Licéité d’une clause incluant l’indemnité de congés payés dans la rémunération variable

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L’impossible action directe en assurance de non-représentation des fonds

M. Mariani, un administrateur judiciaire défaillant, fait à nouveau couler beaucoup d’encre (par ex. multi, L. Leroux, Aix : sept ans de prison pour Guy Mariani. L’ex-administrateur judiciaire est reconnu coupable du détournement de sommes colossales, La Provence.com, 9 sept. 2011) depuis quelques mois, les suites de ses pratiques « professionnelles » et financières venant de faire l’objet d’une énième décision devant la Cour de cassation. Après l’arrêt de la deuxième chambre civile du 17 décembre 2020 qui portait déjà sur les conséquences de certains de ses détournements de fonds avec d’autres sociétés – pour des sommes importantes (20 215 996 francs ou 3 081 908,72 € dans cette affaire) –, et sur une question technique de l’assurance pour compte souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 image ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image), est dernièrement tombé, pour des fonds « disparus » dans le cadre de mandats distincts, un autre arrêt le concernant, du 14 octobre 2021, et qui pose désormais la question du jeu de l’action directe dans cette assurance de non-représentation des fonds (n° 19-24.728).

En l’espèce, à l’origine de cette dernière affaire, l’administrateur judiciaire a été désigné par jugement du 4 octobre 1998 en qualité de commissaire à l’exécution d’une mesure de concordat concernant deux sociétés, placées en règlement judiciaire. L’administrateur judiciaire a été mis en examen par un juge d’instruction. L’administrateur provisoire (M. Gillibert) de l’étude Mariani a déclaré le 5 novembre 1998 à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) un sinistre résultant de la non-représentation de fonds pour un montant provisoire. La Caisse de garantie a ensuite régularisé une déclaration de sinistre globale auprès de la société Axa courtage, son assureur de première ligne, et de la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz, son assureur de seconde ligne.

Une expertise a été ordonnée en référé en vue de déterminer la nature et l’étendue des prélèvements effectués par l’administrateur judiciaire concernant notamment les sociétés placées en règlement judiciaire. Les 13 et 15 mai 2015, l’administrateur provisoire désigné en qualité de commissaire à l’exécution du concordat desdites sociétés, a assigné, ès qualités, la Caisse de garantie et la société Allianz en garantie de la non-représentation des fonds exigibles de M. Mariani. Le 11 mars 2016, la société Gillibert et associés, ès qualités, est intervenue à l’instance aux lieu et place de M. Gillibert (l’administrateur provisoire).

Les fondements légaux de la solution

Par un arrêt en date du 24 septembre 2019, la cour d’appel condamne la société d’assurance à verser à la société de l’administrateur provisoire ès qualités la somme de 1 089 174,75 €. La cour d’appel juge que la société d’assurance est tenue dans les termes et limites de la police d’assurance n° 65 062 682 au titre de la non-représentation de fonds imputable à l’administrateur judiciaire défaillant. L’arrêt rappelle les dispositions de l’article L. 814-4 du code de commerce instituant l’obligation pour chaque administrateur judiciaire ainsi que pour chaque mandataire judiciaire inscrit sur les listes de s’assurer contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l’exercice de leurs mandats (Paris, 24 sept. 2019).

L’article L. 814-3 du code de commerce et l’objet de l’assurance

L’arrêt d’appel ajoute que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie a vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions et que bien que l’action dirigée contre elle soit soumise à un régime probatoire plus favorable puisque sa garantie joue sur la seule justification de la non-représentation des fonds en application du 6e alinéa de l’article L. 814-3 du code de commerce, il n’en demeure pas moins que l’action de la société Gillibert ès qualités s’analyse en une action directe de la victime contre l’assureur. L’arrêt en déduit que, compte tenu de l’objet de la police d’assurance en cause, l’irrecevabilité soulevée par la société d’assurance concernant l’action directe de la société Gillibert doit être écartée, cette faculté étant expressément prévue par l’article L. 124-3 du code des assurances (Paris, 24 sept. 2019).

La société d’assurance de seconde ligne réalise un pourvoi en cassation aux termes duquel elle soutient que « que l’action directe ne peut être exercée qu’à l’encontre de l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage ; que la non-représentation des fonds à un créancier, au sens de l’article L. 814-3 du code de commerce, doit être garantie par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, laquelle peut s’assurer jusqu’à hauteur de 80 % contre ce risque ; que cette assurance s’analyse en une assurance de dommages et non une assurance de responsabilité ; que seule la Caisse de garantie peut en bénéficier ; qu’en l’espèce, la société Allianz faisait valoir que la société Gillibert ès qualités ne disposait d’aucune action directe à son encontre au titre de la non-représentation de fonds imputable à M. Mariani, dès lors que l’assurance de non-représentation sur le fondement de laquelle la société demandait sa condamnation était une assurance de dommages souscrite par la Caisse de garantie, et non une assurance de responsabilité ; qu’en décidant que l’action de la société Gillibert s’analysait en une action directe de la victime contre l’assureur et que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie avait vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions, peu important le régime probatoire de cette action, ce dont elle a déduit que cette action était recevable, la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances ».

Par un arrêt rendu le 14 octobre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation suit la demanderesse au pourvoi et censure la cour d’appel au visa de l’article L. 814-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à la cause, et de l’article L. 124-3 du code des assurances.

L’article L. 124-3 du code des assurances et l’action directe en assurance de responsabilité civile

La Cour de cassation rappelle qu’« aux termes du premier texte, une caisse dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants a pour objet de garantir le remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus ou gérés par chaque administrateur judiciaire et par chaque mandataire judiciaire inscrits sur les listes, à l’occasion des opérations dont ils sont chargés à raison de leurs fonctions. La garantie de la caisse joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l’article 2298 du code civil et sur la seule justification de l’exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire inscrits sur les listes. La caisse est tenue de s’assurer contre les risques résultant pour elle de l’application du code de commerce » (Civ. 2e, 14 oct. 2020, n° 19-24.728 F-P, pt 7).

Il en résulte, selon la Haute juridiction, que l’assurance ainsi souscrite par la Caisse de garantie est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants (pt 8). En effet, pour le parallélisme des formes, les agréments administratifs des entreprises d’assurance se font par branche. Selon l’article R. 321-1 du code des assurances, la branche 13 est celle de la responsabilité civile générale, la branche 15 porte sur la caution et la branche 16 est relative aux pertes pécuniaires diverses.

La Cour de cassation ajoute qu’aux termes du second texte, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (pt 9).

Les magistrats du Quai de l’horloge en concluent que la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances en statuant comme elle l’avait fait, alors que « l’assurance souscrite pour elle-même par la Caisse de garantie au titre de sa garantie de non-représentation des fonds, contrairement à celle souscrite par son intermédiaire par ses cotisants en application de l’article L. 814-4 du code de commerce, n’est pas une assurance de responsabilité et n’ouvre pas, dès lors, aux créanciers auxquels des fonds n’ont pas été représentés une action directe contre l’assureur de la Caisse de garantie » (pt 12). Pour déterminer le jeu de l’action directe, la distinction des contrats à objet différent, et de l’assuré, est ainsi primordiale.

L’explication de la solution

La jurisprudence « a, depuis longtemps, reconnu une action directe au profit des victimes contre l’assureur du responsable (Civ. 14 juin 1926, S. 1927. I. 57, note L. Josserand), et ce en dépit de l’absence de tout fondement légal. Il s’agit du droit donné à la victime d’agir directement contre l’assureur du responsable de son préjudice (C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, n° 843). L’action directe a été consacrée par la loi du 17 décembre 2007, venant compléter l’article L. 124-3 du code des assurances d’un nouvel alinéa : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Celui-ci donne aux victimes un droit propre doté de la force de l’ordre public » (Y. Avril et A. Cayol, Les aspects processuels en assurance de responsabilité, in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 274).

L’action directe non étendue aux assurances de choses

Il est vrai que classiquement, l’unique terrain de jeu de l’action directe de la victime contre l’assureur est celui de l’assurance de responsabilité civile (pour une analyse approfondie, v. D. Noguéro, Aspects de l’action directe en droit français des assurances de responsabilité, in Dimensiones y desafíos del seguro de responsabilidad civil, éd. Thomson Reuters, Civitas, Espagne, Abel B. Veiga Copo [dir.], Miguel Martínez Muñoz [coord.], 2021, Capítulo 24, p. 703). Si l’action directe est réservée à la victime (ou à ses héritiers après son décès) et aux personnes subrogées dans ses droits, elle peut parfaitement être exercée, par exemple, par le liquidateur d’une société. La Cour de cassation a ainsi jugé, dernièrement, qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l’assureur en exerçant contre ce dernier une action directe. En effet, « comme le souligne la chambre commerciale, le liquidateur avait, en l’espèce, « agi en qualité d’organe de chacune des procédures et en représentation de l’intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte » (R. Bigot et A. Cayol, Paiement de l’insuffisance d’actif : action directe du liquidateur contre l’assureur du dirigeant, sous Com. 10 mars 2021, nos 19-12.825 et 19-17.066 F-P, Dalloz actualité, 2 avr. 2021).

Au contraire, une telle action – dont les contours suscitent un contentieux important (v. la première partie relative à l’actualité de l’action directe, R. Bigot et A. Cayol [dir.], Chronique de droit des assurances, Lexbase, Hebdo édition privée n° 874 du 22 juill. 2021) – n’est pas ouverte aux autres assurances de dommages, celles dites de biens ou de choses. En d’autres termes, les assurances de choses ne permettent pas l’action directe du tiers lésé (Civ. 1re, 7 juill. 1993, RGAT 1994. 91, note A. Favre-Rochex). Ainsi, par exemple, l’assurance dommages ouvrage n’est pas éligible à un tel mécanisme (Civ. 3e, 8 juill. 2014, n° 13-18.763 ; comp. Civ. 3e, 10 févr. 2009, n° 07-21.170 ; Civ. 1re, 13 nov. 1996, n° 94-10.031, D. 1996. 265 image).

Dans l’affaire jugée le 14 octobre 2021, « l’action directe de l’administrateur judiciaire en tant que tiers lésé aurait sans doute eu plus de chance d’aboutir s’il avait revendiqué la mise en œuvre à son profit de l’assurance de responsabilité civile souscrite en application de l’article L. 814-4 du code de commerce » (J. Landel, L’action directe du tiers lésé n’est admise qu’en assurance de responsabilité civile, Éditions Législatives, 20 oct. 2021). La doctrine considère par ailleurs qu’« il n’est pas impossible qu’à l’occasion d’un sinistre, une personne puisse agir contre l’assureur en une double qualité : celle d’assuré pour compte (assurance de chose souscrite à son profit) et celle de tiers lésé (assurance de responsabilité souscrite par l’auteur du dommage) » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36).

À plus forte raison, la question demeurait ouverte pour la forme particulière d’assurances collectives de dommages auxquelles appartiennent les assurances de détournement de fonds dont bénéficient les justiciables et la clientèle des différentes grandes professions du droit (R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, avant-propos H. Slim, préf. David Noguéro, Defrénois, coll. « Doctorat & Notariat », tome 53, 2014, nos 58 s.).

Le doute levé pour l’assurance de non-représentation des fonds souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires

La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires a pour rôle de garantir la représentation des fonds gérés par chacun de ces professionnels du droit inscrits sur les listes nationales. À cet effet, elle est tenue de souscrire les assurances nécessaires (C. com., art. L. 814-3 ; mod. par ord. n° 2019-964 du 18 sept. 2019) – dites aussi de non-représentation des fonds (NRF) – prenant la forme d’assurances pour le compte de qui il appartiendra ou de procéder, aux termes d’un dispositif légal de solidarité interne, à des appels de fonds auprès de ces auxiliaires de justice qui abonderont pour régler la défaillance de leur confrère (H. Slim, Les garanties d’indemnisation, in La responsabilité liée aux activités juridiques, Bruylant, 2016, p. 191 s., spéc. n° 23). Articulé avec l’article L. 814-4 du code de commerce, il revient encore à la Caisse de garantie de souscrire un contrat d’assurance collective responsabilité civile – à adhésion obligatoire – pour couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que tous ces professionnels qui y cotisent encourent dans l’exercice de leurs mandats (H. Slim, La responsabilité professionnelle des administrateurs et liquidateurs judiciaires, Litec, LexisNexis, 2002, p. 3 s.) avec, selon l’article R. 814-23 du même code, « une garantie minimale de 800 000 € par sinistre et par an pour chaque personne assurée » (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 image ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image).

L’assurance de non-représentation des fonds correspond à une figure d’assurance spéciale, principalement assimilée à une assurance pour compte (S. Cabrillac, Les garanties financières professionnelles, préf. P. Pétel, th. Litec, 2000, nos 411 s. ; Contra pour un cautionnement, P. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, préf. M. Grimaldi, th. Paris II, éd. Panthéon Assas, 2005, p. 190, n° 225 ; ou une garantie indemnitaire, I. Riassetto, Réflexions sur la nature juridique des garanties professionnelles, LPA 16 déc. 1996, p. 4 s.). Dans la pratique, l’assurance de non-représentation des fonds est parfois nommée « assurance insolvabilité » ou « assurance de responsabilité pécuniaire », cette dernière dénomination pouvant créer une certaine confusion pour le jeu de l’action directe.

Mais la Caisse de garantie, dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants (C. com., art. L. 814-3) est bien la souscriptrice de l’assurance collective pour le compte de qui il appartiendra. Ce mécanisme contractuel donnera la qualité d’assuré pour compte à toute victime potentielle d’un des membres de la profession défaillant ou son représentant (en l’espèce l’administrateur provisoire ès qualité). À ce titre, cette assurance est fondée sur une stipulation pour autrui (comp. pour les avocats, R. Bigot et M.-J. Loyer-Lemercier, Les conditions de l’assurance de non-représentation des fonds par l’avocat, sous Civ. 1re, 8 sept. 2021, n° 19-25.760, Lexbase avocats n° 318 du 7 oct. 2021). Rappelons en effet que l’assurance peut être « contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause ». Ainsi, « l’assuré pour compte peut être connu au moment de la souscription. Il peut être ou non nominativement désigné. Mais il est tout aussi possible, comme le signale l’article L. 112-1 du code des assurances, de prendre une assurance pour le compte d’une personne dont l’intérêt d’assurance n’existe pas à l’instant de la souscription. Il suffit que l’on rende déterminable cet intérêt et, en conséquence, l’assuré pour compte. […] C’est lors de la mise en jeu de la garantie que l’on constatera que tel intérêt d’assurance est atteint par le sinistre. De façon générale, on parle d’assurance « pour le compte de qui il appartiendra » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36). En d’autres termes, « si le contrat d’assurance est ordinairement conclu, à son profit, par la personne qui se trouve exposée au risque, de sorte que celle-ci cumule les qualités de souscripteur et d’assuré, la police peut également être contractée « pour le compte de qui il appartiendra », comme l’admet l’article L. 112-1 du code des assurances, les parties convenant alors d’attribuer la qualité d’assuré à un tiers au contrat » (M. Asselain, Assurance pour le compte de qui il appartiendra. – Modalités, Assurance - Droit des assurances – Chronique par P.-G. Marly, M. Asselain et M. Leroy, JCP E n° 43-44, 22 oct. 2020, 1413, n° 1).

En définitive, le critère de distinction pour l’action directe tient donc davantage dans l’objet du contrat que son éventuel titulaire. 

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L’assurance souscrite au titre de l’article L. 814-3 du code de commerce par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants. Cette assurance n’est pas ouverte à l’action directe à l’encontre de l’assureur.

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L’assurance souscrite au titre de l’article L. 814-3 du code de commerce par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants. Cette assurance n’est pas ouverte à l’action directe à l’encontre de l’assureur.

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Les avocats protestent et l’audience passe !

Le mouvement de grève d’un barreau permet-il de juger un individu qui ne bénéficie pas de l’assistance d’un avocat alors qu’il a pourtant demander à être assisté d’un conseil ?

Telle était la question à laquelle a répondu la première chambre civile dans un arrêt du 13 octobre 2021.

Alors qu’un individu avait été placé en rétention administrative, en exécution d’un arrêté d’expulsion, il avait saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contester la décision de placement en rétention, ce à quoi le préfet avait riposté en demandant de prolongation de la mesure. Appel de l’ordonnance avait été interjeté devant le premier président de la cour d’appel de Paris, lequel devait statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine, en application des articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (jusqu’à son abrogation du décr. n° 2020-1734 du 16 déc. 2020).

Malheureusement, au jour de l’audience, le barreau parisien avait décidé d’un mouvement de grève, si bien que, malgré toutes les demandes de la personne retenue, aucun avocat n’a pu lui être trouvé. Parce qu’un jugement devait être rendu dans un délai bref, le premier président a néanmoins statué sur le fond et ordonné la prolongation de la durée de rétention. Sa décision n’a pas manqué d’être contestée par la personne retenue qui a formé un pourvoi en cassation. Elle faisait valoir devant la Haute juridiction qu’aucune circonstance insurmontable à l’assistance d’un avocat n’était caractérisée en l’espèce, alors que le délai dont disposait le premier président pour se prononcer n’expirait que le lendemain du jour où il avait entendu les parties à 12h45 ; en somme, sans contester le fait qu’un mouvement de grève du barreau puisse parfois constituer une circonstance insurmontable, le pourvoi reprochait au premier président de ne pas avoir attendu quelques heures de plus, heures qui auraient peut-être permis au retenu de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Le pourvoi est cependant rejeté par la première chambre civile de la Cour de cassation qui raisonne en deux temps. D’une part, elle souligne qu’ayant relevé l’existence d’un mouvement de grève du barreau et que la procédure répondait à un bref délai, le premier président en avait déduit « à bon droit » qu’il existait un « obstacle insurmontable à l’assistance d’un conseil ». D’autre part, parce qu’aucun renvoi à une audience ultérieure ne lui était demandé, le premier président n’avait pas à s’interroger spontanément sur l’opportunité ou la possibilité d’un tel renvoi.

La procédure d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention relative au placement en rétention et à la prolongation de la durée de rétention est animée d’un souci de célérité : l’appel doit en principe être exercé dans les vingt-quatre heures du prononcé de l’ordonnance (CESEDA, art. R. 552-12) et le premier président de la cour d’appel (ou son délégué) doit statuer au fond dans les quarante-huit heures de sa saisine (CESEDA, art. L. 552-9 et R. 552-15). À l’expiration de ce délai de quarante-huit heures, qui n’est susceptible ni de suspension ni d’interruption, le premier président est dessaisi de plein droit (Civ. 1re, 5 nov. 2014, n° 13-23.063, inédit). La Cour de cassation entend appliquer strictement ce délai puisque, contre l’avis de son avocat général, elle a jugé que devait être dessaisi le premier président alors même que le délai n’avait expiré qu’en raison du comportement de l’avocat du retenu qui, selon le magistrat, avait fait en sorte que le délai de quarante-huit heures expire sans qu’une décision puisse être rendue (Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-12.367, Bull. civ. I, n° 191 ; D. 2010. 2550 image, avis D. Sarcelet image ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image).

Quarante-huit heures ! Voilà un délai extrêmement bref pour permettre d’assurer sainement le jeu du principe du contradictoire !

Certes, ce délai n’est susceptible ni d’interruption ni de suspension, si bien que le premier président excéderait ses pouvoirs si, de sa propre initiative, il radiait l’affaire du rôle parce que la personne retenue ne s’est pas présentée (Civ. 2e, 23 janv. 2003, n° 01-50.022, Bull. civ. II, n° 12 ; 29 nov. 2001, n° 00-50.099, Bull. civ. II, n° 178). Pour autant, dans ce délai de quarante-huit heures, le magistrat est parfois tenu de convoquer à nouveau la personne retenue qui n’a pu se présenter à la date et à l’heure de l’audience. La Cour de cassation l’a expressément jugé dans un cas où l’intéressé avait demandé à être entendu, mais n’avait pu se présenter malgré les instructions données au centre de rétention (Civ. 1re, 20 juin 2006, n° 05-18.776, Bull. civ. I, n° 320) et dans une hypothèse, assez similaire, où la personne était demeurée retenue au tribunal administratif (pour une durée dont le magistrat n’avait pu avoir connaissance), ce qui l’avait empêchée de se présenter à l’audience prévue (Civ. 1re, 2 déc. 2015, n° 14-26.835, Bull. civ. I, n° 304 ; D. 2015. 2564 image ; ibid. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image).

De ces quelques arrêts pouvait naître l’idée que le juge doit au mieux maitriser le délai de quarante-huit heures dont il dispose pour assurer le respect du principe du contradictoire, si bien qu’en cas de grève du barreau, il aurait dû tenter de renvoyer l’audience pour permettre à un éventuel avocat d’assister la personne retenue. C’est dans cette voie que s’était engagé le pourvoi en s’appuyant notamment l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (sans doute car l’art. 6, § 1, est inapplicable litiges concernant l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, Civ. 1re, 17 oct. 2019, n° 18-24.043, à paraître au Bulletin ; D. 2019. 2041 image ; ibid. 2020. 298, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image). La Cour de cassation n’a cependant pas fait droit à l’argumentation du pourvoi : selon elle, le mouvement de grève du barreau constituait une circonstance insurmontable à l’assistance d’un conseil dès lors que le juge devait statuer dans un délai bref, ce qui avait déjà été jugé, en des termes presque identiques, en matière d’hospitalisation sans consentement (Civ. 1re, 13 sept. 2017, n° 16-22.819, Bull. civ. I, n° 190 ; D. 2017. 1837 image ; D. avocats 2017. 362, obs. G. Royer image ; v. égal. à propos du mouvement de grève des avocats et l’existence d’une circonstance insurmontable, Crim. 9 févr. 2016, n° 15-84.277, Bull. crim. n° 33). Il y a d’ailleurs lieu d’observer qu’un raisonnement analogue a été tenu par de nombreuses juridictions du fond (Paris, 25 janv. 2020, n° 20/00413 ; Aix-en-Provence, 15 janv. 2020, n° 20/00047), parfois même en dépit des demandes de renvoi formulées par un représentant du bâtonnier (Toulouse, 30 janv. 2020, n° 20/00086).

Certes, ce n’est pas la même chose de ne pas entendre la personne retenue, qui en a fait pourtant la demande, parce qu’elle est précisément… retenue par un (autre) service administratif et de lui refuser un conseil car l’ordre des avocats est en plein mouvement de grève. On ne peut ici mieux faire que de reprendre la formule d’une déléguée du premier président de la cour d’appel de Rouen : « ce mouvement collectif, non imputable à l’autorité judiciaire ni à l’Administration, ne peut faire échec à l’application de la loi sur les étrangers qui impose au juge de statuer dans des délais qui ne permettent pas le renvoi à une date ultérieure » (Rouen, 18 févr. 2020, n° 20/00840).

On pourrait cependant opposer à ce point de vue que l’avocat est également un auxiliaire de justice et son assistance paraît fondamentale s’agissant d’une personne étrangère qui, au-delà de l’éventuelle barrière de la langue (compensée par un interprète), ignore largement les méandres de la procédure française et n’est donc pas toujours en mesure de « présenter ses arguments de manière adéquate et satisfaisante » pour reprendre les termes du fameux arrêt Airey c/ Irlande (CEDH 9 oct. 1979, n° 6289/73, Airey c/ Irlande, n° 24, même si l’art. 6, § 1, n’est pas applicable en notre matière).

Mais il n’est pas certain qu’il existe une meilleure voie si l’on souhaite à tout prix que le juge statue dans le délai de quarante-huit heures. Certes, le juge peut toujours renvoyer l’examen de l’affaire à une audience devant se dérouler juste avant que le délai de quarante-huit heures expire… La Cour de cassation suggère même dans son arrêt qu’il puisse être saisi d’une demande en ce sens ; même si on peut douter que le retenu, sans l’assistance d’un conseil puisse formuler une telle demande, rien n’interdit au juge de l’inviter à y procéder. De là à imposer systématiquement que le juge renvoie toutes les affaires pendantes à l’extrême limite du délai de quarante-huit heures pour le cas où la grève aurait pris fin, il y a un pas qu’il ne faut sans doute pas franchir. Car cela reviendrait finalement à exiger des juridictions qu’elles statuent en quelques heures (voire demi-heures) sur ces demandes, ce qui pourrait nuire à ce que la justice soit correctement rendue (y compris au détriment de la personne retenue). C’est en réalité le délai de quarante-huit heures qu’il conviendrait d’assouplir, mais la refonte récente du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’en pas été l’occasion (CESEDA, art. R. 743-19)…

Quoi qu’il en soit, il convient de relever que la Cour de cassation a pris le soin de relever qu’il devait en l’espèce être statué dans un délai bref : c’est cette nécessité combinée au mouvement de grève du barreau qui justifie de retenir l’existence d’une circonstance insurmontable permettant d’écarter la demande d’être assisté d’un avocat. Cette solution a bien évidemment vocation à être transposée aux autres affaires où la loi exige du juge qu’il statue dans un délai très bref, ce qui soulève bien évidemment le problème de fixer un curseur adéquat (quelques jours, quelques semaines)… Elle pourrait éventuellement être étendue aux cas où factuellement une intervention urgente du juge s’impose à la condition toutefois que le juge motive cette urgence (on songe ici à des affaires instruites en référé, par exemple, lorsqu’il est demandé au juge de faire cesser un trouble manifestement illicite). En revanche, écarter le droit à l’assistance d’un avocat dans les affaires « courantes » ne serait pas justifié ; en ce cas, le respect des droits de la défense imposerait d’ordonner un renvoi d’audience…

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Les avocats protestent et l’audience passe !

