, avocate au Barreau de Toulouse.

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Responsabilité du banquier présentateur du chèque comportant les noms de deux bénéficiaires

Si la juxtaposition du nom de deux bénéficiaires sur un chèque ne constitue pas, en elle-même, une anomalie apparente, la banque présentatrice est cependant tenue, lors de la remise d’un chèque portant une telle mention par l’un des deux bénéficiaires pour encaissement à son seul profit, de s’assurer du consentement de l’autre, sauf circonstances particulières lui permettant de tenir un tel consentement pour acquis.

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Brevet provisoire et transformation des certificats d’utilité en brevet : parution du décret

Un décret du 8 janvier, pris en application de la loi « PACTE », détermine les modalités de la transformation d’une demande de certificat d’utilité en demande de brevet d’invention. Il crée également une procédure pour le dépôt d’un brevet provisoire et fixe les conditions de sa mise en conformité ou de sa transformation en certificat d’utilité.

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Le délégant ne peut pas modifier unilatéralement une offre

Si le délégant peut librement négocier les offres des candidats, il ne peut pas modifier ou compléter de sa propre initiative et unilatéralement une offre.

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Suspension de l’avocat avant l’expiration du délai de production du mémoire complémentaire

Le Conseil d’État a jugé que la mesure de suspension de l’avocat du requérant prononcée avant l’expiration du délai de production d’un mémoire complémentaire fait obstacle au désistement d’office.

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Conjoncture immobilière : derniers chiffres

Dans leur dernière note de conjoncture, les Notaires de France confirment le dynamisme du marché et la tendance des prix à la hausse. Ils font pas ailleurs le point sur le comportement des étrangers non-résidents face à l’achat immobilier.

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[I]Naked[/I] est une contrefaçon : confirmation en appel

Presque deux ans après la décision de première instance, la cour d’appel s’est prononcée sur le sort de l’œuvre de Jeff Koons, Naked, sculpture en porcelaine représentant deux enfants nus se tenant mutuellement par l’épaule.

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Airbnb n’a pas besoin de carte professionnelle

Par un arrêt très attendu, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé que la France ne pouvait exiger d’Airbnb la possession d’une carte professionnelle d’agent immobilier.

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Conditions d’une expulsion portant sur un lieu habité

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (JO 28 janv.), l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution énonce que, lorsque l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à quitter les lieux, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7 de ce même code.

Il s’agit là de faire bénéficier la personne expulsée d’une période supplémentaire pour trouver un nouveau logement. Cependant, afin de veiller à un juste équilibre dans la protection des différents intérêts en présence, cette légitime préoccupation doit également être envisagée à l’aune des droits du créancier qui souhaite obtenir son dû au plus tôt. Il y a donc lieu de définir avec précision les conditions d’application de ce délai légal. À cet égard, certains éléments de réponse sont apportés par le législateur. Ainsi, aussitôt l’existence de ce délai affirmée, le premier alinéa de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution précise-t-il que le juge peut réduire ou supprimer ce délai, « notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ». De même, dans son second alinéa, cet article se poursuit en précisant que ce délai ne trouve pas application quand le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes expulsées « sont entrées dans les locaux par voie de fait ». On comprend, dès lors, que des squatteurs ne sauraient tirer profit de ce délai.

Dans la présente affaire, si apparemment aucune voie de fait n’avait été commise, la légitimité de la présence dans les locaux du gérant de la société, contre qui la procédure d’expulsion a été diligentée, n’en était pas moins contestée. En l’espèce, un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) autorise une société à occuper des terrains pour une durée déterminée afin d’y exploiter un club de golf. Par la suite, le tribunal de grande instance compétent ordonne l’expulsion de cette société ainsi que de tous les occupants de son chef, sous le bénéfice de l’exécution provisoire. La société, à qui un commandement d’avoir à quitter les lieux a été délivré, saisit alors le juge de l’exécution afin d’obtenir l’arrêt de la procédure d’expulsion pour un délai de six mois, sans succès. Elle interjette donc appel de ce jugement et son gérant intervient volontairement en cause d’appel. La cour d’appel donne doublement satisfaction à la société et à son gérant, en déclarant recevable l’intervention volontaire et en prononçant l’annulation de la procédure d’expulsion ; ce que conteste l’EPIC en formant un pourvoi en cassation.

S’agissant de la régularité de l’intervention volontaire du gérant de la société, l’EPIC conteste – en prenant appui sur l’article 554 du code de procédure civile, dont les dispositions doivent être combinées avec celles de l’article 325 de ce même code – le fait que les demandes formées par l’intervenant (demandes visant le paiement de dommages et intérêts en réparation de préjudices subis du fait de la procédure d’expulsion, au titre du coût de son déménagement et de la destruction de ses meubles ainsi que de son préjudice moral) procèdent directement de la demande originaire de la société (demande visant l’annulation du procès-verbal d’expulsion et le paiement de sommes à titre de dommages et intérêts en réparation de la destruction de bâtiments modulaires) et tendent aux mêmes fins. Cependant, pour la Cour de cassation, le moyen avancé n’est pas fondé. Reprenant une solution bien établie (v. not. Cass., ch. mixte, 9 nov. 2007, n° 06-19.508, Dalloz actualité, 19 nov. 2007, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2007. 2955, obs. V. Avena-Robardet image ; AJDI 2008. 47 image ; JCP G 2008. II. 10070, note Serinet), les hauts magistrats rappellent en effet que « l’appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond ».

S’agissant du bénéfice du délai de deux mois prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution précité, les demandes de l’EPIC ne seront pas non plus couronnées de succès. Selon la Cour de cassation, la cour d’appel a légalement justifié sa décision d’annulation de la procédure d’expulsion et de condamnation à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, en établissant que ledit gérant intervenant volontaire à la procédure d’appel « avait son domicile dans les locaux de la société […] qui avait été expulsée, faisant ainsi ressortir qu’il habitait effectivement les lieux ». La solution retenue est rigoureuse envers l’EPIC, dès lors qu’il apparaît que la convention au titre de laquelle la société expulsée occupait les lieux indiquait que le terrain litigieux avait été mis à sa disposition pour être exclusivement destiné à une activité de practice de golf, aucune autre utilisation n’étant autorisée sous peine de révocation immédiate. Le souci de protection du gérant l’a donc emporté.

Conditions d’une expulsion portant sur un lieu habité

La deuxième chambre civile se prononce sur les modalités d’application du délai d’attente de deux mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à quitter les lieux, prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef.

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Appel incident et appel provoqué : de faux jumeaux

L’appel incident et l’appel provoqué ont tous deux en commun de permettre à une partie intimée en cause d’appel de solliciter la réformation d’un ou plusieurs chefs du jugement frappé d’appel.

La similitude s’arrête là : ils obéissent à des règles procédurales profondément distinctes.

Par arrêt du 9 janvier 2020, la deuxième chambre civile résout une question inédite intéressant le formalisme de l’appel incident dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire. Outre la solution apportée, cet arrêt permet de revenir sur un précédent arrêt tout aussi important de la même chambre du 6 juin 2019, lequel concernait le formalisme de l’appel provoqué dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire.

L’appel incident soumis aux dispositions de l’article 911 du code de procédure civile

L’arrêt du 9 janvier 2020 statue sur le formalisme de l’appel incident formé par un intimé à l’égard d’un co-intimé défaillant.

Les principaux événements procéduraux peuvent se résumer ainsi :

• M. X forme, le 15 février 2017, appel d’un jugement à l’encontre d’un sieur Z et d’un sieur Y.

• M. X notifie ses conclusions d’appelant à l’avocat de M. Z le 12 mai 2017.

• M. Z forme un appel incident et signifie ses conclusions à M. Y le 5 juillet 2017 dans le délai de deux mois qui est alors imparti par l’article 909 du code de procédure civile1.

• Le 18 juillet 2017, M. Y constitue avocat devant la cour.

• M. Z notifie à l’avocat de M. Y ses conclusions le 3 août 2017.

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M. Y va soulever l’irrecevabilité de l’appel incident de M. Z au motif qu’étant défaillant, il n’a pas été assigné dans le délai de deux mois ayant couru à compter de la notification des conclusions de l’appelant, soit avant le 12 juillet 2017.

M. Z soutenait pour sa part que :

s’agissant d’un appel incident, il avait pour obligation de déposer ses conclusions d’appel incident à l’intérieur du délai qui lui était alors imparti pour conclure (soit deux mois),
  et qu’en vertu de l’article 911 précité, il devait signifier ses conclusions au co-intimé défaillant dans le mois suivant l’expiration de son délai pour conclure (soit 2+1 = 3 mois).

La cour d’appel de Rennes va juger :

d’une part, que « l’intimé appelant incident doit faire délivrer une assignation au co-intimé défaillant » et qu’ainsi, la signification des conclusions opérée le 5 juillet 2017 est sans valeur,
  d’autre part, que cette assignation doit être délivrée au « co-intimé défaillant dans les deux mois suivant la notification des conclusions de l’appelant à peine d’irrecevabilité » et qu’ainsi, M. Z ne pouvait se prévaloir de la notification des conclusions d’incident au conseil de M. Y le 3 août suivant.

La cour d’appel de Rennes fait ainsi primer les dispositions combinées des articles 5512 et 683 du code de procédure civile sur celles combinées des articles 909 et 9114 du même code.

Elle applique ainsi à l’appel incident les mêmes règles procédurales que l’appel provoqué.

La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes et juge, sans renvoi, que l’appel incident de M. Z à l’encontre de M. Y est recevable.

Elle estime que la seule obligation pesant sur M. Z était de signifier ses conclusions d’appel incident à M. Y, régulièrement intimé par l’appelant, dans les délais prescrits par les articles 909 et 911 du code de procédure civile, soit avant le 12 août 2017, sauf à ce que M. Y constitue avocat avant la signification.

Sans véritable surprise, la deuxième chambre considère que :

les conclusions d’appel incident doivent être signifiées au co-intimé défaillant sans qu’il soit besoin de procéder par voie d’assignation,
  l’intimé qui forme appel incident dispose, à compter de la notification des conclusions de l’appelant, d’un délai trois mois5 (2+1) pour signifier ses conclusions d’appel incident au co-intimé défaillant ou les notifier à son avocat s’il se constitue à l’intérieur de ce délai de 3 mois, et ce conformément à sa jurisprudence habituelle6.

L’arrêt de la Cour de cassation tient ainsi compte des spécificités propres à la procédure d’appel avec représentation obligatoire introduites par la première réforme de la procédure d’appel opérée par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009.

En effet, l’article 911 du code de procédure civile impose à l’intimé de signifier aux parties défaillantes les conclusions prises dans le cadre de l’article 909 du code de procédure civile.

L’article 909 du code de procédure civile vise quant à lui les conclusions en réponse à celle de l’appelant mais aussi les conclusions portant appel incident.

Enfin, un appel incident peut être formé devant la cour soit contre l’appelant, soit contre un co-intimé ayant constitué avocat, soit, enfin, contre un co-intimé défaillant.

Ainsi, dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire, l’intimé appelant incident doit seulement signifier au co-intimé défaillant ses conclusions portant appel incident.

Deux cas de figure se présenteront selon que l’intimé défaillant constitue ou non avocat dans le délai de l’article 9117 :

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Une solution radicalement différente en matière d’appel provoqué

Rappelons que l’appel provoqué est le mécanisme procédural qui permet à un intimé de former appel incident du jugement à l’encontre d’une partie de première instance qui n’a pas été intimée par l’appelant principal dans son acte d’appel.

On retrouve régulièrement cette notion dans les dossiers de construction ; ce qu’illustre d’ailleurs l’arrêt rendu le 6 juin 2019 par la deuxième chambre civile.

Il ressort des termes de cet arrêt que l’État français a acquis auprès de la société Cerep un immeuble qu’elle a fait construire par divers intervenants, dont la société Bouygues.

Se plaignant de la persistance de vices apparents, l’État a fait assigner devant le tribunal de grande instance la société Cerep, laquelle a demandé a être relevée et garantie par divers intervenants, dont Bouygues.

Le tribunal de grande instance a condamné la société Cerep à restituer une certaine somme à l’État et a condamné divers intervenants à la garantir, dont la société Bouygues.

La société Bouygues a relevé appel de ce jugement à l’encontre de la société Cerep sans intimer l’État.

La société Bouygues a conclu le 20 septembre 2016, ouvrant ainsi à l’égard de la société Cerep le délai de l’article 909 du code de procédure civile augmenté du délai de distance de deux mois dont elle bénéficiait en raison de sa domiciliation à l’étranger.

Le 20 janvier 2017 (jour d’expiration du délai 909), la société Cerep a conclu, formant notamment appel provoqué contre l’État.

