L’incertitude sur les règles juridiques applicables à une catégorie d’agents publics peut rendre impossible une formalité pourtant imposée par les textes.
Dans cette affaire, un litige s’est noué à l’occasion des opérations de liquidation-partage d’une succession. Un prêt ayant été consenti à l’un des héritiers par la de cujus, la difficulté est née au sujet du rapport de la somme prêtée à la succession. Plus précisément, la question s’est posée de savoir sur qui, de l’emprunteur ou de ses cohéritiers, pesait la charge de la preuve de l’obligation au rapport.
L’emprunteur, demandeur au pourvoi, reprochait aux juges du fond d’avoir jugé qu’il était tenu de rapporter à la succession du prêteur la somme empruntée, motif pris qu’il ne démontrait pas avoir remboursé cette somme. Invoquant la solution rendue par la Cour de cassation dans un précédent arrêt du 15 mai 2013 (Civ. 1re, 15 mai 2013, n° 12-11.577, Bull. civ. I, n° 97 ; D. 2013. 1208 ; AJ fam. 2013. 445, obs. C. Vernières ), le demandeur au pourvoi soutenait que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve car il appartenait aux cohéritiers de prouver l’existence, au jour de l’ouverture de la succession, des dettes envers le de cujus dont ils demandent le rapport.
Il fallait donc déterminer s’il appartient à l’héritier débiteur de démontrer qu’il a remboursé sa dette envers le de cujus ou à ses cohéritiers sollicitant le rapport de démontrer l’existence, au jour du décès, de la dette à rapporter.
La Cour de cassation a répondu à cette interrogation en deux temps : elle s’est d’abord prononcée sur l’applicabilité des règles du droit commun de la preuve avant d’en appliquer le contenu.
L’applicabilité du droit commun de la preuve
Dans un premier temps de son raisonnement, la Cour de cassation a identifié les règles de preuve applicables en s’appuyant sur la distinction entre le rapport des libéralités et le rapport des dettes. Ainsi, elle a pris le soin de rappeler qu’« en matière successorale, à la différence du rapport des libéralités, lequel, régi par les articles 843 à 863 du code civil, intéresse la composition de la masse partageable et constitue une opération préparatoire au partage, le rapport des dettes, prévu aux articles 864 à 867, concerne la composition des lots et constitue une opération de partage proprement dite ».
C’est la première fois que la haute juridiction décrit de manière aussi pédagogique la distinction que la doctrine avait déjà mise en lumière entre le rapport des libéralités et le rapport des dettes (v. not. M. Grimaldi, Droit des successions, 7e éd., LexisNexis, 2017, spéc. n° 982, p. 759), même si elle a déjà régulièrement affirmé que le rapport des dettes est une « opération de partage » (Civ. 1re, 5 déc. 1978, n° 77-10.692, Bull. civ. I, n° 377 ; 30 juin 1998, n° 96-13.313, Bull. civ. I, n° 234 ; D. 1998. 192 ; RTD civ. 1999. 161, obs. J. Patarin ; 12 juin 2001, n° 99-12.229, Dalloz jurisprudence ; Civ. 3e, 17 mai 2011, n° 09-11.750, AJDI 2011. 542 ; Civ. 1re, 28 mars 2018, n° 17-14.104, Dalloz actualité, 18 avr. 2018, obs. Q. Guiguet-Schielé ; AJ fam. 2018. 355, obs. J. Casey ) et opéré une très nette distinction entre les régimes applicables à ces deux techniques différentes (v. not. Civ. 1re, 29 juin 1994, n° 92-15.253, Bull. civ. I, n° 233 ; D. 1995. 88 , note M. Grimaldi ; RTD civ. 1995. 161, obs. J. Patarin , affirmant que « le rapport de dettes prévu par l’[ancien] article 829 du code civil n’est qu’une technique de règlement qui n’obéit pas aux règles de l’[ancien] article 869 du même code [devenu 860-1], lequel concerne exclusivement le rapport de dons » ; v. aussi Civ. 1re, 7 déc. 2011, n° 10-25.140, Dalloz jurisprudence).
De fait, il est admis qu’au-delà d’une dénomination commune, le rapport des dettes constitue un mécanisme très différent du rapport des libéralités. Cela tient à ce que le rapport des libéralités est essentiellement une opération de liquidation (lorsqu’il s’exerce en valeur), préalable au partage, et qui intéresse seulement la composition de la masse partageable : elle consiste à intégrer dans la masse à partager les libéralités faites aux héritiers, de façon à assurer une égalité entre eux en évitant que les biens à partager soient amputés des libéralités consenties par anticipation. Le rapport des dettes, quant à lui, intervient au moment du partage proprement dit. Il représente un mode simplifié de règlement des dettes consistant à attribuer à l’héritier débiteur la créance que la succession détient sur lui, de façon à ce qu’elle s’éteigne par confusion. Il permet également d’assurer l’égalité des héritiers, mais cette fois en évitant que l’un des copartageants se trouve confronté au risque d’insolvabilité de l’héritier débiteur, ce qui pourrait se produire si la créance était attribuée à l’un des copartageants plutôt qu’au débiteur lui-même.
Ayant rappelé cette distinction, la Cour de cassation en a tiré une conséquence de régime en énonçant que « les règles du droit commun de la preuve » s’appliquent au rapport des dettes, dont il était ici manifestement question puisque ce sont ces règles de droit commun dont il a été fait application.
Cette solution appelle deux observations.
D’abord, sur l’objet du rapport, les juges du fond, implicitement approuvés sur ce point par la Cour de cassation, avaient souligné que, « si la demande des [copartageants] porte littéralement sur “des libéralités rapportables” ce sont en réalité des dettes dont ils sollicitent le rapport par [l’héritier débiteur] ». La précision n’était pas inutile, car l’hypothèse du prêt consenti à un héritier qui n’a pas remboursé sa dette au jour de l’ouverture de la succession est susceptible de deux qualifications : il peut s’agir d’une simple dette de l’héritier envers la succession, en l’absence de remise de dette, ou bien d’une donation indirecte, dans l’hypothèse où l’héritier aurait bénéficié d’une remise de dette traduisant une intention libérale. En l’espèce, à défaut de remise de dette, il s’agissait bien d’une créance de la de cujus contre l’héritier, devant faire l’objet d’un rapport de dette et non d’une donation indirecte devant faire l’objet d’un rapport de libéralité.
Ensuite, sur les règles applicables, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation souligne que le rapport des dettes est soumis aux règles du droit commun, là où le rapport des libéralités obéit à des règles propres. Ainsi, elle a par exemple exclu en matière de rapport des dettes l’application de l’article 860-1 du code civil, posant le principe du valorisme monétaire pour le rapport des libéralités (Civ. 1re, 29 juin 1994, préc. ; 4 juin 2007, n° 05-15.253, Bull. civ. I, n° 226, jugeant que la dette devait être rapportée pour le montant nominal de la somme prêtée, quand bien même cette somme aurait servi à l’acquisition d’un bien). De la même façon, en l’absence de règles de preuve spécifiques prévues pour le rapport des dettes, la Cour de cassation affirme logiquement que les règles du droit commun trouvent à s’appliquer.
Pour autant, faut-il comprendre dans la formule retenue par la Cour de cassation que le rapport des libéralités ne répond pas aux règles du droit commun de la preuve, contrairement au rapport des dettes ? Il ne semble pas qu’une telle interprétation a contrario doive prévaloir ; ce n’est pas parce que le droit commun de la preuve s’applique au rapport des dettes qu’il est évincé en matière de rapport des libéralités. En effet, les articles 843 à 863 du code civil qui, comme le rappelle la Cour de cassation, régissent le rapport des libéralités ne comportent aucune règle spécifique ayant trait à la charge de la preuve des libéralités. Les règles du droit commun de la preuve devraient donc trouver à s’appliquer au rapport des dettes comme à celui des libéralités, la seule différence se situant ici au niveau de l’objet de la preuve (v. infra).
L’application du droit commun de la preuve
Répartissant la charge de la preuve suivant les principes posés par l’article 1353 du code civil, la Cour de cassation affirme que, « s’il appartient à l’héritier qui demande le rapport d’une dette par l’un de ses copartageants de prouver son existence, une fois cette preuve rapportée, le copartageant qui prétend s’en être libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Classiquement, elle fait donc dépendre la charge de la preuve de son objet : si le débat porte sur l’existence de la dette, la charge pèse sur le créancier ; si le débat porte sur l’extinction de la dette, elle pèse sur le débiteur.
Or, en l’espèce, l’existence de la dette était établie par l’absence de contestation du débiteur. Il s’agit là d’une application de la théorie du fait constant, qui permet au juge (sans pour autant le lui imposer ; v. par ex. Civ. 2e, 10 mai 1991, n° 89-10.460, RTD civ. 1992. 447, obs. J. Normand ; Com. 30 nov. 2010, n° 09-70.810, Dalloz actualité, 10 déc. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2900, obs. X. Delpech ; Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-14.016, Dalloz jurisprudence) de considérer comme établi un fait affirmé par une partie et non contesté par la partie adverse. Son application fait pourtant l’objet d’une jurisprudence contrastée : à plusieurs reprises, la Cour de cassation a censuré les juges du fond pour avoir tenu un fait non contesté pour établi, alors que « le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait » (v. not. Com. 21 mars 2018, n° 15-27.213, Dalloz jurisprudence ; Soc. 8 nov. 2017, n° 16-18.190 ; 3 févr. 2017, n° 15-15.119 ; Civ. 1re, 19 nov. 2014, n° 13-27.449, AJ fam. 2015. 52, obs. S. Thouret ; 10 juill. 2013, n° 12-18.981 ; Com. 12 juin 2012, n° 11-17.042, Dalloz actualité, 20 juin 2012 obs. A. Lienhard ; D. 2012. 1609, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2012. 634, note B. Saintourens ; RTD com. 2012. 578, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ). En l’espèce, cette partie du raisonnement retenu par les juges du fond n’a fait l’objet d’aucune critique par le demandeur au pourvoi, de sorte que l’existence de la dette de litigieuse a pu être tenue pour établie. La solution s’explique probablement par les circonstances entourant l’absence de contestation : à en croire les motifs retenus par la cour d’appel, reproduits dans les moyens annexés, l’existence de la dette était établie par une reconnaissance de dette souscrite par le débiteur, lequel se défendait seulement en soutenant qu’il n’était pas prouvé que la dette existait encore au jour du décès de la de cujus. C’est donc qu’il admettait implicitement que la dette avait existé. C’est probablement la raison pour laquelle la Cour de cassation adopte une formulation marquant son approbation totale de la solution retenue par les juges du fond en indiquant qu’« après avoir relevé que [l’emprunteur] ne contestait pas que sa mère lui avait prêté 600 000 francs, la cour d’appel en a exactement déduit que, l’existence de sa dette étant établie, il lui appartenait de prouver qu’il l’avait remboursée ».
L’existence de la dette étant prouvée, le débat se reportait sur son extinction, emportant un transfert du fardeau de la preuve sur le débiteur qui se prétendait libéré. Par une application mécanique et incontestable de l’article 1353, alinéa 2, du code civil, la Cour de cassation a estimé que, dès lors que l’emprunteur n’apportait aucun élément de nature à démontrer qu’il avait remboursé la somme prêtée, il devait rapporter cette somme à la succession de sa mère. La solution rendue, qui est irréprochable au regard des textes appliqués, contraste toutefois avec celle retenue dans une précédente affaire ayant donné à un arrêt du 15 mai 2013 (Civ. 1re, 15 mai 2013, n° 12-11.577, Bull. civ. I, n° 97 ; D. 2013. 1208 ; AJ fam. 2013. 445, obs. C. Vernières ). Dans cette espèce, il avait été jugé en cause d’appel qu’il appartenait au débiteur du de cujus de rapporter la preuve du remboursement de la dette dont il s’était reconnu débiteur ; cette preuve n’ayant pas été rapportée, les juges ont estimé que le non-paiement constituait un avantage indirect rapportable à la succession du de cujus. La solution avait été censurée par la Cour de cassation, pour inversion de la charge de la preuve, au motif « qu’il appartenait à ses cohéritiers qui en demandaient le rapport, de prouver l’existence, au jour de l’ouverture des successions, des dettes envers leurs auteurs dont ils se prévalaient ».
S’agit-il d’un revirement de jurisprudence ? Dans le sens d’une réponse négative, on notera que les circonstances des deux espèces présentent une différence qui pourrait justifier la divergence des solutions. En effet, dans le présent arrêt du 12 février 2020, l’emprunteur ne contestait pas l’existence de la dette dont il s’était reconnu débiteur. À l’inverse, dans l’arrêt du 15 mai 2013, les moyens du pourvoi laissent penser que l’intéressé contestait être débiteur du de cujus et soutenait notamment que la reconnaissance de dette litigieuse portait sur une autre dette qui avait été remboursée par ailleurs. Il se pourrait donc que la Cour de cassation ait fait application de l’alinéa 1er de l’article 1353 dans l’arrêt du 15 mai 2013 en considérant que la preuve de l’existence de la dette n’était pas rapportée, alors qu’elle s’est fondée sur l’alinéa 2 de ce texte dans l’arrêt du 12 février 2020, dès lors que le débat s’était reporté sur la question de l’extinction de la dette litigieuse.
D’un autre côté, un autre argument, plus fort, pourrait faire pencher en faveur d’un revirement : la formulation retenue par la Cour de cassation a changé entre 2013 et 2020. En effet, en 2013, elle affirmait que l’existence de la dette « au jour de l’ouverture des successions » doit être prouvée par celui qui en demande le rapport. Cette référence temporelle a disparu dans la formulation de 2020, d’où il ressort simplement que l’héritier qui demande le rapport d’une dette par l’un de ses copartageants doit « prouver son existence ». Or cette différence est significative : prouver qu’une dette existe au jour de l’ouverture de la succession, c’est prouver non seulement qu’elle a existé du vivant du de cujus, mais aussi qu’elle n’a pas été éteinte avant son décès. C’est donc faire peser sur le créancier la charge de prouver l’absence de paiement ou d’un autre fait extinctif. De ce point de vue, la solution retenue en 2013 semble contredire la règle posée par l’article 1353, alinéa 2 (anciennement 1315), d’où il résulte que c’est au débiteur qu’il incombe de prouver le fait qui a conduit à sa libération. La solution du présent arrêt est donc plus conforme à la dynamique qui ressort du texte.
Revirement ou non, la solution rendue par l’arrêt du 12 février 2020 est extrêmement claire. Il en ressort qu’en présence d’une dette impayée d’un héritier envers le de cujus, il faut, pour identifier sur qui pèse la charge de la preuve, déterminer si les cohéritiers exigent le rapport d’une libéralité ou d’une simple dette. S’ils exigent le rapport de la dette, il leur incombe seulement de prouver que la dette a existé, à charge pour l’héritier débiteur de démontrer qu’elle est déjà éteinte au jour de l’ouverture de la succession. S’ils exigent le rapport d’une libéralité, l’arrêt suggère, à raison, que la solution pourrait être différente. En effet, dans ce cas, il appartiendra aux cohéritiers demandeurs au rapport de démontrer non seulement l’existence de la dette, mais également l’intention libérale du de cujus qui a conduit à un non-paiement. Le plus souvent, cette intention libérale se traduira par une remise d’une dette, ce qui conduira de facto les demandeurs à devoir prouver l’existence de la dette et la remise de dette qui a provoqué son extinction. Pour autant, une telle solution ne dérogerait pas aux règles du droit commun de la preuve. Simplement, si la charge de la preuve diffère, c’est parce que l’objet même de la preuve est distinct : celui qui invoque l’obligation de rapporter une dette doit seulement démontrer l’existence de la dette dont il se prévaut, tandis que celui qui invoque l’obligation de rapporter une libéralité doit démontrer l’existence de la libéralité dans tous ses éléments constitutifs, tant matériel (appauvrissement du disposant et enrichissement du gratifié) que moral (intention libérale du disposant).
La Cour de cassation applique les règles du droit commun de la preuve des obligations en matière de rapport des dettes successorales, tout en suggérant qu’il existe, sur cette question, une différence entre le rapport des dettes et le rapport des libéralités. Ainsi, c’est à l’héritier qui sollicite le rapport d’une dette à la succession de démontrer son existence, à charge pour le débiteur d’en démontrer le remboursement.
La CJUE annule la décision de la chambre des recours de l’EUIPO qui avait refusé l’enregistrement de la marque Fack Ju Göhte, au motif que cette dernière avait simplement constaté qu’elle se traduisait de l’allemand par « Fuck you, Goethe ».
Le Conseil d’État a précisé, dans deux arrêts du 26 février 2020, les ressources prises en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (RSA) lorsque l’allocataire est détenteur de parts d’une société à responsabilité limitée (SARL), d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou propriétaire d’un bien immobilier percevant des loyers ou de parts d’une société civile immobilière (SCI).
Le Conseil d’État a précisé, dans deux arrêts du 26 février 2020, les ressources prises en compte pour le calcul du revenu de solidarité active (RSA) lorsque l’allocataire est détenteur de parts d’une société à responsabilité limitée (SARL), d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou propriétaire d’un bien immobilier percevant des loyers ou de parts d’une société civile immobilière (SCI).
Lorsqu’une fédération sportive accepte une mesure de conciliation et si ces mesures sont différentes de celles qui étaient prévues dans sa décision initiale, elle doit prendre une nouvelle décision, qui se substitue à la première.
Rédigé en style direct et avec une structure apparente particulièrement appréciable, cet arrêt du 30 janvier 2020 porte sur la délicate question de la péremption d’instance, un incident qui peut avoir un effet considérable sur l’instance. Au cours du procès, la péremption n’est pas un simple coup d’arrêt comme peut l’être la radiation. Elle constitue une cause d’extinction de l’instance engagée.