Parce qu’un mouvement de grève sévissait dans le barreau parisien et que, en matière d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant la prolongation d’une mesure de rétention, le premier président doit statuer dans un délai bref, la Cour de cassation a admis qu’était ainsi caractérisée une circonstance insurmontable à l’assistance d’un conseil.

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Circulaire du 4 octobre 2021 : Episode 2 - Le cadre des échanges d’informations entre l’administration fiscale et le parquet

Le 4 octobre 2021, la Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une « circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale », publiée dès le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Un texte qui s’inscrit dans un contexte global de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

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Petite brique apportée au Portail du justiciable : deux nouveaux arrêtés

Deux arrêtés du 21 octobre 2021 constituent une « nouvelle étape dans le cheminement à petits pas de la dématérialisation des procédures » et dans le déploiement du Portail du justiciable. Celui-ci est régi par l’article 748-8 du code de procédure civile, issu du décret du 3 mai 2019, dont l’alinéa 4 appelle un arrêté technique (pour l’historique récent et dense de l’art. 748-8 c. pr. civ. ; v. C. Bléry et J.-P. Teboul, Dématérialisation des procédures : saisine d’une juridiction par le Portail du justiciable, Dalloz actualité, 5 mars 2020 ; Adde C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, Nouveau décret de procédure civile : quelques briques pour une juridiction plateforme, Dalloz actualité, 24 mai 2019 ; Communication par voie électronique : publication d’un décret, D. 2019. 1058 image ; C. Bléry, Portail du justiciable : complexité juridique mais faible avancée technique, Dalloz actualité, 17 juill. 2019). Manifestation de la plateformisation de la justice (sur cette dynamique, S. Amrani-Mekki, Les plateformes de résolution en ligne des différend, in X. Delpech, L’émergence d’un droit des plateformes, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2021, p. 189 s. ; T. Douville, Le juge en ligne, in J.-P. Clavier, L’algorithmisation de la justice, Larcier, 2020, p. 123 s. ; plus généralement, F. G’sell, Justice numérique, Dalloz, 2021), il a pour fonction de mettre en relation les justiciables et les juridictions…

Selon une méthode désormais rodée – même si elle ne facilite pas la lecture –, ce sont deux arrêtés qui ont été adoptés le 21 octobre 2021 : l’un est « relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via le “Portail du justiciable” », l’autre autorise « la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Portail du justiciable” ». Le premier seul est de la procédure civile – de la communication par voie électronique (CPVE) –, le second précise les contours du traitement de données mis en œuvre à partir du Portail du justiciable (il décrit les données pouvant être collectées, les finalités du traitement, la durée de conservation des données…). Ce qui est plus surprenant, sur le plan légistique, c’est que ces deux arrêtés abrogent leurs prédécesseurs des 6 (CPVE) et 28 (traitement de données) mai 2019, déjà consolidés par deux arrêtés (CPVE et traitement) du 18 février 2020. Or, contrairement aux arrêtés de 2020 qui constituaient une vraie réforme des arrêtés de 2019, les arrêtés de 2021 relèvent, à de rares exceptions, du toilettage : en effet, le contenu des textes consolidés est repris presque à la lettre par ceux qui les abrogent. Les deux arrêtés du 21 octobre sont déjà applicables, depuis le 25 octobre, lendemain de leur publication au Journal officiel.

Notons par ailleurs, qu’un autre arrêté concernant un traitement de données avait été adopté cet été (JO 9 juill.), sans « jumeau CPVE », à savoir l’arrêté du 25 juin 2021 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Portalis contentieux prud’homal ». Il préparait l’ouverture du Portail au contentieux prud’homal, qui n’est pas encore à l’ordre du jour, sous réserve de quelques expérimentations…

Rappelons que l’article 748-8, dans sa rédaction issue du décret du 3 mai 2019 précité, a constitué une première mise en œuvre concrète de la CPVE version 2, en faisant entrer le Portail du justiciable dans le code de procédure civile et que l’article 748-3, modifié par le même décret, a accueilli la notion de « plateforme d’échanges dématérialisés »

Le Portail du justiciable permet au justiciable, depuis le 21 février 2020, d’adresser des requêtes par voie électronique à certaines juridictions civiles. Ce justiciable pouvait déjà, depuis 2019, bénéficier de la communication des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles et des avis, convocations et récépissés émis par le greffe, ainsi que de la consultation de son dossier. Depuis 2020, le portail autorise « des flux sortants de la juridiction à destination du justiciable » et « accueille le flux entrant des actes de saisine, que sont les requêtes, soit le flux allant du justiciable vers la juridiction » (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.).

En 2019, mais surtout 2020, « les arrêtés techniques qui mettent en œuvre cette avancée suscit[aient] interrogations et étonnements de la part du processualiste »… (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.). Toutes les questions et hésitations d’alors ne sont pas dissipés par les nouveaux arrêtés. Nous nous intéresserons ici aux évolutions.

Notons que les arrêtés de 2020 prenaient leurs fondements, non seulement dans les dispositions du titre XXI du livre Ier du code de procédure civile, mais aussi dans des articles du code de procédure pénale (dont C. pr. pén., art. 801-1, 803-1, D. 589…), sans que des dispositions techniques régissent concrètement la question. C’est désormais chose faite : les nouveaux arrêtés visent désormais expressément les procédures civile et pénale, renvoient aux articles pertinents des codes de procédure civile et pénale. Le périmètre du Portail du justiciable se trouve fortement étendu, par cette évolution notable. Ainsi, les avis, convocations ou documents adressés par l’autorité judiciaire en matière pénale par tout moyen ou par lettre recommandés peuvent l’être par voie électronique sous réserve du consentement préalable de la personne concernée et du respect de certaines exigences techniques (C. pr. pén., art. 803-1). Remarquons que, si le consentement est une garantie classique contre l’« illectronisme », il est possible de douter qu’elle soit suffisante.

Alors que le Portail du justiciable avait été défini comme « une application fondée sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles utilisant le réseau internet » (Arr. 6 mai 2019, art. 1er, inchangé en 2020), il est désormais qualifié de « service » : c’est un « service fondé sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles et pénales utilisant le réseau internet » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er)… Ce changement porte-t-il à conséquence ? La question se pose d’autant plus que l’article 8 du même arrêté continue à parler d’« application »… et qu’aucun texte ne définit la notion de juridiction plateforme (v. déjà, C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 24 mai 2019, préc.). Il aurait été cohérent de parler de « téléservice », expression qui désigne un « système d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches ou formalités administratives » (Ord. n° 2005-1516 du 8 déc. 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, art. 1, II, 4°), ici des démarches et des formalités judiciaires. Par ailleurs, le Portail est aussi qualifié de « système d’information fondé sur les procédés techniques d’envoi automatisé de données et d’éditions » (Arr. 6 mai 2019, art. 2, inchangé en 2020 ; Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 2) ou encore « un traitement automatisé de données à caractère personnel » (Arr. 28 mai 2019, art. 1er, inchangé en 2020 ; Arr. 21 oct. 2021 [traitement], art. 1er).

Sans changement, le Portail concerne les justiciables des juridictions judiciaires à l’exclusion de ceux des tribunaux de commerce (disposant de leur propre « tribunal digital », v. C. Bléry et T. Douville, Dalloz actualité, 19 avr. 2019) et de la Cour de cassation – le système étant aussi accessible aux greffes. Une amélioration est apportée qui vient de la liste actualisée et précisée des justiciables en question, à savoir ceux du « tribunal judiciaire [et non plus TGI] ou, le cas échéant, de l’une de ses chambres de proximité, d’un tribunal paritaire des baux ruraux, d’un conseil de prud’hommes, ou d’une cour d’appel » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er).

Une autre modification terminologique concerne les flux entrants puisqu’il est désormais précisé que « le “Portail du justiciable” permet également au justiciable de saisir la justice via la requête numérique » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er) : c’est plus précis qu’« adresser une requête à une juridiction », mais ne change rien quant aux actes de procédure que le justiciable peut effectuer grâce à la plateforme. L’article 5 continue d’ailleurs à énoncer sans changement que « le justiciable qui adresse sa requête via le “Portail du justiciable” doit accepter les conditions générales d’utilisation ». En fait, ces requêtes numériques sont loin de concerner toutes les matières, le développement se faisant de manière progressive : aujourd’hui, et sans changement avec les nouveaux arrêtés, la saisine en ligne est limitée à la possibilité de se constituer partie civile, d’adresser une requête au juge des tutelles en cours de mesure de protection par le majeur protégé, une requête au juge des tutelles en cours de mesure de protection par le représentant légal ou une requête au juge aux affaires familiales (L’accès au droit). Nul doute qu’il va s’élargir rapidement. On peut penser aux requêtes en matière de petits litiges, devant le conseil de prud’hommes…

En revanche, tout ce qui était prévu par les arrêtés de 2019 consolidés en 2020, pour les utilités et le fonctionnement du Portail, est reconduit (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.) : ainsi il permet par ex., « la consultation à distance par le justiciable de l’état d’avancement de son affaire judiciaire sur un portail personnel et sécurisé ou l’accès, grâce à une transmission sécurisée sur le portail, à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures, tels que des avis, des convocations et des récépissés… » (A. 21 oct. 2021 [traitement de données], art. 1er)…

Arrêté « CPVE »

Les conditions d’inscription, d’acceptation… ne sont pas modifiées pour ce qui est des flux sortants (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 6 et 7). Tout au plus est-il précisé que les courriels, adressés via le Portail du justiciable, « les notifications de mise à jour relatives à l’état d’avancement de la procédure le concernant », sont des « messages automatiques dont les contenus sont de portée générique » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 8).

Comme déjà dit, « le “Portail du justiciable” permet au justiciable de saisir la justice via la requête numérique » (Arr. 21 oct. 2021, art. 1er). L’alinéa 4 précise toujours ce qu’est cette requête : elle « est composée des informations saisies par le justiciable ainsi que des pièces qu’il souhaite joindre à sa demande » ; l’alinéa 5, quant à lui, en précise les suites : « la réception de la requête génère automatiquement un avis électronique de réception à destination du justiciable. Cet avis contient la date de la saisine, le numéro de la saisine ainsi que la juridiction saisie. Il tient lieu de visa par le greffe au sens de l’article 769 du code de procédure civile ». En 2020, nous nous demandions s’il n’aurait pas été plus cohérent de mentionner le régime général de l’article 748-3, qui a posé le principe d’équivalence pour toutes les juridictions et toutes les procédures (sous réserve qu’un arrêté technique permette la CPVE) – plutôt que l’article 769 spécifique au tribunal judiciaire. C’est pourtant toujours l’article 769 qui est mentionné…

Arrêté « traitement de données »

De son côté, l’arrêté « traitement » vise de nouvelles données. Dans « les catégories d’informations et de données à caractère personnel (qui ne sont plus communes à toutes les procédures) enregistrées dans le traitement », figurent « le statut de la requête : brouillon, échec, envoyée, réceptionnée enregistrée » ou « le numéro de dossier judiciaire, le numéro d’identification permettant la connexion à l’espace personnel » à la place du « numéro d’affaire PORTALIS [et du] le numéro de dossier ». Il est vrai que, en 2020, l’alinéa 4 de l’article 1er de l’arrêté CPVE suscitait une interrogation : il visait le numéro de saisine, alors que l’article 2 de l’arrêté « traitement automatisé » consolidé distinguait « le numéro d’affaire Portalis » et « le numéro de dossier »… Un vocabulaire plus précis nous semblait infiniment souhaitable… le vocabulaire a changé : il n’est pas forcément plus précis.

Surtout les coordonnées plus développées et précises de davantage de personnes sont énumérées.

En revanche « les personnes ou catégories de personnes qui peuvent directement accéder aux données enregistrées dans le traitement » demeurent en l’état : outre les justiciables et les agents du greffe « individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe », « les magistrats, individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe » (art. 3). En 2020, nous nous demandions comment serait reçu cet article 3 ? Quoi qu’il en ait été, la règle est reconduite…

Par ailleurs, la durée de conservation des données relatives aux requêtes, prévue depuis 2020, diffère de celle relative aux flux sortants, est maintenue (art. 4), ce qui s’explique par la différence de finalités poursuivies.

Enfin l’article 5 de l’arrêté « traitement automatisé de données » s’attache aux droits des personnes concernées en distinguant les flux sortants et entrants. Pour les flux sortants, le droit d’accès s’exerce à travers l’espace personnel sécurisé du justiciable. Le droit de rectification est écarté conformément aux exigences de l’article 23 du RGPD afin de « garantir les procédures judiciaires » ; l’objectif est d’éviter toute modification des données.

Une exception est prévue concernant l’identité et les coordonnées du justiciable, ce droit devant s’exercer auprès du greffe de la juridiction en charge de l’affaire. Pour les flux entrants, les droits précités s’exercent jusqu’à l’envoi de la requête numérique puis sont écartés ; il peut sembler étonnant que le droit d’accès ne soit pas maintenu à travers l’espace personnel sécurisé du justiciable, comme le droit de rectification par l’intermédiaire du greffe de la juridiction. Les autres droits des personnes concernées (limitation, opposition, effacement) sont écartés. Un régime spécifique s’applique par ailleurs aux autres personnes concernées par une requête que celui qui l’a introduite et pour les autres personnes concernées par une consultation à distance de l’état d’avancement d’une affaire.

En définitive, ces deux arrêtés étendent le périmètre du Portail du justiciable aux procédures pénales tout en conservant la même architecture d’ensemble. Il reste à espérer l’avènement de dispositions générales consacrées à la procédure numérique afin d’éviter la combinaison délicate des dispositions des codes de procédure civile et pénale et des arrêtés techniques et concernant les traitements de données. La légistique à petits pas est troublante, peu rassurante et très lisible, pour celui qui doit appliquer des règles mouvantes…

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Petite brique apportée au Portail du justiciable : deux nouveaux arrêtés

Le Portail du justiciable est prévu par l’article 748-8 du code de procédure civile, issu du décret du 3 mai 2019. Ce texte appelle un arrêté technique. Depuis son entrée en vigueur, ce sont plusieurs arrêtés qui ont été pris : un arrêté « CPVE » du 6 mai 2019 et un autre « traitement automatisé » du 28 mai 2019 ; l’un et l’autre ont été modifiés par deux arrêtés du 18 février 2020. Les deux arrêtés consolidés ont été abrogés par deux arrêtés du 21 octobre 2021, qui les remplacent, sans bouleversement des règles posées, depuis le 25 octobre 2021.

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Indemnité d’éviction : prise en compte de la valeur du droit au bail

L’indemnité d’éviction, destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement, doit être fixée en tenant compte de la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé.

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Légalité de tarifs différents pour l’assainissement collectif

Le Conseil d’État juge que ne viole pas le principe d’égalité des usagers devant le service public la délibération fixant un tarif différent pour les usagers desservis par un réseau existant, antérieur à la création d’un nouveau réseau d’assainissement collectif.

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Vers un renvoi préjudiciel pour mieux dessiner l’office du juge en droit de la consommation

Par deux avis rendus le même jour à propos de deux affaires similaires et pendantes devant la Cour d’appel de Paris, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu s’interroger sur les contours de l’office du juge en droit de la consommation. À titre liminaire, notons l’originalité : au lieu de répondre directement aux questions posées, la Cour de cassation est d’avis de renvoyer les interrogations à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par le jeu de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En ce sens, la procédure d’avis de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire peut avoir des limites notamment quand il est question d’interprétation uniforme de la norme d’origine communautaire. Les deux affaires devant la Cour d’appel de Paris partagent les mêmes traits caractéristiques. Une société consent des prêts personnels remboursables par mensualités le 7 janvier 2011 à une première personne physique (première affaire) ainsi qu’à un couple le 5 novembre 2011 (seconde affaire). La société assigne en paiement les emprunteurs défaillants après des mensualités impayées. En première instance, le juge soulève d’office le moyen visant à annuler le contrat sur le fondement de l’article L. 312-25 du code de la consommation car les fonds auraient été versés moins de sept jours après l’acceptation du prêt. Dans les deux cas, la société de financement interjette appel en arguant que seul le consommateur peut soulever la disposition protectrice prise en vertu d’un ordre public de protection. Elle faisait également valoir la prescription quinquennale de cette demande en vertu de l’article L. 110-4 du code de commerce. Le 14 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a indiqué qu’elle comptait solliciter l’avis de la Cour de cassation. Après avoir recueilli les observations des parties, ainsi que l’avis favorable du ministère public, les juges du fond rappellent le principe selon lequel « en application de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation ». C’est dans ce contexte qu’interviennent les deux avis rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 21 octobre 2021.

Pour plus de clarté, voici les deux questions posées par la Cour d’appel de Paris sur le fondement de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire :

« Question n° 1 : Au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et de la lecture par la Cour de justice de l’Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d’un ordre public économique européen, le juge peut-il soulever d’office la nullité d’un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation, au-delà de l’expiration du délai quinquennal de prescription opposable à une partie ? »

« Question n° 2 : Au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, 4 et 5 du code de procédure civile et de la lecture par la Cour de justice de l’Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d’un ordre public économique européen, le juge peut-il prononcer la nullité d’un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation, en l’absence de toute demande d’annulation émanant de l’une des parties ? »

La réponse est commune aux deux avis, la Cour de cassation considérant que « les questions doivent être soumises par la juridiction saisie du litige à la Cour de justice de l’Union européenne en application de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Il convient ainsi de revenir non seulement sur la confrontation des droits applicables mais également sur l’opportunité du renvoi préjudiciel que pourra réaliser la Cour d’appel de Paris.

Sur la confrontation entre le droit interne et le droit de l’Union

La Cour de cassation commence par rappeler les dispositions en vigueur, permettant utilement de positionner le problème des deux avis dont elle est saisie. La discussion se porte sur une question relative à l’office du juge en matière de nullité d’un contrat de prêt. C’est ainsi que la Cour de cassation rappelle l’article 14 de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 qui institue le délai de rétractation (art. 14) et sa sanction qui doit être « effective, proportionnée et dissuasive » (art. 23). On sait que la jurisprudence interprète de manière très sévère la combinaison de ces deux textes notamment en imposant au juge de relever d’office ce contrôle de l’information du consommateur (CJUE 21 avr. 2016, Radlinger et Radlingerova, aff. C-377/14, cité par les deux avis, n° 4, D. 2016. 1744 image, note H. Aubry image ; ibid. 2017. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). Mais c’est surtout le rappel de l’arrêt du 5 mars 2020 qui explique le doute qui a probablement nourri la Cour d’appel de Paris et qui justifie certainement la transmission de ces questions pour avis à la Cour de cassation (CJUE 5 mars 2020, OPR Finance s.r.o, aff. C-679/18, D. 2020. 537 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. V. Valette-Ercole image ; ibid. 35, chron. K. De La Asuncion Planes image). En décidant que les mesures protectrices du droit de la consommation doivent être relevées d’office, la CJUE a probablement ouvert une brèche qui sera difficile à contenir sur les pouvoirs d’office du juge. On aurait d’ailleurs pu à ce stade, imaginer une question préjudicielle posée directement, sans passer par la procédure d’avis. Sur le droit national, la Cour de cassation rappelle logiquement les dispositions applicables à la matière transposant la directive précitée en citant par conséquent l’article L. 311-17 ancien puis L. 311-4 devenu L. 312-25 du code de la consommation sur le délai de sept jours rendant impossible toute délivrance des fonds par le prêteur de deniers.

On notera le passage fort procédural du paragraphe 12 (pour l’avis n° 21-70.015) et du paragraphe 11 (pour l’avis n° 21-70.016) qui insiste sur les principes gouvernant la procédure civile en droit français : conduite du procès, principe-dispositif, principe du contradictoire et incidence des moyens relevés d’office qui doivent être présentés aux parties au préalable pour recueillir leurs observations. Cette difficulté concernant les moyens relevés d’office a d’ailleurs fait l’objet d’un arrêt récent publié au très sélectif Rapport annuel de la Cour de cassation que nous avons commenté dans ces colonnes il y a peu (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758 FS-B+R, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine). Tout ceci résulte de la lecture très extensive, au moins depuis l’arrêt Pannon (CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, D. 2009. 2312 image, note G. Poissonnier image ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero image ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais image), de l’office du juge en matière de droit de la consommation (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 474, n° 591). À ce titre, on ne peut que comprendre les juges du fond qui n’hésitent plus à relever d’office les moyens protecteurs en droit de la consommation à la suite de cet enchevêtrement d’arrêts.

Comme le note M. Pellier, il existe une « spécificité du processus contractuel en matière de crédit à la consommation » (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 341, n° 187), spécificité que partage le droit de la consommation dans sa conception de l’office du juge. Le renvoi préjudiciel vise à peut-être clarifier les données du problème en cas de prescription par voie d’action.

Sur l’opportunité d’un renvoi préjudiciel

D’une manière originale, la Cour de cassation ne répond pas aux questions posées par la demande d’avis et opte pour une réponse plus prudente en conseillant un renvoi préjudiciel. Pour en motiver l’intérêt, la Haute juridiction précise qu’en vertu du principe d’effectivité « l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ne saurait être rendu impossible en pratique ou excessivement difficile par des dispositions nationales et qu’un tel délai n’est pas susceptible de faire obstacle aux pouvoirs conférés au juge afin de protéger le consommateur » (nous soulignons). Voici un semblant de réponse qui pourrait aboutir à justifier la position du premier juge qui s’est affranchi de la prescription de l’action qu’aurait pu utiliser le consommateur dans l’affaire qui lui était soumise. Mais, il faut bien l’avouer, ceci implique de réduire la prescription à peu de choses et à conférer aux moyens soulevés d’office une portée bien plus importante, dépassant encore les jurisprudences récentes sur le sujet. Faut-il franchir ce cap ? Nous pouvons en douter.

L’opportunité d’un renvoi préjudiciel peut interroger, également. N’est-ce pas là ajouter un segment judiciaire supplémentaire pour les plaideurs, lesquels sont pris dans un procès au long cours ayant débuté en 2017 pour un prêt impayé ? N’aurait-il pas été plus simple pour la Cour de cassation de poser directement la question préjudicielle ? Sur le plan du droit, rien ne semble empêcher dans l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire d’opérer de la sorte mais la solution aurait été inédite. La position retenue – celle de laisser la Cour d’appel de Paris renvoyer elle-même la question – a pour mérite de ne pas prendre de risque en laissant faire les juges du fond encore saisis. Le résultat reste, toutefois, assez similaire puisqu’aucune réponse tranchée n’est apportée pour l’heure ni dans l’avis n° 21-70.015, ni dans l’avis n° 21-70.016, en conseillant d’opérer un renvoi préjudiciel. À ce titre, notons le vocabulaire employé en utilisant l’expression « doivent être soumises » (un impératif) et non « devraient être soumises » (un conseil) comme on aurait pu s’y attendre dans une procédure d’avis.

À la différence des avis de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, les arrêts répondant à un renvoi préjudiciel ont une portée plus rigide liant les juridictions nationales par leur interprétation des textes de l’Union. Quelle solution attendre en cas de renvoi effectif devant la CJUE des questions posées ? La réponse est difficile. La Cour de cassation cite à juste titre l’arrêt Asturcom (CJCE 6 oct. 2009, aff. C-40/08, D. 2009. 2548 image ; ibid. 2959, obs. T. Clay image ; ibid. 2010. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron image ; ibid. 695, chron. C. Aubert de Vincelles image) qui précise que les délais de prescription ne rendent pas impossibles l’exercice des droits conférés par « l’ordre juridique communautaire ». Ceci pourrait signer une réponse négative aux deux questions posées en empêchant le juge de soulever d’office le moyen prescrit pour le consommateur. Toutefois, la prudence ordonne la nuance : la Cour de justice opte pour une lecture extensive de l’office du juge en droit de la consommation rendant la solution complexe à prévoir. Affaire à suivre.  

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Vers un renvoi préjudiciel pour mieux dessiner l’office du juge en droit de la consommation

Par deux avis rendus le 21 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation répond à deux questions posées par la Cour d’appel de Paris par l’opportunité d’un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.

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Vers un renvoi préjudiciel pour mieux dessiner l’office du juge en droit de la consommation

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Affaire [I]Bygmalion[/I] (1/2) : réflexions portant sur l’application du principe [I]non bis in idem[/I]

Par jugement rendu le 30 septembre 2021, le Tribunal correctionnel de Paris a, dans le cadre de l’affaire Bygmalion, déclaré l’ancien président de la République coupable de financement illégal de campagne. Si les juges parisiens ont refusé de faire application du principe non bis in idem à l’égard de l’ancien chef d’État, ils l’ont en revanche appliqué à l’égard de certains autres prévenus poursuivis au titre de plusieurs autres délits d’affaires. L’ensemble des prévenus ont été condamnés pénalement à diverses peines d’emprisonnement aménagées, pour leur partie ferme, en bracelet électronique.

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Précisions sur la mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil

Si l’indivision doit couvrir les frais qu’un indivisaire a exposé personnellement pour la conservation du bien indivis, elle n’est pas comptable de la part de l’assurance habitation qui couvre les dommages subis personnellement par le titulaire du contrat. De même, lorsque l’assurance prend en charge le remboursement des emprunts, le titulaire du contrat d’assurance ne saurait demander à l’indivision le bénéfice de l’article 815-13.