Le 25 janvier 2017, la société Cerep a signifié l’appel provoqué à l’État.

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La cour d’appel de Paris a jugé cet appel provoqué irrecevable.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Cerep en rappelant, conformément à sa jurisprudence constante8, que l’appel provoqué doit être formé par voie d’assignation dans le délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile sans que ce délai puisse être prorogé dans les conditions prévues par l’article 911 du même code.

La solution est là encore parfaitement logique : l’article 911 du code de procédure civile vise l’hypothèse dans laquelle une partie intimée en cause d’appel est défaillante.

Or l’appel provoqué est généralement formé par une partie intimée à l’encontre d’une partie étrangère à la procédure d’appel, ce qui explique qu’en ce qui la concerne, elle doive être assignée dans le délai prévu à l’article 909 du code de procédure civile.

Illustration schématique de la solution :

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Conseil pratique :

Identifier dès la constitution sur l’appel principal la nécessité de former ou non un appel provoqué à l’encontre de parties de première instance non intimées devant la cour.

Mise en garde :

L’intimé doit aussi envisager de former un appel principal dans l’hypothèse où il souhaite absolument poursuivre la réformation du jugement.

En effet, le décret du 6 mai 2017 a introduit à l’article 550 du code de procédure la précision selon laquelle l’appel incident ou l’appel provoqué ne sera pas reçu si l’appel principal est caduc.

 

 

Notes

1. C. pr. civ., art. 909, dans sa rédaction alors en vigueur : « L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ».
2. C. pr. civ., art. 551 : « L’appel incident ou l’appel provoqué est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes ».
3. C. pr. civ., art. 68 : « Les demandes incidentes sont formées à l’encontre des parties à l’instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l’encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance. En appel, elles le sont par voie d’assignation ».
4. C. pr. civ., art. 911, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l’expiration de ce délai aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ».
5. Attention : 4 mois (3+1) depuis le décr. n° 2017-891, 6 mai 2017, ayant modifié l’article 909 du code de procédure civile.
6. Civ. 2e, 27 juin 2013, n° 12-20.529 P, Dalloz actualité, 15 juill. 2013, obs. M. Kebir ; D. 2013. 2058, chron. H. Adida-Canac, R. Salomon, L. Leroy-Gissinger et F. Renault-Malignac image ; ibid. 2014. 795, obs. N. Fricero image ; 4 sept. 2014, n° 13-22.586 P, Dalloz actualité, 19 sept. 2014, obs. M. Kebir ; RTD civ. 2015. 197, obs. N. Cayrol image ; 10 avr. 2014, n° 12-29.333 P, Dalloz actualité, 2 mai 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 1722, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis et N. Palle image ; RTD civ. 2015. 197, obs. N. Cayrol image.
7. Schémas à jour du décr. n° 2017-891, 6 mai 2017.
8. Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-27.043 P, Dalloz actualité, 24 janv. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 795, obs. N. Fricero image ; ibid. 1722, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis et N. Palle image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; 27 sept. 2018 n° 17-13.835 P, Dalloz actualité, 26 oct. 2018, obs. R. Laffly.

Appel incident et appel provoqué : de faux jumeaux

À sept mois d’écart, deux arrêts de la Cour de cassation se penchent sur ces faux frères jumeaux que sont l’appel incident et l’appel provoqué, et mettent en lumière leur dissemblance.

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Affaire du « Mur des cons » : condamnation pour injure publique confirmée en appel

Le site d’information Atlantico a publié en avril 2013 un article contenant une vidéo enregistrée par un journaliste dans les locaux du Syndicat de la magistrature. On y découvrait que les photographies de plusieurs personnes, publiques et anonymes, avaient été épinglées sur un pan de mur, sur lequel était inscrite la mention « Avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà ». Parmi ces personnes figurait le père d’une jeune femme tuée en 2007 par un récidiviste, qui était intervenu à plusieurs reprises dans les médias. Celui-ci a porté plainte devant le tribunal correctionnel et s’est constitué partie civile du chef d’injure publique envers un particulier. Renvoyée devant le tribunal correctionnel, la magistrate a été déclarée coupable des faits poursuivis et condamnée à une amende de 500 € avec sursis (TGI Paris, 17e ch., 31 janv. 2019, Légipresse 2019. 155, note N. Verly et I. Soskin image ; Dalloz actualité, 5 déc. 2018 ; ibid., 7 déc. 2018 ; ibid., 10 déc. 2018, art. T. Coustet). L’intéressée a fait appel. Plusieurs questions relatives aux infractions de presse étaient soulevées dans cette affaire.

La publicité

L’élément de publicité prévu à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, condition d’application de la loi sur la presse, était discuté. S’agissant d’un affichage public, la publication est réalisée par l’exposition au regard du public. Or la publicité n’est pas caractérisée si les propos ont été diffusés à des destinataires constituant entre eux une communauté d’intérêt. Toutefois, la seule présence d’un destinataire extérieur à ce groupement est susceptible d’établir la publicité du propos.

La cour précise tout d’abord que le fait d’afficher un panneau dans un local syndical et celui de diffuser sur internet une vidéo montrant ce panneau sont deux faits distincts ; la responsabilité de la magistrate ne pouvait être recherchée que pour le premier. Ensuite, la cour note que le « Mur des cons » était exposé dans un local destiné aux réunions syndicales. Ce lieu privé est devenu accidentellement et occasionnellement un lieu public dès lors que diverses personnes extérieures au Syndicat de la magistrature y sont entrées avec l’accord des représentants du syndicat. Pour les lieux dits « publics par accident », qui sont en principe fermés au public, le juge doit vérifier si la profération ou l’exposition a été accomplie avec la conscience que le propos ou le support serait effectivement entendu ou vu par des tiers. En l’espèce, la cour relève que, s’il n’est pas démontré que la magistrate a accompagné le journaliste devant le « Mur des cons », ce qu’avait retenu le tribunal, il ressort que celle-ci a rejoint l’interviewer devant le panneau et a parlé avec lui de son contenu. Il est jugé que l’appelante avait donc nécessairement conscience que le panneau serait vu par des tiers.

L’imputabilité des propos

Se posait ensuite la question de l’imputabilité des propos et de la qualité d’éditrice de la magistrate, au sens de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881. En effet, la responsabilité dite « en cascade », qui édicte une responsabilité à la charge, notamment, du directeur de la publication et de l’éditeur, se double, en matière d’infractions commises par affichage, de la recherche de la participation personnelle du prévenu à la conception, la réalisation, la publication ou la diffusion du support de l’injure.

La cour note qu’il n’est pas établi que la création du « Mur des cons » soit issue d’une décision collective prise par les instances du Syndicat de la magistrature ni que l’appelante y ait personnellement participé. Toutefois, le syndicat a accepté que ses adhérents confectionnent le panneau en cause sur un mur de ses locaux, en mettant celui-ci à leur disposition et en leur fournissant ainsi les moyens du placardage. La cour ajoute que la juge mise en cause était la présidente du Syndicat de la magistrature en avril 2013, date de la mise en ligne de la vidéo. Elle était poursuivie en qualité de représentante du syndicat et non à titre personnel, et a bien eu la volonté – tout au moins la conscience – de rendre l’affichage public. Ainsi, la magistrate est considérée comme éditrice au sens de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881.

Le caractère injurieux des propos

Enfin se posait la question du caractère injurieux du propos incriminé.

La qualification de ce substantif a fait l’objet d’analyses différentes par la jurisprudence, en fonction des éléments du contexte entourant sa profération, son exposition ou sa publication. La cour confirme ici le caractère injurieux du mot « con » employé dans ce contexte. Elle relève que, même si l’apposition des photographies épinglées sur le mur a pu être une forme d’exutoire pour les juges, pour protester contre des attaques dont ils avaient fait l’objet, et même si les prises de position publiques des personnes représentées étaient davantage dénoncées que les personnes elles-mêmes, les motifs de ces affichages n’ont pu être démontrés. L’injure visait donc bien les personnes représentées sans faire référence à un fait précis ni à un débat d’idées que pourrait légitimer une liberté d’expression accrue en matière syndicale. La cour ajoute que la conscience d’employer un terme injurieux caractérise l’élément intentionnel du délit.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a déclaré la magistrate coupable d’injure publique. La cour confirme le montant de la peine fixée à 500 € avec sursis. Le requérant, qui s’était constitué partie civile, se voit en outre allouer une somme de 5 000 € de dommages-intérêts.

Dans cette affaire, le Rassemblement national et Robert Ménard, lequel figurait également parmi les personnalités « épinglées » sur le Mur des cons, avaient également fait appel après avoir été déboutés en première instance. La cour confirme, par deux arrêts distincts en date du 19 décembre 2019 (nos 19/01410 et 19/01382), les décisions des premiers juges ayant déclaré recevables les constitutions de partie civile du parti et de l’homme politique, mais les infirme en ce qu’ils ont débouté ces derniers de leurs demandes. La cour retient, à l’inverse du tribunal, que la partie civile a, de façon suffisamment claire, poursuivi l’affichage exposé dans le local syndical par une plainte avec constitution de partie civile régulière. La magistrate est condamnée à verser à chacun des requérants 1 € de dommages-intérêts.

Ces trois arrêts ne sont pas définitifs et ont fait l’objet d’un pourvoi.

Affaire du « Mur des cons » : condamnation pour injure publique confirmée en appel

Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation pour injure publique de la présidente du Syndicat national de la magistrature dans les locaux duquel avait été affiché un panneau intitulé « Mur des cons », filmé par un journaliste venu interviewer la magistrate, avant d’être diffusé sur internet.

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Incidence d’une fusion-absorption sur le contenu de la BDES

Aux termes des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, les informations figurant dans la base de données économiques et sociales portent sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes. Il en résulte que, dans le cas d’une opération de fusion, les informations fournies doivent porter, sauf impossibilité pour l’employeur de se les procurer, sur les entreprises parties à l’opération de fusion, pour les années visées aux articles précités.

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Le protocole additionnel à la charte européenne de l’autonomie locale enfin ratifié

L’Assemblée nationale a adopté, le 16 janvier dernier, sans modification, le projet de loi de ratification du protocole additionnel à la charte européenne de l’autonomie locale.

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Droit à l’erreur des collectivités : le Sénat persiste

Le Sénat a adopté, en dépit de l’opposition du gouvernement, une proposition de loi créant un droit à l’erreur pour les collectivités territoriales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale.

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L’avantage matrimonial révocable en participation aux acquêts

La clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation constitue un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial qui est révoqué de plein droit par le divorce en application de l’article 265 du code civil.

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Désignation des membres de la Commission santé à la majorité des membres présents

La désignation des membres d’une CSSCT, que sa mise en place soit obligatoire ou conventionnelle, résulte d’un vote des membres du CSE à la majorité des voix des membres présents lors du vote, sans qu’il soit besoin d’une résolution préalable fixant les modalités de l’élection.

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Parcoursup 2019, un bilan positif

Le comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) a rendu, le 9 janvier, son rapport au Parlement portant sur l’évaluation du fonctionnement de la plateforme Parcoursup.

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Retour au 90 km/h : un parcours d’obstacles pour les départements

Une circulaire du ministre de l’intérieur incite les préfets à surveiller de près les décisions des départements qui souhaitent relever à 90 km/h la vitesse maximale sur leur réseau routier.

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Surendettement des particuliers : conditions pour la reprise des poursuites

En cas d’inexécution par le débiteur des mesures recommandées homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant.

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La France doit mieux connaître sa population d’immigrés

Mesurer l’impact de l’immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance, implique de mieux connaître la population des personnes qui ont immigré en France.

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Le Sénat propose des registres d’état civil « miroirs »

Le Sénat a adopté, le 16 janvier, en première lecture, une proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil du lieu de résidence des parents.

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L’identité des fautes contractuelle et délictuelle : la Cour de cassation persiste et signe

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

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Saisie immobilière : l’appel du jugement d’orientation ou le perfectionnement du casse-tête chinois

L’assignation à jour fixe doit être remise au greffe par voie électronique à peine de caducité de l’appel quand bien même une copie de cette assignation a été effectivement déposée au greffe de la cour d’appel avant le jour de l’audience.

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Saisie immobilière : l’appel du jugement d’orientation ou le perfectionnement du casse-tête chinois

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Rencontre premier ministre-avocats : Édouard Philippe se félicite, Christiane Féral-Schuhl déplore

Les sons de cloche de la rencontre entre le premier ministre et les instances de la profession d’avocat, avec la garde des Sceaux et le secrétaire d’État chargé des retraites, qui s’est déroulée hier à 19 heures, ne sont pas accordés.

