La délivrance d’un permis de construire peut être assortie d’une prescription consistant en la création d’une servitude de passage dès lors que cette réserve entraîne seulement une modification sur un point précis et limité du projet de construction.
La délivrance d’un permis de construire peut être assortie d’une prescription consistant en la création d’une servitude de passage dès lors que cette réserve entraîne seulement une modification sur un point précis et limité du projet de construction.
Est sans effet la prise d’acte d’un salarié protégé intervenue postérieurement à un licenciement prononcé avec autorisation de l’administration.
L’employeur est en outre tenu de maintenir tous les éléments de rémunération que le salarié protégé perçoit tant que l’inspecteur du travail n’a pas autorisé son licenciement.
Le projet de loi de programmation pour la recherche, qui doit être soumis aux instances de concertation de l’enseignement supérieur dans les prochains jours, provoque une montée de fièvre chez les universitaires.
Alors que, depuis le 1er janvier 2020, la « forme » ne désigne plus le « fond » (sur le changement d’appellation de la procédure « en la forme des référés » en procédure « accélérée au fond », v. Y. Strickler, De la forme des référés à la procédure accélérée au fond, JCP 2019. 928 ; Les procédures rapides – procédure accélérée au fond, procédures d’urgence, Procédures 2020. Étude 7), en matière de référé, le faux doit être encore distingué du vrai. Voici ce que la Cour de cassation a souhaité rappeler aux professionnels du droit par l’arrêt commenté.
Le référé-rétractation, un « faux référé » permettant la continuation de la procédure sur requête
En pratique, il n’est pas rare que l’efficacité d’une mesure d’instruction soit conditionnée à son effet de surprise. Conscient de cette réalité, le code de procédure civile permet de rendre une décision provisoire à l’insu d’une partie (C. pr. civ., art. 17). Le principe de la contradiction se trouve ici entaché d’une sérieuse limite. Mais en ce qu’il est un principe directeur du procès civil (C. pr. civ., art. 14 s.), les rédacteurs ont logiquement souhaité voir cette limite encadrée : la mesure d’instruction doit être demandée par la voie de la procédure sur requête (où plus précisément la « procédure provisoire sur requête » pour éviter toute ambiguïté avec le mode d’introduction de l’instance que constitue aussi la requête, C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit interne et européen du procès civil, 34e éd., 2018, Dalloz, n° 1943, p. 1390-1391). Celle-ci n’est permise que si le requérant est « fondé à ne pas appeler de partie adverse » (C. pr. civ., art. 493). Dans sa demande adressée au juge, il devra donc veiller à préciser les raisons qui justifient l’atteinte qu’il souhaite voir porter au principe de la contradiction (pour des illustrations, v. Rép. pr. civ., v° Ordonnance sur requête, par S. Pierre-Maurice, n° 67). En toute logique, il ne peut se contenter d’énoncer que, pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves, la mesure de constat ne peut être sollicitée contradictoirement (Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-14.389, Procédures 2015. Comm. 152, obs. Y. Strickler ; Dr. et proc. 2015. 72, note P. Mourre-Schreiber).
Même justifiée, cette violation du principe de la contradiction n’en est pas pour autant acceptable. Pour qu’elle le soit, la partie destinataire de la mesure doit pouvoir solliciter le rétablissement de la contradiction (C. pr. civ., art. 17). Le respect du contradictoire n’est donc que « différé » (L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 3e éd., 2020, n° 315, p. 602-603). Ainsi, chaque fois qu’un juge fait droit à une requête, tout intéressé peut utiliser une voie de droit spécifique pour contester, devant la même juridiction, la nécessité de l’atteinte portée au principe de la contradiction et solliciter la modification ou la rétractation de la mesure (C. pr. civ., art. 496, al. 2). Cette voie est communément appelée le référé-rétractation (pour une étude d’ensemble, M. Foulon et Y. Strickler, Le référé-rétractation, D. 2010. 456 s.). Comme son nom le laisse à penser, il emprunte la forme procédurale du référé. Mais le rapprochement s’arrête là. Outre que les conditions classiques du référé sont absentes – urgence, dommage imminent, trouble manifestement illicite ou absence de contestation sérieuse –, les pouvoirs du juge diffèrent largement. Ici, « l’objet de la [requête initiale] circonscrit l’objet du [référé-rétractation] » (Y. Strickler, obs. ss Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-20127 P, JCP 2018. 1207, spéc. 2). À ce titre, le juge saisi de la demande de rétractation dispose des mêmes attributions que le juge qui l’a rendue. Il lui est demandé « de parfaire sa mission première dans le cadre d’un débat contradictoire » (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé. Tome III. Procédure de première instance, n° 1390, p. 1184). Concrètement, il doit s’assurer que le complètement d’informations apporté par le demandeur à la rétractation n’est pas susceptible de rendre finalement injustifiée l’atteinte initiale portée au principe du contradictoire. Pas plus, pas moins ! Ainsi, si le juge des requêtes ne peut se prononcer sur d’autres questions (pour une illustration récente, v. Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-20.127 P, Dalloz actualité, 22 oct. 2018, obs. C.-S. Pinat ; D. 2018. 1920 ; ibid. 2020. 170, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JCP 2018. 1207. note Y. Strickler), le juge des référés ne peut se prononcer sur un référé-rétractation. En cela, ce dernier a pu être qualifié de « faux référé » (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., 2019, Lextenso, n° 415, p. 348). Ne pas distinguer le vrai du faux, c’est donc commettre une violation de la légalité procédurale. L’arrêt commenté en offre une nouvelle illustration.
L’irrecevabilité de la demande en rétractation adressée au juge des référés
En l’espèce, par une ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2017 par le président du tribunal de grande instance, une société a été autorisée à faire procéder à diverses mesures d’instruction dans les locaux d’une autre société. L’ordonnance a prévu que les documents ou fichiers saisis seraient séquestrés en l’étude de l’huissier de justice jusqu’à ce que le juge en autorise la communication. Quelques mois après que les opérations ont été menées, la première société a assigné la seconde devant le juge des référés aux fins de voir ordonner la mainlevée des éléments et pièces placés sous séquestre. À cette occasion, la seconde société a reconventionnellement demandé la rétractation de l’ordonnance sur requête du 14 avril 2017. Par une ordonnance du 10 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de rétractation. À l’issue d’une argumentation rigoureuse, la cour d’appel de Paris a annulé l’ordonnance du 10 janvier 2018 et, statuant à nouveau, à déclarer irrecevable la demande de rétractation visant l’ordonnance du 14 janvier 2017. Faisant grief à l’arrêt attaqué, le demandeur en rétractation a formé un pourvoi en cassation. Selon lui, la demande reconventionnelle ne pouvait être jugée irrecevable puisqu’elle avait été adressée au juge compétent, c’est-à-dire le juge qui avait statué sur la demande initiale.
La Cour de cassation rejette le moyen. Contrairement à ce que le demandeur au pourvoi a soutenu, sa demande en rétractation de l’ordonnance sur requête n’a pas été adressée au juge qui l’avait initialement rendue. En effet, au lieu de la former devant le juge des requêtes, il l’a formé devant le juge des référés par voie reconventionnelle. Cette erreur a certainement pour cause le fait qu’il s’agissait, dans l’un et l’autre cas, du président du tribunal de grande instance (sur la compétence des juridictions du provisoire, v. C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit interne et européen du procès civil, op. cit., n° 1917, p. 1374 s.). Mais s’il peut être une même personne, il n’en constitue pas moins deux juridictions différentes selon qu’il statue en référé ou sur requête. Omettant cette subtilité, le demandeur a commis une violation de la légalité procédurale dont il restait à déterminer la sanction. À vrai dire, celle-ci ne faisait aucun de doute : l’irrecevabilité de la demande de rétractation.
Dire du référé-rétractation qu’il est de la « compétence exclusive du juge qui a rendu l’ordonnance » (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 05-16.691 P, D. 2006. 2948 ) est une formule malheureuse en ce qu’elle peut induire les professionnels en erreur. La question posée ici est celle de l’aptitude du juge à se saisir du litige en tant que juge des requêtes, et non celle de son aptitude à exercer son pouvoir de préférence à un autre juge des requêtes rationae materiae ou loci. Dit autrement, c’est là un problème de pouvoir juridictionnel, et non de compétence (sur cette distinction, v. C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, op. cit., n° 1461, p. 1037 .). Saisi d’un référé-rétractation, le juge des référés n’est donc pas incompétent ; il est dépourvu de l’aptitude à se prononcer. Or, en ce qu’elle influe sur la sanction applicable, la distinction ne doit pas être sous-estimée. En effet, le défaut de compétence est sanctionné par une incompétence, alors que le défaut de pouvoir juridictionnel est sanctionné par une irrecevabilité. Certains n’y verront peut-être là qu’un esthétisme pointilleux. C’est une grave erreur ! La détermination de la sanction « n’est pas une discussion sur le sexe des anges » (H. Croze, Procédure civile. Technique procédurale civile, 6e éd., 2017, LexisNexis, n° 332, p. 148). Retenir une qualification plutôt qu’une autre, c’est nécessairement appliquer un corpus de règles plutôt qu’un autre. Dans son invocation, comme dans ses effets, l’irrecevabilité diffère très largement de l’incompétence. Vigilance donc au moment de former un référé-rétractation.
L’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. La saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci.
Depuis quelques années, la Réserve fédérale des États-Unis (FED), pour les États-Unis, ainsi que la Banque centrale européenne (BCE), pour l’Union européenne, pratiquent des taux d’intérêt négatifs afin de relancer la croissance. Cette figure n’a pas manqué d’intéresser la doctrine juridique tant il est vrai que le résultat auquel elle aboutit est pour le moins curieux : le prêteur est en effet amené à rémunérer l’emprunteur (v. à ce sujet J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-P. Kovar et N. Éréséo, Droit bancaire, 2e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, n° 1644 ; D. Legeais, Opérations de crédit, 2e éd., LexisNexis, 2018, n° 230 ; v. égal. F. Aucktenthaler, Taux d’intérêt négatif : le monde à l’envers, RD banc. fin. 2016. Étude 33 ; A. Ghozi, Contrat de prêt de somme d’argent : l’intérêt négatif en débat, D. 2017. 965 ; R. Libchaber, Le travail du négatif en droit : la question de l’intérêt dans le prêt, RDC 2017. 446 ; D.R. Martin, De l’intérêt, Banque et dr., hors-série, 2016-26). Les juges du fond avaient déjà eu l’occasion de se prononcer sur la validité de ce « monstre contractuel », pour reprendre l’expression d’un auteur (R. Libchaber, art. préc.), en se montrant tantôt favorables (v. Chambéry, 2e ch., 6 déc. 2018, n° 17/01697 ; Colmar, 1re ch. civ., sect. A, 8 mars 2017, n° 16/00309 ; TGI Strasbourg, 5 janv. 2016, n° 15/00764, RTD com. 2016. 825, obs. D. Legeais ; TI Montpellier, 9 juin 2016, n° 11-16-000424) tantôt défavorables (v. TGI Thonon-les-Bains, 30 nov. 2016, n° 16/00506). C’est à présent la première chambre civile qui se prononce sur cette pratique dans un arrêt du 25 mars 2020. En l’espèce, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs deux prêts immobiliers, à des taux stipulés variables en fonction de l’évolution du Libor 3 mois. Contestant les taux d’intérêt appliqués par la banque, les emprunteurs l’ont assignée aux fins de voir appliquer aux deux prêts le taux d’intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris en cas d’index négatif.
La cour d’appel de Besançon, dans un arrêt du 10 juillet 2018, a considéré que la banque devait appliquer aux prêts litigieux un taux d’intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, pouvant conduire à des intérêts mensuellement négatifs. Pour ce faire, elle retient que les deux prêts étant stipulés à un taux d’intérêt initial, l’un de 2,15 % et l’autre de 1,80 % l’an, variables à la hausse comme à la baisse, les parties se sont accordées pour que ces intérêts soient à la charge de l’emprunteur et non du prêteur, et que la banque, en proposant des taux d’intérêt variables à la hausse comme à la baisse, et les emprunteurs en y souscrivant, ont accepté le risque inhérent à cette variation, mais que le respect des contrats litigieux impose que, pour les deux prêts, soit appliqué un tel taux d’intérêt à condition que, sur l’ensemble du remboursement de chaque prêt, les intérêts dus au prêteur ne soient pas inférieurs à 0,00 %.
