Limites de l’obligation de révélation de l’arbitre : premières précisions de la CCIP-CA

Très attendue par les observateurs, la jurisprudence naissante de la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris s’enrichit d’une série d’arrêts, rendus le même jour et dans la même affaire. Cette chambre nous livre ainsi son analyse de la délicate question de l’obligation de révélation des arbitres et des circonstances susceptibles de générer un doute quant à leur indépendance et leur impartialité.

Le litige à l’origine des sentences contestées s’est élevé à l’occasion des relations d’affaires de plusieurs sociétés brésiliennes, liées par un accord d’exploitation commune pour la réalisation d’un projet pétrolier offshore : les sociétés Dommo Energia SA, Barra Energia do Brasil Petróleo e Gás Ltda, ainsi que la société Queiroz Galvão Exploração e Produção SA, devenue Enauta Energia SA.

Un désaccord s’étant élevé entre elles, la société Dommo a introduit une demande d’arbitrage à l’encontre des sociétés Barra et Enauta devant la London Court of International Arbitration (LCIA). Rapidement, les arbitres désignés de part et d’autre ont transmis leurs déclarations d’indépendance respectives en novembre 2017.
Une fois constitué, le tribunal arbitral, siégeant à Paris, a rendu une série de sentences (sentence intérimaire du 21 févr. 2018 sur la bifurcation de la procédure, sentence « Phase I » du 24 sept. 2018, sentence du 24 déc. 2018 sur les frais de l’arbitrage, sentence corrective du même jour, sentence du 24 janv. 2019 mettant fin à la sentence intérimaire sur la bifurcation, sentence partielle « Phase II » du 28 janv. 2019). Ce sont ces sentences qui ont fait l’objet de recours en annulation devant la cour d’appel de Paris (nos 19/07575 ; 19/15816 ; 19/15817 ; 19/15818 ; 19/15819), à l’initiative de la société Dommo.

Il était reproché à l’arbitre de ne pas avoir révélé les liens qui l’unissaient indirectement à l’une des parties. En effet, la société Dommo a fait valoir qu’en cours d’arbitrage, elle aurait eu fortuitement connaissance du fait que, de 2012 à 2015, soit deux ans et demi avant le début de l’arbitrage, l’arbitre nommé par les défenderesses avait travaillé pour un cabinet saoudien, lui-même affilié à un cabinet dont étaient clientes deux sociétés actionnaires de celles-ci, les fonds d’investissement First Reserve Corporation et Riverstone Holdings.

La demande de récusation présentée à la LCIA en janvier 2019 ayant été rejetée, c’est dans le cadre du recours en annulation contre les sentences déjà rendues que la société Dommo a réitéré le grief devant la cour d’appel de Paris, donnant à la chambre commerciale internationale une première occasion de nous livrer ses vues quant au devoir d’indépendance et d’impartialité des arbitres et quant à l’obligation de révélation qui leur incombe.

Le principe est bien établi : afin de garantir l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre, l’article 1456, alinéa 2, du code de procédure civile impose à ce dernier « de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité » et ce, avant d’accepter sa mission ou en cours d’arbitrage, si une telle circonstance survenait alors.
Les difficultés de mise en œuvre de cette obligation sont bien connues également. Les textes étant silencieux sur le contenu de la révélation, c’est à la jurisprudence qu’il est revenu d’en préciser les critères, source d’un important contentieux.

L’arrêt commenté ajoute ainsi sa pierre à un édifice qui, par effet d’accumulation dans une matière très casuistique, ne se caractérise pas par sa clarté. L’apport de la chambre commerciale internationale, s’il recèle d’intéressantes précisions, ne va pas non plus sans soulever des interrogations.

De façon très pédagogique, la Cour prend soin de rappeler le cadre de l’obligation de révélation (§§ 41-43). Elle envisage notamment la dimension temporelle de cette obligation et rappelle, conformément à la formule de l’article 1456, alinéa 2, du code de procédure civile, qu’elle s’étend dans le temps et dure tout le long de l’arbitrage, avant et après l’acceptation de la mission « selon que les circonstances incriminées préexistent ou surgissent après ladite acceptation » (§ 42).

Par ailleurs, après avoir brièvement présenté la nature de liens devant être révélés – et sur lesquels nous reviendrons – la Cour précise que cette obligation s’apprécie « au regard de la notoriété de la situation critiquée, de son lien avec le litige et de son incidence sur le jugement de l’arbitre ».

Ces deux critères – le premier, négatif, de la notoriété et le second, positif de la pertinence des informations – marquent les deux temps du raisonnement de la Cour. D’abord, se pose la question de savoir si l’arbitre avait bien l’obligation de révéler les liens, eu égard à leur prétendue notoriété (I). À cet égard, la réponse est positive. Ensuite, se pose la question de savoir si la situation critiquée entretenait des liens avec le litige et était de nature à influencer l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre (II). Après analyse, la Cour estime que les liens entre l’arbitre et la société Barra sont trop ténus pour donner lieu à l’annulation de la sentence.

I - Exception de notoriété

À la question de savoir si les liens autrefois entretenus par l’arbitre avec le cabinet d’avocats qui représentent les actionnaires de la société Barra étaient notoires et, partant, s’ils pouvaient être exclus de l’obligation de révélation, la cour d’appel répond par la négative. En conséquence, ces liens auraient dû être révélés par l’arbitre.

Un tel recours à l’exception de notoriété s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure. L’exception est désormais classique (Paris, 13 mars 2008, n° 06/12878, D. 2008. 3111, obs. T. Clay image ; v. égal., Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra, n° 09/28537, Rev. arb. 2011. 737, obs. D. Cohen  ; Cah. arb. 2011. 787, note M. Henry ; LPA 2011, n° 225-226, p. 14, note P. Pinsolle ; Gaz. Pal. 15-17 mai 2011. 19, obs. D. Bensaude ; Paris, 13 nov. 2012, SA Fairplus Holding c/ Sté JMB Corporation, n° 11/11153, D. 2012. 2991, obs. T. Clay image ; Paris, 28 mai 2013, n° 11/17672, Catering International, D. 2013. 2936, obs. T. Clay image ; Gaz. Pal. 27-28 sept. 2013. 18, obs. D. Bensaude ; Paris, 2 juill. 2013, n° 11/23234, La Valaisanne Holding, D. 2013. 2936, obs. T. Clay image ; RTD com. 2014. 318, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2013. 1033, note M. Henry ; JCP 2013. 1391, n° 5, obs. J. Ortscheidt ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, D. 2016. 2589, obs. T. Clay image ; RTD com. 2016. 699, obs. E. Loquin image ; Cah. arb. 2016. 633, note V. Chantebout ; Civ. 1re, 3 oct. 2019, Sté Audi Volkswagen Middle East Fze LLC c/ Sté Saad Buzwair Automotive Co., n° 18-15.756, Dalloz actualité, 12 déc. 2019, obs. C. Debourg ; Rev. arb. 2020, note L. Jaeger, à paraître) : l’arbitre n’est pas tenu de révéler les informations le concernant dès lors que celles-ci sont notoires.

Si elle permet de prévenir des techniques dilatoires et s’inspire d’un louable esprit de loyauté procédurale, le recours à la notoriété n’est pas exempt de critiques, notamment au regard de son critère (A) et de ses enjeux (B) (v. not, J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage, Dalloz actualité, 29 oct. 2019 ; T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, note sous Paris, 12 avr. 2016, n° 14/884, Sté J&P Avax c/ Sté Tecnimont, Cah. arb. 2016. 447, n° 11 ; L.-C. Delanoy, Les obligations respectives des arbitres et des parties en matière d’indépendance de l’arbitre, note sous Paris, 29 mai 2018 et Paris, 27 mars 2018, Rev. arb. 2019. 522, spéc. n° 17-19).

A - Les critères de la notoriété

La notion pèche tout d’abord par la difficulté qu’il y a à en arrêter les critères. À cet égard, l’arrêt rendu le 25 février 2020 apporte d’utiles précisions.

Bien que l’on sache désormais que la notion de notoriété est employée dans une acception large, incluant les informations aisément accessibles (v. not. Civ. 1re, 15 juin 2017, République de Guinée Equatoriale c/ Sté Orange Middle East and Africa, n° 16-17.108, Bull. civ. I, n° 746 ; D. 2017. 1306 image ; ibid. 2559, obs. T. Clay image ; RTD com. 2017. 842, obs. E. Loquin image), beaucoup d’incertitudes demeurent quant à ce qui caractérise concrètement une information facile d’accès.

En particulier, les juges ont déjà eu l’occasion d’admettre le caractère notoire des informations disponibles sur internet (Paris, 14 mars 2017, n° 15/19525, Rev. arb. 2017. 1213, note B. Zadjela ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, préc. ; Civ. 1re, 19 déc. 2018, Sté J&P Avax c/ Sté Tecnimont, n° 16-18.349, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. C. Debourg ; Chronique d’arbitrage, Dalloz actualité, 29 janv. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 16-18.349, D. 2019. 24 image ; ibid. 2435, obs. T. Clay image ; Cah. arb. 2019. 401, note T. Clay ; Procédures 2019. Etude 8, obs. L. Weiller ; JCP E 2019.177, note A. Constans ; et les arrêts précédents). Il ne paraît toutefois pas saugrenu de se demander, à l’instar du demandeur au recours, si le simple fait qu’une information soit disponible sur internet doive nécessairement conduire à affirmer qu’elle est aisément accessible.

Ainsi que la jurisprudence a eu l’occasion de le rappeler, il « ne saurait être exigé […] que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées » (Civ. 1re, 3 oct. 2019, Sté Audi Volkswagen Middle East Fze LLC c/ Sté Saad Buzwair Automotive Co., préc.). Cette position est également celle de la chambre commerciale internationale qui prend soin, au moyen d’une analyse détaillée, d’apporter des précisions à cet égard.

À en croire le défendeur au recours, dans l’affaire commentée, l’information litigieuse était disponible au moyen d’une consultation du site internet de l’arbitre. L’affirmation est exacte, mais la Cour ne s’en contente pas. Elle s’intéresse de façon très concrète aux opérations nécessaires pour accéder à l’information à partir du site en question (§§ 49-52). À cet égard, elle relève que « l’accès à cette information sur internet n’est possible qu’à l’issue d’un dépouillement approfondi et d’une consultation minutieuse du site internet de l’arbitre exigeant d’ouvrir tous les liens relatifs aux conférences auxquelles il a participé et de consulter le contenu l’un après l’autre des publications auxquelles il a contribué » (§ 51). En d’autres termes, pour la Cour, « l’accès à l’information nécessite plusieurs opérations successives qui s’apparentent à des mesures d’investigation » (§ 52), en conséquence de quoi elles ne peuvent être considérées comme aisément accessibles et donc notoires (dans le même sens, mais sans autant de détails, v. Paris, 14 mars 2017, n° 15/19525, Rev. arb. 2017. 1213, note B. Zadjela, où le juge de l’annulation relève que la recherche sur internet était « d’une grande simplicité » ; Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 14-20.532, préc., où il est question d’« une simple consultation de sites internet librement accessibles »).

La Cour en conclut donc que l’information ne pouvant « être considérée comme notoire, […] l’arbitre aurait dû en conséquence la révéler dès sa première déclaration » (§ 52).

En ce qu’elle identifie ainsi le critère de la notoriété, la solution mérite l’approbation. Bien qu’il ne soit pas rare que les conseils des parties se livrent à de véritables enquêtes concernant les arbitres nommés dans la procédure, il n’est pas nécessaire, ni même sain, d’exiger de leur part qu’elles s’adonnent à de telles recherches approfondies.

Dans le même esprit, on notera par ailleurs que la Cour fait sienne une formule de la jurisprudence antérieure, à savoir que les informations notoires sont celles « que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l’arbitrage » (§ 45 ; v. égal. Civ. 1re, 3 oct. 2019, Sté Audi Volkswagen Middle East Fze LLC c/ Sté Saad Buzwair Automotive Co., préc. ; Paris, 14 oct. 2014, n° 13/13459, D. 2014. 2541, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2015. 151, note M. Henry ; Cah. arb. 2014. 795, note D. Cohen. V. égal. Civ. 1re, 16 déc. 2015, n° 14-26.279, D. 2016. 2589, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2016. 536, note M. Henry ; Gaz. Pal. 2016, n° 26, p. 27, obs. D. Bensaude ; Cah. arb. 2016. 653, note D. Cohen). Bien que cette question n’ait pas été en débat dans la présente affaire, la Cour semble ainsi admettre, à l’instar des juges du pôle 1 – chambre. 1, et à juste titre, que le « devoir de curiosité » (E. Loquin, Autour de l’obligation de révélation, note sous Paris, 12 avr. 2016, Rev. arb. 2017. 234) des parties est limité dans le temps et que ces dernières ne sont pas tenues de poursuivre leurs investigations postérieurement au début de l’arbitrage. La Cour donne en outre indirectement des indices sur ce qui aurait permis que les informations soient considérées comme notoires dès lors qu’elle constate que le « site ne mentionne nullement de manière claire, évidente et transparente une quelconque collaboration de l’intéressé avec un cabinet d’avocats ».

Pour autant, toute incertitude quant au critère n’est pas levée. On se souviendra par exemple qu’en octobre 2019, la Cour de cassation a considéré que l’information figurant dans un annuaire spécialisé et de portée géographique limitée devait être considérée comme notoire (sur nos réserves à cet égard, v. C. Debourg, obs. sous Civ. 1re, 3 oct. 2019, Sté Audi Volkswagen Middle East Fze LLC c/ Sté Saad Buzwair Automotive Co., préc.). En comparaison, l’information figurant sur le site de l’arbitre lui-même, mais nécessitant une analyse minutieuse du site pouvait sembler nécessiter moins d’investigations. Il faudra attendre d’autres décisions pour apprécier s’il s’agit là d’une réelle divergence de vues entre les deux chambres.

B - Les enjeux de la notoriété

Des précisions quant au critère de la notoriété sont d’autant plus attendues que l’exception de notoriété est chargée d’enjeux importants ; elle est susceptible de jouer contre les parties, faisant peser sur elles une obligation particulièrement lourde, alors même qu’elles sont initialement « créancières de l’information et non pas débitrices » (T. Clay, Tecnimont, saison 5 : La dissolution de l’obligation de révélation dans le devoir de réaction, préc., n° 14. En ce sens, v. égal. M. Henry, note sous Paris, 12 avr. 2016, Rev. arb. 2017. 949 ; L.-C. Delanoy, Les obligations respectives des arbitres et des parties en matière d’indépendance de l’arbitre, note sous Paris, 29 mai 2018 et Paris, 27 mars 2018, Rev. arb. 2019. 522 et nos obs. sous Civ. 1re, 19 déc. 2018, Tecnimont : obligation de révélation de l’arbitre et obligation de s’informer à la charge des parties : un équilibre encore perfectible, D. 2019. 2435 image).

Bien que cela ne soit pas expressément énoncé par la cour d’appel, qui aborde la question de la notoriété du point de vue de l’arbitre et de son devoir de révélation (§§ 41-43 ; § 45 : la notoriété d’une situation est « susceptible de tempérer le contenu de l’obligation de révélation incombant à l’arbitre » ; § 52 : « l’arbitre aurait dû en conséquence la révéler dès sa première déclaration »), l’exception de notoriété n’a pas seulement pour effet de dispenser l’arbitre de révéler l’information. Elle a également un effet essentiel sur les obligations des parties, notamment sur ce qu’il est désormais courant d’appeler leur devoir de réaction et en particulier sur la nécessaire célérité de ce dernier.

C’est là le véritable enjeu de l’exception de notoriété. L’information notoire étant réputée connue des parties, elle fait courir le délai dans lequel celles-ci peuvent présenter leur demande de récusation. La sanction du non-respect de ce délai est particulièrement vigoureuse. La partie qui tarderait à réagir sera réputée avoir renoncé à se prévaloir du grief tiré du défaut d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre, en application de l’article 1466 du code de procédure civile (V. égal., antérieurement au décret du 13 janv. 2011, Civ. 1re, 31 janv. 2006, Bull. civ. I, n° 37 ; 20 mai 2003, Rev. arb. 2004. 312 (1re esp.) ; Paris, 18 sept. 2003, Rev. arb. 2004. 312 (3e esp.)). Ainsi, s’il n’a pas été présenté en temps utile au cours de la procédure arbitrale, le grief sera considéré comme irrecevable.

Le mécanisme est d’autant plus sévère que le délai à respecter s’entend aussi bien du délai légal de récusation que de celui prévu par le règlement d’arbitrage d’une institution. Ainsi, « la partie qui, en connaissance de cause, s’abstient d’exercer, dans le délai prévu par le règlement d’arbitrage applicable, son droit de récusation en se fondant sur toute circonstance de nature à mettre en cause l’indépendance ou l’impartialité d’un arbitre, est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir devant le juge de l’annulation » (Civ. 1re, 25 juin 2014, n° 11-26.529, Civ. 1re, 25 juin 2014, n° 11-26.529, Tecnimont SPA (Sté) c/ J&P Avax (Sté), D. 2014. 1985 image ; ibid. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 1981, avis P. Chevalier image ; ibid. 1986, note B. Le Bars image ; ibid. 2541, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2015. 85, note J.-J. Arnaldez et A. Mezghani ; JCP 2014. 1278, obs. T. Clay ; ibid. 857, § 4, obs. C. Seraglini ; ibid. 977, § 9, obs. C. Nourissat ; LPA 2014, n° 215, p. 5, obs. M. Henry ; Cah. arb. 2014. 547, note T. Clay).

L’article 10.3 du règlement de la LCIA applicable en l’espèce prévoit que la demande de récusation doit être présentée dans un délai de 14 jours à compter de la constitution du tribunal arbitral ou à compter de la découverte du grief affectant le tribunal, si celle-ci est postérieure à sa constitution. La question se posait donc de savoir si ce délai avait été respecté, dès lors que la société Dommo avait attendu le mois de janvier 2019, près d’un an après le début de l’arbitrage, pour introduire sa demande de récusation. En d’autres termes, n’avait-elle pas agi trop tard pour être recevable à présenter à nouveau le grief ?

L’enjeu est là et figure expressément dans l’argumentation des défendeurs telle qu’elle ressort de l’arrêt (v. § 34 : la société Barra faisait valoir que la demande de récusation avait été faite hors délai, tandis que la société Enauta arguait d’un manquement de la société Dommo à son devoir de réaction, § 35). Le demandeur, quant à lui contestait « qu’il puisse lui être fait grief de ne pas avoir demandé la récusation de [l’arbitre] dès sa nomination » et « conteste tout caractère tardif de sa demande en récusation » (§§ 27-28).

Pour autant, dès les premiers motifs de la décision, la cour d’appel énonce fermement qu’elle n’a pas été saisie d’une demande d’irrecevabilité de la demande d’annulation « au motif que la contestation de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre serait tardive » (§ 39), car cette demande n’a pas été formulée dans les prétentions des parties énoncées dans le dispositif de leurs conclusions.

Ainsi qu’indiqué plus haut, l’argument avait bien été invoqué mais, précise la Cour, uniquement dans des moyens développés au fond (§ 39). En application de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, en vertu duquel « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion », la Cour refuse donc de se prononcer sur la question de la tardiveté de la demande.