Il s’agissait en l’espèce d’une société qui avait été condamnée à réaliser un certain nombre de travaux dans le logement de son locataire. Le juge de l’exécution d’un tribunal de grande instance a été saisi de diverses demandes et contestations relatives à ces travaux et au commandement délivré à cet effet par un huissier de justice, également attrait devant le juge de l’exécution par le locataire. Ce dernier a été débouté de ses demandes et s’est vu ordonner de laisser l’accès à son logement à son bailleur pour effectuer les travaux. Il a donc formé appel. L’affaire a été dépaysée devant la cour d’appel de Paris, en application de l’article 47 du code de procédure civile. Le greffe de cette juridiction a invité les parties à poursuivre l’instance et à se constituer dans le délai d’un mois, à peine de radiation, laquelle a été prononcée le 4 décembre 2013, avant que l’affaire soit réinscrite au rôle le 11 décembre 2013, à la demande de la société, formulée à l’occasion de sa constitution d’avocat.
L’affaire a fait l’objet, le 23 décembre 2013, d’un avis de fixation à l’audience du 6 novembre 2014, avant d’être, le 23 octobre 2014, à nouveau radiée. L’appelant a constitué un avocat le 13 octobre 2016 et sollicité le rétablissement de l’affaire. La cour d’appel a constaté l’extinction de l’instance d’appel par l’effet de la péremption au motif qu’entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle il a sollicité le rétablissement de l’affaire, plus de deux années s’étaient écoulées sans l’intervention d’aucune diligence des parties.
C’est ce que contestait le locataire devant la Cour de cassation. Il arguait que l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ; qu’à compter de la fixation de la date des débats, les parties n’ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l’instance. Selon lui, à compter du 23 décembre 2013, date de l’avis de fixation de l’audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu’à la radiation de l’affaire, le 23 octobre 2014, point de départ d’un nouveau délai de deux années qui n’était pas expiré le 13 octobre 2016. La question posée était relativement simple : lorsqu’une date d’audience a été fixée, est-il possible d’opposer la péremption d’instance pour le temps couru dans l’attente du jour où les débats pourront avoir lieu ?
La Cour de cassation se laisse convaincre par l’argumentation du demandeur à la cassation. Elle développe, au visa des articles 2 et 386 du code de procédure civile, une réponse en deux temps.
Dans un premier temps, elle observe que pour constater l’extinction de l’instance d’appel par l’effet de la péremption, l’arrêt a retenu qu’à compter de l’avis de fixation de l’affaire du 23 décembre 2013 et jusqu’à la déclaration du 13 octobre 2016 de l’appelant sollicitant le rétablissement de l’affaire, n’est intervenue aucune diligence des parties. L’avis de fixation pour l’audience du 6 novembre 2014 a été adressé avant la clôture de l’affaire qui devait intervenir le 23 octobre 2014, de sorte qu’entre l’envoi de cet avis et la date prévue pour la clôture, les parties n’étaient pas dispensées...
Le cours du délai de péremption de l’instance est suspendu, en l’absence de possibilité pour les parties d’accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l’instance, à compter de la date de la fixation de l’affaire pour être plaidée. Lorsque l’affaire fait ultérieurement l’objet d’une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.
L’agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse aire métropolitaine vient d’être agréée en qualité d’observatoire local des loyers.
L’ex-garde des Sceaux Dominique Perben devra présenter d’ici la fin du mois d’avril des propositions sur « l’avenir de la profession d’avocat, son équilibre économique et ses conditions d’exercice ». Cette mission – au nom évocateur, la mission Haeri, en 2017, avait également planché sur « l’avenir de la profession d’avocat » – a été proposée par Nicole Belloubet aux instances de la profession d’avocat en pleine crise sur les discussions autour de la réforme des retraites, dont les avocats ne veulent pas.
Parmi les objectifs du comité : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes.
Le groupe de travail, installé hier par la garde des Sceaux, sera composé de la députée Naïma Moutchou (LREM), du sénateur Philippe Bonnecarrère (UC), de Christine Maugüé, conseillère d’État et de la présidente du tribunal judiciaire de Marseille Isabelle Gorce. Côté avocats : Dominique de la Garanderie – ancienne bâtonnière de Paris et membre de la mission Magendie en 2008 – , Jean-Michel Darrois – auteur du rapport sur les professions du droit en 2009 (à l’origine notamment de l’acte d’avocat que la ministre a remis sur la table) –, l’ancien président du Conseil national des barreaux Thierry Wickers – fervent défenseur de l’acte d’avocat – et le professeur Christophe Jamin.
L’ex-garde des Sceaux Dominique Perben devra présenter d’ici la fin du mois d’avril des propositions sur « l’avenir de la profession d’avocat, son équilibre économique et ses conditions d’exercice ».
La désignation par une entreprise d’assurance non-vie d’un représentant dans l’État membre d’accueil inclut également l’habilitation de ce représentant à recevoir un acte introductif d’instance en matière d’indemnisation au titre d’un accident de la circulation.
Le 27 février 2020, le tribunal administratif de Marseille annule la délibération du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur qui avait lancé à titre expérimental un dispositif de reconnaissance faciale dans deux lycées ayant vocation à fluidifier leur accès et à renforcer leur sécurité.
La clause d’indexation qui prend en compte une période de variation de l’indice supérieure à la durée écoulée depuis la prise d’effet du bail génère une distorsion. La clause est alors réputée non écrite, mais uniquement pour la période durant laquelle intervient la distorsion et non durant toute la durée du bail.
Le rapport de la mission Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes propose vingt-cinq mesures pour améliorer l’avenir des dix millions de jeunes qui vivent éloignés des grandes métropoles.
Le recours pour excès de pouvoir perd son objet lorsque l’acte réglementaire dont l’abrogation est demandée cesse de recevoir application avant que le juge ait statué.
Il résulte de l’article L. 761-1 du code de la consommation que les causes de déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement sont limitativement énumérées par la loi.
Le ténor du barreau se présente aux municipales dans le 16e arrondissement de Paris. Une élection sous le signe des avocats.
L’héritier de la victime d’un abus de faiblesse peut se constituer partie civile à raison de cette infraction dès lors qu’il est en mesure de se prévaloir d’un préjudice personnel et direct.
Bien que non publié, l’arrêt rapporté de la chambre criminelle doit être signalé en ce qu’il semble ouvrir la voie à la reconnaissance des délits d’abus de faiblesse et d’abus de confiance, quand bien même les parents, victimes des actes délictueux, sont décédés et n’ont pas porté plainte de leur vivant.
Pour cela, il convient que l’héritier plaignant fasse valoir un préjudice direct (l’atteinte à ses droits d’héritier), ce que la chambre criminelle semble accepter en l’espèce, alors pourtant que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait estimé qu’il s’agissait là d’un préjudice indirect seulement, fondant sa décision sur une solution connue : sauf exceptions légales, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l’action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l’infraction, de sorte que, quand l’action publique n’a été mise en mouvement ni par la victime ni par le ministère public, seule la voie civile est ouverte à l’enfant pour exercer le droit à réparation reçu en sa qualité d’héritière. Cette position pouvait s’autoriser de solides précédents de la Cour de cassation (Cass., ass. plén., 9 mai 2008, n° 06-85.751, Bull. ass. plén., n° 2 ; Dalloz actualité, 16 mai 2008, obs. M. Lena ; D. 2008. 1415 ; ibid. 2757, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2008. 366, étude C. Saas ; Crim. 20 mai 2008, n° 06-88.261, Bull. crim. n° 123, D. 2008. 1696 ; AJ pénal 2008. 421, obs. C. Duparc : « Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le demandeur, en qualité de légataire universel, a porté plainte avec constitution de partie civile en alléguant que son auteur avait été victime de vols, d’abus de confiance et d’abus de faiblesse, et que ces délits lui avaient causé un préjudice personnel en diminuant la valeur de son héritage ; qu’à l’issue de l’information, le juge d’instruction, sur réquisitions conformes du ministère public, a prononcé non-lieu ; qu’appel a été relevé de cette décision par la partie civile ; Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile d’Ari X…, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ; Attendu qu’en statuant de la sorte, et dès lors que le demandeur se réclame d’un préjudice qui ne peut qu’être indirect, les juges ont justifié leur décision »).
Pourtant, la décision attaquée est censurée…
Alors que penser de la présente décision ?
Son absence de publication invite à la prudence, mais la censure de la chambre de l’instruction, qui s’était pourtant conformée à la position de la chambre criminelle telle qu’elle ressortait des arrêts précités de 2008 (et d’autres, de 1976…), ne peut être vue autrement que comme l’amorce d’un changement dans la position de la chambre criminelle.
Bien entendu, il faudra que cet arrêt soit confirmé (idéalement par une décision publiée), afin que les doutes soient levés. Mais il n’en demeure pas moins que c’est une décision qui ouvre des perspectives très intéressantes pour les litiges successoraux, lorsqu’une procuration ou un testament causent à un héritier un préjudice majeur, soit en l’exhérédant (totalement ou partiellement), soit en faisant « disparaître » des sommes importantes du patrimoine du défunt.
La menace, pour l’auteur des faits délictueux, ne sera plus seulement celle d’une action en réduction (laquelle se prescrit bien vite…) ou d’hypothétiques (et faibles) dommages-intérêts, mais celle d’une réelle action pénale.
La différence est majeure.
On sait que l’intrusion du droit pénal dans les dossiers successoraux n’est pas toujours une bonne idée (pour « planter » le dossier civil, il n’y a pas mieux…), mais si l’auteur des faits peut se sentir personnellement menacé, peut-être y a-t-il une nouvelle voie à explorer…
Jurisprudence à confirmer, et donc à suivre.
Le Sénat a globalement accepté l’hétéroclite projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, tout en y ajoutant quelques dispositions plus ou moins simplificatrices.
En cas de résiliation du marché, le remboursement de l’avance par le titulaire ou son sous-traitant ne s’applique pas aux dépenses déjà effectuées résultant de prestations prévues au marché et effectivement réalisées. Lorsque cette résiliation résulte d’une faute du titulaire, le remboursement de l’avance concernant les dépenses déjà effectuées et dont les prestations correspondantes n’ont pas encore été réalisées n’empêche pas le sous-traitant de demander réparation du préjudice résultant de ces sommes engagées.
Le 31 janvier dernier, l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées au niveau européen pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou la protection de l’environnement, à compter du 1er janvier 2022, a été jugée conforme à la Constitution.
La loi du 28 décembre 2016 a permis de résoudre certaines difficultés des zones de montagne. Mais d’autres persistent et, déplore un rapport de l’Assemblée nationale, la possibilité d’adaptation des normes n’a connu qu’une seule concrétisation.
La délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, de sorte que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication.
La délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, de sorte que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication.
L’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que les baux consentis par le débiteur après la saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur, la preuve de l’antériorité du bail pouvant être faite par tout moyen.
Il s’agit d’éviter que le saisi ne diminue la valeur vénale de son bien en consentant frauduleusement un bail pour décourager les futurs acheteurs.
La question du sort des baux grevant les biens faisant l’objet d’une saisie immobilière est souvent abordée sous l’angle de la preuve de l’antériorité du bail par rapport à la saisie.
À cet égard, la réforme de 2006 a substitué au système antérieur de l’article 684 de l’ancien code de procédure civile (pour mémoire, les baux ayant acquis date certaine avant la signification du commandement pouvaient être annulés, ceux conclus après la signification du commandement devaient être annulés), un système de preuve par tout moyen, plus souple mais peut être plus difficile à mettre en œuvre (comment prouver l’antériorité d’un bail qui n’a pas date certaine ?).
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté, la question...
Un maire qui recrute sa sœur sur l’emploi de directeur général des services de sa commune se rend coupable de prise illégale d’intérêt, aux termes de l’article 432-12 du code pénal.
Entre dans le ministère ordonné aux notaires l’obligation d’instrumenter. En effet, l’article 13 de la loi du 25 ventôse an XI dispose que « les notaires sont tenus de prêter leur ministère lorsqu’ils en sont requis ». Il est souligné que « de la sorte, ils ne peuvent en principe refuser d’accomplir un acte pour lequel leur intervention est nécessaire. Ceci est la conséquence du monopole dont ils sont investis. Toutefois, il appartient au client de formuler particulièrement la demande d’instrumentation » (H. Slim, Étude 438 - La responsabilité des notaires, Lamy Droit de la responsabilité, 2020, n° 438-30).
A ce titre, dans l’exercice de leurs vastes missions, le champ de mise en cause de la responsabilité des notaires est très étendu. Leur contrat d’assurance collective de responsabilité civile professionnelle à adhésion obligatoire leur apporte en contrepartie, ainsi qu’aux clients, des garanties exceptionnelles (R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, Avant-propos H. Slim, Préf. D. Noguéro, Defrénois, coll. Doctorat & Notariat, tome 53, 2014, n° 73).
Ces garanties génèrent une protection importante du patrimoine de l’assuré, au titre de sa dette de responsabilité, et mise à part la participation du notaire au titre du découvert obligatoire jouant en principe une fonction normative et prophylactique. Elles sont surtout censées mettre en place une sécurité juridique et financière à l’égard des clients des études et des tiers – les victimes des fautes, erreurs et négligences des notaires donc –, a fortiori depuis que l’assurance de responsabilité civile professionnelle des notaires a été rendue obligatoire, en 1955, et qu’a été consacrée légalement l’action directe de la victime à l’encontre de l’assureur de responsabilité.
Ces institutions juridiques ont permis un déplacement de valeurs et de priorité dans le rôle affecté à l’assurance obligatoire de responsabilité civile professionnelle. Il s’agit désormais davantage de sécuriser la créance d’indemnisation de la victime que la dette de responsabilité de l’assuré, même si ces deux objectifs demeurent très interdépendants.
Or, faut-il encore que les acteurs de l’assurance ne dévoient pas ce mécanisme en un outil de pure défense professionnelle, par une résistance judiciaire d’une vingtaine d’années comme dans l’affaire présentement commentée, qui décourage certes la plupart des victimes mais est très coûteuse pour la mutualité et imprègne une mauvaise image à la profession notariale qui, paradoxalement, investit par ailleurs beaucoup dans la promotion de celle-ci, en particulier dans la publicité.
En l’espèce, un notaire a instrumenté, le 22 décembre 2000, un acte authentique portant sur un emprunt bancaire. Cet emprunt a été contracté par le gérant d’une société civile immobilière familiale. Ce dernier est décédé après la souscription de cet emprunt. Ses héritiers ont été assignés par l’établissement de crédit aux fins de remboursement du crédit. L’établissement bancaire a également sollicité le règlement d’indemnités supplémentaires de remboursement aux motifs de l’absence d’adhésion du de cujus à sa police d’assurance décès-invalidité qui était mentionnée dans l’acte de prêt. À leur tour, les héritiers ont assigné en responsabilité et indemnisation l’officier public et ministériel instrumentaire de l’acte de prêt. Ils ont ainsi formulé une demande de condamnation du notaire à leur verser la somme de 330 177,14 €. À ce titre, ils lui ont reproché de ne pas avoir apporté des conseils utiles, notamment à l’occasion de la passation de cet acte. Selon eux, le devoir de conseil qui incombe au notaire aurait dû le conduire à expliquer la portée de la non-adhésion à l’assurance de groupe mise en place par l’établissement de crédit.
Par un arrêt du 21 août 2018, la cour d’appel d’Agen a rejeté la demande héritiers. À cet effet, l’arrêt a retenu, d’abord, qu’ils reprochent au notaire de n’avoir pas attiré l’attention du défunt sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance facultative, ce qu’il leur appartient de prouver. Il a relevé, ensuite, que, s’il n’est pas écrit dans l’acte qu’une information a été donnée par le notaire sur les conséquences d’une non-souscription de l’assurance décès facultative, exiger un tel degré de précision revient à faire peser sur le notaire instrumentaire, non plus une obligation de conseil pour un acte donné, mais une obligation de mise en garde sur l’opportunité économique. Les héritiers ont donc formé un pourvoi en cassation.
Ils ont soutenu, en premier lieu, que le notaire est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique. Selon eux, quand bien même l’assurance invalidité décès ne serait pas obligatoire et ne constituerait pas une condition du prêt, et quand bien même il n’aurait pas connaissance de l’état de santé de l’emprunteur, le notaire ne peut se contenter de rappeler dans l’acte de prêt la souscription par la banque d’une assurance de groupe destinée à couvrir ses clients contre les risques de décès invalidité avec référence aux documents correspondant. Par conséquent, les héritiers ont estimé qu’il incombe au notaire requis de donner la forme authentique à un acte de prêt d’attirer l’attention de l’emprunteur sur les risques liées à l’absence de souscription de l’assurance décès invalidité et qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien devenu 1240 du code civil.
En second lieu, les demandeurs au pourvoi ont rappelé que la charge de la preuve de l’accomplissement de son devoir de conseil incombe au notaire, et non, comme l’a décidé la cour d’appel, au client de l’étude d’avoir à établir que le notaire n’avait pas attiré son attention sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance invalidité décès.
Par un arrêt du 8 janvier 2020 rendu sur le fondement de la responsabilité délictuelle du notaire (C. civ., art. 1240 ; anc. art. 1382), la première chambre civile de la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel. Les magistrats du quai de l’horloge ont précisé que « le devoir d’information et de conseil du notaire rédacteur d’un acte authentique de prêt lui impose d’informer l’emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l’exécution de cette obligation lui incombant » (Civ. 1re, 8 janv. 2020, n° 18-23.948).
Le fondement de la responsabilité extracontractuelle en matière notariale est prédominant. En effet, l’authentification d’actes, au sens large – avec ses prolongements –, entre dans les attributions du notaire en qualité d’officier ministériel et de sa mission d’ordre public. À ce titre, elle participe d’une obligation statutaire dont la méconnaissance est sanctionnée par une responsabilité de nature délictuelle (R. Bigot, Le prolongement de la mission de rédaction d’actes : nouveau critère pour la responsabilité notariale, RLDC 2008/45, n° 2810, p. 16).