Le raisonnement est censuré par la Cour de cassation, au visa des articles 1902, 1905 et 1907 du code civil, et L. 313-1 du code monétaire et financier : les hauts magistrats considèrent tout d’abord que « constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne. Dans un contrat de prêt immobilier, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n’ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur » (pt 4). Ils en déduisent qu’« en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a admis l’éventualité d’intérêts mensuellement négatifs, alors qu’il résultait de ses constatations que les parties n’avaient pas entendu expressément déroger aux règles du code civil, a violé les textes susvisés ». L’arrêt est donc cassé mais seulement en ce qu’il dit que la banque « doit appliquer aux prêts litigieux un taux d’intérêt indexé au taux Libor 3 mois à sa valeur réelle, y compris si cet index est négatif mensuellement, mais dans la limite de 0,00 % sur l’ensemble du remboursement desdits prêts ».
De prime abord, la solution semble justifiée : d’une part, l’article 1902 du code civil prévoit que « l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu ». Or, dans un prêt à taux négatif, l’emprunteur rembourse, par hypothèse, une somme inférieure à celle qu’il a reçue, ce qui est contraire à ce texte. D’autre part, le prêt à intérêts, régi par les articles 1905 et suivants du code civil, est, par définition, un contrat à titre onéreux pour l’emprunteur (comp. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, préf. G. Loiseau, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 564, 2015). Au demeurant, le code monétaire et financier définit l’opération de crédit comme étant à titre onéreux (il existe pourtant des crédits gratuits auxquels le code de la consommation consacre d’ailleurs certaines dispositions, C. consom., art. L. 312-41 s.). L’essence de ce contrat se trouverait donc contrariée par l’éventualité d’un taux d’intérêt négatif, qui transformerait l’opération en dépôt (v. en ce sens H. Synvet, obs. ss TGI Thonon-les-Bains, 30 nov. 2016, D. 2017. 2178 : « Si la rémunération est due par celui qui remet l’argent ou la chose, ce n’est plus un prêt, mais un dépôt »). C’est d’ailleurs l’argument qui a fait mouche aux yeux de la Cour de cassation, le moyen énonçant que « le contrat de prêt conclu avec une banque est par nature un contrat à titre onéreux de sorte que le taux d’intérêt ne peut devenir négatif et obliger le prêteur à rémunérer, même temporairement, l’emprunteur ».
Toutefois, comme l’avait parfaitement jugé la cour d’appel de Colmar, « l’appréciation du caractère onéreux du contrat ne peut se faire que sur la durée totale du prêt, et le fait que durant un certain temps le taux d’intérêt soit négatif, n’a pas pour effet d’annuler le caractère onéreux du prêt » (Colmar, 8 mars 2017, préc.). En outre, et plus fondamentalement, la solution retenue par la Cour de cassation est difficilement justifiable eu égard à la liberté contractuelle (C. civ., art. 1102) et à la force obligatoire des contrats (C. civ., art. 1103), qui doivent autoriser les parties à prévoir des clauses d’indexation, celles-ci devant jouer tant à la hausse qu’à la baisse (v. en ce sens R. Libchaber, art. préc.). C’est d’ailleurs ce que décide la Cour de cassation en matière de baux (Civ. 3e, 14 janv. 2016, n° 14-24.681, « est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ; qu’ayant relevé, par motifs adoptés, que la clause excluait, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, la cour d’appel, qui a exactement retenu que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurait au bail, écartait toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l’indexation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »). La stipulation d’un plancher est en revanche envisageable, ce que les établissements bancaires ne manquent pas de faire aujourd’hui (v. en ce sens D. Legeais, op. cit., n° 230), raison pour laquelle le contentieux devrait se tarir en la matière.
Dans un contrat de prêt immobilier, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n’ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur.
Dans un contrat de prêt immobilier, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n’ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur.
Le projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire a été adopté en conseil des ministres le 10 juin.
Le projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire a été adopté en conseil des ministres le 10 juin.
Le juge des référés du Conseil d’État a considéré que l’ordonnance du 13 mai 2020 portait atteinte à une garantie d’une particulière importance pour les demandeurs d’asile en prévoyant que tous les recours pouvaient être examinés par un juge unique jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
L’exception tirée de l’existence d’une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure.
Une confusion terminologique
Comment qualifier la violation de la légalité qui naît de la saisine, par une partie, d’une juridiction étatique dans un litige relevant d’une convention d’arbitrage ? La question paraîtra rhétorique à la lecture des dispositions du code de procédure civile. En effet, l’article 1448, alinéa 1er, ne dispose-t-il pas que la juridiction de l’État devant laquelle le litige a été porté doit se déclarer incompétente ? À l’alinéa suivant, c’est toujours de compétence dont il est question pour refuser à cette même juridiction tout pouvoir de relever d’office l’illégalité. Et c’est encore à la compétence arbitrale que l’on se réfère lorsqu’il est demandé à la juridiction de l’État de simplement renvoyer les parties à mieux se pourvoir, et non de désigner la juridiction compétente (C. pr. civ., art. 81, al. 1er).
Cependant, ce choix n’a pas toujours été celui du pouvoir réglementaire. En disant des parties qu’elles étaient en mesure de contester le principe ou l’étendue du « pouvoir juridictionnel » de l’arbitre, l’ancien article 1466 paraissait exclure l’idée d’un simple partage de compétence entre arbitre et juge étatique. Dès lors, la refonte du livre quatrième du code de procédure civile par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 aurait consacré l’abandon de cette interprétation. Mais cette affirmation doit être nuancée à la lecture de l’article 1465 : « le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel » (nous soulignons). Au-delà de la juxtaposition déroutante des termes « compétent » et « pouvoir juridictionnel », il est bien dit de l’investiture conventionnelle qui résulte de la convention d’arbitrage qu’elle octroie au tribunal arbitral un véritable pouvoir juridictionnel.
Malheureusement, cette confusion terminologique ne se trouve pas seulement dans les dispositions du code de procédure civile. À la question de savoir comment qualifier la violation de la légalité qui naît de la saisine d’une juridiction étatique dans un litige relevant d’une convention d’arbitrage, la jurisprudence apparaît « pour le moins hésitante et ambiguë » (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit interne et droit de l’Union européenne, 34e éd., Dalloz, 2018, n° 2302, p. 1628). Initialement, la première chambre civile avait reconnu que l’existence d’une clause compromissoire ne concernait pas « la répartition de la compétence entre les tribunaux étatiques des différents pays », mais tendait « à retirer à ces tribunaux le pouvoir de juger les différends relatifs à ce contrat » (Civ. 1re, 9 oct. 1990, n° 89-12.561, RTD civ. 1991. 603, obs. R. Perrot ; Gaz. Pal. 1991. Somm. 348, obs. H. Croze et C. Morel). C’était sans nul doute exclure la qualification d’incompétence au profit de celle de défaut de pouvoir. Malgré cette affirmation, elle fit le choix de retenir la qualification « d’exception de procédure », dont on sait qu’elle comprend, entre autres, l’exception d’incompétence. L’évidente contradiction de ce motif fit naître l’attente d’une clarification. Elle s’est traduite quelques années plus tard par la suppression de l’expression plurale « d’exception de procédure » au profit de celle, plus précise, « d’exception d’incompétence » (Civ. 1re, 23 janv. 2007, n° 06-10.652, inédit ; 3 févr. 2010, n° 13-10346, Bull. civ. I, n° 31 ; 4 juill. 2018, n° 17-22.103, inédit, Procédures 2018. Comm. 298, obs. L. Weiller). De son côté, la deuxième chambre civile a procédé de manière inverse en retenant d’abord la qualification « d’exception d’incompétence » (Civ. 2e, 17 janv. 1996, n° 93-18.361, Bull. civ. II, n° 3 ; Procédures 1996. Comm. 70, obs. R. Perrot ; Rev. arb. 1996. 620, obs. L. Cadiet), pour ensuite lui préférer celle « d’exception de procédure » (Civ. 2e, 22 nov. 2001, n° 99-21.662, Bull. civ. II, n° 168 ; D. 2002. 42, et les obs. ; RTD com. 2002. 46, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2002. 371 ; Dr. et proc. 2002. 108, obs. M. Douchy-Oudot ; CCC 2002. Comm. 41, obs. L. Leveneur ; JCP 2002. II. 10174, note C. Boillot ; Procédures 2002. Comm. 1, obs. R. Perrot). Par l’arrêt commenté, la première chambre civile met fin à ce chassé-croisé jurisprudentiel.
De l’exception d’incompétence à l’exception de procédure, un subtil retour à la solution initiale
En l’espèce, par acte sous seing privé stipulant une clause compromissoire, une société a cédé à la société Kimmolux 1686 actions qu’elle détenait dans le capital de la société Au Bon pain. Suivant un second acte sous seing privé du même jour, une société civile immobilière a vendu à la société Kimmolux un immeuble à usage industriel et commercial donné à bail à la société Au Bon pain. L’article 4 du contrat de cession d’actions stipulait que la non-réalisation de la vente, si elle était du fait exclusif du cédant, entraînerait la résiliation de la cession des actions de la société Au Bon pain et que le montant payé à ce titre serait remboursé intégralement, augmenté des intérêts au taux légal en vigueur. L’acte de vente n’ayant pas été suivi d’un acte authentique dans les six mois à compter de sa conclusion, la société Kimmolux a assigné la société cédante et la société civile immobilière devant un tribunal de grande instance en annulation de la convention de cession d’actions et en paiement de certaines sommes. Par un jugement en date du 15 juin 2010, la juridiction de première instance a prononcé la résolution de l’ensemble contractuel et octroyé à la société Kimmolux diverses sommes à titre de restitution. Si le jugement a été infirmé par une cour d’appel, l’arrêt attaqué a été cassé et annulé par la Cour de cassation. Devant la cour d’appel de renvoi, la société cédante des actions et la société civile immobilière invoquent l’irrecevabilité de la saisine initiale du tribunal de grande instance en raison de la « compétence préalable » du tribunal arbitral. Or, pour la société Kimmolux, l’invocation d’un tel moyen de défense était trop tardive. En ce qu’il constitue une exception d’incompétence, et à peine d’irrecevabilité, le moyen tiré du non-respect d’une clause compromissoire doit être invoqué avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (in limine litis). Les juges du fond rejettent l’argument. Selon eux, le moyen tiré de l’existence d’une clause compromissoire constitue bien une « fin de non-recevoir, le défaut de saisine préalable d’une juridiction arbitrale faisant échec à celle d’une juridiction étatique, et non une exception d’incompétence entrant dans le champ des articles 74 et 75 du code de procédure civile » (Colmar, 21 nov. 2018, n° 17/00604). Faisant logiquement grief à cet arrêt, la société Kimmolux a formé un pourvoi en cassation dans lequel elle réaffirme que l’exception tirée de l’existence d’une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure. À ce titre, elle doit donc être invoquée in limine litis.
Entre l’interprétation du demandeur au pourvoi et celle des juges du fond, la Cour de cassation choisit la première. Dans un attendu de principe au visa de l’article 74 du code de procédure civile, elle juge que « l’exception tirée de l’existence d’une clause compromissoire est régie par les dispositions qui gouvernent les exceptions de procédure ». Le demandeur à l’exception devra donc veiller au respect de la double règle de simultanéité et d’antériorité (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit interne et droit de l’Union européenne, op. cit., p. 287 s.) : invoquer les exceptions toutes ensemble et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Or, en l’espèce, en invoquant l’exception pour la première fois devant la cour d’appel de renvoi, les sociétés n’avaient clairement pas respecté la seconde de ces règles. La sanction est extrêmement lourde puisqu’elle consiste en une irrecevabilité du moyen litigieux. À bien y regarder, la première chambre civile opère là un subtil retour à sa jurisprudence initiale (Civ. 1re, 9 oct. 1990, préc.). Contrairement à ses décisions de 2007 et 2010 (Civ. 1re, 23 janv. 2007 et 3 févr. 2010, préc.), la qualification d’exception d’incompétence laisse ici place à celle d’exception de procédure. Si cette solution peut être saluée en ce qu’elle met fin aux divergences entre la première et la deuxième chambre civile, elle n’en traduit pas moins le profond embarras de la haute juridiction. Tiraillée entre deux positions, elle ne satisfait pas pleinement les partisans de l’une et mécontente totalement les partisans de l’autre.
La qualification d’exception de procédure, entre insatisfaction et mécontentement
Avant tout, il faut se départir de l’idée qui consisterait à croire que ce retour - définitif ? - à la qualification d’exception de procédure n’est que pure coïncidence. Soumises toutes deux aux dispositions régissant les exceptions de procédure, les deux qualifications n’en demeurent pas moins distinctes. Plus précisément, l’exception de procédure est le genre dont l’exception d’incompétence est une espèce. Dit autrement, une exception d’incompétence est nécessairement une exception de procédure, là où l’exception de procédure n’est pas toujours une exception d’incompétence. Ainsi, par l’arrêt commenté, la première chambre civile de la Cour de cassation cesse de voir dans l’exception tirée du non-respect d’une clause compromissoire un moyen de faire respecter la « division du travail judiciaire » entre une pluralité de juridictions (G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, 3e éd., 1996, PUF, n° 34, p. 174) au profit d’une exception de procédure d’une autre espèce. Reste à déterminer laquelle… C’est ici que les ennuis commencent. À les envisager les unes après les autres – exceptions de litispendance, de connexité, dilatoire, de nullité (pour une étude d’ensemble, J.-Cl pr. civ., v° Moyens de défense, fasc. 600-30, par J. Théron, spéc. nos 55 s.) –, aucune ne paraît convenir. Pour la doctrine, il n’y a là rien d’étonnant, mais l’explication diffère selon les auteurs.