En l’absence d’information sur les conclusions effectivement déposées, cette affirmation de la cour d’appel est d’interprétation délicate. À suivre la Cour, l’une des interprétations possibles serait que la question de la renonciation au grief s’analyse non pas un simple moyen destiné à obtenir le débouté du recours en annulation, mais comme une question de recevabilité qui doit figurer dans le dispositif des prétentions, semble-t-il en tant que fin de non-recevoir.
L’analyse bénéficie du soutien de la jurisprudence antérieure qui a énoncé à de maintes reprises que faute de l’avoir soulevé en temps utiles, les parties renonçaient au grief, ce dernier étant alors irrecevable devant le juge de l’annulation. On sait par ailleurs que la catégorie des fins de non-recevoir est une catégorie souple qui admet des créations jurisprudentielles (v. not., Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003,  n° 00-19.423, Bull. civ. n° 1 ; D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image ; Rev. arb., 2003. 403, note C. Jarrosson). Il n’est pas rare de parler ainsi de fin de non-recevoir s’agissant de l’article 1466 du code de procédure civile (en ce sens, v. C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, LGDJ, n° 245 ; J. Jourdan-Marques, Le contrôle étatique des sentences arbitrales internationales, LGDJ, 2017, n° 208. V. aussi, cependant, l’intéressante analyse des « fausses fin de non-recevoir » dans l’ouvrage de MM. J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., LGDJ, 2019, n° 150).

On ne saurait ainsi que trop suggérer aux parties de faire preuve de la plus grande précaution dans la rédaction de leurs conclusions : l’argument de tardiveté du devoir de réaction et de renonciation au grief tiré du défaut d’indépendance ou d’impartialité semble devoir figurer dans le dispositif des prétentions, faute de quoi il ne sera pas examiné, la cour d’appel ne le soulevant pas d’office. Par ailleurs, il faut rappeler que le champ d’application de l’article 1466 du Code de procédure civil ne se limite pas aux questions d’indépendance de l’arbitre ; potentiellement ce sont tous les griefs non soulevés en temps utiles qui sont concernés par ce rappel des formes que doit prendre l’argument.

Cela étant, la décision du 20 février 2020 recèle d’autres interrogations sur ce point.

Il est tout d’abord permis de s’interroger sur le véritable objet de l’irrecevabilité invoquée. Dans l’arrêt commenté, dans une partie portant sur « la recevabilité de la contestation » (nous soulignons), la cour d’appel énonce que « l’irrecevabilité de la demande d’annulation » (nous soulignons) n’est pas évoquée dans le dispositif des conclusions des parties pour en déduire qu’elle n’a pas été saisie d’une demande « d’irrecevabilité du recours en annulation » (nous soulignons), alors même que celui-ci ne paraissait pas pouvoir encourir la critique, ayant été exercé dans les temps. Du reste, si l’irrecevabilité du recours avait été invoquée, elle aurait sans doute dû être présentée devant le conseiller de la mise en état (C. pr. civ., art. 914, par renvoi de l’art. 1527 c. pr. civ.), ce qui soulève d’autres questions complexes.

Même en admettant qu’il s’agisse ici d’un raccourci de langage, il faut reconnaître que le vocabulaire est pour le moins flottant. Traditionnellement, c’est davantage l’irrecevabilité du moyen qui est visée par la jurisprudence rendue en matière de renonciation (v. not. Paris, 21 oct. 2010, Me Patrick Dunaud c/ Sté SPRLU Agnès Maqua et autre, n° 09/16174, en somm. in Rev. arb. 2010. 975 ; Paris, 10 sept. 2019, Sté Gemstream c/ Sté Visionael Corporation Inc., n° 17/10639, en somm. in Rev. arb. 2019. 993, pour une renonciation au moyen tiré de l’incompétence du tribunal arbitral) ou encore l’irrecevabilité des griefs (v. par ex., Paris, 28 nov. 2017, M. Sheikh Mohamed Bin Issa Al Jaber c/ M. Sheikh Salah Inbrahim Al-Hejailan, en somm. in Rev. arb. 2017. 289 ; Paris, 2 avr. 2019, M. Vincent J. Ryan, Sté Schooner Capital et Atlantic Investment Partners LLC c/ République de Pologne, n° 16/24358, en somm. in Rev. arb. 2019.304 qui précise que la renonciation présumée par l’article 1466 code de procédure civile « vise des griefs concrètement articulés et non des catégories de moyens » et que « le but poursuivi par cette disposition – qui est d’éviter qu’une partie se réserve des armes pour le cas où la sentence lui serait défavorable –, ne serait pas atteint si, sous couvert d’un cas d’ouverture unique, le recourant était recevable à développer devant la cour un argumentaire différent en droit et en fait de celui qu’il avait soumis aux arbitres »). Là encore, le raccourci entre recevabilité du grief et recevabilité de la demande d’annulation est compréhensible, dès lors qu’il semble que seul le grief relatif à la constitution du tribunal arbitral était ici invoqué. Toutefois, l’incertitude concernant le vocabulaire employé soulève des doutes quant à la mise en œuvre de l’exception de notoriété.

En particulier, dans une démarche prospective, on peut s’interroger sur le point de savoir à qui la question devra être posée, au regard de l’extension des pouvoirs accordés à ceux qui sont chargés de la mise en état. Devant la cour d’appel, elle relève du conseiller de la mise en état, lequel, depuis la réforme Magendie, a le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité de l’appel (C. pr. civ., art. 914). Toutefois, dans la mesure où le décret du 11 décembre 2019 accorde au juge de la mise en état une compétence exclusive pour connaître de l’ensemble des fins de non-recevoir (C. pr. civ., art. 789-6°) et que les pouvoirs du CME semblent devoir être calqués sur ceux du JME en vertu de l’article 907 du code de procédure civile, il est envisageable que le CME soit compétent pour connaître de l’argument de renonciation au grief, étant précisé que ces dispositions sont applicables pour les actions introduites à compter du 1er janvier 2020. On peut être réservé quant à l’opportunité de scinder ainsi des questions de fond entremêlées, même s’il apparaît qu’il est de la volonté générale d’évacuer au plus tôt le plus grand nombre possible d’arguments, y compris s’ils touchent au fond (v. not. C. pr. civ., art. 789-6°). Il est néanmoins douteux que les rédacteurs du décret – adopté dans une relative urgence – aient eu en tête le cas spécifique du recours en annulation d’une sentence arbitrale à laquelle on oppose une fin de non-recevoir tirée de l’article 1466 du code de procédure civile. Reste à espérer alors que le CME fasse usage de sa faculté de renvoyer la question à la formation collégiale.

Ensuite, alors même que la cour d’appel indique expressément ne pas avoir été saisie d’une demande d’irrecevabilité pour tardiveté de la contestation, à laquelle il est donc prétendu que le demandeur aurait renoncé, elle s’engage dans une discussion relative à l’exception de notoriété, dont l’un des effets essentiels en pratique est précisément d’évaluer si la contestation a été ou non tardive. Sans doute la Cour ne fait-elle que répondre aux points soulevés dans le débat,  les parties s’opposant sur le caractère notoire de ces informations » (§ 44).

Néanmoins, le fait que la Cour consacre de longs développements à cette question pourrait sembler en contradiction avec celui de présenter la renonciation comme une question de recevabilité, si ce n’est qu’au terme de ces développements, elle n’adopte aucune position sur le caractère tardif de la demande de récusation ou sur l’existence d’une renonciation à se prévaloir du grief. La Cour se contente d’affirmer que l’arbitre aurait dû révéler ces liens qui n’étaient pas notoires (§ 52).

Si ce n’est à titre d’obiter dictum, au demeurant fort bienvenu, l’objectif de toute cette analyse n’est pas clair. En effet, mis à part l’hypothèse où elle est utilisée pour établir une renonciation au grief en raison d’une réaction tardive, question dont la Cour estime ne pas être saisie, l’exception de notoriété est essentiellement utile dans deux autres situations, mais qui ne sont pas caractérisées en l’espèce.

Dans la mesure où elle permet de délimiter le contenu de l’obligation de révélation de l’arbitre, elle pourrait tout d’abord servir à engager la responsabilité de l’arbitre qui aurait manqué à cette obligation en omettant de révéler des faits non notoires, si tant est qu’une telle action soit envisageable sur ce fondement (v. not. Paris, 12 oct. 1995, Raoul Duval, Rev. arb. 1999, n° 1, p. 324, note P. Fouchard ; TGI Paris, 12 mai 1993, Raoul Duval, Rev. arb. 1996, n° 3, p. 411, note P. Fouchard ; Civ. 1re, 4 juill. 2012, CSF c/ M. J.-F. T., en somm. Rev. arb. 2012. 682. Sur cette responsabilité, v. C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, LGDJ, n° 246 ; T. Clay, L’arbitre, Dalloz, 2001, n° 398 et n° 941). La question fait débat, dès lors que la nature de l’obligation de révélation n’est pas parfaitement établie (V. not., Rapport du Club des juristes. La responsabilité de l’arbitre. Commission Ad Hoc [Prés. J.-Y. Garaud], juin 2017, p. 32 ; L. Jandard, La relation entre l’arbitre et les parties. Critique du contrat d’arbitre, Thèse dactyl., Paris Nanterre, 2018, dir. F.-X. Train, spéc. nos 328 s.). En tout état de cause, la demande présentée au juge en l’espèce ne concernait en rien la responsabilité de l’arbitre, généralement invoquée postérieurement à l’annulation de la sentence et par ailleurs refusée en l’espèce.

L’on pourrait encore imaginer que la non-révélation ait une incidence directe sur la caractérisation d’un défaut d’indépendance et d’impartialité, c’est-à-dire que l’on déduise d’un défaut de révélation un défaut d’indépendance. Toutefois, l’absence de lien direct entre défaut de révélation et défaut d’indépendance, déjà retenu par la jurisprudence (v. infra), est réaffirmée en l’espèce (§ 53), à juste titre. La Cour se contente d’affirmer que l’arbitre aurait dû révéler les liens, sans en tirer de conséquences concrètes immédiates.

Ainsi, pour se prononcer sur l’existence d’un défaut d’indépendance ou d’impartialité, la Cour examine les liens des informations litigieuses sur le litige et leur incidence sur le jugement de l’arbitre.

II - Appréciation de la situation critiquée au regard de l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre

Une fois traitée la question de savoir si les informations invoquées bénéficiaient ou non de l’exception de notoriété, la cour d’appel s’est attelée à une seconde question, celle du « lien de la situation critiquée avec le litige et son incidence sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre ». Sur ce point encore, il nous semble que la solution de fond retenue par la Cour doive être approuvée : les liens étaient en l’espèce trop ténus pour susciter un doute raisonnable (B). En revanche, l’articulation des questions par la cour d’appel pourrait prêter à confusion (A).

A - Articulation des questions

La présentation faite par la cour d’appel de ce qui est l’objet de son examen n’est pas parfaitement claire et semble osciller entre la délimitation des contours de l’obligation de révélation et l’appréciation d’un éventuel défaut d’indépendance justifiant l’annulation de la sentence.

En effet, dans les paragraphes d’introduction de ses motifs, la Cour énonce ainsi les critères de l’obligation de révélation : « l’obligation de révélation qui pèse sur l’arbitre doit s’apprécier au regard de la notoriété de la situation critiquée, de son lien avec le litige et de son incidence sur le jugement de l’arbitre » (§ 43). Elle semble alors placer l’exception de notoriété et le lien de l’information avec le litige ainsi que son influence sur le jugement sur le même plan, celui de l’obligation de révélation.

Par la suite cependant, lorsqu’aux paragraphes 53 et suivants, elle s’interroge sur le lien de la situation avec le litige et le jugement de l’arbitre, l’objet de l’analyse ne semble plus être l’obligation de révélation, mais bien le motif d’annulation tiré du défaut d’indépendance et d’impartialité de la part d’un membre du tribunal arbitral. Pour autant, il est à nouveau fait référence au défaut de révélation qui serait susceptible de permettre « d’éveiller un doute raisonnable » (§ 56).

Cela étant, la Cour coupe rapidement court aux incertitudes, rappelant que « la non-révélation par l’arbitre d’informations ne suffit pas à constituer un défaut d’indépendance ou d’impartialité ».

Là encore, la chambre commerciale internationale prend position en faveur de ce qui semble être le dernier état de la jurisprudence. Après avoir souvent semblé associer la défaillance de l’arbitre quant à son obligation de révélation et son défaut d’indépendance ou d’impartialité, susceptibles de provoquer l’annulation de la sentence, les parties ayant été privées de leur droit de récusation (v. not., Paris, 12 févr. 2009, Rev. arb., 2009.186, note T. Clay, et les références citées), la jurisprudence dissocie désormais plus fermement obligation de révélation et indépendance de l’arbitre (v. not. Civ. 1re, 10 oct. 2012, Tecso c/ Neoelectra, Rev. arb. 2012. 129, note C. Jarrosson ; v. déjà, Paris, 12 janv. 1996, Qatar c/ Creighton, Rev. arb. 1996. 428, note P. Fouchard. Sur cette question, v. not. C. Jarrosson, note sous Paris, 21 févr. 2012, Rev. arb. 2012. 587 ; note sous Civ. 1re, 10 oct. 2012, Tecso c/ Neoelectra, Rev. arb.  2012. 129 ; L.-C. Delanoy, note sous Paris, 27 mars 2018 et 29 mai 2018, Rev. arb. 2019. 522, spéc. n° 21 ; C. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, 2e éd., 2019, LGDJ, n° 245). La solution mérite selon nous d’être approuvée en ce qu’elle est conforme à la nature de l’obligation de révélation, qui se présente comme « un moyen quand l’indépendance et l’impartialité sont une fin » (M. Henry, note sous Paris, 2 nov. 2011, Rev. arb. 2011. 112, spéc. n° 7). En opportunité, par ailleurs, elle limite considérablement les risques qu’une sentence soit annulée au prétexte d’un oubli mineur. La Cour s’inscrit ici dans ce courant : le défaut de révélation de certains éléments ne signifie pas défaut d’indépendance ou d’impartialité, il faut expliquer en quoi « ces éléments so[nt] de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre » (§ 53). Ce sont donc ces liens et leur incidence sur le jugement de l’arbitre qu’elle entend examiner.

B - Appréciation des liens litigieux

L’article 1456, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que doit être révélée « toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité », suscitant un contentieux extrêmement important quant à la caractérisation de telles circonstances. L’arrêt de la cour d’appel est instructif à cet égard.

Dès les premiers paragraphes des motifs, la Cour donne un contenu très large à l’obligation de révélation et rappelle le caractère varié des circonstances devant être révélées (§ 42), faisant écho à la formule de l’article 1456, alinéa 2, du code de procédure civile, qui vise « toute circonstance ». La Cour identifie ainsi trois formes de circonstances, dont il ne semble pas exclu qu’elles puissent se recouper : celles qui portent sur d’« éventuels conflits d’intérêts », des « relations d’intérêts » et des « courants d’affaires ». Il est par ailleurs précisé que ces liens peuvent être entretenus par l’arbitre avec les parties, mais aussi avec « des tiers susceptibles d’être intéressés au litige » (§ 42). Il faut reconnaître que cette formule n’est pas particulièrement éclairante.

Plus loin dans les motifs, et en dépit de la confusion exposée supra, la question n’est plus celle du critère de la révélation, mais celle du critère du défaut d’indépendance. Une fois de plus, la cour d’appel embrasse le principe retenu par la jurisprudence antérieure et le critère du doute raisonnable, « l’appréciation devant être faite sur des bases objectives et en tenant compte des spécificités de l’espèce » (§ 53).

C’est ainsi à une analyse détaillée des circonstances de l’espèce que se livre la Cour.

La situation visée ici est celle d’un potentiel conflit d’intérêts indirect, c’est-à-dire d’une situation faisant intervenir un certain nombre d’intermédiaires entre l’arbitre et l’une des parties. En l’espèce, ce lien est indirect à un double titre.
D’abord, il est indirect si on l’observe du point de vue de la partie concernée, puisque le lien invoqué concernerait l’arbitre et deux sociétés actionnaires de celle-ci. À juste titre, ce point ne semble pas poser de difficulté à la Cour d’appel qui s’intéresse directement aux liens entre l’arbitre et les actionnaires de Barra (en ce sens, v. not. les IBA Guidelines on Conflict of Interest in International Arbitration, 2014, not. General Standard n° 7). Ainsi il semble acquis pour la cour d’appel que les liens avec des sociétés de contrôle d’une partie sont douteux.

Ensuite, et c’est là que se présente le plus grand nombre de difficultés, il est indirect si on l’appréhende du point de vue de l’arbitre, puisqu’il n’existe aucun lien direct entre lui et les actionnaires de la société Barra. Le lien allégué est le résultat de l’appartenance de l’arbitre à un cabinet lié aux actionnaires de la société Barra, ou pour être précis, à un cabinet affilié à celui qui représente les intérêts des actionnaires de la société Barra. Le rapport d’affaires ne vise pas directement l’arbitre, mais le cabinet au sein duquel il exerce et, plus spécifiquement encore en l’espèce, un cabinet affilié au cabinet au sein duquel il a exercé.

Sur ce point, l’apport de la cour d’appel de Paris est important, car la situation dans laquelle le cabinet ou l’ancien cabinet d’un arbitre entretient des liens avec des entités proches de l’une des parties est extrêmement fréquent en pratique. Il n’est en effet pas rare que les professionnels exerçant comme arbitres exercent de façon ponctuelle ou habituelle au sein de cabinets d’avocats ayant un important volume d’affaires auprès de nombreuses sociétés (et d’États) se trouvant au cœur de réseaux, d’alliances et de groupes d’une grande complexité (sur ces questions, v. not. F.-X. Train, Mode d’exercice de l’activité d’arbitre et conflits d’intérêts, Rev. arb. 2012. 725. V. égal. Civ. 1re, 27 janv. 2016, Fibre Excellence, n° 15-12.363 ; Paris, 10 mars 2011, Tecso c/ Neoelectra Group, n° 09/28537, préc.).

À cet égard, la Cour affirme que, pour qu’ils soient susceptibles « d’éveiller un doute raisonnable sur son impartialité ou son indépendance, encore faudrait-il que cette activité ait généré [des] […] liens avec les actionnaires de la société partie au présent arbitrage et ait été à l’origine d’un courant d’affaires entre l’arbitre et ces sociétés ou qu’il ait eu ou ait encore un quelconque intérêt avec le cabinet les représentant, susceptible de créer un conflit d’intérêt » (§ 56).

En premier lieu, la Cour s’intéresse aux liens entre l’arbitre et la partie et son actionnariat, plutôt qu’aux relations du cabinet avec ce dernier. Ainsi, l’analyse présentée est d’abord personnalisée. La Cour recherche des « liens, directs ou indirects, matériels ou intellectuels » entre l’arbitre et les actionnaires qui soient « à l’origine d’un courant d’affaires » entre eux (§ 56). De tels liens ne sont pas établis en l’espèce, la Cour ajoutant que l’arbitre ne les a pas « conseillé[s], représenté[s] ou assisté[s] » (§ 57).

Elle réserve également l’hypothèse où l’arbitre « [a] eu ou [a] encore un quelconque intérêt avec le cabinet [des actionnaires], susceptible de créer un conflit d’intérêts » (§ 56). La formule est assez vague, et large, puisqu’elle vise « un quelconque intérêt ». À cet égard, le fait qu’il s’agisse d’un lien doublement indirect, c’est-à-dire qu’il s’exerce par l’intermédiaire d’un autre cabinet d’avocats, tout comme la dimension temporelle – ancienne – de ce lien ont pu jouer un rôle dans la décision de la cour d’appel d’estimer qu’une telle hypothèse n’était pas non plus établie en l’espèce.
La rédaction de la décision doit inviter à la prudence quant aux tentatives d’interprétation que l’on pourrait formuler. En effet, la Cour semble évoquer l’existence d’un cabinet intermédiaire, ainsi que le fait que l’ancienneté des rapports de travail de l’arbitre avec ce cabinet, à titre supplémentaire, presque d’obiter dictum.

Elle énonce ainsi que les circonstances ne « permettent pas d’établir l’existence de lien quelconque entre [l’arbitre] et les actionnaires […] ni qui soient de nature à créer un doute raisonnable sur l’indépendance et l’impartialité, d’autant plus que les liens [entre l’arbitre et le cabinet des actionnaires] étaient indirects, par l’intermédiaire [d’un autre cabinet] » (nous soulignons).

