L’article 1171 et les nuances du déséquilibre significatif

Le contentieux du déséquilibre significatif connaît une actualité importante depuis ces derniers mois. En droit spécial de la consommation, la Cour de cassation veille à la bonne interprétation des textes sur les clauses abusives dont on sait qu’ils posent à l’heure actuelle encore de nombreuses questions sur le fond (par ex., v. Com. 4 nov. 2021, n° 20-11.099, Dalloz actualité, 18 nov. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 2044 image) ou sur l’office du juge (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine). La Cour de justice de l’Union européenne est, à ce titre, saisie très régulièrement d’interprétation sur tel point ou tel autre du mécanisme (dernièrement, v. CJUE 21 déc. 2021, aff. C-243/20, Dalloz actualité, 24 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 5 image). En droit commun, les solutions faisant écho au déséquilibre significatif et au fameux article 1171 nouveau du code civil sont scrutées tant leur importance est palpable pour une pratique qui en cherche encore tous les contours, toutes les nuances et toutes les potentialités. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 janvier 2022, destiné au Bulletin et aux nouvelles Lettres de chambres fera assurément parler de lui tant la solution tente d’articuler le dispositif de droit commun avec les règles de droit spécial. On sait qu’en la matière, la maxime lex specialia generalibus derogant n’est pas forcément très efficace (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 155, n° 123). Nous allons examiner si la solution du 26 janvier 2022 permet d’y voir plus clair.

Les faits ayant donné lieu au pourvoi sont classiques en matière de relations entre professionnels. Une société exerçant une activité de restauration et de sandwicherie décide de conclure le 25 septembre 2017 un contrat de location financière avec une société spécialisée en la matière pour louer du matériel fourni par une société tierce moyennant soixante loyers mensuels de 170 € hors taxes. À la suite d’impayés, la société louant le matériel met en demeure de payer son débiteur le 16 juillet 2018 en visant la clause résolutoire contenue dans le contrat à l’article 12,  a. Par acte extrajudiciaire du 16 août 2018, la société de location a fait assigner la société de restauration en paiement des sommes dues. Dans un jugement du 23 octobre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a condamné la société de restauration à payer les sommes dues à son cocontractant. Cette dernière décide d’interjeter appel. La cour d’appel de Lyon infirme le jugement entrepris pour réputer non écrit l’article 12 des conditions générales du contrat et dire ainsi que le contrat de location n’a pas été résilié et qu’il se poursuit, par conséquent, jusqu’à son terme. La société de location se pourvoit en cassation en reprochant d’une part une mauvaise utilisation du texte de droit commun au détriment du droit spécial, à savoir l’article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce (antérieurement à l’ordonnance du 24 avr. 2019) visant les pratiques restrictives de concurrence. Elle reprochait également une mauvaise utilisation de l’article 1171 du code civil tant dans l’appréhension du déséquilibre significatif que dans la mise en jeu de la sanction du réputé non écrit.

Dans cet arrêt important, la Cour de cassation vient régler la question de l’application des...

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L’article 1171 et les nuances du déséquilibre significatif

Dans un arrêt du 26 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’intéresse à la répartition des textes applicables entre droit commun et droit spécial au sujet du déséquilibre significatif. La décision est également l’occasion d’une clarification sur la mise en jeu de l’article 1171 du code civil.

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Clause d’indexation à la hausse : seule la stipulation prohibée est réputée non écrite

La clause d’indexation qui n’est stipulée qu’à la hausse doit être réputée non écrite, mais seule la stipulation prohibée doit être neutralisée.

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Clause d’indexation à la hausse : seule la stipulation prohibée est réputée non écrite

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Copropriété et JO 2024 : contrôle du raccordement au réseau de collecte des eaux usées

Un décret du 31 janvier 2022 fixe la liste des territoires dont les rejets d’eaux usées et pluviales ont une incidence sur la qualité de l’eau pour les épreuves olympiques de nage libre et de triathlon en Seine.

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L’indication d’une adresse erronée dans une déclaration de pourvoi peut nuire à l’exécution d’un jugement

Un pourvoi en cassation peut-il être déclaré irrecevable alors que l’auteur du pourvoi a déclaré un domicile inexact dans sa déclaration de pourvoi ?

C’est à cette question qu’a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 2022.

Alors qu’un pourvoi en cassation avait été formé, l’un des défendeurs avait soulevé son irrecevabilité en se prévalant de l’inexactitude du domicile mentionné dans la déclaration du pourvoi et du grief que cela lui causait pour faire exécuter les décisions rendues à l’encontre de l’auteur du pourvoi. La Cour de cassation était ainsi appelée à trancher cette exception de procédure.

Il fallait donc déterminer l’exactitude du domicile renseigné dans la déclaration de pourvoi. Or, il était établi qu’un huissier de justice avait été contraint de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses en application de l’article 659 du code de procédure civile lorsqu’il avait tenté de signifier un acte à cette adresse. La Cour de cassation a estimé que cela suffisait à établir l’irrégularité de l’acte introductif d’instance. Dès lors que l’établissement bancaire justifiait le grief en résultant et que le litige était indivisible, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi irrecevable à l’égard de l’ensemble des parties en litige.

Cet arrêt est l’occasion d’apprécier la mise en œuvre par la Cour de cassation des principes relatifs à la caractérisation d’un grief qu’elle a pu poser dans sa jurisprudence antérieure, ce qui renseigne du même coup sur ce qu’elle attend des juges du fond.

Les conditions de la nullité de la déclaration de pourvoi

Il est à peine besoin de rappeler qu’en application de l’article 114 du code de procédure civile, le prononcé de la nullité d’un acte de procédure est subordonné à la réunion de deux conditions : la nullité doit être prévue par la loi sauf à ce que la formalité méconnue soit substantielle ou d’ordre public et l’irrégularité doit avoir causé un grief à celui qui s’en prévaut.

L’article 975 du code de procédure civile prévoit que, à peine de nullité, la déclaration de pourvoi formalisée par une personne physique doit notamment contenir l’indication de ses...

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L’indication d’une adresse erronée dans une déclaration de pourvoi peut nuire à l’exécution d’un jugement

L’indication d’une adresse erronée dans la déclaration de pourvoi constitue une irrégularité constitutive d’un vice de forme. Si le défendeur établit qu’elle nuit à l’exécution des condamnations prononcées à son profit, la nullité de l’acte peut être prononcée. Cette nullité peut même conduire à l’irrecevabilité du pourvoi à l’égard de l’ensemble des défendeurs lorsqu’il apparaît que le litige est indivisible à leur égard.

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Exclusion de plein droit des marchés publics : non-lieu à statuer du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel prononce un non-lieu à statuer sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique excluant de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. Il considère que les principes de nécessité et d’individualisation des peines et le droit à un recours juridictionnel effectif ne constituent pas des principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France. 

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Cession par l’employeur des droits sur une invention de mission

Le droit au brevet sur une invention de mission dont est titulaire l’employeur peut être cédé à un tiers. Ayant cause du cédant, le cessionnaire de l’ensemble des actifs incorporels qui dépose le brevet peut opposer au salarié inventeur la nature d’invention de mission de l’invention protégée.

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État daté : constitutionnalité du plafonnement des honoraires du syndic

Le plafonnement des honoraires relatif à l’état daté prévu par l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 21 février 2020 ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ni ne méconnaît le principe de l’égalité devant les charges publiques garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

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Déambulation dans les audiences civiles parisiennes : « Ici, on ne fait pas de l’émotionnel, on fait du juridique »

« Je ne suis pas en état », lance à la barre un avocat, dont on espère pour lui qu’il parle bien de son dossier. Dans cette grande salle du deuxième étage, ce sont trois ou quatre douzaines de ses confrères qui attendent leur tour. Bienvenue aux référés droit commun. Certains jours, le nombre de robes diminue à vue d’œil, au gré des renvois, caducités, retraits ou radiations du rôle. D’autres, les avocats plaident par observation, et le singulier est volontaire : même si la procédure est largement orale, il arrive qu’aucun ne parvienne à terminer ne serait-ce qu’une phrase avant de se faire couper sèchement la chique et de voir son dossier voler sur la pile. Aujourd’hui, autre ambiance : la magistrate rejette absolument toutes les demandes de renvoi, même émanant de l’ensemble des parties. Au moins, on devrait trouver matière à chroniquer. Par exemple, un couple est locataire d’un appartement. Peut-être plus pour longtemps, d’ailleurs : un congé pour vendre est au centre de l’une des innombrables procédures menées de front, toutes actuellement pendantes. La question du jour porte sur deux caves, qu’ils occupent également, mais sans titre. L’une est la propriété d’une SCI familiale dont le mari est associé ; l’autre, celle d’une indivision successorale composée de membres de sa famille. « Les relations se sont dégradées… », euphémise l’avocate des demandeurs, au point que, l’an dernier, les parents et la sœur ont nuitamment posé des cadenas sur les portes des caves en question : « sans sommer », précise-t-elle, « c’est une voie de fait ». Elle affirme que l’occupation est pourtant « notoire », dans le cadre « d’une forme de commodat oral » (autrement dit, un prêt à usage), et réclame pas loin de 14 000 € de dommages-intérêt. « Pardonnez-moi… », intervient la présidente après avoir tiqué sur la demande reconventionnelle de l’avocate adverse : « Vous leur demandez de libérer les caves, mais ils font comment avec les cadenas ? »

C’est maintenant la greffière qui n’est « pas en état ». Blême, elle se fait porter pâle, car elle pense avoir le covid : il faut dire qu’un avocat venu plaider peu avant n’avait vraiment pas l’air dans son assiette. En attendant la relève, la présidente entreprend de tartiner du gel hydroalcoolique sur la moitié du mobilier de la salle : « Mieux vaut tard que jamais ! » On reprend, avec un dossier qui, au demeurant, aurait sans doute achevé la pauvre greffière. Depuis 2020, une association est victime d’une infestation de rongeurs, « en provenance des parties communes », conclut l’expertise amiable. Cette dernière mentionne des « cadavres de rats », une « odeur pestilentielle » et des « auréoles d’urine » sur le faux plafond, condamnant de fait le bureau de la directrice et une salle de réunion. Un devis (équarrissage, désinfection, etc.) est établi pour un peu moins de 8 000 € HT. Mais le syndic en sélectionne un autre, à 500 € HT, incluant seulement le remplacement d’une ou deux dalles de faux plafond et un vague nettoyage : « Évidemment, ça n’a rien résolu. » Depuis ? Rien de neuf. « Une absence totale de réponse qui nous a conduit à vous saisir », précise l’avocate, qui a donc assigné à la fois le syndic et le syndicat des copropriétaires. Elle réclame notamment 9 000 € de privation de jouissance et 5 000 € de préjudice moral. L’avocat du syndic (es qualités) sort un énième devis, à 5 000 € HT cette fois. « Vous demandez l’exécution de ce nouveau devis ? », demande la présidente à l’avocate de l’association. « Non, je n’ai jamais dit ça », objecte cette dernière : « Je demande, à titre principal, l’exécution du premier devis, et à titre subsidiaire, l’exécution du deuxième. »

« On doit toujours avoir un écrit, même un torchon »

Direction le pôle civil de proximité (ex-instance), pour des audiences sur renvoi (CivRSCP). « On a une petite audience aujourd’hui », lance gaiement le magistrat : « La dernière fois, on avait une affaire avec cent vingt demandeurs, [alors] merci pour ce début d’année ! » On planche d’abord sur un prêt personnel (5 000 €), souscrit en 2016 et donnant lieu à des incidents de paiement depuis 2019. Pour faire simple, l’avocate de la banque sollicite la déchéance du terme. L’emprunteuse, sans avocat, formule une demande reconventionnelle que sa contradictrice qualifie de « pas claire ». « Mais si, c’est très clair ! », l’interrompt l’autre, pour la énième fois en même pas cinq minutes. Le magistrat explose : « Ça suffit maintenant ! Il y a des règles de politesse élémentaires, on n’est pas sur BFM ou à “Touche pas à mon poste” ici ! » « Oui, mais je suis très en colère ! », se justifie la cliente de la banque. Elle explique que les mensualités « étaient prélevées sur un compte courant qui a été clôturé brutalement », la laissant d’ailleurs du jour au lendemain « sans moyens de paiement ». À l’en croire, tout a débuté par une hospitalisation de cinq mois, suivie d’une période de lourde invalidité : « Je reviens de très loin, je ne devrais plus être là aujourd’hui. » « On m’a mise au pied du mur », poursuit-elle, « on m’a laissé huit jours pour rembourser. J’étais dans cette banque depuis seize ans et on m’a jetée comme un kleenex… » Elle fond en larmes. Le magistrat hausse les épaules en levant les yeux au plafond : « Ici, on ne fait pas de l’émotionnel, on fait du juridique. » « Ah ben si, quand même… », objecte-t-elle en reniflant.

L’avocate ne voit aucun lien entre le prêt et le compte, puisque « ce sont deux conventions distinctes ». L’emprunteuse soutient pour sa part que « l’aide, le conseil, c’est la fonction de la banque », et qu’en l’espèce, cette dernière aurait dû lui proposer « un dispositif pour personnes en état de fragilité financière ». Sa contradictrice lui oppose que la disposition du code monétaire et financier qu’elle invoque « ne concerne que les personnes en situation de surendettement ». « Il y a un dossier qui suit son cours… », réplique la femme, sans pouvoir en justifier, puisque ses pièces se trouvent dans son téléphone : « Je n’ai pas d’imprimante. » « Ben je ne vais pas prendre votre portable en délibéré… », lance le président : « Et ce n’est pas à moi de constituer votre dossier. […] On doit toujours avoir un écrit, même un torchon, qu’on communique à la partie adverse. » Le même de poursuivre : « Si vous êtes condamnée, vous demandez des modalités de paiement ? » « Non, on verra en appel », rétorque la cliente de la banque. Sauf qu’on est sous le taux de ressort, comme le note l’avocate : « Mais elle peut toujours aller en cassation », ajoute-t-elle avec un sourire en coin. « Si vous aviez une adresse mail… », tente une dernière fois l’emprunteuse auprès du juge en lui agitant son portable sous le nez, « parce que je n’ai pas l’habitude des tribunaux ». « Ce n’est pas une question d’habitude, mais de bon sens », évacue fermement le magistrat. « Dans ce cas », conclut la femme, « je vais garder mes pièces pour la cassation ».

« Ça dénote une absence totale de sérieux »

Globalement, les avocats sont rarement tendres envers ceux qui n’en ont pas. « Il n’y a aucune contestation formelle. On vous demande de juger en équité, de faire au mieux ou je ne sais quoi… », lance par exemple l’un d’eux dans un autre dossier : « Ça dénote une absence totale de sérieux et de prise en compte des textes les plus élémentaires. » Parfois, à l’inverse, il y a bien deux avocats, mais cela peut sembler un brin disproportionné tant l’enjeu paraît dérisoire. Comme dans cette demande de résolution judiciaire d’un contrat de mutuelle santé complémentaire. L’avocate de l’assurée sollicite fort logiquement le remboursement de quelques centaines d’euros de cotisations depuis la souscription, laquelle est censée n’être jamais intervenue. Sa consœur adverse « ne veut pas polémiquer » sur le principe mais, anéantissement rétroactif oblige, demande symétriquement le remboursement de quelques centaines d’euros de prestations de l’assureur, et la compensation de l’ensemble. Chacun des deux avocats attend visiblement que l’autre livre au magistrat la mirobolante somme finalement en jeu : « trente-trois euros », lâchent-ils finalement en même temps.