Pour les uns, si ces exceptions ne conviennent pas, c’est parce que cette qualification est erronée. Le moyen de défense qui doit être employé n’est pas une exception de procédure. En effet, « l’existence d’une clause compromissoire insérée dans un contrat poserait la question de l’aptitude de cette juridiction unique à connaître du litige, bref de son pouvoir juridictionnel » (Rép. pr. civ., v° Incompétence, 2020, par P. Callé, spéc. n° 9. Adde, C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, op. cit., n° 2302, p. 1627 ; S. Amrani-Mekki et Y. Strickler, Procédure civile, PUF, 2014, n° 188, p. 215). Par l’insertion de cette clause, les parties ont retiré aux tribunaux étatiques le pouvoir de juger les différends relatifs au contrat qui la contient. Dès lors, en relevant le non-respect de la clause compromissoire, le demandeur conteste dans son principe même l’intervention du juge étatique au détriment de l’arbitre. C’est donc là une question de pouvoir juridictionnel dont le défaut est sanctionné par une irrecevabilité (Civ. 1re, 15 avr. 1986, n° 84-13.422, Bull. civ. I, n° 87 ; Gaz. Pal. 1987. Somm. 53, obs. S. Guinchard et T. Moussa ; Rev. crit. DIP 1986. 723, obs. G. Couchez). En toute logique, le moyen de défense à emprunter ne serait pas une exception de procédure – quelle qu’elle soit –, mais une fin de non-recevoir. Ce changement dans la voie de droit à emprunter n’est pas sans conséquence. Ainsi en l’espèce, parce que ce moyen peut être invoqué en tout état de cause (C. pr. civ., art. 123), les sociétés auraient pu dénoncer le non-respect de la clause compromissoire pour la première fois devant la cour d’appel de renvoi.
Pour les autres, si ces exceptions ne conviennent pas, c’est parce que le moyen de défense est bien une exception d’incompétence. En effet, à exclure toute idée de concurrence dans le cas litigieux – et donc de compétence entre les juridictions étatiques et arbitrales –, on laisse entendre que « la concurrence suppose nécessairement des juges également compétents » (P. Théry, obs. sous Civ. 2e, 22 nov. 2001, n° 99-21.662, P, Rev. arb. 2002. 371 s., spéc. n° 4, p. 377, l’auteur souligne). Or, cette idée parait radicale. Après tout, lorsqu’une partie dénonce le non-respect d’une clause compromissoire, le moyen soulevé prend « la forme de cette alternative caractéristique d’une question de compétence : juridiction étatique ou juridiction arbitrale ? » (P. Théry, obs. sous Civ. 2e, 22 nov. 2001, art. préc., spéc. n° 3, p. 375. Adde, dans le même sens, H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, Tome II, La compétence, n° 635, p. 685 ; G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, op. cit., n° 15, p. 80 ; T. Clay, L’arbitre, préf. P. Fouchard, 2001, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », vol. 2, nos 166-168, p. 140-142). L’originalité de cette compétence réside simplement dans le fait que la répartition s’opère entre deux ordres juridiques distincts (M. Boucaron-Nardetto, Le principe compétence-compétence en droit de l’arbitrage, nos 364 s., p. 332 s.).
Un résultat pratique loin d’être irréprochable
Entre ces deux explications, la Cour de cassation ne tranche pas vraiment. Abandonnant la qualification d’exception d’incompétence, elle paraît renoncer à l’idée d’une concurrence entre la juridiction étatique et arbitrale. Néanmoins, elle se refuse à en tirer toutes les conséquences, préférant parler d’exception de procédure plutôt que de fin de non-recevoir. Comment interpréter cet entre-deux ? Convaincus par la première idée, les hauts magistrats auraient-ils finalement renoncé à la consacrer en raison du régime juridique trop souple de la fin de non-recevoir ? Si c’est le cas, ce serait là une regrettable victoire de la politique processuelle sur la logique juridique. D’autant que le résultat pratique de la solution retenue est loin d’être irréprochable, notamment dans l’hypothèse d’un contrat qui stipule une clause de conciliation préalable et une clause compromissoire destinée à être mise en œuvre en cas d’échec de la conciliation. L’ordre de présentation souhaité par les parties ne pourra être respecté. En effet, en ce que la violation de la première clause emprunte la voie de la fin de non-recevoir (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, D. 2003. 1386, et les obs. , note P. Ancel et M. Cottin ; ibid. 2480, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 349, obs. R. Perrot ; JCP 2003. I. 128, no 17, obs. L. Cadiet ; Procédures 2003. Comm. 96, obs. H. Croze ; CCC 2003. Comm. 84, obs. L. Leveneur ; Rev. arb. 2003. 403, note C. Jarrosson ; Defrénois 2003. 1158, obs. R. Libchaber ; BJS 2003, p. 938, note A. Couret ; RDC 2003, p. 182, obs. L. Cadiet ; ibid., p. 189, obs. X. Lagarde ; qualification dont l’opportunité est d’ailleurs largement discutée : v., not. P. Théry, obs. sous Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19.684, Bull. mixte, n° 3, RTD civ. 2015. 187 s. ) et la violation de la seconde celle d’une exception de procédure, la partie assignée sans tentative préalable de résolution amiable qui souhaite soulever l’irrecevabilité de l’initiative processuelle ne sera plus en mesure d’invoquer in limine litis le non-respect de la clause compromissoire. En conséquence, les parties sont tenues de différer la dénonciation de l’action belliqueuse. C’est là une situation pour le moins « inconfortable : après avoir constitué la juridiction arbitrale, elles la saisiront en premier lieu d’un moyen dont l’objet est de la dessaisir… » (X. Lagarde, La fin de non-recevoir tirée d’une clause instituant un préalable obligatoire de conciliation, BICC 2005, HS, spéc. I. in fine). Finalement, l’arrêt de la cour d’appel de renvoi pourrait être plus respectueux de la logique juridique que sa cassation ne le laisse croire…
Un produit intérieur brut (PIB) en baisse de 11 % et un déficit public atteignant 11,4 % du PIB. Telles sont les prévisions de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, présentée au conseil des ministres du 10 juin.
La Cour de cassation se prononce sur la détermination du juge compétent dans l’Union dans une affaire où était demandée la nullité d’une procuration de vendre un bien, en énonçant pour la première fois « le principe de perpétuation de la compétence selon lequel l’acte introductif d’instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l’instance ».
Une personne donne à son épouse une procuration de vendre en viager à leur fille et à son époux, domiciliés en Espagne, un immeuble situé dans ce même État. Après le décès de ses parents, l’autre enfant du couple assigne sa sœur et son époux devant un juge français pour obtenir, à titre principal, l’annulation de la procuration pour cause d’insanité d’esprit de son auteur et, à titre subsidiaire, la requalification de la vente en libéralité.
Ce juge se déclare compétent en application des articles 14 et 15 du code civil, qui prévoient un privilège de nationalité fondé sur la nationalité française du demandeur et du défendeur.
Cette affaire conduisait donc à se demander si une demande d’annulation d’une procuration pour insanité d’esprit relevait du champ d’application du règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
La première chambre civile retient que tel est bien le cas. Ce faisant, elle transpose la solution énoncée par la Cour de justice, en ce qui concerne la question de la capacité de contracter du donateur, à propos du règlement Bruxelles I bis du 12 décembre 2012, par un arrêt du 16 novembre 2016 (aff. C-417/15, pt 25, Dalloz actualité, 28 nov. 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016. 2412 ; ibid. 2017. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; RTD com. 2017. 236, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast )....
L’acte de juger est souvent interrogé par le documentaire, celui précisément de condamner, et des suites qui en résultent, l’est en réalité beaucoup moins en France. La prison croule pourtant sous les analyses juridiques et notamment de par l’activité de l’autorité administrative indépendante qu’est le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont Adeline Hazan en est actuellement l’incarnation.
La validité du CCMI est conditionnée à la propriété du terrain par le maître de l’ouvrage ou, à tout le moins, au bénéfice d’une promesse de vente.
La décence locative ne s’applique qu’à la partie habitation d’un bail « mixte » qui est effectivement occupée par le preneur à titre d’habitation principale.
Définitivement adoptée le 10 juin après le vote du Sénat, la loi qui comprend trente-trois habilitations à légiférer par ordonnance, a pour objet principal de faire face à la crise majeure que la France traverse sur le plan sanitaire et à la gravité des conséquences de cette crise sur la vie du pays, par diverses mesures venant compléter celle déjà prises sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Sous réserve d’une saisine des Sages, voici les principales dispositions de ce texte intéressant le droit social.
Depuis plusieurs jours, compte tenu de la crise sanitaire liée au coronavirus, toute une série d’arrêtés ont été publiés qui assouplissent temporairement le cahier des charges auxquels sont soumis certains produits alimentaires bénéficiant d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine, appellation d’origine protégée, indication géographique protégée, ou encore label rouge.
La Cour de cassation a rendu deux arrêts en matière de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime lesquels offrent l’occasion de revenir sur ces mécanismes processuels qui sont consubstantiels à la justice elle-même (Rép. pén., v° Récusation et renvoi, par S. Ben Hadl Yahia, n° 2 ; B. Barnabé, La récusation des juges, étude médiévale, moderne et contemporaine, LGDJ, coll. « Biblio. droit privé », 2019, t. 514). Conséquence concrète du principe d’impartialité et pierre angulaire du droit à un procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la procédure de récusation permet d’écarter un juge, ou toute la juridiction en cas de suspicion légitime, lorsque les causes, objectives ou subjectives, pour le faire sont réunies. En matière civile, il s’agit des dispositions figurant aux articles 339 à 363 du code de procédure civile, lesquelles ont été récemment modifiées par le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 (Y. Strickler, Procédures 2017. Étude 24). Ces deux arrêts montrent que le maniement des règles de procédure qui régissent le déroulement de la demande en récusation ou en suspicion légitime n’est pas aussi simple qu’il y paraît de prime abord.
Dans la première espèce, il s’agissait d’un litige en matière de construction au cours duquel un expert judiciaire avait été désigné. L’une des parties forme alors une requête en récusation à l’encontre de l’expert qui sera rejetée. Dans sa décision de rejet, la juridiction avait ajouté une condamnation du requérant à régler à l’une des autres parties à l’instance principale la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. C’est sur ce point qu’un pourvoi en cassation a été formé. En effet, la procédure de récusation oppose une partie au procès à son juge, elle ne concerne par les autres parties, ce qui justifie une cassation de l’arrêt. Dans la seconde espèce, une requête en suspicion légitime avait été formée à l’encontre d’un tribunal de commerce à la...
Seul le requérant à la récusation est partie à la procédure de récusation.
Lorsque la cause justifiant la demande en récusation est découverte à l’audience, elle doit à peine d’irrecevabilité être formée par déclaration au procès-verbal d’audience.
par Jean-Denis Pellierle 16 juin 2020
Civ. 1re, 20 mai 2020, F-P+B, n° 18-23.529
Les occasions ne manquent pas pour engager la responsabilité du prêteur professionnel, tant il est vrai que les obligations pesant sur ce dernier sont nombreuses (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2019, nos 152 s.). Mais il ne faut pas négliger pour autant l’éventualité d’une faute commise par l’emprunteur, qui viendrait amoindrir la responsabilité du prêteur. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 mai 2020. En l’espèce, suivant offre acceptée le 7 mai 2013, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs un prêt de 18 500 € destiné à financer la vente et la pose de panneaux photovoltaïques par une société. Invoquant l’absence de raccordement de l’installation, les emprunteurs ont assigné le vendeur, pris en...
Dans le cadre d’un crédit affecté, les emprunteurs font preuve de légèreté en acceptant la mise en œuvre à leur domicile de l’installation, avant même la signature du contrat de vente, et en certifiant, d’une part, l’exécution d’un contrat en réalité inexistant, d’autre part, l’exécution d’une prestation en vérité inachevée.
Dans le cadre d’un crédit affecté, les emprunteurs font preuve de légèreté en acceptant la mise en œuvre à leur domicile de l’installation, avant même la signature du contrat de vente, et en certifiant, d’une part, l’exécution d’un contrat en réalité inexistant, d’autre part, l’exécution d’une prestation en vérité inachevée.