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Rencontre premier ministre-avocats : Édouard Philippe se félicite, Christiane Féral-Schuhl déplore

Les sons de cloche de la rencontre entre le premier ministre et les instances de la profession d’avocat, avec la garde des Sceaux et le secrétaire d’État chargé des retraites, qui s’est déroulée hier à 19 heures, ne sont pas accordés.

De son côté, Matignon – qui a réaffirmé dans un communiqué de presse que tous les régimes intégreraient le régime universel – s’est « félicité du travail réalisé cette semaine par les représentants de la profession avec les ministres pour établir un état des lieux objectif de l’impact de la réforme proposée par le gouvernement pour les avocats ». Des rendez-vous qui ont permis, selon le premier ministre, de « montrer que les avocats pourront bénéficier, avec le système universel, de pensions plus élevées que dans leur régime actuel ».

Le gouvernement s’engage par ailleurs à modifier le calcul de l’assiette de cotisations sociales, « afin de compenser toute hausse de cotisation liée au système universel jusqu’en 2029, au travers d’un abattement de 30 % comme le prévoit la réforme pour l’ensemble des travailleurs indépendants ». Les réunions techniques devront continuer, Édouard Philippe recevra, quant à lui, les avocats le 2 février prochain.

Interrogée ce matin par Sud Radio, la présidente du Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl, a estimé que « la réunion avec le premier ministre n’a pas permis d’avancer, on nous demande de quitter un dispositif qui fonctionne bien pour le flou du régime universel. Nous n’avons pas obtenu les garanties que nous souhaitions, il y a beaucoup d’éléments flous dans le régime universel. La réunion d’hier soir a confirmé que les avocats ont parfaitement raison de s’inquiéter de ce projet de réforme ». Les deux camps évoluent « dans des mondes parallèles », a-t-elle twitté hier soir.

Le CNB se réunit en assemblée générale extraordinaire samedi 25 janvier.

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De quelques précisions sur le principe de réparation intégrale

Par principe, ni l’indemnisation du préjudice d’agrément ni celle du préjudice esthétique permanent n’interdisent à la victime de formuler une demande tendant à être indemnisée du coût d’une prothèse de sport et d’une prothèse esthétique.

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De quelques précisions sur le principe de réparation intégrale

En l’espèce, la victime d’un accident de la circulation ayant conduit à son amputation de la jambe gauche avait été indemnisée de l’ensemble de ses préjudices, exception faite du renouvellement des frais d’appareillage pour lesquels le magistrat avait sursis à statuer.

Lors de la liquidation du poste réservé, la victime sollicitait, notamment, l’indemnisation du coût d’une prothèse esthétique et de celui d’une prothèse de sport. La cour d’appel l’avait déboutée de ces deux demandes motif pris de ce qu’elle avait déjà été indemnisée de son préjudice esthétique permanent et de son préjudice d’agrément.

Sur pourvoi de la victime et au visa de l’article 1240 du code civil et du principe de réparation intégrale, la Haute cour casse l’arrêt critiqué. Concernant le préjudice esthétique, la Cour de cassation relève que « la réparation du préjudice esthétique permanent, de nature extra-patrimoniale et consistant en l’altération de l’apparence physique de la victime, ne saurait exclure par principe le droit à l’indemnisation de dépenses de santé futures destinées à acquérir et à renouveler une prothèse esthétique, ces deux chefs de préjudice étant distincts. » Dans la même veine, elle poursuit, concernant le préjudice d’agrément en indiquant que « la réparation du préjudice d’agrément, de nature...

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Articulation entre accord de groupe et accords d’entreprise sous l’empire de la règle de faveur

Les juges du fond ayant caractérisé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables à l’ensemble des salariés du groupe que celles des accords d’entreprise, la renonciation à certains avantages étant compensée par les engagements de maintien de l’emploi, la cour d’appel a pu en déduire qu’en vertu du principe de faveur, il convenait d’appliquer l’accord de groupe.

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Exception de procédure et défense au fond dans le contexte de l’hospitalisation forcée

La Cour de cassation continue de préciser le régime juridique des soins psychiatriques sans consentement que nous avons déjà évoqué dernièrement dans ces colonnes (v. Civ. 1re, 4 déc. 2019, n° 18-50.073 ; 5 déc. 2019, n° 19-22.930 et n° 19-21.127, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. N. Peterkaibid., 9 janv. 2019, obs. C. Hélaine). Là encore, l’arrêt se place sur le terrain procédural en jouant notamment sur la distinction entre défense au fond et exception de procédure en préférant la première sur la seconde. On sait que cette qualification précise emporte des conséquences importantes parce qu’elle peut être présentée « en tout état de cause » ; ce qui n’est pas le cas de l’exception de procédure laquelle doit être invoquée in limine litis. À titre incident, rappelons également que le pourvoi dirigé contre le directeur de l’établissement est rejeté. Ce dernier reste avisé de la procédure mais il n’est pas partie à celle-ci. La Cour de cassation rejette donc logiquement le pourvoi en relevant d’office ce moyen sur le fondement de l’article 1015 du code de procédure civile. Ceci ne constitue certainement pas le point névralgique de la solution mais la précision reste utile pour la pratique. L’apport essentiel de l’arrêt réside dans la nullité tirée du certificat médical servant de fondement à la mesure. 

Les faits sont, une nouvelle fois, très classiques dans le contentieux de l’hospitalisation forcée. En l’espèce, une personne placée en garde à vue le 1er août 2019 est examinée par un médecin psychiatre. Le rapport d’expertise décrit des troubles psychiatriques sévères qui sont susceptibles de porter atteinte de façon grave à l’ordre public (décompensation d’une structure sensitive, type paranoïa de Kretschmer). L’individu est donc admis en soins psychiatriques sans consentement. Accueilli dans un établissement de soins après l’arrêté d’admission, l’intéressé saisit le juge de la liberté et des détentions (JLD) aux fins de mainlevée de la mesure d’hospitalisation. Le préfet saisit également le JLD aux fins de continuation de cette mesure. Devant le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’individu admis en soins psychiatriques argue toutefois un moyen inédit en invoquant l’irrégularité du certificat médical. Celui-ci serait nul car dressé par un médecin de l’établissement d’accueil contrairement à ce que prévoit l’article L. 3213-1 du code de la santé publique. Le psychiatre doit, en effet, exercer dans un autre établissement. Le premier président déclare irrecevable le moyen car la nullité tirée du certificat serait une exception de procédure, laquelle devrait être donc invoquée in limine litis. C’est précisément sur ce point que la Cour de cassation prononce la cassation pour violation de la loi. Pour elle, la nullité du certificat médical ne peut être qu’une défense au fond invocable « en tout état de cause » et non une exception de procédure devant être soulevée in limine litis. Voici une solution intéressante tant du point de vue de la procédure civile que du droit des personnes.

Sous le prisme de la procédure civile, la distinction entre exception de procédure et défense au fond reste cruciale. Certes, les deux notions partagent une nature commune puisqu’il s’agit de moyens de défense. Mais il faut les « distinguer soigneusement » (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 283, n° 363) car leur régime diffère. La défense au fond présente une certaine singularité par rapport à l’exception de procédure ou, a fortiori, à la fin de non-recevoir, puisqu’elle « attaque de front » la prétention du demandeur (v. Rép. pr. civ., v° Défenses, exceptions, fins de non-recevoir, par I. Pétel-Teyssié, n° 10). Or, ici, tout le contentieux se cristallisait autour de la nullité du certificat médical, et c’est précisément sur ce point que le raisonnement de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel est critiqué. En précisant que la nullité du certificat ne peut pas être une exception de procédure, la Cour de cassation rappelle ainsi le lien que ce document entretient avec la demande de placement dans l’établissement psychiatrique. Tout ceci peut laisser songeur tant le certificat médical partage des liens importants avec la procédure de placement. La confusion entre défense au fond et exception de procédure reste donc largement permise. Mais, sous l’angle de la procédure civile, la solution doit être accueillie avec bienveillance car elle permet de restituer l’exacte qualification des défenses au fond. Le certificat médical n’est pas un acte de procédure et c’est seulement les exceptions éponymes qui doivent être invoquées in limine litis. Il n’existe nulle particularité ici de la procédure judiciaire pour connaître des mesures de soins psychiatriques prononcées en application du code de la santé publique. Le code de procédure civile leur est applicable et ainsi la distinction entre exception de procédure et défense au fond doit être respectée. C’est au stade du droit des personnes que cette qualification revêt peut-être la conséquence la plus patente.

Du point de vue du droit des personnes, la solution continue de préciser le régime de l’hospitalisation sans consentement. Chemin faisant, la Cour de cassation s’inscrit dans une quête constante de l’équilibre entre droits de la personne placée et protection de l’ordre public.

L’article L. 3213-1 du code de la santé publique exige, certes, de dresser un certificat médical mais la condition d’extériorité doit être respectée. Le médecin psychiatre ne doit pas faire partie de l’établissement d’accueil où sera placé l’intéressé. Or ce dernier fonde précisément la nullité dudit certificat sur ce hiatus : le document nécessaire a bel et bien été dressé mais par un des médecins de l’hôpital psychiatrique dans lequel le placement intervient. Or la condition d’extériorité permet d’assurer l’absence d’arbitraire dans la procédure de placement sans consentement (sur ce point, v. Civ. 1re, 5 déc. 2019, n° 19-22.930, préc.). En préférant la qualification de défense au fond à celle d’exception de procédure, la haute juridiction invite à une défense plus aisée. On comprend alors une certaine souplesse dans les qualifications juridiques, notamment ici de procédure civile, pour rétablir le curseur entre les droits de l’intéressé et la protection de l’ordre public (sur ce point, v. M. Primevert, Le contrôle du juge sur les soins psychiatriques sans consentement, JCP G 2013. 625). Certes, la condition d’extériorité aurait pu être arguée directement devant le juge des libertés et de la détention mais la présentation du moyen devant le premier président de la cour d’appel ne doit pas être mise en défaut par son seul caractère inédit. La procédure civile sert ici les droits de l’individu sujet de la mesure qui doit pouvoir utiliser cette nullité. Solution heureuse et bienveillante, il faudra toutefois probablement éviter un dévoiement de ces moyens de défense, lesquels ne peuvent pas se résumer aux seules défenses au fond.

Exception de procédure et défense au fond dans le contexte de l’hospitalisation forcée

La nullité tirée du certificat médical servant de fondement à une mesure d’hospitalisation forcée doit être analysée comme une défense au fond, invocable en tout état de cause. Encourt donc la cassation l’ordonnance du premier président de la cour d’appel qui l’analyse comme une exception de procédure invocable seulement in limine litis.

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Grève des avocats : les demandes de mise en liberté en masse, « un usage dévoyé de la procédure »

Les avocats, en grève depuis quatre semaines contre le projet de réforme des retraites, utilisent divers moyens de contestation : grève des audiences et des permanences, fermeture des cabinets mais aussi dépôt en masse de demandes de mise en liberté (DML) à l’égard des mis en examen placés en détention provisoire.

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Une proposition de loi sur la sécurité privée et les polices municipales

Le groupe LREM vient de déposer une proposition de loi « vers une sécurité globale », centrée sur les polices municipales et la sécurité privée. Composé de vingt-neuf articles, le texte reprend les propositions les plus consensuelles du rapport déposé en septembre 2018 par les députés LREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue.

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Une proposition de loi sur la sécurité privée et les polices municipales

Alors qu’un livre blanc sur la sécurité, préalable à une loi d’orientation, est annoncé pour mars, le groupe LREM a déposé sa proposition de loi. Le texte concrétise plusieurs propositions du rapport Thourot-Fauvergue, même les plus polémiques, comme l’armement par défaut des policiers municipaux (v. Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. M.-C. de Montecler) n’ont pas été reprises.

Renforcement et mutualisation des agents de police muncipale et des ASVP

Les premiers articles visent à favoriser la mutualisation des polices municipales entre communes. Les agents de police municipale pourront constater les contraventions routières sur les communes voisines ayant signé une convention locale de sécurité routière (art. 3).

Les policiers municipaux pourront constater les délits de conduite sans permis ou sans assurance (art. 10) et intervenir en cas d’ivresse publique (art. 11). L’article 6 étend les possibilités d’inspection visuelle des bagages à d’autres types de manifestations. Par ailleurs, les policiers municipaux pourront adresser directement leurs procès-verbaux aux procureurs de la République, sans passer par un officier de police judiciaire (art. 6).

L’article 4 prévoit des dispositions sur la formation. Les gardiens de police municipale pourront aussi être contraints de rester dans la commune ayant pris en charge leur formation pour une durée de trois à cinq ans.