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Précisions sur la mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil

par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Université de Montpellierle 7 novembre 2021

Civ. 1re, 20 oct. 2021, FS-B, n° 20-11.921

Les opérations de partage sont toujours un moment délicat où les dissensions latentes entre les indivisaires ont toutes les chances d’éclater au grand jour. C’est malheureusement ce qui est arrivé dans cette affaire, donnant l’occasion à la Cour de cassation de préciser les modalités de mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil.

Un couple en concubinage décide d’acheter un immeuble en indivision, chacun pour moitié. Pour financer ce bien, ils souscrivent deux emprunts solidairement ainsi qu’une assurance qui garantissant, en cas d’invalidité, le remboursement de la totalité du prêt restant dû. Le couple se sépare et l’ex-concubin jouit un temps de ce bien. Alors que le bien indivis est vendu et que les ex-concubins en sont à liquider l’indivision, des difficultés surviennent quant à certains aspects financiers. Trois points étaient critiqués par le requérant. Le premier point de contestation tenait à la question de la prise en charge de l’assurance du bien indivis. Monsieur qui s’est acquitté seul des échéances de l’assurance entre janvier 2008 et juin 2014 sollicite leur remboursement au titre de l’article 815-13 du code civil. Il rappelle qu’il s’agit de dépenses de conservation et qu’à ce titre, elles doivent peser sur l’indivision. À l’inverse, le juge aux affaires avait admis l’imputation de ces sommes au passif de l’indivision que sous réserve de la déduction de la part couvrant personnellement l’intéressé. Cette distinction est alors contestée par le requérant. Le deuxième point soulevé par le requérant visait la question du non-paiement d’une partie des mensualités de remboursement d’emprunt par son ex-concubine. En effet, pendant une année...

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Une loi pour réparer une blessure de l’Histoire

Les anciens harkis et leurs familles pourront bénéficier d’une indemnisation au titre des conditions d’accueil indignes auxquelles ils ont été soumis à leur arrivée en métropole après la guerre d’Algérie.

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Inexécution d’une VEFA : pourvoi pour contrariété de décisions

Le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigé contre toutes les parties concernées par les deux décisions attaquées susceptibles d’être annulées. Il est donc irrecevable lorsqu’il est dirigé contre le garant d’achèvement mais pas contre les acquéreurs ayant bénéficié de la condamnation prononcée à l’encontre de ce dernier.

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Un décret du 29 octobre 2021, procède, outre à la pérennisation de certaines mesures prises pendant la crise du covid, à la simplification des modes de fonctionnement des instances de gouvernance (conseil d’administration et assemblées générales) des sociétés d’assurance mutuelles.

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Pas de contestation possible pour les salariés d’une décision unilatérale de perte de la qualité d’établissement distinct

La contestation de la décision unilatérale de l’employeur décidant de la perte de qualité d’établissement distinct n’est ouverte devant l’autorité administrative qu’aux seules organisations syndicales, représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise. Les salariés ne sont pas recevables à exercer une telle action.

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Articulation des compétences du juge des enfants et du juge aux affaires familiales : revirement de jurisprudence

Parce qu’ils interviennent tous deux dans la sphère familiale, le juge des enfants et le juge aux affaires familiales ont des compétences qui, entrant en concurrence, peuvent parfois s’entrecroiser. La notion de danger auquel est exposé le mineur (C. civ., art. 375), qui est classiquement présentée comme un critère de distinction entre ces deux juridictions, ne règle pas toujours la difficulté.

Dans cet arrêt du 20 octobre 2021, aux enjeux pratiques considérables et donc assez largement diffusé (FS-B+R ; v. la présentation de l’arrêt dans la lettre de la première chambre civile du 4 octobre 2021), la première chambre civile adopte une solution qu’elle qualifie elle-même de revirement de jurisprudence en ce qu’elle modifie la répartition du contentieux jusqu’ici adoptée.

Les faits d’espèce étaient des plus classiques : un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce et fixé la résidence de l’enfant au domicile de son père, accordant à sa mère un droit de visite et d’hébergement. Quelques mois plus tard, un juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice de l’enfant et, par jugement ultérieur, a confié ce dernier à son père en accordant à sa mère un droit de visite médiatisé jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales. En appel, le jugement a été infirmé au motif que seul le juge aux affaires familiales pouvait statuer sur le droit de visite et d’hébergement de la mère.

Un pourvoi en cassation a été formé. Il posait la question suivante : lorsque, postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales sur la résidence de l’enfant, le juge des enfants qui constate une situation de danger pour l’enfant peut-il décider de placer ce dernier chez le parent qui bénéficie déjà de la résidence habituelle ? Cette question en entraîne nécessairement une autre, plus générale, qui consiste à savoir si le juge des enfants est compétent pour modifier les droits de visite et d’hébergement fixés par le juges aux affaires familiales.

La Cour de cassation répond à cet argument de façon à la fois complète et pédagogue.

Elle commence par énoncer les dispositions de l’article 375-3 du code civil qui prévoit que « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier, notamment à l’autre parent (1°) ». Le texte ajoute : « toutefois, lorsqu’une demande en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu’une demande en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l’article 373-3, à qui l’enfant devra être confié (…) ».

La Haute juridiction poursuit en énonçant qu’ aux termes de l’article 375-7, alinéa 4, du même code, s’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Le juge en fixe les modalités et peut, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou de l’un d’eux, est provisoirement suspendu. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou qui est désigné par l’établissement ou le service auquel l’enfant est confié.

Elle mentionne ensuite sa jurisprudence antérieure selon laquelle lorsqu’un fait de nature à entraîner un danger pour l’enfant s’était révélé ou était survenu postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales ayant fixé la résidence habituelle de celui-ci chez l’un des parents et organisé le droit de visite et d’hébergement de l’autre, le juge des enfants, compétent pour tout ce qui concernait l’assistance éducative, pouvait, à ce titre, modifier les modalités d’exercice de ce droit, alors même qu’aucune mesure de placement n’était ordonnée (Civ. 1re, 26 janv. 1994, n° 91-05.083, Bull. civ. I, n° 32 ; D. 1994. 278 image, note M. Huyette image ; RDSS 1995. 179, note F. Monéger image ; 10 juill. 1996, n° 95-05.027, Bull. civ. I, n° 313 ; D. 1996. 205 image ; RTD civ. 1997. 410, obs. J. Hauser image). Ce faisant, le juge des enfants pouvait intervenir sur le « terrain » du juge aux affaires familiales en l’absence de placement de l’enfant. Elle rappelle cependant la limite à ce principe, celui de l’urgence puisqu’en pareil cas, le juge aux affaires familiales peut être saisi en qualité de juge des référés, par les parents ou le ministère public, sur le fondement de l’article 373-2-8 du code civil, en vue d’une modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale.

La Cour régulatrice explique par ailleurs qu’en conférant un pouvoir concurrent au juge des enfants, quand l’intervention de celui-ci, provisoire, est par principe limitée aux hypothèses où la modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale est insuffisante à mettre fin à une situation de danger, la solution retenue jusqu’alors a favorisé les risques d’instrumentalisation de ce juge par les parties (v. sur ce point, M. Huyette, D. 1994. 278 image). De quels risques s’agit-il ? Sans doute l’arrêt évoque-t-il la tentation, pour certaines parties, de solliciter l’intervention du juge des enfants sur la question de la résidence de l’enfant en appréhendant cette juridiction comme une sorte de voie de secours pour la partie insatisfaite d’une décision rendue par le juge aux affaires familiales.

La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence sur ce point, en limitant, sur le fondement de l’article 375-7 du code civil, la compétence du juge des enfants, s’agissant de la détermination de la résidence du mineur et du droit de visite et d’hébergement, à l’existence d’une décision de placement ordonnée en application de l’article 375-3 du même code. Ainsi, il a été jugé, en premier lieu, qu’il résulte des articles L. 312-1 et L. 531-3 du code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006, et des articles 373-2-6, 373-2-8, 373-4 et 375-1 du code civil que la compétence du juge des enfants est limitée, en matière civile, aux mesures d’assistance éducative et que le juge aux affaires familiales est seul compétent pour statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la résidence de l’enfant, de sorte qu’en cas de non-lieu à assistance éducative, le juge des enfants ne peut remettre l’enfant qu’au parent chez lequel la résidence a été fixée par le juge aux affaires familiales (Civ. 1re, 14 nov. 2007, n° 06-18.104, Bull. civ. I, n° 358 ; D. 2009. 53, obs. M. Douchy-Oudot image ; RTD civ. 2008. 289, obs. J. Hauser image). En second lieu, il a été jugé que le juge aux affaires familiales est compétent pour fixer, dans l’intérêt de l’enfant, les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, sauf à ce que juge des enfants ait ordonné un placement sur le fondement de l’article 375-3 du code civil (Civ. 1re, 9 juin 2010, n° 09-13.390, Bull. civ. I, n° 130 ; D. 2010. 2343 image, note M. Huyette image ; ibid. 2092, chron. N. Auroy et C. Creton image ; ibid. 2011. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; AJ fam. 2010. 325, obs. E. Durand image ; RTD civ. 2010. 546, obs. J. Hauser image).

La Haute juridiction en conclut qu’il apparaît nécessaire de revenir sur la jurisprudence antérieure et de dire qu’il résulte de la combinaison des articles 375-3 et 375-7, alinéa 4, du code civil que, lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales qu’à deux conditions :

s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile ; si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.

C’est donc à raison que la cour d’appel a estimé, d’une part, que, le juge aux affaires familiales ayant fixé, lors du jugement de divorce, la résidence habituelle de l’enfant au domicile de son père, le juge des enfants n’avait pas le pouvoir de lui confier l’enfant, l’article 375-3 du code civil, ne visant que « l’autre parent » et, d’autre part, qu’en l’absence de mesure de placement conforme aux dispositions légales, le juge des enfants n’avait pas davantage le pouvoir de statuer sur le droit de visite et d’hébergement du parent chez lequel l’enfant ne résidait pas de manière habituelle. Il s’en déduit que seul le juge aux affaires familiales pouvait en l’occurrence modifier le droit de visite et d’hébergement de la mère de l’enfant.

La solution a le mérite de respecter la lettre des textes cités, en particulier l’article 375-7 du code civil qui conditionne la fixation, par le juge des enfants, du droit de visite et d’hébergement à une mesure de placement. De façon plus générale, la Cour de cassation livre ainsi une solution claire permettant d’appréhender de façon lisible les compétences respectives du juge des enfants et du juge aux affaires familiales s’agissant d’un sujet pour lequel les cours d’appels et les juges de première instance, des enfants notamment, se montraient relativement divisées. En opérant une nette distinction entre les compétences de chacun, la décision rapportée montre que les compétences de ces deux juges ne sont pas concurrentes mais complémentaires.

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Articulation des compétences du juge des enfants et du juge aux affaires familiales : revirement de jurisprudence

Lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales que s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3 du code civil, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile, et si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.

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Chronique CEDH : la lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

La montée en régime des mesures provisoires

Destinées à assurer l’effectivité du droit de recours individuel consacré par l’article 34 de la Convention en demandant, dès le début de la procédure européenne, à l’État défendeur de s’abstenir de prendre des décisions graves et irréversibles qui rendraient purement virtuelle une éventuelle victoire du requérant, les mesures provisoires ont été déployées par les instances strasbourgeoises sans le moindre support conventionnel. Aussi la Cour a-t-elle attendu son arrêt de grande chambre Mamatkulov et Askarov c/ Turquie du 4 février 2005 pour affirmer qu’elles avaient un caractère obligatoire et que leur non-respect exposait l’État qui en est le destinataire à un constat de violation de l’article 34. À partir de ce moment là, on a pu observer un risque de dérive vers une utilisation des mesures provisoires pour conférer au recours individuel un caractère suspensif de substitution. La Cour, par l’intermédiaire de son président Jean-Paul Costa avait donc dû alerter sur l’impérieuse nécessité de ne pas l’encombrer de demandes de mesures provisoires pour tout et n’importe quoi. Le rappel à l’ordre semble avoir porté ses fruits et les mesures provisoires pourraient avoir trouvé leur place pour aider à répondre aux situations dont la gravité et l’urgence sont mises en évidence, spécialement par la presse. Toujours est-il que dans le communiqué de presse de l’actuelle greffière Marialena Tsirli, les décisions de la Cour en matière de mesures provisoires sont de plus en plus souvent signalées. Ainsi, pour la période allant du 1er septembre au 31 octobre 2021, apprend-on que la crise afghane survenue au cœur du mois d’août 2021 a conduit la Cour à tenter d’en maîtriser les dramatiques prolongements européens, d’une part, en demandant à la Lituanie et à la Lettonie de ne pas renvoyer vers le Belarus des réfugiés afghans qui auraient réussi à s’introduire sur leurs territoires, puis à décider de ne pas prolonger cette mesure provisoire après avoir reçu l’assurance qu’aucune expulsion n’interviendrait sans examen préalable de la demande d’asile et, d’autre part, à indiquer puis à proroger une mesure provisoire demandant à la Pologne de fournir de la nourriture, de l’eau , des vêtements et des soins médicaux adéquats à trente-deux ressortissants afghans immobilisés depuis sept semaines dans un campement de fortune situé à la frontière avec le Bélarus.

On relèvera aussi que, comme elle l’avait fait quelques semaines plus tôt dans une affaire française, la Cour a repoussé des demandes de mesures provisoires tendant à suspendre l’application de la loi grecque imposant une obligation vaccinale au personnel de santé pour lutter contre la covid-19. Cette solution contribue à illustrer une autre tendance remarquable de la période septembre-octobre .

Le contentieux covid-19 entre vitesse et précipitation

Consciente, comme son président Robert Spano dès le début de la crise sanitaire, de ce qu’il ne serait pas acceptable qu’elle traîna en longueur sur un sujet aussi grave, la Cour ne manque pas une occasion de faire savoir qu’elle va aussi vite qu’elle peut pour trancher les graves questions d’atteintes aux droits de l’homme que les exigences de la lutte contre la covid-19 soulèvent. Ainsi a-t-on appris le 7 octobre que la déjà célèbre affaire Thevenon (n° 46061/21) relative à l’obligation vaccinale des sapeurs pompiers avait été communiquée au gouvernement français qui devra répondre avant le 27 janvier 2022 à cinq questions qui devraient préparer une prochaine décision sur la recevabilité. Il arrive cependant que d’intrépides requérants tentent de l’entraîner dans une logique de précipitation. On l’a déjà observé à travers les demandes de mesures provisoires. On l’a surtout remarqué dans la curieuse affaire Zambrano c/ France (n° 41994/21) relative au passe sanitaire, où la requête a été déclarée irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes et aussi parce qu’elle était abusive, son objectif crânement affirmé étant de saturer la Cour pour obtenir un rapport de force favorable afin d’obliger les États abasourdis à abandonner leur politique vaccinale…

La lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

Pendant l’été 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a poursuivi ses efforts pour lutter, sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, contre les abus sexuels exercés sur des mineurs. Ainsi, par un arrêt A.P c/ République de Moldova du 26 octobre (n° 41086/12) a-t-elle constaté une violation du volet procédural de cet article parce que les autorités n’avaient pas mené une enquête effective et approfondie sur les allégations de viol et d’agression sexuelle subis par un enfant de cinq ans. Cette solution est remarquable et, à certains égards, discutable, parce que l’auteur des faits invoqués était lui même un enfant de douze ans qui n’avait pas atteint l’âge de la responsabilité pénale.

Au moment où, en France, le rapport Sauvé révélait l’ampleur insoupçonnée des violences sexuelles dans l’Église catholique entre 1950 et 2020, la Cour s’est montré moins audacieuse pour aborder cette grave dérive structurelle. Dans l’affaire M.L c/ Slovaquie du 14 octobre (n° 34159/17), la mise en balance du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression, l’a conduite à faire prévaloir le droit à l’oubli de la mère d’un prêtre suicidé face à la publication d’articles de presse rappelant qu’il avait été condamné pour avoir abusé de garçons mineurs. Cette solution favorable à une mère qui n’avait aucunement contribué à étouffer le scandale des pratiques sexuelles des représentants de l’Église catholique ne traduit pas une volonté de baisser les bras face à la gravité de la question. Il en va autrement dans l’affaire J.C c/ Belgique du 12 octobre (n° 11625/17, Dalloz actualité, 27 oct. 2021, obs. E. Delacoure). En l’espèce, vingt-quatre justiciables avaient collectivement introduit devant les juridictions belges une demande en indemnisation contre la Saint-Siège à raison des dommages causés par la manière structurellement déficiente avec laquelle l’Église catholique aurait fait face au problème des abus sexuels exercés en son sein. Les juridictions belges ayant considéré que, compte tenu de l’immunité de juridiction dont jouissait le Saint-Siège, elles n’avaient pas compétence pour statuer, les 24 déboutés se sont plaints à Strasbourg d’une violation de leur droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6, § 1er, de la Convention européenne. Or la Cour, appelée pour la première fois à se prononcer sur l’immunité du Saint-Siège, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de constater une violation de ce texte dans la mesure où la solution retenue par les juges belges ne s’était pas écartée des principes de droit international généralement reconnus en la matière. Eu égard à la gravité des enjeux, il n’eût peut-être pas été tout à fait déplacé de s’écarter un peu des principes dont relève l’immunité d’un État qui, avec le Bélarus est d’ailleurs le seul État d’Europe à n’être pas partie à la Convention.

Les assassinats politiques et le suicide des personnes privées de liberté

Le droit à la vie étant le roi des droits, la Cour lui accorde, malheureusement a posteriori, une protection courageuse ainsi qu’en témoigne l’arrêt Carter du 21 septembre (n° 20914/07) qui n’a pas hésité à proclamer la responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement au polonium 210 de l’espion transfuge A. Litvinenko à Londres en 2006. Elle a aussi dressé des constats de violation de l’article 2 dans des cas de suicides de militaires (arrêts Boychenko c/ Russie du 12 octobre, n° 8663/08 et Khabirov c/ Russie, n° 69450/10, où seul un manquement au volet procédural de cet article a été relevé) ou de malades internés dans un hôpital psychiatrique public (Raznatovic c/ Monténégro du 2 septembre, n° 14742/18).

Encadrement conventionnel des moyens sécuritaires coercitifs

Même si depuis son arrêt de Grande chambre Austin c/ Royaume-Uni du 15 mars 2012 qui a admis la technique policière du kettling, la Cour de Strasbourg est très compréhensive à l’égard des techniques déployées par les agents de la force publique pour faire face à des menaces d’atteintes à la sécurité publique toujours plus radicales, elle n’est pas prête à tout admettre en matière sécuritaire. Ainsi, par l’arrêt Kuchta et Metel c/ Pologne du 2 septembre (n° 76813/16) a-t-elle considéré qu’une arrestation musclée avec usage de gaz lacrymogènes avait constitué une violation des volets substantiel et procédural de l’article 3 qui prohibe les traitements inhumains et dégradants. En outre, dans son arrêt Syrianos c/ Grèce du 7 octobre (n° 49529/12) elle a jugé qu’infliger des sanctions disciplinaires à un détenu parce qu’il avait refusé de subir des fouilles corporelles ne répondait pas à un besoin social impérieux et constituait donc une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée reconnu par l’article 8 de la Convention.

L’adaptation du droit à la liberté d’expression aux réalités de l’ère numérique

Il est devenu de la dernière des banalités de dénoncer les atteintes inédites aux autres droits de l’homme et aux valeurs des sociétés démocratiques que propage le droit à la liberté d’expression lorsqu’il mobilise internet et l’outil numérique. La Cour de Strasbourg, quant à elle, s’efforce de trouver le point d’équilibre entre ces données contradictoires et fortement évolutives. Ainsi dans un arrêt Sanchez c/ France d 2 septembre (n° 45581/15), a-t-elle considéré que l’État défendeur n’avait pas violé l’article 10 en condamnant un homme politique à 3 000 € d’amende parce qu’il n’avait pas supprimé assez vite de son site public Facebook des commentaires appelant à la haine. En outre, par un arrêt Volodina du 14 septembre (n° 40419/19) elle a condamné la Russie pour violation de l’article 8 parce qu’elle n’avait pas protégé la victime de violences domestiques contre la cyberviolence de son partenaire. En revanche, l’arrêt M.P. c/ Portugal du 7 septembre (n° 27516/14, AJ fam. 2021. 565, obs. M. Saulier image) a cru devoir estimer que, au cours d’une procédure de divorce et de partage de l’autorité parentale, un mari avait pu produire des messages électroniques échangés par son épouse sur un site de rencontres occasionnelles sans que le droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances de l’intéressée ait été atteint de manière disproportionnée. Il n’est pas tout à fait certain que cet encouragement à l’espionnage électronique familial soit de bon aloi.

Extension du droit à la liberté d’expression et limites du droit à l’humour

Comme d’habitude, on relève pour la période septembre-octobre 2021 un fort contingent d’arrêts qui constatent des violations de l’article 10 et qui continuent à marquer le soutien de la Cour de Strasbourg à la liberté d’expression des opposants politiques Dareskizb Ltd c/ Arménie du 21 septembre (n° 61737/08, relatif à l’interdiction de publier un journal pendant l’état d’urgence) ; Hazanov et Majidli c/ Azerbaïdjan du 7 octobre (n° 9626/14, se rapportant à la distribution dans les stations de métro de tracts antigouvernementaux) ; Association des journalistes d’investigation c/ République de Moldova du 12 octobre (n° 4358/19, stigmatisant une condamnation pour diffamation consécutive à la publication d’un article dénonçant le financement d’une campagne présidentielle) ; Vedat Sorli c/ Turquie du 19 octobre (n° 42048/19, adoptant la même position à l’égard d’une peine d’emprisonnement avec sursis pour insulte au chef de l’État). On accordera une attention particulière à deux arrêts confirmant avec éclat que dans les cas les plus graves, la protection du droit à la liberté à la liberté d’expression ne se fait pas ou pas seulement sur le fondement de l’article 10 : ST et Y.B c/ Russie du 19 octobre (n° 40125/20) constatant une violation de l’article 3 en raison des traitements inhumains infligés à l’animateur d’une chaîne d’opposition au cours d’une détention irrégulière et Miroslava Todorava c/ Bulgarie  du 19 octobre (n° 40072/13) qui pour mieux souligner la gravité des poursuites disciplinaires et des sanctions infligées à la Présidente de l’Union des juges de Bulgarie combine l’article 10 et l’article 18 lequel, sous l’intitulé « Limitation de l’usage des restrictions aux droits » est une arme contre les risques de détournement par les États du droit de la Convention vers des fins opposées à celles auxquelles elle est destinée. On ajoutera ici, même s’il se conclut par un constat de violation de l’article 11 l’arrêt Barseghyan c/ Arménie du 21 septembre (n° 17804/09) relatif à l’interdiction de tenir une réunion politique au lendemain de l’instauration de l’état d’urgence.

Le plus original des arrêts marquant une extension du droit à la liberté d’expression se situe au cœur d’un débat de plus en plus soutenu sur une délicate question de société. Il s’agit de l’arrêt Ringier Axel Springer c/ Slovaquie du 23 septembre (n° 26826/16) estimant qu’une peine d’amende infligée à un journaliste pour avoir diffusé l’interview d’un chanteur célèbre se disant favorable à la légalisation de la marijuana était disproportionnée au regard des exigences de l’article 10. Pour justifier sa solution la Cour fait observer que le journaliste n’avait pas l’intention de faire l’apologie de cette substance et, surtout, que son émission portait sur une question d’actualité et avait contribué à un débat d’intérêt public.

Comme elle le fait régulièrement, la Cour a saisi quelques occasions de rappeler que l’exercice du droit à la liberté d’expression comporte aussi des devoirs et des responsabilités. Ainsi, par son arrêt Staniszewski c/ Pologne du 14 octobre (n° 20422/15), elle a estimé que la condamnation du rédacteur en chef d’un bulletin mensuel gratuit pour avoir publié des affirmations inexactes sur un candidat à des élections locales n’avait pas enfreint l’article 10. Dans le même ordre d’idées, elle a surtout rendu un arrêt Z.B. c/ France du 2 septembre (n° 46883/15) qui est probablement un des plus importants de la période septembre-octobre 2021. En l’espèce, une personne avait eu l’idée bizarre d’offrir à son neveu de trois ans qui s’était fait une joie de le porter à l’école maternelle un tee-shirt où figurait les inscriptions « je suis une bombe » et « Jihad, né le 11 septembre ». Surpris d’avoir été condamné pour apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, ce tonton flingueur d’un nouveau style est allé s’en plaindre devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant une méconnaissance de son droit à l’humour. Il lui a été sèchement répondu, dans le contexte des attentats terroristes qui ont frappé la France, que le discours humoristique ou les formes d’expression qui cultivent l’humour sont protégés par l’article 10 y compris quand ils se traduisent par la transgression ou la provocation, mais que le droit à l’humour ne permet pas tout et que quiconque se prévaut de la liberté d’expression assume des devoirs et des responsabilités. Or, en l’occurrence, les inscriptions litigieuses ne pouvaient s’entendre comme constitutives d’une simple plaisanterie. Autrement dit pour la Cour européenne des droits de l’homme, on peut rire et faire rire de tout mais à condition de ne faire que rire…

L’accompagnement des transformations du droit de la famille et des personnes

La Cour européenne des droits de l’homme s’est à nouveau prononcée sur des questions de droit de la famille relatives à l’existence du lien de filiation (Lavanchy c/ Suisse du 19 octobre, n° 69997/17, estimant que le rejet d’une action en contestation de filiation, introduite sans motif valable après l’expiration du délai de prescription, ne violait pas le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8) ou sur les difficultés d’établissement des contacts entre le père et l’enfant (v. not. Anagnostakis c/ Grèce du 23 septembre, n° 46075/16, suivant lequel des retards dans la fixation des modalités de visite d’un père à son fils entraînent une violation du droit au respect de la vie familiale). L’organisation de ce que, à Strasbourg, on appelle toujours la garde de l’enfant, soulève elle aussi son lot de difficultés européennes. L’une d’entre elles a été résolue par un arrêt X. c/ Pologne du 16 septembre (n° 20741/10) qui reflète parfaitement les évolutions sociétales en dressant un constat de violation de l’article 8 avec l’article 14 porteur du principe de non discrimination dans une affaire où la garde de son plus jeune enfant avait été retirée à la mère principalement en raison de son orientation sexuelle et ses relations avec une autre femme. Le principe de non discrimination a également fait sentir son influence dévastatrice de la tradition patriarcale en droit des personnes dans un arrêt Léon Madrid c/ Espagne du 26 octobre (n° 30306/13) où il a été décidé que, en cas de désaccord entre les parents, l’attribution automatique à l’enfant du nom du père suivi de celui de la mère manquait de justifications objectives et raisonnables. Cette solution fait rétrospectivement ressortir l’opportunité du choix du législateur français du 17 mai 2013 de s’en remettre, en pareille hypothèse, à l’ordre alphabétique (C. civ., art. 321-21, al. 1er).