1. Pétrone et Jean de La Fontaine l’avaient bien vu : la rareté donne du prix à la chose. L’arrêt rendu par la première chambre civile en date du 5 juin 2020 est ainsi tout aussi rare que précieux pour la compréhension du régime procédural de l’hospitalisation complète. Il s’agit, à notre connaissance, de l’un des seuls arrêts de la Haute juridiction portant sur « les circonstances exceptionnelles » évoquées par l’article L. 3211-12-1, IV°, du code de la santé publique. Rappelons le contexte : cette disposition évoque les modalités de poursuite d’une hospitalisation complète sans consentement ou à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale. Pour ce faire, le juge des libertés et de la détention (JLD) doit être saisi par le directeur d’établissement ou par le représentant de l’État (en pratique, le Préfet). La mesure ne peut pas être renouvelée si le JLD ne statue pas sur la mesure dans un jeu de différents délais selon les circonstances factuelles (1°, 2° et 3° dudit article). Quelle réaction adopter en l’absence de saisine dans ce jeu de délais assez brefs mais variés (entre 12 jours et 6 mois) ? Le IV° du texte prévoit alors un couperet procédural : la mainlevée de la mesure est alors acquise pour l’intéressé ; mainlevée constatée même « sans débat » (sur ce point précis, Civ. 1re, 24 mai 2018, n° 17-21.056, Dalloz actualité, 6 juin 2018, note N. Peterka). Mais, et c’est là le point essentiel qui nous préoccupe aujourd’hui, il peut être fait échec à cette mesure par le jeu d’une « circonstance exceptionnelle ». Une telle qualification appelle à une certaine prudence, l’exception ne devant pas devenir le principe. Cet arrêt rendu récemment vient ainsi apporter un exemple de ce qu’il faut entendre par cette expression ; exemple qui pourrait ne pas être si exceptionnel compte tenu de la situation actuelle.
2. Les faits de cette décision sont assez classiques dans le cadre de l’hospitalisation complète d’un patient nécessitant des soins psychiatriques. En l’espèce, une personne est déclarée pénalement irresponsable car un trouble psychique ou neuropsychique a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits. Son hospitalisation complète est ainsi ordonnée sur le fondement de l’article 706-135 du code de procédure pénale. Il est hospitalisé le 27 mars 2019. Le 19 septembre de la même année, le Préfet saisit le JLD aux fins de renouvellement de la mesure. Mais l’intéressé argue que le délai pour saisir le juge n’est pas respecté. En la matière, l’article L. 3211-12-1, I, 3°, impose une saisine au moins quinze jours avant l’expiration du délai de six mois. Le début de l’hospitalisation étant fixée au 27 mars 2019, les six mois sont alors portés au 27 septembre 2019 et la saisine ne doit donc pas intervenir après le 12 septembre (quinze jours avant l’expiration). Or, le logiciel utilisé pour le calcul du délai indiquait le 19 septembre et non le 12, capture d’écran à l’appui. En appel, le premier président de la Cour d’appel de Besançon y voit une circonstance exceptionnelle nécessitant de ne pas ordonner la mainlevée de la mesure. L’intéressé se pourvoit en cassation défendant l’idée selon laquelle le délai pouvait être compté sans logiciel, ce qui aurait évité cette circonstance en somme peut-être moins exceptionnelle qu’il n’y paraît. La Haute juridiction rejette le pourvoi en précisant que le premier président de la cour d’appel de Besançon a pu déduire qu’il s’agissait bien d’une telle circonstance de l’article L. 3211-12-1, IV°, du code de la santé publique. L’arrêt intéresse évidemment les soins psychiatriques et plus particulièrement leurs contours procéduraux mais également le rapport entre droit et intelligence artificielle dans un contexte troublé.
3. L’arrêt n’intriguera que peu les commentateurs réguliers des soins psychiatriques sans consentement. Malgré la rareté de la solution, la position doit être accueillie avec bienveillance. Certes, le caractère exceptionnel des circonstances impose une interprétation stricte et c’est sur ce point – bien que non explicité – que le demandeur au pourvoi s’appuyait. L’argumentation reposait notamment sur la possibilité de ne pas recourir au logiciel pour compter le délai. Certes, le logiciel ne fait qu’aider ou de suppléer du moins cette tâche mais une telle délégation se comprend aisément quand on connaît le nombre de dossiers concernés et les attributions plurielles de l’auteur de la saisine. D’un point de vue procédural, la solution ne surprend donc pas : elle rappelle le constant balancement entre droits de l’intéressé et protection de l’ordre public. La personne hospitalisée l’était à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale sur le fondement de l’article 706-135 du code de procédure pénale et la poursuite de la mesure pouvait donc parfaitement s’imposer si les conditions le permettaient. On aurait mal compris qu’une erreur informatique puisse faire échec à la nécessité d’un renouvellement. Autrement dit, la mainlevée automatique prévue par le texte aurait déséquilibré ce jeu délicat entre ordre public et droits de la personne hospitalisée. Notons que la prorogation de la mesure n’est alors pas automatique mais « soumise aux droits de la défense » comme le souligne l’arrêt. Plusieurs questions restent en suspens. Citons-en une : la défaillance de l’outil informatique est-elle isolée ? Si ce n’est pas le cas, plusieurs autres dossiers ont peut-être été concernés par une telle erreur dans le compte du délai. Cet arrêt trouve d’ailleurs un certain écho dans l’ordonnance n° 2020-595 commentée dernièrement (Ord. n° 2020-595 du 20 mai 2020, Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Hélaine). L’intéressé peut toujours demander à ce que le juge puisse examiner ses prétentions, malgré la crise sanitaire que nous traversons. Certes, il faudra recourir probablement à la visioconférence mais le but du texte reste de permettre un accès au juge préservé. Ces dispositions devraient rapidement disparaître compte tenu de la décision récente de ne pas maintenir l’état d’urgence sanitaire au-delà du 10 juillet 2020.
4. Que nous apprend cet arrêt en termes d’erreur de l’intelligence artificielle ? Peu de choses explicitement, plus implicitement. On sait le sujet d’actualité (V. not., S. Mérabet, Vers un droit de l’intelligence artificielle, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèse », Vol. 197, 2020, préf. H. Barbier). Ici, l’erreur du logiciel constaté par une capture d’écran aurait pu conduire à ne pas examiner la nécessité de la prolongation de la mesure. L’argumentation du demandeur au pourvoi se retourne alors contre lui. Le cadre procédural des mesures d’hospitalisation complète ne peut pas se satisfaire d’une simple erreur d’un algorithme. En faisant intégrer les « défaillances de l’outil informatique » à la catégorie des « circonstances exceptionnelles », le couperet procédural de la mainlevée de la mesure est certes régulé mais ne l’est-il pas dangereusement ? On sait qu’un logiciel n’est pas forcément exempt de bugs réguliers et même si des mises à jour peuvent régler un pan de l’algorithme défectueux, d’autres erreurs peuvent naître notamment par conflits de mises à jour entre l’explorateur et le logiciel. Or, ces erreurs peuvent se répercuter sur la fonction du logiciel, ici compter le délai pour saisir le JLD. Il faudra donc veiller à ce que cette circonstance reste « exceptionnelle » comme le prévoit l’article L. 3211-12-1, IV°, du code de la santé publique. En somme, toutes les erreurs informatiques ne peuvent pas rejoindre cette catégorie. Par exemple, une erreur commise par le logiciel en raison d’une défaillance humaine (par exemple une date mal renseignée dans les champs à remplir) ne devrait pas s’analyser en une circonstance exceptionnelle. Sans cette appréhension assez stricte du jeu de ces exceptions, les droits de l’intéressé seraient alors mis à mal. L’équilibre passe alors par un jeu subtil mais néanmoins essentiel de nuances factuelles.
La défaillance de l’outil informatique doit être analysée comme une « circonstance exceptionnelle » au sens de l’article L. 3211-12-1, IV°, du code de la santé publique. Ainsi, quand un tel dysfonctionnement a empêché la saisine du juge des libertés et de la détention, la mainlevée automatique de la mesure n’est pas retenue. Ce faisant, il faut revenir à un débat sur le fond au sujet de la nécessité du maintien dans l’établissement.
Une ordonnance du 10 juin 2020 prolonge la durée du fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année 2020 et apporte de menues modification au régime légal applicable à ce dipositif.
L’existence d’un préjudice résultant du non-respect par l’employeur des critères d’ordre des licenciements et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. S’il est constaté que les salariés n’apportent aucun élément pour justifier le préjudice allégué du fait de l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements, aucune indemnité n’est due.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a publié son quarantième rapport annuel. Si 2019 a été marquée par une prise de conscience pour les citoyens et les entreprises des potentialités du Règlement général de la protection des données (RGPD), 2020 devrait être « une année pour construire des solutions durables ».
Un décret du 12 juin 2020 institue un dispositif d’aides sous la forme d’avances remboursables et de prêts à taux bonifiés au bénéfice des petites et moyennes entreprises touchées par la crise sanitaire de covid-19 ayant fait l’objet d’un refus d’octroi de prêt garanti par l’État.
Un décret du 12 juin 2020 institue un dispositif d’aides sous la forme d’avances remboursables et de prêts à taux bonifiés au bénéfice des petites et moyennes entreprises touchées par la crise sanitaire de covid-19 ayant fait l’objet d’un refus d’octroi de prêt garanti par l’État.
L’assemblée du contentieux autorise un chercheur à consulter les archives de François Mitterrand, alors président de la République, sur le Rwanda (1990-1995). Un droit, sous conditions certes, mais obtenu au prix de la pugnacité d’un physicien, François Graner, spécialiste du conflit rwandais.
La commission mixte paritaire est parvenue à un accord, le 15 juin, sur le projet de loi relatif au second tour des élections municipales et aux élections consulaires.
En cas de privatisation, les fonctionnaires peuvent désormais être contraints de rejoindre l’entreprise à laquelle le service public est transféré.
Une clause de non-concurrence doit avoir fait l’objet d’une acceptation claire et non équivoque du salarié. Tel n’est pas le cas lorsque le contrat de travail dans lequel figurait la clause n’a pas été signée par le salarié.
La clause usuelle de présomption de contribution quotidienne des époux aux charges du mariage est une clause de non-recours ayant la portée d’une fin de non-recevoir qui interdit aux époux solliciter rétrospectivement l’allocation d’une indemnité compensatrice, mais qui ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Par un arrêt du 4 juin 2020, la Cour de justice se prononce en faveur de la compétence internationale des juridictions de l’État membre d’exécution pour connaitre d’une action en opposition à exécution introduite par le débiteur d’une créance d’aliments.
L’exécutif peut être soulagé et satisfait : le Conseil constitutionnel a non seulement jugé conforme à la constitution le report en juin du second tour des élections municipales mais aussi admis que les mesures prises, notamment par ordonnances, concourent à garantir la sincérité du scrutin.
L’exécutif peut être soulagé et satisfait : le Conseil constitutionnel a non seulement jugé conforme à la constitution le report en juin du second tour des élections municipales mais aussi admis que les mesures prises, notamment par ordonnances, concourent à garantir la sincérité du scrutin.
Le 11 juin, une mission d’information, composée des députés Laurence Vichnievsky (Modem ; Puy-de-Dôme) et Philippe Gosselin (LR ; Manche), tirait un bilan décevant de cette procédure introduite en 2014. Le rapport propose plusieurs pistes d’amélioration, dont l’introduction de deux procédures standards d’action de groupe et lance une réflexion sur la Discovery dans ce cadre.
Le 11 juin, une mission d’information, composée des députés Laurence Vichnievsky (Modem ; Puy-de-Dôme) et Philippe Gosselin (LR ; Manche), tirait un bilan décevant de cette procédure introduite en 2014. Le rapport propose plusieurs pistes d’amélioration, dont l’introduction de deux procédures standards d’action de groupe et lance une réflexion sur la Discovery dans ce cadre.
Le 11 juin, une mission d’information, composée des députés Laurence Vichnievsky (Modem ; Puy-de-Dôme) et Philippe Gosselin (LR ; Manche), tirait un bilan décevant de cette procédure introduite en 2014. Le rapport propose plusieurs pistes d’amélioration, dont l’introduction de deux procédures standards d’action de groupe et lance une réflexion sur la Discovery dans ce cadre.
Depuis quelques années, le législateur s’est pris de passion pour certains dispositifs juridiques. Avec l’amende civile et les lanceurs d’alerte, l’action de groupe en a fait partie. Mais cette frénésie législative ne s’est pas faite ressentir dans les palais de justice.