Dans le dossier suivant, l’office HLM parisien sollicite la résiliation judiciaire d’un bail, en raison d’une dette locative, mais surtout de « nuisances, comme des odeurs de cuisine et des va-et-vient incessants ». « Il y a en permanence une dizaine de personnes dans ce deux-pièces », poursuit l’avocat de l’organisme, pour qui le locataire ne peut être qu’un « marchand de sommeil ». Il produit deux constats d’huissier, « qui démontrent la suroccupation, puisqu’ils relèvent la présence de dix couchages ». En déduit que l’usage « n’est pas conforme à la destination du bien », et qu’il y a nécessairement « sous-location, sans compter le défaut d’entretien ». Souligne l’air de rien que, même si le locataire assure qu’il vit désormais seul, « les relevés de compteur d’eau donnent une consommation de 28 m3 par mois ». Le défendeur explique pour sa part qu’en raison de « problèmes cardiaques », il doit se faire aider en permanence par deux personnes, lesquelles ne lui versent aucun loyer : « On partage juste EDF. » « C’est vrai qu’il a rendu service, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas », poursuit son avocate. Elle demande le débouté de l’office HLM s’agissant de la résiliation du bail, ainsi que « des délais pour cette dette locative qui n’est pas non plus abyssale ».

« En même temps, il n’est en retard que de quinze jours »

À quelques encablures de là, l’écran annonce une audience de « contentieux technique » au pôle social. C’est là que sont examinés les recours formés contre les décisions rendues en matière d’incapacité, qui relevaient auparavant de la compétence d’une juridiction spécialisée aujourd’hui disparue : le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI). Le premier dossier du jour oppose une SAS à une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Depuis la précédente audience, au mois de juillet dernier, personne n’a eu le moindre signe de vie de l’expert judiciaire : « En même temps, il n’est en retard que de quinze jours », relativise la présidente. N’empêche, ça chagrine les avocats. « Normalement, ils demandent des délais », justifie la même, « mais là, il ne s’est même pas donné cette peine. Alors je vais changer d’expert, parce que maintenant, on en a plusieurs qui peuvent remplir cette mission, [alors] qu’avant, ce n’était pas le cas ». « Mais nous, on a consigné ! », objecte un avocat : « Alors, c’est simple, il remboursera », réplique la magistrate, avant de réaliser que, non, ce ne sera sans doute pas si simple. Elle change d’avis, et renvoie à quatre mois, en griffonnant sur la pochette du dossier « rappel expert ». Puis ajoute : « On va quand même essayer de se renseigner, pour s’assurer qu’on n’aura pas le même désagrément la prochaine fois. » Dans la foulée, c’est un salarié qui critique la décision d’une autre CPAM, laquelle n’est pas représentée. Le dossier date tellement que, dans l’intervalle, une avocate a « pris la suite d’une consœur qui a pris sa retraite ». Au départ, une toute bête fracture de la cheville gauche, lors d’une mission en intérim. « Le problème », explique la nouvelle avocate, « c’est que ça a très mal cicatrisé, et les suites ont été épouvantables, c’est un véritable cauchemar ». Une récente expertise a fait passer le taux d’incapacité de 8 à 28 %, « et encore, depuis, il a fait une rechute ». En attendant, « alors que la caisse ne conteste pas, parce qu’il n’y a pas de contestation possible », son client ne touche que le RSA.

Deux étages plus haut, siège la troisième chambre, celle de la propriété intellectuelle. Théoriquement, elle devrait compter quatre sections (de trois), mais elle tourne en fait avec seulement sept magistrats. Aujourd’hui, elle se penche sur une œuvre que l’on doit – ou pas – à un éminent peintre catalan. La défenderesse la tient de son père, qui lui-même l’avait achetée dans une non moins éminente salle de ventes new-yorkaise. Pour la faire authentifier, elle s’est adressée au comité d’artiste, mais les choses ne se sont pas passées exactement comme elle l’avait prévu : requête en saisie-contrefaçon, placement sous scellé. L’avocate des ayants droit s’appuie sur plusieurs expertises, desquelles il ressort que, du papier gaufré à l’estampage, en passant naturellement par la signature, « il s’agit d’une tentative de se rapprocher d’une œuvre très connue ». Un « faux en matière artistique » dont elle sollicite logiquement la destruction, « qui nous semble être la seule solution à même de faire cesser l’atteinte […] et d’éviter que cette œuvre ne ressurgisse un jour sur le marché ». L’avocate de la défenderesse soutient quant à elle que ces expertises sont « bâclées, approximatives, et pour le moins partiales ». Surtout, elle invoque un arrêt fraîchement rendu par la Cour de cassation, qui permettrait selon elle à sa cliente de « faire gommer la signature à ses frais », puis de conserver l’œuvre « à titre privé ». Elle sollicite « le rabat de l’ordonnance de clôture », histoire de « régulariser [ses] écritures ». « Vous voulez juste que cet arrêt soit versé ? », interroge la présidente avant de suspendre : « C’est l’affaire de cinq ou dix minutes… »

Les magistrates reviennent même en moins de deux : « Donc, ben, le tribunal a décidé que ce n’était pas un motif grave. Et si ça peut vous rassurer, [il] se tient au courant des dernières jurisprudences. » « Ce n’est pas une copie servile, ce n’est pas une reproduction », enchaîne l’avocate des demandeurs : « La mention “reproduction” n’aurait donc aucun sens. » Soit, mais « elle est avant tout la propriétaire d’un droit corporel », réplique celle de la défenderesse, « et ça n’a rien à voir avec les droits incorporels ». Avant d’ajouter que sa cliente « n’est pas davantage contrefactrice », et que, « la bonne foi étant présumée en droit civil », elle « n’est pas non plus receleuse de contrefaçon ». Invoquant la Charte des droits fondamentaux de l’Union, et plusieurs arrêts de la Cour de justice, elle demande au tribunal de procéder à une « balance des intérêts en présence », et de rejeter les « prétentions exorbitantes » des demandeurs. Sa contradictrice lui répondra indirectement dans un autre dossier concernant le même artiste, en ironisant sur cette manie de vouloir conserver des faux : « Le musée de la Contrefaçon en a déjà beaucoup, et les comités d’artistes, leurs placards en débordent aussi… »

« Je vous le dis à chaque fois, ce n’est pas la peine de venir »

Détour par la deuxième chambre, celle des successions : au programme, orientation et mise en état. « Vous n’êtes pas constituée », jargonne la présidente à destination d’une femme désemparée. Et de traduire : « L’avocat est obligatoire. Si vous n’en prenez pas, vous n’aurez aucune information sur le dossier. » Un autre justiciable s’avance vers la grande table de réunion, une pochette à la main, et se met sur la pointe des pieds pour passer la tête au-dessus des illusoires écrans anti-covid en plexiglas. Visiblement, c’est un multirécidiviste : « Je vous le dis à chaque fois, Monsieur, je ne peux rien faire avec ça. Ce n’est pas contradictoire. Je sais que ce dossier vous tient à cœur, mais ce n’est pas la peine de venir ! » Dans le dossier suivant, il y a bien un avocat… mais qui n’aurait pas dû venir non plus : « Ne vous déplacez pas pour ça, Maître ! », s’exaspère la magistrate. À la cantonade, elle ajoute : « Ne vous entassez pas non plus dans cette salle pour demander la clôture… Envoyez-moi un message. » Dans d’autres chambres, la procédure écrite tourne de fait, par principe, à la procédure sans audience : « Afin de concilier le maintien de l’activité juridictionnelle avec le respect des normes sanitaires », fait alors savoir le greffe aux avocats, « vous êtes invités à ne pas vous déplacer pour plaider l’affaire ». Il reste toutefois concevable de venir « présenter des observations […] limitées au strict nécessaire », sous réserve d’annoncer la couleur par mail.

Neuvième chambre, droit bancaire. « Oh, vous savez, Monsieur, c’est une audience civile… », nous lance, toute désolée, la présidente. Certes, oui. Arrive le dossier d’un septuagénaire, qui aurait ordonné deux virements, de 4 500 € chacun, vers des comptes étrangers, en pleine nuit et depuis une application mobile qu’il affirme n’avoir jamais utilisée : la preuve, il se déplace systématiquement en agence pour remplir de bons vieux bordereaux papier. Son avocate réclame 10 000 €, sur le triple fondement du paiement non autorisé, du manquement au devoir de vigilance et de la résistance abusive, ce qui n’est tout de même pas simple à articuler. Elle souligne que son client a signalé l’opération litigieuse dès le lendemain matin, soit dans un délai plus que raisonnable qui fait que, selon elle, « il aurait dû être remboursé immédiatement, et pas trois ans et demi après ». Comme le reste de la salle, elle sursaute lorsque trois ou quatre policiers entrent avec fracas : « Désolée, c’est une erreur », s’excuse la magistrate. De son côté, l’avocate de la banque se retranche derrière « l’inviolabilité » de « l’authentification forte », qu’elle décrit par le menu : pour créer le compte bénéficiaire, il faut entrer son numéro de carte bancaire et un code transmis par SMS ; puis, pour ordonner le virement, il faut composer son identifiant et un second code SMS. Elle soutient donc que l’opération était autorisée, et, subsidiairement, invoque la négligence du client de la banque : « Tous mes processus informatiques me disent que tout a été respecté. » Au devoir de vigilance, elle oppose le devoir de non-immixtion, avant de souligner que la banque a été réactive, « puisqu’elle a pu bloquer in extremis l’un des deux virements ». Elle soutient que, si préjudice il y a, « à la rigueur », c’est une simple « perte de chance », avant de conclure : « J’ai des obligations, oui, mais je ne peux pas non plus aller au-delà. » L’avocate du demandeur fait mine de s’interroger : « Il n’a pas eu un seul incident en trente ans… donc il est brusquement devenu fraudeur à soixante-seize ans ? »

« L’assuré est libre d’aller se promener sur un toit en maillot de bain »

Quatre étages plus haut siège la cinquième chambre : au menu, droit des obligations et droit des assurances. Par exemple, en vacances avec femme et enfant, un homme loue un bateau sans permis le temps d’une balade sur le Léman, ou le Lac de Genève, question de point de vue. Et tombe à l’eau : « Comme il faisait très chaud, il s’est retrouvé en difficulté en raison de la différence de température », précise son avocat. Quelque temps après, il appelle les gendarmes, auxquels il explique qu’il n’y avait pas de gilet de sauvetage à bord : « Sinon, tout cela aurait été moins dramatique et moins traumatisant », ajoute le même avec emphase. Le navigateur du dimanche dépose une plainte, rapidement classée sans suite, puis se lance dans une procédure civile mêlant, sans que l’on saisisse parfaitement les contours de l’une et de l’autre, responsabilités délictuelle et contractuelle. Les dossiers des deux parties sont relativement conséquents, et passent méthodiquement en revue coutumes et autres conventions franco-suisses. L’avocate de l’exploitant objecte que, pour son client, « qui a une petite activité quasi individuelle », c’était « un traumatisme, justement, de se retrouver [soupçonné] de mise en danger » : « Vous avez une attestation d’une personne qui a loué le même bateau juste avant, et qui ne voit pas comment on peut tomber, puisque les rebords sont hauts. On a [tout de même] un doute sur le fait qu’il se soit jeté à l’eau ». Et puis, « le bateau qui vient à la rescousse, il est à moins de cent mètres et arrive en quelques secondes ». Peut-être, réplique son contradicteur, mais « il s’est senti très en difficulté vis-à-vis de sa famille, et de son enfant qui souffre de troubles de l’anxiété ». L’avocate conclut sur le « comportement assez atypique » du père de famille : « Il dit n’avoir jamais eu de copie du contrat de location, mais le lendemain, subitement, il connaît l’immatriculation [du bateau], sa puissance, etc. Et une semaine après, il réclame 15 000 €. Est-ce que tout cela n’est pas un peu trop construit pour être le reflet d’une réalité ? »

Entre une erreur de diagnostic amiante et un classique vice caché automobile surgit un dossier plus lourd : un homme a fait une chute mortelle d’un toit. Son épouse et (sur ordonnance du JAF) ses enfants mineurs poursuivent l’assureur, qui refuse sa garantie accidents de la vie. Il faut dire que les circonstances de la chute sont peu communes, même si « l’assuré est parfaitement libre d’aller se promener sur un toit, sous la pluie, en maillot de bain ! », précise l’avocat de la famille. Selon lui, « il a marché sur une tuile, la tuile s’est brisée, et il est décédé quelques étages plus bas » : « On est donc bien en présence d’une atteinte corporelle résultant de l’action soudaine et imprévisible d’une cause extérieure », ajoute-t-il doctement en citant un paragraphe des conditions générales. Toujours selon le même, « l’assureur s’écarte de la définition classique de l’accident pour dire que c’est le comportement de l’assuré [qui en est la cause], mais ce n’est pas un contrat qui permet à un assureur de juger le comportement de l’assuré ». L’avocate de l’assureur rétorque quant à elle qu’« on n’a pas du tout extrapolé, on s’est tenu aux libellés explicites et exprès du contrat. […] On a le PV de la police, qui [constate] une forte odeur d’alcool, [et qui] démontre qu’une fenêtre était ouverte, et ce n’était pas une porte-fenêtre desservant une terrasse ». Sur le bris de la tuile, elle insiste sur le fait que « le PV dit simplement qu’une tuile est fraîchement cassée, et semble correspondre à l’itinéraire qu’il aurait pu prendre ». « Pour que le contrat trouve à s’appliquer », poursuit-elle, « il faut que la cause extérieure soit exclusive. Or sa présence sur le toit participe à l’appréciation [de son] comportement, et c’est ce comportement qui est la cause de son décès. »

« Oui, mais bon, toi aussi, tu mens… »

« On a eu dix-neuf audiences de mise en état dans ce dossier, sans compter les quatorze autres instances en cours ! », fustige une avocate lorsqu’on entre dans une salle voisine. Ambiance. Bienvenue à la huitième chambre, celle du droit de la copropriété. On enchaîne sur un immeuble du nord-ouest parisien, dont le rez-de-chaussée comporte un local commercial, que la SCI bailleresse a confié à une enseigne de restauration rapide, spécialisée dans le burger. Depuis 2014, les copropriétaires se plaignent des « nuisances olfactives », mais aussi « sonores » – les livreurs attendant leurs commandes –, ainsi que de la « saleté des parties communes ». Le syndicat sollicite, par une action oblique, la résiliation judiciaire du bail, mais aussi l’expulsion du preneur. Et pour la SCI, une interdiction de poursuivre une activité de restauration, « qui n’est manifestement pas compatible avec les locaux ». Il réclame aussi le paiement de dommages-intérêts, mais plutôt subsidiairement, puisque « notre demande n’est pas de battre monnaie », précise l’avocat de la copro. « Sur la réalité des désordres », enchaîne le même, « on a une inspection de la préfecture de police, qui relève plusieurs non-conformités. [Par exemple], le conduit de ventilation devrait déboucher à plus de huit mètres de l’ouvrant le plus proche. Là, il est juste sous une fenêtre ». L’avocate du restaurateur, qui propose de faire de menus travaux, met au passage dans la balance les licenciements qu’occasionnerait une résiliation du bail, puis rétorque : « Avec la restauration, il y a des troubles, je ne peux pas le nier, mais l’exploitation est conforme au bail et au règlement de copropriété. » Elle ajoute que « tous les commerces de bouche de [la capitale] commettent des infractions », et que « la violation du règlement sanitaire de la Ville n’implique pas la violation d’un règlement de copro », avant de rappeler « le contexte sanitaire qui pèse lourdement sur les petites entreprises ».