Le texte institutionnalise et encadre le statut des agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui se sont développés ces dernières années (art. 5). Sept mille agents, qui n’ont actuellement pas de cadre précis, relèveraient de ce statut. Ils pourront constater des contraventions par une liste fixée par décret. De manière expérimentale, ces ASVP (ainsi que les gardes champêtres) pourront utiliser des caméras-piétons.

Renforcement des pouvoirs des agents de sécurité privée

Le texte prévoit une nouvelle extension des pouvoirs des agents de sécurité privée : le préfet pourra les autoriser pour intervenir aux abords immédiats des espaces qu’ils gardent (art. 19). L’article 20 crée un nouveau statut d’« agent privé de sécurité assermenté ». Ils pourront constater par procès-verbaux des infractions, listées par décret, avec un préjudice inférieur à 200 €.

Comme le préconisait le rapport, la proposition de loi vise à assainir le secteur et interdire la sous-traitance en cascade (art. 12). Les sociétés de sécurité privée devront présenter des garanties financières (art. 14). Les entreprises spécialisées dans les dispositifs de sécurité électronique, dans le conseil sur la sécurité ou dans la fourniture de services de sécurité à l’étranger seront également soumises au contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Le texte impose une plus grande publicité des condamnations prononcées par le CNAPS (art. 13) et des parlementaires y siégeront.

L’article 16 étend, de manière expérimentale, le CDD de mission aux agents de sécurité privée : une personne pourra être employée pendant la durée d’un contrat plutôt que pour une période fixe.

Les agents étrangers devront justifier d’une résidence régulière en France depuis cinq ans et d’une maîtrise du français (art. 15). Le même article précise les condamnations incompatibles avec l’exercice d’une activité de sécurité privée (crime ou délit relevant des livres II à IV bis du code pénal). Il y aura un uniforme identique à l’ensemble la profession (art. 18).

L’article 17 vise à prévoir une circonstance aggravante pour les agressions commises contre une « personne chargée d’une mission privée de sécurité dans l’exercice ou du fait de ses fonctions ». Il incrimine aussi spécifiquement les menaces contre ces agents (mais pas l’outrage et la rébellion, comme le préconisait le rapport).

En fin de texte, l’article 27 prévoit que les bailleurs et les sociétés de gardiennage pourront installer des systèmes de vidéosurveillance devant leurs bâtiments (comme les commerçants). Enfin, un policier ou un gendarme portant son arme hors service ne pourra plus se voir interdire l’accès à un établissement recevant du public (art. 28).

Interruption de la prescription : extension d’une action à une autre

En l’espèce, un salarié de la société Dunlop Tires France, puis de la société Dunlop Tires Amiens venant aux droits de la première, déclare le 17 mars 2008 une maladie professionnelle qui est prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme. Son état ayant été déclaré consolidé le 28 juillet 2009, il saisit le 26 avril 2011 la caisse d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Dunlop Tires Amiens. Après un procès-verbal de non-conciliation établi le 7 septembre 2011, le salarié saisit le 31 juillet 2013 la juridiction de la sécurité sociale d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Dunlop Tires France. La cour d’appel juge cependant l’action prescrite, le salarié n’ayant engagé son action contre la société Dunlop Tires France que le 31 juillet 2013. Certes, précisent les juges du fond, le salarié a bien agi contre la société Dunlop Tires Amiens, mais cette requête adressée à la caisse primaire d’assurance maladie le 26 avril 2011 n’a pu interrompre la prescription à l’encontre de la société Dunlop Tires France à laquelle elle n’est pas opposable, ces sociétés étant des entités distinctes. Le salarié forme un pourvoi en cassation qui conduit à la censure de l’arrêt rendu par la cour d’appel : les deux actions en reconnaissance de la faute inexcusable engagées successivement par la victime procédant du même fait dommageable, la prescription avait été interrompue à compter du 26 avril 2011.

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en matière de prescription en présence d’une pluralité d’actions successives (Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-14.736, Dalloz actualité, 4 juin 2019 obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1046 image ; RTD civ. 2019. 590, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2019. 749, obs. B. Bouloc image). Dans l’hypothèse où ces actions sont fondées sur les mêmes faits et tendent au même but, alors la prescription peut exceptionnellement s’étendre d’une action à une autre (Civ. 2e, 3 févr. 2011, n° 09-17.213, RTD civ. 2011. 387, obs. R. Perrot image). Cette jurisprudence est remarquable à plus d’un titre. D’une part, elle écarte le principe de l’indépendance juridique des personnes physiques ou morales. Sans qu’elles soient représentées entre elles, des personnes juridiques distinctes peuvent se voir...

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Attribution de compétences matérielles supplémentaires de chambres de proximité

Une série de décisions des 15 et 16 janvier 2020 portant attribution de compétences matérielles supplémentaires de chambres de proximité a été publiée au Bulletin officiel du ministère de la Justice du 24 janvier 2020.

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Précisions sur la procédure devant le juge de l’expropriation

La Cour de cassation indique que la détermination de la date de référence servant à la fixation du prix d’acquisition relève de l’appréciation souveraine du juge du fond. Elle précise par ailleurs que le délai de deux mois ouvert à l’intimé pour former appel incident court à compter de la notification des conclusions d’appelant réalisée par le greffe, et non par l’appelant lui-même.

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Comment calculer le délai de remise des conclusions pour l’avocat hors ressort de la cour d’appel ?

Le 2 février 2018, l’avocat d’une société interjette appel d’un jugement du conseil de prud’hommes par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle est réceptionnée par le greffe de la cour d’appel de Rouen le 5 février 2018. L’avocat de la société conclut le 4 mai 2018 et le conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel. Sur déféré, la cour d’appel confirme l’ordonnance en relevant que le point de départ du délai de l’appelant pour conclure court à compter de la date de l’envoi de la déclaration d’appel et non de son enregistrement. La société forme un pourvoi en avançant qu’en cas de déclaration d’appel faite par lettre recommandée avec accusé de réception, cette remise est constituée par la réception de la lettre par le greffe et la deuxième chambre civile le rejette motif pris « que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que le délai de trois mois dont dispose l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe court, lorsque la déclaration d’appel est établie sur support papier et qu’elle est adressée au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception, du jour de l’expédition de cette lettre ».

Bien qu’elle rende un arrêt destiné à une très large publication, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par ce seul attendu pour écarter le pourvoi, ne précise aucun fondement juridique mais chacun aura compris le visa implicite des alinéas 2 et 3 de l’article 930-1 du code de procédure civile : « Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En ce cas, la déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué. Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen ».

Une nouvelle fois, c’est la dualité d’intervention de l’avocat et du défenseur syndical devant les chambres sociales des cours d’appel qui se trouve indirectement à l’origine de la difficulté rencontrée par un avocat hors ressort de la cour d’appel et qui avait fait le choix de ne pas solliciter l’intervention d’un confrère comme postulant. Si la procédure avec représentation obligatoire s’applique depuis le 1er août 2016 en cas d’appel des décisions du conseil de prud’hommes, et que l’on part du postulat que le fait de se trouver hors ressort d’une cour d’appel pourrait constituer une cause étrangère à celui qui l’accomplit – ce qui est loin d’être évident pour certaines cours –, il est cependant admis que « les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire » (Cass., avis, 5 mai 2017, n° 17-70.004 et 17-70.005, Dalloz actualité, 10 mai 2017, obs. C. Bléry). Mais ce qui a l’apparence de la souplesse est au contraire source de difficultés procédurales dans le calcul des délais d’appel et de notification des actes à la juridiction, sans même évoquer celle relative à la notification des conclusions entre avocats ou défenseurs syndicaux, encore bien supérieure.

Comment alors relever appel puisque l’avocat hors ressort ne peut, en l’état de la communication électronique, saisir la juridiction par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ? Si, antérieur au 1er septembre 2017, l’appel nécessitait exclusivement une remise par voie papier à peine de caducité, c’est-à-dire par tradition manuelle à l’exclusion de la lettre recommandée avec accusé de réception (Soc. 15 mai 2019, n° 17-31.800, Dalloz actualité, 25 juin 2019, obs. R. Laffly), l’appel de l’avocat extérieur au ressort de la cour de Rouen était postérieur à l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, de sorte que ce procédé était bien autorisé par le nouvel article 930-1, alinéa 2.

Commençait alors une simple opération d’arithmétique juridique : calculer correctement le délai de trois mois de remise des conclusions au greffe. Et les choses ne sont pas si simples. En effet, après avoir rappelé que le point de départ du délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile à l’appelant pour conclure courait à compter de la remise au greffe de la déclaration d’appel par RPVA, et non de l’édition par le greffe du fichier récapitulatif reprenant les données du message de l’appelant (Civ. 2e, 6 déc. 2018, n° 17-27.206, Dalloz actualité, 16 janv. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; JCP G 11 févr. 2019, obs. R. Laffly), la Cour de cassation doit revenir sur cette problématique en cas d’appel d’un jugement du conseil de prud’hommes fait par lettre recommandée. La solution est finalement la même : le point de départ du délai de trois mois démarre à compter de l’émission de l’acte d’appel, c’est-à-dire de l’envoi de la lettre recommandée. Ainsi, lorsque l’appel est formé par RPVA, c’est la date d’émission qu’il convient de prendre en compte (et non celle de son enregistrement par le greffe qui peut être ultérieure) et c’est encore celle d’émission lorsque l’appel peut être effectué par lettre recommandée avec accusé de réception (et non celle de sa réception par le greffe nécessairement ultérieure).

L’esprit de célérité qui présidait à l’adoption des décrets Magendie, souvent invoqué par la Cour de cassation elle-même lorsqu’elle tranche en faveur d’une thèse plutôt que d’une autre, n’a pas été rappelé en l’espèce, pas plus que les textes qui devaient conduire à une telle interprétation permettant de calculer le point de départ de l’article 908. Or, pour le calcul des dates de notification ou de signification, le principe d’expédition ou d’émission, plutôt que celui de réception, prévaut à l’égard de celui qui notifie l’acte. L’article 668 du code de procédure civile est clair : « Sous réserve de l’article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre » et c’est la solution retenue. D’ailleurs, l’alinéa 3 de l’article 930-1 précise que, « lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission et adresse à l’appelant un récépissé par tout moyen ». Ainsi, si l’avocat de l’appelant pouvait relever appel jusqu’à la limite de son délai d’un mois à compter de la notification du jugement du conseil de prud’hommes faite à son client, sans égard à sa réception par le greffe de la cour d’appel, c’était ce même délai qu’il convenait de prendre en compte pour conclure. Ce qui demande à l’avocat hors ressort d’anticiper un minimum sur l’expiration de ce délai prévu à peine de caducité de sa déclaration d’appel puisque ses conclusions doivent être effectivement remises au greffe dans ce délai. En effet, l’article 908 du code de procédure dispose bien qu’« à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe », levant l’ambiguïté de l’ancienne version qui précisait seulement que l’appelant disposait d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure. Et l’article 908 s’applique à l’avocat du ressort comme à celui hors ressort de la cour d’appel.

Dans le cas soumis à la Cour de cassation, l’appel avait été formé le 2 février 2018, le délai pour remettre ses conclusions au greffe expirait donc le 2 mai 2018, tandis que l’avocat de l’appelant les avait remises seulement le 4 mai, soit avec deux jours de retard. Mais on sait depuis longtemps que la procédure d’appel est souvent affaire de quelques jours.

Inaptitude : méconnaissance de l’obligation de saisir la commission de reclassement prévue par la convention collective

La méconnaissance de l’obligation conventionnelle de saisir une commission de reclassement associée à la recherche d’un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d’être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail n’est pas de nature à priver le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse.

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[I]Marriage Story[/I]

Dans un film exceptionnel et excellemment joué par Scarlett Johansson et Adam Driver, Noah Baumbach livre la chronique d’une séparation difficile jusqu’au prononcé du divorce, se déroulant dans le cadre du système judiciaire californien.