Un bilan décevant
Action de groupe consommation, santé, discriminations, données personnelles, environnement, logement… Pour les députés, « malgré l’élargissement de son champ d’application, le bilan de cette nouvelle procédure est décevant : seules vingt-et-une actions de groupe ont été intentées depuis 2014, dont quatorze dans le domaine de la consommation, et aucune entreprise n’a encore vu sa responsabilité engagée ». Ainsi, sur les quatorze actions de groupe en consommation, seules trois ont obtenu une issue positive. En santé, il n’y a eu que trois actions, les députés notant que dans plusieurs affaires (Levothyrox, prothèses PIP, Mediator), d’autres voies ont été privilégiées.
Pour expliquer ces chiffres, le rapport avance un aspect préventif : certains secteurs ont supprimé des clauses illégales de leurs contrats. Mais il y a une autre raison à ce bilan décevant : les conditions très restrictives prévues par le législateur.
Selon les domaines, l’action de groupe ne peut être engagée que par une association agrée ou existant depuis cinq ans. Pour encourager les solutions négociées, la loi a également prévue de multiples étapes (mise en demeure préalable, jugement sur la responsabilité, règlement des différends, jugement liquidant les préjudices), qui sont autant d’obstacles. Par ailleurs, les préjudices indemnisables varient considérablement en fonction des domaines. Enfin, la diversité des cadres procéduraux ne favorise pas les actions.
Les deux députés notent que « les actions collectives bénéficient, d’une législation plus favorable que celle des actions de groupe ». Résultat, les actions conjointes, actions en représentation conjointe ou contentieux sériels sont favorisés, certains suggérant même d’introduire en droit interne la procédure allemande « de l’arrêt pilote ». « Cette procédure prévoit d’identifier les contentieux sériels, d’appliquer un traitement prioritaire à un dossier "pilote" tout en prononçant le sursis à statuer d’office dans les dossiers similaires dans l’attente de la décision à intervenir dans le dossier "pilote" », note le rapport. Enfin, l’action pénale est parfois préférée, la preuve étant plus difficile à apporter lors d’un procès civil.
Si le cadre des actions de groupe est si contraignant, c’est parce que le législateur français craignait l’importation des « class actions » américaines et de leurs dérives. Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin nuancent ce modèle américain et rappellent que les honoraires d’avocats y sont désormais contrôlés par le juge. Mais, aux États-Unis, les entreprises se prémunissent dorénavant contre les class actions en insérant dans leurs contrats des clauses compromissoires, qui imposent des arbitrages individuels…
Améliorer la loi française via une directive européenne
Pour favoriser les actions de groupe, les députés suggèrent un cadre procédural rénové et allégé, avec une seule action de groupe civile et une administrative. Pour la mission, les actions devraient permettre la réparation intégrale des préjudices. Ils préconisent aussi d’élargir les qualités à agir des associations et réfléchissent aux coûts lourds qu’elles supportent : lancer une action de groupe est fortement déficitaire. Aussi, les députés souhaitent rénover l’article 700 du code de procédure civile.
Autre piste suggérée par les députés : une application de la procédure de Discovery aux actions de groupe, afin de permettre la production de certaines pièces dont la liste serait strictement limitée (comme l’identité des consommateurs lésés), par une décision motivée du juge.
Ces préconisations pourraient être traduites lors de la transposition de la directive européenne à venir sur les actions de groupe. Le 26 mars 2019, le Parlement européen a approuvé, en première lecture, la possibilité pour les consommateurs de disposer d’un recours collectif européen, en plus des dispositifs de recours nationaux. Fin novembre, le Conseil a adopté une proposition différente et le trilogue se poursuit.
L’action de groupe proposée par la Commission est voisine du modèle français, puisqu’il est prévu deux phases (responsabilité puis indemnisation). Un texte qui, pour la mission, permettrait lors de sa transposition, de refondre l’action de groupe française en mettant en place un socle procédural commun.
À la lumière du droit positif, le juriste a pu s’étonner d’un avis diffusé le 4 mai 2020 par le nouveau médiateur de l’assurance qualifiant de limitation des moyens de preuve la condition de la garantie « vol par effraction ». La Cour de cassation vient de trancher le débat, par un arrêt du 20 mai 2020 consacrant sa jurisprudence constante différente de l’avis du médiateur.
Distanciation sociale oblige, l’audience du jour ne se tient pas dans la salle aveugle habituelle, mais au premier étage, dans ce qui était originellement le grand salon et donne sur les augustes terrasses surplombant colonnes de Buren et autres fontaines à boules. « C’est tout de même autrement plus solennel que l’autre salle », lance une voix. « C’est-à-dire que, pour encore plus de solennité, je ne vois guère que l’Élysée », répond une autre.
On ne peut sans doute pas couper à un peu digeste résumé des épisodes précédents. Ces trois QPC visent le quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique. Au sein de cet article, qui organise une forme de réponse graduée en cas de violation(s) des interdictions ou obligations de l’état d’urgence sanitaire, il est donc plus précisément question du mécanisme qui correctionnalise le cumul de quatre contraventions (en trente jours). La disposition contestée renvoie nécessairement à l’alinéa précédent du même article, qui prévoit lesdites contraventions. Puis à d’autres articles du même code, qui encadrent (un peu) le pouvoir réglementaire du premier ministre dans la détermination des interdictions ou obligations dont la violation est ainsi sanctionnée.
Les arrêts par lesquels la Cour de cassation a renvoyé les QPC au Conseil constitutionnel ont entendu limiter leur portée à la seule possibilité « d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ». Ce n’est pas illogique, puisque c’est bien la disposition législative applicable in fine aux trois litiges : il s’agit bien de sorties sans attestation dérogatoire en période de confinement. Mais on notera tout de même en passant (une nouvelle fois) que la disposition originellement contestée n’implique pas nécessairement que les quatre contraventions successives sanctionnent la violation d’une seule et même catégorie d’interdictions ou obligations. Elle pourrait donc potentiellement concerner n’importe quelle combinaison de contraventions, à propos des transports en commun, des rassemblements, de l’ouverture des établissements recevant du public, ou encore des mesures de contrôle des prix. Bref.
Toujours est-il que la Cour de cassation a retenu le caractère sérieux des QPC s’agissant des principes de légalité des délits et des peines (expressément visé par les trois questions) et de présomption d’innocence (par deux d’entre elles). La Cour a notamment concédé que le législateur n’avait peut-être pas épuisé sa compétence, en créant « un délit caractérisé par la répétition de simples verbalisations réprimant la méconnaissance d’obligations ou d’interdictions dont le contenu pourrait n’être pas défini de manière suffisamment précise dans la loi qui renvoie à un décret du premier ministre ».
Plusieurs avocats (y compris pour le compte de parties intervenantes) se sont réparti ce jour les rôles pour demander l’abrogation à effet immédiat de cette combinaison de dispositions, de manière à aborder successivement le processus législatif, la présomption d’innocence, l’imprécision du texte, l’arbitraire qui en découle, l’actualité de ces questions et, enfin, la portée de la décision à intervenir. On retrouve notamment deux avocats aux conseils, Mes Périer et Spinosi, qui plaidaient le mois dernier devant la Cour de cassation.
Objet de la première plaidoirie : l’œuvre du législateur, entachée d’incompétence négative, et aboutissant à une formulation difficilement intelligible, puisqu’on rappellera que le texte évoque par exemple alternativement constatation et verbalisation de l’infraction. L’avocat parle à ce sujet d’un « péché originel, qui est triple : précipitation, surenchère et affichage ». On en vient donc à la présomption d’innocence qui, rappelle le deuxième avocat, est « un principe à valeur constitutionnelle, un principe structurant, cardinal du droit pénal dans toute société démocratique ». Il souligne ainsi que le mis en cause ne fait, jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, l’objet d’aucune décision de culpabilité, pas même du fait d’un paiement de l’amende : « Vous devriez être présumé innocent, mais toute la mécanique de ce texte empêche cela ».
Son confrère suivant commence par rebondir sur une phrase prononcée par l’avocat général près la Cour de cassation : « l’imprécision du texte […] laisse aux forces de l’ordre une marge d’interprétation qui contient en elle-même un risque d’arbitraire important ». Il souligne une nouvelle fois que, dès le stade des discussions parlementaires, « certains parlaient de réitération, […] d’autres de récidive. Personne ne sait donc exactement de quoi on parle. C’est […] une impossibilité juridique, un oxymore […], l’esprit de l’époque autorise la création de toutes les chimères ». Il revient ensuite sur un certain nombre de cas de figure ayant donné lieu à verbalisation, insiste entre autres sur l’absence de formalisme imposé pour la fameuse attestation de déplacement dérogatoire : « Au sens strict, c’est ici la police qui fait la loi, en choisissant de verbaliser ou non […]. Or, dans ce pays, ce n’est pas à la police de faire la loi ».
L’avocate suivante représente une partie intervenante, sur le sort de laquelle une juridiction de la Côte d’Azur a sursis à statuer : l’affaire « est donc passée directement de la souricière […] à cette prestigieuse juridiction ». Elle se lance dans un petit quiz, sur le mode « est-ce qu’on peut être verbalisé parce que… », dont la réponse est invariablement oui. Elle conclut par la formule suivante : « Un état d’urgence sanitaire n’est pas un état de non-droit ».
Son confrère embraye en usant de distrayantes métaphores : le « délacement du corset » que représente l’assouplissement progressif de l’état d’urgence « ne doit en rien […] conduire à penser qu’une censure n’aurait qu’un effet platonique ». Lui aussi aborde les « motifs équivoques qui nous ont conduits à sonder à l’infini la nécessité de chaque déplacement », puis à le soumettre à l’appréciation d’un « agent allant du poinçonneur dans le métro au garde champêtre ». Il revient également sur la question de la compétence du tribunal correctionnel en la matière, soulignant en passant qu’entre la lettre des textes et la pratique aux comparutions immédiates, il y a souvent un monde. Puis il conclut d’une envolée lyrique convoquant Beccaria et le Décaméron de Boccace.
Le dernier avocat lance quant à lui : « Je ne vous parlerai pas de droit, nous en avons assez parlé […]. C’est un délit mal fichu bricolé sur un coin de table ». Il insiste surtout sur la portée de la décision du Conseil : « Vous avez tenu dans le cadre de l’état d’urgence terroriste, il ne faut pas que votre vigilance baisse dans [celui] de l’état d’urgence sanitaire. Si vous baissez la garde, alors c’est véritablement une forme de blanc-seing que vous reconnaîtrez au gouvernement ».
Le représentant du premier ministre, lui non plus, ne semble pas décidé à parler de droit : il digresse d’abord longuement sur l’aspect politique de la prise de décision et sur les recommandations du désormais célèbre comité scientifique. Il en vient finalement au principe de légalité des délits et des peines. Selon lui, il n’y a incompétence négative que si le législateur « ne fixe aucun cadre, or ce cadre existe [puisque] le parlement énumère limitativement le périmètre des mesures qui [peuvent] être prises par le premier ministre ». S’agissant du flou autour de la notion de « verbalisation », il renvoie à l’article 429 du code de procédure pénale sur la force probante d’un procès-verbal, « si son auteur a agi dans l’exercice de ses fonctions et a rapporté […] ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement ».
Sur la présomption d’innocence (et le droit au recours effectif), il souligne que « le ministère public devra […] établir le nombre et la réalité des violations dans les trente jours précédents », et « qu’en cas de verbalisation indue, le juge correctionnel est compétent, puisqu’il lui appartiendra de requalifier les faits en contravention ». Il insiste sur le respect du principe de nécessité et de proportionnalité des peines par le législateur, puisque « son intention était de garantir l’efficacité et le caractère dissuasif de la répression […] eu égard aux risques encourus par la population ». Tout en se défendant « d’avoir organisé un cumul de sanctions, [puisque] le délit ne sanctionne pas l’ensemble des verbalisations, mais seulement la quatrième ».
La décision sera rendue le vendredi 26 juin au matin.
Les trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives au « délit de non-confinement » poursuivent leur bonhomme de chemin. Ce mercredi 17 juin, elles étaient débattues sous les dorures de l’aile Montpensier.
Les trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives au « délit de non-confinement » poursuivent leur bonhomme de chemin. Ce mercredi 17 juin, elles étaient débattues sous les dorures de l’aile Montpensier.
Les députés ont adopté le 17 juin 2020, en première lecture, le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Toute perte de chance ouvre droit à réparation sans qu’il soit nécessaire de prouver que, parfaitement informé par la banque sur l’adéquation ou non de l’assurance choisie, l’assuré aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté.
Pour être réparé, le préjudice doit être certain. S’il n’est pas toujours possible de savoir avec certitude qu’elle aurait été la situation de la victime sans la réalisation du fait dommageable, la perte d’une chance qu’il cause est un préjudice déjà réalisé. En ce sens, il doit être réparé.