Gardien de la sécurité juridique, le notaire authentificateur d’actes est tenu de les imprégner de la plus grande efficacité juridique. Dans cette mission, il doit apporter les renseignements utiles, les informations nécessaires, les conseils de nature à éclairer les parties – toutes les parties, quelle que soit leur qualité ou leurs compétences personnelles, ce qui imprègne le devoir de conseil d’un caractère absolu (Civ. 1re, 22 févr. 2017, n° 16-13.096 ; 13 déc. 2012, n° 11-19.098, Bull. civ. I, n° 258 ; D. 2013. 13 ; AJ fam. 2013. 132, obs. A. Cousin ; RTD civ. 2013. 95, obs. J. Hauser ; ibid. 657, obs. B. Vareille ; 5 avr. 2012, n° 11-15.056, AJDI 2012. 454 ; Civ. 3e, 14 mai 2009, n° 08-12.093, AJDI 2009. 649 ; Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, Bull. civ. I, n° 556 ; D. 2007. 304, obs. I. Gallmeister ; 12 juill. 2005, n° 03-19.321, Bull. civ. I, n° 323 ; 12 juill. 2005, n° 03-19.321, D. 2005. 2340, obs. X. Delpech ; AJDI 2005. 758 ; 4 avr. 2001, n° 98-19.925, Bull. civ. I, n° 104 ; 25 nov. 1997, n° 95-18.618, Bull. civ. I, n° 329 ; 4 juin 1996, n° 94-12.170, Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 325) – et les mettre en garde (Civ. 1re, 4 nov. 2011, n° 10-19.942, D. 2011. 2793 ; AJDI 2012. 52 ) d’éventuels dangers ou risques d’une opération ou d’un montage contractuel, en d’autres termes porter à la connaissance des clients les effets et plus largement la portée de l’acte envisagé (Civ. 1re, 3 mai 2018, n° 16-20.419, D. 2018. 1010 ; AJDI 2019. 228 , obs. J.-P. Borel ; AJ fam. 2018. 401, obs. S. Ferré-André ; RTD civ. 2018. 691, obs. P.-Y. Gautier ).
Autrement dit, il s’agit d’éclairer les clients sur les conséquences de leurs actes (Civ. 3e, 10 juill. 1970, nos 68-13.508 et 68-13.564, Bull. civ. III, n° 484). À cet effet, le notaire devra leur livrer toute information permettant de leur expliquer la nature et la portée de leurs actes ou de leurs engagements (Civ. 1re, 20 juill. 1994, n° 92-16.159, Bull. civ. I, n° 260 ; RTD civ. 1995. 365, obs. J. Mestre ; 28 oct. 1997, n° 95-21.629, Bull. civ. I, n° 300 ; AJDI 1998. 188 ; ibid. 189, obs. G. Teilliais ). Selon une formulation assez détaillée adoptée par la Cour de cassation, les notaires sont ainsi « tenus d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique » (Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, préc.). La doctrine autorisée relève qu’il appartient également à ces officiers ministériels de mettre en garde les clients contre une omission ou une négligence éventuelle (H. Slim, op. cit., n° 438-7).
Il est justement souligné qu’ « il ne peut donner une authenticité à un acte sans avoir, dans le même temps, porté à la connaissance de ses signataires tout ce qui pourrait venir par la suite en perturber sa juste exécution. L’acte efficace est celui qui remplit les objectifs que se sont fixées les parties. C’est la raison pour laquelle la mission du notaire, en sa qualité de rédacteur d’acte, ne peut se borner à donner à l’acte instrumenté une forme écrite (Civ. 1re, 18 mai 2004, n° 01-11.956) : elle s’étend à l’exécution d’un devoir d’efficacité justifiant qu’un devoir de conseil renforcé lui soit imposé, celui-ci ayant pour but de saisir l’occasion de son intervention pour que l’acte soit enrichi de tous les éléments lui permettant de traduire le plus efficacement possible la volonté des parties. Les diverses déclinaisons du devoir de conseil répondent d’ailleurs toujours à ce même objectif d’efficacité : informer, conseiller ou mettre en garde, chacune de ces obligations est censée garantir, dans toute situation, l’expression fidèle, dans l’acte, du but poursuivi par les parties » (M. Hervieu, Être de bon conseil : une lourde tâche pour le notaire, Dalloz étudiant, 25 févr. 2020).
Le potentiel du devoir de conseil des notaires, décortiqué par la doctrine, « inclut incontestablement les obligations substantielles nécessaires à assurer la validité et l’efficacité de l’acte et non pas seulement celles qui leur sont complémentaires et qui visent uniquement à informer ou avertir le client de la portée de l’acte ou de l’existence d’un risque » (C. Biguenet-Maurel, Le devoir de conseil des notaires, préf. J. de Poulpiquet, Defrénois, 2006, n° 450).
Le rédacteur d’actes supporte ainsi le poids, sur chacune de ses épaules, d’une obligation de conseil et d’une obligation d’efficacité « tant technique que pratique », lesquelles sont en définitive indissociables (P. le Tourneau, La responsabilité des professionnels du droit, in La responsabilité. Aspects nouveaux, LGDJ, 2003, p. 421).
Une perte d’efficacité de l’acte dans sa globalité peut dès lors résulter d’un manquement du notaire à son obligation de mise en garde. S’il n’attire pas l’attention, comme en l’espèce, de son client sur les risques que les engagements par lui consentis sont susceptibles de produire, un préjudice peut directement en découler pour ce dernier. Dès lors, l’officier ministériel doit se réserver un rôle plus actif en amont de la formation de l’acte. À tout le moins, s’il n’invite pas l’emprunteur à souscrire à cette assurance qui lui apporterait, ainsi qu’à ses ayants droit, plus de sécurité en aval, le notaire doit-il l’avertir des risques encourus s’il n’entend pas souscrire pareille assurance.
Sur le fond, rappelons que l’assurance d’un prêt immobilier n’est pas obligatoire. Toutefois l’organisme prêteur peut l’exiger, en particulier en ce qui concerne les risques liés au décès, l’incapacité, l’invalidité et la perte totale et irréversible d’autonomie. Néanmoins, l’emprunteur n’est pas obligé de choisir l’assurance proposée par le prêteur.
Sur la forme, une assurance emprunteur peut donc être souscrite soit de façon individuelle, soit de manière collective, par adhésion facultative, où chaque assuré consent à devenir membre du groupe (v. R. Bigot et A. Cayol (dir.), Droit des assurances, Ellipses, 2020, à paraître). Dans ce dernier cas, il s’agit d’un contrat d’adhésion, formé aux conditions prédéfinies dans l’accord-cadre conclu en amont entre l’assureur et le souscripteur. Ce contrat-cadre définit donc les conditions du contrat d’adhésion qui se formera en aval entre l’assureur et chaque adhérent (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-21.822, D. 2008. 1954, obs. X. Delpech , note D. R. Martin ; ibid. 2447, chron. C. Goldie-Genicon ; ibid. 2009. 253, obs. H. Groutel ; ibid. 393, obs. E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2008. 477, obs. B. Fages ; ibid. 478, obs. B. Fages ; Com. 13 avr. 2010, n° 09-13.712, D. 2010. 1208, obs. X. Delpech ; ibid. 2011. 1643, obs. D. R. Martin et H. Synvet ). Avant d’adhérer, les conditions de la garantie doivent être portées à sa connaissance de l’adhérent, de même que doit lui être délivré par la banque tout conseil relatif à l’adéquation de l’assurance envisagée à sa situation personnelle (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, D. 2007. 985 , note S. Piédelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais ). Lorsque l’acte d’emprunt se retrouve entre les mains d’un notaire aux fins d’authentification, ce dernier se fait le doublon ou le relais avisé des conseils à l’attention des parties.
Côté prêteur, il a été jugé, en matière d’actes de prêts hypothécaires, que bien qu’il n’ait aucunement négocié l’acte, le notaire reste tenu d’aviser des prêteurs sur l’insuffisance ou la faiblesse des garanties acceptées, s’il est en mesure de les connaître ou de les suspecter (Civ. 1re, 26 nov. 1996, n° 94‐18.582, Bull. civ. I, n° 419 ; D. 1997. 7 ; 5 oct. 1999, n° 97‐14.545, Bull. civ. I, n° 258 ; D. 1999. 244 ).
Côté emprunteur, il a été relevé que « lorsque le prêteur propose à l’emprunteur l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, l’article L. 312‐9 du code de la consommation (en vigueur jusqu’au 30 juin 2016, remplacé, à compter du 1er juill. 2016, par l’art. L. 313‐14, nouv., issu de l’ord. n° 2016‐301 du 14 mars 2016, JO 16 mars) précise qu’au contrat de prêt doit être annexé « une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance ». Dès lors engage sa responsabilité le notaire qui omet d’annexer ladite notice à un acte de prêt auquel il a prêté son concours dès lors que l’article L. 312‐9 est applicable au prêt en question (Civ. 1re, 14 janv. 2010, n° 07‐22.043) » (H. Slim, op. cit.). Le devoir de conseil du notaire a cependant des racines plus profondes.
Pour exécuter pleinement et de manière circonstanciée son devoir de conseil des parties sur toutes les suites, favorables et défavorables, en particulier celles à haut risque, que peuvent produire l’acte instrumenté, le notaire doit parfois préalablement solliciter de leur part des informations utiles à son efficacité. À cet effet, il doit être en quête de la connaissance de la situation personnelle des clients (Civ. 2e, 2 avr. 2009, n° 07-16.670).
Dans l’affaire sous arrêt, non seulement l’aspect familial de l’entreprise que l’emprunteur dirigeait aurait dû être pris en compte, mais encore l’état de santé de ce dernier. Par conséquent, il était du devoir du notaire d’ « aviser son client de l’adéquation des risques couverts par la banque prêteuse à sa situation personnelle et l’avertir des conséquences, pour les autres membres de la SCI, d’un refus de garantie » (M. Hervieu, op. cit.).
Dès lors, la mention portée à l’acte de prêt de la possibilité de souscription de cette garantie constitue une simple information qui s’avère insuffisante sous l’angle du devoir de conseil (ibid.). Certes, une même obligation de conseil pèse sur l’établissement de crédit (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, préc.). Mais le banquier qui délivre conformément cette information ne libère pas le notaire, dans son rôle statutaire de clef de voûte soutenant l’efficacité juridique de l’opération, de la réitérer et de l’accompagner si nécessaire d’explications et de conseils, puis si besoin d’alerter le client d’un risque que l’acte présente. La présente affaire confirme que l’information ou l’avis qu’un tiers a délivré au client ne dispense pas le notaire de son propre devoir de conseil (Civ. 1re, 26 oct. 2004, n° 03-16.358).
La décision du 8 janvier 2020 illustre enfin parfaitement, après de nombreuses autres, l’intensité du devoir de conseil qui pèse sur le notaire, devoir dont il doit nécessairement se pré-constituer la preuve de la bonne exécution (Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 16-19619 ; M. Latina, Le notaire doit prouver qu’il a délivré un conseil concret et adapté à la situation des parties, Defrénois flash 22 oct. 2018, n° 147q0, p. 12). Si cette règle n’est pas nouvelle, elle a pu être différente par le passé. Auparavant, le principe était même interverti. La preuve de la faute notariale incombait à celui qui l’invoque, aux parties ou aux tiers donc (Civ. 1re, 10 juill. 1984, n° 83-11.601, Bull. civ. I, n° 225 ; 28 nov. 1995, n° 93-17.836, Bull. civ. I, n° 436).
Puis la jurisprudence, pour enfin s’adapter à l’obstacle quasi insurmontable pour un tiers ou un client d’établir la preuve d’un fait négatif, en somme de ne pas avoir été informé ou conseillé, a déplacé la charge de la preuve du client demandeur au notaire défendeur (H. Slim, op. cit., n° 438-87).
Par un revirement important, la Cour de cassation a décidé depuis le fameux arrêt Hédreul que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. Ainsi, il incombe au médecin, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il a exécuté cette obligation (Civ. 1re, 25 févr. 1997, n° 94-19.685, Bull. civ. I, n° 75 ; D. 1997. 319 , obs. J. Penneau ; RDSS 1997. 288, obs. L. Dubouis ; RTD civ. 1997. 434, obs. P. Jourdain ; ibid. 924, obs. J. Mestre ).
Cette solution a immédiatement été étendue à d’autres professionnels, notamment avocats ou notaires, en leur imposant désormais de prouver le conseil donné (Civ. 1re, 3 févr. 1998, n° 96-13.201, Bull. civ. I, n° 44 ; RTD civ. 1998. 381, obs. P. Jourdain ; ibid. 1999. 83, obs. J. Mestre ; JCP N 1998. 701, obs. J.-F. Pillebout). Avant 1997, la Haute juridiction avait lancé quelques signes avant-coureurs en faisant déjà peser sur le notaire la charge de la preuve d’une mise en garde de ses clients contre les risques encourus (Civ. 1re, 25 juin 1991, n° 89-20.338, Bull. civ. I, n° 212 ; RTD civ. 1992. 758, obs. J. Mestre ).
Il est à présent constant que tout professionnel doit être en mesure d’établir la bonne exécution de son obligation d’information s’il ne veut pas qu’une faute lui soit reprochée à ce titre (Civ. 1re, 19 déc. 2006, n° 04-14.487, préc.). Le professionnel est d’ailleurs le plus à même de pouvoir s’organiser dans cette voie préventive.
La Cour de cassation fait néanmoins montre de souplesse dans le contrôle des moyens de preuve, pouvant être déduits de toute circonstances de la cause (Civ. 1re, 6 juill. 2004, n° 02-20.388). Il est dans tous les cas dans l’intérêt supérieur des notaires, compte tenu de « ce glissement de la charge de la preuve » désormais acquis en droit positif, de « se pré-constituer des preuves permettant d’établir qu’ils ont respecté les obligations qui leur incombent » (H. Slim, op. cit., n° 438-90).
Là aussi, est-il permis de penser que l’option prise par la première chambre civile dans la décision du 8 janvier 2020 « n’est pas la plus mauvaise au plan de la justice distributive. Ne dit-on pas que la règle de droit se construit à partir du choix d’une valeur ? » (M. Beaubrun, L’absolutisme du devoir de conseil du notaire ou le choix d’une valeur, in Mélanges offerts à Jean-Luc Aubert, Dalloz, p. 25 et s., spéc. p. 32).
Le devoir d’information et de conseil du notaire rédacteur d’un acte authentique de prêt lui impose d’informer l’emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l’exécution de cette obligation lui incombant.
Le devoir d’information et de conseil du notaire rédacteur d’un acte authentique de prêt lui impose d’informer l’emprunteur sur les conséquences de la non-souscription d’une assurance décès facultative proposée par le prêteur, la preuve de l’exécution de cette obligation lui incombant.
Avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, les personnes publiques ne peuvent plus être membres d’une association syndicale de propriétaires à raison de biens constituant des dépendances de leur domaine public.
Après la pause de prothèses de hanche droite et gauche, respectivement en 2004 et 2005, un homme est victime, en 2007, d’une chute due à un dérobement de sa jambe droite consécutif à une rupture de la tige fémorale de sa prothèse de la hanche droite. Si la tige fémorale est remplacée par le chirurgien, la victime conserve toutefois des séquelles de sa chute et assigne, après expertise, en responsabilité et indemnisation tant le chirurgien que le producteur de la prothèse.
La cour d’appel de Versailles, le 4 octobre 2018, déclare la société productrice de la prothèse entièrement responsable du préjudice subi par la victime, rejetant, en revanche, toute responsabilité du chirurgien en l’absence de la démonstration d’un acte fautif.
Tant le producteur que la victime de la chute forment un pourvoi en cassation. Le premier soutient qu’aucun défaut inhérent à la prothèse n’a été démontré. La victime, quant à elle, fait grief à l’arrêt de ne pas avoir retenu la responsabilité du praticien, alors que celle-ci serait « encourue de plein droit en raison du défaut d’un produit de santé qu’il implante à son patient ». Enfin, dans un second moyen, la victime sollicite, dans l’hypothèse où la cassation serait encourue sur le chef de dispositif qui a condamné le producteur à l’indemniser, la cassation par voie de conséquence, du chef du dispositif par lequel les juges du fond l’ont débouté de son action en responsabilité contre le chirurgien, alors même que celui-ci a commis des fautes dans la conservation de l’explant.
Deux questions distinctes se posaient ainsi devant la Cour de cassation. Tout d’abord, il s’agissait de caractériser la défectuosité d’une prothèse de hanche s’étant rompue prématurément. Ensuite, il était question de la possibilité d’engager la responsabilité sans faute du praticien ayant implanté la prothèse.
La Cour de cassation rejette les pourvois principal et incident, considérant, d’une part que les juges du fond, souverains dans leur appréciation, ont pu déduire « que la rupture prématurée de la prothèse était due à sa défectuosité, de sorte que se trouve engagée la responsabilité de droit du producteur » et, d’autre part, que la responsabilité du chirurgien ne pouvait être engagée qu’en présence d’une faute de celui-ci. Elle ajoute également que la cassation par voie de conséquence soulevée par le second moyen du pourvoi incident est sans portée dès lors que les moyens du pourvoi principal contestant la responsabilité du producteur ont été rejetés.
Les juges de cassation réaffirment ainsi, à la fois la responsabilité de plein droit du producteur d’un produit de santé dès lors qu’est caractérisé la défectuosité de ce dernier, et la nécessité d’établir, en revanche, la faute du praticien qui a fait usage de ce produit sur le patient.