Deux étages plus bas, juge de l’exécution (JEX), saisies immobilières. Des deux côtés de la barre, on parle d’un « dossier inextricable » : ça promet ! Une propriétaire a une importante dette à honorer, puisqu’il est question de 143 000 €. L’avocate du créancier a bien des sommes sur son compte CARPA, à hauteur du tiers, mais elle refuse de les encaisser et aimerait les restituer à son confrère : « C’est quand même un comble ! », ponctue-t-elle. En cause, un courrier du frère de la débitrice par lequel, en tout début de procédure, il s’était engagé à rembourser les sommes dues par sa sœur sur les fonds d’une association qu’il préside. « En plus, c’est possiblement un faux… », ajoute la même : « Si le tribunal me dit que je peux encaisser ces sommes, tant mieux, mais dans tous les cas, ma créance n’est pas soldée, donc je maintiens ma demande de vente forcée. » « À chaque fois qu’un paiement a été fait », objecte l’avocat adverse, « il a été rejeté par le créancier, alors qu’il provenait d’un compte bancaire français. Donc on considère que le titre, aujourd’hui, ne porte plus que sur 100 000 €, […] et que la débitrice, manifestement, a montré sa bonne foi ». À titre principal, il demande quatre mois pour apurer le solde ; et à titre subsidiaire, la possibilité de procéder à une vente amiable. Au même frère, qui produit une estimation concordante… mais ne précise pas comment il compte financer l’opération. Sur les bancs, une femme attendant qu’un autre dossier soit appelé s’indigne en parcourant une pièce adverse : « C’est vraiment un menteur ! » « Oui, mais bon, toi aussi, tu mens… », murmure son voisin en lui tapotant l’avant-bras pour la calmer.

« C’est quand même un peu compliqué, cette procédure… »

Depuis le début de l’audience, un quidam est planté, debout, devant la magistrate, une pochette à la main. Elle lui a indiqué une bonne demi-douzaine de fois que « non, vous, on verra plus tard, parce que votre dossier va être plaidé ». C’est justement son tour. Il souhaite procéder à une vente « à ré-mé-né-ré », autrement dit à réméré, pour apurer une dette de 60 000 € : « Ils doivent nous envoyer un huissier pour l’estimation, après on va chez le notaire », résume le justiciable. Il n’a aucun avis de valeur, et l’avocat adverse souligne qu’on « ne sait même pas dans combien de temps ça pourrait être vendu ». « C’est quand même un peu compliqué, cette procédure… », médite la JEX, tandis que l’avocat du créancier soulève que son adversaire n’est pas le propriétaire du bien, ce qui donne lieu à une petite séance d’ascenseur émotionnel :

— Celui qui est dans la procédure n’est pas venu.

— Bon, alors, c’est un peu embêtant, ça.

— Mais il y a un pouvoir.

— Ah, c’est bien, ça !

— Mais il n’est pas annexé.

— Ah…

Elle poursuit : « Je suis embêtée pour vous, Monsieur, mais je ne peux pas autoriser la vente amiable, il faut que ce soit votre grand-père qui la demande à l’audience. » Après s’être creusé la tête deux ou trois minutes, elle reprend : « Ce que je peux faire, c’est mettre un délibéré plus loin, pour vous laisser plus de temps pour la vente amiable. C’est ce que je peux faire de mieux, comme ça, ça échappe à mon pouvoir, et vous faites tout sans moi. En plus, c’est une grosse somme, mais pas [non plus] énorme. » L’homme est un peu perdu, alors elle précise : « Donc, après le délibéré, on ajoute quatre mois, et on arrive largement au mois de juillet. Ne soyez pas choqué, vous allez recevoir un jugement ordonnant la vente forcée, mais que ça ne vous empêche pas de continuer comme prévu. » Elle le met tout de même en garde : « Par contre, s’il reste des frais, il pourra demander la vente forcée quand même. » L’homme remballe sa pochette. Il n’a pas tout compris.

Déambulation dans les audiences civiles parisiennes : « Ici, on ne fait pas de l’émotionnel, on fait du juridique »

Deux tiers des décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire le sont en matière civile, qui reste largement dans l’angle mort de la chronique judiciaire. Il faut dire que ces dossiers sont souvent arides et frustrants, puisqu’on en a rarement une vue d’ensemble. Pour corriger un peu cette injustice, nous avons poussé la porte de quelques-unes de ces salles d’audience.

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L’Autorité des marchés financiers présente ses priorités d’action pour 2022

Dans un contexte de forte reprise économique et malgré la poursuite de la crise sanitaire, les actions de l’Autorité des marchés financiers s’articuleront en priorité autour de quatre axes en 2022 : l’Europe, l’investissement des particuliers, la finance durable et la modernisation continue de l’action du régulateur.

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Précisions sur l’abandon de famille et la révocation du sursis simple

Dans une nouvelle décision du 19 janvier 2022, la chambre criminelle est venue apporter des précisions à plusieurs propos. D’une part, concernant la charge de la preuve d’une impossibilité de payer, qui est une cause de non-imputabilité de l’infraction d’abandon de famille, prévue par l’article 227-3 du code pénal. D’autre part, au visa de l’article 132-36 du code pénal, elle est venue rappeler qu’un sursis simple assortissant d’une peine d’emprisonnement ne peut être révoqué, fût-ce par décision spéciale, lors du prononcé d’une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis, telle qu’une peine d’emprisonnement avec sursis probatoire.

En l’espèce, lors de la dissolution du mariage de deux époux, dont sont issus deux enfants, le juge aux affaires familiales avait fixé la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants du père à la somme mensuelle globale de 800 €. Après que la mère, son ex-épouse, a déposé plusieurs plaintes pour abandon de famille, par un jugement du 11 mars 2019, le tribunal correctionnel l’a reconnu coupable, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement, et a ordonné la révocation totale du sursis antérieurement accordé par le tribunal correctionnel, le 26 mars 2014. Le prévenu a interjeté appel de la décision dans toutes ses dispositions. Autrement dit, il contestait à la fois la déclaration de culpabilité et la révocation intégrale de la peine d’emprisonnement assortie du sursis simple qui avait été prononcée. Le 23 juin 2020, la cour d’appel de Douai a confirmé la déclaration de culpabilité et la révocation du sursis assortissant une peine d’emprisonnement antérieure, et l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis probatoire. Il a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La caractérisation de l’abandon de famille

Le premier moyen critiquait l’arrêt en ce qu’il avait déclaré le prévenu coupable d’abandon de famille. Plus précisément, il soutenait que l’élément moral de cette incrimination n’était pas caractérisé. En effet, selon lui, la cour d’appel s’était bornée à constater « l’absence de justification sérieuse par le prévenu de son impécuniosité́ totale », alors qu’il « appartient au ministère public et à la partie civile de rapporter la preuve de la volonté du prévenu de ne pas honorer sa dette » (§ 7 de la présente décision). Il estimait alors que la cour d’appel avait « inversé la preuve et a méconnu les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ». Subsidiairement, et sans toutefois le mentionner explicitement, il se prévalait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde de justice à son encontre par un jugement du 13 mai 2013 comme cause de non-imputabilité.

Classiquement, l’abandon de famille peut être défini comme « l’abstention de paiement portant sur une obligation pécuniaire familiale d’origine judiciaire » (v. not., Rép. pén., v° Abandon de famille, par A. Gouttenoire et M.-C. Guérin,...

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Précisions sur l’abandon de famille et la révocation du sursis simple

D’une part, le prévenu, poursuivi du chef d’abandon de famille, et qui invoque une impossibilité absolue de payer, doit en rapporter la preuve. D’autre part, le sursis qui accompagne une peine d’emprisonnement ne peut être révoqué, lors du prononcé d’une peine d’emprisonnement avec sursis probatoire.

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Quand un Français peut-il être empêché d’entrer en France ?

Un Français ne peut voir restreindre son droit fondamental à rejoindre le territoire national qu’en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public.

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Le Conseil d’État sonne le glas des accords-cadres sans maximum

Sans surprise, le Conseil d’État affirme que la passation d’un marché public sous la forme d’un accord-cadre sans maximum est entachée d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence lésant suffisamment le requérant pour obtenir l’annulation de la procédure. Cette décision du 28 janvier 2022 confirme la réception par le Conseil d’État de l’arrêt Simonsen de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 juin 2021.

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[PODCAST] 15’ pour parler d’Europe - Épisode 5 - Entretien avec Pauline Dubarry

Dans ce podcast, Hélène Biais, Directrice des Affaires publiques de la Délégation des barreaux de France à Bruxelles, reçoit Pauline Dubarry, Conseillère justice à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Écouter le podcast

Podcast créé, réalisé et animé par :

Laurent Pettiti, Président de la Délégation des barreaux de France
Hélène Biais, Directrice des affaires publiques, Délégation des barreaux de France
Laurent Montant, Directeur Studio Média Lefebvre Dalloz
Laurent Dargent, Rédacteur en chef de Dalloz actualité
Axel Gable, Ingénieur du son

Nous remercions vivement le Conseil de l’Europe de nous avoir permis d’utiliser la version de l’hymne européen accompagnant ce podcast.

[PODCAST] 15’ pour parler d’Europe - Épisode 5 - Entretien avec Pauline Dubarry

La France préside le Conseil de l’Union européenne pour six mois. À cette occasion, la Délégation des barreaux de France et Lefebvre Dalloz s’associent pour vous proposer ce podcast dont la vocation est de sensibiliser sur les travaux et les actions conduites dans le domaine de la justice au plan européen.

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Protection du lanceur d’alerte dénonçant des pratiques contraires à la déontologie de la profession

Le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement est frappé de nullité.

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Députés et sénateurs s’entendent sur les lanceurs d’alerte

Hier, lors de la commission mixte paritaire, les sénateurs ont rejoint les députés sur plusieurs points majeurs des propositions de loi sur les lanceurs d’alerte. Détail d’une transposition ambitieuse sur les lanceurs d’alerte.

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Société civile : caractère impératif de l’article 1852 du code civil

Le principe d’unanimité prévu par l’article 1852 du code civil, à défaut de dispositions statutaires, pour prendre des décisions collectives qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, relève des dispositions impératives au sens de l’article 1844-10 du même code, de sorte que la violation de ce principe ou des règles statutaires qui l’aménagent est sanctionnée par la nullité.

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Société civile : caractère impératif de l’article 1852 du code civil

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Entente entre huissiers de justice: sanction de l’Autorité de la concurrence

La découverte des deux décisions de l’Autorité de la concurrence du 13 janvier 2022 relative à la sanction pour entente dans le secteur des huissiers de justice nous donne un sentiment de déjà-vu. Ces deux affaires ne sont pas sans rappeler celle du 13 du 24 juin 2019 à l’occasion de laquelle l’Autorité de la concurrence a condamné pour entente les huissiers de justice adhérents du bureau commun de signification (ci-après « BCS ») des Hauts-de-Seine (Aut. conc. n° 19-D-13, 24 juin 2019, AJDA 2019. 2591, obs. S. Nicinski ).

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Articulation entre référé et QPC

Par deux décisions, le Conseil d’État précise l’office du juge de cassation, saisi d’un pourvoi contre le rejet d’une demande en référé, sur le refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

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Rejet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité sur l’obligation vaccinale des soignants

Le Conseil d’État a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel, le 28 janvier, plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par des soignants, portant sur l’obligation vaccinale contre la covid-19 imposée aux personnels exerçant au sein d’établissements de santé.

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Quelles conséquences le juge doit-il tirer de la perte d’un dossier médical ?

Dans un arrêt du 1er février, le Conseil d’État affine la définition de l’infection nosocomiale et précise les conséquences que le juge doit tirer de la perte, par l’établissement de santé, du dossier médical du patient.

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Alsace-Moselle : pas de présomption de responsabilité du locataire en cas d’incendie

Par l’arrêt du 26 janvier 2022 rapporté, la Cour de cassation a jugé qu’en matière d’incendie, les articles 1733 et 1734 du code civil ne sont pas applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. La présomption de responsabilité qui pèse sur le preneur à bail en cas d’incendie est donc écartée.

En outre, sauf clause contraire expresse du bail relevant du droit local, le locataire ne répond des dégradations ou des pertes consécutives à l’incendie que si le bailleur prouve qu’il a commis une faute à l’origine de celui-ci.

La présomption de responsabilité pesant sur le preneur en cas d’incendie

Le preneur à bail est présumé responsable de l’incendie survenu dans le bien loué en vertu de l’article 1733 du code civil et il ne peut l’écarter qu’en prouvant un cas de force majeure, un vice de construction ou encore en démontrant que le feu a été communiqué par une maison voisine.

Une telle présomption s’explique aisément : le locataire a la jouissance du bien, ce qui implique que le feu est souvent de son fait. D’ailleurs, « en 1804, date de ces dispositions, les incendies étaient plus fréquents au regard des modes de construction, ce qui impliquait une vigilance particulièrement accrue demandée au locataire » (Rép. civ., v° Bail, par C. Aubert de Vincelles et C. Noblot, n° 131). En outre, même si le feu n’a pas été directement causé par le locataire, c’est lui qui peut savoir s’il existe un risque d’incendie nécessitant des réparations plus ou moins urgentes. Bref, la charge du risque d’incendie pèse en principe sur le locataire.

Mais en même temps, l’incendie peut entraîner des conséquences particulièrement graves pour le preneur qui peut se trouver titulaire d’un bail ayant pour objet une chose qu’il ne peut plus utiliser tout en étant tenu d’indemniser le bailleur. Le cas du bail commercial est à cet égard particulièrement illustratif : le locataire est en effet susceptible de ne plus pouvoir exploiter son fonds de commerce pendant de nombreux mois voire des années tout en demeurant présumé responsable de l’incendie qu’il a subi.