En l’espèce, pour garantir un prêt immobilier accordé par sa banque, un emprunteur souscrit un contrat d’assurance auprès de la société Axa France destiné à couvrir les risques décès, incapacité et invalidité. Quelques temps plus tard, ce dernier est victime d’un accident du travail. Après avoir pris en charge les échéances du prêt, l’assureur l’informe de son refus de maintenir la garantie parce que son taux d’incapacité fonctionnelle ne dépasse pas le minimum prévu par le contrat.
L’emprunteur assigne la banque en réparation de son préjudice pour inexécution contractuelle de ces devoirs d’information, de conseil et de mise en garde. Une cour d’appel rejette sa demande en relavant que, bien que le manquement à ses obligations par la banque ne soit pas contesté, l’emprunteur ne démontre pas que, complètement informé, il aurait souscrit une autre assurance couvrant l’incapacité de travail qui lui avait été reconnue. Pour les juges du fond, il en résulte que l’assuré n’a pas perdu une chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d’une incapacité totale de travail.
L’emprunteur se pourvoit en cassation invitant la deuxième chambre civile à s’interroger la preuve à rapporter quant aux conséquences des manquements imputés au banquier. Autrement dit, faut-il démontrer, avec certitude, qu’un autre contrat d’assurance aurait forcément été conclu si toutes les informations avaient été transmises par la banque.
La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond au visa de l’article 1147 du code civil, dans sa version initiale. Elle rappelle que toute perte de chance ouvre droit à réparation. Elle précise qu’en exigeant la preuve que si parfaitement informé par la banque sur l’adéquation ou non de l’assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit de manière certaine un contrat mieux adapté, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil.
En visant l’article 1147 du code civil, la Cour de cassation relève la présence d’une faute de la banque susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle. Le texte dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Il s’agit de la responsabilité pour faute du contractant dont la preuve doit être rapportée par le cocontractant victime. Par la référence à ce texte, la Cour de cassation reconnaît, en l’espèce, que le banquier n’a pas correctement exécuté certaines de ses obligations et qu’en ce sens, il a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.
Le juge judiciaire a mis à la charge des professionnels, dont les banquiers, des obligations contractuelles, au départ, non envisagées par les parties. En l’occurrence, sont mentionnés les devoirs d’information, de conseil et de mise en garde. Le juge judiciaire, par le biais de la technique dite du « forçage du contenu contractuel » (L. Josserand, L’essor moderne du concept contractuel, in Mélange F. Geny, tome II, Sirey, 1934, p. 340) est venu ajouter au contenu obligationnel (v. P. Ancel, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD civ. 1999. 771 ) déjà établi par les parties au moment de la formation du contrat un certain nombres d’obligations sans que celles-ci les aient envisagées. Pour justifier son immixtion dans le contrat, notamment au regard du principe directeur de la force obligatoire, la Cour de cassation s’est fondée sur les anciens articles 1134, alinéa 3 et 1135 du code civil ainsi que sur la volonté implicite des parties et la nature des contrats en question. Ces ajouts ont vocation à renforcer la qualité dans les rapports contractuels notamment parce qu’il s’agit, la plupart du temps, de contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, présentant, de ce fait, une certaine dysmétrie.
L’obligation d’information consiste à donner des informations objectives sur l’opération et le contrat envisagés, lesquelles doivent être claires, précises et complètes. Le devoir de conseil qui la complète implique, pour le banquier, de se prononcer sur l’opportunité de son client de conclure le contrat envisagé au regard de sa situation personnelle. L’avis donné est en ce sens subjectif puisque le débiteur doit émettre un jugement de valeur sur l’opération susceptible d’aller jusqu’à déconseiller le client de conclure le contrat. Le devoir de...
Saisi du refus d’abroger un décret d’extradition, le juge administratif en apprécie la légalité à la date à laquelle il statue.
Les créances salariales nées de la requalification du contrat de travail d’un salarié
intervenue parallèlement au transfert d’entreprise sont à la charge exclusive du nouvel employeur.
La diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues. Faute d’une telle extension, l’action en réparation de la personne dont l’image a été prise par erreur pour celle d’un terroriste est fondée sur l’article 9 du code civil.
Après la publication dans différents journaux et sur certains sites de sa photographie, au lieu de celle de sa sœur, présentée comme une terroriste ayant trouvé la mort au cours d’une opération de police menée à la suite des attentats du 13 novembre 2015, la demanderesse, invoquant l’atteinte portée à son droit à l’image, assigna plusieurs organes de presse aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice, ainsi que la suppression de la photographie litigieuse sur les sites en cause. Cependant, par arrêt infirmatif en date du 31 janvier 2018, la cour d’appel de Paris décida de requalifier cette action en action fondée sur une diffamation, estimant que la diffusion de l’image de la demanderesse dans de telles conditions était constitutive d’une diffamation à son égard. Elle déclara en outre l’action prescrite en vertu de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dès lors que plus de trois mois s’étaient écoulés entre la publication et l’action intentée.
Dans son pourvoi, la demanderesse invoquait une violation de l’article 9 du code civil par refus d’application et de l’article 29 de la loi sur la presse par fausse application. Celui-ci est accueilli favorablement par la première chambre civile qui casse et annule, au visa de ces deux textes, l’arrêt d’appel. Pour ce faire, la haute juridiction commence par rappeler que « la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation ». Elle estime alors que la cour d’appel, qui a retenu que les circonstances – l’erreur grossière commise – n’ôtaient rien au fait que la photographie litigieuse et sa légende imputaient à la personne représentée un comportement criminel attentatoire à son honneur et à sa considération, a violé les dispositions susvisées dès lors que le texte accompagnant la photographie imputait des agissements criminels non pas à la demanderesse mais exclusivement à sa sœur. C’est donc à bon droit que la demanderesse s’est fondée sur l’article 9 du code civil pour demander réparation de l’atteinte portée au droit dont elle dispose sur son image du fait de la publication, par erreur, de sa photographie au lieu de celle de sa sœur.
L’article 29, alinéa 1er, de la loi sur la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou toute imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». La diffamation suppose ainsi la réunion de quatre éléments (une allégation ou une imputation ; un fait déterminé ; une atteinte à l’honneur ou à la considération ; une personne ou un corps identifié) auxquels s’ajoute la publicité (dont les moyens sont définis à l’art. 23 de la même loi). Par rapport aux faits de l’espèce, il ne fait aucun doute que présenter quelqu’un comme un terroriste kamikaze revient à imputer à cette personne un fait précis portant atteinte à son honneur ou à sa considération. Cependant, l’atteinte diffamatoire n’était ici pas personnelle à la demanderesse (sur l’office du juge en matière d’identification de la personne diffamée, v. Rép. pén., v° Diffamation, par S. Détraz, n° 112) : elle visait exclusivement sa sœur sans qu’aucune extension à sa propre personne ne soit même insinuée, et ce en dépit de l’utilisation faite par erreur de sa photographie en guise d’illustration.
La Cour de cassation peut parfois estimer que certains propos diffamatoires rejaillissent d’une personne sur une autre, soit dans l’hypothèse où l’imputation ne vise une personne que pour en atteindre une autre par ricochet (Crim. 24 oct. 1967, n° 66-93.296, Bull. crim. n° 264 ; Civ. 2e, 15 mars 2001, n° 99-15.165, Bull. civ. II, n° 57 ; D. 2001. 1517, et les obs. ), soit lorsque les deux personnes sont effectivement visées, l’une directement, l’autre indirectement (Crim. 29 nov. 2016, n° 15-87.641, Dalloz jurisprudence). Dans la seconde hypothèse, la haute juridiction formule la règle de manière négative (S. Détraz, art. préc. n° 109 ; v. déjà Civ. 2e, 11 févr. 1999, n° 97-10.465, Bull. civ. II, n° 25 ; D. 1999. 62 ; Crim. 23 nov. 2010, n° 09-87.527, Dalloz jurisprudence), en énonçant, comme elle le fait dans le présent arrêt, que « la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation ». Faute d’une telle extension, les dispositions de la loi sur la presse ne pouvaient donc fonder l’action en réparation, et c’est bien le « droit commun » de l’article 9 du code civil qui trouvait à s’appliquer s’agissant d’une atteinte au droit à l’image, composante du droit au respect de la vie privée.
« À chacun son métier ! »
Les relations entre magistrats, policiers et gendarmes sont complexes. Chacun dépend de l’autre, et si policiers et gendarmes relèvent de l’intérieur, ils travaillent sous le contrôle des magistrats. L’un des points sensibles est la question des effectifs : les magistrats ont parfois des difficultés pour obtenir suffisamment d’agents et officiers sur leurs dossiers. Pour l’allocation de ces moyens, Frédéric Veaux, le directeur de la police nationale insiste : « les échanges sont constants, permanents entre la police nationale – la police judiciaire en particulier – et les différentes strates de la magistrature, de la DACG jusqu’aux plus petits parquets. »
Et d’insister sur ce dialogue qui se noue entre magistrats et policiers : « Je peux témoigner que je n’ai jamais reçu d’instruction pour étouffer ou ralentir une enquête. Certains continuent pourtant de proposer le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice. Ce n’est pas une bonne idée selon moi. À chacun son métier ! » Le général Christian Rodriguez poursuit : « Depuis que je suis entré en gendarmerie, j’entends dire qu’il serait bien que la police judiciaire soit dans les mains du ministère de la justice. Si demain on me dit : vos sections de recherche dépendent désormais des magistrats, cela signifierait que les affaires judiciaires du haut du spectre ne me concernent plus. Quand les magistrats souhaiteront alors avoir davantage de moyens, vers qui se tourneront-ils ? La gendarmerie a tellement de sujet à traiter, qu’alors les magistrats devront prendre leur ticket et attendre leur tour ».
Quels remontées d’information à l’intérieur ?
Une autre question occupe les députés depuis le début de leurs travaux : les remontées d’information. Connues et encadrées au sein du ministère de la justice, leur circuit reste obscur à l’intérieur.
Pour le DGGN, « sur le secret de l’enquête et de l’instruction, les choses sont clairement écrites à l’article 11 du code de procédure pénale. Tant dans l’esprit que dans la lettre, l’idée est de n’informer une autorité qui n’a pas à connaître de l’enquête judiciaire que s’il y a un risque de trouble à l’ordre public ou si quelque chose risque de rejaillir sur son périmètre. C’est vrai pour les préfets, pour le ministre ou le DGGN. Il y a un certain nombre d’affaires où l’on sait que, derrière, il y aura un sujet d’ordre public à traiter ou un sujet à réguler. Chacun s’astreint à mettre le curseur au bon endroit pour ne pas dévoiler des choses qu’il ne devrait pas dévoiler. […] Concrètement, on travaille sur des fiches, qui me remontent et avec lesquelles je peux discuter avec le cabinet du ministre dans l’esprit de l’article 11 du code de procédure pénale. Sur le plan national, on doit avoir trois ou quatre fiches par jour ».
Il insiste sur ce point : ces fiches sont factuelles, et ne sont prospectives que si elles peuvent avoir un impact sur l’ordre public. « Je ne fais remonter au ministre que des choses qui peuvent avoir un impact à son niveau. » Mais le nom des personnes à interpeller n’y figurera pas.
Pour son homologue de la police nationale, « il peut nous arriver de devoir confirmer ou non la réalité d’informations diffusées sur la presse ou les réseaux sociaux ». « Au-delà, il n’y a pas de volonté de connaître ce qui se passe dans les enquêtes, sauf quand cela concerne directement la police nationale. J’ai le souvenir d’un jeune homme qui s’est tué à moto à Argenteuil. C’est important pour tout le monde de savoir les conditions dans lesquelles il s’est tué, savoir ce que cela pourrait avoir comme conséquence en termes d’ordre public ou de discipline en interne. » Mais il insiste : « En trente années de police judiciaire, je n’ai jamais reçu aucune instruction ni subi aucune pression pour faire évoluer d’une manière différente le déroulement de l’enquête qui m’avait été confiée. »
Dans un arrêt du 5 juin 2020, le Conseil d’État précise la notion de covisibilité caractérisant les immeubles protégés au titre des abords des monuments historiques.
Le 13 décembre 2017, une partie relève appel d’un jugement du tribunal de grande instance dans une affaire l’opposant au directeur général des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris. Un nouvel avocat se constitue en lieu et place de celui de l’appelant et l’avocat de l’intimé informe le greffe et le premier avocat de sa constitution. Le conseiller de la mise en état déclare caduc l’acte d’appel faute de notification des conclusions de l’appelant à l’intimé dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile. Sur déféré, la cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance dès lors que les conclusions déposées via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) n’avaient pas été notifiées, dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, à l’avocat de l’intimé, régulièrement et préalablement constitué, mais signifiées à l’intimé par exploit d’huissier dans le mois suivant la remise des conclusions.