Incursion en droit du travail forcé

Il n’est pas tout à fait à exclure que le monde du travail intérimaire cache parfois des réalités sordides. Un arrêt Zoletic c/ Azerbaïdjan du 7 octobre (n° 20116/12) lève peut-être un coin du voile. Il a en effet estimé que la façon dont avaient été traités trente-trois ressortissants de Bosnie-Herzégovine recrutés en qualité de travailleurs intérimaires dans le secteur de la construction en Azerbaïdjan aurait justifié une enquête dont le défaut est constitutif d’une violation de l’article 4, § 2, qui prohibe le travail forcé. Les conditions économiques et sociales sont, à l’évidence, très contrastées des limites les plus orientales du Conseil de l’Europe à ses rives atlantiques. On ne peut pourtant pas exclure qu’une enquête sur les conditions de travail des intérimaires jugée nécessaire là-bas dans une affaire donnée puisse apparaître pertinente ici dans telle ou telle autre.

Avancées en droit des contrats

Il est advenu quelquefois, par exemple avec l’arrêt Zolotas c/ Grèce n° 2 du 29 janvier 2013 qui fait fraterniser la Cour européenne et le solidarisme contractuel, que la Cour européenne des droits de l’homme rende des arrêts importants pour le droit des contrats. Cependant, à l’évidence, ce n’est pas son domaine de prédilection. Aussi faut-il souligner que, au cours de la période considérée, elle s’ y est à nouveau intéressée. Elle l’a fait, de manière un peu surprenante en France où la contrainte par corps en matière civile appartient depuis belle lurette à l’histoire du droit, par un arrêt Moldoveanu c/ République de Moldova du 14 septembre (n° 53660/15) en constatant de violation de l’article 5, § 1er, garantissant le droit à la liberté et à la sûreté parce qu’une personne qui n’avait pas remboursé la dette dont elle était tenue envers un particulier avait été placée en détention provisoire. Elle l’a fait surtout par deux arrêts du 7 octobre rendus contre Malte qui marquent sa volonté d’exercer son influence pour empêcher que ne se créent ou ne se perpétuent de trop graves déséquilibres contractuels. Il s’agit des arrêts Bartolo Parnis (n° 49738) et Galfa (n° 28712/19). Dans les deux affaires les biens des requérants avaient été assujettis à une loi qui leur imposait de continuer à les louer pour un loyer d’un montant très bas et qui les empêchait d’obtenir un rétablissement adéquat de leur situation. Sans même se référer au principe de proportionnalité, la Cour a dressé un constat de violation de l’article 1er du Protocole n° 1 qui consacre le droit au respect des biens séparément et en combinaison avec l’article 13 qui consacre le droit à un recours effectif.

Escapade en droit des groupements

En dépit de son célèbre arrêt Sovtransavto Holding c/ Ukraine du 25 juillet 2002 suivant lequel les actions des sociétés commerciales relèvent de la protection contre les atteintes à la substance du droit de propriété, la Cour s’avance encore moins souvent sur le terrain du droit des sociétés que sur celui du droits des contrats. Avec son arrêt Pintar c/ Slovénie du 14 septembre (n°49969/14) elle s’est cependant enhardie à dresser un constat de violation de l’article 1 du Protocole n° 1 dans une affaire où les mesures imposées par la Banque centrale aux grandes banques slovènes avaient entraîné l’annulation sans indemnisation des titres de milliers d’actionnaires et d’obligataires. On relèvera aussi un important arrêt Democracy eand Human Rights Resource Centre et Mustafayev c/ Azerbaïdjan du 14 octobre (n° 74288/14) se rapportant au droit des associations qui constate des violations de l’article 1er du Protocole n° 1, de l’article 2 du Protocole n° 4 relatif à la liberté de circulation et de l’article 18 parce que le gel des comptes bancaires et des interdictions de voyager visaient à paralyser le travail d’une ONG de défense des droits de l’homme.

Protection soutenue de la propriété immobilière

Au cours de l’été 2021, le verdissement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne s’est pas beaucoup amplifié. À peine peut-on signaler dans ce sens un arrêt Kapa c/ Pologne 14 octobre (n° 75031/13) estimant que des perturbations par des années de circulation intense due à un projet d’autoroute avaient porté atteinte au droit au respect de la vie privée des riverains. La période a plutôt été marquée, au contraire, par des arrêts qui ont énergiquement protégés les propriétaires fonciers contre des mesures destinées à protéger l’environnement. Ainsi un arrêt Berzins c/ Lettonie du 21 septembre (n° 73105/12) a-t-il jugé que trois requérants empêchés d’accéder à leur parcelle de terrain parce que des décisions administratives avaient désigné leur propriété comme une zone d’eau protégée avaient été victimes d’une violation du droit au respect des biens. Surtout , par un arrêt Saksoburggotski et Chrobok c/ Bulgarie du 7 septembre (n° 38948/10), la Cour, poursuivant son œuvre de soutien aux familles royales déchues engagée dans l’affaire Ex-Roi de Grèce c/ Grèce du 23 novembre 2000, a jugé que le moratoire sur l’utilisation commerciale des terres forestières de l’Ex-Roi de Bulgarie Simeon II avait violé ses droits conventionnels.

Droit de vote

Le droit de vote , découlant de l’article 3 du Protocole n° 1 consacrant le droit à des élections libres, a donné lieu à deux arrêts qui ont pourtant été principalement rendus sur le fondement du Protocole n° 12 généralisant le principe de non discrimination. Il s’agit de l’arrêt Toplak et Mrak c/ Slovénie du 26 octobre (n° 34591/19) qui adopte des solutions contrastées selon le type d’élections auxquelles auxquelles des personnes atteintes de dystrophie musculaire n’avaient pas pu participer faute d’aménagements adaptés à leur état et de l’important arrêt Selygeneko c/ Ukraine du 21 octobre (n° 24919/16) qui stigmatise le refus du droit de vote à des élections locales opposé aux réfugiés des zones de conflit en Ukraine.

Lutte contre le formalisme excessif

Il n’est généralement pas possible de rendre compte des nombreux arrêts qui appliquent l’article 6, § 1er, consacrant le tentaculaire droit à un procès équitable. Cette fois, il convient de faire état de l’arrêt Bara et Kola c/ Albanie du 12 octobre (n° 43391/18) qui dresse un constat de violation de ce texte en raison du manque de célérité de deux procédures dans un contexte de réformes judiciaires et de l’arrêt Brus c/ Belgique du 14 septembre (n° 18779/15) qui aboutit à la même conclusion en plaçant à nouveau et avec insistance la question du droit à l’assistance d’un avocat sous l’influence de la notion d’équité globale de la procédure pénale dégagée dans son arrêt de grande chambre Beuze c/ Belgique du 9 novembre 2018. Il importe surtout de relever une forte concentration de solutions qui dénoncent le formalisme excessif des procédures internes. Ainsi l’arrêt Willems et Gorjon c/ Belgique du 21 septembre (n° 73105/12) a-t-il dénoncé le caractère disproportionné de la déclaration d’irrecevabilité de pourvois en cassation pour la seule raison que l’attestation de formation en cassation du représentant des demandeurs n’apparaissait pas dans les pièces du dossier. Quant à l’arrêt Foyer Assurances S.A c/ Luxembourg du 12 octobre (n° 32245/18), il stigmatise l’approche trop formaliste qui a conduit à prononcer l’irrecevabilité d’un moyen unique de cassation parce que le pourvoi n’avait pas précisé lequel des trois articles du code civil visés avait été violé par la cour d’appel. Dans le même esprit, l’arrêt Laçi c/ Albanie du 19 octobre (n° 28142/17) a jugé qu’était constitutif d’une restriction injustifié au droit d’accès à un tribunal découlant de l’article 6, § 1er, le refus d’examiner le bien-fondé d’une demande parce que le droit de timbre n’avait pas été payé et l’arrêt Dylus c/ Pologne du 23 septembre (n° 46075/16) a constaté une violation du droit d’accès à un tribunal en raison du rejet d’un pourvoi en cassation que le demandeur, avocat de profession, avait rédigé lui-même alors qu’il aurait dû l’être par son propre avocat. 

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Chronique CEDH : la lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

La périodicité bimestrielle adoptée pour cette chronique d’actualité de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg amène à constater que la période septembre/octobre 2021 se caractérise par l’absence, pour la première fois depuis le début de l’année, d’arrêts rendus en grande chambre. Cette particularité est, à n’en pas douter, purement conjoncturelle. Il en est une seconde qui, elle, promet d’être structurelle : il s’agit de la montée en régime des décisions relatives aux mesures provisoires qui sont tout à fait d’actualité mais ne correspondent peut-être pas exactement à une jurisprudence. Pour ce qui est de l’actualité jurisprudentielle proprement dite, elles est riche d’enseignements se rapportant à des questions aussi graves et aussi diverses que la covid-19 ; les abus sexuels sur mineurs ; les assassinats politiques et le suicide des personnes privées de liberté ; les mesures sécuritaires coercitives ; l’adaptation du droit à la liberté d’expression à la communication numérique ; les limites du droit à l’humour ; l’influence attendue de la CEDH sur le droit des personnes et de la famille ; celle plus originale sur le droit du travail, le droit des contrats, le droit des groupements, le droit de la propriété immobilière, le droit de vote ou le formalisme procédural excessif.

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Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?

Après une année de discussions, le Sénat apporte à la proposition de loi plus d’une trentaine d’amendements destinés à conserver les seules mesures jugées « utiles à l’amélioration du processus d’adoption », et refuse corrélativement « une réécriture globale [du] code de l’action sociale et des familles » (M. Jourda, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (n° 50), Sénat, 13 oct. 2021, p. 7), considérée, comme le reste de la proposition, comme « inconsistante » et « confuse » (M. Jourda, op. cit., p. 73). À lire la proposition de loi modifiée, ce sont donc plusieurs pans essentiels de la réforme qui s’effacent, que l’on pense à l’abaissement de l’âge et de la durée de communauté de vie pour adopter, à l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans, à l’édification d’un droit commun du consentement à l’adoption (interne et internationale), ou encore à la refonte du statut des pupilles de l’État. Signe de ces suppressions en cascade, la proposition de loi « visant à réformer l’adoption » est finalement rebaptisée par le Sénat en proposition de loi « relative à l’adoption » (amendement n° COM-58) : les mots ne trompent pas ! Aussi, entre confirmations et inflexions, voici donc un bref panorama de la proposition de loi modifiée, à la veille de sa discussion devant la Commission mixte paritaire.

Les confirmations

Parmi les dispositions de la proposition de loi confirmées par le Sénat, toutes poursuivent un même objectif énoncé dans le rapport de la sénatrice Jourda : répondre aux « enjeux importants et identifiés depuis des années » comme problématiques en matière d’adoption, à savoir diverses évolutions en matière filiative, l’obligation de formation préalable des membres du conseil de famille (M. Jourda, op. cit., p. 37 s.), l’amélioration de la préparation et de la détection des familles susceptibles d’accueillir des enfants à besoins spécifiques, et la sécurisation du statut des pupilles de l’État (M. Jourda, op. cit., p. 56 s.).

Volet civil

Du côté du Code civil, plusieurs dispositions ressortent ainsi indemnes de leur lecture devant le Sénat, telles la réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil relatif aux effets de l’adoption simple, celle des articles liés à l’ouverture de l’adoption aux couples de partenaires et de concubins (C. civ., art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 356, 357, 360, 363, 365, 366 et 370-3), celle de l’article 348-6 relatif au consentement de l’adopté à sa propre adoption, de l’article 351 relatif aux effets du placement, de l’article 357 relatif au changement de prénom de l’adopté, outre celle de l’article 411 relatif à la vacance de la tutelle.

Réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil

Pour débuter, les sénateurs laissent d’abord sauve la réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil, destinée à insister sur l’originalité de l’adoption simple vis-à-vis de l’adoption plénière, par l’affirmation expresse de l’établissement d’un nouveau lien de filiation entre l’adopté et l’adoptant, s’additionnant, le cas échéant, au lien de filiation préexistant du premier (art. 1er). Accordant à cette réécriture « le mérite de clarifier les effets propres à l’adoption simple », la Commission des lois l’adopte donc sans modification (M. Jourda, op. cit., p. 13.).

Ouverture de l’adoption aux partenaires et aux concubins

Dans le même sens, l’ensemble des dispositions ouvrant l’adoption aux partenaires et aux concubins est, nous l’avons dit, confirmé (art. 2), et ce afin d’assurer le plein effet de la réforme sur ce point, considéré par les sénateurs comme « en cohérence avec l’évolution du droit de la filiation » (amendement n° COM-25 rect.). Davantage, ces derniers perfectionnent même les termes de l’article 370-3, dont la rédaction initiale avait suscité le débat (amendement n° 53). Ainsi la nouvelle règle de conflit de lois contenue dans ce texte apparaît-elle à la fois plus nette et plus unitaire que la précédente, en énonçant désormais que « les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi du for […] ». La règle de conflit de lois propre aux couples mariés est donc étendue aux couples non-mariés, aux détriments certes de l’article 515-7-1 du code civil, propre aux partenaires pacsés, mais au profit de l’unité de la matière tout entière. On regrettera simplement, s’agissant de ces règles d’élargissement de l’adoption aux partenaires et aux concubins, l’absence d’une prohibition générale du Pacs entre l’enfant adopté et le conjoint ou le partenaire de l’adoptant, laquelle aurait pu être ajoutée à l’article 366 du code civil, par esprit de cohérence avec la prohibition du mariage formulée par ce même texte entre ces mêmes protagonistes.

Adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Différemment, si les dispositions relatives au consentement de l’adopté à sa propre adoption ressortent confirmées de leur lecture devant le Sénat, cette confirmation emprunte le chemin d’une renumérotation d’article (art. 8). Ainsi, là où la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale prévoyait de compléter l’article 348-6 par un nouvel alinéa autorisant l’adoption d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé, sans leur consentement et sous réserve qu’ils soient hors d’état de consentir personnellement à leur adoption, le texte voté par le Sénat déplace cet alinéa dans un nouvel article distinct (C. civ., art. 348-7), afin de dissocier les cas de refus de consentement énoncés à l’article 348-6, de ceux d’absence de consentement issus de la nouvelle disposition (amendement n° COM-42). On observera d’ailleurs, à ce propos, que le Sénat ne répond pas expressément aux interrogations de la doctrine portant sur « l’avis » formulé par le représentant légal ou le protecteur de l’adopté à l’occasion de l’adoption, à savoir si cet avis se substituera ou non à leur consentement, la portée du texte pouvant pourtant en être radicalement modifiée (v. cependant : amendement n° COM-42).

Placement en vue de l’adoption

En suivant encore l’ordre du code civil, l’article 351 ressort lui aussi presque indemne de sa relecture, les sénateurs se limitant ici à une réécriture partielle du texte, d’ailleurs tout à fait opportune (art. 5). En ce sens, là où l’ancienne version proposait de préciser que le placement « débute par » la remise effective de l’enfant aux futurs adoptants, la nouvelle version lui préfère les termes « prend effet à la date de » (sur une suggestion des magistrats de la Cour de cassation auditionnés à cette occasion, à l’origine d’une série d’améliorations du texte ; M. Jourda, op. cit., p. 25.), tandis que là où l’ancienne version ajoutait que « les futurs adoptants peuvent réaliser les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant », la nouvelle version ajoute que « les futurs adoptants accomplissent les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption », termes à la fois plus exacts, plus précis et plus circonscrits. Plus exacts, d’abord, en ce que des actes « s’accomplissent » plus qu’ils ne se « réalisent » (amendement n° COM-37) ; plus précis, ensuite, dans la mesure où les actes usuels sont ici limités à la surveillance et à l’éducation de l’enfant (amendement n° COM-38 ; amendement n° 12), là où ils auraient pu porter sur d’autres des missions relevant de l’autorité parentale, et notamment sur la protection de la santé de l’enfant, semble-t-il écartée de cette nouvelle rédaction (arg. C. civ., art. 373-1, al. 2) ; plus circonscrits, enfin, puisque par esprit de rigueur, la nouvelle rédaction limite la temporalité de ces actes à la durée du placement, soit à la période s’étendant de la remise de l’enfant à la décision d’adoption. On notera en revanche qu’à l’inverse de la proposition de loi des députés, les sénateurs abandonnent l’extension de la procédure de placement de l’adoption plénière à l’adoption simple, relevant à la suite d’une partie de la doctrine l’utilité douteuse d’une telle extension, dans un contexte où « 97 % des adoptions simples [étaient] intrafamiliales en 2018, et 87,9 % [concernaient] des personnes majeures qui [n’avaient] pas même vocation à résider – donc à être « placées » – chez leurs futurs adoptants » (amendement n° COM-39).

Consentement de l’enfant à son changement de prénom

En poursuivant la lecture, la proposition de loi discutée confirme aussi la nouvelle rédaction de l’article 357 du code civil, proposée par l’Assemblée nationale et relative au changement de prénom de l’enfant adopté (art. 9). Ce texte, destiné à « harmoniser les conditions d’âge relatives aux changements [de prénom de l’enfant] entre les procédures de droit commun [des] articles 60 et 311-23 du code civil, et celles propres à l’adoption » (M. Limon, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption (n° 3161), Assemblée nationale, 23 nov. 2020, p. 42), impose en effet, avant comme après son passage devant le Sénat, le consentement de l’enfant adopté de plus de treize ans à son changement de prénom, et non du seul enfant adopté majeur. En revanche, là où la Chambre basse avait décidé d’exiger ce même consentement en cas de changement de nom de l’enfant adopté en la forme simple de plus de treize ans, la chambre haute abandonne cette exigence, estimant que cela « reviendrait à nier [sa] nouvelle filiation et ne [ferait] pas du tout consensus » (amendement n° COM-43), ce dont on pourra débattre.

Tutelles vacantes

Pour finir, les sénateurs laissent enfin sauve la réécriture de l’article 411 du code civil relatif à la vacance de la tutelle, en corrigeant uniquement quelques petites erreurs de rédaction présentes dans la version initiale du texte (art. 17).

Volet action sociale

Du côté du code de l’action sociale et des familles, en revanche, si la reprise des dispositions de la proposition de loi de l’Assemblée est plus nuancée (le Sénat privilégiant ici la gomme au crayon), plusieurs textes en ressortent cependant indemnes, en tout ou en partie.

Agrément

Relativement aux finalités de l’agrément, d’abord, les sénateurs confirment celles formulées par les députés (amendement n° 51 rect. ter), en les insérant toutefois dans un nouvel alinéa de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, là où la chambre basse l’avait élevé en principe directeur d’une section lui étant alors dédiée (art. 10). Ainsi le nouvel article L. 225-2, alinéa 2, disposerait-il désormais, avec une force normative discutable, que « l’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre aux besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs de ces enfants ».

Autres confirmations

Parallèlement, plusieurs propositions sont confirmées par les sénateurs, mais réinsérées au gré des dispositions du code de l’action sociale et des familles, dans le dessein de répondre aux problématiques récurrentes de la matière sans réécrire l’ensemble du code (art. 10, 11, 12, 14 et 15) : l’organisation de réunions d’information au bénéfice des personnes agréées (CASF, art. L. 225-8 prop. initiale, art. L. 225-2, al. 5 prop. modifiée), l’obligation de suivi d’une préparation portant sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption (CASF, art. L. 225-3 prop. initiale, art. L. 225-3, al. 2 prop. modifiée), la possibilité pour le président du conseil départemental de « faire appel à des associations pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue d’adoption des enfants à besoins spécifiques » (CASF, art. L. 225-10-1-1 prop. initiale, art. L. 225-1 dernier al. prop. modifiée), la réalisation d’un bilan médical, psychologique et social des enfants admis en qualité de pupille de l’État (CASF, (CASF, art. L. 224-2 propr. initiale, art. L. 225-1, al. 1er prop. modifiée), l’information des pupilles de l’État des décisions les concernant (CASF, art. L. 224-8-7 prop. initiale, art. L. 224-1-1 prop. modifiée), toutes ces propositions sont reprises pour l’essentiel par le Sénat, tout comme l’assouplissement des règles applicables au congé d’adoption (art. 17 bis), jugé favorable à « une prise effective » de ce congé et à « une meilleure répartition [de celui-ci] entre les parents » (M. Jourda, op. cit., p. 70.).

Cependant, dénonçant sur d’autres points « des prises de position dogmatiques » contraires à l’intérêt de l’enfant (M. Jourda, op. cit., p. 9 s.), plusieurs pans essentiels de la proposition de loi de l’Assemblée sont purement et simplement enterrés par le Sénat.

Les inflexions

Parmi les inflexions à relever, les plus symboliques sont assurément liées aux conditions d’accès à l’adoption, tenant à la durée de vie commune et à l’âge des adoptants, à l’écart d’âge entre les adoptants et les adoptés, mais aussi à l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans, au consentement des parents à l’adoption de leur enfant, à la rétroactivité de la loi et, surtout, à la refonte du statut des pupilles de l’État.

Volet civil

Du côté du code civil, nous l’avons dit, plusieurs des conditions d’accès à l’adoption ressortent profondément altérées de leur passage devant le Sénat.

Condition de communauté de vie des couples d’adoptants

S’agissant de la durée de vie commune des membres des couples adoptant (art. 2), les sénateurs enterrent d’abord et sans sourciller la réduction du délai minimum de communauté de vie de duex à un an, en revenant à l’état du droit positif, c’est-à-dire à deux ans. Sur ce point, les sénateurs plaident en effet pour le maintien de ce délai en le considérant comme « important pour s’assurer de la stabilité du couple, notamment si l’un de ses membres ou les deux ont moins de 26 ans, et de leur engagement commun envers un enfant en attente d’une famille » (amendement n° COM-1 rect).

Conditions d’âge et écart d’âge entre les adoptants et les adoptés

Similairement, la condition d’âge pour adopter est ramenée de vingt-six ans minimum à ving-huit ans, conformément au droit positif (art. 2). Considérant cette fois-ci que la pertinence de l’abaissement de l’âge légal pour adopter ne serait « soutenue par aucune statistique prouvant une proportion significative d’adoptants de 28 ans », les sénateurs l’écartent sans détour (amendement n° COM-1 rect. ; amendement n° COM-25 rect.). À l’opposé, la condition d’écart d’âge entre les adoptants et les adoptés fait son grand retour dans le code civil, là où les députés l’avaient étrangement reléguée dans le code de l’action sociale et des familles (amendement n° COM-35). L’article 344 se voit ainsi enrichi d’un nouvel alinéa 2, qui disposerait désormais que « l’écart d’âge entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’il se propose d’adopter ne doit pas excéder cinquante ans », cette condition n’étant « pas exigée en cas d’adoption de l’enfant du conjoint ». Simultanément, le Sénat supprime enfin l’article 6 de la proposition de loi initiale relatif à la prohibition des adoptions emportant une « confusion des générations », en « considérant plus opportun de laisser au juge le soin d’apprécier l’intérêt de l’enfant au cas par cas, plutôt que d’établir une règle qui ne pourrait souffrir d’exception » (amendement n° COM-40) (Adde M. Jourda, op. cit., p. 27 s., ce dont on pourra certainement discuter.

Adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans

S’agissant de l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans, le Sénat renverse là encore la vapeur. En effet, présentée par le rapport de la députée Limon comme une mesure de faveur envers ce public, la proposition de loi avait notamment allongé le délai durant lequel l’adoption plénière pouvait être sollicitée (des 20 ans aux 21 ans de l’enfant), et ajouté la possibilité pour les juges de prononcer une adoption plénière en dehors des situations visées à l’article 345 du code civil, « en cas de motif grave » (art. 4). Or, regrettant l’absence de plus amples précisions données par l’Assemblée pour justifier sa proposition, et s’interrogeant « sur l’intérêt de l’enfant, au seuil de sa majorité voire au-delà, de voir sa filiation d’origine, avec laquelle il peut s’être construit pendant toute son enfance, purement et simplement effacée », les sénateurs suppriment cette disposition, avançant de surcroît des « risques de détournement de l’adoption à des fins successorales ou d’acquisition de la nationalité française » (amendement n° COM-36).

Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

Se saisissant encore de leur gomme, les sénateurs reviennent ensuite sur la proposition d’édification d’un droit commun du consentement à l’adoption (interne et internationale), sur lequel s’était positionnée la proposition de loi initiale (art. 7). Certes, comme le relèvent les sénateurs, la formulation de l’alinéa 1er de l’article 348-3 pouvait être critiquée en ce qu’elle risquait d’introduire certaines incohérences en droit interne comme en droit international (amendement n° COM-41 ; amendement n° COM-4). Mais l’effort d’édification d’un droit commun, louable en son principe, aurait peut-être pu inciter les sénateurs à corriger ce texte, plutôt qu’à le supprimer purement et simplement.

Rétroactivité de la loi en cas de PMA réalisée à l’étranger

Dernier point civil discuté par les sénateurs, la disposition transitoire sur l’assistance médicale à la procréation prévue par l’article 9 bis de la proposition de loi est elle aussi supprimée. Estimant en effet cette disposition comme « inacceptable », en ce qu’elle reviendrait « à se passer du consentement de la mère qui a accouché dans des conditions trop floues », en ce qu’elle « pourrait concerner des situations très anciennes puisqu’aucun délai n’est prévu pour la réalisation de l’AMP », et en ce qu’elle irait à l’encontre de l’avis du « Conseil national de la protection de l’enfance s’y [étant fermement opposé] au motif "qu’elle poursuit un autre but que l’intérêt supérieur de l’enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaitre un droit sur l’enfant" », le Sénat l’efface définitivement de la proposition (amendement n° COM-44).

Volet action sociale

Du côté du code de l’action sociale et des familles, enfin, le Sénat privilégie ici encore la gomme au crayon, en tirant un trait sur le vaste chantier de refonte du statut des pupilles de l’État et sur l’essentiel des dispositions de la proposition de loi y afférant (art. 11 à 15), dénonçant tour à tour le « faible apport normatif » de la proposition (M. Jourda, op. cit., p. 56 et p. 75 s.), l’absence de consensus sur plusieurs de ses points (Notamment sur la composition du conseil de famille des pupilles de l’État ; M. Jourda, op. cit., p. 62), l’inaboutissement de plusieurs autres (Notamment sur la procédure de recours contre les décisions de ce conseil de famille ; M. Jourda, op. cit., p. 64), outre la dangerosité de certaines de ses dispositions (Spécialement sur le consentement des parents à l’adoption de leur enfant ; M. Jourda, op. cit., p. 58 s.).

En somme, le Sénat procède donc à une importante réduction des ambitions de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, au profit d’une réforme plus mesurée et, à plusieurs titres, substantiellement améliorée. Mais les députés accepteront-ils ce sévère coup de rabot asséné à leur proposition, ou feront-ils de cette tentative de réécriture un simple coup d’épée dans l’eau (ce dont avait été accusé, par une doctrine des plus autorisées, le Rapport Limon-Imbert, P. Salvage-Gerest, Le rapport Limon-Imbert sur l’adoption : un coup d’épée dans l’eau ?, AJ fam. 2020. 350 image) ? Dans l’intérêt de l’adoption, formulons le vœu qu’une solution de compromis soit trouvée par la Commission mixte paritaire, en perfectionnant encore le texte soumis à ses débats… dans la précipitation (ibid.)… 

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En l’absence de déclaration de créance de la part d’un créancier engagé dans une instance avec le débiteur au moment de l’ouverture de la procédure collective, les conditions de la reprise de l’instance en cours en vue de la fixation de la créance au passif ne sont pas réunies. Par conséquent, le juge ne peut que constater l’interruption de l’instance, sans pouvoir prononcer l’irrecevabilité du créancier. De la même façon, lorsqu’un contractant défaillant a été mis en procédure collective, la créance née, avant le jugement d’ouverture, de l’exécution défectueuse ou tardive de prestations convenues ne peut se compenser avec le prix des prestations dû par son cocontractant qu’à la condition que ce dernier ait déclaré cette créance de dommages-intérêts au passif de la procédure collective.

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Éloges funèbres de la possibilité de rétractation anticipée

Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

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Allocation temporaire d’invalidité : pas de déduction sans versement

Aux termes de l’article 706-9 du code de procédure pénale, pour déduire une prestation à laquelle a droit la victime d’un accident de service de l’indemnité versée par le FGTI, celle-ci doit avoir été demandée et perçue.

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Simplifier et harmoniser les conditions de ressources dans les politiques sociales

Les politiques sociales dans notre pays représentent, on le sait, des montants considérables. Une bonne partie de ces prestations sont attribuées sous condition de ressources. Mais comment sont évaluées les ressources des bénéficiaires ? En fonction de règles hétérogènes et d’une complexité considérable, répond le Conseil d’État dans l’étude Les conditions de ressources dans les politiques sociales : plus de simplicité, plus de cohérence.

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Rejet par ordonnance du recours contre une décision de l’OFPRA

Lorsqu’un recours formé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause sa décision, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) peut le rejeter sans attendre la production d’observations complémentaires annoncées par le requérant.

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Le locataire doit informer le bailleur de l’apparition de vices en cours de bail

Sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier.

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Indemnisation de la perte de gains professionnels : c’est la nature qui compte

Même si son versement commence avant la date de consolidation du préjudice retenue par le juge, la rente accident du travail, qui répare un préjudice permanent, ne peut être imputée sur un poste de préjudice patrimonial temporaire.

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Clause d’indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité et clauses abusives

La chambre commerciale vient préciser qu’une commune agissant pour régler les affaires de sa compétence ne peut pas se prévaloir de la protection des clauses abusives puisqu’il ne s’agit pas d’un non-professionnel. Il n’existe, en outre, aucune règle générale interdisant les clauses d’indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité.

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Dans la famille « demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions », après la confirmation, je voudrais… la caducité

En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation ou l’annulation. À défaut, la cour d’appel confirme le jugement. Toutefois, le conseiller de la mise en état, d’office ou à la demande d’une partie, ou la cour d’appel, d’office, a aussi la faculté de prononcer la caducité de la déclaration d’appel.

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Perquisition fiscale : appréciation souple du lien entre les pièces saisies et les présomptions de fraude

L’absence de lien entre les pièces saisies par l’administration fiscale et les présomptions de fraude, objet de l’autorisation de visite et de saisies accordée par le juge de la liberté et de la détention, qui doit être appréciée à la date de la saisie, ne peut se déduire du seul défaut d’utilisation ou d’exploitation ultérieure de ces pièces par l’administration contre le contribuable visé par ladite autorisation.

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Compétence internationale des juridictions françaises en matière de responsabilité parentale et d’obligation alimentaire

Lorsque la résidence habituelle d’un enfant est située en France, les juridictions françaises, même dans le cas où elles ne seraient pas compétentes pour statuer sur le divorce du couple, sont compétentes pour statuer sur la responsabilité parentale et les demandes alimentaires qui en sont l’accessoire.

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Le soutien au terrorisme peut faire perdre la qualité de réfugié

La Cour nationale du droit d’asile saisie d’un litige sur la perte du statut de réfugié n’a pas à se prononcer sur la qualité de réfugié de l’intéressé, sauf si l’OFPRA la saisit de conclusions contestant cette qualité.

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Information et participation du public aux projets ayant une incidence sur l’environnement

Par deux arrêts, le Conseil d’État donne la portée de plusieurs dispositions relatives à l’information et à la participation des citoyens aux décisions en matière d’environnement.

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Focus sur la titularité des droits d’auteur d’une œuvre photographique

Les demandes de l’ayant droit d’un photographe de plateau sont rejetées, car il existe un doute sérieux quant à la paternité de la photographie revendiquée représentant un portrait du chanteur Tino Rossi, lors du tournage du film Les lumières de Paris intervenu dans les années 1930.

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Chronique d’arbitrage : l’art de l’esquive en matière de corruption

Plus de sept ans après le dernier important arrêt de la Cour de cassation en matière de corruption (Civ. 1re, 12 févr. 2014, n° 10-17.076, Schneider, D. 2014. 490 image ; ibid. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2541, obs. T. Clay image ; JCP 2014. 782, note D. Mouralis ; ibid. 777, concl. P. Chevalier ; Procédures 2014, n° 4, comm. 107, p. 22, note L. Weiller ; Rev. arb. 2014. 389, note D. Vidal), celle-ci laisse passer une occasion d’affirmer sa doctrine, là où celle de la cour d’appel de Paris a considérablement évolué. Pour autant, l’arrêt Alstom (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769) est loin d’être dénué d’intérêt. Il faudra encore attendre un peu – quelques semaines peut-être – pour en savoir plus. Au-delà de cette décision, plusieurs arrêts méritent l’attention du lecteur. Les arrêts Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834) et Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625) portent sur les questions de compétence fondée sur un traité bilatéral d’investissements. Elles sont de nature à rassurer les praticiens inquiets depuis plusieurs mois de la position française en la matière. À propos de l’obligation de révélation, c’est l’arrêt National Highway Authority (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071) qui suscitera l’intérêt, en contribuant à fixer (lentement) le régime sur cette question. Bref, de beaux arrêts qui réjouiront les observateurs. Néanmoins, la présente livraison ne pouvait être trop belle et est gâchée par une nouvelle intervention de la Cour de justice (CJUE, 26 oct. 2021, aff. C-109/20, PL Holdings).

I. L’arrêt Alstom

La saga Alstom est connue des spécialistes de l’arbitrage, tant elle a été commentée et est au cœur d’une évolution jurisprudentielle cruciale.

La société française Alstom transport et la société anglaise Alstom Network (Alstom) ont conclu plusieurs contrats de consultant avec la société chinoise de Hong Kong Alexander Brothers. Alstom a remporté auprès du ministère chinois des Chemins de fer tous les appels d’offres en vue desquels les contrats de consultant avaient été signés, mais elle a refusé de payer le solde des commissions dû pour deux de ces contrats et de verser tout paiement pour un troisième, prétextant un risque pénal pour des versements qui servaient peut-être à corrompre des agents publics. La société Alexander Brothers a introduit une procédure d’arbitrage devant la Chambre de commerce internationale (CCI). Une sentence condamnant Alstom à payer, sur le fondement du droit suisse applicable, le solde des commissions dues au titre de deux contrats a été rendue à Genève.

Saisie d’une demande d’exequatur, la cour d’appel de Paris a répondu en deux arrêts successifs et a refusé l’exequatur (Paris, 28 mai 2019, n° 16/11182, Alstom (2nd arrêt), Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; ibid. 2435, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2019. 850, note E. Gaillard ; 10 avr. 2018, n° 16/11182, Alstom (1er arrêt), D. 2018. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard ; Cah. arb. 2018. 465, note A. Pinna). Elle a identifié une méthodologie du contrôle des allégations de corruption de l’ordre public international.

Pour mémoire, en voici les principaux traits. Premièrement, l’intensité du contrôle ne nécessite plus une violation flagrante de l’ordre public international, le contrôle étant réalisé en droit et en fait sur tous les éléments. Deuxièmement, la mauvaise foi ne fait pas obstacle à la discussion d’un argument relatif à la corruption, pas plus que le défaut de présentation du moyen devant le tribunal arbitral. Troisièmement, la reconnaissance ou l’exécution de la sentence ne doit pas avoir pour effet de permettre l’exécution d’un contrat de corruption. Quatrièmement, peu importe si les faits ont été pénalement qualifiés ou non par une juridiction pénale. Cinquièmement, c’est à travers un faisceau d’indices (des red flags à la française) et le caractère suffisamment grave, précis et concordant de ceux-ci que porte la discussion. L’arrêt du 10 avril 2018 donne une liste exhaustive des indices susceptibles de retenir l’attention.

Tous les ingrédients étaient réunis pour que la Cour de cassation rende une solution de principe – un grand arrêt – d’autant qu’elle était saisie d’un pourvoi de près de cinquante pages, articulé en trois moyens de trois, huit et une branches. C’est donc avec un certain étonnement, pour ne pas dire une légère déception, que la décision livrée est un pur arrêt d’espèce, rendue en formation restreinte présidée par le conseiller doyen (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769). La montagne a-t-elle accouché d’une souris ?

Pour le savoir, il convient de s’intéresser aux motifs de la cassation. Elle est prononcée au visa d’un principe : « vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». C’est une cassation pour dénaturation qui est prononcée (M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier et J. Buk Lament, La technique de cassation, 9e éd., Dalloz, coll. « Méthodes du droit », 2018, p. 230). La dénaturation peut porter sur un contrat, sur les preuves, ou encore sur les conclusions. En l’espèce, elle concerne la transcription de l’audience arbitrale (le transcript). Pour l’essentiel, il était considéré par la cour d’appel que la gérante du consultant avait refusé de répondre aux questions posées lors des débats. À l’inverse, le transcript fait état de diverses réponses.

Que peut-on tirer d’une telle décision ? Rien, en apparence. Les spécialistes de la procédure de cassation soulignent que « les arrêts sanctionnant une telle dénaturation, purement “disciplinaire”, ne présentent strictement aucun intérêt sur plan du fond du droit » (M.-N. Jobard-Bachellier et al., op. cit., p. 125).

Pour autant, on peut constater que les transcripts sont élevés au rang des éléments susceptibles de faire l’objet d’un contrôle de la dénaturation. Le constat est loin d’être dénué d’intérêt. Comme éléments de preuves, il est loin d’être anormal qu’ils fassent l’objet d’un tel contrôle. Reste qu’ils sont établis au moment du procès arbitral. D’un point de vue chronologique, ils ne datent donc pas de l’époque des faits de corruption, mais de l’instance arbitrale à l’occasion de laquelle ces faits sont discutés. De plus, il n’existe aucun formalisme relatif aux transcripts. Rien n’impose d’y recourir et, lorsqu’il en est décidé autrement, aucune forme n’est prédéfinie. Il en résulte une diversité de pratique, aussi bien sur le support de l’enregistrement (audio ou écrit) que sur l’exhaustivité de la retranscription (en particulier à l’écrit ; l’audio soulève plutôt des difficultés quant au caractère audible de l’enregistrement). En conséquence, les praticiens doivent prendre conscience de l’importance de cet élément : d’une part, en étant vigilant au moment de sa constitution (en soulignant certains points à l’audience et en faisant une relecture attentive du transcript ensuite) ; d’autre part, en s’intéressant de façon sérieuse à la plus-value de cette retranscription dans le cadre du recours. Rien que pour cela, l’arrêt mérite d’être signalé.

Cela dit, l’arrêt soulève une question qui est, de notre point de vue, beaucoup plus sérieuse. Dans la présente affaire, on ne connaît pas la taille précise du transcript, mais il atteint au moins les 180 pages en version anglaise (et 130 en version française). Pour le dire simplement, c’est long. La Cour de cassation pose un véritable défi à la cour d’appel : comment réaliser son office face à des dossiers volumineux et complexes sans commettre une dénaturation ?

Le problème ne doit pas être sous-estimé. D’un côté se trouvent les parties au litige et le dossier qui les oppose. Chacune des parties est représentée par les meilleurs cabinets d’avocats, au sein desquels des dizaines de personnes peuvent travailler sur un même dossier. À l’occasion de l’arbitrage, des mémoires volumineux ont été produits, des wagons de pièces ont été échangés, des audiences-fleuves ont eu lieu. Tout ce qui a été dit et/ou produit à l’occasion de l’instance arbitrale et l’est à nouveau à l’occasion du recours peut faire l’objet d’une dénaturation. Très concrètement, il n’y a aucune raison, lorsque la cour d’appel est conduite à se prononcer sur des faits de corruption, que le débat soit moins riche devant elle qu’il ne l’a été devant le tribunal arbitral. Pourquoi les parties s’en priveraient-elles alors que, disons-le clairement, la cour rejuge cette question de fond ? Ainsi, les parties se présentent devant le juge français avec un dossier dont elles maîtrisent toutes les subtilités. De l’autre côté se trouve la cour d’appel de Paris. En dépit de ses moyens pharaoniques, elle ne dispose que de trois juges (dans sa formation internationale) et d’une poignée de juristes-assistants pour faire face à la masse des recours.

C’est un combat à armes inégales qui se profile sur les questions de corruption. D’un côté, la cour d’appel, aux moyens humains insuffisants pour faire face à de tels dossiers et sur laquelle pèse l’épée de Damoclès de la dénaturation. De l’autre, des parties disposant d’une batterie de conseils connaissant parfaitement le dossier (notamment lorsqu’elles l’ont suivi pendant l’arbitrage) et en mesure de passer le temps qu’il faut pour identifier la moindre dénaturation.

Au final, dans cet arrêt de la Cour de cassation, c’est bien la souris qui a accouché d’une montagne.

Disons-le d’emblée : il nous semble qu’en l’état actuel de ses moyens et au regard du nombre de dossiers dans lesquels figurent des problématiques de corruption (ou autres infractions, en particulier blanchiment), la cour d’appel de Paris n’est pas outillée pour répondre aux attentes de la Cour de cassation.

Reste à savoir s’il est possible de trouver une voie pour ne pas renoncer à son contrôle sans imploser face à l’afflux de dossiers. Une piste mérite d’être explorée. De plus en plus d’arbitres prennent très au sérieux les allégations de corruption et réalisent un examen minutieux des circonstances avant de rendre une décision longuement réfléchie. À notre avis, il ne serait pas interdit, au regard de la nature du recours contre les sentences, de partir du raisonnement de l’arbitre. Le premier travail du juge ne serait donc pas de s’intéresser directement aux allégations de corruption pour se faire sa propre opinion, mais d’examiner le travail de l’arbitre. Dès lors, de deux choses l’une : soit la décision de l’arbitre a été rendue à la suite d’un débat riche et d’une motivation solide ; soit le travail est insuffisant ou inexistant (notamment, car le moyen n’avait pas été invoqué). Dans la première hypothèse, le juge ne réaliserait pas de contrôle, considérant que celui de l’arbitre est suffisant. Dans la seconde, le juge reprendrait l’examen complet des allégations, selon les critères de la jurisprudence Alstom et sous le contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation.

Une telle solution présente plusieurs avantages. D’abord, il faut rappeler que nous ne sommes pas ici dans le domaine de la certitude, mais dans celui des incertitudes et des indices. Rien n’est blanc ou noir et la décision de l’arbitre ou du juge sera toujours sujette au doute. Ensuite, il s’agit de faire confiance à celui qui a passé du temps pour éplucher un dossier. À cet égard, l’arbitre est supérieur au juge étatique, les moyens de l’un et de l’autre étant sans comparaison. Or la doctrine a pu regarder d’un œil inquiet certaines décisions étatiques sur ces questions, à l’occasion desquelles la motivation semblait un peu légère. Enfin, une telle solution rétablit l’équilibre entre les sentences sanctionnant la corruption et celles écartant la corruption. En effet, à l’heure actuelle, les premières ne sont jamais réexaminées, là où les secondes le sont systématiquement. Il y a un déséquilibre : dans un cas (les allégations sont retenues), il suffit de gagner une fois (devant l’arbitre ou le juge) pour que la décision soit définitive ; dans l’autre (les allégations sont rejetées), il convient de l’emporter deux fois (devant l’arbitre et devant le juge) pour que la décision soit définitive. En s’intéressant au travail de l’arbitre, on rapproche le traitement des sentences, quelle que soit la solution, tout en conservant une soupape de sécurité pour les cas problématiques.

Naturellement, on pourra dire qu’un tel recul de l’office du juge emporte le risque d’une intégration dans l’ordre juridique français de sentences qui pourraient ignorer des faits de corruption. On répondra néanmoins qu’une décision rendue trop hâtivement et emportant annulation ou refus d’exequatur d’une sentence au motif que des soupçons de corruption existent est un déni de justice, qui est lui aussi une atteinte à l’ordre public international. Sur ces questions très sensibles, le moins que l’on doive aux parties est un procès sérieux et complet, pas une décision au doigt mouillé. En l’occurrence, ce sont les arbitres, plus que la cour d’appel de Paris, qui sont en mesure de le connaître.

Il n’est d’ailleurs pas indifférent de constater que, dans l’arrêt Aboukhalil, la cour d’appel de Paris adopte une démarche relativement proche de celle qui vient d’être proposée (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Pour examiner un grief portant sur la contrariété à l’ordre public international d’une sentence arbitrale en raison d’une opération de complicité d’enrichissement illicite et de blanchiment, la cour revient longuement sur le raisonnement retenu par le tribunal arbitral (§ 107 s.). La cour ne se limite pas à son propre examen des griefs ; elle reprend à son compte la motivation du tribunal arbitral sans la démentir. Pour écarter le moyen tiré de la violation de l’ordre public international, elle retient l’existence d’éléments « précis et concordants » de l’absence d’infraction pénale (§ 119) et, à l’inverse, refuse d’examiner un à un tous les éléments présentés par le requérant (§ 120). D’un point de vue méthodologique, il en résulte que la cour trace une voie intermédiaire entre un examen de novo des allégations de blanchiment et une absence totale de contrôle. Elle préfère se fonder sur le raisonnement du tribunal arbitral tout en ajoutant des éléments qu’elle juge pertinents. L’arrêt Global Voice s’inscrit également dans cette logique (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531, § 87 s.). La cour achève son raisonnement par une formule très révélatrice et qui, de notre point de vue, doit être suivie : « Il ressort ainsi tant du contrôle auquel le tribunal arbitral s’est livré, comme il lui incombait à juste titre de le faire, que de l’analyse de chacun des indices pris séparément et dans leur ensemble, que les agissements allégués ne caractérisent pas des indices graves, précis et concordants susceptibles de conduire à une annulation de la sentence pour méconnaissance de l’ordre public international ». C’est une voie qui paraît viable au regard des exigences désormais posées par la Cour de cassation dans l’arrêt Alstom.

On dira un mot supplémentaire sur l’arrêt Global Voice (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531), au cours duquel des allégations de corruption étaient soumises au juge. La cour opère une distinction intéressante, et potentiellement fructueuse pour les praticiens. Elle estime que les preuves rapportées concernent un avenant au contrat et constate que le tribunal arbitral n’a prononcé aucune condamnation sur le fondement de celui-ci. La solution est importante, car elle invite à ne pas retenir une approche globale de la corruption, mais une approche fine. Tel un chirurgien, il est possible d’extraire les cellules cancéreuses afin de préserver les cellules saines. Ce faisant, un tribunal arbitral peut donner effet à des obligations qui ne sont pas touchées par la corruption ! Par ailleurs, la cour rejette les allégations résiduelles de corruption (celles touchant les obligations dont l’exécution est ordonnée par la sentence). Si elle considère que les indices apportés sont insuffisants, elle retient, une nouvelle fois, un indice négatif dans l’absence de poursuites pénales des faits par les autorités publiques (v. égal. Paris, 25 mai 2021, n° 18/27648, Cengiz, Dalloz actualité, 18 juin 2021, obs. J. Jourdan-Marques).

II. La clause compromissoire

L’articulation entre les articles 2061 du code civil et L. 721-3 du code de commerce est loin d’être évidente. Il n’est pas rare de partir du principe que le second constitue une disposition anecdotique dont on pourrait se dispenser. Deux raisons expliquent ce désintérêt. Premièrement, l’article 2061 du code civil pose un principe général de validité de la clause compromissoire. Il paraît donc inutile de le réaffirmer en matière commerciale, là où il devrait poser le moins de difficultés. Deuxièmement, l’article L. 721-3 du code de commerce n’a pas vocation à s’appliquer en matière internationale, bien que cela n’ait jamais été, à notre connaissance, jugé. C’est la logique de l’arrêt Dalico.

Pour autant, on aurait tort de penser qu’il faut se désintéresser de l’article L. 721-3 du code de commerce. Rappelons que la Cour de cassation a jugé que cet article « prévoit des dispositions particulières qui figurent au nombre de celles visées par l’article 2061 du code civil » (Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 13-11.568, D. 2015. 56 image, note B. Dondero image ; ibid. 2014. 2541, obs. T. Clay image ; AJCA 2015. 74, obs. M. Boucaron-Nardetto image ; RTD com. 2016. 66, obs. E. Loquin image ; JCP 2014. 2011, obs. B. Le Bars ; Gaz. Pal. 2014, n° 335, p. 18, obs. B. Dondero ; BMIS 2014, n° 12, p. 685, J.-J. Barbieri ; RLDC 2015, n° 122, p. 17, C. Le Gallou ; Procédures 2015, n° 2, p. 29, L. Weiller ; JCP E 2015, n° 16, p. 28, note M. Caffin-Moi). Autrement dit, les dispositions du code de commerce sont des règles spéciales dérogeant à celles du code civil. C’est en suivant cette logique que l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés a opéré une modification de l’article L. 721-3 du code de commerce (J.-D. Pellier, Réforme du droit des sûretés [Saison 2, épisode 1] : le cautionnement [dispositions générales], Dalloz actualité, 20 sept. 2021). Partant du principe que l’article 2061 du code civil est sans effet, il a été ajouté au dernier alinéa de l’article L. 721-3 du code de commerce une nouvelle exception : « lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci ». Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et ne sera applicable, conformément à l’article 37, II, de l’ordonnance, qu’aux cautionnements conclus à partir de cette date. Cette disposition bénéficiera aux cautionnements internes. En revanche, elle ne devrait pas être étendue aux cautionnements internationaux (sauf à y voir une règle impérative du droit français).