Le montant de l’indemnisation peut d’ailleurs être particulièrement élevé. En effet, conformément aux règles de la responsabilité civile en droit français, il convient de réparer intégralement le préjudice subi, c’est-à-dire de permettre au bailleur de retrouver un bien équivalent à celui qu’il avait donné à bail. Cela implique que l’indemnisation doit être fixée à la valeur de reconstruction du bien, sans qu’un coefficient de vétusté soit appliqué par les juges du fond (C. Aubert de Vincelles et C. Noblot, préc., n° 133 ; Civ. 3e, 9 janv. 1991, n° 89-16.661 P, AJDI 1992. 28 image et les obs. image ; 19 juill. 1995, n° 93-16.106 P ; v. aussi Civ. 3e, 7 sept. 2017, n° 16-15.257, Dalloz actualité, 26 sept. 2017, obs. C. Derveau ; D. 2017. 2577 image, note V. Mazeaud image ; AJDI 2018....

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Alsace-Moselle : pas de présomption de responsabilité du locataire en cas d’incendie

Sauf clause contraire expresse du bail relevant du droit local, le locataire ne répond des dégradations ou des pertes consécutives à l’incendie que si le bailleur prouve qu’il a commis une faute à l’origine de celui-ci.

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Sauf clause contraire expresse du bail relevant du droit local, le locataire ne répond des dégradations ou des pertes consécutives à l’incendie que si le bailleur prouve qu’il a commis une faute à l’origine de celui-ci.

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Refus d’une mutation pour des raisons religieuses : la justification de la sanction disciplinaire

La mutation disciplinaire d’un salarié ne constitue pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses lorsqu’elle est motivée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante.

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Cinq communes de Seine-Saint-Denis devront augmenter le temps de travail de leurs agents

Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a enjoint, le 31 janvier, aux maires de Bobigny, Stains, Noisy-le-Sec, Tremblay-en-France et Montreuil de veiller à l’adoption, à titre provisoire et dans un délai de quarante jours, de délibérations portant le temps de travail des agents de ces communes à 1 607 heures par an, en application de l’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique, et de transmettre ces délibérations au préfet.

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Interdiction des inscriptions hypothécaires après la déclaration de vacance de la succession

Les règles qui organisent le paiement des créanciers de la succession n’excluent pas l’application du principe de l’arrêt du cours des inscriptions hypothécaires. La mainlevée d’une inscription hypothécaire faite postérieurement au décès peut être demandée par le curateur d’une succession déclarée vacante.

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Renvoi d’une QPC sur les conditions de recours en matière d’urbanisme

À l’occasion d’un recours contre l’autorisation donnée à la société Total d’installer un centre d’innovation et de recherche sur le campus de l’École polytechnique à Palaiseau, le Conseil d’État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme.

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Meublés touristiques : constitutionnalité de l’amende civile

L’amende civile prévue par l’article L. 324-1-1 IV et V du code de tourisme en cas de non-transmission à la commune les données sollicitées relatives aux périodes de location ne méconnaît ni le principe de légalité des délais et des peines, ni la présomption d’innocence, ni le droit de se taire.

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Évolution du contenu des annonces immobilières professionnelles

Un arrêté du 26 janvier 2022 modifie l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière.

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La connaissance réputée ou supposée de l’acte frauduleux du débiteur

Le créancier exerçant l’action paulienne est réputé avoir connaissance de l’acte frauduleux de son débiteur dès la date de sa publication au service chargé de la publicité foncière. Cette connaissance constitue le point de départ de la prescription de son action.

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La connaissance réputée ou supposée de l’acte frauduleux du débiteur

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à partir du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer. Le point de départ de la prescription d’une action personnelle est donc, soit la connaissance réelle ou effective des faits permettant de l’exercer, soit leur connaissance réputée ou supposée. C’est cette alternative que les textes expriment respectivement par les expressions « a connu », d’une part, et, « aurait dû connaître », d’autre part. Laquelle des deux branches de l’alternative faut-il retenir, et sur la base de quel critère ? La question est loin d’être oiseuse, car selon que l’on retient l’une ou l’autre branche, on aboutit à l’extinction ou non d’un droit, comme l’illustre l’arrêt rapporté.

Au cas d’espèce, une personne s’était portée caution d’une société au profit d’une banque. Elle effectua un peu plus de deux ans plus tard une donation-partage de la nue-propriété de l’un de ses immeubles à ses deux enfants. L’acte fut publié quelques jours plus tard au service de la publicité foncière. La société débitrice principale ayant été défaillante, le créancier engagea des poursuites contre la caution en exécution de son engagement. Pour faire aboutir cette poursuite, le créancier exerça une action en inopposabilité de la donation-partage effectuée par la caution au profit de ses enfants. Or, cinq ans s’étaient écoulés entre la mise en œuvre de cette action paulienne et la publication de l’acte de donation-partage. Les juges du fonds décidèrent qu’en application de l’article 2224 du code civil, l’action était prescrite et donc irrecevable.

C’est le point de départ du délai de prescription retenu par la cour d’appel qui fait difficulté en l’espèce. Les juges du fond avaient retenu que le point de départ de la prescription de l’action paulienne est la connaissance réputée ou supposée par le créancier des faits permettant de l’exercer.

Le pourvoi en cassation conteste ce point de départ : « la publication de [l’acte de donation-partage] au service de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir le délai de prescription ». La formulation de l’argumentation est quelque peu ambiguë, en raison de l’expression « à elle seule ». Deux interprétations de l’argumentation sont possibles.

La première interprétation se résumerait dans la proposition suivante : le point de départ de la prescription de l’action paulienne est la connaissance réelle ou effective par le créancier de l’acte frauduleux de son débiteur.

Ce serait donc à tort que les juges du fonds ont considéré que ce point de départ est la connaissance réputée ou supposée.

La seconde interprétation du pourvoi part du postulat que le point de départ de la prescription de l’action paulienne est bien la connaissance réputée ou supposée par le créancier de l’acte frauduleux de son débiteur, comme la cour d’appel l’a retenu. La contestation du pourvoi porte alors plutôt sur la caractérisation de cette connaissance réputée ou supposée. L’argumentation se résume dans la proposition...

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La connaissance réputée ou supposée de l’acte frauduleux du débiteur

Le créancier exerçant l’action paulienne est réputé avoir connaissance de l’acte frauduleux de son débiteur dès la date de sa publication au service chargé de la publicité foncière. Cette connaissance constitue le point de départ de la prescription de son action.

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Créance salariale et responsabilité du mandataire liquidateur : compétence du tribunal judiciaire

La juridiction prud’homale n’est pas compétente pour connaître de la demande incidente formée par un salarié pour obtenir la condamnation du liquidateur de la société qui l’employait à garantir le paiement des sommes fixées au titre des créances salariales, au passif de la liquidation.

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Créance salariale et responsabilité du mandataire liquidateur : compétence du tribunal judiciaire

La juridiction prud’homale n’est pas compétente pour connaître de la demande incidente formée par un salarié pour obtenir la condamnation du liquidateur de la société qui l’employait à garantir le paiement des sommes fixées au titre des créances salariales, au passif de la liquidation.

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Cristallisation des règles d’urbanisme dans les lotissements

La cristallisation des règles d’urbanisme dans les lotissements fait obstacle à ce que le maire oppose un sursis à statuer à une demande de permis de construire au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme.

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Obstacle aux enquêtes de l’AMF et [I]non bis in idem[I]

Le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution le f du paragraphe II de l’article 642-2 du code monétaire et financier relatif à la sanction administrative en cas d’entrave aux enquêtes et contrôles de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

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Obstacle aux enquêtes de l’AMF et [I]non bis in idem[/]

Le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution le f du paragraphe II de l’article 642-2 du code monétaire et financier relatif à la sanction administrative en cas d’entrave aux enquêtes et contrôles de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

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Clauses abusives et concentration temporelle des prétentions en appel

Dans un arrêt important, la première chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que la concentration temporelle des prétentions de l’article 910-4 du code de procédure civile ne s’oppose pas à l’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle par le juge.

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Clauses abusives et concentration temporelle des prétentions en appel

Régulièrement, la Cour de cassation vient rappeler l’exigence du relevé d’office du contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (v. à ce titre récemment Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 1920 image). D’ailleurs, la protection issue de la directive 93/13/CEE continue à poser des difficultés d’interprétation tranchées par la Cour de justice de l’Union européenne par le biais de nombreux renvois préjudiciels comme nous l’avons vu encore récemment dans ces colonnes (CJUE 21 déc. 2021, aff. C-243/20, Dalloz actualité, 24 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 5 image). L’arrêt rendu le 2 février 2022 permet à la première chambre civile de la Cour de cassation d’apporter une très importante précision sur la procédure civile d’appel qui n’avait rien d’évident. La question est d’ordre procédural : le contrôle des clauses abusives peut-il se heurter au principe de concentration temporelle des prétentions de l’article 910-4 du code de procédure civile en cause d’appel ?

Rappelons les faits pour comprendre le contexte ayant donné lieu à cette interrogation. Un établissement bancaire consent à deux personnes mariées trois prêts immobiliers libellés en devises CHF le 28 janvier 2005. Les emprunteurs contractent une assurance pour ces trois prêts. Le 18 juillet 2006, un quatrième prêt immobilier en devises CHF est accordé contre un acte de nantissement des troisièmes piliers suisses des emprunteurs contractés auprès d’une société d’assurance. Un des deux emprunteurs décède en 2012. La banque créancière informe que le montant versé par la société d’assurance au titre des troisièmes piliers était insuffisant pour couvrir le montant exigible du dernier prêt. Le 6 juin 2014, la banque prononce donc la déchéance du terme des prêts et met en demeure la seconde emprunteuse, l’épouse désormais veuve, de payer les sommes restant dues. Le 7 août 2014, la banque assigne la débitrice – désormais sous une mesure de protection judiciaire (une tutelle) – en paiement. Son tuteur est, à ce titre, attrait à la cause. Par le biais de ce dernier, l’emprunteuse invoque plusieurs manquements de la banque et le caractère abusif de certaines clauses des prêts souscrits. Le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a condamné la débitrice au paiement des sommes dues, sans faire droit à ses demandes fondées sur les différents manquements allégués. La débitrice décide d’interjeter appel. La Cour d’appel de Chambéry confirme le jugement sauf sur le manquement au devoir de mise en garde et sur le manquement au devoir d’information et de conseil de la banque. Elle condamne ainsi l’établissement bancaire à des sommes de 25 000 € et de 75 000 € pour ces deux manquements respectivement.

L’établissement bancaire et l’emprunteuse se pourvoient en cassation, pour des raisons différentes bien évidemment. Le premier demandeur au pourvoi concentre son argumentation sur l’obligation d’information et de conseil qu’il aurait respecté et allègue ainsi d’un défaut de base légale de la décision d’appel. C’est le moyen soulevé par l’emprunteur qui est davantage au centre de l’attention et qui donnera d’ailleurs lieu à la réponse la plus longue de l’arrêt du 2 février. La débitrice regrettait que les juges du fond aient déclaré irrecevables ses prétentions visant à obtenir l’annulation de stipulations contractuelles abusives car non présentées dans le premier jeu de conclusions d’appel comme le prévoyait l’article 910-4 du code de procédure civile. Les juges d’appel ne s’étaient donc pas penchés sur le fond en déclarant irrecevables ces prétentions fondées sur ce mécanisme protecteur du droit de la consommation. C’est précisément le cœur du...

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Clauses abusives et concentration temporelle des prétentions en appel

Dans un arrêt important, la première chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que la concentration temporelle des prétentions de l’article 910-4 du code de procédure civile ne s’oppose pas à l’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle par le juge.

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Règlement Rome III : choix de la loi du for pour régir le divorce

Le règlement Rome III n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps a profondément renouvelé les solutions applicables dans le domaine des divorces ayant un caractère international.

Les applications jurisprudentielles sont encore peu fréquentes (v. toutefois CJUE 16 juill. 2020 aff. C-249/19, Dalloz actualité, 9 sept. 2020, obs. F. Mélin ; D. 2020. 1521 image ; ibid. 2021. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2020. 595, obs. A. Boiché image ; Rev. crit. DIP 2020. 853, note S. Corneloup image ; RTD eur. 2020. 937, obs. V. Egéa image), de sorte que l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 26 janvier 2022 ne peut que retenir l’attention.

Il porte sur la mise en œuvre de l’article 5 du règlement, qui dispose que :

« 1. Les époux peuvent convenir de désigner la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, pour autant qu’il s’agisse de l’une des lois suivantes :
a) la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
b) la loi de l’État de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou
c) la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
d) la loi du for.
2. Sans préjudice du paragraphe 3, une convention désignant la loi applicable peut être conclue et modifiée à tout moment, mais au plus tard au moment de la...

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Règlement Rome III : choix de la loi du for pour régir le divorce

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la possibilité ouverte aux époux par le règlement du 20 décembre 2010 de choisir, avant même que la décision de divorcer ne soit prise, la loi applicable à leur divorce et en particulier la loi du for.

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Copropriété horizontale et permis de construire valant division : pas de contournement du statut du lotissement

Une société qui, après avoir obtenu un permis de construire valant division et recouru au statut de la copropriété, vend un lot de copropriété, ne fait qu’user d’une faculté qui lui est ouverte par les dispositions des articles R. 431-24 et R. 442-1 du code de l’urbanisme et ne contourne pas le statut légal du lotissement.

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Autorisation administrative de rupture de CDD à son terme, demande de requalification et de nullité du licenciement

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de rupture d’un contrat à durée déterminée arrivé à son terme devenue définitive, en application des articles L. 2412-1, L. 2421-8 et L. 2421-13 du code du travail, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, ni prononcer la nullité du licenciement en violation du statut protecteur.

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De l’appréciation de la disproportion du cautionnement conclu par des époux communs en biens

La disproportion du cautionnement continue d’occuper une part non négligeable des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation en ce début de l’année 2022 (v. not. Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 20-17.325, Dalloz actualité, 18 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 68 image ; 5 janv. 2022, n° 19-17.200, Dalloz actualité, 19 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 68 image). Après avoir encore rappelé que la quote-part des biens indivis doit rentrer dans l’assiette de l’appréciation de la disproportion (Civ. 1re, 19 janv. 2021, n° 20-20.467, Dalloz actualité, 31 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 164 image), la haute juridiction se penche sur la communauté réduite aux acquêts dans un nouvel arrêt rendu le 2 février 2022 dont l’importance n’est pas à négliger. Mais avant de nous intéresser au fond de la solution, rappelons les faits ayant conduit au pourvoi. Un établissement bancaire consent à une société un prêt à hauteur de 300 000 €. Deux personnes mariées sous la communauté réduite aux acquêts se portent cautions de la société à concurrence de 273 000 € et de 117 000 € dans deux actes séparés et distincts. Quelques années plus tard, la société débitrice se retrouve en position de cessation des paiements et, par la suite, en redressement judiciaire si bien que le créancier se retourne contre les cautions pour se désintéresser. L’établissement bancaire assigne, par conséquent, ces dernières en paiement mais les défendeurs lui opposent la disproportion du cautionnement souscrit par chacun d’entre eux. Le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire condamne solidairement les cautions au paiement d’une somme de 120 619,46 € dans la limite des 117 000 € de la caution engagée seulement à cette hauteur. Les cautions interjettent appel de la décision pour obtenir la disproportion de l’engagement tandis que la banque demande également la réformation sur le quantum retenu de la condamnation. La cour d’appel de Rennes opère un travail minutieux pour justifier que le cautionnement souscrit était, en réalité, disproportionné en prenant en compte le montant cumulé des deux engagements (soit 390 000 €) eu égard aux biens et revenus des époux.