Saisie du pourvoi de l’appelant, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt au visa des articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile et rappelle que « l’appelant qui n’a pas reçu de notification de la constitution d’un avocat par l’intimé, dans les conditions prévues par le dernier de ces textes, satisfait à l’obligation de notification de ses conclusions à l’intimé, prévue par les deux premiers textes, en lui signifiant ses conclusions dans le délai d’un mois, courant à compter de l’expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe » et qu’« en statuant ainsi, sans constater la notification par l’intimé de son acte de constitution à l’avocat alors constitué par l’appelant, préalablement à la signification par ce dernier de ses conclusions à l’intimé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Afin de...
La Cour de cassation dit n’y avoir lieu de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 319 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1972.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu, le 14 mai 2020, une décision qui mérite de retenir l’attention, même si sa rédaction est très élliptique du point de vue des faits et du contexte juridique.
1° Les termes de l’affaire
Une personne de nationalité étrangère a, il y a plus de vingt ans, tenté d’obtenir la nationalité française en se prévalant du fait que sa mère était française. À l’époque, l’article 18 du code civil disposait en effet qu’était « français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français ». Pour être complet, notons que dans sa rédaction actuelle, l’article 18 se borne à énoncer qu’« est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français » et qu’il ne fait évidemment plus référence à la distinction des filiations légitime et naturelle qui a été supprimée par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
Une décision, prononcée en 2002, a alors constaté l’extranéité de cette personne, au motif que le lien de filiation avec sa mère avait été établi postérieurement à sa majorité. Il est en effet de principe que « la filiation de l’enfant n’a d’effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité » (C. civ., art. 20-1).
En 2018, les enfants mineurs de cette personne ont formé une tierce opposition, qui a été rejetée. À l’occasion d’un pourvoi, il a été demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 319 du code civil qui,...
Après neuf mois de travaux, les 150 citoyens tirés au sort pour la Convention citoyenne pour le climat ont remis leurs travaux. Ils préconisent l’adoption de 150 propositions, dont deux seraient soumises à référendum : le renforcement de la place de l’environnement dans la Constitution et la création d’un crime d’écocide. Le droit comme levier d’action pour sauver la planète.
Un décret du 20 juin 2020 élargit, au titre des pertes du mois de mai, le dispositif du fonds de solidarité à certains secteurs économiques particulièrement touchés par la crise, tels que le tourisme, l’événementiel, le sport et la culture.
Un décret du 20 juin 2020 élargit, au titre des pertes du mois de mai, le dispositif du fonds de solidarité à certains secteurs économiques particulièrement touchés par la crise, tels que le tourisme, l’événementiel, le sport et la culture.
L’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 vise notamment à faciliter l’accès des entreprises en redressement judiciaire aux contrats de la commande publique.
L’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 vise notamment à faciliter l’accès des entreprises en redressement judiciaire aux contrats de la commande publique.
Une partie relève appel d’une décision d’un tribunal des affaires de sécurité sociale statuant sur une contrainte émise à son encontre par la caisse du régime social des indépendants, devenue caisse locale déléguée à la sécurité sociale des indépendants de Bourgogne-Franche-Comté. L’appelant mentionne sur l’acte d’appel « appel-nullité » puis, lors de l’audience, sollicite de la cour l’annulation de la contrainte pour les mêmes motifs invoqués devant le tribunal. La cour d’appel de Dijon le déboute de sa demande d’annulation et dit que le jugement produira tous ses effets dès lors que l’appelant avait fait le choix de ne poursuivre que l’annulation du jugement par la voie de son appel et ne pouvait donc plus, ultérieurement, en solliciter la réformation en l’absence d’appel incident. Une telle motivation ne pouvait résister au pourvoi et la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt en renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Besançon en relevant, au visa des articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l’article 549 du même code, qu’« En statuant ainsi, alors qu’elle était saisie d’un appel tendant à l’annulation du jugement, ce dont il résultait qu’en réitérant les moyens qu’il avait soumis au premier juge l’appelant ne formait pas un appel incident, la cour d’appel, qui n’a pas statué sur le fond, a violé les textes susvisés ».
En cette affaire de sécurité sociale, donc sans représentation obligatoire par avocat devant la cour, on dira que l’appelant avait payé tribut à l’ignorance des règles de procédure en utilisant – ce que les moyens du pourvoi enseignent – un formulaire type d’une association mentionnant qu’il formait appel-nullité dès lors...
Encourt la cassation l’arrêt qui juge que l’appelant qui a fait le choix de ne poursuivre que l’annulation du jugement ne peut étendre ultérieurement son appel à une demande de réformation dès lors qu’il avait réitéré les moyens qu’il avait soumis au premier juge.
L’applicabilité du droit de la consommation est conditionnée à la présence d’une relation entre un professionnel et un consommateur, et parfois un non-professionnel, au sens de l’article liminaire du code de la consommation. Encore faut-il que l’opération considérée ne soit pas réalisée à des fins professionnelles. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 mai 2020 met en lumière l’importance de ce critère finaliste en matière de crédit. En l’espèce, par acte authentique du 8 septembre 2000, une banque a consenti un prêt professionnel à un couple d’emprunteurs. Par la suite, suivant actes authentiques des 25 août et 2 octobre 2003, la banque leur a consenti une ouverture de crédit par découvert en compte. Se prévalant d’une créance au titre de ces actes, la banque a engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme M. Cette dernière a soulevé la prescription de la demande en application de l’ancien article L. 137-2 du code de la consommation (la forclusion biennale de l’article R. 312-35 ne devait pas s’appliquer car elle concerne les seules actions en paiement). La cour d’appel de Dijon, dans un arrêt du 8 janvier 2019, a déclaré la demande de la banque prescrite, après avoir constaté que les actes litigieux avaient été conclus pour les besoins de l’activité professionnelle de M. M., viticulteur, et que Mme M. était étrangère à cette activité. Les juges du fond ont donc retenu que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l’article L. 137-2 du code de la consommation.
Ce raisonnement n’a pas trouvé grâce aux yeux de la Cour régulatrice, qui censure l’arrêt au visa de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation : elle rappelle tout d’abord qu’« Aux termes de ce texte, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s’applique pas aux actions fondées...
La prescription biennale du code de la consommation ne s’applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d’une activité professionnelle.
La prescription biennale du code de la consommation ne s’applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d’une activité professionnelle.
Six mois après la publication du rapport d’évaluation par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements et des services répressifs qui a invité la France à fournir davantage d’efforts en la matière1, et à l’approche de la réévaluation du dispositif français par l’OCDE, la Chancellerie a diffusé le 2 juin 2020 une circulaire de politique générale de lutte contre la corruption internationale.
Quatre ans après le vote de la loi du 13 avril 2016 visant à lutter contre le système prostitutionnel, un bilan fait par les inspections a discrètement été mis en ligne lundi soir. Un rapport sévère sur l’action du gouvernement depuis quatre ans. Parmi les failles, les résultats mitigés de la pénalisation du client, le soutien aléatoire aux personnes prostituées et la progression préoccupante de la prostitution des mineurs dans l’indifférence gouvernementale.
Le Conseil d’État reconnaît la possibilité pour un ressortissant étranger de présenter un référé mesures utiles en cas d’impossibilité de prendre le rendez-vous nécessaire au dépôt de sa demande de titre de séjour.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, cette exigence devant s’apprécier objectivement. La récusation d’un juge est admise s’il a précédemment connu de l’affaire.
En dehors des cas spécialement prévus par la loi, la dénonciation, auprès de l’autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n’en va autrement que si l’auteur avait connaissance de l’inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse étant alors caractérisé.
La chambre commerciale fait application de principes énoncés par la Cour de justice de l’Union européenne le 4 décembre 2019 dans une affaire où un syndic désigné dans une procédure collective ouverte en Angleterre agissait en France pour obtenir l’inopposabilité d’une vente d’immeubles et d’hypothèques.
La chambre commerciale fait application de principes énoncés par la Cour de justice de l’Union européenne le 4 décembre 2019 dans une affaire où un syndic désigné dans une procédure collective ouverte en Angleterre agissait en France pour obtenir l’inopposabilité d’une vente d’immeubles et d’hypothèques.
Lorsque le délai d’un mois pour former une contestation relative à une saisie-attribution expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
La saisie-attribution est une mesure d’exécution forcée très utilisée qui permet à tout créancier, souhaitant obtenir le paiement de sa créance liquide et exigible constatée dans un titre exécutoire, de saisir entre les mains d’un tiers – le plus souvent, une banque – les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent (C. pr. exéc., art. L. 211-1). Elle débute avec la signification de l’acte de saisie, au tiers saisi, par un huissier de justice (C. pr. exéc., art. R. 211-1). En plus d’interrompre la prescription extinctive de la créance sur laquelle porte la saisie (C. pr. exéc., art. L. 141-2, al. 3), cet acte produit un « effet attributif immédiat » au jour de la saisie, ce qui confère à la procédure de saisie-attribution une grande efficacité (C. pr. exéc., art. L. 211-2).
Afin de préserver un certain équilibre...
La CNIL ne pouvait pas, dans un instrument de droit souple, interdire, de façon générale et absolue, les dispositifs qui empêchent ceux qui refusent les cookies d’accéder à un site internet.
La déchéance du droit aux intérêts est la sanction de droit commun en matière de crédit, tout particulièrement en ce qui concerne le taux effectif global (TEG), du moins en présence d’une erreur supérieure à la décimale (v. par ex. Civ. 1re, 5 févr. 2020, n° 19-11.939, Dalloz actualité, 21 févr. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 279 ; RDI 2020. 298, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 145, obs. J. Lasserre Capdeville ) et d’un préjudice causé à l’emprunteur (v. par ex. Civ. 1re, 12 oct. 2016, n° 15-25.034, Dalloz actualité, 1er nov. 2016, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2016. 2165, obs. V. Avena-Robardet ; AJDI 2017. 126 , obs. J. Moreau, O. Poindron et B. Wertenschlag ; RDI 2017. 32, obs. H. Heugas-Darraspen ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier ). Les deux arrêts rendus par la première chambre civile le 12 juin 2020 le rappellent utilement. Les faits étaient similaires : dans les deux espèces, une banque avait consenti des prêts immobiliers à un couple d’emprunteurs. Invoquant le caractère erroné des TEG mentionnés dans l’offre acceptée, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus. Ces demandes furent rejetées par les juges du fond, ce qui motiva un pourvoi en cassation. Mais la Cour de cassation rejeta celui-ci en rappelant tout d’abord qu’« il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l’inexactitude du TEG mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge » (pt 4). Elle considère ensuite qu’« après avoir relevé que les erreurs invoquées susceptibles d’affecter le TEG figuraient dans l’offre de prêt immobilier […], la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la seule sanction encourue était la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur et que les demandes des emprunteurs en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus devaient être rejetées » (pt 5).
La solution est parfaitement justifiée, les anciens articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation (respectivement devenus les articles L. 313-25 et L. 341-34) prévoient effectivement que l’offre doit mentionner « la nature, l’objet, les modalités du prêt », ce qui implique naturellement...
L’inexactitude du taux effectif global (TEG) mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.
L’inexactitude du taux effectif global (TEG) mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.
L’Autorité polynésienne de la concurrence aura alimenté les chroniques judiciaires à la suite de la découverte d’une attestation remise par le président de cette autorité à un ancien cadre dirigeant d’un groupe de distribution (groupe Wane) pour son dossier prud’homal contre son ancien employeur, alors qu’une affaire d’abus de position dominante contre cette même entreprise était en cours d’instruction à l’APC.
Le président de l’APC a refusé de donner suite à la demande de récusation formée légitimement par l’entreprise. Saisie d’un recours, la cour d’appel de Paris a, tout en adoptant une motivation très réservée sur le manque d’impartialité du président, qui pouvait être interprétée comme un rappel à l’ordre sévère, considéré qu’en l’absence de texte national ou local relatif à cette autorité administrative, le recours en récusation était irrecevable, dès lors que l’APC n’est pas une juridiction (Paris, ord., ch. 1-7, 1er mars 2019, n° 19/02396, L’actu-Concurrence 75/2019, obs. A. Ronzano).
Le président de l’APC, en dépit de cette incitation, a refusé de se mettre en retrait et a participé à la formation conduisant au fond à la condamnation de l’entreprise entraînant des commentaires critiques de la décision (APC, 22 août 2019, n° 2019-PAC-01, Dalloz actualité, 3 oct. 2019, obs. L. Donnedieu de Vabres-Tranié et F. Veverle ; Concurrences n° 4-2019, art. n° 92404, p. 198-201, obs. J.-L. Fourgoux et art. n° 92578, obs. N. Ereséo).