Cette question est complexifiée par l’irruption du principe de compétence-compétence, comme dans une affaire récente (Paris, 14 sept. 2021, n° 21/03556). La clause figure dans une convention de participation ayant pour objet l’acquisition de parts sociales de plusieurs sociétés, dont une commerciale faisant l’objet d’une prise de contrôle. Une partie prétend ne pas avoir contracté à titre professionnel. Elle se prévaut de l’ancien article 2061 du code civil pour faire valoir la nullité de la clause. L’autre considère que, s’agissant d’un acte de commerce, l’article L. 721-3 du code de commerce prime. La cour juge, dans la droite ligne de l’arrêt du 22 octobre 2014, que le second est un texte spécial, alors que le premier est un texte général. En conséquence, la commercialité de l’acte est susceptible de faire échec à l’absence d’activité professionnelle d’un des contractants.

Une fois que cela est dit, il faut bien admettre que l’on est embêté pour déterminer si la cour peut examiner la qualification d’acte de commerce. Répondre positivement revient à accepter une entorse au principe de compétence-compétence. Répondre négativement emporte un risque de voir des parties se prévaloir de façon opportuniste de la commercialité de la convention dans l’espoir de renvoyer à un tribunal arbitral. À peu de choses près, la question se pose de façon identique à propos du critère de l’exercice d’une activité professionnelle : le juge peut-il réaliser cette qualification ? Dans ce deuxième cas de figure, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos de retraités, que ceux-ci n’exerçaient « plus aucune activité professionnelle, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que les contrats n’ont pas été conclus en raison d’une activité professionnelle au sens de l’article 2061 du code civil, de sorte que la clause compromissoire était nulle et de nul effet » (Civ. 1re, 29 févr. 2012, n° 11-12.782, Dalloz actualité, 6 mars 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 1312, obs. X. Delpech image, note A.-C. Rouaud image ; ibid. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2012. 359, note M. de Fontmichel ; JCP 2012. Act. 310, obs. J. Béguin ; JCP E 2012. 1314, note J. Monéger ; ibid. 2012. 1498, obs. J. Ortscheidt ; Procédures 2012, n° 4, p. 21, obs. L. Weiller ; LPA 2012, n° 102, p. 11, note V. Legrand ; ibid. n° 135, p. 7, note A.-S. Courdier-Cuisinier ; ibid. n° 187, p. 14, note E. Faivre). Elle n’a pas hésité à se départir du principe de compétence-compétence pour déclarer la clause nulle.

C’est cette logique que suit la cour d’appel : elle tranche la question de la commercialité de la convention pour décider de renvoyer à l’arbitrage. Ainsi, à ce stade, la jurisprudence s’émancipe du principe de compétence-compétence pour vérifier le caractère professionnel de l’activité ou le caractère commercial de l’acte. Il n’est pas sûr qu’il faille s’en émouvoir.

La question que l’on pourrait néanmoins se poser est de savoir s’il serait possible de traiter ces deux questions différemment : accepter la vérification de l’activité professionnelle, mais refuser de contrôler la commercialité. À notre avis, non. En effet, réaliser une telle distinction inciterait les parties à invoquer la commercialité pour échapper au contrôle du juge sur l’activité professionnelle (le juge serait obligé de renvoyer à l’arbitre en cas de doute sur la commercialité, alors que l’absence d’activité professionnelle est établie). Ce ne serait pas satisfaisant. La vérification par le juge que l’on est bien en présence d’un acte de commerce est une condition à la bonne mise en œuvre de l’article 2061. Mais alors, un nouveau doute surgit. La solution de la Cour de cassation du 22 octobre 2014 a été rendue à une époque où 2061 et L. 721-3 du code de commerce portaient, l’un et l’autre, sur la validité de la clause compromissoire. Désormais, l’article 2061, alinéa 2, ne concerne plus la validité de la clause, mais son opposabilité. Question distincte, donc. Dès lors, l’article L. 721-3 du code de commerce doit-il être considéré comme dérogatoire à l’alinéa 2 de l’article 2061 du code civil ? Rien n’est moins sûr, d’autant que le nouvel article 2061 ne contient pas la réserve des « dispositions législatives particulières ». À ce titre, l’ordonnance du 15 septembre pourra être utilisée comme argument pour convaincre du fait que le rapport du général au spécial persiste. Mais était-ce une bonne idée ? Ne faudrait-il pas, une bonne fois pour toutes, abroger l’article L. 721-3 du code de commerce ?

III. Le principe compétence-compétence

Les décisions rendues en matière de principe compétence-compétence sont toujours aussi nombreuses. Les lecteurs assidus de cette chronique savent que le principe fait l’objet d’une appréciation variable selon les juridictions saisies. Difficile de savoir si celle-ci s’explique par une méconnaissance du droit de l’arbitrage ou un refus conscient d’en faire application.

Le principe est fixé à l’article 1448 du code de procédure civile qui, en présence d’une clause compromissoire, interdit au juge judiciaire de connaître de sa compétence ou de celle de l’arbitre, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste. La clé réside dans le mot « manifeste », qui fait l’objet d’un assaisonnement local. Deux arrêts de la cour d’appel de Paris montrent comment être bon élève. Dans le premier, la cour constate que le demandeur revendique sa qualité d’assuré même s’il n’est pas signataire du contrat d’assurance. Cela suffit à renvoyer les parties à l’arbitrage pour permettre à l’arbitre de se prononcer sur sa compétence (Paris, 21 sept. 2021, n° 21/01271). Simple. Dans le deuxième, l’action concernait une rupture brutale des relations commerciales établies. La cour constate que la clause vise un litige « découlant ou en relation avec la commande » et estime qu’un simple examen prima facie ne permet pas de dire si elle est manifestement inapplicable. En conséquence, elle renvoie aux arbitres (Paris, 29 sept. 2021, n° 20/18243). Basique.

Un troisième arrêt apporte des réponses à des questions un peu plus complexes (Paris, 20 oct. 2021, n° 21/06054). D’une part, il rappelle qu’en présence d’un ensemble contractuel indivisible où figurent des clauses différentes (voire des absences de clause), il convient tout de même de renvoyer à l’arbitrage. D’autre part, il rejette l’argument de l’impécuniosité des parties et la prétendue violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme au motif qu’« il revient aux acteurs de l’arbitrage d’écarter tout risque de déni de justice en permettant l’accès du justiciable au tribunal arbitral, quels que soient ses moyens financiers ». L’impécuniosité n’est donc toujours pas une situation permettant d’éviter un renvoi devant les arbitres (sur le contrôle au stade du recours contre la sentence, v. infra).

À l’inverse, d’autres juridictions adoptent des interprétations plus libres du principe de compétence-compétence. C’est le cas de celle qui, en présence de deux pactes d’associés, considère que la clause contenue dans l’un est manifestement inapplicable aux litiges impliquant le second (Aix-en-Provence, 23 sept. 2021, n° 21/01407). Pour motiver sa décision, la cour passe par une longue démonstration qui devrait, à elle seule, suffire à établir que l’inapplicabilité de la clause est tout sauf manifeste. Quand bien même la cour a peut-être raison sur le fond, d’autant que le deuxième pacte contient une clause attributive de juridiction, la priorité revient au tribunal arbitral, auquel il est nécessaire de renvoyer.

C’est encore le cas dans une décision de la cour d’appel de Lyon (Lyon, 14 oct. 2021, n° 21/01459). La clause compromissoire figure dans un contrat entre un entrepreneur principal et un sous-traitant. D’abord, la cour estime qu’« en présence de clauses contradictoires, il appartient au juge de rechercher l’intention commune des parties par application de l’article 1188 du code civil », alors que cette vérification revient en priorité aux arbitres. Ensuite, pour écarter la clause figurant dans le contrat de sous-traitance, elle se fonde sur la loi n° 75-1334 du 13 décembre 1975, relative à la sous-traitance. Elle explique que, parce qu’il existe une action directe contre le maître d’ouvrage – un tiers au contrat et au litige – la clause compromissoire figurant dans le contrat de sous-traitance doit être écartée (le lecteur pourra relire deux fois la phrase, qui ne contient aucune erreur). Elle ajoute que la sentence arbitrale qui serait rendue sur le litige entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant serait inopposable au maître de l’ouvrage, ce qui est tout simplement faux. Un tel arrêt illustre une fois de plus la méconnaissance du droit de l’arbitrage au-delà de certaines juridictions spécialisées.

IV. Les recours contre les sentences arbitrales

A. Aspects procéduraux du recours

1. L’internationalité de l’arbitrage

Depuis quelque temps, nous avons fait part à nos lecteurs du recul progressif de l’internationalité au profit d’une « internité » de l’arbitrage (v. notre comm. sur l’arrêt Aurier, Paris, 8 juin 2021, n° 19/02245, Dalloz actualité, 17 sept. 2021). La tendance se confirme avec l’arrêt Léa Nature (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/05842), rendu par la formation interne de la 5-16. Le caractère interne d’un contrat de cession d’action était contesté. Pour l’établir, la cour retient que « le contrat du 10 janvier 2014 porte sur la cession d’actions de la société de droit français, Alpha Nutrition, ayant son siège dans la commune de La Seauve-sur-Semene, à une autre société de droit français, le groupe Léa Nature, ayant son siège à Perigny. L’opération économique s’est donc dénouée uniquement en France ». Jusque-là, le raisonnement est rigoureux. Il y a toutefois un bémol. Les défendeurs au recours, qui sont les cédants dans le contrat de cession, ont fait valoir qu’ils résident en Espagne et que les chèques y ont été encaissés. La cour tient cet élément pour indifférent. Elle précise que peu importe « que les cédants soient de nationalité espagnole et domiciliés en Espagne et peu important que les chèques, émis en France et tirés sur une banque française, aient été encaissés en Espagne ». Il faut bien admettre que c’est pousser très loin de reflux de l’internationalité du litige que de considérer que dans un contrat, la situation de l’un des cocontractants est indifférente à la détermination du caractère interne ou international de l’arbitrage. Dans une conception classique de l’internationalité, le fait pour l’une des parties au contrat de recevoir son paiement dans un État étranger ne devrait laisser aucun doute sur la solution. Comment, à défaut, caractériser le fameux mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières ? Il est sans doute temps de remettre cette question à plat !

2. Les conséquences de l’annulation d’une sentence interne

Lorsqu’une sentence arbitrale rendue dans un arbitrage interne est annulée, l’article 1493 du code de procédure civile prévoit que la cour « statue sur le fond dans les limites de la mission de l’arbitre, sauf volonté contraire des parties ». Le plus souvent, à défaut de précision dans les conclusions, elle renvoie les parties à une audience ultérieure afin de préciser leur volonté. Dans l’affaire Oc’Via 2 (Paris, 26 oct. 2021, n° 19/07103, [formation interne], le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours), après avoir annulé la sentence, la cour précise que « les parties sont donc invitées à indiquer à la cour si elles entendent, notamment, rechercher une solution transactionnelle au litige, demander la désignation d’un médiateur ou saisir un tribunal arbitral. À défaut, la cour statuera sur le fond ». La formule est nouvelle et illustre une préférence manifeste de la cour à ce que le litige soit résolu autrement que par ses soins. Elle n’est guère étonnante et s’inscrit dans une tendance lourde de la justice étatique à inciter les parties à résoudre les différends hors les murs du tribunal.

3. La mention des irrecevabilités dans le dispositif des conclusions

Nous avions déjà eu l’occasion d’alerter les praticiens sur un danger à l’occasion de l’arrêt Dommo (Paris, 25 févr. 2020, Dommo, nos 19/07575 et 19/15816 à 19/15819, Dalloz actualité, 27 avr. 2020, obs. C. Debourg ; ibid., 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image ; JCP 2020. 870, note M. de Fontmichel ; Rev. arb. 2020. 501, note L. Jaeger ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller) : il appartient aux parties de dissocier dans le dispositif de leurs conclusions les moyens tirés de l’irrecevabilité du grief de ceux tirés de son mal-fondé (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071). Cette obligation résulte de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile. À défaut, les moyens sont irrecevables. En arbitrage, cela impose de faire apparaître de façon distincte au sein du dispositif ce qui relève d’une renonciation à se prévaloir du grief et ce qui relève du fond.

B. Aspects substantiels du recours

1. La compétence

a. La compétence fondée sur un traité bilatéral d’investissements (TBI)

Cela fait plusieurs années que Paris est désigné comme siège pour des arbitrages en matière d’investissements. Ce choix est une récompense pour le droit français et sa jurisprudence, régulièrement loués pour leurs qualités. Pourtant, les nuages n’ont cessé de s’accumuler au-dessus de la place parisienne. La faute, d’une part, à des choix malvenus, notamment celui de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Komstroy (CJUE 2 sept. 2021, aff. C-741/19, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; JCP 2021. 1849, note M. Barba et C. Nourissat). La faute, d’autre part, à des analyses parfois abruptes et, par conséquent, discutables, conduisant à des annulations de sentences. Il n’en fallait pas plus pour que l’on s’inquiète pour un droit français qui, subitement, toussotait.

Il est trop tôt pour dire si cet épisode est un mauvais souvenir. Reste que, par deux décisions, la cour d’appel rassure et met du baume aux cœurs des défendeurs de Paris comme siège de l’arbitrage. Les arrêts Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834) et Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625) sont donc importants à ce titre. Ils le sont, d’abord, parce qu’ils ne remettent pas en cause la compétence du tribunal arbitral, ce qui est naturellement un motif de satisfaction. Ils le sont surtout car, d’un point de vue méthodologique, le raisonnement de la cour semble arriver à maturation. C’est évidemment de cela que l’on se réjouira. En effet, il ne s’agit pas de plaider pour une faveur aveugle à l’arbitrage. Il s’agit en revanche de prôner un contrôle à la hauteur de l’enjeu. C’est ce vers quoi l’on semble désormais tendre.

D’un point de vue méthodologique, la grande idée de la cour est que le contrôle de la compétence fondée sur un TBI doit être identique au contrôle de la compétence fondée sur une clause compromissoire stipulée dans un contrat. Il s’agit là de la concrétisation d’une idée que l’on voit déjà depuis longtemps dans les arrêts, selon laquelle « il n’en va pas différemment lorsque les arbitres sont saisis sur le fondement d’un traité » (§ 22 de l’arrêt Nurol). Il en résulte que, comme en matière commerciale, l’examen de la compétence est « plein », c’est-à-dire que le juge recherche en droit et en faits tous les éléments permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage (§ 21 de l’arrêt Aboukhalil et § 22 de l’arrêt Nurol). Sont ainsi étendues à l’arbitrage d’investissements les jurisprudences Plateau des pyramides (Paris, 12 juill. 1984, Égypte c. SPP, Rev. arb. 1986. 75 ; JDI 1985. 129, note B. Goldman ; Civ. 1re, 6 janv. 1987, SPP c. Égypte, Rev. arb. 1987. 469, note P. Leboulanger ; JDI 1987. 638, note B. Goldman) et Abela (Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 08-20.563, Abela, Dalloz actualité, 18 oct. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2441, obs. X. Delpech image ; ibid. 2933, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2011. 85, note F. Jault-Seseke image ; Rev. arb. 2010. 813, note F.-X. Train ; JCP 2010. 1028, note P. Chevalier ; ibid. 1286, obs. J. Ortscheidt ; Gaz. Pal. 8 févr. 2011. 14, obs. D. Bensaude). Dans la même logique, la cour accepte d’examiner les moyens nouveaux pour contester la compétence du tribunal arbitral (§ 39 de l’arrêt Aboukhalil), sur le fondement de la jurisprudence Schooner (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-15.396, Schooner, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2456 image ; ibid. 2021. 1832, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; Procédures 2021, n° 2, p. 24, obs. L. Weiller ; Rev. arb. 2021. 419, note P. Duprey et M. Le Duc). Malgré tout le mal que l’on continue de penser de cette jurisprudence, la solution est cohérente.

Toutefois, l’essentiel d’un point de vue méthodologique n’est pas là. Il se situe dans la transposition des jurisprudences Gosset-Hecht-Dalico à l’arbitrage d’investissements. Si cette évolution était déjà perceptible, le virage est désormais acté.

La première idée est celle de l’autonomie matérielle de la clause compromissoire. Dans la lignée de la jurisprudence Gosset, la cour juge que, « lorsque la clause d’arbitrage résulte d’un traité bilatéral d’investissements, l’offre permanente d’arbitre est autonome et indépendante de la validité de l’opération qui a donné naissance à l’investissement ou qui la soutient » (§ 55 de l’arrêt Aboukhalil et § 57 de l’arrêt Nurol). La transposition n’est évidemment pas parfaite, mais il s’agit bien de ne pas contaminer la compétence arbitrale par un vice qui affecterait non pas le contrat mais l’investissement.

La deuxième idée est celle de l’autonomie juridique de la clause compromissoire. Dans l’arrêt Nurol, la cour juge « qu’un investissement doit être réalisé en respectant les lois et règlements de l’État hôte, et non que l’investissement doit être défini par les lois et règlements de l’État hôte. La volonté des parties est bien de soumettre l’investissement à une exigence de légalité et non de conformité » (§ 76 de l’arrêt Nurol). La cour soustrait largement la définition de l’investissement aux lois étatiques, ce qui s’inscrit dans la logique des jurisprudences Hecht et Galakis.

La troisième idée, la plus fondamentale, est celle qui convient de rechercher la commune volonté des parties, laquelle est appréciée au regard de l’ensemble des dispositions du traité (§ 25 de l’arrêt Aboukhalil et § 53 de l’arrêt Nurol). C’est, cette fois, la logique de l’arrêt Dalico. L’examen réalisé conduit à vérifier la compétence du tribunal arbitral selon le triptyque champ d’application ratione materiae, ratione personae et ratione temporis. Ainsi, le contrôle de la compétence du tribunal arbitral en matière d’arbitrage d’investissement est une question de fait, qui suppose de s’atteler à l’analyse du traité. La précision peut paraître inutile. Elle ne l’est en réalité pas du tout. La conséquence est de ne pas figer les solutions, qui peuvent varier selon la rédaction des traités. Les solutions posées par les arrêts ne sont donc pas universelles, la cour précisant par exemple dans l’arrêt Aboukhalil qu’elle vaut « contrairement à d’autres instruments internationaux » (§ 37). Cette démarche doit être saluée : il existe plusieurs modèles de traités et plusieurs générations de traités. Le juge doit prendre la mesure de cette diversité, comme il l’a prise depuis longtemps concernant les clauses compromissoires. Cette analyse factuelle est guidée par un principe directeur : le souci de ne pas ajouter de conditions à celles prévues par le traité (par ex. § 37 ou § 43 de l’arrêt Aboukhalil).

La quatrième idée, la plus novatrice, se trouve dans l’arrêt Aboukhalil. Si la cour cite abondamment le TBI, elle prend également la peine de reproduire, à plusieurs reprises, certains passages de la sentence arbitrale (§ 28, § 34, § 50). Dans ce dernier paragraphe, c’est même le tribunal arbitral qui a la parole en dernier. La symbolique est forte. Elle est d’autant plus remarquable que la cour d’appel utilise la formule « a pu », ce qui, dans le langage de la Cour de cassation, renvoie à un contrôle léger. Cette façon de faire est nouvelle, en ce que le juge du recours réalise le plus souvent son examen de la compétence en toute indifférence pour le raisonnement du tribunal arbitral. Elle est bienvenue. En effet, même si le contrôle porte sur la compétence et non sur la sentence, rien n’interdit d’examiner la motivation des arbitres et, le cas échéant, de la suivre si elle est convaincante. Dans des domaines aussi riches que le droit des investissements, avec une multitude de traités et une diversité des sentences, il est dommage que le juge étatique se prive de la motivation des arbitres pour trancher la question de la compétence. Ce sillon mérite d’être creusé (v. not. J. Jourdan-Marques, Faut-il consolider Dalico ? Réflexion sur les règles matérielles relatives à la compétence arbitrale, Rev. arb., à paraître). L’arrêt Nurol, antérieur dans le temps, ne suit pas cette logique. En revanche, la cour y vise un de ses précédents arrêts rendus contre le défendeur et constate que l’État n’avait pas formulé le même moyen relatif à l’absence d’entrée en vigueur du traité bilatéral d’investissement (§ 39). Même si ce passage de la motivation peut être considéré comme surabondant, il est tout de même exceptionnel de voir la cour se prévaloir d’une sorte d’autorité positive de chose jugée de ses propres décisions. Elle est à tout le moins discutable, dès lors qu’elle interdit à une partie de faire évoluer son argumentation.

Une fois ce cadre établi, le débat peut rebondir sur une deuxième problématique. Il convient de se demander ce qui, au sein du traité, est un critère de compétence et, à l’inverse, ce qui doit être considéré comme extérieur à la compétence.

D’une part, il peut y avoir des hésitations entre la recevabilité et la compétence (personne n’a oublié la saga Rusoro, v. Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-11.551, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2021. 704 image ; JCP 2021. 1214, obs. P. Giraud). Dans l’arrêt Aboukhalil, la cour d’appel considère – et c’est logique – que les questions relatives à la faculté d’un binational de se fonder sur un traité d’investissements (ici, un Franco-Sénégalais agissant contre le Sénégal sur le fondement d’un traité conclu avec la France) sont des questions de compétence et pas de recevabilité (§ 22).

D’autre part, il peut y avoir des hésitations entre la compétence et le fond. C’est le cas sur la question de la légalité et de la licéité de l’investissement. S’agit-il d’une question de compétence, pouvant faire l’objet d’un contrôle par la cour d’appel ou d’une question de fond ? Dans un épisode précédent (Paris, 25 mai 2021, n° 18/27648, Cengiz, préc.), la cour avait tranché en faveur de la seconde branche et refusé d’exercer son contrôle. Les arrêts Aboukhalil et Nurol consolident cette solution tout en faisant évoluer le périmètre de l’intervention. La cour réitère l’existence d’une distinction entre licéité et légalité de l’investissement. La licéité de l’investissement est la plus facile à cerner : elle concerne d’éventuelles allégations de corruption. Elle est discutée dans l’arrêt Nurol. L’illégalité de l’investissement est plus floue. Elle vise le respect d’un certain nombre de conditions pour réaliser l’investissement. On retrouve ce moyen dans l’arrêt Aboukhalil. À ce stade jurisprudentiel, on peine à identifier l’intérêt de cette distinction. Elle présente d’ailleurs un risque de confusion. Par exemple, dans l’arrêt Nurol, alors que la question de la licéité est examinée, la cour laisse échapper une mention sur l’investissement « illégal » (§ 56 de l’arrêt Nurol). Le principal inconvénient est de se faire des nœuds au cerveau pour une distinction qui, au niveau du régime, n’emporte aucune conséquence.

En effet, sur les questions de régime, la cour fait évoluer son appréciation. Dans l’arrêt Cengiz, la légalité et la licéité échappaient à un contrôle sur le fondement de la compétence. Le régime n’était toutefois pas parfaitement identique, la légalité pouvant être vérifiée en présence d’une gravité particulière. Ce n’est plus le cas avec les arrêts Aboukhalil et Nurol.

Dans l’arrêt Aboukhalil, la cour énonce que les conditions d’application temporelle, personnelle et matérielle du traité « ne doivent pas conduire à priver l’exercice par le tribunal arbitral de son pouvoir juridictionnel et ainsi faire dépendre la compétence du tribunal ni de la recevabilité des demandes portées devant lui, ni de l’examen du bénéfice effectif de la protection substantielle à l’investissement litigieux, dont l’appréciation dépend uniquement d’une analyse au fond du litige » (§ 53). La précision est doublement importante : d’une part, elle signifie que, par principe, l’exigence de légalité n’est pas une condition de la compétence de l’arbitre ; d’autre part, quand bien même le traité laisse penser qu’il s’agit d’une question de compétence, il faudrait y voir une question de fond. La cour se dit prête à ignorer la formulation claire et précise d’un traité pour ne pas contrôler l’exigence de légalité de l’investissement sur le fondement de la compétence. Elle conclut que, « sous couvert d’un contrôle de la compétence, le juge de l’annulation ne peut, se substituer à l’arbitre pour apprécier la validité ou la régularité de l’investissement litigieux, qui ne relève que du seul fond du litige et non de l’appréciation de la compétence du tribunal arbitral pour en connaître » (§ 54). En définitive, contrairement à l’arrêt Cengiz, la cour écarte définitivement du champ du contrôle de la compétence les questions relatives à la légalité (§ 80 de l’arrêt Cengiz), laissant au tribunal arbitral les mains libres sur ces questions.