Elle ajoute que ces liens « avaient cessé deux ans et demi avant le début de l’arbitrage, ce qui pourrait ne pas être une durée suffisante en cas de défaut de révélation de lien direct ou d’une information susceptible d’affecter l’impartialité de l’arbitre, mais qui en l’espèce est sans incidence dès lors que rien ne permet d’établir qu’il y ait pu y avoir des connexions entre [l’arbitre et les actionnaires] à l’époque où [l’arbitre] travaillait pour le [cabinet saoudien] ni après ». Les faits de l’espèce ne permettent pas d’apprécier pleinement la portée de cette formule. L’on regrettera à nouveau la référence au « défaut de révélation » qui ne nous semble pas devoir être un critère d’appréciation plus sévère de la proximité dans le temps des liens litigieux. Il faut souhaiter qu’il ne s’agisse ici que d’une erreur de plume, survivante de la confusion que nous évoquions supra et pourtant balayée par la cour d’appel au paragraphe 53.

Ainsi, si l’on approuvera la cour d’appel, au regard des faits de l’espèce, dans la mesure où le lien entre l’arbitre et l’une des parties à l’arbitrage était trop indirect et tenu et aussi dans la mesure où l’activité de l’arbitre auprès du cabinet était à la fois de courte durée et ancienne, l’arrêt soulève des questions quant à l’articulation des critères à retenir.

La remarque ne se limite pas à la question de l’appréciation du doute raisonnable. Les solutions retenues au fond par la Cour, qu’il s’agisse d’une exception de notoriété délimitée ou de l’appréciation raisonnable de l’intensité minimale des liens des liens de nature à créer un doute quant à l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre, doivent également être approuvée en ce qu’elles participent l’une comme l’autre, à la sécurité des procédures arbitrales et à l’équilibre entre les exigences légitimes d’indépendance des arbitres et de loyauté des parties. En revanche, on regrettera que la Cour passe un peu facilement de l’étendue du devoir de révélation à la caractérisation d’un défaut d’indépendance, alors même qu’elle énonce expressément que la seconde ne dépend pas de la première, entretenant une confusion qui n’est pas souhaitable.

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Voies d’exécution, titre exécutoire et prescription : il faut partir à point !

Dans deux arrêts rendus le même jour, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à analyser la spécificité de l’application dans le temps de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile à propos de deux saisies-arrêts.

À titre liminaire, il est important de préciser qu’il s’agit de litiges nés en Nouvelle-Calédonie et rappeler que le code des procédures civiles d’exécution n’y est pas applicable, les voies d’exécution restant régies par l’ancien code de procédure civile, notamment les articles 557 à 582 pour la saisie-arrêt (ancêtre de la saisie conservatoire et de la saisie attribution avec la saisie exécution des art. 583 s. du même code).

Dans l’arrêt portant le n° 18-23.782, le 8 janvier 2009, une banque obtient un arrêt de condamnation, devenu irrévocable en 2012 à la suite du rejet du pourvoi formé à son encontre (arrêt de rejet du 23 févr. 2012, n° 09-13.113, D. 2012. 610 image ; AJDI 2012. 451 image ; ibid. 460 image, obs. N. Le Rudulier image ; RTD civ. 2012. 346, obs. P. Crocq image).

En vertu de ce titre exécutoire, elle fait pratiquer une saisie-arrêt le 6 septembre 2016 et assigne en validité le 12 septembre suivant.

Dans l’arrêt portant le n° 18-22.908, une banque obtient un arrêt de condamnation le 27 octobre 2005.

En vertu de ce titre exécutoire, elle fait pratiquer une saisie-arrêt le 2 août 2016 et assigne en validité le 4 août suivant.

Sans reprendre le détail de mon cours de voies d’exécution distillé par Monsieur le doyen et professeur Pierre Julien en 1988, il faut rappeler qu’à peine de nullité, la saisie-arrêt devait être suivie d’une assignation en validité portée devant le tribunal du lieu du domicile du saisi et diligentée à l’encontre de ce dernier avec dénonciation au tiers saisi (art. 563 à 567 de l’ancien code de procédure civile ; v. A. Joly, Cours élémentaires de droit. Procédure civile et voies d’exécution, Tome II, Voies d’exécution, éditions Sirey, 4e trimestre 1968, Les saisies-arrêts, pages 62 à 76, n° 357 à 366).

Je ne résiste pas au plaisir de rappeler les dispositions poétiques de l’article 563 de l’ancien code de procédure civile :
« Dans le délai de huitaine de la saisie-arrêt ou de l’opposition, outre un jour pour trois myriamètres de distance entre le domicile du tiers saisi et celui du saisissant, et un jour pour trois myriamètres de distance entre le domicile de ce dernier et celui du débiteur saisi, le saisissant sera tenu de dénoncer la saisie-arrêt ou opposition au débiteur saisi et de l’assigner en validité ».

Une fois la saisie-arrêt validée, la somme saisie était répartie selon la distribution par contribution.

Dans le respect de ces règles, dans les deux arrêts soumis à l’examen de la cour de cassation, la banque a bien assigné en validité dans le délai de huit jours suivant la saisie-arrêt prescrit par l’article 563 de l’ancien code de procédure civile.

Dans les deux espèces, le saisi s’est prévalu de la prescription de l’action.

Il faut rappeler que si la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et bien applicable sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, l’article 25, II dispose que :
« II-La présente loi, à l’exception de son article 6 et de ses articles 16 à 24, est applicable en Nouvelle-Calédonie ».

Or, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 insérant dans la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution un article 3-1 (devenu art. L. 111-4 c. pr. ex.) stipulant que l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long, figurent à l’article 23 et ne sont donc pas applicables sur le territoire de Nouvelle-Calédonie.

Il convenait donc de déterminer quel était le délai de prescription applicable.

Dans l’espèce portant le n° 18-23.782, le tribunal de première instance de Nouméa avait rejeté la demande de la banque au motif que l’exécution de l’arrêt du 8 janvier 2009 était prescrite.

La cour d’appel a confirmé ce jugement. La banque s’est pourvue en cassation et a sollicité le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité.

La question portait sur le point de savoir si l’article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 en ce qu’il exclut l’application, en Nouvelle-Calédonie, du délai de prescription spécial prévu pour l’exécution des titres exécutoires, méconnaissait le principe d’égalité devant la loi ainsi que la protection du droit de propriété

Par arrêt du 20 juin 2019 (Civ. 2e, 20 juin 2019, n° 18-23.782), la cour a rejeté cette demande et a donc examiné le pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt commenté.

Le premier moyen relatif à la question prioritaire de constitutionnalité ayant été purgé par l’arrêt du 20 juin 2019 (préc.), restait à examiner le second moyen consistant à résoudre une question d’application de la loi dans le temps.

En effet, la banque faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Nouméa d’avoir retenu la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de son action et soutenait que celle-ci était en réalité soumise à la prescription trentenaire de l’article 2262 du code civil, alors applicable aux titres exécutoires avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Pour soutenir ce moyen, la banque s’appuyait sur l’article 26, III, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile disposant que lorsqu’une instance avait été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action était poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

Or, selon la banque, l’action ayant abouti à l’obtention de son titre exécutoire, concrétisé par l’arrêt du 8 janvier 2009, avait bien été engagée avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et devait être poursuivie selon la loi ancienne de l’article 2262 du code civil.

Selon la banque, c’est donc à tort que la cour d’appel avait retenu l’application de la prescription quinquennale de droit commun relative aux actions portant sur des créances mobilières ou personnelles.

En toute logique, la cour de cassation rejette le pourvoi.

En effet, s’il n’est pas contestable que l’action ayant abouti à l’obtention du titre exécutoire obéissait au régime ancien de la prescription, elle rappelle en toute simplicité que l’action en exécution d’un titre exécutoire constitue une instance distincte de celle engagée afin de faire établir judiciairement l’existence de la créance.

Or, cette voie d’exécution avait bien été introduite après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que cette action n’était pas soumise au délai de prescription trentenaire.
Dans cette première espèce, la banque avait oublié qu’il faut être deux pour danser la valse et qu’il ne faut pas confondre action en paiement et voies d’exécution.

Dans la seconde espèce portant le n° 18-22.908, la cour d’appel de Nouméa avait validé la saisie-arrêt et écarté la fin de non-recevoir soutenu par le saisi.

À l’appui de son pourvoi, le saisi soutenait que seul le délai de prescription de droit commun des actions réelles et mobilières réduit à cinq ans par l’article 1er de la loi du 17 juin 2008, qui modifie l’article 2244 du code civil, pouvait, sur ce territoire, régir les actions en recouvrement d’une créance constatée judiciairement, et qu’en faisant néanmoins application d’un délai de dix ans, la cour d’appel aurait violé les articles 1er, 23 et 25 II de la loi de la loi du 17 juin 2008.

En effet, pour valider la saisie-arrêt pratiquée, la cour d’appel avait retenu que l’instance en validité ayant été diligentée postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réduisant à dix ans le délai de prescription des titres exécutoires et la créance en cause se prescrivant par un délai inférieur à celui-ci, soit cinq ans, le délai décennal était applicable.

Là encore, c’est logiquement que la cour de cassation casse cet arrêt, au visa de l’article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile en rappelant, que l’article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991 (devenu art. L. 111-4 c. pr. ex.) n’étant pas applicable en Nouvelle-Calédonie en l’absence, sur ce territoire, de délai spécifique au-delà̀ duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à̀ exécution, il y avait lieu de considérer qu’il pouvait l’être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené́ en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans.

Dans les deux espèces, la question se pose de savoir pourquoi, alors qu’ils étaient titulaires de titres exécutoires obtenus en 2005 et 2009, les créanciers ont attendu aussi longtemps pour engager des voies d’exécution, oubliant la morale de la fable : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » (Jean de La Fontaine, Fables, Livre sixième, X, le Lièvre et la Tortue).

Voies d’exécution, titre exécutoire et prescription : il faut partir à point !

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Le croisement des données de la base HOPSYWEB et du FSPRT est licite

N’est pas contraire au droit de la protection des données à caractère personnel la mise en relation du traitement de données relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques (HOPSYWEB) sans consentement et du fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

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StopCovid : le oui mais de la CNIL

Pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés, une application de tracage ne peut être qu’un élément d’une politique globale de lutte contre la pandémie. Et ses risques pour la vie privée ne doivent pas être sous-estimés.

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Éloge de la clarté en droit (de la consommation)

Le droit de la consommation, plus que toute autre matière, exige une certaine clarté dans les contrats (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 84). La Cour de justice de l’Union européenne y veille scrupuleusement, comme en témoigne en arrêt rendu le 26 mars 2020 (CJUE 26 mars 2020, aff. C-66/19, D. 2020. 712, obs. G. Poissonnier image). En l’espèce, un consommateur a souscrit, en 2012, un crédit garanti par des sûretés réelles d’un montant de 100 000 €, au taux débiteur annuel de 3,61 % fixe jusqu’au 30 novembre 2021. Il est prévu que l’emprunteur dispose de quatorze jours pour se rétracter par écrit et que ce délai commence à courir après la conclusion du contrat mais pas avant que l’emprunteur n’ait reçu toutes les informations obligatoires mentionnées à l’article 492, paragraphe 2, du BGB (code civil allemand). Toutefois, ledit contrat ne contient pas ces informations, qui déterminent pourtant le point de départ du délai de rétractation. Il se limite en effet à renvoyer à une disposition du droit allemand qui, elle-même renvoie à d’autres dispositions du droit allemand. Par la suite, début 2016, l’emprunteur a déclaré à la banque qu’il exerçait son droit de rétractation. Celle-ci considère cependant qu’elle l’avait dûment informé et que le délai pour exercer ce droit a déjà expiré. Le tribunal régional de Sarrebruck, saisi par l’emprunteur, se demande donc si celui-ci a été correctement informé de la période durant laquelle il peut exercer son droit de rétractation, ce qui l’amène à saisir la Cour de justice afin qu’elle interprète la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs.

Se posait un premier problème, relatif à la compétence de la Cour pour se prononcer au regard de cette directive dans la mesure où celle-ci ne s’applique pas « aux contrats de crédit garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable communément utilisée dans un État membre sur un immeuble, ou par un droit lié à un bien immobilier » (art. 2, § 2, a). Ces contrats relèvent en effet de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, op. cit., n° 193). Or, en l’occurrence, le crédit était précisément garanti par des sûretés réelles, raison pour laquelle, le Gouvernement allemand soutenait que la Cour n’était pas compétente pour répondre aux questions posées. Toutefois, ce prétendu obstacle est écarté par la Cour au motif que, conformément à la possibilité offerte par le considérant 10 de la directive de 2008, « le législateur allemand a (…) décidé d’appliquer le régime prévu par la directive 2008/48/CE à des contrats tels que celui en cause » (pt 27). La Cour rappelle également qu’elle « s’est, à maintes reprises, déclarée compétente pour statuer sur des demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits en cause au principal se situaient en dehors du champ d’application de celui-ci et relevaient dès lors de la seule compétence des États membres, mais dans lesquelles lesdites dispositions du droit de l’Union avaient été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci (CJUE 12 juill. 2012, SC Volksbank România, aff. C-602/10, pt 86 et jurisprudence citée, D. 2012. 1949 image ; ibid. 2013. 945, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image, ) » (pt 28). La demande de question préjudicielle fut donc, à juste titre, déclarée recevable.

Une fois cette question de compétence réglée, encore fallait-il se prononcer sur les trois questions formellement posées à la Cour (seules les deux premières questions reçurent une réponse, la Cour ayant estimé que compte tenu de la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question). Cette dernière a considéré, en premier lieu, que « L’article 10, paragraphe 2, sous p), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que, au titre des informations à mentionner, de façon claire et concise, dans un contrat de crédit, en application de cette disposition, figurent les modalités de computation du délai de rétractation, prévues à l’article 14, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive ». La solution est fondée au regard de l’article 10, paragraphe 2, sous p) de la directive de 2008, qui vise « l’existence ou l’absence d’un droit de rétractation, la période durant laquelle ce droit peut être exercé et les autres conditions pour l’exercer (…) ». Afin d’étayer son raisonnement, la Cour rappelle que « l’exigence consistant à mentionner, dans un contrat de crédit établi sur un support papier ou sur un autre support durable, de façon claire et concise, les éléments visés par cette disposition est nécessaire afin que le consommateur soit en mesure de connaître ses droits et ses obligations (CJUE 9 nov. 2016, Home Credit Slovakia, aff. C-42/15, pt 31, D. 2017. 328 image, note F. Boucard image ; RTD com. 2017. 152, obs. D. Legeais image) » (pt 35). Elle rappelle également que « cette exigence contribue à la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 2008/48/CE, qui consiste à prévoir, en matière de crédit aux consommateurs, une harmonisation complète et impérative dans un certain nombre de domaines clés » (pt. 36). Or, le droit de rétractation revêt, pour le consommateur, « une importance fondamentale » (pt. 37). Cette considération montre, une fois de plus, à quel point le droit de rétractation est une pièce essentielle de la protection des consommateurs (V. déjà CJUE 23 janv. 2019, aff. C-430/17, spéc. pt 46, D. 2019. 196 image ; ibid. 2020. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDC 2019, n° 116a4, p. 66, note J.-D. Pellier, ayant considéré en matière de contrat conclus à distance, que « Compte tenu de l’importance du droit de rétractation pour la protection du consommateur, l’information précontractuelle concernant ce droit revêt, pour ce consommateur, une importance fondamentale et lui permet de prendre, d’une façon éclairée, la décision de conclure ou non le contrat à distance avec le professionnel »). À cet égard, le droit français se montre relativement exemplaire : non seulement le contrat de crédit doit comporter, entre autres informations, « l’existence du droit de rétractation, le délai et les conditions d’exercice de ce droit » (C. consom., art. L. 312-28 et R. 312-10, 5°, b), sous peine de déchéance du droit aux intérêts (C. consom., art. L. 341-4, al. 1er), mais , en outre, l’article L. 312-21 du code de la consommation prévoit, également sous peine de déchéance du droit aux intérêts (C. consom., art. L. 341-4, al. 1er) mais aussi d’une contravention de la 5e classe (C. consom., art. R. 341-4), qu’« Afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit », l’article R. 312-9 précisant que « Le formulaire détachable de rétractation prévu à l’article L. 312-21 est établi conformément au modèle type joint en annexe au présent code. Il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur ». Or, le modèle type visé par ce texte contient les informations relatives à la computation du délai de rétractation (encore qu’il pourrait être précisé, conformément à l’article L. 312-20, que le délai de rétractation « court à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 312-28 ». Comp. C. consom., anc. art. L. 312-20, qui prévoyait des modalités de computation beaucoup plus précises).

En second lieu, la Cour de justice considère que « L’article 10, paragraphe 2, sous p), de la directive 2008/48/CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un contrat de crédit procède, s’agissant des informations visées à l’article 10 de cette directive, à un renvoi à une disposition nationale qui renvoie elle-même à d’autres dispositions du droit de l’État membre en cause ». La Cour fonde notamment son raisonnement sur la considération selon laquelle « la connaissance et une bonne compréhension, par le consommateur, des éléments que doit obligatoirement contenir le contrat de crédit, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE, sont nécessaires à la bonne exécution de ce contrat et, en particulier, à l’exercice des droits du consommateur, parmi lesquels figure son droit de rétractation » (pt 45). Là encore, la solution est parfaitement justifiée au regard de l’exigence de clarté qui imprègne le droit de la consommation. Cependant, le droit français, cette fois-ci, ne se montre pas aussi exemplaire, sur un plan plus général, puisque l’on sait que nombreuses sont les dispositions renvoyant à d’autres dispositions, opérant elles-mêmes un renvoi (le renvoi est même devenu le principe s’agissant des sanctions depuis l’ordonnance n° 2016-301 relative à la partie législative du code de la consommation, ce qui n’améliore guère la lisibilité du droit. V. à ce sujet, J.-M. Brigant, Recodification du code de la consommation : SOS d’un pénaliste en détresse, RLDA oct. 2016, p. 14). En somme, renvoi sur renvoi ne vaut, tel est le message prodigué par la Cour de Luxembourg.

Éloge de la clarté en droit (de la consommation)

Au titre des informations à mentionner, de façon claire et concise, dans un contrat de crédit, figurent les modalités de computation du délai de rétractation. En outre, le contrat de crédit ne saurait procéder, pour la communication des informations nécessaires à l’emprunteur, à un renvoi à une disposition nationale qui renvoie elle-même à d’autres dispositions du droit de l’État membre en cause.

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Éloge de la clarté en droit (de la consommation)

Au titre des informations à mentionner, de façon claire et concise, dans un contrat de crédit, figurent les modalités de computation du délai de rétractation. En outre, le contrat de crédit ne saurait procéder, pour la communication des informations nécessaires à l’emprunteur, à un renvoi à une disposition nationale qui renvoie elle-même à d’autres dispositions du droit de l’État membre en cause.

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Le gouvernement précise le déroulement des examens et son soutien à la recherche

Frédérique Vidal a annoncé les grandes lignes de l’organisation des examens et concours de l’enseignement supérieur, tout en rappelant l’autonomie des établissements, ainsi que des mesures visant à préserver les activités de recherche impactées par la pandémie de covid-19.

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Coronavirus : confirmation de la condamnation d’Amazon en appel

La société Amazon France Logistique s’est vue à nouveau condamnée en appel pour ne pas avoir suffisamment évalué les risques induits par le covid-19 à l’égard de ses salariés, ni associé les représentants du personnel à cette évaluation. 

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Le marché immobilier, bouleversé par l’épidémie du covid-19 ?

À travers une note de conjoncture immobilière, les Notaires de France présentent le marché des transactions immobilières suite à la situation exceptionnelle de confinement que rencontre la France pour lutter contre l’épidémie du covid-19.