Le rappel de la responsabilité de plein droit du producteur. La première partie de l’arrêt permet d’apporter des précisions quant à l’appréciation de la défectuosité d’un produit de santé. Pour rappel, celle-ci a été définie par l’article 6 de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985, repris désormais par l’article 1245-3 du code civil. La défectuosité d’un produit s’entend ainsi de l’absence de sécurité « à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Toutefois, l’appréciation de la défectuosité d’un produit de santé est particulière. Sont en effet prises en compte les attentes légitimes des patients, lesquelles sont particulières en raison de la vulnérabilité de ces victimes, blessées par ce qui devait les guérir, mais également certains éléments comme les antécédents médicaux ou encore la prédisposition au dommage. En outre, souvent appliqué aux médicaments, ce régime de responsabilité doit également prendre en compte la balance thérapeutique de ces produits aux fins de caractériser leur défectuosité. La spécificité de cette appréciation a d’ailleurs également été mise en avant, concernant des dispositifs médicaux, par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 5 mars 2015, qui a indiqué, concernant des stimulateurs cardiaques et des défibrillateurs automatiques implantés que « le défaut potentiel de sécurité, qui engage la responsabilité du producteur, réside, s’agissant de ces produits, dans la potentialité anormale de dommage que ceux-ci sont susceptibles de causer à la personne » (CJUE 5 mars 2015, Boston Scientific Medizintechnik (Sté) c/ AOK Sachsen-Anhalt - Die Gesundheitskasse, aff. jtes n° C-503/13 et C-504/13, D. 2015. 1247 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2015. 406, obs. P. Jourdain ; JCP 2015. 543, note L. Grynbaum ; ibid. 1409, obs. M. Bacache ; Europe 2015, n° 203, obs. F. Rigaux).
L’arrêt du 26 février 2020 vient ainsi préciser, une nouvelle fois, les modalités de détermination de la défectuosité d’un produit de santé en présence d’un dispositif médical. Celle-ci relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, lesquels peuvent se fonder sur des présomptions graves, précises et concordantes (V. not. Civ. 1re, 18 oct. 2017, n° 15-20.791, D. 2018. 490 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RDSS 2017. 1140, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2018. 140, obs. P. Jourdain ; JCP 2017. 1220, note G. Viney). Dans cette affaire, la cour d’appel a procédé par voie d’élimination eu égard aux conclusions de l’expertise qui indiquaient : « les fractures d’une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d’un défaut majeur de conception, et sont estimées en littérature à 0,23 %. L’obésité est une cause de surcharge de la prothèse, néanmoins n’a été constatée aucune augmentation du taux de fracture d’implant proportionnelle à la progression du nombre de patients obèses implantés ». La difficulté tenait notamment au fait que le chirurgien avait commis des fautes dans la conservation de l’explant en renseignant, de manière erronée, les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance (V. l’art. R. 665-48 du CSP qui énonce que « la matériovigilance a pour objet la surveillance des incidents ou des risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispositifs médicaux ») de sorte que la trace de l’explant avait été perdue. Les juges du fond ne pouvaient donc s’appuyer que sur les dires de l’expert, lequel excluait tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la rupture de la prothèse et relevait l’absence de faute dans son choix et dans sa pose. Aussi, dès lors qu’a été constaté que « le point de facture se situe à la base, dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche », la cour d’appel a pu déduire de la rupture prématurée de la prothèse sa défectuosité. En effet, si tout produit de santé, en raison de sa complexité, peut présenter des dangers sans que ceux-ci ne suffisent, en soi, à caractériser leur défectuosité, il en va toutefois différemment lorsque l’aléa attaché au produit se réalise anormalement (V. not. sur la notion de dangerosité anormale, P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, coll. « Manuel », 5e éd., 2018, n° 751 ; G. Viney et P. Jourdain, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, coll. « Traités », 4e éd., 2013, n° 774-1). En l’espèce, c’est bien la prématurité de la réalisation du risque de fracture de la prothèse qui a permis de déterminer l’existence d’un défaut, le patient à qui a été implanté une prothèse de hanche étant légitime à attendre du produit que celui-ci ne cède pas moins de trois ans après sa pose.
La réaffirmation de l’exigence d’une faute du praticien. L’obligation de sécurité de résultat pesant sur les membres du corps médical et les centres de soins, reconnue initialement en jurisprudence (V. not. Civ. 1re, 15 nov. 1988, n° 86-16.443, Bull. civ. I, n° 319 ; 9 nov. 1999, n° 98-10.010, D. 2000. 117 , note P. Jourdain ; Defrénois 2000. 251, note D. Mazeaud ; 7 nov. 2000, n° 99-12.255, D. 2001. 2236 , obs. D. Mazeaud ; ibid. 570, chron. Y. Lambert-Faivre ; ibid. 3085, obs. J. Penneau ; RDSS 2001. 526, obs. G. Mémeteau et M. Harichaux ; RTD civ. 2001. 151, obs. P. Jourdain ), a par la suite été remise en cause. La Cour de cassation, par le recours à une motivation développée, expose cette évolution. En effet, à la suite de plusieurs condamnations par la Cour de justice de Communauté européenne de la France pour mauvaise transposition de la directive n° 88-389 du 19 mai 1988 relative aux produits défectueux, est prévue, à l’article 1245-6 du code civil, l’application du régime de responsabilité de plein droit du fournisseur professionnel en l’absence d’identification ou de désignation du producteur. Rappelant également les dispositions de l’article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique, issues de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, la Cour de cassation se prononce explicitement sur l’articulation de ces textes : « la responsabilité de plein droit d’un professionnel de santé ou d’un établissement de santé, sur le fondement [de l’article 1245-6 du code civil], ne peut être engagée que dans le cas où le producteur n’a pu être identifié et où le professionnel de santé ou l’établissement de santé n’a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans le délai imparti ». Est ainsi confirmée la jurisprudence judiciaire antérieure (V. les arrêts cités par la décision, Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.510, D. 2012. 2277 , note M. Bacache ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2013. 292-36, obs. N. Rias ; JCP 2012, n° 40, 1036, note P. Sargos ; ibid. 2013. 484, obs. C. Bloch ; 14 nov. 2018, n° 17-28.529, Dalloz actualité, 11 déc. 2018, obs. A. Hacene et M. Kebir ; RCA 2019, n° 2, p. 51, note S. Hocquet-Berg) selon laquelle la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé privés ne peut être engagée, hormis le cas prévu par l’article 1245-6 du code civil, que pour faute.
La Haute juridiction n’hésite pas, en outre, à exposer les éléments entrant en dissonance avec la solution retenue. Elle cite ainsi l’arrêt de la CJUE du 21 décembre 2011 qui répondait à la question préjudicielle soulevée par le Conseil d’État (CE 12 mars 2012, n° 327449, Centre hospitalier universitaire de Besançon, Lebon ; AJDA 2012. 575 ; ibid. 1665, étude H. Belrhali ; D. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RDSS 2012. 716, note J. Peigné ; RTD eur. 2012. 925, obs. D. Ritleng ) relativement à la compatibilité de sa jurisprudence Marzouk (CE 9 juill. 2003, n° 220437, Lebon ; AJDA 2003. 1946 , note M. Deguergue ; D. 2003. 2341 ) avec la directive du 19 mai 1988. Cette décision semble appuyer, de prime abord, la solution retenue par la Cour de cassation en ce qu’elle a indiqué que « la responsabilité d’un prestataire de services qui utilise dans le cadre d’une prestation de services, telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n’est pas le producteur […] et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d’application de la directive ». Toutefois, elle poursuit en précisant que cette directive ne s’oppose pas à la mise en œuvre d’un régime de responsabilité, même sans faute, à l’encontre du prestataire à condition que soit sauvegardée la faculté de mettre en cause la responsabilité du fait des produits défectueux du producteur. Cette décision avait ainsi permis au Conseil d’État, dans une affaire également relative à une prothèse défectueuse, de retenir la responsabilité sans faute du service hospitalier (CE 25 juill. 2013, n° 339922, Falempin, Lebon ; AJDA 2013. 1597 ; ibid. 1972 , chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2013. 2438 , note M. Bacache ; ibid. 2014. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2021, obs. A. Laude ; RDSS 2013. 881, note J. Peigné ; RTD civ. 2014. 134, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2014. 952-24, obs. A. Bouveresse ; et v. déjà en ce sens, CE 12 mars 2012, n° 327449, Centre hospitalier universitaire de Besançon, Lebon ; AJDA 2012. 575 ; ibid. 1665, étude H. Belrhali ; D. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RDSS 2012. 716, note J. Peigné ; RTD eur. 2012. 925, obs. D. Ritleng ), au contraire de la Cour de cassation qui imposait le recours à un régime de responsabilité subjective (Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.510, préc. et 14 nov. 2018, n° 17-28.529, préc.). Le rappel de l’ensemble de ces éléments s’apparente à un véritable cours de droit, mais la Cour va également plus loin et explicite, en paragraphe 14, les raisons du maintien de sa jurisprudence antérieure malgré la dissension manifeste avec la jurisprudence administrative. Plusieurs éléments soutiennent ainsi sa solution : tout d’abord, des raisons juridiques, tenant à l’articulation entre le régime de responsabilité des produits défectueux et le régime d’indemnisation prévu par l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique. Ensuite, la solution repose, et c’est là surtout l’intérêt de la décision, sur des considérations pragmatiques, à savoir : « le fait que les professionnels de santé ou les établissements de santé privés peuvent ne pas être en mesure d’appréhender la défectuosité d’un produit, dans les mêmes conditions que le producteur » et le fait que le choix d’une responsabilité sans faute à l’égard de ces professionnels « serait, en outre, plus sévère que celle applicable au producteur, lequel, bien que soumis à une responsabilité de droit, peut bénéficier de causes exonératoires de responsabilité ».
L’harmonisation des jurisprudences judiciaire et administrative dans un sens favorable à la réparation des victimes et appelée de ses vœux par une large partie de la doctrine, n’a donc pas été opérée par la Cour de cassation. Si la lecture des textes et leur articulation n’interdisent aucunement d’opter pour une responsabilité sans faute ou pour faute, il semble que le choix de la Cour de cassation soit désormais figé, l’argument décisif tenant à éviter que le producteur du produit de santé soit mieux protégé que le simple praticien de santé (V. déjà en ce sens, P. Véron et F. Vialla, La nouvelle lecture de l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique à la lumière des évolutions jurisprudentielles relatives aux produits défectueux, D. 2012. 1558 ).
La Cour de cassation réaffirme la responsabilité de plein droit du producteur d’un produit de santé dès lors qu’est caractérisé la défectuosité de ce dernier et la nécessité d’établir la faute du praticien qui a fait usage de ce produit sur le patient.
En retenant que la partie se prévalait pour la première fois en appel de la prescription des intérêts pour juger irrecevable cette demande, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.
Et un nouvel arrêt relatif aux demandes nouvelles en cause d’appel ! On le dit et on le répète, les différentes chambres de la Cour de cassation restent toujours autant occupées à rappeler ce qu’est, ou n’est pas plutôt, une demande nouvelle. Destiné à une large publication, rendu cette fois en formation de section, la position de la Haute cour, n’est pourtant pas, elle, nouvelle.
Pour la première fois devant la cour d’appel, une partie soulève la prescription des intérêts échus sollicités par la partie adverse. La cour de Douai juge irrecevable comme nouvelle en cause d’appel une telle demande par application de l’article 564 du code de procédure civile. Au visa de ce même article, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt, seulement en ce qu’il avait déclaré irrecevable la demande relative aux intérêts, et renvoie les parties devant la même cour autrement composée dès lors qu’en retenant que la partie se prévalait pour la première fois de la prescription des intérêts pour juger irrecevable cette demande, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale.
Les faits étaient simples : une société civile de construction poursuivait, après avoir obtenu gain de cause par un précédent arrêt de cour d’appel, une condamnation à hauteur de 71 845,96 €, avec intérêts au taux contractuel, contre son adversaire. Il avait fait pratiquer une saisie-vente et une saisie-attribution sur le compte bancaire de son débiteur qui l’avait contestée devant le Juge de l’exécution. Pour la première fois donc devant la Cour, celui-ci opposait la prescription des intérêts échus mais cette demande fut jugée nouvelle comme nouvelle en cause d’appel par la cour d’appel de Douai au visa, repris par la deuxième chambre civile, de l’article 564 du code de procédure civile.
L’article 564 dispose qu’« À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».
Plusieurs raisons objectives pouvaient, et devaient, conduire la deuxième chambre civile a censuré une telle motivation.
On sait déjà que l’article 564 souffre plusieurs exceptions au principe qu’il pose puisque « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » (C. pr. civ., art. 565) et, dans sa version issue du décret du 6 mai 2017, que « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire (C. pr. civ., art. 566).
Aussi, si la prétention présentée pour la première fois avancée en appel se rattache aux demandes initiales formulées en première instance, la demande présentée devant la cour n’est pas nouvelle en cause d’appel. Il en est ainsi des demandes présentées pour la première fois en appel au titre d’intérêts, de capitalisation ou de frais d’agios mais encore de multiples préjudices dès lors qu’ils se rattachent au même fait originaire (en ce sens, Civ 3e, 6 sept. 2018, n° 17-21.329, Dalloz actualité, 2 oct. 2018, obs. R. Laffly ; Civ. 2e, 16 mai 2013, n° 12-13.859, D. 2013. 2058, chron. H. Adida-Canac, R. Salomon, L. Leroy-Gissinger et F. Renault-Malignac ). Rappelons encore que l’action en nullité d’une vente tend aux mêmes fins que la demande de résolution initiée en première instance, la Cour de cassation utilisant en réalité le critère de la contradiction entre les prétentions pour dire une demande nouvelle en cause d’appel. La demande de nullité contractuelle présentée pour la première fois en appel est ainsi nouvelle devant la Cour d’appel si une demande tendant à l’exécution du contrat était poursuivie en première instance. Ainsi, bien que les articles 565 et 566 n’étaient pas en débat, il pouvait être soutenu que la demande de voir juger prescrite celle formulée par la partie adverse au titre des intérêts échus se rattachaient bien, même sur un fondement juridique différent, aux éléments de contestation soumis au juge de l’exécution, sans qu’aucune contradiction ne puisse être opposée.
Bien plus, selon la lettre même de l’article 564, une partie ne peut soumettre à la cour de nouvelles prétentions « si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses », ce que faisait précisément en l’espèce le débiteur en opposant une défense à la demande adverse. C’est ce que censure la deuxième chambre civile en relevant que la cour d’appel n’avait pas examiné si les conditions du texte étaient réunies.
Enfin, bien que la question ne soit pas abordée sous cet angle, on cherchera vainement pour quelle raison une fin de non-recevoir serait qualifiée de demande nouvelle en cause d’appel. Sur ce point, la position de la cour de Douai ne pouvait que surprendre tant il était évident que la demande tendant à voir juger prescrite la prétention adverse relative aux intérêts s’analysait en une fin de non-recevoir par application de l’article 122 du code de procédure civile. Non seulement l’article 122 n’est pas limitatif, mais la prescription y est mentionnée expressément ! Or, par application de l’article 123, les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause… c’est-à-dire pour la première fois en cause d’appel.
L’exploitant bénéficiaire de la concession temporaire de terres agricoles acquises par une personne publique pour la constitution d’une réserve foncière ne bénéficie d’aucun droit né du statut des baux ruraux que si l’immeuble est repris en vue de son utilisation définitive dans une opération d’aménagement.
« Aux termes de l’article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant.Ce texte, qui énonce une règle de conflit bilatérale et neutre, n’exclut pas le renvoi. »
La loi du 3 janvier 1972 sur la filiation a introduit dans le code civil des règles de conflit de lois et notamment l’article 311-14, qui dispose que « la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant ».
Depuis lors, les meilleurs auteurs se sont interrogés sur la compatibilité de cette disposition avec la théorie du renvoi. Rappelons qu’en droit international privé, cette théorie vise l’hypothèse dans laquelle la règle de conflit de lois de l’État A donne compétence à la loi de l’État B pour régir un litige et que la règle de conflit de lois de cet État B donne compétence soit à la loi de l’État A soit à la loi d’un État C : si l’on admet que la théorie du renvoi doit être mise en application, le juge de l’État A saisi du litige peut alors appliquer non pas la loi de l’État B mais sa propre loi ou la loi de l’État C (sur l’ensemble de la question, v. W.J. Kassir, Le renvoi en droit international privé, technique de dialogue entre les cultures juridiques, Rec. cours La Haye, vol. 377). Rappelons également que cette théorie du renvoi a été...
Depuis quarante-huit heures, les avocats doivent s’adapter à la crise sanitaire. L’avocate Carole Painblanc, membre de la Commission permanente de l’Union des jeunes avocats (UJA), explique quelques règles de bon sens dans un moment de fortes incertitudes.
La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955 est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955, est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955, est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
La création d’un état d’urgence sanitaire, calqué sur le modèle de l’état d’urgence régi par la loi du 3 avril 1955, est la mesure phare du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
Ce texte, un projet de loi organique ayant le même objet (qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité) et un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie ont été présentés en conseil des ministres le 18 mars. Les deux premiers devaient être examinés par le Sénat jeudi 19 et par l’Assemblée nationale vendredi 20, le troisième faisant la navette en sens inverse.
État d’urgence sanitaire
L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout d’un mois. Cette déclaration donnerait au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ainsi que de procéder à des réquisitions. Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté. Un comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.
Les élus du premier tour entrent en fonction
Le titre Ier du projet confirme le report (au plus tard au mois de juin 2020) du second tour des élections municipales, décidé la veille par décret, ainsi que des élections des Français de l’étranger et en tire les conséquences. Les élus du premier tour entrent en fonction immédiatement (sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où moins de la moitié des conseillers municipaux ont été élus). Dans les autres communes, les mandats sont prorogés jusqu’au second tour. Les exécutifs des intercommunalités seront élus à titre provisoire, une nouvelle élection ayant lieu après le second tour dès lors que celui-ci est nécessaire dans une commune membre. Le gouvernement serait habilité par ordonnance à adapter le droit à cette situation, notamment s’agissant du fonctionnement des intercommunalités.
De très vastes habilitations
Le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique. Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés. Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.