Le raisonnement de l’arrêt Nurol sur la licéité est, quant à lui, un quasi-copier-coller de l’arrêt Cengiz (comp. § 52 s. de Nurol et § 42 s. de Cengiz). Toutefois, la cour ajoute un nouveau paragraphe à sa motivation (§ 55) : « S’agissant de l’allégation de corruption au visa de l’article 1520, 1°, du code de procédure civile sur la compétence du tribunal arbitral dont la cour est saisie, le contrôle opéré par le juge de l’annulation sur ce moyen ne saurait priver les parties en amont et avant toute décision des arbitres sur le fond, du droit de soumettre leur litige à l’arbitrage, sauf si le vice allégué porte sur la seule compétence du tribunal arbitral lui-même, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ». L’essentiel ici concerne la réserve formulée. Elle semble devoir être interprétée comme l’hypothèse d’un grief de corruption concernant directement la compétence du tribunal. La formule est sibylline, mais il pourrait s’agir d’une hypothèse où le consentement à l’arbitrage de l’État a été obtenu à la suite d’un acte de corruption (v. égal. § 63 de la décision).

b. Les règles matérielles relatives à la compétence

La spécificité du droit français en matière de contrôle de la compétence tient à l’existence de règles matérielles. L’un des résultats de cette méthode est l’exclusion des lois nationales, françaises ou étrangères. C’est ce que rappelle la cour dans une affaire Global Voice (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531). Alors que le contrat contient une clause compromissoire institutionnelle, le requérant prétend que celle-ci doit céder devant une des dispositions de son code des marchés publics qui prévoit un arbitrage ad hoc. Le moyen n’avait aucune chance de prospérer. Pour l’écarter, la cour rappelle le principe bien connu selon lequel, « en vertu d’une règle matérielle du droit international de l’arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et son existence et son efficacité s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ». Examinant tout de même l’hypothèse du choix exprès des parties de faire régir la clause compromissoire par une loi nationale (laquelle résulte de la jurisprudence Uni-Kod, v. Civ. 1re, 30 mars 2004, n° 01-14.311, RTD com. 2004. 443, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2005. 959, note C. Seraglini ; JCP 2004. II. 10132, note G. Chabot ; S. Bollée, Quelques remarques sur la pérennité [relative] de la jurisprudence Dalico et la portée de l’article IX de la Convention européenne de Genève. À propos de l’arrêt Sté Uni-kod c. Sté Ouralkali, JDI 2006. 126), la cour souligne que la désignation d’une loi applicable au contrat n’est pas suffisante pour déroger à la règle matérielle. En conséquence, elle confirme l’applicabilité de la clause au litige et la compétence du tribunal arbitral constitué sous l’égide de la CCI.

Le plus souvent, la règle matérielle invite le tribunal arbitral et la cour d’appel à rechercher la volonté des parties, ce qui revient à examiner la clause compromissoire. C’était le cas dans un arrêt Freudenberger (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/23063). À titre liminaire, la cour précise que « le juge de l’annulation n’étant pas le juge de révision de la sentence, il ne lui appartient pas d’infirmer ou de confirmer les motifs de la sentence rendue sur cette question, mais d’apprécier au regard de la volonté des parties et de la convention d’arbitrage si le tribunal était compétent ». La formule n’est pas courante (v. toutefois Paris, 23 mars 2021, n° 18/05756, DS Construction, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques). En elle-même, elle n’est pas étonnante, la cour ayant toujours adopté, en matière de contrôle de la compétence, une approche indépendante de celle du tribunal arbitral. En l’espèce, la clause prévoyait que « les litiges seront réglés par la chambre arbitrale de Paris selon les règles ISF ». La difficulté est née de la perte de l’affiliation ISF par la CAIP. Il était donc nécessaire d’interpréter la clause pour savoir si la volonté des parties était de privilégier une institution ou des règles. Pour valider la sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral constitué sous l’égide de la CAIP, la cour retient que la clause ne vise pas spécifiquement les règles de procédure ISF, alors que le choix de la CAIP est explicite. Dès lors, elle fait prévaloir le choix de l’institution sur celui des règles.

Les règles matérielles du droit français de l’arbitrage ne se limitent pas à celle issue de l’arrêt Dalico. Il faut également compter sur des règles matérielles spéciales, indépendantes de la volonté des parties. Parmi elles, on trouve celle de l’extension de la clause compromissoire. Dans l’arrêt Global Voice, la question se pose à l’égard d’un État. La cour énonce « qu’une clause compromissoire insérée dans un contrat international est dotée d’une validité et d’une efficacité propres qui commandent d’en étendre l’application à une personne qui, bien que non expressément mentionnée comme “partie” au contrat dans lequel la clause d’arbitrage est incluse, est, selon la volonté commune des parties et les circonstances de la cause, directement impliquée dans l’exécution du contrat et intéressée aux bénéfices de ce contrat ». La formule est nouvelle. À première vue, elle ne fait que confirmer le principe d’extension de la clause aux parties impliquées dans l’exécution d’un contrat. Néanmoins, si l’on examine attentivement les critères posés, on remarque que la formule retenue renforce le flou entourant, depuis quelques années, la question de l’extension de la clause. Récemment, on avait pu signaler que trois règles cohabitaient (J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage : où va le contrôle étatique de l’arbitrage international ?, Dalloz actualité, 30 avr. 2021). La première, la plus exigeante, requiert de la part du tiers la connaissance et l’acceptation de la clause, fût-elle présumée (Paris, 23 juin 2020, n° 17/22943, Kout Food Group, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image ; Cah. Arb. 2020. 61, note P. Rosher ; Rev. arb. 2020. 701, note E. Gaillard ; JDI 2021. 153, note J.-B. Racine). La deuxième, intermédiaire, requiert simplement la connaissance, mais pas l’acceptation de la clause (Paris, 26 nov. 2019, n° 18/20873, Axa France IARD, Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; 26 févr. 2013, n° 11/17961, Rev. arb. 2014. 82, note P. Duprey et C. Fouchard). La troisième, la plus libérale, ne fait référence, comme dans le présent arrêt, ni à la connaissance ni à l’acceptation (Civ. 1re, 27 mars 2007, n° 04-20.842, D. 2007. 2077, obs. X. Delpech image, note S. Bollée image ; ibid. 2008. 180, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2007. 798, note F. Jault-Seseke image ; RTD civ. 2008. 541, obs. P. Théry image ; RTD com. 2007. 677, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2007. 785, note J. El-Ahdab ; JDI 2007. 968, note C. Legros ; LPA 2007, n° 192, note F. Parsy ; JCP 2007. II. 10118, note C. Golhen ; ibid. I. 168, § 11, obs. C. Seraglini ; ibid. I. 200, § 11, obs. Y.-M. Serinet ; LPA 2007, n° 160, note A. Malan ; Gaz. Pal. 21-22 nov. 2007. 6, note F.-X. Train ; CCC 2007. 166, note L. Leveneur). La règle de Global Voice ne s’inscrit dans aucune de ces hypothèses. Elle renvoie à des critères comme la « volonté commune des parties » ou encore l’intéressement aux « bénéfices de ce contrat ». On finit par avoir le sentiment que c’est un syllogisme régressif qui guide la jurisprudence en cette matière. Ce n’est pas la règle matérielle qui détermine l’extension de la clause d’arbitrage après examen des faits, mais ce sont les faits qui déterminent la construction d’une règle matérielle après avoir acquis la conviction que la clause devait être étendue. Une telle solution est acceptable tant qu’elle ne vient pas prendre à revers un tribunal arbitral qui aurait suivi une des quatre règles matérielles posées par la jurisprudence, mais n’aurait pas su anticiper celle tirée au sort par le juge du recours.

Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour que le nombre de règles matérielles soit fini. C’est une nouvelle qui émerge avec l’arrêt Monster Energy Company (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254). La question portait sur un devoir précontractuel d’information, fondé notamment sur l’article 1112-1 du code civil. La cour rejette cette disposition pour des raisons de droit transitoire, le contrat étant antérieur à la l’ordonnance du 10 février 2016. Reste qu’elle écarte implicitement le principe, en énonçant qu’« en matière d’arbitrage international cependant ce devoir repose sur chacune des parties à qui il incombe de s’informer sur les modalités de l’arbitrage étant en outre observé que le consentement à une convention d’arbitrage emporte nécessairement renonciation à soumettre un litige à une justice étatique ». Ce faisant, la cour pose une véritable règle matérielle (négative), dérogatoire au droit interne, excluant un quelconque devoir d’information à propos de la clause compromissoire.

c. L’impécuniosité des parties

L’arrêt Monster Energy Company (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254) apporte des informations complémentaires sur la validité de la clause compromissoire en présence d’une partie prétendument impécunieuse (v. égal. M. de Fontmichel, L’équilibre contractuel des clauses relatives au litige, JCP 2019. Doctr. 583). Elle précise un raisonnement déjà entamé avec l’arrêt Subway (v. dernièrement Paris, 2 juin 2020, n° 17/18900, Dalloz actualité, 29 juill. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2421, cours de droit de la concurrence Yves Serra (CDED Y. S.EA n° 4216) image ; ibid. 2484, obs. T. Clay image). D’abord, elle juge que « l’accès à la justice, en ce qu’il permet de garantir l’effectivité des droits, relève de l’ordre public international. Dès lors, une convention d’arbitrage qui ferait obstacle à cet accès, serait contraire à l’ordre public international et donc nulle ». D’un point de vue théorique, la solution est fondamentale, puisqu’il s’agit d’une des rares exceptions à la validité de la clause compromissoire fondée sur « l’ordre public international ». Il y a bien une place pour contester la validité d’une clause compromissoire sur le fondement de l’accès au juge, étant rappelé que celle-ci doit se faire prioritairement devant l’arbitre puis devant le juge du recours. Ensuite, la cour distingue le principe du recours à l’arbitrage, qui n’est pas suffisant pour constituer une telle atteinte, en dépit de la renonciation à la gratuité de la justice, de ses modalités. Ce sont dans les modalités que l’atteinte à l’accès au juge peut être identifiée. À cet égard, la cour prend en considération non seulement la connaissance des frais de l’arbitrage, mais aussi l’absence de preuves du requérant de son incapacité à en faire l’avance. Il est donc certain qu’un plaideur ne peut se dispenser d’apporter des éléments de preuve de son impécuniosité s’il veut remettre en cause la clause. Enfin, la cour écarte l’argument fondé sur les frais d’avocats mis à sa charge par l’arbitre, au motif que « le litige au fond […] n’est pas de nature à emporter la nullité de la convention d’arbitrage ».

2. La constitution du tribunal arbitral

a. L’obligation de révélation

On commence à y voir plus clair dans la jurisprudence en matière d’obligation de révélation, ce qui n’est jamais une mauvaise chose. Après la révolution de l’arrêt Vidatel (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, Dalloz actualité, 22 févr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; JCP 2021. Doctr. 696, obs. P. Giraud), les choses se stabilisent et les arrêts successifs corrigent les scories de cette première décision. L’arrêt National Highway Authority (ci-après, NHA) (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071) apporte des précisions qui devraient clore certains débats. Reste qu’il n’est pas totalement dépourvu, lui aussi, d’ambiguïtés.

Premièrement, il est désormais établi que les règlements d’arbitrage constituent des sources précieuses pour déterminer l’étendue de l’obligation de révélation. La solution avait été confirmée par l’arrêt Fiorilla (Paris, 12 juill. 2021, n° 19/11413, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques), alors que l’arrêt LERCO n’y faisait aucunement référence (Paris, 23 févr. 2021, n° 18/03068, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay image ; JCP 2021. Doctr. 696, obs. P. Giraud). Pour autant, l’arrêt NHA n’est que modérément clair. Il retient qu’« afin de mieux apprécier le champ de son obligation, l’arbitre peut notamment se référer aux recommandations émises en cette matière par ce centre d’arbitrage ». L’hypothèse d’une simple faculté, plutôt que d’une obligation, est déroutante. La cour ajoute d’ailleurs que, s’agissant de la Note aux parties de la CCI, celle-ci contient des « circonstances qui doivent particulièrement être considérées ». Cette fois, il s’agit d’une obligation de prise en considération, sorte d’intermédiaire entre la faculté et l’obligation. Bref, on peine à savoir si les règles relatives à la révélation prévues par un règlement d’arbitrage sont obligatoires ou facultatives. L’enjeu est pourtant énorme : répondre positivement permet de passer immédiatement à la deuxième étape – la caractérisation du doute raisonnable – alors qu’une réponse négative peut conduire le débat à s’éterniser autour de la question de savoir si l’arbitre devait révéler. Il l’est d’autant plus lorsque le règlement d’arbitrage prévoit, comme dans l’arrêt Fiorilla avec le règlement FINRA, un questionnaire destiné aux arbitres : doivent-ils y répondre ou peuvent-ils s’en dispenser ? La confusion est encore accrue par le fait que, dans l’arrêt NHA, l’arbitre avait signé sa déclaration d’indépendance le 11 juin 2015, soit avant la publication de la Note aux parties qui date de 2016 ! Comment l’arbitre aurait-il pu apprécier le champ de son obligation de révélation en s’appuyant sur une note qui n’était pas encore publiée ? Faut-il y voir une explication au simple caractère facultatif de la note, alors qu’elle deviendrait obligatoire pour les arbitrages postérieurs ? Dans l’arrêt LERCO, nous avions en tout cas émis l’hypothèse que le silence de la cour sur la note s’expliquait par l’antériorité de la révélation à la publication de la note. Ici, ce n’est pas le cas et il faut bien avouer que l’on finit un peu perdu. La seule chose qui est certaine, c’est qu’il est désormais établi que les règlements d’arbitrage ont un rôle à jouer dans la détermination des faits à révéler par les arbitres.

Deuxièmement, la cour confirme, après le doute laissé par l’arrêt Vidatel, qu’un défaut de révélation n’est pas suffisant, même en présence d’une obligation prévue par un règlement. On en revient donc à la solution classique, connue depuis l’arrêt Neoelectra (Civ. 1re, 10 oct. 2012, n° 11-20.299, Sté Neoelectra Group c. Sté Tecso, Dalloz actualité, 19 oct. 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 2458, obs. X. Delpech image ; ibid. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2013. 678, note C. Chalas image ; RTD com. 2013. 481, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2013. 129, note C. Jarrosson ; JCP 2012. Act. 1127, obs. M. Henry ; ibid. 2012. Doctr. 1268, note B. Le Bars ; ibid. 2012. Doctr. 1354, § 1er, obs. C. Seraglini ; Procédures 2012. Comm. 354, note L. Weiller). La cour juge que « la non-révélation par l’arbitre de l’une de ces circonstances ne suffit pas à constituer un défaut d’indépendance ou d’impartialité. Encore faut-il que les éléments non révélés soient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre ». La formule figurait déjà, presque à l’identique, dans les arrêts Fiorilla, LERCO et Dommo (25 févr. 2020, nos 19/07575 et 19/15816 à 19/15819, Dalloz actualité, 27 avr. 2020, obs. C. Debourg ; ibid., 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ; JCP 2020. 870, note M. de Fontmichel ; Rev. arb. 2020. 501, note L. Jaeger ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller). Elle confirme, là encore dans la ligne de ces arrêts, le caractère structurant de la distinction entre les liens directs et indirects au stade de l’établissement du doute raisonnable : « ce doute raisonnable doit résulter d’un potentiel conflit d’intérêts dans la personne de l’arbitre, qui peut être soit direct, parce qu’il concerne un lien avec une partie, soit indirect, parce qu’il vise un lien d’un arbitre avec un tiers intéressé à l’arbitrage ». Ainsi, en distinguant le lien direct du lien indirect, la cour indique que, par principe, les premiers sont plus graves que les seconds. À propos des seconds, la cour ajoute une formule nouvelle, selon laquelle, « lorsque le potentiel conflit d’intérêts est seulement indirect, l’appréciation du doute raisonnable dépendra notamment de l’intensité et la proximité du lien entre l’arbitre, le tiers intéressé et l’une des parties à l’arbitrage ».

Si l’on fait le bilan, l’arrêt Vidatel doit être considéré comme une sorte de ballon d’essai jurisprudentiel. Neuf mois plus tard, les règles prévues par les règlements d’arbitrage sont définitivement élevées au rang de source de l’obligation de révélation, bien que leur valeur exacte demeure incertaine. En revanche, la seule violation de ce qui est prévu par le règlement n’est pas suffisante pour emporter l’annulation de la sentence, ce qui conduit à maintenir une solution qui existe depuis une décennie. Pour établir ce doute raisonnable, la distinction entre les liens directs et les liens indirects prend de l’épaisseur, même s’il est à peu près sûr qu’elle n’a pas révélé tous ses mystères. Pour le praticien, il est, à l’heure actuelle, indispensable de jongler avec les arrêts Dommo, Vidatel, LERCO, Fiorilla et NHA pour tenter d’y voir plus clair dans le droit positif.

Nous n’évoquerons pas le fond de l’arrêt. Le débat ne se situe même pas sur le défaut de révélation de l’arbitre, puisqu’il n’est pas établi (mais les faits sont confus) qu’il existait un lien entre le tiers et les parties au litige. Dès lors, il n’y a logiquement pas lieu à révélation.

b. L’impartialité du tribunal arbitral

À côté de l’inépuisable débat sur l’obligation de révélation, il existe des hypothèses où l’impartialité du tribunal arbitral est discutée, en particulier lorsqu’un comportement permet d’en douter. La partialité est néanmoins délicate à établir. L’arrêt Aboukhalil le montre une fois encore (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Lorsque les comportements stigmatisés se sont déroulés pendant l’instance, il convient immédiatement de solliciter la récusation de l’arbitre, sous peine d’y renoncer. Il en va autrement lorsque la partialité ressort de la sentence arbitrale. Toutefois, encore faut-il, comme en matière de révélation, que les éléments figurant dans la sentence créent « dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur son impartialité ». Il faut, pour cela, identifier des éléments précis sans qu’il soit nécessaire de contrôler la motivation de la sentence arbitrale. C’est malheureusement souvent le cas, les parties incitant le juge étatique à réviser la sentence au fond. Dans une telle hypothèse, le recours est, comme en l’espèce, rejeté.

C’est également le cas dans l’arrêt NHA (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071). La cour rappelle que « l’indépendance s’apprécie objectivement au regard de facteurs précis et vérifiables externes à l’arbitre et l’impartialité suppose l’absence de préjugés ou de parti pris susceptibles d’affecter le jugement des arbitres ». Elle ajoute, dans une formule particulièrement pédagogique, que, « si un doute raisonnable sur l’impartialité de l’arbitre peut le cas échéant résulter de la sentence elle-même, encore faut-il, dès lors que le contenu de la motivation de la sentence arbitrale échappe au contrôle du juge de l’annulation, que ce doute soit fondé sur des éléments précis et objectifs quant à la structure de la sentence ou ses termes mêmes, qui laisseraient supposer que l’attitude de l’arbitre a été partiale ou à tout le moins seraient de nature à donner le sentiment qu’elle l’a été. Une sentence qui tranche en faveur d’une partie au détriment d’une autre contient nécessairement des éléments d’appréciation sur les faits qui sont utiles à la motivation, sans pour autant refléter une quelconque partialité. L’arbitre peut décider de s’appuyer sur des pièces ou des témoignages au détriment d’autres pièces ou témoignages et retenir l’argumentation de l’une des parties plutôt que de l’autre ». Si la distinction est clairement posée, il est certain que la tentation est grande pour les parties de faire passer la motivation des arbitres jugeant en leur défaveur pour le révélateur d’une partialité. C’est donc à la cour de faire la part des choses, ce qu’elle fait parfaitement jusqu’à maintenant. Les arbitres peuvent en être rassurés.

3. Le respect par le tribunal arbitral de sa mission

Un tribunal arbitral peut-il faire référence à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans une sentence d’investissements, au titre du traitement juste et équitable, alors que le TBI n’y fait pas référence ? Telle était l’une des questions posées dans l’arrêt Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Le TBI fait référence aux « principes du droit international ». Si la cour d’appel constate que les références faites par le tribunal arbitral à la Convention européenne des droits de l’homme sont essentiellement illustratives et surabondantes, elle apporte néanmoins une précision intéressante. Elle juge que, « bien que non directement applicable au présent litige, la Convention européenne et la jurisprudence de la [CEDH] contribuent à l’émergence des standards de protection en droit international et participent ainsi à l’élaboration des principes du droit international auxquels fait référence le TBI précité. Le fait que la République du Sénégal n’ait pas ratifié la Convention européenne n’interdisait donc pas au tribunal arbitral de faire référence à ce texte dans sa sentence pour se livrer à une appréciation du contenu du standard du traitement juste et équitable à la lumière des principes du droit international, voire même à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dès lors qu’il ne s’appuie pas précisément et exclusivement sur ce texte pour caractériser la violation de l’engagement pris par la RS, mais uniquement sur les “principes du droit international” et l’article 4 du TBI ». Ainsi, la cour ouvre la voie à l’utilisation par les tribunaux arbitraux de la Convention européenne des droits de l’homme, indépendamment d’un quelconque engagement de l’État, au titre des principes du droit international.

Un arrêt Oc’Via 2 soulève quant à lui des questions relatives au respect de sa mission par le tribunal arbitral (Paris, 26 oct. 2021, n° 19/07103, [formation interne], le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours). En l’espèce, dans le cadre d’un litige relatif au paiement d’une facture relative à des livraisons de certaines matières premières, l’arbitre a calculé l’indemnisation en fonction d’un prix de 4,28 € au lieu des 4,26 € le mètre cube. Dérisoire pour une annulation de la sentence ? Pas selon la cour d’appel, qui annule logiquement la sentence. Il est parfaitement établi que le tribunal arbitral est tenu, dans l’exercice de sa mission, par les demandes des parties. Le dépassement de ces prétentions suffit à entraîner l’annulation de la sentence.

La même sentence est annulée sur un autre motif. Il était établi qu’un certain nombre de paiements avaient déjà été réalisés. Pourtant, l’arbitre a calculé une somme globale, sans déduire un quelconque paiement déjà réalisé. Dans sa sentence, il s’est contenté de juger que le débiteur était condamné à « 5 597 816,52 € HT duquel il faut déduire les sommes correspondant aux quantités déjà facturées et les acomptes déjà encaissés et auquel il faut ajouter la TGAP et la TVA ». Autrement dit, les parties doivent ressortir leur calculette pour connaître le montant réel de la condamnation. L’annulation sur le fondement de l’ultra petita est à nouveau justifiée, la cour soulignant que l’arbitre ne précise pas « le montant effectif de la condamnation ».

4. Le respect du contradictoire

Dans une affaire, l’arbitre unique est confronté à l’absence d’une partie à une audience (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071). La partie invoque une violation du contradictoire, justifiant son absence par l’impossibilité matérielle de se rendre à l’audience. Après avoir constaté que les échanges entre avocats et l’arbitre ainsi que les raisons de l’absence de report sont longuement retracés dans la sentence et constaté que l’arbitre a fait ce qu’il a pu pour compenser l’absence de la partie à l’occasion de l’audition des témoins, la cour d’appel rejette le moyen. Ce faisant, elle confirme la possibilité pour les arbitres d’outrepasser l’absence d’une partie à l’audience et de favoriser le déroulement de l’instance arbitrale.

5. L’ordre public international

a. La renonciation à se prévaloir d’une contrariété à l’ordre public international

L’ordre public procédural est susceptible de renonciation. C’est ce que la cour rappelle par deux arrêts successifs, à propos du principe de l’égalité des armes. Dans le premier (Paris, 12 oct. 2021, n° 20/02301, Tasyapi), il est établi que, faute d’avoir élevé une quelconque protestation pendant l’instance, les parties ont renoncé à se prévaloir d’une violation de la contraction (C. pr. civ., art. 1520, 4°) et de l’égalité des armes (C. pr. civ., art. 1520, 5°). Une solution parfaitement identique est retenue dans la seconde décision (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071, Heliotrop), qui énonce que « ce texte ne vise pas les seules irrégularités procédurales mais tous les griefs qui constituent des cas d’ouverture du recours en annulation des sentences, en ce compris le principe d’égalité des armes qui relève de l’ordre public international de protection, à l’exception des moyens tirés de ce que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence violerait l’ordre public international de fond ».

b. La conformité à l’ordre public international d’une sentence sur la compétence

Une sentence sur la compétence peut-elle être contraire à l’ordre public international ? La question n’est pas anecdotique, dès lors qu’il est fréquent que, à la suite d’une bifurcation, une sentence partielle sur la compétence soit rendue. C’est à cette question originale à laquelle répond l’arrêt Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834). La cour juge que « s’agissant d’une sentence statuant uniquement sur la compétence, et non sur le fond, le contrôle du juge porte uniquement sur les conséquences que l’exécution de cette sentence pourrait avoir au regard de la conception française de l’ordre public international lié à l’exercice de ladite compétence, c’est-à-dire la tenue du tribunal arbitral pour trancher le litige au fond opposant les parties » (§ 104). Or, s’agissant d’allégations de corruption, celles-ci relèvent du fond et non de la compétence. Il en résulte que celles-ci doivent être examinées par le tribunal arbitral à l’occasion de l’examen du fond du litige. Il en va du respect de la priorité de l’arbitre pour trancher le litige. La solution est donc bienvenue.

c. Les lois de police

Il faut compter sur une nouvelle loi de police en arbitrage international (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254, Monster Energy Company). Il s’agit de l’article 5 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, dite loi Lurel, ayant donné lieu à la création de l’article L. 420-2-1 du code de commerce. Celui-ci prohibe, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane et Mayotte) et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises. La cour juge que « cette disposition, qui participe de la sauvegarde d’une organisation économique et sociale pour un secteur de l’activité économique d’un pays, constitue ainsi une loi de police française, dont l’ignorance par un tribunal arbitral est susceptible de faire obstacle à l’exequatur de la sentence si celle-ci heurte de manière manifeste, effective et concrète l’ordre public international ». La qualification est peu contestable, d’autant qu’elle vise à préserver le marché et non les intérêts des contractants.