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Déconfinement : Édouard Philippe et l’Assemblée s’interrogent sur leur confiance

« Voici donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre »

Après deux mois de confinement et de couacs, le début de l’intervention d’Édouard Philippe est attendu. Il est effectivement rare qu’un discours parlementaire soit retransmis en direct sur TF1 et M6 (même si l’arrêt de tournages des téléfilms rend nécessaire la recherche de contenus nouveaux et gratuits). Le Premier ministre souligne d’abord la réussite du confinement, le nombre de personnes en réanimation est passé de 7 100 à 4 600. Puis, il fait ses annonces. Le retour à la normale dépendra de la situation locale (il y aura des départements verts, oranges et rouges), les classes rouvriront très progressivement, les déplacements seront limités à 100 km et la plupart des commerces seront autorisés.

Édouard Philippe annonce aussi, qu’enfin, il y aura des masques et 700 000 tests par semaine. Les personnes testées positives devront s’isoler « en quatorzaine », chez elles (confinant ainsi tout leur foyer), ou dans des hôtels réquisitionnés. Des brigades seront chargées de faire des enquêtes épidémiologiques. Le projet de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire, qui sera au Parlement dès la semaine prochaine, précisera cela.

Ce discours d’Édouard Philippe a lieu dans un climat particulier. Au départ, les députés ne devaient débattre que de l’application StopCovid. Puis, cela s’est élargi à la stratégie de déconfinement. Puis, il y a eu un débat pour savoir s’il fallait ou non un vote. Puis un débat sur la date du vote (juste après le discours de Philippe ou plus tard ?). Confusion supplémentaire, selon la presse, Emmanuel Macron aurait appelé des journalistes pour leur dire, en off, qu’il n’était pas d’accord avec le format choisi par le Premier ministre, puis, durant le conseil des ministres, il a démenti « très fermement » toute rumeur de friction. Un démenti qui évidemment relancé les rumeurs de frictions, selon les quelques observateurs qui suivaient encore.

Devant les députés, Édouard Philippe défend la procédure choisie : « Nous avons choisi de réserver à l’Assemblée nationale ces annonces et de lui permettre de réagir, de critiquer et d’interroger le Gouvernement. […] En ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national ». Et, poursuit-il, « j’ai été frappé, depuis le début de cette crise, par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision. Les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public. Les députés ne commentent pas. Ils votent. »

« Ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance »

Le débat se déroule dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire une déclaration, « qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. » Une procédure curieuse, un débat sans amendement et sans enjeu, dont les gouvernements ont d’ailleurs fait un usage modéré depuis sa création, en 2008, la cantonnant aux sujets trop techniques pour passionner (programme de stabilité, fiscalité écologique). Car, que se passerait-il si l’Assemblée votait contre la déclaration gouvernementale ? La Ve République s’est toujours méfiée des questions de confiance cachées qui ont miné les républiques précédentes. Mais cette confiance sera le cœur du débat.

Le député communiste Stéphane Peu « après nous avoir convié à débattre cet après-midi d’une application qui n’existe pas, voilà que vous devons participer à un débat bâclé, sur un plan de déconfinement que les parlementaires n’ont pas eu le loisir de découvrir ni d’amender. En réalité, ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance. Mais elle vous est moins que jamais acquise ». Damien Abad, président du groupe LR : « Comme plus de 6 Français sur 10 nous n’avons pas confiance, nous n’avons plus confiance. » Olivier Faure, premier secrétaire du PS : « Ne demandez pas de nous accorder une confiance que jusqu’ici vous ne méritez pas. »

L’opposition dénonce les multiples volte-face du gouvernement, le manque de masques, de tests et de respirateurs. Le président du groupe Modem, Patrick Mignola défend le gouvernement : « On a beaucoup glosé et sur la prétendue impréparation du gouvernement. Mais depuis trois ans que suis parlementaire, je n’ai jamais entendu, ni sur le terrain, ni ici, que nous devions voter des demandes d’achat massif de masques pour reconstituer les stocks ou relocaliser leur production. »

« Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière, auriez-vous confiance ? »

Le drame du débat parlementaire français est que les parlementaires français ne veulent jamais débattre. Ce qui compte, c’est le discours. Quand, à la chambre des communes britannique les interventions fusent, le parlementaire français doit faire long. Mais, les orateurs n’ayant que 15 minutes de pause après l’intervention d’Édouard Philippe pour se préparer, les discours de réaction ont tous été écrits la veille. Résultat, entre les députés trop tendus pour décoller leur nez de leur feuille et ceux qui n’ont pas modifié une ligne d’un texte déjà périmé, l’exercice est ennuyeux.

Certains arrivent à sortir du cadre. Le jeune député LR Aurélien Pradié, « sur les masques, vous n’avez pas donné de garantie solide et vos explications ressemblaient davantage à des excuses. » « Aujourd’hui avons-nous confiance ? Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière qui s’est protégée plusieurs semaines durant avec des sacs poubelles comme blouse de fortune, auriez-vous confiance en Emmanuel Macron et en votre propre gouvernement ? Si vous étiez un médecin libéral qui a attendu de longues semaines des masques qui ne venaient pas, si vous étiez une aide-soignante qui les attend encore, auriez-vous confiance ? Si vous étiez un parent d’élève inquiet de voir la reprise de l’école, voir les ordres et les contre ordres, auriez-vous confiance ? »

En réponse, Édouard Philippe insiste : « La partie que nous devons jouer ensemble est redoutable C’est une partie difficile, c’est une partie risquée, mais nous ne réussirons à rien si nous ne sommes pas confiants. Mais la confiance n’est ni l’inconscience, ni la béatitude. C’est simplement la certitude que notre pays a en lui-même les ressources exceptionnelles pour affronter cette partie difficile ». Au final, 368 députés votent pour la déclaration, 100 contre et le reste s’abstient. Presque toute la majorité a soutenu. Les groupes LR, PS et UDI sont très hésitants. Comme le pays.

Déconfinement : Édouard Philippe et l’Assemblée s’interrogent sur leur confiance

Hier Édouard Philippe a présenté la stratégie gouvernementale de déconfinement. Un discours attendu. Au final, l’exercice s’est transformé en véritable question de confiance pour le Premier Ministre. Récit d’une séance atypique.

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Réflexions sur le tri des patients en période de crise sanitaire

Dans les médias, on entend des politiques ou des familles ne pas comprendre que les personnes résidantes en établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou dans des établissements médico-sociaux, suspectées d’être atteintes par le coronavirus1, ne soient pas prises en charge à l’hôpital ou en clinique et décèdent dans leur EHPAD, c’est-à-dire leur domicile.

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Coronavirus : crise existentielle chez les juges des enfants

Même dans les ressorts où la situation n’est pas beaucoup plus préoccupante qu’en temps normal, nombre de juges des enfants s’interrogent sur leur place, notamment face à l’administration.

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L’état d’urgence sanitaire, ses possibles dérives et la nécessité d’un contrôle

Le Réseau de veille sur l’état d’urgence sanitaire, qui regroupe des universitaires, associatifs, avocats et magistrats, a produit, mercredi 29 avril, une note dans laquelle ils entendent veiller au respect des droits fondamentaux en cette période d’état d’urgence sanitaire.

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Un rapport totalement dématérialisé pour le Conseil d’État

Le rapport 2019 du Conseil d’État est totalement dématérialisé. Une innovation qui s’accompagne de la création d’une partie consacrée à la gestion de la juridiction administrative.

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Les sénateurs veulent que la justice redémarre

La commission des lois du Sénat a publié mercredi 29 avril son second rapport d’étape sur l’état d’urgence sanitaire. Elle y balaie l’activité préfectorale et policière ou la situation dans les prisons et les centres de rétention. Les sénateurs François-Noël Buffet (LR) et Patrick Kanner (PS) se sont penchés sur l’état de la justice. Le sous-équipement structurel de la justice en nouvelles technologies nuit gravement à son bon fonctionnement pendant la crise.

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Respect de la vie privée du salarié : la preuve illicite d’un détournement de fonds

Lorsqu’un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l’origine de l’enquête et ne sauraient porter d’atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée.

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Nouveaux tarifs réglementés des professions réglementées du droit : report de l’entrée en vigueur

En raison des circonstances provoquées par l’épidémie de coronavirus, la révision du tarif des professions réglementées du droit est reportée. Les nouveaux tarifs s’appliqueront aux prestations effectuées à compter du 1er janvier 2021, au lieu du 1er mai 2020.

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Nouveaux tarifs réglementés des professions réglementées du droit : report de l’entrée en vigueur

Un arrêté du 28 avril 2020, modifiant les arrêtés du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des professions réglementées du droit, a été publié au Journal officiel du 29 avril. Il tire les conséquences des circonstances exceptionnelles provoquées par l’épidémie de coronavirus sur le territoire national et de son impact sur l’activité économique et notamment celle des professions réglementées du droit. La date du 1er mai, à compter de laquelle les nouveaux tarifs, issus des arrêtés du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des professions réglementées du droit, s’appliquent aux prestations effectuées par ces professions, est reportée au 1er janvier 2021.

Jusqu’à cette date, les tarifs issus des articles A. 444-1 à A. 444-186 du code de commerce (commissaires-priseurs judiciaires, huissiers, notaires, ainsi que, par renvoi de l’article A. 444-191, aux avocats s’agissant des actes réalisés en matière de saisie immobilière, de licitation par adjudication judiciaire et en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire ou de vente de gré à gré), ainsi que ceux issus des articles A. 743-8 à A. 743-18 du même code (greffiers de tribunaux de commerce), dans leur dernière version antérieure à l’entrée en vigueur des arrêtés du 28 février 2020, restent applicables pour ces professions.

Ajout de la biotechnologie dans la liste des investissements étrangers soumis à autorisation

Un arrêté du 27 avril 2020 du ministre de l’Économie et des finances complète la liste des secteurs dits « sensibles » dans lesquels les investissements étrangers en France sont soumis à autorisation préalable, en y ajoutant les biotechnologies.

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L’indivisaire locataire n’est pas débiteur d’une indemnité d’occupation

La Cour de cassation vient de trancher une question juridique fort intéressante relative à l’interprétation et à l’application de l’article 815-9 du code civil. Selon l’alinéa 1er de ce texte, « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ». Selon l’alinéa 2, « l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité » (sur ce texte, Rép. civ., v° Indivision, par C. Albigès, nos 189 s.). Qu’en est-il lorsque l’un des indivisaires est par ailleurs locataire d’un bien indivis pour un loyer très inférieur à la valeur locative du bien ? La Cour de cassation refuse ici clairement de condamner l’indivisaire locataire au paiement d’une indemnité d’occupation.

En l’espèce, un père avait octroyé à sa fille un bail verbal très avantageux sur un bien immobilier dont il était propriétaire. Le loyer versé n’était que de 381,12 € alors que la valeur locative du bien s’élevait à 1.200 €. Au décès du père, la fille fut appelée à hériter en concours avec son frère et sa mère. Elle devint alors indivisaire du bien sans perdre sa qualité de locataire (le contrat de bail avait été transmis aux ayants-cause). Des difficultés sont apparues dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession et les coïndivisaires ont sollicité le versement d’une indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 815-9 du code civil. La demande fut rejetée en première instance mais accueillie en appel. L’arrêt infirmatif de la Cour d’appel de Versailles condamna la défenderesse au paiement à l’indivision d’une somme mensuelle de 578,88 € à compter du 29 avril 2010 (cette date fut sans doute retenue eu égard à la prescription quinquennale des fruits applicable à l’indemnité d’occupation, Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 15-19.614, D. 2016. 1310 image ; ibid. 1881, chron. I. Guyon-Renard image ; ibid. 2017. 470, obs. M. Douchy-Oudot image ; ibid. 1388, obs. A. Leborgne image ; AJ fam. 2016. 388, obs. J. Casey image ; RTD civ. 2016. 593, obs. J. Hauser image ; ibid. 2017. 474, obs. B. Vareille image ; 5 févr. 1991, n° 89-15.234). Les juges du fond ont motivé leur solution par la nette différence entre la valeur locative du bien et le loyer versé en exécution du bail. Cette différence justifiait selon eux qu’il soit fait application de l’article 815-9 du code civil.

La succombante forma un pourvoi en cassation. La nouvelle rédaction des arrêts adoptée par la Cour de cassation la conduit dorénavant à reproduire les moyens des pourvois dans le corps de la décision, même s’il y a cassation. La demanderesse au pourvoi se prévalait d’abord du titre propre que lui octroyait le bail pour justifier que soit écartée l’application de l’article 815-9 du code civil. Elle rappelait ensuite que l’indivision, en tant que bailleresse, est tenue de la faire jouir paisiblement de l’immeuble pris à bail (où l’on observe au passage une personnification totale de l’indivision). Enfin, elle indiquait que seul pouvait lui être demandé le rapport à la masse partageable de l’avantage ainsi octroyé, sous réserve de démontrer l’existence d’une donation indirecte.

Ces arguments convainquirent la première chambre civile de la Cour de cassation qui cassa l’arrêt d’appel au visa de l’article 815-9 du code civil. En condamnant la défenderesse au paiement d’une indemnité d’occupation tout en constatant que l’immeuble était occupé en qualité de locataire, la cour d’appel a violé le texte : aucune atteinte n’était portée aux droits égaux et concurrents des coïndivisaires.

Deux enseignements peuvent être tirés d’une telle décision. Le premier n’est guère surprenant : le bail chasse l’indemnité d’occupation. Il est en effet acquis de longue date que pour être débiteur de l’indemnité, il faut être dépourvu de tout droit de jouissance exclusif sur le bien occupé. Aucune indemnité n’est due lorsque l’indivisaire use du bien en qualité d’usufruitier et qu’il n’existe aucune indivision en jouissance. Ainsi en va-t-il par exemple du conjoint survivant bénéficiaire d’un usufruit universel qui se trouve seulement en indivision avec les autres héritiers sur la nue-propriété (Civ. 1re, 15 mai 2013, n° 11-24.217, D. 2013. 1209 image ; ibid. 2050, chron. C. Capitaine et I. Darret-Courgeon image ; AJ fam. 2013. 381, obs. N. Levillain image ; Dr. fam. 2013, n° 106, obs. B. Beignier et J.-R. Binet). De même, lorsque le légataire bénéficie de la saisine il est habile à prétendre à la jouissance du bien légué à compter du jour du décès, et cette jouissance est exclusive de toute indemnité au profit de l’indivision (Civ. 1re, 2 juin 1987, Bull. civ. I, n° 181 ; D. 1988. 137, obs. A. Breton ; 2 mai 1990, n° 88-15.801 P). L’alinéa 2 de l’article 815-9 du code civil précise d’ailleurs que l’indemnité est due « sauf convention contraire », ce qui peut certes désigner une convention d’indivision, mais aussi toute convention octroyant à un ou plusieurs indivisaires un droit particulier à l’occupation du bien, tel un bail. Il n’y a effectivement pas d’atteinte aux droits concurrents et égaux des indivisaires puisque tous exercent leurs droits sur le loyer versé en exécution du bail, fût-il modeste. Un lien très net est noué entre la qualité de l’occupant et l’octroi d’une indemnité d’occupation. Il convient de distinguer le droit réel du propriétaire indivis, insuffisant pour justifier une occupation privative, et le droit personnel de locataire, qui autorise une utilisation exclusive du bien.

Le deuxième enseignement constitue le véritable apport de l’arrêt : un bail déséquilibré octroyé à un indivisaire ne donne pas droit au paiement d’une indemnité au bénéfice de l’indivision. On ne saurait donc exciper, pour obtenir le versement d’une indemnité d’occupation, de la différence de valeur, fut-elle très importante, entre le prix de l’occupation et la valeur de cette occupation. La rigueur dont fait montre ici la Cour de cassation est bienvenue. Il s’agit en effet de ne pas confondre le titre et le prix du titre. Le bail confère un droit, un titre d’occupation, une qualité. Peu importe que cela soit obtenu à un faible prix, ou même d’ailleurs à titre gratuit. La différence entre la valeur locative et le loyer ne saurait altérer l’efficacité du droit qui résulte de l’acte. Le déséquilibre de la convention ne diminue pas le titre d’occupation. Tel était bien le premier argument au soutien du pourvoi.

Par « valeur locative », il faut entendre le montant du loyer qui pourrait être obtenu si le bien était donné à bail (Civ. 1re, 27 oct. 1992, n° 91-10.773, RTD civ. 1993. 630, obs. J. Patarin image ; JCP 1993. I. 3713, n° 3, obs. F.-X. Testu) et non le droit d’occuper le bien. La valeur locative du bien indivis n’est jamais prise en compte pour déterminer l’existence d’un droit à l’indemnité d’occupation ; elle ne sert que de référentiel à son évaluation (le juge demeure cependant libre dans son appréciation, Civ. 3e, 16 mars 1983, RTD civ. 1984. 341, obs. J. Patarin ; Civ. 1re, 27 oct. 1992, n° 91-10.773, préc.). La valeur locative est une donnée qui n’intervient que dans un second temps, à un autre niveau du raisonnement.

La Cour de cassation refuse fort opportunément de confondre le titre qui fonde l’occupation et le prix de cette occupation : seul compte le droit à l’occupation privative, donc ici la qualité de locataire, peut important que ce droit ne dispose pas d’une contrepartie équivalente. Une telle solution est parée des vertus de la prudence. Statuer en sens inverse aurait présenté le risque d’ouvrir la voie à de nombreux recours d’indivisaires cherchant à démontrer, à grand renfort d’expertises, une disparité entre le montant du loyer versé et la valeur locative du bien. Cela aurait promis d’âpres difficultés, car si en l’espèce le manque à gagner est flagrant, il n’est pas toujours aussi aisé de démontrer que le loyer ne correspond pas exactement à la valeur locative du bien. La solution retenue préserve aussi la nature de l’indemnité d’occupation et évite qu’elle ne soit dévoyée à des fins compensatrices d’une convention déséquilibrée : l’indemnité d’occupation ne saurait être mobilisée pour compléter un faible loyer.

De quels recours disposent encore les indivisaires qui subissent un tel manque à gagner ? Le défaut d’équivalence des prestations n’est pas, en principe, une cause de nullité du contrat (C. civ., art. 1168) et le déséquilibre inhérent au bail est en l’espèce trop faible pour encourir la nullité sur le fondement de l’article 1169 du code civil. Quant à la révision pour imprévision (C. civ., art. 1195), le seul changement de circonstances intervenu depuis la conclusion du bail est le décès du bailleur, ce qui n’est nullement imprévisible. Aucun espoir n’est permis du côté de l’action de in rem verso dans la mesure où l’enrichissement est justifié par la convention elle-même. Impossible par ailleurs de mettre fin au bail sans l’accord unanime des indivisaires (Civ. 3e, 8 nov. 1995, n° 93-16.949, AJDI 1996. 483 image ; ibid. 484, obs. D. Talon image ; RDI 1996. 287, obs. F. Collart-Dutilleul image ; ibid. 335, obs. J.-L. Bergel image ; 8 avr. 1999, n° 97-15.706, D. 1999. 116 image ; RDI 1999. 363, obs. M. Bruschi image ; ibid. 466, obs. F. Collart-Dutilleul image ; JCP 2000. I. 278, n° 3, obs. R. Le Guidec ; ibid. 1999. I. 175, n° 8, obs. H. Périnet-Marquet ; 25 avr. 2001, n° 99-14.368, D. 2001. 1591, et les obs. image ; RTD civ. 2002. 130, obs. J. Patarin image ; JCP 2001. I. 358, n° 3, obs. H. Périnet-Marquet).