Alors que le contentieux de la liberté des personnes retenues en centre de rétention administratif est toujours actif, se pose la question de la nécessité de maintenir des personnes enfermées, dans des conditions sanitaires non optimales, et alors que plusieurs pays, dont l’Algérie et le Maroc, ont fermé leurs frontières et leur liaison aérienne.
Les délais des voies de recours sont prévus pour assurer la stabilité juridiques et courent, en principe, à compter de la notification de la décision contestée (C. pr. civ., art. 528). Toutefois, il existe des aménagements lorsque des modalités sont accomplies pour pouvoir pleinement exercer le droit de recours. C’est le cas lorsqu’un justiciable fait une demande d’aide juridictionnelle. L’appel est réputé avoir été intenté dans le délai, si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si l’appel est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (Décr. n° 91-1266 du 19 déc. 1991, art. 38, al. 1, d)). Or, il arrive qu’il y ait plusieurs désignations successives d’auxiliaires de justice. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 février 2020 a alors précisé quel était, dans cette hypothèse, le point de départ du nouveau délai d’appel.
Le litige opposait un particulier à une banque. N’ayant pas obtenu satisfaction en première instance, le particulier sollicite le 12 mai 2017 le bénéfice de l’aide juridictionnelle pour interjeter appel du jugement qui lui est signifié cinq jours plus tard, soit le 17 mai 2017. Le 1er juin, l’aide juridictionnelle totale lui est accordée et un avocat lui est adjoint par décision du bâtonnier du 9 juin, notifiée à l’intéressée le 13 juin. Mais ce premier auxiliaire de justice est remplacé par un autre, par décision du bâtonnier du 10 juillet 2017. Ce deuxième avocat informe alors son client, le 3 août suivant, qu’il a demandé au bâtonnier à être déchargé du dossier. Le 29 août 2017, un troisième (et dernier) avocat est désigné, qui interjette appel le 25 septembre. Le conseiller de la mise en état déclare l’appel irrecevable, ce que confirme la cour d’appel. Le recours n’a pas été intenté dans le mois suivant la désignation du premier avocat. L’appelant se pourvoit en cassation. Il reproche à la cour d’appel de ne pas tenir compte de la désignation du dernier avocat, à compter de laquelle, selon lui, le délai d’appel recommence à courir. Il reproche également aux juges du fond d’avoir retenu comme point de départ du nouveau délai, la date de désignation de l’auxiliaire de justice et non la notification qui aurait dû lui en être faite. La Cour de cassation a alors saisi l’occasion de préciser l’article 38, alinéa 1, d) du décret du 19 décembre 1991. C’est à compter de la désignation du premier avocat que le nouveau délai d’appel court (I) et plus précisément, à compter de la signification de cette désignation au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle (II).
I - La Cour de cassation décide qu’en cas de désignations successives d’avocats devant apporter leur concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, seule la première désignation importe et fait courir le nouveau délai d’appel. Elle en tire la conséquence que « la désignation ultérieure d’un nouvel avocat est sans incidence sur les conditions d’exercice du recours pour lequel l’aide juridictionnelle a été accordée ». Puisque le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle était en mesure d’être effectivement assisté dès la désignation initiale, il n’y a pas de raison de lui faire bénéficier d’un nouveau délai adossé à une désignation ultérieure. Mais comme à l’impossible nul n’est tenu, la Cour assortit son principe d’une exception. La désignation ultérieure d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle pourrait être prise en compte si des circonstances revêtant les caractères de la force majeure empêchaient l’avocat initialement désigné d’assister effectivement son client. Ce n’était pas le cas en l’espèce.
Cette solution est contraire à celle retenue par le Conseil d’État, il y a moins de deux ans. Dans une hypothèse similaire à celle soumise à la Cour de cassation, le Conseil d’état a estimé que « le délai de recours contentieux qui, dans le cas mentionné au d) de l’article 38, aurait commencé à courir à compter de la première désignation, recommence à courir à compter de [la] nouvelle désignation » (CE 6 juin 2018, n° 413511, Lebon ; AJDA 2018. 1193 ), sans qu’il ne soit question de cas de force majeure. Il a alors été souligné qu’ainsi le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle disposait « de la plénitude du délai de recours contentieux pour préparer, avec le concours de l’avocat, le recours qu’il projette » (C. Friedrich, L’effet utile de la prorogation du délai de recours contentieux par la demande d’aide juridictionnelle, JCP Administrations et collectivités territoriales 2018. Act. 530). On peut en effet s’interroger sur le fait de savoir si obliger un avocat qui estime avoir de bonnes raisons d’être excusé, à être diligent et à former un appel qu’il espère ne pas avoir à défendre, permet une assistance effective.
Or la solution de la Cour de cassation, qui peut surprendre de prime abord, présente l’intérêt indéniable de protéger non seulement le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle mais également la partie qui subit le recours.
L’article 38, alinéa 1, d) crée pour cette dernière une instabilité et une insécurité juridiques. En effet, ce texte déplace le point de départ du délai de recours à un événement postérieur à la décision contestée dont la date, dépendant du bureau d’aide juridictionnelle voire du bâtonnier, n’est pas prévisible ce qui pose des problèmes notamment d’exécution (pour des ex., v. C. Laporte, Appel et aide juridictionnelle, Procédures 2017. Alerte 21). Reconnaître que chaque nouvelle désignation – résultant d’un comportement dilatoire ou non – ait un effet sur l’exercice du recours tendrait à accroître cette instabilité et cette insécurité. L’application restrictive de l’article 38, alinéa 1, d) par la Cour de cassation au contraire les limite.
Quant au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la décision de la Cour de cassation préserve ses droits dans l’hypothèse où l’avocat initialement désigné ne serait finalement pas déchargé de son ministère, et surtout assure l’effectivité de ceux-ci, en ne faisant courir le délai de recours qu’à compter de son information de l’événement déclencheur.
II - En effet, la Cour de cassation précise que le délai de recours ne court qu’à compter de la date de notification de la désignation initiale de l’avocat au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Un doute pouvait surgir à la seule lecture de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991. Si le texte précise que le nouveau délai d’appel court, le cas échéant, à compter de la notification de la décision d’admission provisoire ou de la notification de la décision constatant la caducité de la demande, en cas d’admission suivie de la désignation d’un avocat, le point de départ est, textuellement, la date à laquelle l’auxiliaire de justice a été désigné. Il n’est pas question alors de notification et les juges du fond ont fait une application littérale de l’article 38. C’est sur ce point que la Cour de cassation casse la décision qui lui est soumise.
L’interprétation que la Cour de cassation livre de l’article 38 est conforme à la lettre l’article 528 du code de procédure civile : c’est la notification de l’événement déclencheur du délai de recours qui est le point de départ de celui-ci. On ne saurait reprocher à une partie de ne pas avoir agi tant qu’on n’a pas la certitude qu’elle a été effectivement informée que toutes les conditions nécessaires à son action sont bien réunies. Mais on pourrait penser également que l’article 38 est un texte spécial dérogeant au texte général. Or pour asseoir l’autorité de sa décision, la Cour de cassation vise l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Informer le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de la désignation de son défenseur assure à celui-ci un droit au juge de qualité.
Lorsque plusieurs avocats sont désignés successivement pour prêter leur concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, c’est la notification de la désignation initiale qui sert de point de départ au nouveau délai d’appel prévu à l’article 38 du décret du 19 décembre 1991.
Lorsque le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire constate que les salariés mis à disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis à un risque grave et actuel, au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail, sans que l’entreprise utilisatrice ne prenne de mesures, et sans que le CHSCT de l’entreprise utilisatrice ne fasse usage des droits qu’il tient de cet article, il peut, au titre de l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs, faire appel à un expert agréé afin d’étudier la réalité du rique et les moyens éventuels d’y remédier.
Amende, report du second tour et rationnement des médicaments : nouvelles mesures autour du covid-19
Conformément aux dernières annonces de l’exécutif, plusieurs nouvelles mesures visant à lutter contre la propagation du coronavirus viennent d’être publiées.
Les projets de loi coronavirus, débattus aujourd’hui et demain par le Parlement, contiennent de nombreuses dispositions exceptionnelles : état d’urgence sanitaire, conséquences financières, sociales ou électorales… Les textes contiennent notamment plusieurs habilitations à légiférer par ordonnances qui concernent directement les juridictions.
Les projets de loi coronavirus, débattus aujourd’hui et demain par le Parlement, contiennent de nombreuses dispositions exceptionnelles : état d’urgence sanitaire, conséquences financières, sociales ou électorales… Les textes contiennent notamment plusieurs habilitations à légiférer par ordonnances qui concernent directement les juridictions.
Les projets de loi simple et organique d’urgence pour faire face à l’épidémie seront débattus aujourd’hui au Sénat, pendant que l’Assemblée étudiera le projet de loi de finance rectificative. Demain, les choses seront inversées. L’objectif étant d’adopter des textes conformes, les textes ne devraient plus évoluer après ce soir.
Adapter les règles des justices administrative et judiciaire
L’article 7 du projet de loi simple prévoit qu’afin de faire face aux conséquences de la propagation du virus, le gouvernement pourra prendre différentes ordonnances, qui devront être adoptées dans les trois mois. Ces mesures seront provisoires.
Une ordonnance permettra d’adapter, interrompre, suspendre ou reporter les différents délais imposés par la législation, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures d’interruption seront applicables à partir du 12 mars et ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures administratives prises pour ralentir le virus.
Une autre ordonnance permettra d’adapter les règles des justices administrative et judiciaire, dans le seul but de limiter la propagation du virus. Sont visées les règles de compétences territoriales, de formation de jugement, de délais de procédure et de jugement, de publicité et tenues des audiences, de recours à la visioconférence et les modalités de saisine.
Par ailleurs, l’organisation du contradictoire devant les juridictions autres que pénales pourra être aménagée. Comme le précise le Conseil d’État, « ces adaptations ne pourront porter atteinte à la substance même des différentes garanties constitutionnelles ou conventionnelles qui régissent la conduite du procès ».
Toujours pour limiter les contacts physiques, l’alinéa suivant prévoit de modifier les règles relatives au déroulement de la garde à vue, pour permettre l’intervention à distance des avocats et la prolongation sans présentation devant un magistrat. Le déroulement et la durée des détentions provisoires et assignations à résidence sous surveillance électronique, seront également modifiés pour allonger les délais d’audiencement (3 mois en première instance, 6 mois en appel) et permettre une prolongation par une procédure écrite.
Enfin, les règles d’affectation des détenus devraient être assouplies, tout comme les modalités d’exécution des fins de peine, ainsi que, pour les mineurs, les mesures de placement et autres mesures éducatives.
À noter, le projet de loi organique prévoit de suspendre jusqu’au 30 juin les délais des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), que ce soit l’étude des QPC par le Conseil constitutionnel ou leur transmission par le Conseil d’État ou la Cour de cassation.
Par ailleurs, les mandats des conseillers prud’hommes devraient être prolongés.
En droit des étrangers, une ordonnance spéciale devrait aussi allonger, jusqu’à six mois, les durées des différents titres de séjour et récépissés qui devaient expirer entre le 16 mars et le 15 mai.
Enfin, les délais applicables aux habilitations à légiférer par ordonnances prises par les précédents textes seront tous prolongées de quatre mois.
Dans un communiqué du 17 mars 2020, la Caisse nationale des barreaux français précise les mesures d’urgence qu’elle entend mettre en œuvre pour soutenir les avocats en activité tout en garantissant le paiement des pensions.
Le 18 avril 2019, devant la juge des libertés et de la détention (JLD), l’avocat Vincent Nioré, délégué du bâtonnier aux perquisitions, contestait la saisie de documents lors d’une perquisition effectuée aux domiciles et aux cabinets de deux avocats soupçonnés de faux en écriture, recel de faux et tentative d’escroquerie au jugement. L’ambiance est tendue, ce n’est pas une première. Un premier rapport est fait, dès le lendemain, par le substitut du procureur Julien Goldszlagier présent à l’audience et envoyé au procureur de la République. Dans un courrier du 30 avril 2019 adressé au président du tribunal judiciaire de Paris (au lendemain de l’ordonnance rendue par la JLD et favorable au délégué du bâtonnier) , Aude Buresi et Serge Tournaire, vice-présidents chargés de l’instruction, faisaient état « des insultes » proférées par Vincent Nioré à leur égard lors de cette audience JLD. Ses « emportements réguliers, écrivent-ils, s’inscrivent dans un processus ancien destiné à sanctuariser les cabinets d’avocat et à présenter chaque magistrat qui voudrait procéder à une perquisition dans le cadre des dispositions légales comme un ennemi obsédé par le désir de violer ce sanctuaire ». La bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron recevait le 13 mai 2019 un courrier du président du tribunal judiciaire, Jean-Michel Hayat à l’époque (nommé depuis premier président de la cour d’appel de Paris) et du procureur de la République, Rémy Heitz, s’émouvant des propos que l’avocat aurait tenu pendant l’audience (en réalité deux audiences, l’une le matin, la seconde l’après-midi) et relatés par les juges d’instruction présents ce jour-là – Aude Buresi, Camille Palluel, Serge Tournaire – et par le représentant du ministère public, Julien Goldszlagier.
Ce 18 avril, Vincent Nioré, dans le huis clos des audiences JLD, aurait dit en avoir assez « de nettoyer l’urine », en avoir marre des « salissures des juges d’instruction », avant d’ajouter « c’est dégueulasse, ce que vous faites à une avocate, cinq ans de barre » tout en lançant aux juges qu’ils étaient « les émissaires de la procureure générale », alias Catherine Champrenault. Celle-là même contre laquelle « le barreau pénal allait se lever ». Quant au juge Tournaire, Vincent Nioré lui aurait dit « M. Tournaire, nous connaissons vos méthodes, nous connaissons les méthodes du pôle financier, vous humiliez les avocats » avant de déclarer également, selon les quatre magistrats présents ayant raconté l’audience, à l’encontre de Mme Isabelle Gentil, avocate générale au parquet de Paris, qu’elle était « l’épouse de Jean-Michel Gentil, on sait ce que ça signifie » – des propos « offensants et misogynes » – selon la procureure générale. Catherine Champrenault, dans une lettre du 20 juin, demandait à la bâtonnière de Paris de démettre Vincent Nioré de ses fonctions, à défaut une procédure disciplinaire serait initiée. Le 22 juillet, malgré une lettre de la bâtonnière en date du 5 juin expliquant avec détails pourquoi elle ne prendrait aucune « mesure appropriée » contre son délégué qui n’avait commis selon elle aucune faute, un acte de saisine de l’instance disciplinaire des avocats au barreau de Paris par la procureure générale près la cour d’appel de Paris était rédigé pour manquement aux obligations et principes essentiels de la profession d’avocat. L’histoire, révélée par Le Point et racontée également par le site Actu-Juridique.fr, avait fait grand bruit.
L’audience disciplinaire (formation de jugement n° 1, président par l’ancien bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur) devait avoir lieu aujourd’hui. Comme toutes les audiences non urgentes, elle a été reportée en raison du coronavirus. Il est néanmoins intéressant de relater les conclusions auxquelles sont parvenues les juges instructeurs du conseil de discipline. Ils vont rappeler à plusieurs reprises l’évidence : la particularité de ces audiences durant lesquelles « le juge d’instruction est directement et personnellement confronté dans un débat judiciaire sur le thème de la légalité de ses propres actes, à un contradicteur institutionnel qui défend en plaidant une position frontalement opposée à la sienne ». Une situation « délicate » pour le juge du siège « dont ce n’est pas la position naturelle », dans un « climat professionnel et humain de grande tension », tenu dans l’urgence avec parfois, « la pression du parquet ». Dans cette affaire, la rudesse du ton et de la bataille s’expliquait d’autant plus que, selon les propos de la présidente d’audience elle-même, les juges d’instruction « avaient pris tout chez l’avocat », dossier, notes d’audience etc. lors de la perquisition contestée. La JLD n’a-t-elle pas elle-même déclaré que Vincent Nioré n’avait pas outrepassé ses pouvoirs et sa fonction, étant « en opportunité tout à fait dans son rôle » ? La procureure générale, dans ses conclusions, rappelle que la particularité de ces audiences est parfaitement connue des magistrats. Et qu’il s’agit de développer des arguments juridiques techniques et non des « propos sans pertinence », ce d’autant plus quand c’est le délégué du bâtonnier. Bref, un argumentaire des instructeurs « sans pertinence ».
« Nettoyer l’urine », « des salissures des juges d’instruction »
La juge d’instruction Aude Buresi, dans une déclaration écrite à la formation d’instruction de l’Ordre de Paris, raconte notamment que Me Nioré aurait « tout de suite pris à partie » les juges d’instruction, contestant de manière « forte » la perquisition chez la jeune collaboratrice de l’avocat concerné et celle de son patron, tout en traitant les juges d’instruction d’« émissaires de la procureure générale ». Un 18 avril marqué par le ton « agressif », « menaçant », « insultant » de Vincent Nioré, résume la magistrate interrogée qui estime que « j’en ai marre des salissures des juges d’instruction », « j’en ai marre de nettoyer l’urine » la visaient « personnellement ». Les avocats instructeurs ne sont pas d’accord, penchant pour « une interprétation subjective » de Mme Buresi à la suite d’un article de Me Nioré, paru dans le mensuel Dalloz avocats (D. avocats 2018. 307 ), dans lequel il évoque son rôle de « nettoyeur incandescent de crasse procédurale, de crasse judiciaire ». Cet article, par ailleurs, ne pouvant être regardé comme entrant dans la saisine, ajoutent-ils. En réalité, la référence à « l’urine » a été expliquée par Me Nioré : lors d’une perquisition à Paris le 5 juin 2018, il avait dû réellement se mettre à genoux afin de pratiquer un massage cardiaque à l’époux d’une avocate perquisitionnée, en pleine crise d’épilepsie. L’homme, à terre, s’était vidé, et Vincent Nioré avait les deux genoux dans l’urine, qu’il avait nettoyée après le départ du SAMU. Une version confirmée par Camille Potier, ancienne membre du conseil de l’Ordre de Paris, présente ce jour-là. Les instructeurs en déduisent que le nettoyage étant réel, Mme Buresi ne peut soutenir objectivement qu’elle a été personnellement insultée. Serge Tournaire, autre juge d’instruction de l’affaire, ne fait pas état non plus, selon le rapport d’instruction, d’insultes « personnellement proférées » à son encontre. D’ailleurs, quand il lui est demandé de préciser les propos litigieux, M. Tournaire refuse « de se répéter ».