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[I]Marriage Story[/I]

Présenté à la Mostra de Venise, sorti au tout début du mois de décembre dernier sur Netflix, qui s’est chargé de sa production, ce qui en limite malheureusement la diffusion, Marriage Story est un film exceptionnel en tous points. C’est sans doute l’un des meilleurs tributs payés, ces dernières années, par le cinéma américain à la figure du couple, un couple en déliquescence, un couple qui se déchire, et qui se retrouve, par touches, comme par une sorte de pointillisme affectif. Il y a du tragique dans cette figure, et quelque chose de grandiose dans la façon de mettre en scène, comme le fait Noah Baumbach, les rapports difficiles entre Nicole et Charlie Barber, admirablement incarnés par Scarlett Johansson et Adam Driver, tous deux au meilleur de leur jeu. Les deux acteurs constituent l’un de ces duos contemporains que l’on ne risque pas d’oublier, à l’image de celui constitué par Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, dans Les Noces rebelles, de Sam Mendes. Dans Marriage Story, les personnages principaux sont eux-mêmes dans le monde du théâtre. Lui est un metteur en scène new-yorkais dont la célébrité tend à s’asseoir. Elle est actrice, probablement l’âme de sa troupe, que l’on voit comme une petite famille et au sein de laquelle tout départ se vit comme un déchirement. Et précisément, Nicole s’en va, de son couple comme du théâtre. Elle retourne à Los Angeles, d’où elle était originaire, ayant décroché un rôle dans une série. Elle se sépare de Charlie et emmène avec elle leur fils unique Henry. Nicole se réinsère dans sa vie d’avant, assez facilement. Tel est, en substance, le point de départ de ce film qui n’en finit pas d’enchanter la critique.

Marriage Story est un film de l’entre-deux. Entre deux époques, d’abord. Il s’agit ici d’analyser le temps d’après, cette période qui va de la décision de se séparer au prononcé du divorce, c’est-à-dire qui mène du fait au droit. Le divorce, aux États-Unis comme en France, n’est pas instantané. À défaut de cohabiter, il faut au moins coexister. Film entre deux lieux, ensuite. La séparation est en effet physique, Charlie étant sans cesse entre New York et Los Angeles, soucieux tout à la fois de voir son fils et de mener à bien la pièce qu’il est en train de monter à Broadway. Entre deux personnes, enfin. Car le film est la chronique d’un face à face, entre Nicole, qui s’installe dans sa vie nouvelle, et Charlie, qui se raccroche à l’ancienne sans voir, au moins au début, qu’elle n’est plus qu’un souvenir, peut-être une chimère. Et c’est là, dans cet antagonisme très fort, qu’intervient la perspective juridique avec laquelle on peut aborder ce film. Marriage Story plonge au cœur du système judiciaire californien, pour ce qui a trait au droit de la famille, ce qui est somme toute assez rare dans le cinéma contemporain. Et une première impression se dégage, lorsque l’on voit s’opposer les avocats de chacun des époux : le divorce est quelque chose qui se gagne. Il y aura nécessairement, semble-t-il, un perdant. Ce n’était pourtant pas l’approche initialement retenue par les époux Barber. Les choses devaient se dérouler sans accroc. Mais un glissement s’opère, à compter du moment où Nicole prend fort justement un avocat pour représenter ses intérêts, ce qui surprend Charlie. Était-ce la bonne personne ? C’est une autre question. Il demeure que les époux Barber deviennent un case. Le droit s’engouffre ; une audience se tient. Des négociations se déroulent. Les enjeux ? Le sort de Henry, bien sûr. Mais surgissent aussi les prétentions financières, qu’il faut trancher.

Les avocats, dans ce film, sont particulièrement intéressants. Ils sont identiques, issus des mêmes clubs, et fréquentent les mêmes galas de charité. À la ville, ils se sourient. Au palais, ils s’affrontent virulemment. D’ailleurs, les choix de Charlie, pour le représenter, sont très significatifs. Au fur et à mesure que son attitude évolue, il change d’avocat. Au début, il semble subir le divorce, dans ce qu’il a de juridique, plus préoccupé par la séparation et ses conséquences concrètes, avec ses va-et-vient constants entre New York et Los Angeles. Puis, cette passivité première – sans doute liée aux chimères qu’il nourrissait initialement – se transforme en une posture plus agressive, rebelle à l’idée de concession. Tandis que son premier défenseur était conciliant et enclin à transiger, le second est offensif, à l’image de son contradicteur. Et, progressivement, le divorce échappe au couple. L’appareil judiciaire, avec ses représentants, s’occupe de l’affaire. En revanche, il reste toujours la séparation, magistralement jouée, admirablement filmée.

 

Marriage Story, Noah Baumbach, 2019.
Disponible en VOD

Ordonnance « copropriété » : projet de loi de ratification

Lors du Conseil des ministres qui s’est tenu le 15 janvier, la garde des Sceaux, ministre de la Justice, la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, ont présenté un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (concernant cette ordonnance, V.

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La domanialité privée d’un immeuble à usage de bureau est tenace

Le Conseil d’État tire les conséquences de l’appartenance au domaine privé par détermination de la loi des immeubles de bureaux appartenant à une personne publique. 

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Publication du décret d’encadrement des loyers à Lille

Un décret prévoyant l’expérimentation de l’encadrement des loyers par voie préfectorale sur le territoire de la commune de Lille est paru au Journal officiel du 24 janvier.

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Les territoires ruraux dans le viseur des pouvoirs publics

Le 16 janvier 2020, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a adopté, en réunion plénière, le rapport d’information intitulé « Les collectivités locales engagées au service de nos ruralités ».

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Droit international privé dans les relations franco-camerounaises

La Cour de cassation se prononce, par deux arrêts du 15 janvier 2020, sur la mise en œuvre de l’Accord franco-camerounais de coopération en matière de justice du 21 février 1974, à propos de différents aspects de droit international privé.

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La France et le Cameroun sont liés par un Accord de coopération en matière de justice signé le 21 février 1974, qui prévoit notamment des dispositions en matière d’exequatur.

Par son article 34, il retient ainsi qu’« en matière civile, sociale ou commerciale, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun sont reconnues de plein droit sur le territoire de l’autre État si elles réunissent les conditions suivantes :
a) les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;
b) le litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet :
- n’est pas pendant devant une juridiction de l’État requis, ou
- n’a pas donné lieu à une décisions rendue dans l’État requis, ou
- n’a pas donné lieu à une décision rendue dans un État et réunissant les conditions nécessaires à son exequatur dans l’État requis ;
c) la décision, d’après la loi de l’État ou elle a été rendue, ne peut plus faire l’objet d’un recours ou d’un pourvoi en cassation ;
d) la décision émane d’une juridiction compétente d’après les règles de conflit de l’État requis sauf renonciation de la partie intéressée ;
e) la décision n’est pas contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée ;
f) elle ne contient rien de contraire à l’ordre public de l’État ou elle est invoquée ou aux principes de droit public...

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L’inopposabilité confirmée de la nullité à la victime : à bon assureur, salut !

Après avoir longtemps résisté à la réception de l’inopposabilité aux victimes de la nullité d’une police pour fausse déclaration intentionnelle, ce n’est que très récemment, et sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que la Cour de cassation a réalisé un considérable revirement interne, a fortiori très attendu et donc applaudi (Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-14.768, Dalloz actualité, 20 sept. 2019, obs. R. Bigot).

Par une seconde décision sur la question, rendue le 16 janvier 2020, la deuxième chambre civile persiste et signe, non pour une fausse déclaration initiale, mais pour un défaut de déclaration d’un élément de nature à changer l’opinion du risque par l’assureur en cours de contrat. Naturellement, on applaudit à nouveau. L’arrêt apporte, en outre, une précision importante, sur la répartition de la charge indemnitaire entre l’assurance et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Il est heureux que la Cour de cassation ne suive pas toujours la mode lancée par les assureurs – consistant à transférer, partiellement ou totalement, la prise en charge de risques vers la solidarité – et ne vide pas d’une partie de sa substance l’obligation de couverture et de garantie due par l’assurance privée.

La haute juridiction arrête ainsi le jeu de vases communicants vers le fonds de garantie, que l’assurance a tendance à exploiter pour améliorer ses bonis. L’analyse économique du droit conforterait sûrement une telle décision.

Tout d’abord, le marché de l’assurance automobile culmine à 22,1 milliards en 2018 d’euros (Fédération française de l’assurance, Rapport 2018, p. 14). Or, lorsqu’un marché n’est pas rentable, les acteurs de l’assurance ont tendance à s’en retirer, ce qui ne semble pas être le cas des nombreux acteurs se partageant le « gros gâteau » de l’automobile.

Rappelons ensuite que le marché de l’assurance automobile a été rendu obligatoire dès 1958 (D. Noguéro, Assurances et véhicules connectés. Regard de l’universitaire français, actes du colloque « Nouvelles technologies et mutations de l’assurance », 5 déc. 2018, Le Mans Université, Dalloz IP/IT 2019. 597 image s., spéc. p. 598), ce qui en fait depuis cette date une rente à vie pour les assureurs.

Enfin, lors des travaux parlementaires à l’initiative de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite PACTE, il a été mis en avant, en faveur de l’adoption du nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances consacrant la jurisprudence récente, que cette adoption permettrait de faire bénéficier le FGAO d’une baisse annuelle de charge estimée à 15 millions d’euros et représenterait donc, corrélativement, une augmentation annuelle de 15 millions d’euros pour les assureurs, ce qui semble n’être qu’une goutte d’eau dans l’océan des 22 milliards de primes qu’ils récoltent chaque année. L’amendement ayant permis son adoption a souligné que « l’intervention du fonds de garantie automobile (en France, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages [FGAO]), conçue comme « une mesure de dernier recours » selon la CJUE, est uniquement prévue dans le cas où les dommages ont été causés par un véhicule pour lequel il n’existe aucun contrat d’assurance » (amendement n° 879 présenté en première lecture au Sénat le 25 janvier 2019).

Cette disposition, qui résulte d’un amendement, vise selon ses auteurs à mettre en conformité le code des assurances avec le droit de l’Union européenne.

À l’origine de l’affaire commentée, une conductrice a souscrit un contrat d’assurance automobile auprès d’un assureur le 6 juillet 2011. Trois ans plus tard, l’automobiliste a provoqué un accident en abandonnant sur une voie ferrée son véhicule qui a été percuté par un train, occasionnant à celui-ci des dommages matériels importants. Lors de cet accident survenu le 19 juillet 2014 précisément, la « chauffarde » circulait en état d’ébriété. L’assureur a notifié à la souscriptrice, le 20 avril 2015, la nullité du contrat pour défaut de déclaration d’un élément de nature à changer l’opinion du risque par l’assureur en cours de contrat, à savoir sa condamnation pénale pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique intervenue le 22 mai 2013.

Après avoir indemnisé la victime – la SNCF –, l’assureur a assigné la souscriptrice de la police en paiement d’une somme de 1 425 203,32 €. Il a aussi demandé que la décision soit déclarée opposable au FGAO. Ce dernier est intervenu volontairement à l’instance. La cour d’appel de Besançon, par un arrêt du 10 juillet 2018, a mis hors de cause le FGAO. La société d’assurance s’est pourvue en cassation.

Dans un arrêt du 16 janvier 2020, la deuxième chambre civile a rejeté le pourvoi formé par l’assureur. Ses motifs sont que « la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit (20 juill. 2017, aff. C-287/16) que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, et l’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d’assurance en ce qui concerne l’identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d’assurance est conclu n’avait pas d’intérêt économique à la conclusion dudit contrat ».

La deuxième chambre civile en a déduit que la nullité édictée par l’article L. 113-8 du code des assurances, tel qu’interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n’est pas opposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.

La haute juridiction a alors rappelé qu’aux termes de l’article R. 421-18 du code des assurances, lorsqu’un contrat d’assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l’emploi du véhicule qui a causé des dommages, le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu’en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d’assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit.

Il en résulte, selon la Cour de cassation, que, la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d’assurance conclu par la souscriptrice étant inopposable à la victime, le FGAO ne pouvait être appelé à prendre en charge tout ou partie de l’indemnité versée par l’assureur et a, à bon droit, été mis hors de cause dans l’instance engagée par ce dernier à l’encontre de son assurée.

Six mois plus tôt, la deuxième chambre civile avait déclaré, pour la première fois, inopposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit la nullité du contrat d’assurance prévue à l’article L. 113-8 du code des assurances, en présence d’une fausse déclaration intentionnelle, en amont de la souscription, du risque par l’assuré. Après une longue attente des victimes, elle renversait ainsi une solution bien acquise en droit français (Civ. 2e, 29 août 2019, n° 18-14.768, préc.).

Précisément, la haute juridiction a retenu que la nullité d’un contrat d’assurance de responsabilité civile automobile édictée par l’article L. 113-8 du code des assurances n’est pas opposable aux victimes d’un accident de la circulation ou à leurs ayants droit, lorsqu’elle résulte de fausses déclarations initiales du preneur d’assurance en ce qui concerne l’identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d’assurance est conclu n’avait pas d’intérêt économique à la conclusion de ce contrat (R. Bigot, art. préc.).

Puis, ce début d’année 2020, la Cour de cassation a confirmé l’inopposabilité de la nullité du contrat d’assurance de responsabilité civile automobile, pour défaut de déclaration d’un élément de nature à changer l’opinion du risque par l’assureur en cours de contrat, à la victime. Elle a apporté une précision importante quant à la répartition de la charge entre débiteurs institutionnels d’indemnités.