Le pourvoi évoque la possibilité d’un rapport de l’avantage ainsi procuré à la masse à partager, ce qui permettrait de préserver l’égalité dans le cadre du partage. Cela conduirait aussi à cantonner l’émolument perçu à la réserve individuelle de l’occupante augmentée de la quotité disponible. Mais cela nécessite que soit démontrée l’existence d’une donation indirecte, donc que l’avantage octroyé soit qualifiable de libéralité : il ne suffit plus de prouver l’existence d’un simple « avantage indirect » (Civ. 1re, 18 janv. 2012, nos 09-72.542, 10-27.325, 11-12.863, 10-25.685 et 10-27.325, D. 2012. 283 image ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2012. 234, obs. A. Bonnet image ; RTD civ. 2012. 353, obs. M. Grimaldi image ; JCP N 2012, n° 16, 1188, obs. Y. Delecraz ; JCP 2012. 835, note F. Sauvage ; Dr. fam. 2012/3. Comm. 50, note B. Beignier ; RJPF 2012. 2. 6, note D. Martel ; RLDC 2012. 94. 43, note R. Mésa ; Lexbase Hebdo 2012. 478, note S. Deville). Cette entreprise se heurte à plusieurs limites. Si une telle solution a pu être retenue par le passé à propos de la mise à disposition d’un logement sans aucune contrepartie (Civ. 1re, 14 janv. 1997, n° 94-16.813, D. 1997. 607 image, note V. Barabé-Bouchard image ; ibid. 1999. 155, chron. I. Najjar image ; RTD civ. 1997. 480, obs. J. Patarin image ; ibid. 483, obs. J. Patarin image ; ibid. 1998. 414, obs. F. Zenati image ; Defr. 1997. 33650, note P. Malaurie ; JCP 1998. I. 133, note R. Le Guidec ; JCP N 1998. 356, étude D. Barthe) elle subit la concurrence de la qualification de prêt à usage qui peut supplanter (Civ. 1re, 11 oct. 2017, n° 16-21.419, D. 2017. 2096 image ; ibid. 2018. 2384, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier image ; AJ fam. 2017. 656, obs. N. Levillain image ; RJPF 2018/1, p. 41, note G. Druot et C.-M. Péglion-Zika ; Dr. fam. 2017/12, p. 35) voire s’ajouter à une donation de fruits (Civ. 1re, 3 nov. 1988, n° 87-13.319, RTD civ. 1990. 700, obs. J. Patarin image ; ibid. 1989. 570, obs. P. Rémy ; JCP 1989. II. 21375, T. Hassler).

En l’espèce la qualification de commodat peut aisément être écartée au regard de la stipulation d’un loyer. Mais il n’est pas si aisé de démontrer l’existence d’une libéralité portant sur une partie des fruits du bien. Si la preuve d’un déséquilibre économique procédera d’une simple évaluation mathématique du manque à gagner, la démonstration d’une intention libérale pourrait être plus délicate, quoique le contexte familial en allège quelque peu la charge probatoire. Mais surtout, le rapport et la réduction ne pourront être obtenus que pour la libéralité consentie par le de cujus, donc pour la période antérieure au décès. Cela ne permet pas de régler la question du manque à gagner à compter du décès (soit, en l’espèce, une période de près de 13 ans). Il serait peu utile de chercher à démontrer qu’une libéralité aurait été octroyée par les coïndivisaires. Cela permettrait simplement au frère de limiter l’avantage perçu par sa sœur eu égard à la libéralité consentie par la mère (en appliquant rapport et réduction dans la succession de la mère en plus de leur application dans la succession du père). Cela est mieux que rien, mais clairement insuffisant. Et encore faudrait-il prouver une intention libérale, ce qui est directement contrarié par l’action engagée par les indivisaires en paiement d’une indemnité d’occupation. Impossible en effet de considérer que les indivisaires ont voulu avantager celle à qui ils réclament un prix.

Il s’agit donc d’une convention déséquilibrée, présentant l’élément matériel de la gratuité (un avantage sans contrepartie équivalente) et que les indivisaires devront subir au moins jusqu’au partage, seule issue possible pour endiguer le flot des fuites de ce tonneau percé.

L’indivisaire locataire n’est pas débiteur d’une indemnité d’occupation

L’indivisaire qui occupe un bien indivis en qualité de locataire ne porte pas atteinte aux droits égaux et concurrents des coïndivisaires, de sorte qu’il n’est pas tenu au paiement d’une indemnité d’occupation en application de l’article 815-9 du code civil. Il importe peu que la valeur locative de l’immeuble occupé soit nettement supérieure au montant du loyer acquitté.

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Mariage célébré au Maroc sans la présence de l’épouse

Dans un récent article, le Professeur Dondero s’interrogeait, avec humour, sur les incidences du nouveau mode de rédaction des arrêts par la Cour de cassation, caractérisé par la clarté et la pédagogie. Il se demandait s’il en était désormais fini des « décisions cryptiques, sur lesquelles les universitaires pouvaient discuter sans fin devant leurs amphithéâtres médusés et dans les colloques », puisque les juges expliquent maintenant « eux-mêmes directement au lecteur ce qu’ils ont voulu dire » (Nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation : panique à l’Université !, D. 2020. 145 image).

Tel est précisément le cas dans l’affaire jugée par la première chambre civile le 18 mars 2020, qui concerne un mariage célébré au Maroc, en 2002, entre un Français et une Marocaine (devenue Française 11 ans plus tard), alors que l’épouse n’était pas présente lors de la cérémonie mais avait mandaté, conformément au droit marocain alors applicable, un wali (tuteur matrimonial) pour conclure l’acte de mariage. Notons dès à présent que le Code marocain de la famille prévoit aujourd’hui que « la femme majeure peut contracter elle-même son mariage ou déléguer à cet effet son père ou l’un de ses proches » (art. 25).

L’arrêt comporte en effet une motivation très détaillée de plus d’une page, qui présente les principes légaux applicables en matière de consentement au mariage en droit interne et en droit international privé ainsi que la jurisprudence, avant d’expliquer les conditions de leur mise en œuvre en l’espèce.

Quelques observations peuvent néanmoins être formulées en marge des explications déjà fournies par la Cour de cassation elle-même.

En premier lieu, il est utile de rappeler que la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire prévoit que les conditions de fond du mariage, tel que le consentement, sont régies pour chacun des époux par la loi de celui des Etats dont il a la nationalité (art. 5) et, en substance, que la loi considérée ne peut être écartée par les juridictions de l’autre Etat que si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public (art. 4). Le premier de ces principes a été appliqué par la Cour de cassation, en considération des dispositions de l’article 146-1 du code civil, selon lesquelles « le mariage d’un Français, même contracté à l’étranger, requiert sa présence ». Un arrêt de la première chambre civile du 15 juillet 1999 (Civ. 1re, 15 juill. 1999, n° 99-10.269, D. 2000. 414 image, obs. J.-J. Lemouland image ; Rev. crit. DIP 2000. 207, note L. Gannagé image) a ainsi énoncé qu’il s’agit d’une condition de fond du mariage régie par la loi personnelle, même si cette qualification a été discutée (Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 10e éd., Dalloz, 2013, n° 461). Un autre arrêt, du 16 mars 2016 (n° 15-14.365, Dalloz actualité, 5 avr. 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016. 709 image ; ibid. 2017. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2016. 342, obs. A. Boiché image ; Dr. fam. 2016. Comm. 116, A. Devers ; JCP 2016. 629, note M.-C. de Lambertye-Autrand) a par ailleurs rappelé qu’il résulte de ce même principe issu de la Convention que les conditions de fond du mariage entre deux personnes, l’une de nationalité française, l’autre de nationalité marocaine, sont régies par la loi nationale de chacun des époux.

En deuxième lieu, il est indispensable de se référer à l’article 202-1 du code civil, dont la rédaction est issue de la loi du 4 août 2014. Il énonce que les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle, tout en ajoutant que quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux au sens de l’article 146 (« il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ») et du premier alinéa de l’article 180 ( « le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public »).

Au regard de ces textes, la difficulté était de déterminer si la loi marocaine en vigueur à la date de la célébration du mariage, qui admettait donc un consentement donné par un wali sans la présence de l’épouse, était ou non conforme aux exigences de l’ordre public international français.

Cette difficulté avait été perçue par la doctrine spécialisée. Présentant la problématique des mariages célébrés à l’étranger au regard de la notion d’exception d’ordre public international, I. Barrière-Brousse a ainsi soutenu qu’il n’y a pas contrariété à cet ordre public en présence « d’un mariage musulman célébré conformément au statut personnel des époux, dans lequel le consentement de la femme a été exprimé par un wali (tuteur légal) sauf s’il apparaît que le mariage était en réalité conclu sous la contrainte ou que le consentement de l’épouse faisait défaut » (J.-Cl. Dr. intern., fasc. 546-10, v° Mariage, Conditions de fond, n° 108).

Or, c’est précisément cette approche que la Cour de cassation consacre, par le principe reproduit en tête de ces observations.

Son arrêt ne peut qu’être approuvé. On sait en effet que la mise en œuvre de l’exception d’ordre public est moins rigoureuse lorsque l’on est en présence d’une situation constituée à l’étranger, ce qui conduit alors à parler de l’effet atténué de l’ordre public (sur ce, B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, LGDJ, 2018, n° 396). On sait également qu’il y a lieu d’apprécier concrètement si la situation litigieuse heurte l’ordre public international, sans s’arrêter à une appréciation abstraite de la loi étrangère en cause. Or, la cour d’appel avait relevé que la réalité du consentement de l’épouse au mariage célébré au Maroc n’était pas contestée, et ce d’autant plus que c’était l’époux qui avait invoqué la nullité du mariage suite à une demande en divorce formée par l’épouse après treize ans d’union.

De surcroît, l’article 146-1 du code civil n’exige la présence des époux à leur mariage, même célébré à l’étranger, que dans la mesure où ils sont français, ce qui n’était pas le cas ici : l’épouse était marocaine à l’époque du mariage. Dès lors, l’exception d’ordre public n’avait pas vocation, à l’évidence, à être mise en œuvre.

Mariage célébré au Maroc sans la présence de l’épouse

En l’absence de contestation touchant à l’intégrité du consentement, la disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d’une épouse par une procuration n’est pas manifestement incompatible avec l’ordre public, au sens de l’article 4 (de la convention franco-marocaine du 10 août 1981), dès lors que le droit français n’impose la présence de l’époux à son mariage qu’à l’égard de ses seuls ressortissants.

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Coronavirus : dans les juridictions d’outre-mer

À près de sept mille kilomètres de la capitale, en Guadeloupe, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a récemment pris ses quartiers dans un nouveau bâtiment en plein centre-ville, dont il commence déjà à pousser les murs. Encore plus récemment, il a accueilli, outre un nouveau procureur, une nouvelle présidente : Hélène Judes, venue de Reims (Marne). Elle a posé ses valises sur l’île au début de la grève des avocats : « Je n’ai tout simplement jamais vu la juridiction fonctionner normalement ». Dans les parages, les plans de continuité d’activité (PCA) ne sont jamais rangés bien loin, puisqu’ils servent régulièrement lors des événements climatiques, comme les ouragans : « Mais on s’est vite rendu compte qu’ils n’étaient pas du tout adaptés à une crise qui dure ». Alors, comme partout, il a fallu improviser. Au moins, « comme les Guadeloupéens ont une confiance toute relative dans le système de santé local, ils ont respecté strictement le confinement ».

Comme ce dernier est complété par un couvre-feu (de 20 heures à 6 heures), les règlements de compte au couteau ou à l’arme à feu se font plus rares. « On a quand même eu une association de malfaiteurs, trois personnes cagoulées avec un revolver dans une voiture. Sauf erreur, on n’a jamais eu de poursuites pour le seul non-confinement, c’était toujours en lien avec une autre infraction grave, comme une conduite en état alcoolique ou un refus d’obtempérer ». Outre une petite maison d’arrêt, située dans le ressort voisin de Basse-Terre, on notera que la Guadeloupe compte un centre pénitentiaire (Baie-Mahault), dont le taux d’occupation, au quartier maison d’arrêt (qMA), vient juste de passer sous les 200 %. Un événement : « Il y a seulement quelques semaines, on était tout de même à 240 %. On aurait pu penser que la situation exploserait, mais ça n’a pas été le cas. Je suis même impressionnée ».

Changement d’hémisphère, direction l’archipel des Comores, entre le Mozambique et Madagascar. Un petit bout de France : Mayotte. Et un tribunal judiciaire : Mamoudzou, présidé par un transfuge de Bobigny (Seine-Saint-Denis), Laurent Ben Kemoun. Dans le ressort, les bidonvilles sont préoccupants sur le plan sanitaire (80 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers n’a pas l’eau potable), mais le coronavirus est longtemps resté une menace plus abstraite qu’ailleurs. Et la raison est démographique : « Nous avons une population jeune, dont une bonne moitié a moins de 15 ans et n’est pas censée mourir du covid ». Mais la situation pourrait basculer : les cas se multiplient et Mayotte est désormais le seul département d’outre-mer (DOM) classé « rouge ». Et puis, un malheur n’arrivant jamais seul, il faut aussi composer avec la dengue.

Comme d’autres, Laurent Ben Kemoun n’a pas été emballé par la liste des contentieux dits « essentiels » de la Chancellerie : « Elle est tout de même assez étrange. Mais je me suis montré “légitimant”, car je pense que c’est ce qu’on attend d’un chef de juridiction ». Comme d’autres également, il est un peu remonté contre le barreau : « On a été vraiment fairplay avec les avocats pendant leur grève, on ne l’a jamais entravée, mais elle a fichu le tribunal par terre. On n’a absolument aucune raison d’avoir du stock à Mayotte, pas parce qu’on est des aigles, mais parce que le contentieux n’est pas important, quantitativement parlant ». Et de citer l’exemple de l’audience correctionnelle hebdomadaire, qui se tient toujours en plus des comparutions immédiates : « Les affaires étaient enrôlées, alors on a maintenu, mais c’est vraiment le bazar. On y passe des heures, on remue beaucoup de papier, et puis on renvoie, faute d’avocat ».

Au civil, à l’exception de trois ordonnances de protection, il n’y a eu aucune urgence à Mamoudzou : « Et dans aucun domaine, que ce soit le commercial, le social, les tutelles. Même pas de référé à heure indiquée [anciennement d’heure à heure, ndlr]. Tout simplement parce que, quand il n’y a plus d’avocats comme porte d’entrée du tribunal, il ne se passe plus rien. Pour des justiciables de milieux très défavorisés, qui souvent ne parlent pas français, vous imaginez comme il est facile, l’accès à la justice ! » Du côté de Pointe-à-Pitre, certains contentieux sont largement plus judiciarisés qu’en métropole, alors les dossiers s’entassent. La réparation du préjudice corporel des nombreux (et souvent gravissimes) accidents de la circulation ne transite que rarement par les assureurs. Et puis il y a les problématiques de successions ou d’occupations de terres, qui découlent de la relative absence d’actes de propriété et de cadastre. Mais on ne va pas reprendre toute l’histoire depuis les cinquante pieds géométriques. Toujours est-il qu’Hélène Judes explique : « On a essayé de mettre en place des procédures dématérialisées, pour les dossiers avec représentation obligatoire, et plus largement tous ceux où il y avait deux avocats. Mais c’est sur la base du volontariat, des avocats, du greffe, des magistrats, et on n’a pas tout le monde, il faut être clair. Au mieux, on arrive à traiter 30 % des rôles ».

En attendant, outre les ressources humaines, tous deux tentent de faire tant bien que mal les tableaux de bord que Paris ou les cours d’appel leur réclament presque quotidiennement. « Les tâches administratives se sont considérablement multipliées, raconte Laurent Ben Kemoun. On passe un temps fou à rendre compte… de rien du tout, puisque concrètement, on ne “produit” absolument rien ». Même souci aux Antilles : « C’est compliqué de faire des rapports quand on n’a personne pour nous donner des statistiques. Je fais du comptage manuel pour certains services, mais quand le juge est chez lui parce qu’il est vulnérable, que la greffière garde ses enfants, à part aller fouiller dans chaque bureau… ».

La reprise n’est pas pour tout de suite, selon Hélène Judes : « C’est dommage, parce que cette juridiction était jusqu’ici assez “performante” dans les délais. Mais même sans ouragan, même sans grève, l’année 2021 va être compliquée aussi. On a un demi-millier d’affaires à réaudiencer au pénal, et sur le pôle social, par exemple, on a un stock de 1 000 dossiers. Pour les effectifs, je ne crois pas du tout à un retour à la normale au mois de juin, il ne faut pas se raconter d’histoires ». Du côté de Mayotte, « je doute qu’on résorbe notre retard avant la mi-2021, même si notre activité est somme toute minime ». D’ici là, certains contentieux, notamment en lien avec la polygamie qui reste courante sur l’île, auront peut-être été tranchés par les « cadis », selon des préceptes dérivés du droit islamique : ce ne sont plus désormais tout à fait des juridictions officielles, mais ils demeurent des jurisconsultes respectés. « D’ailleurs, ça me va très bien, précise Laurent Ben Kemoun. Je n’ai pas une vision absolutiste de la justice étatique, hormis bien évidemment pour la violence légitime qui doit rester l’apanage du juge pénal. Les gens se débrouillent comme ils peuvent. » Et les présidents de tribunaux judiciaires d’outre-mer aussi.

Coronavirus : dans les juridictions d’outre-mer

Les juridictions ultramarines sont elles aussi affectées par la crise sanitaire. Nouvelles de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et Mamoudzou (Mayotte).

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Loi sur l’état d’urgence sanitaire : garanties supplémentaires et irresponsabilité pénale

La responsabilité pénale des décideurs

Dans notre régime parlementaire, la Constitution ayant prévu que l’Assemblée nationale puisse avoir le dernier mot, le Sénat a une carte majeure pour imposer ses vues : le temps. Rejeter un accord avec le Sénat, c’est rallonger la navette parlementaire. Le calendrier très serré de ce projet de loi, qui doit entrer en application jeudi 11 mai, lui permet de pousser ses combats, à condition de les choisir.

Deux articles additionnels ont été adoptés en commission. Le premier prévoit que les dispositions de l’ordonnance qui prolonge automatiquement les détentions provisoires prendront fin le 24 mai, sans attendre la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Le second, plus polémique, porte sur la responsabilité pénale des élus. Pressés par des maires inquiets de se voir reprocher l’ouverture des écoles, des sénateurs de tout bord ont demandé une modification de la loi. Mais le sujet est sensible. Au Sénat, hier, le premier ministre est resté prudent : « Nos concitoyens veulent que les maires agissent sans blocage, mais ils ne veulent pas que les décideurs publics ou privés s’exonèrent de leurs responsabilités. Préciser la loi et rappeler la jurisprudence oui. Atténuer la responsabilité je suis nettement plus réservé. »

L’amendement adopté en commission vise avant tout à rappeler la loi Fauchon, codifiée à l’article 121-3 du code pénal, mais sa rédaction est peu claire. Le débat va se poursuivre cette semaine, mais le Sénat tient à son article.

Plusieurs garanties au texte du gouvernement

Sur le reste du projet de loi (v. Dalloz actualité, 2 mai 2020, art. P. Januel), le Sénat a introduit plusieurs garanties. Il propose d’abord de limiter la prorogation de l’état d’urgence au 10 juillet (et non le 23, comme le souhaitait le gouvernement). La commission a réécrit l’article sur les quarantaines, limitées aux arrivées sur le territoire national, en outre-mer et en Corse. Les sénateurs ne souhaitent pas de quarantaine pour les déplacements entre la France continentale et la Corse. Par ailleurs, alors que le gouvernement prévoyait un recours au juge des libertés et de la détention qu’en cas d’isolement total, le Sénat propose de lui confier l’ensemble des recours contre les quarantaines, au détriment du juge administratif. Les garanties prévues sur les quarantaines « état d’urgence sanitaire » sont transposés aux autres régimes de quarantaine prévus par le code de la santé publique, comme le suggérait l’avis du Conseil d’État. Enfin, les entreprises de transport devront communiquer aux préfets l’ensemble de leurs données de réservation.

La commission a également restreint la liste des agents habilités à constater des infractions de l’état d’urgence sanitaire : « au regard des difficultés constatées, il n’apparaît pas souhaitable d’élargir les prérogatives de constat d’infractions à de nouvelles catégories d’agents ».