Il est intéressant de noter que la juge des libertés et de la détention, Nadine Houalla, qui présidait l’audience du 18 avril 2019, présente une version différente de cette fameuse journée. Me Nioré « a commencé très fort », reconnaît-elle, mais cela ne l’a pas « gênée du tout car sur le fond, c’était fondé ». La JLD – contre qui aucune insulte n’a été prononcée – ajoute, devant les instructeurs, que Vincent Nioré avait « le droit de porter la parole forte des avocats » car la préservation de l’inviolabilité des cabinets d’avocats, ajoute-t-elle, est « une cause » qui lui paraît « tout à fait sérieuse ». C’était, selon elle, une audience tendue, avec des échanges directs, virulents mais sans irrespect, sans attaque personnelle et sans qu’il lui ait été nécessaire d’intervenir. Elle conclut en déclarant que la saisine à l’encontre du délégué du bâtonnier « n’est pas fondée ». S’agissant des propos autour de « l’urine » et des « salissures », Nadine Houalla est très claire aussi dans son témoignage : il n’est pas question d’insultes envers les juges d’instruction mais d’une histoire vécue par Vincent Nioré en juin 2018, contextualisée à l’audience, rappelant ce que peut provoquer une perquisition. Interrogé, Vincent Nioré a rappelé la violence psychologique « extrême » d’une perquisition et notamment celle-là. Les instructeurs estiment que les déclarations contradictoires des juges d’instruction ne permettent pas de savoir si les propos de M. Nioré étaient des insultes ou pas. Pour Catherine Champrenault, dans ses conclusions, il est impossible de savoir si Vincent Nioré a « contextualisé » la précédente perquisition et peu importe d’ailleurs, cela ne remet pas en cause le fait qu’il ait prononcé ou non ces paroles, les témoignages l’attestant.
« C’est dégueulasse, ce que vous faites à une avocate, cinq ans de barre »
Lors de l’audience du 18 avril 2018, la collaboratrice de l’avocat soupçonné de faux, a également été perquisitionnée. Des saisies ont été opérées chez elle et des conversations Whatsapp extraites. Elle pleure devant la JLD. Vincent Nioré assume avoir dit, à ce moment, « c’est dégueulasse, ce que vous faites à une avocate, cinq ans de barre ». La juge, interrogée par les instructeurs, en témoigne, elle a dû intervenir lorsqu’un des juges d’instruction aurait « commencé à instruire à charge ». Mme Buresi n’a plus souvenir, elle, de ces pleurs. D’ailleurs, ajoute-t-elle, elle ne sait pas dire pourquoi une personne pleure dans une situation de tension. Ce qui apparait peu crédible aux yeux des avocats en charge de l’instruction. Et si tel devait être le cas, c’est la preuve que l’audience a dû être extrêmement tendue. C’est à cette aune qu’il faudra apprécier le caractère des propos reprochés à Vincent Nioré. Pour la procureure générale, l’avocat revendique avoir prononcé ces mots, c’est suffisant.
« Vous êtes les émissaires de la procureure générale »
Il faut se souvenir que la fameuse audience JLD du 18 avril est la suite d’une perquisition menée chez un avocat soupçonné d’avoir produit un faux document lors d’un procès d’assises. La saisine des juges d’instruction a eu pour origine un rapport du parquet général, présidé par Mme Champrenault. C’est elle aussi qui a saisi l’instance disciplinaire après le 18 avril. Refusant de venir témoigner devant les instructeurs ordinaux afin de ne pas rompre « l’équilibre et la finalité » de la procédure, les avocats en charge de l’enquête font valoir que le risque de rupture souligné par la magistrate « pouvait interroger sur la saisine disciplinaire effectuée à cet égard, sous le seing et par la personne intéressée à l’issue des poursuites ». Qu’a dit Vincent Nioré à propos de Mme Champrenault, le 18 avril 2019, toujours dans le huis clos de l’audience JLD ? À l’adresse des juges d’instruction présents, le délégué aux perquisitions aurait lancé : « Vous êtes les émissaires de la procureure générale » puis « je l’annonce, nous allons lever tout le barreau pénal contre vous et la procureure générale. La procureure générale a décidé d’attaquer l’ensemble des avocats pénalistes mais elle va nous trouver sur son chemin, l’ensemble du barreau va se lever ». Pour la juge Buresi, les propos de Me Nioré mettent en doute son indépendance, étant seule décisionnaire en signant les ordonnances décidant des perquisitions. M. Tournaire fait état, lui, d’attaques sans davantage de précision. Encore une fois, Nadine Houalla, présidente de l’audience JLD, estime qu’il n’y a pas eu d’attaque personnelle, que les propos visaient le parquet général en tant qu’institution et que le ton était vif « de part et d’autre ». Pour les instructeurs, l’exactitude des propos n’est pas établie. Me Nioré « entendait montrer une certaine désapprobation » face à des perquisitions, jugées irrégulières selon l’avocat.
Concernant la seconde partie des attaques, les instructeurs estiment encore une fois, après avoir entendu les différents témoins, qu’il s’agit de propos généraux « visant l’émoi que pouvait entraîner dans les "barreaux de France" la procédure en vigueur » concernant les perquisitions réalisées chez des avocats. Le soulèvement de tous les barreaux de France n’est pas, selon le rapport, « une évocation crédible ». D’ailleurs, Mme Houalla vient déminer le terrain en évoquant « la pression importante » de la part du parquet général en raison du dossier mettant en cause un avocat célèbre. Encore une fois, aucune attaque personnelle selon elle. Pour les avocats instructeurs, la mise en contexte sera primordiale lors de l’audience disciplinaire. Difficile, pour Catherine Champrenault, de voir dans « vous êtes les émissaires de la procureure générale » une simple référence à l’ouverture d’une information. Selon la magistrate, il semble évident que Vincent Nioré a voulu faire des juges d’instructions des magistrats « inféodés » à la procureure générale (à elle-même, donc, ndlr). C’est une mise en cause de leur intégrité et de leur impartialité.
« Monsieur Tournaire, nous connaissons vos méthodes »
« Monsieur Tournaire, nous connaissons vos méthodes, nous connaissons les méthodes du pôle financier, vous humiliez les avocats ». Pour le juge d’instruction, interrogé par les avocats instructeurs et venu avec des extraits de presse, Vincent Nioré a voulu « stigmatiser » les méthodes de juges que l’avocat dénonce avec violence dans des articles – Le Figaro, la Gazette du Palais, Dalloz… – depuis des années. En mettant ainsi en cause systématiquement le rôle du juge d’instruction, Serge Tournaire a estimé que son intégrité et son impartialité étaient remises en cause. Les instructeurs refusent de se référer à des articles de presse, parfois anciens – certains datent de 2013 – pour établir que les propos ont été ou non prononcés et ce qu’ils recèlent. La présidente de l’audience a confirmé que Vincent Nioré avait effectivement dit » on connaît vos méthodes », à un moment de tension, rappellant aussi que M. Tournaire était « très pugnace » et « très tenace ». L’audience disciplinaire devra déterminer si les mots ont été prononcés et quelle portée leur donner, concluent les instructeurs. Ils ont été prononcés, signalés dès le 30 avril dans le courrier des juges d’instruction au président du tribunal de grande instance et confirmés lors des auditions. Pour elle, les mots ont un sens, les sous-entendus également. Elle va d’ailleurs sévèrement tacler Nadine Houalla, présidente de l’audience JLD, en estimant qu’elle n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé d’une procédure disciplinaire.
Le 18 avril 2019, aucun des trois juges d’instruction présent n’a fait acter d’incidents d’audience.
La date de report sera communiquée dans quelques jours.
Selon l’ancienne bâtonnière de l’Ordre des avocats de Paris, dans son courrier du 5 juin 2019, de 2011 à juin 2019, il y a eu 240 perquisitions au domicile/cabinet de 190 avocats, effectuées par 243 magistrats de France dont 172 juges d’instruction et 71 membres du parquet (dont 27 du parquet national financier), outre 8 visites DGFIP et deux visites AMF. Ces perquisitions ont étés suivies de 130 audiences devant le JLD. Vincent Nioré a assisté à la quasi-intégralité de ces perquisitions et de ces audiences. Avec, pointe la bâtonnière, « une infime minorité d’avocats perquisitionnés mis en cause et poursuivis ».
L’avocat Vincent Nioré, délégué du bâtonnier aux perquisitions, est accusé d’avoir proféré des insultes à l’encontre de trois juges d’instruction lors d’une audience JLD. L’audience disciplinaire qui devait se tenir jeudi 19 mars est repoussée. Une histoire de « ton » et de « virulence » entre avocats et magistrats.
En raison de la crise sanitaire, la réforme est repoussée sine die.
En raison de la crise sanitaire, la réforme est repoussée sine die.
L’employeur qui doit consulter les CHSCT sur un projet de règlement intérieur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, peut mettre en place une instance temporaire de coordination (ITC) des CHSCT qui a pour mission de rendre un avis après avoir eu recours, le cas échéant, à une expertise unique. En l’absence d’expertise décidée par cette instance, les CHSCT des établissements concernés par le projet commun ne sont pas compétents pour décider le recours à une expertise sur cette même consultation.
Après le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), l’Observatoire international des prisons (OIP), au tour du Défenseur des droits d’alerter sur la situation des détenus, notamment mineurs, qui ne peuvent plus recevoir de visites (parloirs) en raison de la propagation du coronavirus et du risque sanitaire majeur que le virus fait encourir dans ces milieux fermés (toutes les activités au sein des établissements pénitentiaires ont par ailleurs été interrompues).
Le projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorise le gouvernement à adapter le droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires.
Le projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorise le gouvernement à adapter le droit de la copropriété des immeubles bâtis afin de tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires.
Retrouvez ici tous les articles sur le coronavirus publiés sur Dalloz actualité.
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• Pandémie : les tribunaux ferment, sauf pour « les contentieux essentiels », par Marine Babonneau, le 16 mars 2020
• Pandémie et prisons : les instructions de l’administration pénitentiaire, par Julien Mucchielli le 16 mars 2020
• Covid-19 : la Cour de justice de l’Union européenne prend ses dispositions, par Charlotte Collin le 16 mars 2020
• La justice pénale française en état d’urgence sanitaire, Le droit en débats, par Valérie-Odile Dervieux le 17 mars 2020
• L’examen de la réforme des retraites suspendu, par Marine Babonneau le 17 mars 2020
• Avocats et télétravail : quelques précisions, par Carole Painblanc le 18 mars 2020
• Covid-19 : la cour d’appel de Paris crée une page dédiée avec le planning des audiences, par Marine Babonneau le 18 mars 2020
• Confinement et fermeture des établissements : les dernières mesures pour lutter contre le covid-19, par Thomas Bigot le 18 mars 2020
• Retour sur les premières mesures réglementaires prises pour lutter contre le covid-19, par Thomas Bigot le 18 mars 2020
• Vers la création d’un état d’urgence sanitaire, par Marie-Christine de Montecler le 18 mars 2020
• Projets de loi coronavirus : les mesures visant les juridictions, par Pierre Januel le 19 mars 2020
• Centres de rétention : étrangers et policiers face au coronavirus, par Julien Mucchielli le 19 mars 2020
• Amende, report du second tour et rationnement des médicaments : nouvelles mesures autour du covid-19, par Thomas Bigot le 19 mars 2020
• Coronavirus : les mesures d’urgence de la CNBF en faveur des avocats cotisants et retraités, par Laurent Dargent le 19 mars 2020
• Coronavirus et propriété intellectuelle : les dispositions des Institutions, par Nathalie Maximin le 20 mars 2020
• Coronavirus : adaptation du droit de la copropriété, par Yves Rouquet le 20 mars 2020
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• Coronavirus : report de la contemporanéisation des APL, par Yves Rouquet le 20 mars 2020
• Contrats et coronavirus : un cas de force majeure ? Ça dépend…, Le droit en débats, par Ludovic Landivaux le 20 mars 2020
• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020
• Coronavirus : adoption en cours d’un projet de loi de finances rectificative pour 2020, par Xavier Delpech le 20 mars 2020
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• Coronavirus : volet social du projet de loi d’urgence sanitaire, par Caroline Dechristé le 21 mars 2020
• Les cyberattaques à l’heure du coronavirus, Le droit en débats, par Myriam Quéméner et Clément Wierre le 21 mars 2020
• Procédure pénale et principe de réalité : covid de sens ?, Le droit en débats, par Valérie-Odile Dervieux le 21 mars 2020
• Coronavirus : l’État doit préciser ses mesures restrictives, par Jean-Marc Pastor le 22 mars 2020
• Ne rajoutons pas l’arbitraire à la catastrophe sanitaire, Le droit en débats, par Pierre de Combles de Nayves le 22 mars 2020
• L’Assemblée travaille dans l’urgence sur l’urgence, par Pierre Januel le 23 mars 2020
• « Un porteur sain de Fresnes pourrait contaminer la Santé ou Fleury depuis ce box », par Antoine Bloch le 23 mars 2020
• Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : les dispositions de nature pénale, par Dorothée Goetz le 23 mars 2020
• « Il est purement inexact d’affirmer que le milieu carcéral ne protège pas des risques de pandémies », par Marine Babonneau le 23 mars 2020
• Coronavirus : assouplissement exceptionnel de la chronologie des médias, par Amélie Blocman le 24 mars 2020
• Coronavirus : la Commission européenne crée une réserve médicale rescUE, par Hélène De Pooter le 24 mars 2020
• Coronavirus : les précisions de l’OMPI pour le système international des marques, par Nathalie Maximin le 24 mars 2020
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Sénat a adopté le projet de loi d’urgence contre le coronavirus. Ce projet contient trois titres : la création d’un état d’urgence sanitaire, de larges habilitations pour légiférer par ordonnances pour adapter le pays et sauver l’économie le temps de la crise, et le report des élections municipales. Récit d’une nuit de débats.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2020 présenté ce 18 mars 2020 en conseil des ministres et adopté le lendemain même par les députés constitue le véhicule législatif du volet financement des mesures de soutien aux entreprises décidées en faveur des entreprises frappées par la crise sanitaire liée au virus covid-19. Sa principale mesure consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2020 présenté ce 18 mars 2020 en conseil des ministres et adopté le lendemain même par les députés constitue le véhicule législatif du volet financement des mesures de soutien aux entreprises décidées en faveur des entreprises frappées par la crise sanitaire liée au virus covid-19. Sa principale mesure consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros.
Le projet de loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute une série de mesures provisoires en matière notamment de bénéfice de l’activité partielle, de conditions d’acquisition et de prise de congés payés, de repos, d’intéressement et de participation, du suivi de santé des salariés ou encore de modalités d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel.
Le juge peut moduler dans le temps l’application d’une règle jurisprudentielle de forclusion qui ne se borne pas à tirer les conséquences de dispositions antérieures mais qui revient sur une jurisprudence constante.
En procédure avec représentation obligatoire, l’opposition formée contre l’arrêt n’introduit pas un appel de sorte que le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile n’est pas applicable.
Sur appel d’un syndicat des copropriétaires, la cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 14 juin 2016, infirma un jugement, qui avait notamment prononcé la nullité d’une assemblée générale de la copropriété, en condamnant la société financière intimée à verser à l’appelant diverses sommes. L’arrêt étant rendu par défaut, la société financière forma opposition, laquelle fut jugée recevable par la cour d’appel qui prononça cette fois la nullité de l’assemblée générale de la copropriété et écarta les demandes indemnitaires du syndicat. Reprochant à la cour d’avoir écarté l’application de l’article 908 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires inscrit un pourvoi. La seconde branche du moyen soutenait précisément que « sur opposition, l’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition et c’est l’instance même qui a abouti à la décision frappée d’opposition qui recommence et se poursuit ; qu’il en résulte que, lorsqu’une partie forme une opposition à un arrêt d’une cour d’appel rendu dans une matière avec représentation obligatoire, les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile sont applicables ». La réponse de la deuxième chambre civile, qui rejette le pourvoi, est tout aussi limpide : « L’opposition formée contre l’arrêt d’une cour d’appel rendu suivant une procédure avec représentation obligatoire, qui reprend l’instance ayant abouti à cet arrêt, n’introduit pas un appel, de sorte que l’article 908 du code de procédure civile n’est pas applicable à l’opposant, qui n’a pas la qualité d’appelant ».
Bien que le pourvoi ne portât pas sur cette question, un débat intéressant, et finalement induit par la procédure applicable en procédure avec représentation obligatoire devant la cour, avait été initié devant la cour de Grenoble sur le point de savoir si l’opposition avait été valablement formée par voie électronique.
Devant l’absence d’onglet RPVA « opposition », la déclaration d’opposition avait été prise en compte une première fois sous la rubrique « appel », puis une seconde sous celle « déclaration de saisine ». Faute d’onglet spécifique pour un acte qui doit être transmis par voie électronique, la cour jugea le recours recevable en constatant que l’opposition avait bien été formalisée dans le délai d’un mois, avec un document d’opposition joint, par voie électronique, l’avocat prenant la peine de mentionner spécifiquement lors de son second envoi « opposition à arrêt ». Devant les carences du RPVA, il était difficile de faire plus, et la décision est heureuse sur ce point puisqu’il ne faisait aucun doute que c’était bien une opposition qui était conduite et sous la forme électronique exigée. Car si, on le sait maintenant, les délais impératifs des articles 908 et suivants ne s’appliquent pas sur opposition à arrêt, l’article 930-1 du code de procédure civile si !