Voici où le nœud du problème se noue. La banque se pourvoit en cassation en arguant qu’il aurait fallu prendre en compte seulement le cautionnement le plus élevé des deux pour apprécier la disproportion du cautionnement. Le pourvoi est rejeté : la première chambre civile continue son interprétation de l’assiette de la disproportion, ici tout en finesse, en donnant une réponse qu’il faut probablement interpréter.

Quand deux époux concluent deux cautionnements distincts et que chacun a donné son accord au cautionnement de l’autre, l’assiette d’appréciation de la disproportion est la somme des deux engagements. Des remarques doivent être faites concernant l’adéquation de cette solution avec les questions intéressant l’obligation à la dette en régime de communauté et notamment l’engagement de la masse commune par le jeu de l’article 1415 du code civil.

Une prise en compte unifiée et non individuelle quant à l’assiette de la...

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De l’appréciation de la disproportion du cautionnement conclu par des époux communs en biens

La première chambre civile vient rejeter un pourvoi dirigé contre un arrêt ayant jugé dans le cadre d’un cautionnement conclu par chacun des époux individuellement avec le consentement exprès de l’autre que l’assiette d’appréciation de la disproportion est la somme des deux engagements et non la plus élevée des deux.

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Qu’importe le flacon, pourvu que l’on finance

Les questions d’argent ne sont pas moins délicates quand elles se posent dans le cadre familial. La situation dans une indivision familiale peut vite devenir compliquée et porter définitivement atteinte aux liens entre ses membres. Les exemples ne manquent pas et cette affaire en est une nouvelle illustration. Toutefois, elle nous offre une réponse intéressante sur la question des dépenses relavant de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil.

Le 26 septembre 2006, Mme FH achète un bien immobilier en indivision avec MM. XT et GT (les consorts T), ses petits-fils. Pour financer cet achat sont souscrits un crédit relais et deux prêts amortissables de 120 000 et 180 000 € respectivement. Mme FH opère le remboursement d’échéances des prêts (à hauteur de 7 416,28 € et 15 505,49 €) et solde le crédit relais en date du 20 novembre 2006. La situation entre les indivisaires se tend et de nombreux litiges naissent. À la suite d’un jugement ordonnant le partage de l’indivision, le 24 septembre 2013, le notaire chargé de ce dernier rend un procès-verbal de difficulté. Alors que la procédure judiciaire est en cours, Mme FH décède le 1er mai 2014. Elle laisse pour lui succéder, d’une part, Mme JW et, d’autre part, Mmes KW, NW et SW (les consorts W). Les consorts W sont intervenues volontairement pour reprendre l’instance. La cour d’appel (Paris, 12 févr. 2020, n° 18/18900) fait droit aux demandes des consorts W et fixe la créance des ayants droit de Mme FH, au titre des dépenses de conservations à hauteur de 422 648,84 € correspondant aux sommes versées tant au titre des échéances des prêts amortissables qu’au titre du paiement du crédit relais.

Les consorts T forment alors un pourvoi contre la décision. Par leur pourvoi, les requérants demandaient à la haute juridiction de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 815-13 du code civil au remboursement d’un crédit relais. Ils invoquaient que le remboursement d’un crédit relais constituait une dépense d’acquisition – ne relevant pas de l’empire de ce texte – et non une dépense de conservation.

Malheureusement pour eux, la première chambre civile ne fait pas sienne leur argumentation et rejette leur pourvoi. En effet, la Cour énonce que « le règlement...

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Qu’importe le flacon, pourvu que l’on finance

L’indivisaire qui, au cours de l’indivision, rembourse au moyen de ses deniers personnels le prêt relais souscrit pour l’acquisition d’un bien indivis peut invoquer le bénéfice de l’article 815-13 du code civil. En effet, un tel paiement constitue une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis.

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Droit de rétrocession non encore acquis : impossibilité d’y renoncer !

L’exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession avant que les conditions de sa mise en œuvre ne soient réunies, soit cinq ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant l’expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique.

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Revirement sur les conséquences du non-respect du délai de préavis

Saisi pour avis par la cour administrative d’appel de Versailles, le Conseil d’État revient sur sa jurisprudence Caussade du 14 mai 2007 relative au licenciement des agents contractuels sans respect du délai de préavis.

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Le dopage et l’individualisation des peines

Le Conseil d’État précise dans quelles circonstances la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) peut, conformément au principe d’individualisation des peines, prononcer une sanction d’une durée inférieure à celle fixée par l’article L. 232-23-3-3 du code du sport.

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Gestion d’affaires et exécution des obligations contractées

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provencele 10 février 2022

Civ. 1re, 2 févr. 2022, F-B, n° 20-19.728

La gestion d’affaires occupe une place discrète dans le contentieux de la première chambre civile de la Cour de cassation, notamment dans les arrêts publiés au Bulletin. En 2020, nous avions commenté une décision ayant conduit les juges à déterminer que le remboursement du gérant d’affaires n’était pas assimilable à une rémunération (Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-10.965, Dalloz actualité, 17 déc. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2020. 2343 image ; AJ fam. 2021. 247, obs. J. Casey image). Voici un nouvel arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 février 2022 s’intéressant à la question sous un angle assez original. Notons à titre préliminaire que cet arrêt applique les articles 1372 à 1375 du code civil anciens car les faits sont antérieurs au 1er octobre 2016. Le syndic d’un immeuble accepte le 4 mars 2015 un devis établi à sa demande par une société de transport pour le déménagement et la mise en garde-meubles de cartons et marchandises à la suite de l’effondrement partiel de l’immeuble en question. La société de transport exécute ses obligations et émet plusieurs factures à destination du syndic. Ce dernier estime ne pas être débiteur : il précise que la facturation doit être établie au nom de l’exploitant du commerce bénéficiaire du déménagement pour éviter les conséquences éventuelles de l’effondrement. C’est dans ce contexte que la société créancière apprend la gestion d’affaires. Le 18 mai 2016, la société de transport assigne en paiement le syndicat des copropriétaires, le syndic et l’exploitant du commerce ayant bénéficié du déménagement. Le syndicat de copropriétaires appelle en garantie son assureur durant la première instance. Le 7 décembre 2017, l’exploitant dudit fonds est placé en liquidation judiciaire. La société de transport déclare ainsi sa créance à la procédure collective et assigne le mandateur liquidateur en intervention forcée. Le tribunal de grande instance de Paris condamne notamment le syndicat de copropriétaires à payer à la société de transport une somme de 46 860 €. Le syndic interjette appel de cette décision. Les juges du fond infirment, à cette occasion, la décision de première instance. La cour d’appel de Paris limite la condamnation du syndic jusqu’à la date de révélation du maître de l’affaire, soit au 26 janvier 2016. Elle fixe la créance de...

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Gestion d’affaires et exécution des obligations contractées

Dans un arrêt du 2 février 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que le gérant d’affaires doit exécuter les obligations du contrat qu’il a conclu en son nom personnel, et ce même après la révélation de l’identité du maître de l’affaire au créancier.

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Adoption du projet de loi 3DS

Le projet de loi 3DS, définitivement adopté après un accord en commission mixte paritaire, est assurément une grosse loi. Pas forcément une grande loi.

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Précisions sur la compensation de la renonciation aux repos liés au forfait-jours

Dans le cadre d’une convention de forfait, le salarié qui le souhaite peut – en accord avec l’employeur – renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire si un accord collectif le prévoit. L’accord collectif de travail détermine alors le montant de cette majoration. À défaut, il appartient au juge de fixer le montant de la majoration applicable au salaire dû en contrepartie des jours de repos auquel il a renoncé.

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En matière de délais, notification sur notification ne vaut !

La notification d’un jugement poursuit plusieurs objectifs majeurs. L’un d’eux est de faire courir les délais de recours (C. pr. civ., art. 528). En principe, il appartient à la partie la plus diligente de le faire signifier par acte d’huissier de justice à ses adversaires (C. pr. civ., art. 675), le cas échéant, après une notification à avocat dans les procédures avec représentation obligatoire (C. pr. civ., art. 678).

Mais dans certaines procédures, au titre desquelles figure la procédure devant le juge de l’exécution, la mission de notification est confiée au greffe. Celui-ci procède alors en la forme ordinaire, par voie de lettre recommandée avec avis de réception (C. pr. civ., art. 665-1 s.). Dans ce cas, le code de procédure civile prévoit que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme » (C. pr. civ., art. 651, al. 3). En conséquence, « il est plus fréquent qu’on ne le suppose qu’un jugement fasse l’objet de plusieurs notifications » (R. Perrot, obs. ss. Civ. 2e, 5 févr. 2009, n° 07-13.589, Procédures 2009. Comm. 107). Il en va ainsi lorsque le greffe notifie le jugement, dans les cas où la loi le prévoit, et qu’une partie procède de son côté à une signification de la même décision.

Dans ces situations, quelle notification fait courir le délai de recours ? La première ou la seconde ? Cette question classique se retrouve au centre de l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 13 janvier 2022.

En l’espèce, un juge de l’exécution a débouté une partie de sa demande aux fins de liquidation d’une astreinte. Le greffe procède à la notification par lettre recommandée de ce jugement aux parties, lettre dont la demanderesse accuse réception régulièrement. Deux jours après, le jugement est signifié à cette même partie. L’appel (dont le délai est de quinze jours en la matière, C. pr. exéc., art. R. 121-20) est interjeté par la perdante dans le délai de la signification mais non dans le délai de la notification par le greffe … Laquelle des deux notifications, première ou seconde, avait-elle fait courir le délai de recours ?

La Cour de cassation énonce que « lorsqu’un jugement est notifié à deux reprises, la première notification régulière fait courir les délais de recours ». La solution est classique. Elle procède du rappel de deux règles pouvant être formulées ainsi : d’une part, « notification sur notification irrégulière vaut » ; d’autre part, « notification sur notification régulière ne vaut ».

Notification sur notification irrégulière vaut

L’arrêt réaffirme que la première notification ne fait courir les délais de recours que si elle est régulière. En l’espèce, la première notification était celle réalisée à la diligence du greffe, conformément aux dispositions qui régissent le contentieux de l’exécution (C. pr. exéc., art. R. 121-15) et le droit commun du procès (C. pr. civ., art. 670 et 670-1) applicable devant le juge de l’exécution (C. pr. exéc., art. R. 121-5). Cette notification du greffe s’était révélée efficace puisque le destinataire avait signé l’avis de réception, ce qui vaut notification à personne (C. pr. civ., art. 670), la signature étant présumée, jusqu’à preuve contraire, être celle du destinataire ou de son mandataire (Civ. 2e, 1er oct. 2020, n° 19-15.753 P, D. 2020. 1959 image ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. D. Cholet, M. Draillard, Rudy...

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En matière de délais, notification sur notification ne vaut !

Lorsqu’un jugement est notifié à deux reprises, la première notification régulière fait courir les délais de recours. La notification par le greffe du jugement rendu par le juge de l’exécution par lettre recommandée dont le destinataire a accusé réception fait courir le délai de recours contre cette décision.

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La prorogation des délais du fait de l’urgence sanitaire s’applique au recours Tarn-et-Garonne

Le Conseil d’État estime que le recours en contestation de la validité du contrat entre dans le champs de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire qui s’appplique aux délais de recours prescrits par la juriprudence. 

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Un nouveau statut pour les praticiens hospitaliers

Quatre décrets et quatorze arrêtés du 5 février, publiés au Journal officiel du 6, mettent en œuvre la réforme du statut des praticiens hospitaliers (PH), lancée par l’article 13 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et poursuivie par l’ordonnance du 17 mars 2021.

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Un nouveau statut pour les praticiens hospitaliers

Quatre décrets et quatorze arrêtés du 5 février, publiés au Journal officiel du 6, mettent en œuvre la réforme du statut des praticiens hospitaliers (PH), lancée par l’article 13 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et poursuivie par l’ordonnance du 17 mars 2021.

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L’exécution provisoire, le droit transitoire et l’excès de pouvoir

Dans le « chantier permanent » (G. Wiederkehr, L’accélération des procédures et les mesures provisoires, RID comp. 1998. 449, spéc. p. 449) qu’est tous les jours davantage la procédure civile contemporaine surgissent inévitablement des difficultés d’application des textes dans le temps. La réforme issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 n’échappe pas à ce constat ! Parmi les nombreuses modifications du décret figurent celles relatives à l’exécution provisoire de droit. Rappelons de quoi il s’agit.

En procédure civile, par principe, le délai d’appel et l’exercice du droit d’appel ont un effet suspensif d’exécution (C. pr. civ., art. 539) qui retarde l’acquisition de la force de chose jugée par le jugement (C. pr. civ., art. 500). La force de chose jugée étant, en principe, l’une des conditions pour poursuivre l’exécution forcée du jugement (C. pr. civ., art. 501), l’appel devrait empêcher la poursuite de l’exécution forcée.

Cependant, l’acquisition de la force de chose jugée n’est pas toujours nécessaire pour poursuivre l’exécution forcée d’un jugement. La loi prévoit que le jugement, même non passé en force de chose jugée, peut être exécutoire lorsque « le créancier bénéficie de l’exécution provisoire » (C. pr. civ., art. 501). En pareil cas, l’exécution forcée peut, à certaines conditions, être poursuivie même en cas d’exercice d’une voie ordinaire de recours comme l’appel, ce qui inhibe l’effet suspensif de cette voie de recours (sans pour autant y faire exception, puisque le jugement n’acquiert pas pour autant force de chose jugée). L’exécution poursuivie n’est alors pas définitive : elle est simplement provisoire, de sorte qu’en cas de réformation ou d’annulation du jugement, il appartiendra au bénéficiaire de l’exécution provisoire d’opérer des restitutions (sur cette distinction entre exécution définitive et provisoire, v. N. Fricero, Procédure civile, sept. 2021, Lextenso, mémentos, nos 318 et 321). Le perdant pourra aussi demander l’arrêt de l’exécution provisoire au premier président de la cour d’appel, ce qui aura pour effet de rendre à l’effet suspensif de l’appel sa plénitude d’intensité.

Avant le décret du 11 octobre 2019, l’exécution provisoire devait, en principe, être ordonnée par le juge ; il s’agissait d’une manifestation nette de l’imperium du juge qui décidait de rendre son jugement exécutoire par provision (R. Laher, Imperium et jurisdictio en droit judiciaire privé, 2017, Mare & Martin, coll. « Bibliothèque des thèses », n° 350) ; l’exécution provisoire était fréquemment ordonnée.

Dans le dessein...