En visant à nouveau l’article L. 113-8 du code des assurances et la directive dédiée à la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, la Cour de cassation a ainsi admis la position du fonds de garantie, lequel s’est prévalu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’argument aux termes duquel les nullités d’un contrat d’assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle à la souscription, ou en cas de non-déclaration en cours de contrat, sont inopposables aux tiers victimes, de sorte que l’assureur doit prendre en charge les préjudices subis par les tiers victimes et exercer son recours à l’encontre de l’auteur responsable, et ce sans intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. En l’occurrence, l’entreprise d’assurance n’a pas opposé la nullité du contrat d’assurance à la victime, la SNCF, qu’elle a indemnisée. Son action étant une action récursoire à l’encontre de son assuré, elle ne pouvait être confondue avec l’action de l’assureur du tiers victime subrogé dans les droits de son propre assuré. Dès lors, le Fonds de garantie qui n’a pas vocation à intervenir dans le cadre d’une action récursoire devait, en l’espèce, être mis hors de cause.

Par ailleurs, le code des assurances n’étant plus conforme au droit européen, ce qui exposait les autorités françaises à une procédure en manquement, le législateur a dernièrement décidé de mettre en conformité le droit français des assurances à la jurisprudence de la CJUE. Il s’agissait d’éviter la multiplication du contentieux entre les assureurs et le FGAO et de sécuriser, dans le domaine de l’assurance automobile, les effets de la nullité d’un contrat d’assurance vis-à-vis des victimes d’accidents de la circulation, tout en contribuant à la pérennité financière des missions de solidarité nationale confiées par le législateur au FGAO.

À cet effet, l’article L. 211-7-1 créé par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (art. 209) dite PACTE dispose désormais que « la nullité d’un contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211-1 n’est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit des victimes des dommages nés d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques.

Dans une telle hypothèse, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait de ce véhicule, de cette remorque ou de cette semi-remorque est tenu d’indemniser les victimes de l’accident ou leurs ayants droit. L’assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident, à concurrence du montant des sommes qu’il a versées.

Un décret en Conseil d’État fixe les autres exceptions de garantie qui ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit ».

Dès lors, pour les accidents postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi PACTE, la règle issue de la jurisprudence récente figure dorénavant à l’article L. 211-7-1 du code des assurances.

Si cette solution est d’une saine logique, on peut toutefois regretter qu’elle ne concerne que l’assurance automobile, les autres catégories d’assurances n’étant pas visées. En contrepartie, c’est une bonne nouvelle pour les assureurs qui n’ont pas à s’inquiéter : les incidences financières sont, comme on l’a vu précédemment, ainsi restreintes et donc très faibles à leur égard.

Les victimes ou leurs ayants droit seront désormais indemnisés par l’assureur du véhicule ayant causé l’accident selon les règles de droit commun fixées par la loi « Badinter » du 5 juillet 1985, non plus par le FGAO. Dès lors qu’ils ne pourront plus opposer la nullité pour fausse déclaration, cela représente pour les assureurs automobiles une augmentation annuelle de charges estimée à 15 millions d’euros seulement, sur 22 milliards de primes collectées chaque année – insistons.

En attendant, sauf à ce que le législateur repense, notamment, la responsabilité et la causalité (R. Bigot et A. Charpentier, Repenser la responsabilité et la causalité, Risques n° 120, déc. 2019, p. 123-128), puis la répartition des charges, et corrélativement des primes, il est important que la juridiction suprême rappelle le rôle et les obligations imparties à chacun, qui pourrait être source d’un nouveau proverbe : « à bon assureur, salut ! ».

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Droit de visite médiatisé à l’égard d’un enfant placé : premières applications de l’article 1199-3 du c. pr. civ.

Les arrêts rendus le 15 janvier 2020 par la première chambre civile de la Cour de cassation, l’un de rejet sur ce point (arrêt n° 27, n° 18-25.313), l’autre de cassation (arrêt n° 28, n° 18-25.894), mettent en œuvre, pour la première fois à notre connaissance, l’article 1199-3 du code de procédure civile, issu du décret n° 2017-1572 du 15 novembre 2017 (sur lequel, L. Gebler, Encadrement du droit de visite des parents de l’enfant placé, AJ fam. 2017. 614 image ; A. Denizot, L’organisation insouciante des visites en présence d’un tiers, RTD civ. 2018. 230 image). À cette occasion, les juges de la Haute Cour, combinant l’article précité avec l’article 375-7 du code civil, se prononcent sur l’office du juge des enfants dans le domaine sensible du droit de visite médiatisé des parents dont l’enfant fait l’objet d’une mesure de placement au titre de l’assistance éducative.

Si les désordres familiaux ayant entraîné le déclenchement de la mesure éducative étaient évidemment propres à chaque espèce, les conséquences juridiques avaient un point commun : dans les deux cas, les enfants avaient été placés hors du milieu familial et le juge des enfants avait opté pour un droit de visite médiatisé (en alternance avec un « droit de visite libre » dans le premier arrêt, arrêt n° 27, v. infra). Dans les deux affaires, il s’agissait de savoir si le juge des enfants avait rempli son office dans la détermination des modalités d’exercice de ce droit, ce qui était contesté par les mères des enfants, demanderesses au pourvoi dans les deux procédures.

La question de la fixation des modalités d’exercice du droit de visite des parents à l’égard d’un enfant placé – et donc retiré à ses parents – en raison du danger qu’il court est une question hautement sensible (en ce sens, T. Fossier, Les droits des parents en cas de placement éducatif, AJ fam. 2007. 60 image). Ce droit de visite traduit en effet à la fois symboliquement et concrètement le maintien des attributs de l’autorité parentale qui continue d’être exercée par les parents (C. civ., art. 375-7, al. 1er : « Les père et mère de l’enfant bénéficiant d’une mesure d’assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ») et on sait que le législateur accorde une grande importance au maintien des liens entre l’enfant placé et sa famille (en ce sens, not., F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, Droit de la famille, Dalloz, coll. « Précis », 9e éd., Dalloz 2018, spéc. § 1047 ; S. Bernigaud in P. Murat (dir.), Droit de la famille, Dalloz Action, 2016, spéc. §§ 242-263).

Ce maintien repose essentiellement sur l’article 375-7 du code civil. Depuis la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant (Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 ; sur laquelle, v. A. Denizot, Définition de l’inceste : peut mieux faire !, RTD civ. 2016. 462 image), cet article dispose dans son alinéa 4 que « S’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Le juge en fixe les modalités […]. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou qui est désigné par l’établissement ou le service à qui l’enfant est confié. Les modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers sont précisées par décret en Conseil d’État ». Le code civil renvoie ainsi indirectement à l’article 1199-3 du code de procédure civile créé en application dudit décret et qui dispose : « La fréquence du droit de visite en présence d’un tiers est fixée dans la décision judiciaire sauf à ce que, sous le contrôle du juge, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié » (que nous désignerons ci-après, pour plus de commodité, sous les termes de « gardien de l’enfant »).

La question est donc celle de l’articulation du principe selon lequel le juge des enfants « fixe les modalités » du droit de visite accordé aux parents d’un enfant placé et les dispositions spéciales prévues lorsqu’un tel droit de visite doit être exercé en présence d’un tiers.

Le principe selon lequel le juge fixe les modalités du droit de visite des parents lorsque l’enfant est placé est ancien. Toutefois, certains juges ont été tentés de déléguer au gardien de l’enfant l’organisation du droit de visite, souvent dans le but de donner souplesse et adaptabilité à la solution à mettre en place en même temps que cela limitait les allers-retours devant le juge (sur ces pratiques, v. J. Hauser, obs. sous Civ. 1re, 13 oct. 1998, n° 98-05.008, RTD civ. 1999. 75 image ; M. Huyette, note sous Civ. 1re, 13 oct. 1998, D. 1999. 123 image ; J. Massip, note sous Civ. 1re, 13 oct. 1998, Defrénois 1999. 309). La Cour de cassation a donc dû affirmer qu’une telle délégation n’était pas acceptable car le juge méconnaissait ainsi l’étendue de ses pouvoirs (v. not., Civ. 1re, 13 oct. 1998, no 98-05.008, Defrénois 1999. 309, obs. Massip ; Dr. fam. 1998, no 168, note Murat). Pour autant, le contentieux ne s’est pas tari. Du reste, dans le premier arrêt (arrêt n° 27, préc.), la Cour de cassation a encore été obligée de rappeler que le juge ne pouvait pas fixer, en faveur de la mère, un « droit de visite libre », « dont les modalités seront fixées en concertation entre celle-ci et le service auquel les enfants sont confiés ». Sur ce point, elle casse donc l’arrêt d’appel pour violation de l’article 375-7, alinéas 4 et 5 au motif qu’il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite simple et qu’en prévoyant un droit de visite « libre », la cour d’appel avait méconnu l’étendue de ses pouvoirs. La solution, classique donc, n’appelle pas de plus amples développements à ce stade. Elle permet en revanche de mettre en perspective la différence avec l’hypothèse de la mise en place d’un droit de visite médiatisé qui était au cœur des deux arrêts.

L’intérêt des arrêts sous examen réside en effet dans le contrôle effectué par la Cour de cassation sur la répartition des pouvoirs entre le juge des enfants et le gardien de l’enfant quant aux modalités d’organisation de la visite en présence d’un tiers.
Il semble résulter de l’article 1199-3 du code de procédure civile précité que, lorsque le droit de visite est prévu en présence d’un tiers, le principe est que le juge fixe la fréquence de ces visites à moins qu’il ne délègue (même si le mot peut fâcher) l’ensemble des modalités de l’organisation de ce droit au gardien de l’enfant en collaboration avec le parent concerné et sous son contrôle. On pourrait y voir une hiérarchie, une préférence du législateur pour la fixation de la fréquence des visites par le juge. La mise en œuvre de l’article par la Cour de cassation semble plutôt faire état d’une simple alternative. Revenons sur les deux branches de celle-ci.

En ce qui concerne la fixation de la fréquence des visites par le juge, les commentateurs du décret ont pu souligner qu’elle semblait n’être qu’une modalité minimale qui n’excluait pas que le juge puisse fixer d’autres éléments (en ce sens, L. Gebler, Encadrement du droit de visite des parents de l’enfant placé, AJ fam. 2017. 614 image). Sur cet aspect, les arrêts sous examen ne nous éclairent guère. En effet, dans les deux cas, les juges du fond avaient opté pour une délégation totale de la fixation des modalités de la visite, sous le contrôle du juge des enfants. Il faudra attendre d’autres décisions pour en savoir un peu plus.

En ce qui concerne l’autre branche de l’alternative posée par le texte, qui prévoit donc que, « sous le contrôle du juge, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents » et le gardien de l’enfant, les arrêts sont plus intéressants.

Dans le premier arrêt (arrêt n° 27, préc.), le juge des enfants avait décidé d’un « droit de visite médiatisé dont les modalités seront fixées en concertation entre le service auquel les enfants sont confiés et la mère ». Or, pour critiquer l’arrêt d’appel, cette dernière fondait clairement son pourvoi sur la jurisprudence constante rappelée plus haut et rendue sur le fondement de l’article 375-7 du code civil. Elle soutenait en effet que la cour d’appel avait méconnu l’étendue de ses pouvoirs au regard de cet article en ne déterminant pas elle-même la nature et la fréquence du droit visite médiatisé qu’elle avait ordonné. Or, la Cour de cassation, après avoir rappelé les textes des articles 375-7, alinéa 4, du code civil et 1199-3 du code de procédure civile, estime que le moyen n’est pas fondé au motif qu’en accordant à Mme C. « un droit de visite médiatisé, dont ils ont prévu que les modalités, notamment la périodicité, seraient déterminées selon l’accord des parties, et dit qu’il en serait référé au juge en cas de difficulté, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes susvisés ».

Il en ressort clairement que, selon la Cour de cassation et conformément aux articles visés, deux situations doivent être distinguées. Soit le droit de visite s’exerce sans la présence d’un tiers et le juge doit en fixer les modalités d’exercice (C. civ., art. 375-7, al. 4) ou à tout le moins la nature et la fréquence (C. civ., art. 375-7, al. 5) : c’est ce qui vaut à l’arrêt d’appel la cassation concernant le droit de visite simple qui ne saurait être « libre » (v. supra). Soit le droit de visite est médiatisé et le juge peut déléguer, sous son contrôle, son entier pouvoir d’organisation des visites au gardien de l’enfant… sous réserve toutefois d’un accord entre ce dernier et le parent bénéficiaire du droit de visite. C’est là l’apport du second arrêt.