L’interrogation était légitime tant on finit par se perdre dans le régime applicable à la notification de certains actes de procédure spécifiques (requête en rectification d’erreur matérielle, recours en matière de contestation d’honoraires, notification de mémoire devant la chambre des expropriations…) face à des arrêtés techniques qui ne voient pas le jour et à un article 930-1, placé après la Sous-section 4 « dispositions communes » qui précise qu’ « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». Ainsi, sans égard à un quelconque arrêté technique - à l’instar de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation non prévue par un arrêté technique - l’article 930-1 s’impose pour tous les actes de procédure, remis à la juridiction, en matière de représentation obligatoire.
Mais la problématique posée aux parties n’est pas virtuelle : si la voie électronique est imposée à peine d’irrecevabilité devant la cour, les parties sont-elles contraintes de conclure dans les délais des articles 908 et suivants du code de procédure civile ?
Ce peut être le cas, mais pas nécessairement ! Ainsi, en cas de recours en annulation d’une sentence arbitrale, non seulement l’article 930-1 est applicable (Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-14.708, D. 2019. 1891 ; ibid. 2435, obs. T. Clay ; Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. C. Bléry), mais les parties doivent conclure, à peine de caducité et d’irrecevabilité, conformément aux articles 908 et suivants. Pour le savoir, il faut aller chercher l’article 1495 du code de procédure civile, relatif au recours en annulation, qui opère par renvoi aux articles 900 à 930-1. Les délais pour conclure sont donc concernés. Pour l’opposition, l’article 573 dispose qu’elle « est faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision », l’article 576 ajoutant que « L’affaire est instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition ». Le RPVA s’imposait donc mais quid alors des délais pour conclure ? La cour de Grenoble avait répondu au moyen adverse que l’article 908 est exclusivement réservé à la procédure d’appel et ne concerne pas celle d’opposition à arrêt, suivie en cela par la Cour de cassation. Un doute pouvait être instillé, et c’était l’objet du pourvoi, puisque l’opposition est « instruite et jugée selon les règles applicables devant la juridiction qui a rendu la décision frappée d’opposition ». Ne pourrait-on pas alors appliquer les articles 908 et suivants ? La réponse est claire : non, et la position de la deuxième chambre civile n’est pas illogique dès lors que face à un arrêt rendu par défaut, il ne s’agit pas, pour le défaillant, d’interjeter appel mais bien d’en obtenir la rétractation. L’appel avait déjà été formé, par la partie adverse qui, par définition, ne serait pas recevable à former opposition, tandis que l’article 908 impose un délai de trois mois au seul appelant, qui n’est pas le demandeur à l’opposition. Et encore, à peine de caducité de la déclaration d’appel, non pas de la déclaration d’opposition. D’ailleurs, lorsque le législateur a souhaité prévoir des sanctions et un délai impératif de trois mois pour conclure (intimé sur appel provoqué, intervenant forcé ou, plus curieusement, volontaire) il l’a dit expressément à l’article 910 du code de procédure civile. Bien que marginaux, il reste donc des domaines en procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel dans lesquels des délais ne sont pas imposés aux parties.
Dans un arrêt du 11 mars 2020, le Conseil d’État précise l’office du juge du fond et celui du juge de cassation en matière de régularisation des autorisations environnementales.
Le plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) approuvé en vertu des dispositions du I de l’article L. 212-10 du code de l’environnement demeure applicable, y compris lorsque ce dernier n’a pas été complété par un règlement, conformément au II de cet article, dans le délai de six ans à compter de la promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.
Vendredi, l’Assemblée nationale a été dans l’incapacité d’adopter le projet de loi d’urgence sur le coronavirus. Seule l’étude en commission a pu avoir lieu, le débat en séance ayant lieu ce samedi. Faute d’un vote conforme, l’adoption définitive du texte ne devrait pas avoir lieu avant dimanche. Si les députés finissent par accepter que leur rôle ne se limite pas à prendre la parole. Récit.
Vendredi, l’Assemblée nationale a été dans l’incapacité d’adopter le projet de loi d’urgence sur le coronavirus. Seule l’étude en commission a pu avoir lieu, le débat en séance ayant lieu ce samedi. Faute d’un vote conforme, l’adoption définitive du texte ne devrait pas avoir lieu avant dimanche. Si les députés finissent par accepter que leur rôle ne se limite pas à prendre la parole. Récit.
« Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. »
Pour ce débat, l’Assemblée a tenté de concilier pluralisme et fait majoritaire : chaque groupe, quelle que soit sa taille, est représenté par trois membres, mais les chefs de file portent donc les pouvoirs du groupe. En Marche ! gardera donc la majorité. L’objectif est d’étudier le texte en commission dans la journée et de faire le débat en hémicycle pendant la nuit.
En introduction, la rapporteure LREM Marie Guévenoux veut rassurer : « Avec le Sénat, nous nous entendons sur l’essentiel. Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. » Et d’expliquer qu’en amont, de nombreux échanges ont eu lieu avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Philippe Bas, son homologue du Sénat. Pour accélérer les choses, « certains amendements votés par le Sénat ont été introduits sur les souhaits de l’Assemblée. Mais nous avons quelques dissonances qui persistent sur le texte ».
Hier, le Sénat a en effet adopté le texte avec deux gros cailloux pour le gouvernement. Il a précisé les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire et souhaité accélérer le dépôt des listes pour les élections municipales. La rapporteure Marie Guévenoux n’a posé que des amendements sur le second point. Qui enflamme les députés.
Dans les communes où il y aura un second tour, celui-ci serait repoussé en juin, si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, le premier tour serait annulé. Le point qui occupe tout le monde est : « Jusqu’à quand doit-on déposer les listes ? » Députés LR, PS, PCF tiennent absolument à ce qu’il ait lieu fin mars, comme le souhaite le Sénat, pour figer les choses. En face, LREM, FI et RN s’y opposent : dans la période, il est illusoire que des négociations d’entre deux-tours aient lieu, d’autant qu’on ne sait pas si ce second tour se tiendra.
La députée écologiste Delphine Batho s’exaspère : « C’est surréaliste. Nos débats tournent autour d’une chose : la date du dépôt, ou pas, du second tour des municipales. On se pince. On n’a pas de masques. On n’a pas de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, mais vraiment, ce qui mobilise les politiques, c’est la date de dépôt des listes. » La présidente Braun-Pivet tente d’accélérer : « Vous ne pouvez pas prendre et reprendre la parole en parlant quatre minutes à chaque fois, tout en disant qu’il faut moins de ce sujet. Je ne veux priver personne de prise de parole, mais j’en appelle à la responsabilité de chacun. »
« C’est un vrai sujet »
Dans la Ve République, le président préside, le gouvernement gouverne et le Parlement parle. Hier, l’Assemblée a sombré dans cette caricature. À 17h30, les députés n’ont toujours pas commencé avec le cœur du texte : l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances. Avec jusqu’à dix-sept prises de parole pour un amendement.
Le problème est profond. Depuis 2017, l’Assemblée n’arrive plus à légiférer vite. Et ce quelle que soit la commission. Une partie de l’opposition ne joue pas le jeu parlementaire et souhaite imposer ses sujets plutôt qu’amender les textes. Le tout dans un climat de forte défiance vis-à-vis de la majorité et du gouvernement, toujours soupçonnés de mentir ou de vouloir attaquer à la démocratie. Même si l’opposition n’a jamais eu autant de temps.
Dans le passé, le Parlement a montré sa capacité à adopter en trente-six heures des textes majeurs, dictés par la crise. Hier, cent vingt amendements ont été déposés, chaque député venant avec un « vrai sujet » (cette crise n’en manque pas) mais des débats parfois vains. La commission a ainsi débattu de détails sur les ordonnances, alors même que le gouvernement ne sera présent qu’en séance.
Le député communiste Stéphane Peu se plaint : « la difficulté dans nos débats est de faire accepter à la majorité des amendements qui ne proviennent pas d’elle. Tout le monde joue le jeu de l’union nationale et vous refusez systématiquement tous nos amendements. » Au final, quatorze amendements auront été adoptés. Sept de la majorité, sept de l’opposition, souvent sans portée. Le débat en séance est repoussé à samedi.
Vendredi, l’Assemblée nationale a été dans l’incapacité d’adopter le projet de loi d’urgence sur le coronavirus. Seule l’étude en commission a pu avoir lieu, le débat en séance ayant lieu ce samedi. Faute d’un vote conforme, l’adoption définitive du texte ne devrait pas avoir lieu avant dimanche. Si les députés finissent par accepter que leur rôle ne se limite pas à prendre la parole. Récit.
Vendredi, l’Assemblée nationale a été dans l’incapacité d’adopter le projet de loi d’urgence sur le coronavirus. Seule l’étude en commission a pu avoir lieu, le débat en séance ayant lieu ce samedi. Faute d’un vote conforme, l’adoption définitive du texte ne devrait pas avoir lieu avant dimanche. Si les députés finissent par accepter que leur rôle ne se limite pas à prendre la parole. Récit.
On a dû croiser six personnes en tout et pour tout, dans l’atrium de ce palais dont la démesure et les circuits donnent, encore un peu plus qu’à l’accoutumée, l’impression de se balader dans un film de Jacques Tati. Pas un péquin à la buvette. On a attendu dans la pénombre deux audiences civiles qui, comme Godot, ne sont jamais venues. Passé une tête à la 16e chambre correctionnelle, au sixième étage. Interrompu des vigiles qui tuaient le temps en conversant à deux mètres les uns des autres. Remarqué quelques audiences de juge des libertés et de la détention par visioconférence. Puis on s’est rabattu sur les deux sections de la 23e chambre, délocalisées au quatrième.
Actuellement, on y liquide essentiellement le stock de renvois droits de la défense de la grève dure des avocats. C’est-à-dire que, provisoirement détenus depuis des semaines, certains prévenus reviennent simplement à la case départ… sans avoir croisé l’ombre d’un avocat dans l’intervalle. On y badine aussi, un peu plus cruellement que d’habitude, du genre « son cerveau n’est plus très bien oxygéné depuis qu’elle a un masque ».
Sur les bancs quasi déserts, une femme enlève ponctuellement le sien pour fondre en larmes. Renifle quelques instants, puis le remet pour cracher ses poumons dedans. Le président n’a pas encore tiqué, mais elle est prise de quintes de toux carabinées depuis plusieurs minutes maintenant, sous le regard paniqué d’une interprète qui se décale peu à peu. Il se tourne finalement vers elle : « Madame, vous êtes souffrante, non ? Vous êtes là pour quel dossier ? Je vous demande de sortir immédiatement, on vous appellera ! » Elle se fait traîner dehors en maugréant : « Rhô ça va la paranoïa, je suis juste une grosse fumeuse depuis que j’ai 12 ans, c’est tout ! » Elle soliloque plusieurs minutes de l’autre côté de la porte.
« Allô allô, il y a quelqu’un ? »
Sans masque ni gants, l’escorte fait entrer un prévenu dans le box. Lequel ne se sait visiblement plus trop quelle identité il est censé décliner cette fois-ci. Il comparaît pour un vol de téléphone, en réunion et en récidive légale. Le président n’entend pas bien l’interprète, à cause de son masque de chantier, sans doute de peintre. Il lui demande de parler dans le micro du box. Elle se liquéfie, mais le saisit tout de même du bout des doigts, pour le tordre en faisant exploser les enceintes.
Le cas est on ne peut plus classique et aboutit à six mois ferme, mais sans maintien en détention, pour cause de « co-ro-no-ra-vi-rus », dira péniblement le président. « Donc il sort ce soir », lance gaiement la greffière. « Ouh là, non, parce qu’il a d’autres dossiers ! », rectifie le président, faisant mine de trouver tout cela logique. Trois autres prévenus, entassés dans un même coin du box à bien moins d’un mètre de distance, sortent en revanche de détention, pour la même raison. Ils n’en reviennent pas.
Le dossier suivant doit être pris en visioconférence depuis Fresnes. Cette fois, il y a un avocat dans la salle. Mais ça ne fonctionne pas. La pauvre greffière se prend encore une balle perdue : « Ben ouais, il faut juste faire le numéro, quoi. » Un mur blanc apparaît sur les écrans. Le président croit déceler une silhouette humaine dans ce qui n’est vraisemblablement que l’ombre portée d’un micro. Il s’égosille dans le vide : « Allô allô, il y a quelqu’un ? » La grosse fumeuse entre dans la salle, on laisse donc la visio de côté pour faire monter son concubin du dépôt.
« Excuse-moi, votre honneur »
Il est détenu pour violences sans ITT sur sa conjointe (et accessoirement pour rébellion), « avec cette circonstance que les faits ont été commis seul et sans arme », enchaîne le président, interloqué : « eh bien, voici de bien belles circonstances ! » « Mais il a pas essayé de me violer », lance la femme, au moins cinq fois de suite. « Ça tombe bien, il n’est pas poursuivi pour ça », rétorque le magistrat, qui poursuit : « C’est une querelle d’ivrognes, en quelque sorte, mais ce qui est gênant, c’est que ça fait du bruit. Si encore vous faisiez ça silencieusement… »
Elle répond sans cesse à la place de son concubin, mais s’efforce maladroitement d’y mettre les formes : « excuse-moi, votre honneur ». On finit curieusement par disserter sur sa consommation d’alcool à elle : « je vais arrêter de boire, d’ailleurs je fais du yoga ». Elle veut bien reprendre son compagnon mais la procureure ne l’entend pas de cette oreille : elle requiert une interdiction de paraître au domicile et une interdiction de contact. Ils pleurent tous les deux, mais le tribunal ne les prononcera finalement pas.
On retente Fresnes, ce qui prend plusieurs minutes. Comme la nature, l’avocat a parfois horreur du vide. Alors il meuble. Laborieusement. L’écran s’illumine enfin, sauf que le cadrage fait qu’on ne devine qu’une touffe de cheveux dépassant à peine d’une fenêtre du logiciel : « pour une fois que ça marche, je ne touche à rien », décrète la greffière, avant de changer d’avis. L’avocat se lance : « J’ai déposé cette demande de mise en liberté de ma propre initiative, parce que je suis très inquiet. » Il cite du Macron dans le texte (« nous sommes en guerre, contre un ennemi invisible ») et en fait un peu des caisses sur son propre courage d’être venu jusqu’au palais au péril de sa vie.
Son client doit être extrait la semaine prochaine pour être jugé ici même, sauf qu’il est plus ou moins asthmatique et devrait donc, selon lui, comparaître libre : « Je vois ces gens qui se succèdent dans le box, qui touchent la même barre et parlent dans le même micro. Un porteur sain de Fresnes pourrait contaminer la Santé ou Fleury depuis ce box, ou l’inverse. C’est une question d’heures. » C’est du bon sens, bien sûr, mais on pressent que l’argument va sans doute être un peu court. « Maître, vous me semblez être d’une sensibilité à cette épidémie… », se moque le président, avant de se tourner vers une avocate qui passait en touriste : « Votre consœur sourit sous son masque, j’en suis sûr. » Dans la salle, la grosse fumeuse éclate de rire, et en remet une couche : « Eh ben, c’est pas la seule ! » Demande rejetée, l’avocat sort furieux.
« Laissez Dieu en dehors de ce tribunal »
Entre un dernier détenu, originellement (et originalement) interpellé pour des tentatives de vol en réunion dans les habitacles de plusieurs voitures en stationnement. « Où est passée votre avocate ? », interroge le président, à la cantonade. Il n’en a pas : « Elle, c’était juste une copine de l’autre », rétorque un assesseur. Le président s’amuse à caser des « chouf » et des « walou » dans son récit. C’est un peu pour détendre l’interprète qui, l’air de rien, change régulièrement de micro pour s’éloigner progressivement du box, et se décompose toujours à vue d’œil. Le prévenu justifie ses allées et venues par la visite d’un appartement à louer, alternativement situé à Clignancourt, Château-Rouge ou Saint-Denis. Géographe amateur mais éclairé, le président reconstitue les trajets presque rue par rue : « C’est vraiment pas le chemin le plus court… »
« Je ne sais pas si je reconnais les faits, mais en tout cas, ce que je veux dire, c’est excusez-moi », traduit l’interprète. Le président insiste un peu, et le prévenu finit par concéder : « Je vous donne ma parole d’homme que je ne ferai plus jamais ça, par Dieu. » « Laissez Dieu en dehors de ce tribunal », ricane l’un des assesseurs : « Veuillez noter que monsieur a juré la main sur le cœur », ironise l’autre à destination de la greffière. Le président suspend l’audience mais ne reste pas derrière pour délibérer avec les deux autres. Il revient dans la salle, pour se débarrasser de la paperasse : « c’est que j’aimerais bien aller faire des courses pas trop tard », tente-t-il de se justifier auprès de la proc qui, concentrée sur son smartphone, ne l’entend pas et n’avait de toute manière rien remarqué. Ce sera six mois ferme, sans maintien en détention « en raison du co-ro-no-ra-vi-rus ».
On fait du bruit en essayant bêtement d’ouvrir les portes avec les coudes, ce qui sort le vigile de sa méditation on ne peut plus solitaire. Il nous regarde avec des yeux écarquillés : « C’est pas vrai, c’est vraiment terminé terminé ? » Même si les autres salles ont baissé le rideau depuis longtemps, ce n’est effectivement pas tous les jours que la 23e lève le camp à même pas dix-sept heures trente. Mais l’honneur est sauf, puisque le palais est aussi vide.
Pendant le confinement, certaines audiences « essentielles » continuent à se tenir. C’est le cas, notamment, des comparutions immédiates au tribunal judiciaire de Paris.