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L’exécution provisoire, le droit transitoire et l’excès de pouvoir

Il résulte de l’article 55, II, du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 que les dispositions relatives à l’instauration du principe de l’exécution provisoire de droit s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020. Un premier président excède ses pouvoirs en statuant sur le fondement de l’article 514-3, issu de ce décret, lorsque l’instance avait été introduite avant le 1er janvier 2020.

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Quelques rappels autour de la prescription en matière de subrogation personnelle

L’arrêt du 2 février 2022 examine une question au croisement de plusieurs pans de la théorie générale de l’obligation. Il intéresse d’abord la subrogation personnelle dont on connaît l’utilité pour le tiers solvens notamment pour la transmission des accessoires de la dette pour que ce tiers puisse se désintéresser de son paiement contre celui devant supporter définitivement la charge de la dette (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 1553, n° 1474). L’arrêt est, ensuite, l’occasion d’étudier des questions de point de départ de la prescription qui décidément continuent de faire parler d’eux notamment en matière de prêt ou de cautionnement pour ce début d’année 2022 (Civ. 1re, 5 janv. 2022, quatre arrêts nos 20-16.031, 19-24.436, 20-18.893 et 20-16.350, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 4 image). Notons, à titre préliminaire, que la première chambre civile a utilisé la possibilité que lui laisse l’article 1015-1 du code de procédure civile de statuer sur le premier moyen en sollicitant l’avis de la deuxième chambre civile, spécialiste de ces questions de prescription au croisement entre droit des obligations et procédure civile. Cet aspect permet une meilleure communication entre les chambres et surtout une harmonisation du contentieux qui souffrait de quelques hésitations en la matière. L’arrêt du 2 février 2022 permet, enfin, de mêler l’intégralité de ces problématiques à une action particulière, celle résultant d’un défaut de conformité dans une vente. Voici un cocktail pluriel au goût acidulé pour tout commentateur des questions de droit des obligations.

Les faits prennent comme point de départ l’acquisition d’un navire par une société pour un prix de 450 000 €. Ledit navire est donné en location de cent vingt mois avec option d’achat. Le locataire signe le procès-verbal de réception le 28 janvier 2011. À l’automne suivant, le 29 octobre 2011, le navire prend feu. L’assureur du locataire indemnise alors fort logiquement son assuré et l’acquéreur, lequel donne quittance le 27 février 2012. Le 19 avril 2013, l’assureur invoque un défaut de conformité et assigne en résolution de la vente le vendeur qui oppose la prescription de l’action. Le tribunal de Fort-de-France déclare prescrite l’action de l’assureur dans un jugement du 10 janvier 2017. La société d’assurance interjette appel. La cour d’appel de Fort-de-France confirme intégralement le jugement entrepris en considérant également comme prescrite l’action de l’assureur sur le fondement de l’article L. 211-12 du code de la consommation. Nous aurons donc compris que c’est la société d’assurance qui se pourvoit en cassation. Elle argue de deux...

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Quelques rappels autour de la prescription en matière de subrogation personnelle

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 2 février 2022, la Cour de cassation rappelle que le point de départ de l’action du subrogé est identique à celui du créancier originaire.

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Quelques rappels autour de la prescription en matière de subrogation personnelle

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 2 février 2022, la Cour de cassation rappelle que le point de départ de l’action du subrogé est identique à celui du créancier originaire.

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Une nouvelle gouvernance pour relancer le projet Portalis

Le projet de dématérialisation de la chaîne civile Portalis, jusqu’ici rattaché à la sous-direction de l’organisation judiciaire et de l’innovation de la direction des services judiciaires, vient d’être confié au cabinet du directeur des services judiciaires. Plus précisément, c’est la magistrate Félicie Callipel qui sera désormais chargée de ce dossier.

La nouvelle patronne de Portalis, chef de cabinet du directeur des services judiciaires de 2016 à 2019, vient de quitter ses fonctions de vice-présidente au pôle des affaires familiales et secrétaire générale adjointe de la présidente du tribunal judiciaire de Nanterre. Elle devrait être épaulée par un directeur technique venu du service du numérique du ministère et une équipe en charge du projet réunissant des représentants de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage.

Un changement poussé par un audit de la Dinum

Ce nouveau positionnement du projet Portalis doit permettre, explique le ministère dans une note à l’intention des organisations syndicales, la « mise en place d’une gouvernance unique et resserrée autour d’un directeur de programme ayant capacité de décision sur les dimensions essentielles du projet ». Cette « équipe projet limitée en administration centrale » va, poursuit le ministère, se focaliser sur « le développement d’un seul contentieux à la fois », sauf exceptions et briques transverses. Enfin, la place Vendôme promet une « implication forte des juridictions dans la conception et la conduite du changement ».

Si la nouvelle gouvernance de Portalis succède de quelques jours à la publication du cinglant rapport de la Cour des comptes sur le plan de transformation numérique de la justice, ce changement était déjà acté, faisant suite à un audit, au premier semestre 2021, de la direction interministérielle du numérique (Dinum). La sous-direction de l’organisation judiciaire et de l’innovation avait ainsi elle-même, dans une note interne, constaté « son incapacité à agir sur la maîtrise d’œuvre », rapporte la Cour des comptes dans son rapport.

Cette note soulignait également « la nécessité pour Portalis de disposer d’une gouvernance unifiée pour avoir une vision sur l’ensemble des composantes du projet et pour en assurer un pilotage global ». Selon la Cour des comptes, la direction de Portalis, dévolue sur le papier à la directrice de programme « procédure civile numérique », était dans les faits partagée entre la direction des services judiciaires et le service du numérique, « engendrant des développements complexes et imparfaits ».

Calendrier attendu

Sur LinkedIn, la nouvelle patronne de Portalis Félicie Callipel précise avoir pour objectif « d’unifier en une seule chaîne applicative informatique le traitement de l’ensemble des procédures civiles, aujourd’hui gérées par huit outils informatiques hétérogènes ». « La nouvelle application viendra compléter le dispositif lancé en 2016 avec le site d’information justice.fr, le déploiement national du portail du service d’accueil unique du justiciable en 2018 et l’ouverture de téléservices pour le justiciable ». Expérimentée dans trois juridictions tests, les conseils de prud’hommes de Bordeaux, Nantes et Dijon, l’application Portalis doit permettre le traitement de l’intégralité de la procédure. L’application devrait être étendue aux 208 autres conseils de prud’hommes à partir du début de l’année 2022.

De même, les services de saisine en ligne via justice.fr doivent également être étendus cette année. Depuis l’an passé, les justiciables peuvent constituer et adresser leur demande à la juridiction compétente. Cette faculté ouverte pour le moment aux constitutions de partie civile par voie d’intervention, aux requêtes pour la gestion des mesures de protection des majeurs et aux requêtes devant le juge aux affaires familiales, devrait être étendue à d’autres procédures, comme le contentieux locatif ou prud’homal, dans le courant de l’année.

Le coût du projet Portalis, estimé à 28 millions d’euros en 2013, a été réévalué à 77 millions d’euros en 2020. C’est, relevait la Cour des comptes, « le plus important et le plus ambitieux projet informatique mené par le ministère de la Justice, qui en a fait un projet phare de son plan de transformation numérique, suscitant ainsi de nombreuses attentes à son endroit ».

Une nouvelle gouvernance pour relancer le projet Portalis

La magistrate Félicie Callipel, rattachée au cabinet du directeur des services judiciaires, reprend en main ce projet jusqu’ici sous la houlette de la sous-direction de l’organisation judiciaire et de l’innovation.

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Les chiffres clés de la juridiction administrative en 2021 dévoilés

Le Conseil d’État a rendu public, le 4 février, les chiffres clés 2021 de la juridiction administrative.

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Des propositions pour relancer l’attractivité de la fonction publique territoriale

Un rapport remis à la ministre de la Transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, le 2 février, formule vingt-sept propositions pour doper l’attractivité de la fonction publique territoriale.

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Inaptitude et obligation de reclassement : le jeu de la présomption

La présomption de satisfaction à l’obligation de reclassement prévue à l’article L. 1226-12 du code du travail ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

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[Podcast] La cause des droits : entretien avec Diane Roman

Le droit peut-il sauver l’humanité, en protégeant le climat et en éradiquant la pauvreté ? Telle est la question, ambitieuse, en filigrane de l’essai « La cause des droits : écologie, progrès social et droits humains », publié par Lefebvre Dalloz en janvier dernier.

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Clause d’exclusion de solidarité et dépassement du budget : variations sur la responsabilité de l’architecte

La clause d’exclusion de solidarité d’un contrat d’architecte ne peut faire obstacle à sa condamnation pour le tout lorsque ses fautes ont concouru à la réalisation de l’entier dommage ; en cas de sous-évaluation des travaux, le lien de causalité entre sa faute et le préjudice du maître de l’ouvrage n’est pas établi si celui-ci devait nécessairement payer le surcoût des prestations dont l’évaluation a été omise.

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De la bonne utilisation du droit commun en matière de responsabilité contractuelle engagée par la caution

Dans un arrêt rendu le 9 février 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que les articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier ne font pas obstacle à la mise en œuvre par la caution de la responsabilité contractuelle de droit commun envers l’établissement bancaire.

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Transaction mettant fin à des différends de droit public et de droit privé

Quel est le juge compétent pour connaître d’une transaction mettant fin à des différends dont certains relèvent de la compétence du juge judiciaire et d’autres de celle du juge administratif ? 

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Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre peuvent s’appliquer à certaines décisions individuelles

Une autorisation environnementale qui ne vaut pas autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité au titre du code de l’énergie n’est pas tenue par les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

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Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

À l’heure où la sanction du déséquilibre significatif fait l’objet de contributions régulières de la Cour de justice de l’Union européenne (v. dern., CJUE 19 sept. 2019, aff. C-34/18, Dalloz actualité, 9 oct. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1831 image ; AJ contrat 2019. 493, obs. V. Legrand image ; RTD com. 2019. 963, obs. D. Legeais image) et traverse nombre de codes (C. consom., art. L. 212-1 ; C. com., art. L. 442-6, I, 2° ; C. civ., art. 1171), l’articulation entre les textes interroge (Com. 26 janv. 2022, n° 20-16.782, Dalloz actualité, 1er févr. 2022, obs. C. Hélaine). Dans ce domaine fertile, le contentieux se profile : quant à la qualification de clause abusive et quant à son régime. Le présent arrêt traverse ces interrogations, appliquées à un contrat d’entreprise liant un maître d’ouvrage consommateur à un maître d’œuvre. Il confirme, au fond, que la clause ayant pour objet ou pour effet d’entraver l’exercice d’actions en justice est présumée abusive dans les contrats de consommation. Sur la forme, la décision étend l’office du juge dans le cadre d’un contrat de maîtrise d’œuvre.

Déséquilibre significatif

Le contrat de louage d’ouvrage est peu à peu devenu un terrain expérimental puis d’élection de clauses jugées abusives. Dans l’affaire rapportée, le contrat fut conclu en 2012, soit avant la réforme du droit des obligations ayant institué la sanction du déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion (l’art. 1171 du c. civ. n’était donc pas applicable). Seul le code de la consommation pouvait être invoqué par le maître d’ouvrage à l’appui de sa demande (pour une analyse approfondie, M. Poumarède, Les contrats de construction et le droit de la consommation, RDI 2017. 8). Sur le fondement d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le code de la consommation permet au consommateur, notamment immobilier, de solliciter la sanction d’une clause abusive (art. L. 212-1). En l’espèce, le contrat stipulait que les parties s’engageaient « en cas de litige sur l’exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l’association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ». L’enjeu de la qualification était important car à défaut d’existence d’un déséquilibre significatif créé par la clause litigieuse, le code de procédure civile imposait au juge d’opposer au demandeur à l’action une fin de non-recevoir. L’intérêt de l’examen du déséquilibre significatif en cause touchait moins à sa dimension civiliste rejoignant l’économie générale du contrat qu’à la question de la disponibilité du droit fondamental d’agir en justice.

Sur le fond : examen de la clause de conciliation préalable

La cour d’appel a jugé la clause litigieuse constitutive d’une fin de non-recevoir, faute d’avoir été respectée. À l’appui de ce raisonnement, l’article 122 du code de procédure civile apporte une liste non-exhaustive de fins de non-recevoir des actions en justice. Toutefois, la jurisprudence est venue préciser que la régularité d’une telle clause est soumise à l’examen des droits dont elle est l’objet. En particulier, la Cour de cassation liant la régularité de cette clause aux contrats mettant en cause des droits disponibles, a jugé qu’elle était « présumée abusive » dans les contrats de consommation (Civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-16.197, D. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). En l’espèce, l’insuffisante motivation de la décision des juges du fond a conduit à sa cassation partielle, pour défaut de base légale. Reprenant le visa de la jurisprudence antérieure (C. consom., anc. art. L. 132-1 devenu L. 212-1 et anc. art. R. 132-2, 10° devenu art. R. 212-2, 10°), l’arrêt présenté n’est pas novateur en établissant que la clause contraignant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une conciliation avant la saisine du juge, « est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire ». L’article R. 212-2, 10°, du même code permet en effet plus largement, de présumer abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».

Ainsi, la logique de lutte contre les clauses entravant l’exercice d’actions en justice, dites « clauses grises » se poursuit et laisse d’actualité les vœux pourtant anciens de les intégrer dans la liste noire en ce qu’elles constituent une atteinte grave à l’équilibre des droits et des obligations (en ce sens, S. Amrani-Mekki, Décret du 18 mars 2009 relatif aux clauses abusives : quelques réflexions procédurales, RDC 2009. 1617 ; J. Rochfeld, Clauses abusives – Listes réglementaires noire et grise. Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, RTD civ. 2009. 383).

La législation contemporaine en vogue, multipliant les obligations de tentatives préalables de résolution amiable des litiges jusqu’à les instituer en ligne (N. Fricero, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2021-2022, spéc. nos 116.61 et 116.62), pourrait sembler heurter cette position. À y regarder de plus près, il n’en est rien. Nombre de domaines régis par le code de la consommation en sont exclus (crédits à la consommation et immobiliers) et plus particulièrement, les litiges dont le montant excède 5 000 € (C. pr. civ., art. 750-1). Dans ses applications immobilières, l’article 750-1 du code de procédure civile vient également circonscrire les obligations de tentatives de résolution amiable des litiges : aux actions en bornage (COJ, art. R. 211-3-4), aux actions relatives à la distance des lieux pour les plantations, aux constructions de l’article 674 du code civil, au curage des fossés et canaux, aux contestations relatives aux servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil et celles établies au profit des associations syndicales (COJ, art. R. 211-3-8). En dehors de ces quelques cas légalement institués et somme toute résiduels, les clauses afférentes à l’obligation pour le consommateur, de recourir à une médiation avant la saisine du juge demeurent par l’appréciation souveraine des juges du fond, « présumées abusives ». Le droit fondamental d’agir en justice reste ainsi préservé dans les contrats de consommation et en particulier, dans le contrat liant un maître d’ouvrage « consommateur immobilier » à un maître d’œuvre. Rappelons que ce dernier reste libre par ailleurs de rapporter la preuve du caractère non-abusif de la clause litigieuse. Il pourra notamment démontrer que le recours au juge n’est pas écarté mais « suspendu » et que le consommateur reste libre d’exercer une action en justice à défaut de conclusion d’un accord amiable. La nuance réside dans la distinction entre la renonciation à un droit fondamental (clause abusive) et son aménagement (clause qui pourrait être valable. Pour une analyse approfondie, S. Amrani-Mekki, préc.). Toutefois, la jurisprudence n’a jamais accueilli ce raisonnement (Civ. 1re, 16 mai 2018, préc.) et continue de tenir à distance l’exigence du code de la consommation présumant abusive la clause visant à obliger le consommateur « à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ». En l’espèce la clause n’emportait pas de passage exclusif par la conciliation mais un passage avant toute procédure judiciaire. Pour autant, la Cour de cassation l’a jugée abusive, traduisant sa volonté de protéger davantage le consommateur immobilier dont les contrats se rapportent à des enjeux pécuniaires et assurantiels importants.