En effet, dans le second arrêt (arrêt n° 28, préc.), le juge des enfants avait accordé aux deux parents « un droit de visite médiatisé qui s’exercera sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge en cas de difficultés ». Ici, non seulement le juge des enfants n’avait pas fixé la périodicité du droit de visite mais il avait confié la fixation de ces modalités, certes sous son contrôle, au seul gardien de l’enfant sans la subordonner à un accord entre ce dernier et les parents bénéficiaires. Aucune des branches de l’alternative posée par l’article 1199-3 du code de procédure civile n’était ainsi remplie. La cassation était donc inévitable. Au visa, là encore, des articles 375-7, alinéa 4, du code civil et 1199-3 du code de procédure civile, la Cour de cassation affirme « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite accordé, ou de s’en remettre, sous son contrôle, à une détermination conjointe des conditions d’exercice de ce droit entre les parents et le service à qui les enfants étaient confiés, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ».

Ainsi, on peut conclure que ces arrêts font une stricte application des textes et notamment de l’article 1199-3 du code de procédure civile. Il est du reste heureux que la Cour de cassation veille à ce que le juge ne se dessaisisse de son pouvoir/devoir de fixer les modalités du droit de visite médiatisé qu’il ordonne, uniquement dans l’hypothèse où le gardien de l’enfant et les parents bénéficiaires parviennent à se mettre d’accord, ce qui laisse espérer une solution souple et adaptée aux besoins de l’enfant et aux contraintes de chacun. La large diffusion (FS-P+B+I) promise à ces deux arrêts démontre sans doute la volonté pédagogique de la Cour de cassation qui entend bien faire respecter une exacte répartition des rôles dans ce domaine si sensible.

Droit de visite médiatisé à l’égard d’un enfant placé : premières applications de l’article 1199-3 du c. pr. civ.

La Cour de cassation, appliquant pour la première fois l’article 1199-3 du code de la procédure civile, s’est prononcée sur la répartition des rôles entre le juge des enfants et le gardien de l’enfant quant aux modalités d’organisation d’un droit de visite médiatisé sur un enfant placé au titre de l’assistance éducative.

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La loi applicable à l’action directe en matière non contractuelle contre un assureur

L’action directe, découverte très tôt en France dans le domaine de l’assurance, est déjà source de difficultés lorsqu’elle est confrontée au droit interne. À ce titre, Madame Abravanel-Jolly explique que depuis l’intervention de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 « l’action directe est une action légale, conférée à la victime afin de lui permettre d’agir directement contre l’assureur. On la nomme également action directe légale, pour bien la différencier de l’action directe contractuelle octroyée au bénéficiaire d’une stipulation pour autrui […]. À l’origine, l’article L. 124-3 du code des assurances ne faisait pas référence à l’action directe. Le texte original faisait uniquement référence à un principe d’affectation en vertu duquel l’indemnité devait être affectée à la victime, et c’est la jurisprudence qui en a déduit l’existence d’une action directe dans un arrêt de principe du 28 mars 1939 » (S. Abravanel-Jolly, Droit des assurances, 3e éd., Ellipses, 2020, n° 83 7; V. aussi, P.-G. Marly, Droit des assurances, Dalloz, 2013, n° 247, qui cite un arrêt plus ancien : Civ. 14 juin 1926, DP 1927. I. 57, note L. Josserand et rapp. A. Collin ; S. 1927.1.25, note C. Esmein ; Lamy Assurances 2020, n° 1584 ; Adde Y. Avril, Chapitre II. Le recours contentieux ; Section 1. L’action directe de la victime contre l’assureur, in R. Bigot et A. Cayol (dir.), Le droit des assurances en tableaux, Ellipses, 2020, à paraître).

Le fameux arrêt de la chambre civile en date du 28 mars 1939 révèle la dualité de l’action directe. Elle prend naissance dans le « droit à la réparation de la victime pour le préjudice dont l’assuré est reconnu responsable ; il s’agit d’une action distincte de l’action en responsabilité elle-même. Pour autant, l’assureur n’est tenu vis-à-vis de la victime que dans la limite du contrat d’assurance RC. Sachant que, à l’évidence, l’action directe n’est plus recevable en cas de substitution légale du débiteur de la dette de responsabilité. Au demeurant, la jurisprudence met en évidence les deux facettes de l’action directe : un fondement légal issu du droit à réparation de la victime, mais dont l’exercice est limité par le contrat d’assurance » (ibid.).

La décision originelle énonçait ainsi que « si l’action de la victime d’un accident contre l’assureur est subordonnée à l’existence d’une convention passée entre ce dernier et l’auteur de l’accident et ne peut s’exercer que dans ses limites, elle trouve, en vertu de la loi, son fondement dans le droit à réparation du préjudice causé par l’accident dont l’assuré est reconnu responsable » (Civ. 28 mars 1939, D. 1939. I. 68, note M. Picard).

Il est souligné, à propos de ce principe, que la jurisprudence française « est si constante et ferme qu’il devient rare de rencontrer des arrêts réitérant ce principe, connu de tous et critiqué par personne » (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, Lextenso éd., 2018, p. 749, n° 754, in fine : citant Civ. 1re, 22 juill. 1986, RGAT 1986. 595, note G. Viney), avant de reconnaître que « le droit québécois est moins hésitant : Le montant de l’assurance est affecté exclusivement au paiement des tiers lésés » (C. civ. Q, art. 2500) » (ibid.).

Lorsqu’elle s’inscrit dans le droit international privé de l’Union européenne, le terrain de jeu de l’action directe y est davantage piégé, dans la mesure où il s’agit d’une notion européenne qui amène à considérer l’ensemble du régime, avec l’autonomie des notions-régimes en particulier (F. Mailhé, Entre Icare et Minotaure, les notions autonomes du droit international privé de l’Union, in Le droit à l’épreuve des siècles et des frontières, Mélanges en l’honneur du Professeur Bertrand Ancel, LGDJ, Lextenso éd., 2018, p. 1137 s., spéc. p. 1161).

Bien plus restrictivement, la décision commentée rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 décembre 2019 (Civ. 1re, 18 déc. 2019, FS-P+B+I, nos 18-14.827 et 18-18.709) vise le règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement et du Conseil du 11 juillet 2007 (JOUE du 31 juill.) sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II.

Dans une perspective historique préalable, en France, la seule jurisprudence traitait auparavant de la question de la loi applicable en matière de responsabilité civile extracontractuelle. On sait ainsi de longue date qu’à l’occasion d’un litige international, la victime d’un accident survenu en France est recevable à exercer, contre l’assureur étranger de l’auteur de cet accident, l’action directe que la loi lui confère dans un intérêt d’ordre public (Req. 24 févr. 1936, DP 1936. 1. 49, note R. Savatier ; RGAT 1936. 558, note M. Picard ; L. Perdrix, comm. sous art. L. 124-3, Code des assurances. Code de la mutualité, Dalloz, 25e éd., 2019, p. 292 ; B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva (dir.), Code des assurances, 13e éd., LexisNexis, 2019, sous art. L. 124-3, p. 347, n° 13). Il a été subtilement mis en lumière que « ce n’est plus ici simplement l’ordre public qui vient s’infiltrer dans le contrat, c’est ce dernier qui en est réduit à l’état d’instrument du premier. Ainsi comprend-on, non seulement, qu’une police d’assurance ne peut contenir de clause entravant cette action, mais également que les règles de conflits de lois admises par le droit international privé français se verront écartées, au nom de l’ordre public, si jamais leur solution venait à désigner une loi étrangère ignorante du procédé » (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, op. cit., p. 749, n° 755).

Par la suite, le champ du droit commun, façonné par la jurisprudence, a été restreint par l’entrée en vigueur de deux conventions internationales, en premier lieu celle du 4 mai 1971 sur la loi applicable aux accidents de la circulation routière, en second lieu celle du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, puis par le droit international privé du droit de l’Union européenne qui n’a avancé que progressivement. Les règles dégagées en matière de conflits de juridictions ont ainsi généré un phénomène de communautarisation du droit international privé.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et son ancêtre la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) ont d’abord rendu des décisions relatives à la matière délictuelle en rapport avec l’application de la Convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et, plus tard, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I, et du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I refondu. Cette jurisprudence n’a pas manqué « d’avoir des répercussions sur la construction prétorienne alors applicable en France dans le domaine des conflits de lois. Une nouvelle étape du phénomène a été franchie avec l’adoption du règlement » dit Rome II (H. Slim, Responsabilité civile délictuelle en droit international privé, J.-Cl. Resp. civ. assur., fasc. 255, 2016, n° 1 ; Comp. P. Pailler, Manuel de droit européen des assurances, Bruylant, coll. « Droit de l’Union européenne », 2019 ; J. Knetsch, La réparation du dommage extracontractuel en droit international privé, in Le droit à l’épreuve des siècles et des frontières, Mélanges en l’honneur du Professeur Bertrand Ancel, LGDJ, Lextenso éd., 2018, p. 979 s).

En effet, le règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles est empreint d’un caractère « universel », tout comme l’est son grand frère, le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I. En d’autres termes, « même si la loi à laquelle conduit la mise en œuvre dudit règlement n’est pas celle d’un État membre, elle doit être appliquée par le juge de l’État membre saisi du litige (Règl. Rome II, art. 3). Le règlement Rome II constitue donc le droit commun des États membres de l’Union européenne dans le domaine qu’il régit » (H. Slim, op. cit., n° 2).

Globalement, le règlement Rome II constitue le droit commun et écarte ainsi le droit commun français. Toutefois, le règlement Rome II n’a pas un champ d’application général. Sur le reliquat, la compétence est celle du droit national dit alors résiduel.
Une première application de ce règlement Rome II a été faite par la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 janvier 2018. Il s’agissait déjà d’un contrat pour la livraison et l’installation en France, par une société – étrangère – allemande et assurée en Allemagne, de panneaux photovoltaïques. La Cour de cassation avait ainsi retenu que l’article 18 du Règlement Rome II n’est applicable qu’aux actions directes exercées contre les assureurs de personnes devant réparation en raison d’une obligation non contractuelle, autrement dite délictuelle ou extracontractuelle (Civ. 1re, 24 janv. 2018, n° 17-10.959, inédit, D. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image).

Une seconde application de ce règlement Rome II a été réalisée par la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 décembre 2019, pour ce qui a trait à la loi applicable à l’action directe en matière non contractuelle contre un assureur (Civ. 1re, 18 déc. 2019, FS-P+B+I, n° 18-14.827 et 18-18.709).

En l’espèce, le propriétaire d’une maison a commandé à une société la réalisation d’une installation photovoltaïque, avec pose en toiture de son habitation de panneaux solaires fabriqués par une société hollandaise et équipés d’un boîtier de connexion d’une autre société hollandaise. Un échauffement de ce composant ayant provoqué l’incendie de l’immeuble, l’acquéreur de l’installation et son assureur ont assigné la société de couverture et son assureur (MAAF), en indemnisation de son préjudice.

La MAAF a appelé en garantie la société d’assurance de la société fabricante des panneaux, ainsi que l’assureur de la société fabricante du boîtier de connexion.
Un jugement a condamné la MAAF sous la garantie solidaire des deux autres assureurs à payer diverses sommes à l’acquéreur et à son propre assureur en réparation du préjudice subi. Par un arrêt partiellement confirmatif du 6 février 2018, la cour d’appel de Limoges a limité aux sommes de 31 627 € et 261 149 €, le montant des indemnités dont l’assureur de la société fabricante du boîtier de connexion doit la garantir, in solidum avec l’assureur de la société fabricante des panneaux et a décidé que l’assureur de la société fabricante du boîtier de connexion prendra ces sommes en charge dans les limites de la proratisation prévue par le droit néerlandais applicable à la police d’assurance pour le cas où le total des indemnités dues aux victimes du sinistre sériel excéderait le plafond de 1 250 000 € de la garantie souscrite, et dans la limite de ce plafond.

L’assureur de la société de couverture a formé un pourvoi en cassation. La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 18 décembre 2019, l’a principalement rejeté (Civ. 1re, 18 déc. 2019, FS-P+B+I, n° 18-14.827 et 18-18.709).

La Haute juridiction a d’abord retenu « que si, en application de l’article 18 du Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 (« Rome II »), en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle, déterminée conformément à l’article 4 du règlement ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi de ce contrat ; que la cour d’appel a décidé, à bon droit, que, si la MAAF pouvait exercer l’action directe, admise par la loi française, loi du lieu de survenance du dommage, elle pouvait se voir opposer la loi néerlandaise à laquelle le contrat d’assurance était soumis, en ce que celle-ci prévoit, en cas de sinistres sériels, une indemnisation des victimes au prorata de l’importance du préjudice subi, dans la limite du plafond de la garantie souscrite par l’assuré » (ibid.).