La commission a adopté de très nombreux amendements à l’article 6 qui crée des fichiers consacrés au suivi sanitaire des personnes infectées. Le Sénat veut garantir l’information des personnes concernées et exclut que l’article puisse servir de base légale à l’application StopCovid. Un comité de liaison sociétale suivra ce fichier.

Loi sur l’état d’urgence sanitaire : garanties supplémentaires et irresponsabilité pénale

Ce lundi a débuté l’étude par le Sénat du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. En commission, les sénateurs ont imposé des garanties aux mesures proposées par le gouvernement. Mais ils insistent également pour introduire une exonération de la responsabilité pénale des élus et des décideurs. Un sujet explosif.

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Harcèlement sexuel et autorité de la chose jugée au pénal

En matière de harcèlement sexuel, la relaxe au pénal ne lie pas le juge civil lorsqu’elle est justifiée par le seul motif du défaut d’élément intentionnel.

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Installation d’enseignes publicitaires en copropriété et respect de la destination de l’immeuble

Une clause d’un règlement de copropriété prohibant l’installation d’enseignes et de panneaux publicitaires sur la façade apporte une restriction licite aux droits des copropriétaires des locaux commerciaux en ce qu’elle est justifiée par la destination de l’immeuble, situé dans le périmètre de protection d’un monument classé d’une commune.

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Droit de réponse

À la demande de la Cour nationale du droit d’asile, nous publions ce droit de réponse en intégalité.

« À la suite de la parution de l’article « Manque d’harmonie en droit d’asile » écrit par une personne se présentant comme « rapporteure à la cour », la CNDA souhaite rectifier plusieurs erreurs qui y sont mentionnées.

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« Extrême droite » n’est pas un jugement de valeur soumis aux limites de la liberté d’expression

Dans un arrêt du 28 avril 2020, la CEDH décide qu’un média qualifiant un parti politique de parti « d’extrême droite » use simplement de sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention européenne, dès lors qu’aucune circonstance ne rattache l’emploi de ce terme à un jugement de valeur.

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On peut faire du vélo pendant le confinement

Si aucun texte n’interdit l’usage de la bicyclette pendant le confinement, la communication du gouvernement sur cette question a, pour le moins, manqué de clarté. Le juge des référés du Conseil d’État a enjoint au premier ministre de mettre fin à ce cafouillage.

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Le budget 2019 de la justice poursuit sa hausse

En 2019, l’État français a consacré 8,9 milliards d’euros à sa justice. C’est 310 millions de plus qu’en 2018. Budget prioritaire depuis des années, la justice et l’administration pénitentiaire peinent pourtant à rattraper leur retard humain et technologique, comme le révèle cruellement la crise sanitaire. Plongée dans le rapport annuel de performance de la justice.

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Le budget 2019 de la justice poursuit sa hausse

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Le budget 2019 de la justice poursuit sa hausse

Plus de juges et de greffiers qu’anticipé

Les débats en 2019 ont été marqués par l’adoption d’une loi d’orientation sur la justice. Pour cette année, l’exécution est globalement conforme à cette loi d’orientation. Sur les 1 300 créations d’emplois prévus, 1 086 ont été réalisées. Le différentiel s’explique principalement par des difficultés de recrutement des personnels de surveillance pénitentiaire et d’insertion et de probation, alors qu’il y a eu plus de recrutement des magistrats, de juristes assistants et de greffiers que prévus.

Toutefois, les délais de traitement continuent globalement d’augmenter. Certaines juridictions sont moins saisies. Ainsi, en 2019, les cours d’appel ont enregistré 223 500 affaires, soit 3 % de moins qu’en 2018. Même chose pour les conseils de prud’hommes qui, avec 120 000 saisines, sont à un point bas. Mais d’autres, comme les tribunaux de grande instance ont connu une forte augmentation de leur activité, avec la prise en charge des contentieux de la sécurité sociale.

Motif récurent d’inquiétude, les frais de justice sont stables (480 millions d’euros). Toutefois, les économies engendrées par la PNIJ sont absorbées par l’augmentation du recours aux expertises génétiques et toxicologiques. La dépense moyenne de frais de justice « par affaire faisant l’objet d’une réponse pénale » est de 374 € en 2019, largement supérieure aux 315 € prévus par la loi de finances. Pour la Cour des comptes, la consommation des frais de justice diverge entre cours d’appel analogues. Elle encourage donc la DSJ, « tout en respectant l’autonomie des magistrats, à diffuser et à développer les bonnes pratiques, comme le devis judiciaire ».

Même si la hausse est moindre qu’anticipée, le budget consacré à l’aide juridictionnelle continue d’augmenter de 5 %, pour atteindre 490 millions d’euros. Le coût moyen d’une mission est passé de 351 € TTC en 2015 à 438 € en 2019.

Une loi d’orientation 2019 déjà caduque

Le budget 2019 prévoyait une augmentation importante du budget informatique et les crédits ont été largement exécutés. Le ministère met en avant l’augmentation des infrastructures : en 2019, 813 sites disposent du haut débit contre 267 en 2018.

Le déploiement de Cassiopée aux cours d’appel, chambres correctionnelles et chambre spéciale des mineurs devrait se faire en 2020. Le projet de procédure pénale numérique (PPN) est expérimenté dans deux tribunaux de grande instance (Amiens et Blois). Mais « ces expérimentations ont démontré la nécessité de réaliser des travaux d’infrastructure complexes ainsi que la formation et l’acculturation du personnel à ces nouvelles technologies, retardant ainsi le déploiement ». Fin 2019, le module de Portalis permettant la saisine en ligne des juridictions pénales par le justiciable est en attente de mise en service. Une procédure CNIL en cours.

Si la trajectoire de la loi de programmation a été globalement respectée en 2019, ce ne sera pas le cas en 2020. Déjà, depuis l’été, il est acté que le programme de construction pénitentiaire souffrira de retards. Fin 2019, le lancement des travaux n’était effectif que pour 29 % des 7 000 places de prisons qui doivent être livrées en 2022. Surtout, la grave crise que connaît la justice depuis le début de l’année (grève des avocats, crise covid-19) devrait rendre caduque la loi d’orientation votée l’an dernier.

Procédure collective : précisions sur l’indemnisation en cas d’annulation de la décision d’homologation d’un PSE

Dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, l’annulation de la décision administrative d’homologation ou de validation d’un PSE ne prive pas les licenciements économiques consécutifs de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’est infondée une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail. Le salarié ne pourra prétendre qu’à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, cette indemnité étant due quel que soit le motif d’annulation de la décision.

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QPC : dérogation abrogée au régime de la mise à disposition (bail rural)

L’article L. 324-11 du code rural et de la pêche maritime n’étant plus en vigueur lorsque l’action a été introduite, il n’y a pas lieu à transmission de la question portant critique de la constitutionnalité de ce texte.

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Les modalités de reprise d’activité au sein des juridictions

La note rédigée par les directions de la Chancellerie, qui encadre les conditions et modalités de la reprise d’activité au sein des juridictions judiciaires à compter du 11 mai, distingue trois phases : celle de préparation, en cours ; celle qui démarrera le 11 mai et la période à compter du 2 juin. Ainsi, « sous réserve de la confirmation de la date de déconfinement au regard de la situation sanitaire, les plans de continuité d’activité (actuellement en vigueur) seront levés à compter du 11 mai », est-il écrit.

En préambule, la note rappelle que chaque juridiction, à partir du 11 mai, pourra adapter le rythme et le périmètre de reprise d’activité, à la situation sanitaire régionale et la situation des personnels de la juridiction. L’adaptation pourra se poursuivre au-delà du 2 juin : « Vous rechercherez l’équilibre le plus juste permettant de concilier les impératifs de santé des personnels et des justiciables et l’accomplissement de missions judiciaires », dit la note. Et il est également précisé que la période dite de « service allégé », autrement dénommée « vacations judiciaires », pourra être réduite et, dans le cadre d’une concertation locale, l’activité judiciaire pourra poursuivre son fonctionnement normal jusqu’au 10 juillet, voire jusqu’au 17 juillet, si la situation le justifie.

Sur la mise en œuvre des mesures sanitaires

La distanciation physique est la règle, lorsqu’elle est impossible à faire respecter, le port du masque est obligatoire. Lorsqu’elle est possible, le port du masque est une mesure complémentaire vivement conseillée, tout comme l’hygiène des mains, les « gestes barrières » et la désinfection des surfaces. Les personnels recevront des masques en dotation, quatre par personne, lavables vingt fois, auxquels viendra s’ajouter une dotation de masques jetables pour les autres personnels de justice (magistrats honoraires, à titre temporaire, jurés d’assises, etc.). Les justiciables devront également porter leur propre masque, lorsque le respect de la distanciation physique serait impossible. Le gel hydroalcoolique, qui désormais coule à flots, sera disponible pour chacun.

Sur les modalités pratiques d’organisation, la note préconise toujours d’assurer une distanciation physique, et ainsi de choisir des salles d’audience permettant d’assurer cette distanciation, que cela soit dans le cadre d’une prise d’actes, d’une présentation, d’une audition, d’un procès ; salle dont la porte doit rester ouverte « lorsque cela est rendu possible au regard de la sécurité ou de la confidentialité des échanges ». La visioconférence est vivement encouragée.

Ces modalités d’organisation sont détaillées pour chaque domaine. « Le contrôle et la régulation des personnes accédant à la juridiction constituent un élément essentiel participant à la lutte contre la propagation du virus. » L’accès aux juridictions sera permis aux personnes convoquées et directement intéressées par une affaire, aux avocats et, « dans le respect des dispositions civiles et pénales relatives à la publicité des débats », aux journalistes. Le « public », au sens large, sera exclu des salles d’audience. Il pourra notamment accéder au service d’accueil unique du justiciable, le bureau d’exécution des peines et le bureau d’aide juridictionnelle. Tout doit être fait « dans le respect des règles de distanciation physique instituées ».

Les justiciables et avocats étaient jusqu’alors convoqués, en général, à un horaire unique. La note demande aux juridictions d’éviter cela, pour réguler le flux des justiciables et auxiliaires de justice. Il pourrait y avoir deux horaires de convocation par audience. Également, les parties pourront être informées d’une heure de passage indicatif.

Aux audiences correctionnelles, le président devra faire la police (de l’audience), et faire respecter les règles ci-dessus évoquées. Les prévenus comparaissant libres pourront patienter en dehors de la salle ; les détenus pourront comparaître en dehors du box, si le président l’estime nécessaire. Les audiences de cabinet devront se tenir en dehors des cabinets, s’ils sont trop exigus, par exemple dans les salles d’audience prévues pour accueillir du public. Celles-ci verront leurs capacités d’accueil chuter : des sièges seront condamnés (eux aussi), voire arrachés, pour que chaque personne soit placée loin des autres. Dans la même logique, les délibérations de cours d’assises pourront se tenir dans la salle d’audience, si cela s’avère nécessaire. Toujours aux assises, la note encourage (encore davantage) un recours accru à la visioconférence, notamment pour les experts et les enquêteurs.

La note détaille ensuite les mesures de soutien à l’organisation, comme l’information des justiciables et des professionnels, préconisant par exemple le marquage au sol et l’information par affichettes, détaillant la méthode à respecter pour nettoyer les locaux, matériels et équipement, point si crucial que les chefs de juridiction « définiront un plan de nettoyage des locaux » (secteurs, fréquence, conditions). Par exemple, il faudra se laver les mains entre chaque manipulation de carton, de dossier, d’archives, de post-it.

Sur les personnels des juridictions

La justice se mettra également au télétravail, « lorsque cette modalité est compatible avec le bon fonctionnement du service », et il sera « largement privilégié » du 11 mai au 2 juin. Les personnes vulnérables, dont la liste est définie par le Haut Conseil de la santé publique, ne devront pas se rendre dans les locaux de leur juridiction. Cette liste inclut les personnes âgées de plus de 65 ans. Les parents d’enfants de moins de 16 ans et les agents soumis à des difficultés de transport seront également invités à rester chez eux, pour télétravailler selon les modalités déjà mises en place dans la note SJ-95-DSJ du 31 mars.

La note prévoit des adaptations des horaires de travail des fonctionnaires, « moyen efficace de lutte contre les risques de contamination et de propagation du virus », qui relèvent de la responsabilité des chefs de service. L’adaptation ne peut se faire que dans le respect des règles fondamentales sur le temps de travail, rappelées dans la note.

Cette dernière rappelle ensuite que les juridictions doivent « redémarrer », tant en matière civile que pénale, un certain nombre d’activités (procédures, contentieux), dont la liste est détaillée. « En fonction du contexte sanitaire et de la situation des effectifs présents », les juridictions pourront aller au-delà.

Les aménagements de peine doivent être privilégiés

Enfin, l’activité juridictionnelle pénale, fortement « impactée » par les mesures de confinement, devra reprendre de manière progressive. « Une politique de juridiction doit conduire à une priorisation des procédures à juger, en adéquation avec les politiques pénales développées par les parquets, en lien avec la reprise d’activité des partenaires concourant à son action. » Le jugement des affaires criminelles reprendra normalement à partir du mois de juin. Celui des affaires correctionnelles donnera la priorité aux affaires renvoyées, nombreuses depuis le début de l’année. Afin de gérer le retard pris depuis ce temps, les parquets pourront réexaminer certaines procédures, afin de leur faire prendre un chemin différent. Les délits de faible gravité devront, encore plus qu’à l’habitude, faire l’objet d’alternatives aux poursuites.

Point notable : l’administration n’entend pas remplir les prisons tout de suite. « Afin de poursuivre les efforts visant à limiter la population carcérale, il importe que les parquets, en lien avec les services de l’administration pénitentiaire […] veillent à requérir la réalisation d’enquêtes sociales rapides et le prononcé de peines alternatives à l’incarcération, en privilégiant notamment la détention à domicile sous surveillance électronique et le travail d’intérêt général. En outre, requérir un mandat de dépôt n’est pas conseillé avant d’avoir envisagé un aménagement ab initio (« par principe »). Les mises à exécution des écrous pourront également être reconsidérées. S’agissant des personnes « condamnées incarcérées, les sorties accompagnées anticipées devront être privilégiées dans les réquisitions dès lors que les conditions légales sont réunies », dit notamment la note de la DACG, qui, enfin, demande que des règles semblables soient appliquées à la justice des mineurs.

 

Reprise du travail au tribunal judiciaire de Paris

Nous n’en ferons pas état, le tribunal de Paris ayant sélectionné quelques médias pour une rencontre informelle. Dalloz actualité a demandé à être reçu, ce qui lui a été refusé. Il lui a été proposé de reprendre les éléments donnés aux consœurs et confrères invités. Malgré une confraternité évidente et séculaire entre les membres de la presse judiciaire, le journalisme ne se pratique pas en recopiant les notes de ses camarades. Nous regrettons fortement ces méthodes car les détails de la reprise du travail dans la plus importante juridiction de France nous paraissent importants et dignes d’être publiés dans nos colonnes, pour nos lecteurs.

Marine Babonneau

Les modalités de reprise d’activité au sein des juridictions

À partir du 11 mai, les juridictions reprendront peu à peu une activité normale, dans un contexte sanitaire exceptionnel. La Chancellerie a d’ores et déjà diffusé une note, dont voici une présentation.

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Les modalités de reprise d’activité au sein des juridictions

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Adoption internationale : questions de procédure

Par un arrêt du 18 mars 2020, la première chambre civile se penche, pour la première fois, sur deux questions de procédure en matière d’adoption internationale, l’une relative au respect de la compétence des juridictions spécialisées, l’autre concernant la mise en œuvre de la convention de La Haye du 29 mai 1993.

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Adoption internationale : questions de procédure

Un couple, domicilié en France, souhaite procéder à l’adoption simple d’un enfant né et résidant à Haïti.

Cette situation, très simple, soulève alors deux difficultés, qui sont examinées par la première chambre civile dans le cadre d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par le procureur général près la Cour de cassation.

1. La première difficulté concerne la compétence du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) saisi.

L’article D. 211-10-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que le siège et le ressort des tribunaux compétents pour connaître des actions aux fins d’adoption ainsi que des actions aux fins de reconnaissance des jugements d’adoption rendus à l’étranger, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, sont fixés conformément au tableau VIII-I annexé au code. La spécialisation de certaines juridictions s’explique par la technicité du régime juridique de l’adoption internationale, qui impose que le juge ait une pratique suffisante de la matière pour sécuriser les situations.

Si la juridiction saisie n’est pas l’une de celles qui figurent dans ce tableau, la question de son incompétence se pose, étant précisé qu’en l’espèce, les adoptants n’avaient évidemment pas soulevé l’incompétence du tribunal qu’ils avaient eux-mêmes saisi, pas plus que le parquet.

À ce propos, il est nécessaire de rappeler que l’article 76 du code de procédure civile dispose que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas et qu’elle ne peut l’être qu’en ces cas (il est à noter, pour être complet que ce même article 76 ajoute que, devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française).

Or l’article D. 211-10-1 concerne, selon les termes mêmes du code de l’organisation judiciaire, la compétence matérielle du tribunal. Les dispositions de cet article 76 étaient donc bien applicables.

Par suite, le tribunal disposait d’une simple faculté de se déclarer incompétent, du moins si l’on admettait que l’on se trouvait dans le cadre de l’un des deux cas visés par cet article, s’agissant d’une liste limitative, sous réserve de textes spéciaux (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, LGDJ, 2019, n° 1028).

Le cas tenant à l’absence de comparution du défendeur n’avait aucune pertinence en l’espèce, s’agissant d’une procédure d’adoption et donc de la matière gracieuse (sur cette qualification, v. V. Egéa, Droit de la famille, 3e éd., LexisNexis, 2020, n° 1008).

En revanche, la qualification de règle de compétence d’ordre public s’impose. Il est vrai que la notion de règle de compétence d’ordre public est incertaine (Rép. pr. civ., v° Incompétence, par G. Chabot, n° 76). Néanmoins, cette qualification est d’autant plus adaptée qu’une règle de compétence prévoyant une spécialisation de certains tribunaux judiciaires pour certains contentieux peut sans doute être considérée comme s’apparentant, au moins en partie, à une règle d’organisation judiciaire. Or il est admis que les règles relatives à l’organisation judiciaire sont d’ordre public (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 34e éd., Dalloz, 2018, n° 60).

C’est ce qui explique que l’arrêt rejette le moyen soulevé par le procureur général et retienne qu’un tribunal non spécialement désigné « pour connaître des actions aux fins d’adoption, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, s’il peut toujours se déclarer d’office incompétent en application de l’article 76 du code de procédure civile, n’y est jamais tenu ».

2. La seconde difficulté concernait l’absence de contrôle par le tribunal du respect de la procédure prévue par la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Sans qu’il soit nécessaire ici de présenter de manière approfondie cette convention (sur l’ensemble du régime juridique applicable en matière d’adoption internationale, v. P. Salvage-Gerest, in P. Murat (dir.), Droit de la famille, 8e éd., Dalloz Action, 2020/2021, chap. 226), rappelons simplement, très schématiquement, qu’elle prévoit que, lorsqu’un enfant résidant dans un État contractant doit être déplacé vers un autre État dans le cadre d’une adoption (art. 2.1), les autorités de l’État d’origine doivent établir que l’enfant est adoptable (art. 4), que les autorités de l’État d’accueil doivent constater que les futurs parents sont aptes à adopter (art. 5) et que les États contractants doivent instituer des autorités centrales (art. 6.1). Une telle organisation a été rendue nécessaire compte tenu du développement très important du nombre d’adoptions internationales au cours des dernières décennies et des problèmes juridiques et humains corrélatifs (sur ce, M.G. Parra-Aranguren, Rapport explicatif sur la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, § 6), surtout dans un contexte où il est à craindre que des contreparties financières importantes soient exigées ou proposées.

Or, en l’espèce, le tribunal avait indiqué que les conditions légales de l’adoption étaient remplies et que celle-ci était conforme à l’intérêt de l’enfant, sans toutefois vérifier d’office si la procédure et les mécanismes prévus par la convention du 29 mai 1993 avaient été appliqués.