Sur l’office du juge : relevé d’office de la clause abusive

Le juge a-t-il la faculté ou l’obligation de relever une clause présumée abusive ? À cet égard, le moyen du pourvoi soulevait que « le juge doit examiner d’office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ». L’argument reprend littéralement la solution établie par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17, D. 2018. 1861 image ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki image ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; AJ contrat 2018. 431, obs. E. Bazin image ; 4 juin 2009, aff. C-243/08, D. 2009. 2312 image, note G. Poissonnier image ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero image ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais image). Dans cette veine, la Cour de cassation, censurant la fin de non-recevoir opposée par la cour d’appel, établit qu’il appartenait au juge « d’examiner d’office la régularité d’une telle clause » (au visa de l’art. R. 632-1 c. consom.).

Elle poursuit ainsi l’édification d’un régime procédural protecteur des droits substantiels des consommateurs victimes de clauses abusives (pour une étude d’ensemble, C. Boillot, Le régime des clauses relatives au litige, RTD com. 2013. 1), à l’instar de celui plus récemment appliqué aux non-professionnels (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine ; Civ. 3e, 6 mai 2015, n° 13-24.947 P, D. 2015. 1100 image ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2015. 355, obs. F. Garcia image), en imposant au juge de relever d’office les dispositions consuméristes y afférentes. Où la procédure conforte le droit substantiel et partant, tempère la liberté contractuelle.

Enfin, alors qu’est désormais installée la notion de « consommateur immobilier » et que s’y adjoint progressivement celle de « non-professionnel immobilier », il reste à parfaire le régime jusqu’à son application aux SCI, dont le contentieux a laissé émerger la notion plus complexe de « professionnel de l’immobilier / non-professionnel de la construction » (Civ. 3e, 7 nov. 2019, n° 18-23.259, Dalloz actualité, 26 nov. 2019, obs. D. Pelet ; D. 2020. 55 image, note S. Tisseyre image ; ibid. 353, obs. M. Mekki image ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2019. 617, obs. B. Boubli image ; AJ contrat 2020. 37, obs. Y. Picod image ; Rev. prat. rec. 2020. 23, chron. R. Bouniol image ; 4 févr. 2016, n° 14-29.347 P, D. 2016. 639 image, note C.-M. Péglion-Zika image ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki image ; ibid. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2016. 623 image, obs. F. Cohet image ; RDI 2016. 290, obs. B. Boubli image ; AJCA 2016. 200, obs. S. Carval image). Les dispositions de fond et de forme sont désormais nombreuses et éparses en matière de lutte contre les clauses abusives. L’enchevêtrement des codes civil, de la construction et de l’habitation, de la consommation et de procédure civile commandera sans doute de remettre encore l’ouvrage sur le métier… « hâtez-vous lentement, et sans perdre courage » prévenait Nicolas Boileau.

Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

La clause qui contraint le consommateur en litige avec un professionnel, à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive. Le juge doit en examiner d’office la régularité.

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Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

La clause qui contraint le consommateur en litige avec un professionnel, à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive. Le juge doit en examiner d’office la régularité.

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Réforme de l’adoption : vote définitif de la loi par l’Assemblée nationale

Phase parlementaire

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2020, puissamment remaniée par le Sénat le 20 octobre suivant, la proposition de loi visant à réformer l’adoption vient finalement d’être votée par la Chambre basse en lecture définitive le 8 février 2022, soit près de 600 jours à la suite de son dépôt par l’une de ses deux promotrices : Mme la Députée Monique Limon, coauteure du rapport Limon-Imbert rendu public en octobre 2019 (M. Limon et C. Imbert, Vers une éthique de l’adoption. Donner une famille à un enfant, oct. 2019)  et fraîchement accueilli par l’École et le Palais (P. Salvage-Gerest, Le rapport Limon-Imbert, Un coup d’épée dans l’eau, AJ fam. 2020. 350 image). Cette temporalité surprenante pour une proposition de loi pourtant discutée dans le cadre d’une procédure accélérée – engagée par le gouvernement le 3 novembre 2020 – est à mettre sur le compte de désaccords politiques persistants entre les deux chambres, ayant débouché sur l’échec de la Commission mixte paritaire réunie le 4 novembre 2021, et la nouvelle lecture de la proposition de loi devant l’Assemblée nationale et le Sénat les 18 et 28 janvier 2022, avant de donner lieu à la lecture définitive du 8 février dernier devant la Chambre basse. Les députés auront d’ailleurs usé de leur préséance sur les sénateurs pour imposer leurs vues sur la plupart des points en débats. Dix-neuf mois à la suite de son dépôt, la proposition de loi visant à réformer l’adoption est donc votée, pour un résultat enthousiasmant selon certains et décevant selon d’autres.

Objectifs parlementaires

Parmi les principaux objectifs poursuivis par la proposition de loi, six d’entre eux pourront être rappelés pour mémoire (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 6) : valoriser l’adoption simple, ouvrir l’adoption aux couples de partenaires et de concubins, sécuriser la période de placement, renforcer et replacer au cœur du processus d’adoption la notion de consentement, réformer l’agrément et renforcer les droits des pupilles de l’État ; voici le vaste programme porté par les parlementaires. Ces ambitions auront toutefois été tempérées, dans la mesure où bien en deçà des velléités premières de renforcement et de sécurisation de l’adoption dans son ensemble (Proposition de loi visant à réformer l’adoption, Assemblée nationale, 30 juin 2020, p. 4), la loi votée se présente surtout comme un agrégat d’articles hétérogènes, à l’origine de regrets relatifs à l’absence de vision d’ensemble de la protection de l’enfance (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 5), et révélateur selon le Sénat d’une « volonté de faciliter l’adoption pour les candidats, [plus] que de sécuriser la situation des enfants » (ibid.).

Résultats parlementaires

Il n’empêche, plusieurs propositions phares auront survécus à ces débats passionnés, dont la plupart s’inscrivent dans les objectifs précités. C’est pourquoi, sans véritablement réformer l’adoption en profondeur, la loi nouvelle la retouche par endroits, justifiant une analyse article par article de ce texte.

Nouvelle définition de l’adoption simple

Fruit d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat, l’article 1er de la loi visant à réformer l’adoption procède à une réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil, destinée à différencier formellement l’adoption simple de l’adoption plénière, dans son domaine et sa portée. Ainsi le nouvel article dispose-t-il désormais que « L’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine », et que « L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ». Place donc à la mention formelle de l’effet principal de cette adoption : l’adjonction d’un lien de filiation à l’enfant, par opposition à la substitution d’un lien de filiation opérée par l’adoption plénière. En outre, exit l’ancienne référence au droit de succéder de l’adopté simple, laquelle pouvait « laisser penser que le maintien des droits dans la famille se [limitait] aux droits héréditaires de l’adopté ou que ces derniers [étaient] plus importants que les droits extrapatrimoniaux » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 14). C’est dire que cette réécriture convaincra à raison de la clarification de l’article 364, alinéa 1er à laquelle elle procède (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 13), même si l’on notera de nouveau avec une auteure que l’établissement d’un double lien de filiation ne vaudra « que si la filiation de naissance [de l’enfant] est établie, ce qui n’est pas toujours le cas » (M.-C. Le Boursicot, Une proposition de loi visant à réformer l’adoption… déconcertante et même inquiétante, RJPF 2020-11). 

Ouverture de l’adoption aux couples de partenaires et de concubins

« Voulu comme la mesure phare du texte » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 6), et approuvée par le Sénat en première lecture, l’article 2 de la loi ouvre l’adoption aux couples de partenaires et de concubins, en alimentant à cette occasion le processus d’édification continu d’un droit commun des couples. À cette fin, et comme nous l’écrivions en décembre 2020 (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : la première lecture est achevée, Dalloz actualité, 22 déc. 2020), 15 articles du code civil sont réécrits pour tenir compte de cette petite révolution (C. civ. art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366 et 370-3) et mettre fin, selon la Députée Limon, « à la différence de traitement face à l’adoption entre les couples mariés [et] les couples non mariés – qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 19). Parallèlement, les conditions à remplir par les parents adoptifs sont assouplies via l’abaissement du délai minimum de communauté de vie requis pour les couples candidats à l’adoption (de 2 ans à 1 an ; C. civ., art. 343 nouv.), et via l’abaissement de l’âge minimum requis pour adopter pour l’ensemble des adoptants (de 28 à 26 ans ; C. civ., art. 343 et 343-1 nouv.). S’opposant ici au Sénat, l’Assemblée nationale aura donc eu le dernier mot à ce propos, en dépit des protestations émises par les sénateurs dont l’argumentation consistait à souligner, avec plusieurs acteurs de la protection de l’enfance, que « cette modification ne [répondait] à aucune demande de terrain et [n’aurait] probablement qu’un effet limité en pratique compte tenu du délai pour obtenir un agrément puis pour adopter, et du peu d’enfants adoptables » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 9). En passant en force, la Chambre basse fait donc le pari de la pertinence de sa proposition, dont il faudra apprécier l’opportunité dans un futur proche.

À l’opposé, l’Assemblée nationale confirme la nouvelle rédaction de la règle de conflits de lois de l’article 370-3, en faisant sienne celle proposée par la Commission mixte paritaire (Les mots « de la juridiction saisie » étant substitués aux mots « du for », afin de clarifier cet article). Ainsi cet article dispose-t-il désormais que « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de la juridiction saisie ». Par ailleurs, « L’adoption ne peut […] être prononcée si la loi nationale des deux membres du couple la prohibe ». Comme nous l’écrivions en octobre 2021 (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, Dalloz actualité, 9 nov. 2021), la règle de conflit de lois propre aux couples mariés est donc finalement étendue aux couples non mariés, au détriment de l’article 515-7-1 du code civil, propre aux partenaires pacsés, mais au profit de l’unité du droit international tout entier.

Assouplissement de l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans

Présenté par les promoteurs de la loi comme une mesure de faveur envers « l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 23), l’article 3 de la loi réécrit l’article 345 du code civil, dans le dessein d’élargir les possibilités d’adoption plénière de ce public. Pour ce faire, leur adoption devient d’abord permise par le conjoint de l’un de leurs parents lorsque leur autre parent s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ou est décédé sans laisser d’ascendants privilégiés (C. civ., art. 345-1, 2° et 3°, visé par la nouvelle disposition), lorsque leurs père et mère ou le conseil de famille y ont valablement consenti, ou lorsque l’enfant est pupille de l’État ou déclaré judiciairement délaissé (C. civ. art. 347 nouveau, visé par la nouvelle disposition). Au-delà, la loi étend aussi le délai d’adoption de ces enfants de 2 ans à 3 ans à l’issue de leur 18e année, autorisant ainsi leur adoption plénière dans les limites de leurs 21 ans. La loi offre donc un « délai de rattrapage » aux destinataires de ces textes, étant néanmoins précisé que la dérogation initialement proposée par l’Assemblée nationale de permettre cette adoption en cas de « motifs graves » est finalement délaissée, en raison des risques d’aléas judiciaires et d’atteinte au principe de sécurité juridique redoutés par le Sénat (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 15).

Ajustement du placement en vue de l’adoption

L’article 4 de la loi procède ensuite à une pertinente réécriture de l’article 351 du code civil relatif à la procédure de placement en vue de l’adoption plénière, tout en insérant un nouvel article 361-1 à la rédaction décevante.

S’agissant de l’article 351, d’abord, et suivant les recommandations avisées du Sénat et des magistrats de la Cour de cassation auditionnés à cette occasion (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 25), l’alinéa 1er est remanié pour proclamer que « Le placement en vue de l’adoption prend effet à la date de la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption, d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré délaissé par décision judiciaire ». Un nouvel alinéa 2 créé par la loi poursuit en précisant que « Les futurs adoptants accomplissent les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption ». Et ces modifications apparaissent opportunes pour plusieurs raisons. En premier lieu, la substitution des termes « prend effet à la date de » aux mots « est réalisé par » éclaircit assurément le déroulé du processus du placement et réduit « les incertitudes [relatives] à la date du début de [cette] période » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 28). En deuxième lieu, la substitution du terme « délaissé » au mot « abandonné » actualise cette disposition, « afin de tirer [toutes] les conséquences du remplacement, par la loi [du 14 mars 2016] de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental » (ibid., p. 29. Actualisation également réalisée par l’article 20 de la loi s’agissant de l’art. 347, 3°, c. civ). En dernier lieu, le nouvel alinéa 2 éclaircit lui aussi les pouvoirs accordés par la loi aux futurs parents, en sécurisant et en clarifiant « le type d’actes [qu’ils] peuvent accomplir pendant le placement » (Ibid., p. 28), même si la rédaction définitive du texte pourra apparaître plus large que celle proposée par les sénateurs en première lecture (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, préc.), précisément pour permettre l’accomplissement d’actes relatifs à la santé de l’enfant (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 16).

S’agissant de l’article 361-1, en revanche, la doctrine dénoncera certainement sa pertinence. Aux termes de la loi nouvelle, ce texte énonce en effet que « Le placement en vue de l’adoption (simple) est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré judiciairement délaissé », sans autres précisions. La Chambre basse accomplit ainsi l’exploit de créer un article à la rédaction à la fois maladroite (les anciens termes bannis de l’article 351 refaisant surface ici) et incomplète (aucune précision n’étant fournie relativement aux effets de ce placement). On en retiendra toutefois l’extension de la procédure de placement à l’adoption simple, pour les seuls enfants pupilles de l’État ou déclarés délaissés par décision judiciaire (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 16). 