Elle a ensuite jugé « qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions de la MAAF que celle-ci ait soutenu que la loi néerlandaise aurait pour effet de vider de sa substance l’action directe de la victime admise par la loi française » (ibid.).

La première chambre civile a encore motivé sa décision en relevant « que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation de la loi néerlandaise, dont il n’est pas prétendu qu’elle en aurait dénaturé la teneur, que la cour d’appel qui n’avait pas à s’expliquer sur les moyens de preuve qu’elle décidait d’écarter, a estimé que la proratisation de l’indemnisation en cas de dépassement du plafond de garantie en présence de sinistres sériels, prévue à l’article 7:954, alinéa 5, du code civil néerlandais, en matière de dommages corporels, s’appliquait également aux dommages matériels » (ibid.).

La Cour de cassation a enfin décidé « qu’en fixant le montant des indemnités dont la société Allianz devait garantie à la MAAF et en précisant que Allianz ne prendrait en charge ces indemnités que dans les limites de la proratisation prévue par le droit néerlandais et du plafond de garantie stipulé dans la police, la cour d’appel a nécessairement considéré, répondant, par-là même, aux moyens prétendument délaissés, que la question de la détermination finale du montant de la contribution d’Allianz ne constituait pas un incident d’exécution mais concernait le fond du droit à indemnité de la victime » (ibid.).

Dès lors, la victime se trouve dans une meilleure situation en matière d’action directe non contractuelle, puisque l’article 18 du règlement Rome II lui confère le droit d’agir « directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non-contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit » (Règl. Rome II, art. 18). Avec les rattachements alternatifs qu’elle envisage, cette règle innove au regard de celle qui était en vigueur avant l’adoption du règlement qui certes présentait l’avantage, « lorsque le délit était commis en France, d’offrir à la victime une action directe contre l’assureur alors que la loi étrangère régissant le contrat d’assurance pouvait l’ignorer. Mais, à l’inverse, lorsque la loi du lieu du délit (par hypothèse étrangère) ignorait une telle action directe, la victime française pouvait se trouver, au moins sur ce terrain, défavorisée, puisqu’elle ne pouvait atteindre l’assureur que par la voie oblique avec le risque de venir en concours sur l’indemnité d’assurance avec les autres créanciers de l’assuré. L’article 18 du règlement Rome II instaure par conséquent une règle nettement plus favorable à la victime que celle issue auparavant du droit prétorien » (H. Slim, op. cit., n° 54).

En 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé que l’article 18 du règlement Rome II « doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans une situation telle que celle au principal, l’exercice, par une personne lésée, d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat » (CJUE 9 sept. 2015, aff. C-240/14, Eleonore Prüller-Frey c/ 
Norbert Brodnig, Axa Versicherung AG, D. 2015. 1838 image ; ibid. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; RTD eur. 2016. 664, obs. L. Grard image). La victime
retrouvait ainsi meilleure fortune en pouvant multiplier les possibilités d’action directe. La CJUE a ainsi rappelé le sens de la règle : non seulement un droit d’action est indépendant, mais il convient de bien effectuer la distinction entre ce droit d’action directe et les limites qu’on peut lui opposer. Quant à savoir dans quelles mesures cela peut fonctionner, l’analyse relève d’une autre étude que ces brèves observations.

Peu de temps après cette décision de 2015 émanant de la CJUE, et en amont de l’affaire commentée, la doctrine avait indiqué que « s’il s’applique clairement à la question de l’existence de l’action directe, l’article 18 du règlement Rome II ne précise pas la loi qui régit cette action, notamment l’étendue des obligations de l’assureur. Celles-ci devraient donc rester dans le giron de la loi régissant le contrat d’assurance, laquelle est d’ailleurs la seule dont l’assureur est susceptible de prévoir l’application » (H. Slim, op. cit., n° 54).

Avec l’arrêt du 18 décembre 2019, la Haute juridiction française s’est parfaitement inscrite dans les prédictions voire recommandations de la doctrine. Les magistrats du quai de l’horloge ont en effet maintenu le régime de l’assurance dans le giron de la loi régissant la police. A cet effet, ils ont affirmé que si, en application de l’article 18 du Règlement Rome II, « en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle, déterminée conformément à l’article 4 du règlement ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi de ce contrat » (Civ. 1re, 18 déc. 2019, FS-P+B+I, n° 18-14.827 et 18-18.709).

Dès lors, en ce qui concerne le régime juridique de l’action, « à savoir l’étendue de la garantie due par l’assureur et les moyens de défense que ce dernier peut apposer, c’est la loi de la police d’assurance qui s’applique. La juridiction française saisie doit appliquer le contrat dans toute sa plénitude. L’enjeu est de taille pour le tiers lésé qui ne peut plus se prévaloir des règles protectrices du droit national des assurances de responsabilité. À titre d’illustration, il ne pourra plus exciper des articles R. 124-1 à R. 124-4 du code des assurances et, notamment, des dispositions relatives à la déchéance ou à la durée minimale de la garantie subséquente, etc. » (B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva (dir.), Code des assurances 2019, 13e éd., LexisNexis, 2019, sous art. L. 124-3, p. 347, n° 12). En définitive, le régime juridique de l’assurance, « notamment la détermination des exceptions que peut opposer l’assureur, est soumis à la loi du contrat » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, 14e éd., 2017, n° 775).

On observe toutefois une forme d’harmonisation dans les motifs puisqu’en 2015 la Cour de cassation avait étendu la règle de l’article 18 du règlement Rome II aux victimes de dommages contractuels, avec une formule quasi-identique : « la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit » (Civ. 1re, 9 sept. 2015, n° 14-22.794, D. 2015. 1846 image ; ibid. 2016. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1161, obs. M. Bacache, D. Noguéro, L. Grynbaum et P. Pierre image ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; AJCA 2015. 472, obs. L. Perdrix image ; Rev. crit. DIP 2016. 119, note S. Corneloup image ; RTD com. 2016. 590, obs. P. Delebecque image ; JCP 2015. 1163, note V. Heuzé ; RGDA 2015. 499, note V. Heuzé ; JCP 2015. 991, note F. Mailhé ; RCA 2015, n° 331 ; ibid. étude 12, note N. Ciron ; v. aussi L. Grynbaum (dir.), Assurances, Droit & pratique, L’Argus de l’assurance éd., 6e éd., 2019/2020, n° 3125). Il s’agissait de deux sociétés françaises ayant assigné une société et son assureur allemands devant le tribunal de commerce de Rodez, où leur semi-remorque, récemment réparé par la société allemande, avait en effet pris feu. Les défendeurs avaient soulevé l’incompétence du tribunal français.

D’une part, l’action directe d’une victime ayant subi un dommage en France, si elle est possible d’après la loi désignée par les règles de conflit du for, est prise en compte par l’article 11, § 2, du règlement Bruxelles I. Ce dernier retient que les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. Ce texte a été refondu par le règlement (CE) n° 1215/2012, en conservant le contenu de l’ancien article 11 du règlement Bruxelles I. Le règlement de 2012 n’est cependant applicable qu’aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement ou aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du 10 janvier 2015 (art. 66). D’autre part, en ce qui concerne l’assurance de responsabilité, c’est au règlement dit Rome II qu’il convient désormais de se référer.

La dissymétrie des nouveaux textes européens a semble-t-il incités les juges « à faire une nouvelle fois œuvre normative pour étendre la solution de l’article 18 aux victimes de dommages contractuels. Dans une matière aussi lourde d’enjeux que celle des assurances, peut-être aurait-il fallu interroger la Cour de justice sur ce nouveau problème relatif à l’action directe. On peut sans doute approuver l’opportunité de la solution retenue au fond toutefois : l’assureur qui doit anticiper l’environnement juridique des délits de son assuré devrait a fortiori pouvoir anticiper celui des contrats que ce dernier conclut » (Civ. 1re, 9 sept. 2015, n° 14-22.794, JCP 2015. 991, note F. Mailhé).

Certes, cette décision de 2015 avait été rendue sous le visa des articles 9, 10 et 11 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, ensemble l’article 3 du code civil, qu’avait violés la cour d’appel qui, pour rejeter l’exception d’incompétence territoriale soulevée par les sociétés allemandes, avait retenu que le principe de l’applicabilité de l’action directe se trouve régi par la loi du lieu où le fait dommageable s’est produit (Civ. 1re, 9 sept. 2015, n° 14-22.794, Dalloz actualité, 21 sept. 2015, obs. F. Mélin ; adde L. Perdrix, comm. sous art. L. 124-3, Code des assurances. Code de la mutualité, Dalloz, 25e éd., 2019, p. 292 ; B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva (dir.), Code des assurances 2019, 13e éd., LexisNexis, sous art. L. 124-3, p. 347, n° 13). On peut s’interroger quant à savoir si la Cour de cassation souhaitait, depuis 2018, revenir sur l’arrêt de 2015.

L’arrêt du 24 janvier 2018, qui était dans une configuration similaire en matière de conflit de lois mais non de conflit de juridictions (Civ. 1re, 24 janv. 2018, n° 17-10.959, inédit, préc.), pourrait avoir remis en cause cette jurisprudence. Cependant, puisque les domaines demeurent différents, on ne peut pas en être certain.

D’aucuns avaient vu un revirement dans l’arrêt du 9 septembre 2015, s’inquiétant que « cette fois, si la seconde possibilité doit être approuvée, la première demeure critiquée » (J. Bigot (dir.), J. Kullmann et L. Mayaux, Traité de droit des assurances, t. 5, Les assurances de dommages, préf. G. Durry, LGDJ, Lextenso éd., 2017, p. 708, n° 1721). D’autres ont admis que « dans le silence de la Convention de Rome, et face au champ expressément limité de Rome II, la Cour de cassation se trouvait dans une impasse. Il lui a fallu faire preuve d’une ingéniosité qui confine, il faut l’avouer, à un certain forçage des textes. Cassant l’arrêt d’appel qui s’était fondé sur la loi du délit, la Cour s’est en effet placée « en matière de responsabilité contractuelle » (ce qui est au moins confus puisqu’il s’agissait de qualifier l’action directe elle-même) et a visé, avec le règlement Bruxelles I, l’article 3 du code civil (alors qu’il aurait assurément fallu appliquer la Convention de Rome à ce « contrat »).

Puis, posant une nouvelle règle de conflit de lois ad hoc, elle a reproduit purement et simplement celle de l’article 18 précitée en transformant l’expression « obligation non contractuelle » en « obligation contractuelle » ! » (JCP 2015. 991, note F. Mailhé).
Pour l’explication, c’est dans une jurisprudence de 2000, antérieure aux textes européens, que la formule employée en 2015 « en matière de responsabilité contractuelle » trouve son origine. Avant l’entrée en vigueur du règlement Rome II, la Cour de cassation avait admis que si l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi du contrat, notamment en ce qui concerne les exceptions opposables par l’assureur (Civ. 1re, 20 déc. 2000, n° 98-15.546 et n° 98-16.103, Rev. crit. DIP 2001. 682, note V. Heuzé image ; RTD com. 2001. 504, obs. B. Bouloc image ; ibid. 1057, obs. P. Delebecque image ; RCA 2001, n° 132 ; JCP 2001. I. 338, obs. G. Viney ; RGDA 2001. 330, note J. Landel ; ibid. 1065, note V. Heuzé ; Droit et patr., juin 2001, p. 122, obs. J. Monéger). Elle reconnaissait, en d’autres termes, que « seule la recevabilité de l’action directe contre l’assureur était soumise à la loi du délit, les obligations qui incombent à l’assureur relèvent uniquement de la loi applicable au contrat d’assurance » (H. Slim, op. cit., n° 54).

La doctrine avait vivement remis en question cette solution, car elle « n’avait aucun sens : ainsi, et par exemple, il est évidemment déraisonnable de prétendre demander à la loi italienne, du lieu du fait dommageable, si elle accorde à la victime l’action directe que définissent les droits français ou allemand, quand ce sont eux qui régissent le contrat d’assurance. Mais la solution était au surplus injustifiable du point de vue des intérêts de la victime dans tous les cas où la loi du lieu du fait dommageable lui refuse le bénéfice d’une action qui est pourtant prévue par la loi du contrat d’assurance » (V. Heuzé, Rev. crit. DIP 2001. 682 image).

Dorénavant, le principe est unique pour retenir la loi applicable à l’action directe contre un assureur. Qu’il s’agisse de la matière contractuelle ou de la matière non contractuelle, le régime de l’action directe, est dans tous les cas soumis à la loi du contrat d’assurance.

La loi applicable à l’action directe en matière non contractuelle contre un assureur

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