Il s’agissait dès lors de déterminer si le tribunal avait failli, en s’abstenant de procéder à une telle vérification. L’arrêt retient que tel a été le cas, en prononçant une cassation dans l’intérêt de la loi, une telle cassation ne permettant pas, il est vrai, aux parties de « s’en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée », selon l’expression retenue par l’article 17 de la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de cassation.

Cette solution est, semble-t-il, consacrée pour la première fois. Elle s’impose avec évidence, dès lors que la France est partie à la convention du 29 mai 1993 et que ce texte s’impose donc au juge en application des principes qui régissent la hiérarchie des normes. Il ne fait ainsi aucun doute que ce sont des considérations tenant à la portée des engagements internationaux de la France qui constituent le fondement profond de cette solution (sur la problématique des liens entre le droit international public et le droit international privé, v. P. de Vareilles-Sommières, La compétence internationale de l’État en matière de droit privé, LGDJ, 1997).

L’état d’urgence sanitaire inquiète la Commission consultative des droits de l’homme

Par trois avis adoptés le 28 avril, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) met en garde sur les conséquences de l’instauration d’un état d’urgence sanitaire.

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Quel impact du coronavirus sur les finances locales ?

Les ministres en charge des collectivités territoriales ont présenté une première photographie de la situation des finances locales, plombées par la crise sanitaire.

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Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19

Dalloz actualité publie le projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 » qui sera débattu au Conseil des ministres aujourd’hui. L’étude à l’Assemblée nationale, en séance, aura lieu dès le jeudi 14 mai.

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Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19

Ce texte contient des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets très divers.

Le premier article vise notamment à permettre le report ou la prolongation de nombreuses mesures qui devaient entrer en vigueur (loi Économie circulaire) ou qui devaient expirer (loi Renseignement, SILT) dans l’année 2020. Les mandats, sauf issus d’élections politiques, pourront tous être prolongés, tout comme la durée de mandat des conseillers de prud’hommes.

Sur la justice, deux nouvelles ordonnances sont prévues : une en matière criminelle (extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales), l’autre en matière délictuelle et contraventionnelle (permettant aux procureurs de la République de réorienter les procédures).

Le texte prévoit aussi des ordonnances pour assouplir l’activité partielle ou le recours aux CDD (par convention d’entreprise). Il contient également des mesures faisant suite à l’annulation des saisons sportives. Le dernier article est consacré aux conséquences du Brexit et de l’accord transitoire.

Projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19

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Irresponsabilité pénale des élus : explication d’un débat confus

Sensible à sa base électorale, le Sénat a introduit un amendement sur l’irresponsabilité pénale des élus dans le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence. Depuis, ce sujet complexe a enflammé les débats. Ce jeudi, l’Assemblée a fortement amoindri la portée de l’amendement. Mais les deux chambres souhaitant arriver un compromis, la rédaction pourrait encore évoluer.

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Irresponsabilité pénale des élus : explication d’un débat confus

Article mis à jour le 9 mai

Cet amendement vise à répondre à l’angoisse des élus locaux et des chefs d’entreprise, contraints de déconfiner, mais qui craignent de devoir rendre des comptes judiciaires en cas d’infection. Même si la législation est plutôt protectrice pour les élus locaux, une mise en examen peut être traumatisante, les maires ne bénéficiant pas du filtre de la Cour de justice de la République

Le Sénat a donc saisi l’occasion du projet de loi de prorogation, étudié en urgence, pour imposer un amendement et en a fait une ligne rouge : si le gouvernement souhaitait une étude rapide du texte, il devait transiger.

Un amendement de Philippe Bas pour protéger les maires

L’irresponsabilité pénale sur les fautes intentionnelle des décideurs est encadrée, depuis vingt ans, par la loi Fauchon, codifiée à l’article 121-3 du code pénal. L’élu, ou le chef d’entreprise, qui, par ses décisions, aurait causé non intentionnellement et indirectement un dommage est responsable pénalement, s’il a « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou s’il a « commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. »

L’amendement Bas, prévoit d’exonérer la responsabilité pénale des personnes ayant exposé autrui à un risque de contamination au coronavirus, sauf s’il a commis ces faits « intentionnellement », « par imprudence ou négligence dans l’exercice des pouvoirs de police administrative » de l’état d’urgence sanitaire, ou « en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative prise en application » de l’état d’urgence ou « d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ».

Cette rédaction fait donc disparaître la notion de « faute caractérisée » présente dans la loi Fauchon, ainsi que « l’imprudence » et la « négligence ». Les décideurs (maires, chefs d’entreprise) devraient avoir causé le dommage intentionnellement ou avoir violé une mesure de l’état d’urgence sanitaire ou une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement

La rédaction sénatoriale isole les préfets et les ministres, qui eux, pourraient être poursuivis en cas d’imprudence ou de négligence dans l’exercice des pouvoirs prévus par l’état d’urgence sanitaire.

Autre point, il ne concerne que la période de l’état d’urgence sanitaire (qui a débuté le 23 mars), et pas toute la crise sanitaire.

L’Assemblée réduit l’amendement à un neutron législatif

Au Sénat, l’amendement Bas a reçu une belle unanimité. Mais les amnisties d’élus sont rarement appréciées par l’opinion.

Le Sénat qui veut pouvoir revendiquer cette disposition devant ses électeurs, ne souhaite pas forcément l’assumer devant l’opinion. Et c’est le gouvernement, qui s’est pourtant opposé à l’amendement du Sénat, qui se retrouve accusé de vouloir une « loi d’autoamnistie ». Le débat déborde alors, la complexité juridique favorisant la confusion.

Au final, les mêmes groupes parlementaires (PS, LR, PCF) qui ont soutenu l’amendement au Sénat se sont déclarés choqués à l’Assemblée de ces dispositions. Les députés sont élus par le peuple, les sénateurs par les élus locaux.

En commission, les députés LREM et Modem ont totalement réécrit le dispositif. La nouvelle rédaction se contente de préciser dans le code pénal qu’il doit être « tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. » Un neutron législatif, destiné à envoyer un signal politique sans modifier les décisions judiciaires.

Si ce neutron n’est qu’un signal, pour certains il reste un mauvais signal. D’autant que la notion d’« état des connaissances scientifiques au moment des faits » est discutable, en cette époque où les experts s’entre-déchirent. Presque autant que les juristes.

Le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, s’est opposé à cette rédaction, ne souhaitant pas d’atténuation pour ceux qui posent les règles (préfets et ministres). Il reste pourtant confiant pour aboutir à un compromis en commission mixte paritaire. Le gouvernement va donc tenter de satisfaire les sénateurs sans mécontenter l’opinion.

Au final, une nouvelle rédaction a été retenue par la commission mixte paritaire : l’article 121-3 du code pénal s’appliquera « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. » Soit exactement ce dont tiennent déjà compte les juges. L’option neutron législatif l’a donc emporté.

 

Détention provisoire
La question de la prolongation automatique des détentions provisoires a beaucoup mobilisé les parlementaires. Les députés avaient déjà conduit plusieurs auditions sur le sujet. Le projet adopté prévoit que la prolongation de plein droit ne sera plus applicable aux titres de détention dont l’échéance intervient à du 11 mai. Toutefois, si l’échéance du titre intervient avant le 11 juin, la juridiction aura jusqu’au 11 juillet pour se prononcer. Pour les prolongations automatiques de six mois, une nouvelle décision devra intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. Pour les personnes qui auront été prolongées automatiquement, une demande de mise en liberté pourra être déposée dans les deux mois suivant la prolongation de plein droit.
 

Coronavirus et retour sur le lieu de travail : des lignes directrices de l’Union européenne

Alors que le déconfinement approche et que la fête du travail date de seulement quelques jours, la question du retour sur le lieu de travail de certains salariés se pose malgré les recommandations appelant au maintien du télétravail lorsque cela est possible. Dans ce contexte, l’Agence de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail (EU-OSHA) a publié des lignes directrices pour fournir des conseils et des outils aux employeurs et aux travailleurs pour préserver la sécurité et la santé dans un environnement professionnel qui a considérablement changé en raison de la pandémie. 

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La mise en quarantaine en Guadeloupe est une mesure utile

En décidant de placer en quatorzaine stricte les personnes entrant par voie aérienne sur le territoire de la Guadeloupe, le préfet n’a pas pris une mesure excessive, a tranché le juge des référés du Conseil d’Etat.

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Transcription d’un acte de naissance mentionnant la mère et son épouse

En présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du code civil.

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Transcription d’un acte de naissance mentionnant la mère et son épouse

Une ressortissante australienne, mariée à une ressortissante française, a recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni. Suite à la naissance de l’enfant, un acte de naissance est dressé dans ce pays mais le consulat de France à Londres refuse de le transcrire sur les registres de l’état civil consulaire, au motif que la filiation n’état pas établie à l’égard de l’épouse de la mère.

Au visa de l’article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 47 du code civil, la première chambre civile énonce, sans surprise, le principe reproduit en tête de ces observations.

Ce faisant, elle ne fait que reprendre, dans les mêmes termes, la solution qu’elle a déjà retenue par un arrêt du 18 décembre 2019 (n° 18-14.751). Il s’agit donc d’une simple confirmation de la jurisprudence. Si cette évolution jurisprudentielle a donné lieu à des appréciations diverses, il est suffisant de renvoyer, ici, aux commentaires qui ont été élaborés à propos de ce précédent arrêt (Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. T. Coustet ; Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-14.751, D. 2020. 426 image, note S. Paricard image ; ibid. 506, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2020. 133, obs. J. Houssier image ; ibid. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2020. 81, obs. A.-M. Leroyer image).

Il est néanmoins utile de noter que cette orientation nouvelle, qui concerne au premier abord uniquement une difficulté de transcription d’un acte d’état civil, s’inscrit en réalité dans un débat plus large, en droit interne, relatif à la délimitation des personnes pouvant bénéficier d’une assistance médicale à la procréation (pour une présentation des conditions actuelles à remplir pour en bénéficier et des évolutions prévisibles, V. Egéa, Droit de la famille, 3e éd., LexisNexis, 2020, nos 867 s.). C’est ainsi que l’état du droit français pourrait prochainement évoluer en ce domaine, si le projet de loi relatif à la bioéthique actuellement en discussion devait être adopté devant le Parlement, suite au vote du projet par l’Assemblée Nationale en première lecture et aux modifications opérées par le Sénat. Il est en effet question d’introduire dans le code de la santé publique un nouvel article L 2141-2-1, selon lequel tout couple formé de deux femmes ou toute femme non mariée répondant à certaines conditions aurait accès à l’assistance médicale à la procréation. Dans cette hypothèse, de nouvelles dispositions seraient introduites dans le code civil pour prévoir les incidences d’une telle évolution en matière de filiation (nouv. art. 342-9 s.). Or, il est évident que l’élargissement des conditions d’accès à cette assistance à la procréation dans le cadre interne modifie l’appréhension des situations juridiques constituées à l’étranger.

Droits voisins : l’Autorité de la concurrence impose une négociation

Dans une décision singulière, l’Autorité de la concurrence a imposé à Google de négocier sous sa surveillance avec les éditeurs et agences de presse une rémunération équitable, raisonnable et non discriminatoire, pour la reprise de leurs contenus protégés.

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Ensembles immobiliers et statut de la copropriété

Le statut de la copropriété n’est pas applicable lorsqu’il n’existe pas de terrains et de services communs aux deux ensembles immobiliers.

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Consultation du CE sur les comptes : quels documents pour l’expert-comptable ?

L’expert-comptable sollicité par un comité d’établissement dans le cadre de l’examen annuel des comptes doit avoir accès à tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise. L’employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu’il met à disposition du comité, et par extension à disposition de l’expert désigné par ce dernier, les informations relatives aux deux années précédant le contrôle.

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Avortement en temps d’état d’urgence sanitaire : silence sur les droits des femmes

Dès les premières semaines de confinement, certains centres d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ont alerté sur le fait qu’ils ne recevaient pas autant de femmes qu’à l’accoutumée1. Cette situation, qui ne semble pas avoir radicalement évolué depuis quelques semaines, est certainement à mettre en rapport avec une moindre sollicitation générale du système de santé hors cas de covid-19. Que ce soit par peur de l’infection nosocomiale, par crainte de ne pas être correctement pris·e en charge ou encore par volonté de « ne pas déranger », il est constant que les patient·es s’adressent actuellement moins au système de soins qu’en temps normal. Ceci ne peut qu’inquiéter : les patient·es actuellement « absent·es » des services de santé risquent fort d’y affluer, dans des états de santé dégradés, au moment de la levée du confinement.

En ce qui concerne l’avortement, l’inquiétude est redoublée par deux facteurs. D’une part, il est à craindre qu’en plus des motifs communs à tout·es les patient·es, certaines femmes ne se soient pas rendues dans les centres d’accès à l’avortement parce qu’elles ne pouvaient pas s’y rendre en toute confidentialité pendant le confinement. Celles qui souhaitaient cacher leur démarche aux personnes avec lesquelles elles vivent (parents, compagnon, etc.) pouvaient se trouver sans aucune bonne raison pour sortir plusieurs heures et se rendre dans un service d’orthogénie. D’autre part, la durée importante du confinement fait craindre qu’un grand nombre de femmes se trouvent dans la situation d’avoir dépassé, au moment où elles pourront se mouvoir librement, le délai de douze semaines de grossesse que leur accorde le droit français pour avorter. À ces femmes s’ajouteront celles qui, en temps habituels, seraient parties à l’étranger pour recourir à un avortement hors délai et que la fermeture de frontières et la raréfaction des moyens de transport auront privées de cette possibilité. Rappelons ici que le fait de devoir se déplacer loin de son domicile pour accéder à une IVG n’est pas une spécificité de cette période d’épidémie : dans certains départements, même en temps habituels, il est parfois extrêmement difficile de trouver des lieux pratiquant des avortements entre dix et douze semaines de grossesse2.

Dans cette situation exceptionnelle, quelques normes habituellement applicables à l’IVG ont été ponctuellement assouplies. Mais ces adaptations semblent insuffisantes pour garantir durablement les droits des femmes.

Adaptations marginales des normes en vigueur

Face aux difficultés d’accès à l’IVG signalées par les professionnel·les du secteur dès les premières semaines du confinement, le gouvernement a rapidement sollicité un avis de la Haute Autorité de santé sur la possibilité d’étendre le délai de sept semaines d’aménorrhée habituellement appliquée à une IVG médicamenteuse effectuée à domicile. Rendu le 9 avril 2020, cet avis détaille le protocole à suivre pour pratiquer ainsi une interruption de grossesse jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée3.

Outre cette extension de délai, un arrêté du 14 avril4 adapte la procédure habituelle de recours à l’IVG hors établissement de soin afin de l’ouvrir à la téléconsultation. Permise aux médecins et aux sages-femmes5, cette téléconsultation induit plusieurs dérogations aux normes de droit commun, la plus importante d’entre elles6 étant que le médicament peut, évidemment, être pris en dehors de la présence du ou de la professionnel·le qui l’a prescrit7. La délivrance des médicaments elle-même s’effectue, à titre exceptionnel, par la transmission de l’ordonnance auprès d’une officine désignée par la patiente, qui les reçoit donc directement8. L’ordonnance ne pouvant être exécutée qu’après cette transmission électronique, espérons que les femmes n’auront pas à subir l’attitude de certaines officines, parfois réticentes à délivrer des produits contraceptifs ou abortifs.

Applicable jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire, soit a priori jusqu’au 10 juillet 2020 minimum, ce protocole n’est cependant pas sans soulever quelques interrogations, moins dans son fonctionnement que dans ses insuffisances.

Refus de penser une démarche plus radicale d’élargissement des droits des femmes

Faciliter l’accès à l’avortement par l’assouplissement du protocole d’avortement médicamenteux peut être un premier pas. Mais cela est loin d’être suffisant.

Tout d’abord parce que l’avortement médicamenteux à domicile, s’il peut parfaitement être un choix des femmes, n’est pas adapté à toutes. Souvent douloureux, en particulier dans une phase un peu avancée de la grossesse, il conduit par ailleurs à des saignements qui peuvent être difficiles à gérer à domicile, en particulier si la femme est isolée ou, à l’inverse, ne peut pas bénéficier de l’intimité qu’elle pourrait souhaiter. C’est pourquoi cette méthode devrait toujours être librement choisie par les femmes après avoir reçu une information complète sur cette méthode et les alternatives existantes. On sait que la méthode médicamenteuse est parfois privilégiée en temps normal par certains centres d’IVG9 car moins coûteuse en matériel, temps et personnel. On peut craindre que les circonstances particulières de la crise sanitaire conduisent parfois à des incitations appuyées à recourir à cette méthode plutôt qu’à des méthodes instrumentales, qui nécessitent notamment la présence de personnel d’anesthésie – particulièrement sollicité durant cette crise. Or rappelons que le libre choix de la méthode d’avortement est un droit des femmes, formellement reconnu par le code de la santé publique10, et rappelé par la Haute Autorité de santé dans son avis du 9 avril 2020. Espérons donc que ce droit soit respecté durant la période de crise sanitaire mais aussi que cet assouplissement du recours à l’IVG médicamenteuse ne soit pas vu par certains centres comme une opportunité permettant de privilégier durablement le recours à l’IVG à domicile, forcément moins coûteuse.

En outre, les assouplissements apportés par le gouvernement à la procédure d’IVG pratiquée en ville sont loin de répondre aux alertes des professionnel·les du secteur. Dans un texte publié dès les premières semaines du confinement, certain·es suggéraient, outre l’extension du délai d’IVG médicamenteuse, deux autres adaptations du droit de l’avortement auquel il n’a pas été répondu. Il est ainsi suggéré que le délai de quarante-huit de réflexion imposé aux mineures soit provisoirement supprimé. Ce délai prévu à l’article L. 2212-5 du code de la santé publique, impose, de fait, deux consultations11 à ces femmes alors qu’elles sont plus susceptibles que d’autres de souhaiter dissimuler leur recours à l’avortement à leur famille.

Enfin, il eût été possible au gouvernement d’entendre l’appel des professionnel·les à étendre provisoirement le délai de recours à l’IVG de quatorze à seize semaines d’aménorrhée. Cette extension permettrait de répondre aux demandes des femmes qui n’auraient pu recourir à temps à l’avortement étant donné les circonstances sanitaires et qui ne pourraient, de fait, se rendre à l’étranger pour en bénéficier. Un amendement a été présenté en ce sens lors de la discussion de la loi établissant l’état d’urgence sanitaire12, mais a été rejeté sur avis négatif de la commission et du gouvernement.

La conséquence de cette inaction pourrait bien être une augmentation importante de grossesses poursuivies alors qu’elles n’étaient pas désirées : situation d’autant plus violente que les femmes seront, à n’en pas douter, les premières victimes des situations de précarité et de chômage qui risquent de frapper toute une partie de la population dans les prochains mois. Alors oui : certaines situations seront peut-être « rattrapées » par des interruptions médicales de grossesse lorsque les femmes argueront de difficultés psychiques graves. Mais on ne peut s’en satisfaire. Les femmes ne devraient pas avoir à mendier l’accès à leurs droits – encore moins en période de crise qu’en temps normal. Elles ne devraient pas avoir à négocier leur droit à l’intégrité corporelle. Au contraire, cette crise pourrait être le moment de repenser radicalement la question de l’accès à l’avortement en posant cette question nécessaire : pourquoi un délai13 ?

 

 

Notes

1. Pour s’informer sur l’accès à l’avortement. Pour rechercher un·e soignant·e attentif·ve aux femmes quelle que soit leur situation.

2. Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l’avortement, 17 janv. 2017, p. 31.

3. Réponses rapides dans le cadre du covid-19 : interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse à la 8e et à la 9e semaine d’aménorrhée (SA) hors milieu hospitalier.

4. Arr. du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

5. De façon générale, la téléconsultation des sages-femmes a été ouverte par l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, JO 24 mars 2020, art. 8.