En introduction de la journée, Édouard Philippe donne un long discours sur la situation et les enjeux du texte. « Je vous remercie très sincèrement de la rapidité avec laquelle vous avez fait prévaloir une forme d’union sacrée. »
Jean-Luc Mélenchon : « Nos personnes sont sacrées ! »
Rires de l’hémicycle. Philippe : « Dans cette heure grave, faire sourire ses collègues n’est jamais inutile. » Ce sera une des seules pointes d’humour de la journée, empreinte de gravité.
« Pour BFM TV, ce sera génial ! »
L’après-midi, les députés démarrent leur travail : étudier le texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les députés d’opposition soulèvent plusieurs failles, sur la publicité des avis scientifiques ou le contrôle parlementaire. À plusieurs reprises, leurs interpellations aboutissent : le gouvernement voit la difficulté, la séance est suspendue et, vingt minutes, plus tard la séance reprend avec un amendement de compromis, rédigé au banc.
En fin d’après-midi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, porte un amendement de dernière minute sur les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. Le texte initial prévoyait une contravention de quatrième classe (135 €) en cas de non-respect des obligations. Depuis, les personnes refusant le confinement sont devenues un sujet médiatique, et donc politique. « Pour assurer la réalité de ce confinement et pour dissuader les personnes qui ne le respecteraient pas, nous proposons de transformer cette amende en un délit, puni d’une peine de prison, pour qu’il y ait un véritable effet dissuasif et, par là même, un effet préventif. »
L’idée de traîner en comparution immédiate une personne qui serait sortie deux fois hors de chez elle, en ces temps d’émeutes carcérales, gêne considérablement les députés. Ni le principe de légalité des délits ni celui de proportionnalité des peines ne sont respectés. La rapporteure du texte se contente d’un mot, « favorable », et les députés En Marche et Modem se taisent. En langage parlementaire, pour exprimer son désaccord envers le gouvernement, un député de la majorité se tait.
En chœur, l’opposition souligne les failles de ce projet. Du PCF à LR, tous trouvent l’idée excessive. Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir : « Là, on a un effet d’affichage : pour BFM TV, ce sera génial ! Je suis pour la répression, à condition qu’elle soit effective, car là on est surtout dans la com. »
« Une fois n’est pas coutume », Danièle Obono (FI) va dans le sens de ses collègues : « On réagit, on surréagit, en pensant qu’il suffira d’une annonce au 20 heures pour régler les choses. D’un point de vue pédagogique, c’est disproportionné et contre-productif. Et nos prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont surpeuplées. » La rapporteure Marie Guévenoux prend enfin la parole : « Je vais dans le même sens que l’ensemble des orateurs pour proposer une suspension. Je pense qu’il faut qu’on réussisse à trouver ensemble une solution. »
La séance est suspendue, afin de trouver une rédaction de compromis. Celle-ci est trouvée une heure après. La récidive sera punie d’une contravention de cinquième classe (1 500 €). Ce n’est qu’au quatrième constat que l’infraction sera passible d’une peine de prison. L’amendement pose encore problème (légalité du délit, contrôle de la récidive) mais il est plus acceptable. Et le gouvernement a son signal fort.
« Une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles »
À 3h20 du matin, les députés commencent l’étude du projet de loi organique qui n’est composé que d’un article : celui-ci suspend les délais d’examen de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Comme de nombreuses autres institutions, le Conseil constitutionnel est bloqué : pour la première fois, la semaine dernière, il n’a pas pu répondre à une QPC.
Jean-Christophe Lagarde soulève une faille : « Nous venons de voter une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles, attentant à un certain nombre de choses proprement exceptionnelles. Je ne demande qu’une chose : que ce que nous venons de voter ne soit pas exonéré d’un contrôle de constitutionnalité, parce qu’on aurait prolongé les délais des QPC. »
Christophe Castaner : « Si on prévoyait la possibilité pour l’ensemble de ce qui vient d’être voté de faire l’objet de recours et de QPC, ce serait organiser notre propre incapacité de mettre en œuvre dans l’urgence les mesures dont nous parlons. »
L’amendement est rejeté. Mais parce que c’est un texte organique, le Conseil constitutionnel étudiera obligatoirement cet article, qui suspend son action. Il pourrait aussi soulever un autre problème : l’article 46 de la Constitution prévoit que, même en urgence, un projet de loi organique ne peut être étudié par le Parlement moins de quinze jours après son dépôt. Supportera-t-il aussi bien l’urgence que le Parlement ?
Les mesures adoptées définitivement par la CMP
Dimanche, députés et sénateurs se sont réunis pour trouver un compromis. Après une longue réunion, ils se sont entendus sur un texte, qui a été adopté définitivement dès dimanche soir. Parmi les évolutions :
• sur l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a imposé une liste plus limitative que ce que souhaitait le gouvernement. Les mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus. Elles pourront être contestées en référé. Le contrôle parlementaire sera limité à l’état d’urgence (et non à toute la loi) ;
• sur les ordonnances, le gouvernement a fait le choix de renvoyer celles sur les congés au dialogue social. L’employeur aura plus de latitude sur les jours de RTT ;
• pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’application de la carence en cas d’arrêt de travail est suspendue, pour l’ensemble des régimes ;
• la carence de trois mois des expatriés revenant en France pour l’affiliation à l’assurance maladie et maternité est suspendue ;
• pour les communes où il faut un second tour des élections municipales, un rapport rendu le 23 mai établira si le scrutin peut avoir lieu le 21 juin. Dans ce cas, les listes devront être déposées le 2 juin. Les exécutifs municipaux et communautaires qui exerceraient avant les élections resteront en fonction jusqu’à ce que la situation sanitaire permette de réunir les nouveaux conseils.
Sur ce projet de loi, lire également :
• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020
• Les députés s’embourbent malgré l’urgence, par Pierre Januel le 21 mars 2020
Samedi, l’Assemblée a étudié le projet de loi d’urgence sur le Coronavirus. Si l’étude en commission la veille fut poussive, la séance fut productive dès lors que les députés ont accepté de jouer le jeu du travail parlementaire en se concentrant sur le texte et ses failles. Dimanche, Assemblée et Sénat se sont entendus sur un texte. Récit.
Samedi, l’Assemblée a étudié le projet de loi d’urgence sur le Coronavirus. Si l’étude en commission la veille fut poussive, la séance fut productive dès lors que les députés ont accepté de jouer le jeu du travail parlementaire en se concentrant sur le texte et ses failles. Dimanche, Assemblée et Sénat se sont entendus sur un texte. Récit.
Samedi, l’Assemblée a étudié le projet de loi d’urgence sur le Coronavirus. Si l’étude en commission la veille fut poussive, la séance fut productive dès lors que les députés ont accepté de jouer le jeu du travail parlementaire en se concentrant sur le texte et ses failles. Dimanche, Assemblée et Sénat se sont entendus sur un texte. Récit.
Samedi, l’Assemblée a étudié le projet de loi d’urgence sur le Coronavirus. Si l’étude en commission la veille fut poussive, la séance fut productive dès lors que les députés ont accepté de jouer le jeu du travail parlementaire en se concentrant sur le texte et ses failles. Dimanche, Assemblée et Sénat se sont entendus sur un texte. Récit.
Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).
L’indice du coût de la construction (ICC) du quatrième trimestre 2019, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 2020-67, 20 mars 2020) s’élève à 1 769, soit une hausse de 3,88 % sur un an, de 7,54 % sur trois ans et de 15,39 % sur neuf ans.
Le Conseil d’État précise la répartition des rôles entre le collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et sa commission des sanctions. Celle-ci peut refuser l’accord d’homologation mettant fin aux poursuites contre un professionnel.
La loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 vient d’être publiée, moins d’une semaine après sa présentation en conseil des ministres. Sa mesure emblématique consiste en la mise en place d’un mécanisme de garantie de l’État des prêts consentis par des établissements de crédit à hauteur de 300 milliards d’euros.
Le lien expertal. Les mutations sociales, économiques et culturelles de la société au cours des décennies passées ont conduit à une explosion du phénomène expertal dans l’ordre juridictionnel (sur ce phénomène, J. Normand, Remarques sur l’expertise judiciaire au lendemain du nouveau code de procédure civile, in Mélanges en l’honneur de Jean Vincent, 1981, Dalloz, p. 255 s. ; C. Champaud, Société contemporaine et métamorphose de l’expertise judiciaire, in Mélanges en l’honneur de Henry Blaise, 1995, Economica, p. 59 s. ; Le juge, l’arbitre, l’expert et le régulateur au regard de la jurisdictio, in Mélanges en l’honneur de Jacques Béguin, 2004, Litec, p. 71 s., spéc. p. 96 s.). À mesure que les litiges ont pris corps dans des situations factuelles complexes, où l’appréciation de la normalité a exigé la maîtrise de compétences techniques particulières, l’expert est venu jouer un rôle de plus en plus important dans la détermination du droit applicable (O. Leclerc, Le juge et l’expert. Contribution à l’étude des rapports entre le droit et la science, préf. A. Lyon-Cean, 2005, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 443, spéc. nos 195 s., p. 159 s.). Certes, le juge demeure non tenu par les constations ou les conclusions de l’expert (C. pr. civ., art. 246, sous réserve des constatations de l’huissier de justice), mais il existe une « propension insidieuse à l’adoption pure et simple, fréquemment observée, des rapports d’experts, aboutissant de facto à consacrer de véritables délégations de la fonction judiciaire » (B. Appétit, Les rôles respectifs du juge et du technicien dans l’administration de la preuve en droit privé, in G. Cornu (dir.), Les rôles respectifs du juge et du technicien dans l’administration de la preuve, Xe colloque des IEJ, Poitiers, 1976, PUF, p. 53 s., spéc. p. 56). Après tout, la formule ne dit-elle pas que « le procès se gagne ou se perd… devant l’expert » ? (J. Moury, Les limites de la quête en matière de preuve : expertise et jurisdictio, RTD civ. 2009. 665 s. ).
Dans ce contexte, l’expertise est devenue une phase autonome dans la résolution d’un litige, au cours de laquelle s’opère une sorte de mise en état déléguée de l’affaire. On parle alors d’un véritable « lien expertal, dans le sens d’un lien procédural dédié aux opérations d’expertise qui n’est pas hors procédure, mais au contraire soumis à tous les principes procéduraux de la procédure et partie intégrante du lien d’instance » (E. Jeuland, L’expertise en matière civile. La notion d’expertise et autres mécanismes proches, in L. Cadiet et D. Loriferne, La pluralité de parties, Actes des 3e rencontres de procédure civile, 2013, IRJS, p. 103 s., spéc. p. 105). Parmi ces principes (pour une étude d’ensemble, v. C. Chapelle, L’expertise civile à l’épreuve des droits fondamentaux, Thèse, Nice, 2018), le contradictoire tient logiquement une place de choix.
Expertise officieuse et principe de la contradiction. L’intervention d’un expert au cours d’une procédure n’est pas nécessairement la conséquence d’une décision du juge. Elle peut aussi résulter de la seule initiative d’une partie. Dans ce cas, l’expertise est dite « officieuse », « privée » ou, plus faussement, « amiable » alors qu’elle est en réalité strictement unilatérale (sur la distinction entre expertise judiciaire et officieuse, V. Vigneau, Cas particuliers d’intervention des sachants, in T. Moussa (dir.), Droit de l’expertise 2016/2017, 3e éd., 2015, Dalloz, p. 80 s., spéc. n° 212.11, p. 81-82). En l’espèce, c’est précisément ce type d’expertise qui avait été utilisé par l’acquéreur d’un immeuble. Contestant la surface du bien qu’il venait d’acquérir, il a assigné sa venderesse en réduction du prix et en remboursement des frais accessoires. Pour établir l’erreur, l’acquéreur a fait dresser un certificat de mesure loi Carrez par un diagnostiqueur, puis par un géomètre expert. Ces documents ont constitué le fondement technique probatoire de son action. Mais si les résultats ont bien été versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties, les opérations d’expertise ont été réalisées sans la présence de la venderesse qui n’a pas été appelée pour y participer. Or, les juges du fond ont refusé de tenir compte de ces expertises officieuses dans l’exercice de leur office. Selon eux, un juge ne peut se fonder exclusivement sur une mesure d’instruction amiable réalisée non contradictoirement à la demande d’une seule des parties. L’arrêt est cassé par la Cour de cassation. Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, la Haute juridiction rappelle un principe désormais connu : « le juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d’autres éléments de preuve ». Ainsi, en statuant comme ils l’ont fait, alors qu’ils avaient constaté que les deux rapports avaient été soumis à la libre discussion des parties, les juges du fond ont violé le texte susvisé.
Un rapport non établi contradictoirement, mais versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. Dans l’accomplissement de sa mission, l’expert désigné unilatéralement par l’une des parties n’a pas à se conformer aux règles énoncées par le code de procédure civile. À ce titre, il est dispensé d’avoir à respecter le principe de la contradiction. La Cour de cassation est régulièrement amenée à rappeler cette singularité de l’expertise officieuse (Civ. 1re, 24 sept. 2002, n° 01-10.739, Bull. civ. I, n° 220 ; D. 2002. 2777 ; Procédures 2002. Comm. 200, obs. R. Perrot ; Civ. 3e, 23 mars 2005, n° 04-11.455, Bull. civ. III, n° 73 ; AJDI 2005. 402 ; Procédures 2005. Comm. 177. obs. R. Perrot ; Civ. 1re, 17 mars 2011, n° 10-14.232, inédit, Procédures 2011. Comm. 162. obs. R. Perrot). Tout rapport d’expertise officieux peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. L’arrêt commenté ne dit pas autre chose.
Toutefois, la nécessité d’une réaffirmation régulière par la Haute juridiction démontre la résistance de certaines juridictions du fond. Elles n’acceptent pas qu’une expertise, au prétexte qu’elle est unilatérale, déroge à un principe aussi fondamental que celui de la contradiction des opérations. La critique se lisait déjà chez Roger Perrot : « on ne parvient pas à comprendre en quoi le fait qu’une expertise ait un caractère amiable dispense l’expert désigné de convoquer l’une des parties à ses opérations » (obs. sous Civ. 1re, 17 mars 2011, préc.). En effet, même si elle offre des données essentiellement techniques, l’expertise unilatérale n’en est pas moins un élément essentiel d’appréciation du litige. Comme l’expertise judiciaire, elle participe de l’administration judiciaire de la preuve. Mais si cet effet curatif de la discussion contradictoire permet de faire de l’expertise unilatérale une preuve acceptable, elle ne suffit pas à en faire une preuve suffisante.
Un rapport non établi contradictoirement, mais corroboré par d’autres éléments de preuve. La solution était déjà connue. Si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, « il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties » (Cass., ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18.710, Bull. ch. mixte, n° 2 ; D. 2012. 2317, et les obs. ; ibid. 2013. 269, obs. N. Fricero ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; RTD civ. 2012. 769, obs. R. Perrot ; Gaz. Pal. 8 déc. 2012, n° J1828, p. 25, note L. Raschel ; JCP 2012. 1200. note S. Amrani-Mekki). Rétablir le contradictoire devant le juge n’est pas suffisant pour compenser son absence devant l’expert. En conséquence, l’expertise officieuse n’est qu’une preuve imparfaite qui doit être corroborée par un autre élément.
L’opportunité de cette décision est encore discutée. Pour les uns, elle n’a pas lieu d’être, sauf à rétablir un système de preuve légale théoriquement discutable et pratiquement difficile à contrôler (V. Vigneau, Cas particuliers d’intervention des sachants, art. préc., spéc. n° 212.13, p. 84-85). Pour d’autres, elle est à la fois excessive et insuffisante (X. Vuitton, Longue vie à l’expertise officieuse ! État des lieux et perspectives, Dr. et proc. 2013. 50 s., spéc. p. 53-54). Surtout, elle ne dit rien de la nature de l’élément de preuve pouvant venir corroborer. Doit-il nécessairement émaner d’une expertise judiciaire ou une seconde expertise officieuse peut-elle suffire ? À cette question, la troisième chambre civile de la Cour de cassation donne ici une réponse implicite : deux expertises officieuses peuvent se corroborer l’une et l’autre (comp., pour une expertise judiciaire non contradictoire corroborée par une expertise officieuse, v. Civ. 3e, 15 nov. 2018, n° 16-26.172, publié au Bulletin, D. 2018. 2229 ; ibid. 2020. 170, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJDI 2019. 445 , obs. J.-P. Blatter ; Gaz. Pal. 29 janv. 2019, n° 340x9, p. 65, obs. N. Hoffschir).
Cette solution laisse un sentiment partagé. Même concordantes, des expertises officieuses ne devraient pas valoir une expertise judiciaire établie contradictoirement. En effet, elles restent réalisées par des experts placés sous la dépendance économique de la partie qui les a désignés. Pour la partie perdante, le fait que le juge se soit appuyé, non sur une, mais sur deux expertises établies non contradictoirement ne suffira pas à dissiper son sentiment d’injustice. Finalement, avec Roger Perrot, il y a lieu de regretter le temps où, « à l’aube de ce que l’on appelait encore le nouveau code de procédure civile, il avait été posé en principe que l’expert tire ses pouvoirs, non plus comme autrefois du choix des parties, mais uniquement de sa désignation par le juge » (obs. sous Cass. ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18710, préc.).
Un juge ne peut pas refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d’autres éléments de preuve.
L’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non-concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise, lequel ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur des indemnités complémentaires aux allocations journalières.
La loi du 23 mars 2020 prévoit, notamment, des ordonnances en matière d’expulsions locatives, de pérennité de l’usage des locaux professionnels et commerciaux et de copropriété des immeubles bâtis.
Dalloz actualité diffuse les 26 ordonnances, après leur passage au Conseil d’État, avant la présentation en conseil des ministres.
Dalloz actualité diffuse les 26 ordonnances, après leur passage au Conseil d’État, avant la présentation en conseil des ministres.