Prohibition de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs

Revenant pour partie à la rédaction initiale de la proposition de loi du 30 juin 2020, l’article 5 de la loi nouvelle crée un article 343-3 portant prohibition de l’adoption « entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs », sauf la possibilité pour le tribunal de « prononcer l’adoption s’il existe des motifs graves que l’intérêt de l’adopté commande de prendre en considération ». Sur ce point et lors de la navette parlementaire, le texte avait subi plusieurs évolutions, les députés ayant un temps proposé de prohiber plus largement « toute adoption conduisant à une confusion des générations », là où les sénateurs s’y étaient opposés en « considérant plus opportun de laisser au juge le soin d’apprécier l’intérêt de l’enfant au cas par cas, plutôt que d’établir une règle qui ne pourrait souffrir d’exception » (Adde M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 27 s.). En prenant appui sur la rédaction initiale de la proposition de loi, tout en l’enrichissant d’une soupape de sécurité permettant l’adoption de l’enfant (simple ou plénière) pour « motifs graves », l’article 343-3 procède donc avec pertinence, tout en résolvant par la positive l’un des vieux débats du droit de la famille portant sur la possibilité pour les parents d’adopter leurs propres enfants (v. réc., J. Houssier, La filiation du parent d’intention au lendemain des arrêts du 18 déc. 2019, AJ fam. 2021. 359).

Remise en ordre du consentement des parents à l’adoption de leur enfant

L’article 6 de la loi réordonne ensuite les dispositions du code civil relatives au consentement des parents à l’adoption de leur enfant, que l’adoption soit interne ou internationale. Le texte fait ainsi remonter à l’article 348-3 les critères d’intégrité du consentement à l’adoption jusqu’alors prescrits par l’article 370-5, en posant au premier de ces textes que « Le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». Autrement dit, l’article 6 de la loi transpose à l’adoption interne les exigences de l’adoption internationale, en les précisant un peu plus, et ce afin de mettre en commun « la définition du consentement à l’adoption pour toutes les adoptions », aux dires des promoteurs de ce texte (Amendement n° 512). 

Ouverture de l’adoption du mineur âgé de plus de 13 ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Aux termes de l’article 7 de la loi nouvelle, le code civil se voit encore complété d’un nouvel article 348-7, autorisant le tribunal à « prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ». En ouvrant cette nouvelle possibilité, les parlementaires facilitent donc l’adoption de ce public particulier, en prenant le soin de dissocier les cas de refus de consentement à l’adoption énoncés à l’article 348-6, de ceux d’absence de consentement issus de ce texte, mais en oblitérant au passage l’exigence de l’avis du représentant légal, au profit de celui de l’administrateur ad hoc (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 20).

Harmonisation du consentement de l’enfant à son changement de nom et prénom

De façon fort opportune, pour poursuivre, l’article 8 de la loi nouvelle « [harmonise] les conditions d’âge relatives aux changements de nom et de prénom [de l’enfant adopté] entre les procédures de droit commun [des] articles 60 et 311-23 du code civil, et celles propres à l’adoption » (ibid., p. 42). Pour ce faire, le dernier alinéa de l’article 357 est complété par l’exigence d’un consentement de l’enfant adopté de plus de 13 ans à son changement de prénom en cas d’adoption plénière, tandis que l’article 363 procède de même pour son changement de nom en cas d’adoption simple, en dépit des protestations émises par le Sénat sur ce point. L’harmonisation en résultant est donc réelle mais réduite, dans la mesure où l’enfant adopté en la forme plénière ne pourra pas s’opposer à son changement de nom, conformément aux principes mêmes de cette d’adoption. C’est pourquoi la réécriture de ces deux dispositions apparaîtra parfaitement opportune (Contra, P. Salvage-Gerest et all., art. préc., n° 13).

Rétroactivité de la loi du 2 août 2021 en cas d’AMP réalisée à l’étranger au sein d’un couple de femmes

À l’origine de l’échec de la Commission mixte paritaire, l’article 9 de la loi nouvelle consacre un dispositif transitoire permettant d’établir envers la co-mère la filiation de l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation (AMP) réalisée à l’étranger, « lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique ». Ce dispositif présenté comme exceptionnel et applicable pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi nouvelle, impose à la co-mère de « rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse (toutefois) lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil ».

Considéré comme « inacceptable » par la Chambre haute, ce dispositif avait suscité l’ire des sénateurs aux motifs qu’il conduirait « à se passer du consentement de la mère qui a accouché dans des conditions trop floues », qu’il « pourrait concerner des situations très anciennes puisqu’aucun délai n’est prévu pour la réalisation de l’AMP », et qu’il était en outre contraire à l’avis du Conseil national de la protection de l’enfance, lequel s’y était opposé au motif qu’il poursuivait « un autre but que l’intérêt supérieur de l’enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaitre un droit sur l’enfant » (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, préc). Attaché à ce dispositif, l’Assemblée nationale sera donc passée en force pour l’imposer.

Nouvelle règlementation de l’agrément

À l’opposé, l’article 10 signe une certaine synergie des deux chambres relativement à la règlementation de l’agrément à l’adoption. À l’écoute de leurs collègues, « les députés ont [en effet] renoncé à réécrire des sections entières du code de l’action sociale et des familles, [en] n’apportant que les modifications souhaitées au droit existant comme l’y invitait le Sénat » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 9).

En ce sens, l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) est d’abord modifié afin de mieux définir les finalités de l’agrément et d’imposer une condition d’âge aux candidats à l’adoption. Ainsi est-il enrichi d’un deuxième alinéa disposant que « L’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés », et exigeant qu’il soit « délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ». Au-delà, un troisième alinéa précise que « L’agrément prévoit une différence d’âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter », étant précisé qu’en présence « de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle en démontrant que l’adoptant est en capacité de répondre à long terme aux besoins mentionnés au deuxième alinéa du présent article ». Grâce à la loi nouvelle, cette dernière disposition opère donc son grand retour dans le CASF, après avoir été originellement placée dans le code civil par la proposition de loi, puis déplacée dans le CASF par les députés, puis replacée dans le code civil par les sénateurs… En définitive, son champ d’application en ressort donc limité aux seules adoptions exigeant un agrément, à l’exclusion des adoptions intrafamiliales épargnées par cette condition.

Par ailleurs, et dans le dessein de mieux accompagner les candidats à l’adoption, le même article L. 225-2 est complété d’un autre alinéa énonçant que « Pendant la durée de validité de l’agrément, le président du conseil départemental […] propose aux personnes agréées des réunions d’information ». Dans le même sens, l’article L. 225-3 renchérit en disposant qu’« Elles suivent une préparation, organisée par le président du conseil départemental […] portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives, médicales, juridiques et culturelles de l’adoption, compte tenu de la réalité de l’adoption nationale et internationale, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive ». Destinées à répondre aux difficultés des candidats à l’adoption parfois constatées en pratique, ces dispositions devraient donc permettre une meilleure préparation à l’adoption pour une meilleure réussite du projet parental et, partant, une meilleure préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Définition de l’adoption internationale

Considérée comme un neutron législatif par plusieurs parlementaires (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 8), la définition de l’adoption internationale est finalement gravée dans le code civil par la loi nouvelle. En des termes articulés autour du critère de la résidence habituelle de l’enfant, le nouvel article 370-2-1 prévoit ainsi que « L’adoption est internationale : 1° Lorsqu’un mineur résidant habituellement dans un État étranger a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers la France, où résident habituellement les adoptants ; 2° Lorsqu’un mineur résidant habituellement en France a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers un État étranger, où résident habituellement les adoptants ». Faisant fi de toute référence à la nationalité de l’enfant ou à celle des adoptants, la loi nouvelle privilégie donc une vision matérielle et non personnelle de la notion d’adoption internationale.

Autres évolutions

Parmi les autres points traités par la loi nouvelle, tous s’essayent à répondre aux problématiques récurrentes de l’adoption sans réécrire l’ensemble du code de l’action sociale et des familles. Ainsi, la loi :

introduit la possibilité pour les présidents de conseils départementaux de prolonger à titre dérogatoire et pour une durée de deux ans les agréments en vue de l’adoption en cours de validité à la date du 11 mars 2020, « lorsque le dossier de demande a été enregistré par une autorité étrangère et dont l’agrément est toujours valide à la date de promulgation de la loi » (art. 12), de « faire appel à des associations pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue [d’une] adoption des enfants à besoins spécifiques » (art. 13 ; CASF, art. L. 225-1 dernier al.), réintroduit une procédure d’autorisation et d’habilitation dédoublée des OAA, tout en complétant les textes leur étant propres (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 30) (art. 14 ; CASF, art. L. 225-11, L. 225-12, L. 225-19 ; C. civ., art. 348-4, 348-5, 353-1), oblige les personnes résidant habituellement en France à être accompagnées par un OAA ou l’Agence française de l’adoption pour adopter un mineur résidant habituellement à l’étranger (art.15 ; CASF, art. L. 225-14-3), organise un accompagnement par l’ASE des pupilles de l’État placés en vue de l’adoption comme des adoptants (art. 16 ; CASF, art. L. 225-18), ordonne la réalisation d’un bilan médical, psychologique et social des enfants admis en qualité de pupille de l’État, faisant notamment « état de l’éventuelle adhésion de l’enfant à un projet d’adoption, si l’âge et le discernement de l’enfant le permettent » (art. 19 ; CASF, art. L. 225-1), réécrit les derniers alinéas de l’article L. 244-5 CASF relatifs à la remise d’un enfant à l’ASE par ses parents en vue de son admission comme pupille de l’État, en maintenant le recueil de leur consentement exprès et éclairé, spécialement sur la possibilité pour l’enfant d’être adopté, levant ainsi les craintes émises par plusieurs associations (E. Lucas, Réforme de l’adoption, les pièges d’une modernisation à tout prix, La Croix, 17 janv. 2022) (art. 20 ; CASF, art. L. 244-5 ; C. civ., art. 347), précise la composition et le fonctionnement du Conseil de famille, en imposant la présence d’une personne qualifiée en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations (sur ce point, v. E. Lucas, Adoption : la nouvelle composition des conseils de famille inquiète, La Croix, 17 janv. 2022) et la formation obligatoire de ses différents membres art. 21 ; CASF, art. L. 224-2, L. 224-3, L. 224-3-1), confirme l’information des pupilles de l’État par leurs tuteurs des décisions les concernant (art. 22 ; CASF, art. L. 224-1-1), étend l’examen par les commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles chargées d’examiner la situation des enfants confiés à l’ASE depuis plus d’un an, lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins, des enfants de moins de 2 ans à ceux de moins de 3 ans (art. 23 ; CASF, art. L. 223-1, L. 223-5), réécrit l’art. 411 c. civ. relatif à la vacance de la tutelle (art. 24 ; C. civ., art. 411), et assouplit aussi le régime applicable au congé d’adoption (art. 25 ; CASF, art. L. 161-6, L. 331-7 ; C. trav., art. L. 1225-37, L. 1225-40, L. 3142-1).

Ordonnance balais

Pour finir et pour désespérer peut-être les lecteurs de ces lignes, la loi nouvelle habilite enfin le gouvernement, contre l’avis des sénateurs (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 10), à prendre par voie d’ordonnance et dans un délai de huit mois « toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles en matière d’adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l’État et de tutelle des mineurs dans le but :
     1° De tirer les conséquences, sur l’organisation formelle du titre VIII du livre Ier du code civil, de la revalorisation de l’adoption simple réalisée par la présente loi et de la spécificité de l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple;
     2° D’harmoniser ces dispositions sur un plan sémantique ainsi que d’assurer une meilleure coordination entre elles ».
C’est dire que la présente loi ne pourrait être que la première partie de la réforme de l’adoption, ce renvoi au gouvernement illustrant de nouveau les dérives du recours désormais ordinaire à la procédure accélérée.

Réforme de l’adoption : vote définitif de la loi par l’Assemblée nationale

Votée par l’Assemblée nationale le 8 février 2022 en lecture définitive, la loi visant à réformer l’adoption renferme plusieurs innovations majeures en droit civil comme en droit de l’action sociale, tout en demeurant constituée d’une majorité de mesures d’ajustement destinées à suivre les évolutions de la société (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 1).

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La modernisation du cadre applicable au financement participatif achevée

Un décret du 1er février 2022, modifiant la partie réglementaire du code monétaire et financier, met en conformité le cadre réglementaire national relatif au financement participatif avec le « paquet européen » issu du règlement (UE) 2020/1503 et de la directive (UE) 2020/1504 du 7 octobre 2020. Il complète ainsi les modifications à valeur législative issues de l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021.

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Transport aérien : indemnisation en cas de retard

La Cour de justice de l’Union européenne complète sa jurisprudence en matière d’indemnisation des retards due par les compagnies aériennes, cette fois pour déterminer le juge compétent en cas de vols avec correspondance avec une réservation unique.

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Transport aérien : indemnisation en cas de retard

Le règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 établit des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Il prévoit notamment une indemnisation en cas d’annulation du vol (art. 5) avec les modalités de calcul de cette indemnisation (art. 7, qui prend en compte la distance du vol), un droit à l’assistance par le transporteur effectif en cas d’annulation ou de retard du vol (art. 5, 6 et 8) ainsi qu’un droit à une prise en charge (art. 9, prévoyant les conditions d’obtention de rafraîchissements, d’une restauration ou d’un hébergement).

Le contexte jurisprudentiel

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de préciser, par exemple, que l’enfant âgé de moins de deux ans qui a voyagé sans billet d’avion sur les genoux de ses parents ne peut pas bénéficier de l’indemnisation forfaitaire due par le transporteur aérien en cas de retard (Civ. 1re, 6 janv. 2021, n° 19-19.940 F-P, Dalloz actualité, 28 janv. 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 77 image ; RTD com. 2021. 179, obs. B. Bouloc image) et qu’un vol dérouté qui atterrit sur un aéroport distinct de l’aéroport initialement prévu mais qui dessert la même ville, agglomération ou région, n’est pas susceptible de conférer au passager un droit à une indemnisation au titre d’une annulation de vol (CJUE 22 avr. 2021, aff. C-826/19, Dalloz actualité, 27 mai 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 845 image ; ibid. 1695, obs. H. Kenfack image ; JCP E 2021. 1379, note P. Dupont et G. Poissonnier).

La mise en œuvre des principes prévus par ce règlement n° 261/2004 soulève régulièrement des problèmes de compétence judiciaire dans l’Union européenne, lorsqu’un voyageur, après s’être vu opposer un refus d’indemnisation par une compagnie aérienne, décide de saisir un tribunal, surtout d’ailleurs en présence d’un vol avec correspondance.

Dans ce cadre, la détermination du juge compétent passe par l’application des règles de compétence édictées par le règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et en particulier par celles qui régissent la matière contractuelle.

Il est en effet acquis que relève de cette matière contractuelle l’action des passagers en indemnisation pour le retard d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement n° 261/2004 contre un transporteur aérien, y compris lorsqu’il ne s’agit pas de la compagnie aérienne avec laquelle le passager concerné a conclu le contrat mais la compagnie aérienne qui était, par exemple, chargé d’assurer le premier vol à destination du lieu où la correspondance sera prise (CJUE 7 mars 2018, aff. C-274/16, C-447/16 et C-448/16, pt 65, D. 2018. 1366 image, note P. Dupont et G. Poissonnier image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2019. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; RTD com. 2018. 518, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast image ; RTD eur. 2019. 165, obs. L. Grard image ; RCA 2018. Alerte 11, obs. Coulon).

Rappelons que pour la matière contractuelle, les règles de...

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