6. On pourrait également s’interroger sur la possibilité, par téléconsultation, de recueillir le consentement de la patiente par écrit, normes à laquelle l’arrêté de semble pas souhaiter déroger puisqu’il énonce que le consentement est donné « dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique » (art. 1).

7. Dérogation à l’art. R. 2212-17, CSP.

8. Par dérogation à l’art. R. 2212-16, CSP, qui énonce que « seuls les médecins, les sages-femmes, les centres de planification ou d’éducation familiale et les centres de santé [conventionnée] peuvent s’approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse ».

9. Sénat, Rapport d’information n° 592, 2 juill. 2015, p. 54.

10. CSP, art. L. 2212-1.

11. Le fait que la procédure « de droit commun » nécessite également deux consultations est sous-entendu par le texte de l’article L. 2212-5, CSP, qui évoque le « renouvellement » du consentement. Mais, formellement, rien n’interdit que ce « renouvellement » se fasse le même jour…

12. N° 2 rect. bis visant à l’intégration d’un article additionnel après l’art. 7 de la loi ainsi rédigé : « Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 31 juill. 2020, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse. »

13. En faveur de la suppression de tout délai pour le recours à l’interruption volontaire de grossesse v. L. Carayon, La catégorisation des corps. Étude sur l’humain avant la naissance et après la mort, LGDJ, 2019, n° 883 ; M.-X. Catto, Le principe d’indisponibilité du corps humain, limite de l’usage économique du corps, thèse, Paris Ouest Nanterre-La Défense, 2014, n° 502 ou encore L. Marguet, Le droit de la procréation en France et en Allemagne : étude sur la normalisation de la vie, thèse, Université Paris-Nanterre, 2018, p. 443.

Avortement en temps d’état d’urgence sanitaire : silence sur les droits des femmes

Dans une période où l’accès libre à l’avortement est considérablement complexifié pour les femmes, les normes applicables à l’interruption volontaire de grossesse ont été provisoirement assouplies. Mais ces règles provisoires garantissent-elles vraiment les droits des femmes ?

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Déconfinement des délais en matière d’urbanisme

Et de quatre ! Pour la quatrième fois depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, est remise sur le métier la question des délais applicables en matière d’urbanisme. Après l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars (AJDA 2020. 702 ), celle du 15 avril 2020 (AJDA 2020. 813 ) et celle du 22 avril 2020 (AJDA 2020.

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Droit européen de la concurrence et covid-19 : l’assouplissement des règles antitrust

Le 3 avril 2020, la Commission européenne a modifié sa communication visant l’encadrement temporaire des aides d’État du 16 mars. En application de ce nouveau texte, le régime français de garantie pour les petites et moyennes entreprises dont les activités d’exportation pâtissent de la pandémie de coronavirus a par ailleurs été autorisé. 

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Une loi gloubi-boulga qui concerne la justice

Comme Dalloz l’avait dévoilé, le gouvernement veut faire adopter au pas de charge un projet de loi fourre-tout contenant une quarantaine de mesures d’urgence. Un projet de loi vite surnommé « loi gloubi-boulga », ne contenant au départ que des habilitations à légiférer par ordonnances. Le monde judiciaire est concerné par ce texte à de nombreux titres (justice des mineurs, cours criminelles, CARPA). En commission, les députés ont précisé plusieurs points.

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Précisions sur les mesures reportées

Le projet de loi, contenant trente-six demandes d’habilitations à légiférer par ordonnances, a été déposé jeudi 7 mai, étudié en commission lundi et mardi et sera en séance dès jeudi 14 mai.

L’article premier vise à reporter jusqu’à fin 2021 un certain nombre de mesures qui devaient entrer en vigueur entre mars et décembre 2020. Le texte est flou sur les mesures concernées par l’ordonnance. Le gouvernement s’est donc engagé, d’ici la séance, à supprimer l’habilitation et inscrire directement dans la loi, la liste des mesures dont il souhaite le report.

Dès la commission, les députés ont tenu à préciser le texte. L’entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs est ainsi reportée du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021. La réforme du divorce est décalée du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021. Enfin, la juridiction unique des injonctions de payer sera créée en septembre 2021 (et non en janvier). Par ailleurs, à l’initiative de plusieurs députés dont la présidente de la commission des lois, il a été exclu que la prolongation de loi SILT et de la surveillance algorithmique prévue par la loi renseignement puisse se faire sans passage spécifique par le Parlement, d’ici la fin de l’année.

Par amendements du rapporteur Guillaume Kasbarian, d’autres habilitations ont été transformées en article de loi, comme la mesure qui vise à restreindre le champ de l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires.

Cours criminelles et réorientation des procédures

L’article premier prévoit aussi une ordonnance pour adapter la justice en matière criminelle, notamment l’extension de l’expérimentation des cours criminelles. Décriées par les avocats, ces cours jugent certains crimes, sans juré populaire, uniquement avec des magistrats professionnels. En écho, le député LR Antoine Savignat a souligné que l’extension dans ce contexte constituait un aveu sur l’aspect essentiellement budgétaire de cette réforme.

Le projet de loi va étendre de sept à trente le nombre de département dans lesquels l’expérimentation est conduite. Neuf tribunaux se sont déjà déclarés volontaires (Aube, Essonne, Guyane, Maine-et-Loire, Paris, Sarthe, Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise, Val-de-Marne). Le secrétaire d’état aux relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a tenu à rassurer sur la conduite de l’expérimentation. Il a aussi donné quelques éléments de bilan provisoire, indiquant que le taux d’appel n’était que de 25 % dans les cours criminelles (contre 32 % pour les cours d’assises).

Une autre ordonnance permettra aux procureurs de la République de réorienter les procédures contraventionnelles et correctionnelles dont avaient été saisis des juridictions avant cette loi. La date limite de report est fixée au 1er novembre 2020 et le classement sans suite a été exclu des mesures pouvant être proposées.

La trésorerie des CARPA

L’article 3 vise à obliger à déposer sur le dépôt sur le compte du Trésor certaines trésoreries d’organismes publics ou d’organismes privés chargés d’une mission de service public. Le conseil national des barreaux a alerté les députés sur cet article, proposant plusieurs amendements repris par les députés, pour exclure les CARPA du champ de l’ordonnance.

Le gouvernement a souhaité rassurer : il ne s’agit pas de capter les trésoreries des structures, uniquement d’imposer leur dépôt sur le compte du Trésor. La trésorerie resterait la propriété de chaque structure. Enfin, les caisses des retraites et les CARPA ne sont pas concernées par cette habilitation.

Déconfinement : le décret qui chasse l’autre

Exit l’éphémère décret n° 2020-545 du 11 mai 2020. Pris dans la précipitation en attendant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi prorogeant l’état d’urgence, il a été abrogé par le décret n° 2020-548 du même jour mais paru le lendemain qui prescrit les nouvelles mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19. 

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Collectivités locales, délais et procédure pénale : les ordonnances présentées en conseil des ministres

Dalloz actualité publie trois ordonnances présentées en conseil des ministres aujourd’hui. D’autres sont à venir.

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Ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 : soutien aux secteurs du spectacle et du sport

Le déconfinement ouvert le 11 mai 2020 ne va pas à lui seul compenser le choc économique considérable subi par les entreprises françaises depuis mars 2020. Du fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 aux prêts garantis par l’État, en passant par les nombreuses mesures sectorielles, les régimes d’aides et de soutien au secteur économique se sont multipliés1 en France depuis deux mois.

C’est dans ce courant interventionniste que s’inscrit l’ordonnance n°2020-538 du 7 mai 2020 qui vient apporter un soutien spécifique aux entreprises des secteurs du spectacle vivant et du sport.

L’impossibilité d’organiser des spectacles et événements sportifs depuis le 13 mars 2020

Les mesures restrictives prises depuis mi-mars 2020, destinées à lutter contre la propagation du virus covid-19, ont empêché depuis cette date les spectateurs de se rendre dans les salles de spectacles, les stades et autres salles dédiées à l’organisation de rencontres sportives.

Dès le 13 mars 20202 en effet ont été prohibés les rassemblements de plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert.

Puis, les arrêtés du 14 mars 2020 et du 15 mars 2020, ont interdit aux salles de spectacles, aux établissements sportifs couverts ou de plein air, d’accueillir du public, initialement jusqu’au 15 avril 2020. Dans la valse printanière des textes législatifs et réglementaires à laquelle on assiste, ces interdictions ont été confirmées et prolongées initialement jusqu’au 11 mai 2020 par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (art. 3 et 8), modifié plusieurs fois, puis désormais par le décret n° 2020-548 du 11 mai 20203. 

Par ailleurs, le décret du 16 mars 2020, modifié par celui du 23 mars, a interdit le déplacement hors du domicile de toute personne, sauf pour des motifs expressément énumérés. Le fait d’assister à un spectacle ne faisant évidemment pas partie des exceptions autorisées.

S’il n’est plus nécessaire, depuis le 11 mai 2020, de se munir d’une attestation pour sortir de chez soi4, ni d’invoquer l’un des motifs qui était prévu à l’article 3 du décret du 23 mars (lequel décret a été presque intégralement abrogé par la première version du décret du 11 mai), demeurent malgré tout trois types de contraintes pour les entreprises de la culture et du sport : l’interdiction déplacements au-delà de 100 kms de son domicile (sauf exceptions5), l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes sauf, là encore, rares exceptions6, de même que l’interdiction d’ouverture des établissements sportifs et salles de spectacle7.

Dès lors, et ainsi que l’indique le rapport relatif à l’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 présenté au président de la République, ces contraintes exceptionnelles ont conduit de très nombreux clients des entrepreneurs de spectacles vivants, organisateurs de manifestations sportives ou exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives, à demander des annulations et des remboursements de leurs billets ou abonnements. D’autres événements ont été annulés par les entreprises elles-mêmes. Dans le même temps, elles ont eu à subir une baisse drastique des commandes et réservations, en l’absence de toute possibilité de reprogrammer avec suffisamment de visibilité les manifestations. La conséquence de ce cercle vicieux est évidente et fait peser sur ces opérateurs des tensions de trésorerie risquant d’aller jusqu’à leur défaillance.

Comment ces entreprises pouvaient-elles réagir avant l’ordonnance commentée ?

Droit positif, covid-19 et force majeure

La force majeure, dont la nouvelle définition figure à l’article 1218 du code civil, peut conduire à la suspension ou à la résiliation d’un contrat dont l’exécution est empêchée en raison de la survenance d’éléments extérieurs à la volonté des parties.

Au cas présent, tant les spectateurs que les organisateurs de spectacles vivants et sportifs peuvent invoquer l’épidémie de covid-19, ou ses conséquences réglementaires, comme cas de force majeure empêchant les manifestations prévues, et ce à compter des premiers textes restrictifs, notamment l’arrête du 13 mars 2020 prohibant les rassemblements de plus de cent personnes.

La suspension du contrat, jusqu’à ce que cesse le motif d’empêchement, est alors l’hypothèse normale puisque la force majeure est ici liée à un événement temporaire (la crise du « covid-19 »).

En droit cependant, l’empêchement même s’il est temporaire, peut donner lieu à la résolution du contrat, si le retard qui en résulte le justifie. C’est ce que prévoit le deuxième alinéa de l’article 1218.

Pour le dire autrement, si la date initialement retenue pour le spectacle (ou l’évènement sportif) ne peut être reportée, quel qu’en soit le motif8, alors l’empêchement, certes temporaire lié au covid-19, peut donner lieu à résolution du contrat.

C’est là que le bât blesse pour les organisateurs.

L’annulation d’un spectacle ou d’un événement sportif oblige l’organisateur à rembourser ses clients

Certes, en application du principe général de liberté contractuelle, les parties à un contrat peuvent écarter tout remboursement, même en cas de force majeure. En pratique, on relève toutefois que c’est généralement dans des contrats conclus entre professionnels que la force majeure, comme possible cause exonératoire de l’exécution du contrat, est écartée.

Pour un contrat conclu entre un professionnel et un particulier, comme c’est le plus souvent le cas pour les spectacles vivants et événements sportifs, à supposer qu’il existe une clause écartant la force majeure (et permettant donc à la structure de ne pas rembourser les billets annulés), celle-ci pourrait, à la lumière des dispositions du nouveau code civil, être jugée comme créant un déséquilibre significatif et en conséquence être réputée non écrite9.

Dès lors, dans la majorité des cas les entreprises de spectacles et du sport seront contraintes de rembourser les spectateurs en cas d’annulation de leur fait, ou par leurs clients.

En effet, par application des articles 1229 et 1352-8 du code civil, il existe un droit au remboursement du contractant qui se voit privé de la prestation de service qu’il a déjà payée.

Ainsi, par principe, les opérateurs du spectacle vivant et du sport devront rembourser les spectateurs en cas d’annulation définitive des spectacles ou, si pour une raison ou une autre, les spectateurs font légitimement valoir qu’ils ne seront pas en mesure d’assister à un événement similaire à une date ultérieure.

En outre, conformément à l’obligation de bonne foi dans l’exécution des contrats, qui est d’ordre public (C. civ., art. 1104), le délai pour effectuer ces remboursements devra être « raisonnable » (comprendre deux ou trois mois).

Enfin, à droit constant, le spectateur qui a droit au remboursement ne peut être contraint d’accepter un avoir10.

Il était donc nécessaire de prendre un nouveau texte afin de traiter le risque exceptionnel et systémique auquel sont confrontées les entreprises du spectacle vivant et sportif, et de modifier les règles imposées par le droit des contrats.

Le fondement juridique de l’ordonnance n° 2020-538

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorise le gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances toute mesure afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et notamment de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi.

Dans ce cadre, la mesure prévue au c) l’habilite à modifier : « dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties (…) ».

C’est sur la base de cette habilitation législative que la nouvelle ordonnance a été promulguée.

Contenu et portée de l’ordonnance n° 2020-538

En synthèse, l’ordonnance vient déroger (temporairement) au droit des contrats tel que rappelé ci-dessus.

On se situe ici dans l’hypothèse où soit le client, soit l’organisateur, invoque la résolution du contrat, en application du second alinéa de l’article 1218 du code civil.

Pour déroger au droit au remboursement qui s’impose alors à l’organisateur, sur la base de l’article 1229 du code civil, l’ordonnance modifie ses obligations juridiques habituelles pour lui permettre de proposer à ses clients un remboursement sous forme d’avoir, valable sur une période adaptée à la nature de la prestation.

Ces nouvelles modalités s’appliqueront aux résolutions de contrat notifiées, soit par le client soit par le professionnel, entre le 12 mars11  et le 15 septembre 202012  inclus.

Attention, le professionnel qui propose un avoir devra en informer ses clients, « sur un support durable »13, au plus tard trente jours après la résolution du contrat, ou, si le contrat a été résolu avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, au plus tard trente jours après cette date d’entrée en vigueur, ce délai expirant donc le 9 juin 2020.

Ensuite, une nouvelle proposition d’événement (de prestation) devra être adressée aux clients dans les trois mois de la résolution du contrat, notifiée entre le 12 mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020 inclus. Prudence donc, car pour les billets annulés le 12 mars par exemple, cette proposition devra être faite par les professionnels avant le 12 juin 2020.

Ces avoirs devront donner lieu à la conclusion d’un contrat, portant sur la nouvelle prestation - au plus tard – dans les six mois de la proposition faite par le professionnel pour les contrats d’accès à un établissement d’activités physiques et sportives14, douze mois pour les spectacles vivants ou dix-huit mois pour les manifestations sportives15.

L’ordonnance fixe plusieurs conditions, protectrices des clients, pour l’émission de ces avoirs et propositions :

la prestation proposée en remplacement devra être « de même nature et de même catégorie que la prestation prévue par le contrat résolu » ; son prix ne devra pas être supérieur à celui de la prestation initiale ; et la nouvelle offre ne pourra donner lieu à aucune majoration tarifaire16.

Si un client demande une prestation dont le prix est supérieur à celui de son achat initial, alors l’organisateur sera tenu d’imputer l’avoir émis sur ce prix.

Finalement, si l’avoir n’est pas utilisé par le client, - c’est-à-dire si un nouveau contrat n’est pas conclu -, dans les délais fixés selon la nature de la prestation, alors l’entreprise devra rembourser.

Ce régime permet donc aux entreprises du spectacle et du sport, qui prennent l’initiative ou sont confrontées à la résolution des contrats conclus avec leurs clients, de leur proposer un avoir au lieu d’être contraintes de les rembourser immédiatement.

Si les clients utilisent cet avoir dans les délais fixés (6, 12 ou 18 mois, selon les cas)16, les entreprises devront donc simplement fournir la prestation prévue, pour laquelle, par définition, elles ont déjà été payées. Si les clients ne donnent pas suite, les remboursements devront donc finalement intervenir, mais ils sont décalés dans le temps, pour la durée maximale applicable à chaque type de situation.

Notons enfin que l’ordonnance écarte de son champ d’application les entreprises relevant spécifiquement du code du tourisme (« tour operators »). Mais celles-ci bénéficient déjà d’un régime de faveur équivalent depuis l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 (Dalloz actualité, 28 mars 2020, art. J.-D. Pellier). Pour les entreprises du secteur du tourisme, on notera que la plage temporelle est un peu plus large puisqu’elle démarre à compter du 1er mars (et non du 12). Il est vrai que de nombreuses annulations de voyages ont été constatées avant même le confinement.

En conclusion, souhaitons que l’ordonnance du 7 mai 2020, qui offre un réel soutien à la trésorerie des entreprises du spectacle vivant et du sport, soit suffisante pour leur permettre de récupérer, dans les mois à venir, du choc financier aussi brutal qu’inédit qu’elles subissent.

Notes

1. V. le site du ministère de l’économie.

2. Arr. du 13 mars 2020, dans sa version initiale.

3. Le premier décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020 aura vécu à peine 24h alors que son art. 27 lui en donnait 48… Mais la nouvelle loi d’urgence ayant été retardée par l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, le gouvernement a dû publier deux décrets du 11 mai : le décr. n° 2020-545, publié le 11 et abrogé le 12, et le décr. n° 2020-548, en vigueur.

4. Sauf si le préfet de tel département en décidait autrement, v. l’art. 25 du décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020.

5. Décr. n° 2020-548, art. 3 ; se rendre à un spectacle ou un évènement sportif ne figure pas dans les exceptions autorisées.

6. Décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020, art. 6.

7. Décr. n° 2020-545 du 11 mai 2020, art. 10.

8. Ex : spectacle donné par une troupe étrangère n’ayant pas la possibilité de revenir en France, même après la fin de la crise.

9. C. civ., art. 1171.

10. Sauf si le contrat (ou ses CGV) prévoit expressément cette modalité, mais alors on retombe sur le risque qu’une telle clause soit jugée « abusive », sur le fondement de l’art. 1171 c. civ.

11. C’est-à-dire la veille des première mesure restrictives.

12. En l’état, sans doute par cohérence avec les déclarations du premier ministre ayant annoncé un report à septembre de tous les festivals ou grands rassemblements.

13. Email par exemple.

14. Ord. n° 2020-538 du 7 mai, art. 2. 

15. Ord. n° 2020-538 du 7 mai, art. 3.

16. Autre que celles résultant de l’achat de services associés, que le contrat résolu prévoyait.

17. On comprend que c’est le nouveau contrat qui devra être conclu dans le délai applicable à la catégorie d’évènement concernée, mais que l’évènement en lui-même pourra se tenir au-delà. 

Ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 : soutien aux secteurs du spectacle et du sport

Les entreprises du spectacle vivant et du sport sont confrontées depuis début mars 2020 et la crise du covid-19 à l’annulation de nombreux événements. En droit, la résolution du contrat de vente de billets, par l’organisateur ou le spectateur, pour cause de force majeure, oblige à rembourser les clients. L’ordonnance du 7 mai vient soulager la trésorerie des entreprises en créant une alternative temporaire au remboursement.

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