Cela dit, la mise en œuvre de la loi de police est teintée de volontarisme. En effet, la cour énonce qu’il y a violation à l’ordre public international lorsque « le tribunal arbitral statue sans mettre en œuvre une loi de police française, en ignorant ainsi son applicabilité même au litige alors que le respect d’une telle loi est considéré comme crucial pour la sauvegarde des intérêts publics du pays tels que son organisation politique, sociale ou économique ». La cour s’écarte de la logique habituelle du contrôle de l’ordre public international, qui impose de ne pas s’intéresser à l’application de la règle, mais de vérifier si le résultat est ou non contraire à l’ordre public international. Or on peut se demander si, en dépit de l’absence d’application de la loi de police par le tribunal arbitral, la sentence est véritablement contraire à l’ordre public international. L’article L. 420-2-1 du code de commerce sanctionne les contrats contraires à son énoncé par une nullité. Le tribunal arbitral saisi du litige avait « jugé valide la résiliation du contrat ». Autrement dit, on parle d’un contrat dont le tribunal arbitral a confirmé qu’il ne produira plus d’effets. En revanche, aucune condamnation n’a été prononcée sur le fondement du contrat. Dès lors, on peut se demander si une résiliation plutôt qu’une nullité entraîne véritablement une contrariété à l’ordre public international. Naturellement, les effets ne sont pas identiques, notamment en ce qui concerne la rétroactivité de l’anéantissement du contrat. On aurait toutefois aimé que la cour explicite en quoi le choix d’une sanction par rapport à l’autre viole l’ordre public international. On n’est pas loin de penser – et à dire vrai on pourrait le comprendre – que la raison de cette décision ne se situe pas dans la résiliation du contrat, mais dans la répartition des frais. L’arbitre a condamné le défendeur non comparant à la somme de 5 200 $ de frais d’arbitrage et… 133 000 $ de frais d’avocats. Pour une sentence dont le seul intérêt est d’acter une résiliation en l’absence du défendeur, il est vrai que l’addition paraît salée.

V. Arbitrage et droit de l’Union européenne

Comme trop souvent, l’Union européenne vient gâcher les nuits paisibles de l’arbitragiste (CJUE 26 oct. 2021, aff. C-109/20, PL Holdings). Il est manifeste que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, depuis longtemps, quitté le rivage de la rigueur juridique pour s’aventurer dans les eaux troubles de l’opportunisme juridique. Elle poursuit un objectif simple : lutter, quoi qu’il en compte, contre l’arbitrage d’investissement intraeuropéen. En ce domaine, la fin justifie les moyens (de droit).

L’affaire est entendue depuis l’arrêt Achmea (CJUE 6 mars 2018, aff. C-284/16, Dalloz actualité, 4 avr. 2018, obs. F. Mélin ; AJDA 2018. 1026, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2018. 2005 image, note Veronika Korom image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2018. 616, note E. Gaillard image ; RTD eur. 2018. 597, étude J. Cazala image ; ibid. 649, obs. Alan Hervé image ; ibid. 2019. 464, obs. L. Coutron image ; Rev. arb. 2018. 424, note S. Lemaire ; Procédures 2018. Comm. 143, obs. C. Nourissat ; JDI 2018. 903, note Y. Nouvel ; JDI 2019. 271, note B. Rémy ; GAJUE, à paraître, note M. Barba) et a été fermement rappelée dans l’affaire Komstroy (CJUE 2 sept. 2021, aff. C-741/19, Komstroy, préc.) : l’arbitrage est inapproprié pour la résolution des différends intraeuropéens relatifs aux investissements. Quoi de neuf sous le soleil ?

Pour le comprendre, il faut s’attarder un peu sur les faits. L’action est intentée par PL Holdings contre la République de Pologne, sur le fondement d’un TBI contenant une convention d’arbitrage. Toutefois, la spécificité de cette affaire vient de la discussion autour de l’acceptation par la Pologne d’une convention d’arbitrage ad hoc. L’idée est que, conformément au droit suédois, PL Holdings aurait, par sa demande d’arbitrage, présenté une offre d’arbitrage qui aurait été tacitement acceptée en omettant de la contester dans les délais.

La question du consentement de la Pologne à cette offre d’arbitrage est évidemment discutée. Sur ce point, la cour bute sur sa propre jurisprudence, qui lui interdit d’examiner la réalité de ce consentement. Elle souligne qu’« il appartient à la seule juridiction de renvoi d’apprécier, au préalable, tous les éléments de fait entourant la situation en cause au principal afin d’établir l’existence éventuelle de la volonté de la République de Pologne, que cette dernière conteste, d’accepter l’offre d’arbitrage de PL Holdings » (§ 40). Elle n’hésite toutefois pas à donner un avis tranché sur la question en signalant plus ou moins subtilement à la cour de renvoi qu’une réponse négative s’impose.

Consciente des limites de ses prérogatives, elle s’intéresse également au fond de la question : quid de la validité d’une convention d’arbitrage ad hoc pour connaître d’un litige d’investissements ?

La réponse n’étonnera personne : la clause est nulle, aussi nulle que celle figurant dans le traité. La CJUE s’en explique longuement. Elle juge notamment que « permettre à un État membre, qui est partie à un litige susceptible de porter sur l’application et l’interprétation du droit de l’Union, de soumettre ce litige à un organisme arbitral ayant les mêmes caractéristiques que celui prévu par une clause d’arbitrage nulle contenue dans un accord international tel que celui visé au point 44 du présent arrêt, par la conclusion d’une convention d’arbitrage ad hoc de même contenu que cette clause, entraînerait en réalité un contournement des obligations découlant pour cet État membre des traités et, tout particulièrement, de l’article 4, § 3, du Traité de l’Union européenne (TUE) ainsi que des articles 267 et 344 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tels qu’interprétés dans l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea » (§ 47). Il faut bien admettre que, d’un point de vue téléologique, la solution coule de source.

Le problème, comme depuis le début de cette saga, réside dans la motivation. Plutôt de se limiter à poser un principe simple d’inarbitrabilité des litiges d’investissements, la Cour essaie de fonder sa solution en droit. C’est à ce stade que le raisonnement juridique devient un habillage désordonné et incohérent d’une solution politique.

La Cour de justice de l’Union européenne se heurte à une double difficulté dans cette affaire. D’une part, contrairement aux situations précédentes, la convention d’arbitrage discutée n’est pas conclue entre États membres, mais entre un État membre et une personne privée. D’autre part, la convention d’arbitrage ne figure pas dans un traité, mais dans une convention ad hoc. Or ces deux différences changent tout et rendent impossible la transposition de l’arrêt Achmea. Ils rapprochent la situation d’espèce d’un banal arbitrage commercial. À l’époque, la Cour avait jugé qu’« une procédure d’arbitrage, telle que celle visée à l’article 8 du TBI, se distingue d’une procédure d’arbitrage commercial. En effet, alors que la seconde trouve son origine dans l’autonomie de la volonté des parties en cause, la première résulte d’un traité, par lequel des États membres consentent à soustraire à la compétence de leurs propres juridictions et, partant, au système de voies de recours juridictionnel que l’article 19, § 1, 2nd alinéa, du TUE leur impose d’établir dans les domaines couverts par le droit de l’Union » (§ 55 de l’arrêt Achmea). Autant dire que la convention d’arbitrage conclue entre PL Holdings et la Pologne n’entre aucunement dans celles stigmatisées par Achmea, mais justement dans celles supposément préservées.

Naturellement, la CJUE ne s’en laisse pas compter et rivalise d’ingéniosité pour contourner l’obstacle. Certains développements nécessitent d’être bien assis sur sa chaise avant d’être lus. Elle explique que sa solution est « confirmé[e] par […] l’accord portant extinction des traités bilatéraux d’investissement […]. Cette règle est applicable mutatis mutandis à une situation dans laquelle la procédure d’arbitrage originellement initiée sur le fondement d’une clause d’arbitrage nulle du fait de sa non-conformité au droit de l’Union est poursuivie sur le fondement d’une convention d’arbitrage ad hoc conclue par les parties conformément au droit national applicable et dont le contenu serait identique à celui de cette clause » (§ 53). Ainsi, l’accord portant extinction des TBI n’entraînerait pas seulement un anéantissement rétroactif des conventions d’arbitrage y figurant, mais également de toute convention d’arbitrage ad hoc antérieure. Le raisonnement, en termes de conflit de lois dans le temps, est acrobatique. Toutefois, le pompon sur la Garonne reste l’incursion dans le droit des obligations pour justifier la solution : « toute tentative d’un État membre de remédier à la nullité d’une clause d’arbitrage au moyen d’un contrat avec un investisseur d’un autre État membre irait à l’encontre de l’obligation du premier État membre de contester la validité de la clause d’arbitrage et serait ainsi susceptible d’entacher d’illégalité la cause même de ce contrat dès lors qu’elle serait contraire aux dispositions et principes fondamentaux régissant l’ordre juridique de l’Union » (§ 54). On renonce à comprendre.

En réalité, encore une fois, l’hostilité de la Cour de justice à l’arbitrage d’investissements intraeuropéen est une chose entendue. On peut la désapprouver ou en contester les fondements. Pour autant, elle est claire. Ce qui est immensément problématique reste la motivation qui la sous-tend. Pour une raison simple : d’une part, elle n’offre aucune sécurité juridique, puisque la Cour n’hésite pas à balayer la précédente au profit d’une nouvelle, au gré des espèces ; d’autre part, car cette motivation est une bombe à fragmentation. En effet, elle fragilise l’arbitrage bien au-delà du droit des investissements. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le paragraphe 49 : « l’approche juridique envisagée par PL Holdings [si elle était retenue] pourrait être adoptée dans une multitude de litiges susceptibles de concerner l’application et l’interprétation du droit de l’Union, portant ainsi atteinte de manière répétée à l’autonomie de ce droit ». On le voit, ce n’est pas seulement l’arbitrage d’investissements qui est concerné. C’est potentiellement tout arbitrage avec une personne publique, voire tout arbitrage entre personnes privées nécessitant l’application du droit européen. Rien ne garantit que les digues posées par la Cour de justice, notamment l’exclusion de l’arbitrage commercial, ne sont pas de simples vannes susceptibles d’être ouvertes à chaque instant.

On finira par mentionner une décision du Tribunal de l’Union européenne (TUE, 22 sept. 2021, aff. T-639/14) dans laquelle le Tribunal retient la qualification de « tribunal étatique » à un tribunal arbitral, malgré son origine manifestement conventionnelle (§ 150 s.). Il ne s’agit pas, loin de là, d’une décision de principe, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une clé pour retrouver un équilibre entre l’arbitrage et le droit de l’Union européenne.

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Chronique d’arbitrage : l’art de l’esquive en matière de corruption

L’arrêt Alstom de la Cour de cassation est-il un grand arrêt, alors qu’il est destiné à une publicité restreinte (F-D), qu’il casse l’arrêt d’appel pour un motif disciplinaire et qu’il ne tranche pas les questions essentielles relatives à l’ordre public international ? Peut-être, car la solution est importante, pas tant par la règle de droit posée que par les conséquences de la cassation.

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Signification de conclusions à une adresse erronée : on connaît la chanson

Maux bleus

C’était une histoire d’incompréhension. Mais avec cet arrêt de principe capital, la Cour de cassation devrait mettre un terme aux tourments infinis qui agitaient depuis des années les cours d’appel sur la sanction encourue en cas de signification de conclusions, dans le délai imposé par les textes, mais à une adresse erronée. La société Le Bateau Lavoir relève appel d’une ordonnance du juge-commissaire d’un tribunal de commerce ayant statué sur une déclaration de créance. L’appelante signifie sa déclaration d’appel et ses conclusions à l’intimé non constitué, dans les délais imposés, à domicile élu mais à une adresse erronée. Celui-ci soulève la caducité de la déclaration d’appel faute de signification régulière. La cour d’appel de Caen, statuant sur déféré, ayant jugé caduque la déclaration d’appel, la société appelante forme un pourvoi motif pris que l’irrégularité d’un acte ne peut être sanctionnée qu’au titre des irrégularités de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile ou des irrégularités de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile, sans pouvoir l’être au titre de l’inexistence de l’acte ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles susvisés tandis que l’erreur sur l’adresse du destinataire est une nullité de forme nécessitant la démonstration d’un grief. La deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt et dégage la solution suivante :

« Vu les articles 114 et 911 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé dans le délai imparti par l’article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant cette notification, qu’en cas d’annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l’invoque, du grief que lui a causé l’irrégularité.

6. Pour déclarer caduque la déclaration d’appel, l’arrêt retient que la signification d’un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de signification tant de la déclaration d’appel que des conclusions subséquentes avant l’expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas à rechercher si l’irrégularité a causé ou non un grief à l’intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes.

7. En statuant ainsi, alors que les actes de la procédure, signifiés à une adresse erronée, étaient affectés d’un vice de forme susceptible d’entraîner leur nullité sur la démonstration, par Christophe X, du grief qu’il lui causait, la cour d’appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel sans que les actes de signification aient été annulés dans les conditions prévues par l’article 114 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés ».

J’lai pas touchée

Quelle est la sanction encourue lorsqu’une partie ne parvient pas à toucher la partie adverse pour lui dénoncer ses écritures alors même que l’acte d’huissier a été dressé dans le délai imparti prévu à peine de caducité par le code de procédure civile ? En confrontant nullité et caducité tout en répondant à la problématique de signification de conclusions à une adresse erronée mais dans le délai imposé par l’article 911 du code de procédure civile, la deuxième chambre apporte une solution majeure. Cet arrêt, publié, rendu sous le sceau des articles 114 et 911 du code de procédure civile et qui commence par dégager une solution générale, à portée de principe. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais la deuxième chambre civile n’avait apporté de réponse à une question aussi basique. Publié mais inédit !

Si les statistiques observent les situations passées et les probabilités postulent pour l’avenir, on constate que les cours restent indécises et parfaitement divisées sur la sanction encourue en pareil cas. Parfaitement divisées. Car d’un point de vue statistique, c’est-à-dire au regard des situations déjà jugées, on constate que c’était du « 50/50 » quant à la solution adoptée. Pour certaines cours, comme la cour de Caen, la signification à une adresse erronée, même faite dans le délai imposé, entraîne la caducité de la déclaration d’appel, tandis que les autres examinent l’acte sous l’angle des seules nullités. On ne s’étonnera donc pas que, d’un point de vue des probabilités, c’est-à-dire au regard des risques pour l’avenir qu’une caducité soit prononcée, on retrouve le même pourcentage, la caducité était tantôt écartée, tantôt prononcée, avec un parfait équilibre. Et dans tous les cas, une probabilité de voir son appel déclaré caduc selon un aléa, judiciaire, dont on ne pouvait se satisfaire.

Quel était l’enjeu ? Pour la première moitié des cours d’appel, le fait d’avoir accompli la diligence imposée (signification de la déclaration d’appel ou des conclusions) dans le délai requis n’était pas suffisant, encore fallait-il que la signification ait été valablement effectuée ; pour d’autres, les diligences de l’huissier instrumentaire relatées au procès-verbal de signification, bien qu’insuffisantes ou imparfaites, ne permettaient pas d’entraîner une caducité, ex abrupto, puisque le délai de signification prévu à peine de caducité avait bien été interrompu. En toute hypothèse, encore fallait-il en passer par le prononcé de la nullité du procès-verbal, nécessairement sur justification d’un grief s’agissant d’un vice de forme, pour que la caducité s’ensuive, dans certains cas. Et c’est cette dernière voie médiane que choisit la deuxième chambre civile.

Comme un interdit

Le premier enseignement est déjà que la Cour de cassation n’a nulle intention de faire revivre la théorie de l’inexistence des actes, ravivée pourtant par la cour de Caen qui avait bravé l’interdit en estimant « que la signification d’un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de signification tant de la déclaration d’appel que des conclusions subséquentes avant l’expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile ». Qu’on se le dise, la théorie de l’inexistence des actes est bien enterrée, et pas par cet arrêt qui prend soin de l’écarter mais par le célèbre arrêt – pas tant que ça finalement – de la chambre mixte de 2006 (Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026, D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes image ; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot image). Elle ne sera pas réanimée.

Aussi, lorsque la cour de Caen estime qu’il n’y a donc « pas à rechercher si l’irrégularité a causé ou non un grief à l’intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes », c’est précisément la solution inverse qui est consacrée. C’est là le deuxième enseignement : face à un procès-verbal de signification de conclusions dressé par application de l’article 911, l’intimé qui souhaite s’emparer de l’irrégularité doit démontrer un grief. Depuis 2006, on sait que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond expressément visées à l’article 117 du code de procédure civile. En l’espèce, les juges d’appel avaient relevé que le numéro du domicile élu était le 21 et non le 2, l’adresse exacte figurant d’ailleurs sur diverses pièces de première instance, et que si l’huissier avait indiqué que le requis était absent, que le domicile était encore confirmé par une voisine, l’intimé démontrait que l’acte d’huissier était affecté d’une erreur d’adresse. La caducité devait ainsi être prononcée « au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes ».

La position de la cour procédait d’une triple erreur. Déjà parce qu’il n’y a pas, on l’a vu, d’acte inexistant ou, selon l’expression qu’elle a choisie, « absent ». Dès lors qu’un acte est délivré, signifié ou notifié, il existe. Il peut être imparfait, perfectible ou inutile, mais il existe. Encore parce qu’en attaquant le contenu de l’acte – ici l’erreur d’adresse – c’est bien la nullité de forme qui était en débat conformément à l’alinéa 2 de l’article 114. Enfin, et l’on ne cessera de le répéter, parce que la caducité est, justement, l’absence de réalisation d’une charge procédurale imposée par la loi dans un délai précis tandis qu’il était constant que l’appelant avait conclu dans le délai de l’article 908 et signifié ses conclusions dans le délai de l’article 911. Cette appréciation de la caducité, depuis le temps, devrait d’autant plus être maîtrisée que la procédure d’appel ne manque pas d’exemples avec les délais de signification des déclarations d’appel ou de saisine, de conclusions, dans les procédures ordinaires classiques, à bref délai ou sur renvoi après cassation. La portée de l’arrêt est à ce point majeure que l’on peut d’ailleurs extrapoler en affirmant qu’il en serait de même en cas de signification de la déclaration d’appel à une adresse contestée par l’intimé. Dans cette dernière hypothèse, il faudra aussi en passer par la nullité, à cette nuance près que le grief (s’agissant d’une obligation procédurale quasiment inutile puisqu’elle précède l’obligation de signification des conclusions à l’intimé non constitué) sera beaucoup plus difficile à démontrer puisque seule la dénonciation des conclusions emporte un délai pour répondre à peine d’irrecevabilité.

Dolce vita

Si cet arrêt devrait permettre de mettre fin à l’aléa judiciaire selon que l’on se trouve, au sein d’une même cour, devant tel conseiller de la mise en état ou telle formation de déféré, les avocats, eux, n’en ont pas encore terminé avec l’aléa, juridique cette fois. En mathématique comme en procédure civile, l’aléa revient finalement à une gestion du risque où l’insouciance n’annonce pas toujours la belle vie. S’agissant d’une nullité de forme, et non de fond, l’avocat de l’intimé devra bien évidemment veiller à la soulever in limine litis puisqu’il aura la charge de la preuve que l’erreur d’adresse est constitutive d’un grief. À défaut, le moyen serait irrecevable, ce qui l’obligera à prendre l’initiative dès sa constitution et avant la notification des conclusions au fond quand bien même l’exception de procédure y serait déjà soulevée. Aussi, par application de l’article 789 du code de procédure civile, l’exception devra, toujours à peine d’irrecevabilité, être soulevée non seulement avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 74) mais par des conclusions d’incident, distinctes de celles du fond, qui saisissent spécialement le conseiller de la mise en état. La règle vaut d’ailleurs en première instance (Civ. 2e, 12 mai 2016, nos 14-25.054 et 14-28.086, Dalloz actualité, 30 mai 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 1290 image, note C. Bléry image ; ibid. 1886, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, O. Becuwe et N. Touati image ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero image ; Gaz. Pal., n° 29, 30 août 2016, obs. S. Amrani-Mekki) comme devant la cour d’appel (Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-22.609, Dalloz actualité, 27 janv. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2021. 129, obs. S. Thouret image ; Procédures, mars 2021, comm. 58, obs. R. Laffly). Ce sera le chemin à prendre en procédure classique, mais en cas de fixation à bref délai, il faudra soulever la nullité de forme… au fond. En effet, dans ce cas-là, le conseiller de la mise en état n’existe pas (la théorie de l’inexistence est cette fois bien actée) et le président ou le magistrat désigné n’a pas le pouvoir de statuer sur les nullités par application de l’article 905-2 in fine du code de procédure civile. L’avocat de l’intimé ne devra pas oublier non plus que, bien que l’exception de procédure de nullité ressorte des moyens de défense comme figurant au titre V du code de procédure civile (« Les moyens de défense. Articles 71 à 126), elle s’analyse encore en une prétention qui impose qu’elle soit mentionnée au dispositif des conclusions par application de l’article 954 du même code (Civ. 2e, 30 sept. 2021, n° 19-12.244, Dalloz actualité, 21 oct. 2021, obs. C. Lhermitte ; Rev. prat. rec. 2021. 5, chron. E. Jullien et C. Simon image). À défaut, le juge ne sera pas saisi de l’exception de procédure. Restera à démontrer le grief, et parmi toutes les nullités de forme (c’est-à-dire toutes celles qui ne sont pas de fond !), c’est d’ailleurs presque toujours l’adresse qui constitue l’éventuel grief. Celui-ci sera plus aisément constitué si l’intimé est hors délai pour conclure. L’avocat de l’appelant pourra toujours le combattre et, pourquoi pas, rappeler que ce n’est pas parce que l’intimé est hors délai pour conclure que l’appelant triomphe devant la cour…

L’enfer commence avec L

Et la caducité, que reste-t-il de la sanction de caducité ? Si la nullité s’impose, la menace de la caducité n’est jamais très loin. À regarder de plus près, la Cour de cassation n’écarte pas définitivement la caducité, elle pose l’enchaînement du raisonnement qui doit être celui du juge. En premier l’examen du grief allégué, en deuxième le prononcé éventuel de la nullité, en troisième la possibilité d’une caducité. Mais la nullité doit-elle entraîner, automatiquement, la caducité ? La Cour de cassation, cette fois, ne donne pas les clés du raisonnement. Plutôt que la caducité, la voie de la sagesse, elle aussi nécessairement médiane, pourrait (devrait) conduire à estimer que le délai de l’intimé n’a tout simplement pas couru. C’est d’ailleurs la solution jurisprudentielle en cas de recours hors délai lorsque l’acte de notification d’un jugement à une partie n’est pas conforme aux conditions posées par l’article 680 du code de procédure civile. Et elle aurait l’immense mérite de préserver les intérêts de l’appelant comme de l’intimé. Juridiquement, elle aurait aussi l’avantage de revenir à l’essence d’une caducité qui implique l’absence de diligence dans le délai imparti alors que, par hypothèse, la nullité vient ici sanctionner un acte qui a nécessairement été réalisé en temps et heure. Car si l’acte n’a pas été accompli dans le délai, point de débat sur la nullité, seule la caducité est prononcée. Et c’est la caducité de la déclaration d’appel. On connaît la musique : le dossier s’achèvera là.

Succès fou

Si le raisonnement s’arrête en chemin, la réflexion doit faire son œuvre et l’émergence, toute nouvelle, de l’idée d’une tentative interruptive du délai mériterait de servir de guide tellement elle serait revigorante. En se plaçant du côté de la tentative, accomplie dans le délai de forclusion imparti, la Cour de cassation a, dans un arrêt de section rendu au visa de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, estimé pour la première fois que la tentative d’assignation destinée à saisir la cour d’appel, délivrée par acte d’huissier de justice à une personne décédée, interrompait le délai pour agir en révision dès lors qu’il n’était pas établi que le demandeur avait connaissance du décès (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 19-15.611, Dalloz actualité, 7 avril 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 702 image ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, Anne-Isabelle Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image ; JCP 2021. 637, obs. A. Danet ; Procédures juin 2021, comm. 159, obs. R. Laffly). Se trouvait ainsi consacrée l’interruption du délai par la simple tentative de délivrance de l’acte, dans le délai du recours, alors même que l’assignation n’avait pu être remise au destinataire décédé et qu’un procès-verbal de difficulté était dressé. À cette occasion, nous formions le vœu qu’une telle jurisprudence puisse être transposée aux délais de forclusion d’appel qui ne sont ni des demandes en justice ni des actes de saisine de la juridiction, c’est-à-dire précisément les délais de signification des déclarations d’appel et de conclusions qui rythment la procédure devant la Cour. De multiples raisons militent pour une telle approche, à commencer par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dès lors que la caducité de la déclaration d’appel impacte le droit d’accès au juge. Plus trivialement encore au regard de délais souvent très courts (dix jours pour que la signification de l’acte d’appel touche l’intimé non constitué à peine de caducité…) et bien souvent insuffisants pour que l’avocat et l’huissier qu’il mandate accomplissent les recherches nécessaires pour connaître l’exacte adresse de l’intimé. Procès-verbal de difficulté, procès-verbal de recherches infructueuses, signification à adresse erronée, etc., la tentative faite dans les délais devrait être interruptive du délai imparti. Et, à l’instar de la solution donnée par l’arrêt du 25 mars 2021, le critère de « connaissance » de l’adresse exacte par le requérant devrait servir de marqueur pour retenir, ou non, la caducité. Les tentatives pour trouver l’adresse de l’intimé ne sont jamais interruptives si aucun acte n’est dressé dans le délai imposé tandis que l’accomplissement de l’acte dans le délai requis devrait pouvoir écarter la sanction de caducité. Alors, au risque d’être un peu insistant et redondant, souvenons-nous que la caducité de la déclaration d’appel sanctionne le défaut d’une diligence dans un délai imposé par la loi. Et que commencer par s’interroger sur la nullité du même acte, c’est déjà reconnaître qu’il a été établi dans le délai imposé. Le succès procédural passe par là : si ce n’est la chanson, on devrait toujours connaître la sanction.

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