Pendant l’examen du pourvoi par la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris, saisie d’un sursis à exécution, a fait droit à la demande de l’entreprise condamnée par ordonnance du 16 octobre 2019 avec une motivation sans complaisance sur l’implication du président de l’APC : « des éléments précis permettent d’émettre des doutes sur la pleine impartialité du président de l’APC, qu’il est constant qu’il s’est exprimé publiquement et dans les médias et à plusieurs reprises sur la situation du groupe Wane au cours de l’instruction par l’APC en tenant des propos dépourvus de neutralité, qu’il n’est pas contesté qu’il a fourni une attestation écrite dans le cadre d’un litige prud’homal en faveur d’un cadre qui s’opposait au groupe Wane, qu’il a refusé de se déporter lors de l’audience de plaidoirie devant l’APC du 16 juillet 2019, malgré les recommandations du commissaire du gouvernement et la demande du conseil du groupe Wane, qu’une procédure concernant une requête en suspicion légitime le concernant est toujours en cours » (Paris, ord., ch. 5-15, 16 oct. 2019, n° 19/15773, Dalloz actualité, 6 nov. 2019, obs. F. Venayre ; L’actu-Concurrence 114/2019, obs. A. Ronzano).
L’acharnement du président à conserver sous son contrôle un dossier relatif à une entreprise contre laquelle il a manifesté une hostilité et accepté de remettre une attestation laisse songeur et soulève des interrogations. Cette attitude pourrait traduire une incapacité à comprendre le grief qui lui est fait ou trahir un sentiment de toute puissance l’autorisant à matraquer ce qu’il considère comme un adversaire. Dans tous las cas, cette attitude n’est certainement pas le comportement d’un juge impartial. Cette obstination est malheureusement de nature à ruiner les efforts pour que le droit de la concurrence soit compris, accepté et appliqué sur tous les territoires. Pourtant, comme le rappelle Mme Fricéro en matière de suspicion, le contentieux est somme toute assez peu fourni car « le juge peut également éviter qu’une décision soit prise sur l’incident de récusation en s’abstenant de siéger », l’abstention offrant une garantie déontologique (N. Fricéro, Récusation et abstention des juges : analyse comparative de l’exigence commune d’impartialité, NCCC n° 40, Dossier, Le Conseil constitutionnel : trois ans de QPC, juin 2013).
La censure, prononcée par la Cour de cassation au visa de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, est claire et concise. Elle ouvre la porte au contrôle de l’impartialité des membres de l’APC mais elle va bien au-delà du comportement « folklorique » du président de l’APC et marque une avancée dans le respect des droits de la défense devant les autorités administratives.
Le principe d’impartialité impose de pouvoir demander la récusation les membres de l’APC
L’attendu de principe est exempt de tout doute : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation portée contre elle en matière pénale, matière à laquelle sont assimilées les poursuites en vue de sanctions ayant le caractère d’une punition ». Pour la Cour de cassation, lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction, l’APC est une juridiction au sens des articles 6, § 1er, de la Convention européenne et L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire (dont le premier alinéa dispose qu’« en matière civile, le renvoi à une autre juridiction de même nature et de même degré peut être ordonné pour cause de suspicion légitime, de sûreté publique ou s’il existe des causes de récusation contre plusieurs juge »), de sorte que, « même en l’absence de disposition spécifique, toute personne poursuivie devant elle doit pouvoir demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant la juridiction ayant à connaître des recours de cette autorité ».
Si la requête en récusation contre le président est recevable et sera examinée par la cour d’appel de Paris sur renvoi, cela signifie que tous les membres de la formation de jugement sont soumis au même contrôle protecteur et, à notre sens, également les services de l’instruction qui décident des investigations nécessaires pour conduire soit à un non-lieu soit à un renvoi devant la formation de jugement.
Une avancée pour le respect des droits de la défense devant toutes les autorités administratives indépendantes qui disposent de pouvoir de sanction
La formulation générale adoptée par la Cour de cassation renouvelle une jurisprudence désormais bien connue rappelant que les autorités administratives indépendantes (AAI) qui prononcent des sanctions, fussent-elles économiques, doivent se conformer à l’article 6, § 1er, de la Convention européenne. C’est sur la base de ces textes que la participation du rapporteur, qui a procédé aux investigations, et du rapporteur général, sous l’autorité duquel l’instruction a été menée, au délibéré de l’ancien Conseil de la concurrence même sans voix délibérative, a été jugée contraire au principe du droit au procès équitable par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 octobre 1999 (Com. 5 oct. 1999, n° 97-15.617, Bull. civ. IV, n° 158 ; D. 1999. 44 , obs. A. M. ; ibid. 2000. 9, obs. M.-L. Niboyet ; RTD civ. 2000. 618, obs. J. Normand ; RTD com. 2000. 249, obs. S. Poillot-Peruzzetto ; ibid. 632, obs. E. Claudel ). Pourtant l’arrêt concernant l’APC n’élève aucune limite sur les AAI concernées et écarte sans hésitation le fait qu’au regard des dispositions organiques, elles ne constituent pas des juridictions.
Néanmoins, certains regrettent encore l’exigence d’une justice équitable au sens de l’article 6, § 1er, notamment sur la question de l’indépendance entre l’instruction et la phase de jugement. Certes, une telle protection rend plus délicate la gestion des dossiers dans lesquels des échanges pourraient faciliter les négociations avec les entreprises (transaction, engagements). La nouvelle exigence d’impartialité ne pourra pas choquer les commentateurs tant l’indépendance et la neutralité des membres d’une autorité semblent indispensables. C’est donc sur la constitution des collèges et des services d’instruction qu’il importera de veiller à la préservation de l’impartialité et que la prévention des conflits d’intérêts soit rigoureusement vérifiée.
La Cour de cassation déclare qu’en cas de doute sur l’impartialité d’un membre d’une autorité administrative qui prononce une sanction, une requête en récusation est toujours possible devant la juridiction de recours, même en l’absence de disposition légale spécifique. Elle juge de ce fait que la requête en suspicion légitime contre le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) est recevable devant la cour d’appel de Paris.
La Cour de cassation déclare qu’en cas de doute sur l’impartialité d’un membre d’une autorité administrative qui prononce une sanction, une requête en récusation est toujours possible devant la juridiction de recours, même en l’absence de disposition légale spécifique. Elle juge de ce fait que la requête en suspicion légitime contre le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) est recevable devant la cour d’appel de Paris.
L’arrêté du 3 juin 2020 fixant pour une année les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés applicables sur le territoire de la Ville de Paris est paru au Recueil des actes administratifs spécial du 4 juin 2020.
Le recours contre un permis modificatif suspend le délai de validité du permis initial jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle irrévocable.
Le recours contre un permis modificatif suspend le délai de validité du permis initial jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle irrévocable.
L’Assemblée nationale a adopté, le 24 juin, une proposition de loi créant la fonction de directeur d’école. À l’heure actuelle, ceux-ci ne constituent pas un corps, contrairement à leurs homologues du secondaire, et ne disposent pas de pouvoir de décision. Ce sont simplement des professeurs des écoles qui ont une charge de travail supplémentaire et fort peu de reconnaissance.
En plaçant en rétention administrative avant de les éloigner vers les Comores deux enfants entrés illégalement à Mayotte, la France a commis de multiples violations de la Convention européenne des droits de l’homme.
En plaçant en rétention administrative avant de les éloigner vers les Comores deux enfants entrés illégalement à Mayotte, la France a commis de multiples violations de la Convention européenne des droits de l’homme.
La décision qui ordonne la prorogation des effets du commandement valant saisie immobilière ne tranche pas une partie du principal ni ne met fin à l’instance relative à la procédure de saisie immobilière et le juge ne commet pas un excès de pouvoir alors même que le commandement aurait été indûment prorogé par une décision antérieure, lorsqu’aucune partie ne s’était alors prévalu de sa péremption.
Cet arrêt sera logiquement publié au Bulletin car il cristallise à lui seul les suggestions de modifications législatives ou règlementaires sollicitées par la Cour de cassation à propos de la saisie immobilière dans ses deux derniers rapports publiés en 2017 (p. 61-62) et 2018 (p. 52-55).
Dans ses rapports, la Cour de cassation insiste sur la nécessité de modifier la durée de validité du commandement en proposant de l’allonger de deux à cinq ans et préconise une rationalisation des recours intermédiaires (ce qu’elle préconisait déjà dans ses rapports de 2014, 2015 et 2016, sans être entendue par la Chancellerie).
Cette surdité est d’autant moins compréhensible que, sur demande de la Chancellerie, le Conseil national des barreaux a adressé, en avril 2018, un projet détaillé contenant des propositions de réforme de la procédure de saisie immobilière dans le souci de la moderniser et de décharger d’un grande nombre de taches inutiles, le juge de l’exécution et le greffe (suppression de la notification de certaines décisions par LRAR, allongement du délai de validité du commandement de deux à cinq ans ce qui éviterait les saisines du juge tous les dix-huit mois, prorogation ou radiation par voie de simple ordonnance sur requête, réduction du nombre d’audiences en matière de vente amiable sur autorisation judiciaire avec un délai unique de sept mois et la possibilité de saisine le juge à tout moment par voie de simple requête pour faire constater la conformité de la vente ou son échec, et tant d’autres avancées).
Là encore, c’est comme le film de Sergio Corbucci, Il grande silenzio.
Mais revenons à la réalité et à la décision commentée qui illustre, s’il en était besoin, la nécessité d’entendre les suggestions communes de la Cour de cassation et du Conseil national des barreaux.
Une procédure de saisie immobilière est mise en œuvre et le commandement est publié le 18 novembre 2013.
Ici, il faut rappeler que le commandement de payer valant saisie cesse de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi (C. pr. exéc., art. R. 322-20) ou une décision de justice ordonnant la prorogation des effets du commandement (C. pr. exéc., art. R. 322-21).
Par jugement d’orientation du 4 avril 2012, la vente forcée est fixée au 5 juillet 2012.
Cette décision ayant réduit la créance du poursuivant, celui-ci en interjette appel et sollicite le report de la vente sur le fondement de l’article article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution et sa demande est accueillie favorablement par un jugement du 17 janvier 2013.
Étrangement, alors que le dernier alinéa de cet article est pourtant très limpide puisqu’il dispose que les décisions du...
La décision qui ordonne la prorogation des effets du commandement valant saisie immobilière ne tranche pas une partie du principal ni ne met fin à l’instance relative à la procédure de saisie immobilière et le juge ne commet pas un excès de pouvoir alors même que le commandement aurait été indûment prorogé par une décision antérieure, lorsqu’aucune partie ne s’était alors prévalu de sa péremption.
L’organisation de la reprise de la vie judiciaire, bien qu’orchestrée par la Chancellerie, repose essentiellement sur les chefs de juridictions. En bonne intelligence avec les barreaux de leur ressort, dans le respect des règles sanitaires, des plans de reprise de l’activité ont été établis, qui doivent progressivement, depuis le 11 mai, indiquer la marche à suivre pour tendre vers un fonctionnement normal. Dans les faits, à Lyon : « La reprise est très difficile, il n’y a pas de coordination générale, tout se fait chambre par chambre, en collaboration avec l’ordre », témoigne Serge Deygas, bâtonnier de Lyon. Le confinement, qui a succédé à la grève des avocats contre la réforme du régime des retraites, a donné au retard accumulé dans le traitement des affaires une ampleur inédite. « Nous avons 28 000 dossiers en stock, dont 16 000 au pôle social. Au pôle immobilier, la situation est apocalyptique : des affaires déjà mises en état sont fixées pour plaidoiries en 2022 », s’alarme Serge Deygas. C’est la conséquence logique, dit le bâtonnier, de l’arrêt de l’activité pendant le confinement. « Au tribunal judiciaire de Lyon, les affaires ont été supprimées sans préavis. Sur les 450 personnels de greffe, 10 % à peine ont pu travailler, faute de moyens de le faire depuis leur domicile, ce qui a révélé une faille technologique importante », comme l’admettait Nicole Belloubet (qui évoquait une « dette technologique importante » devant la commission des lois du Sénat, le 9 avril dernier).
Le retard accumulé a conduit les juridictions à faire certains choix, dont celui du dépôt de dossier sans plaidoirie, que le bâtonnier de Lyon prend avec précaution. « Nous sommes hostiles au principe consistant à ne pas plaider nos dossiers. Mais dans la mesure où ce n’est pas obligatoire et qu’il faut remédier à la situation d’urgence, il faut l’accepter, mais nous ne voulons pas que cela se pérennise, car l’oralité est essentielle dans notre système de justice. Et on a un peu peur que cela se pérennise », admet-il.
En matière civile, les avocats peuvent désormais, pour que leur affaire soit prise rapidement, décider d’accepter de déposer des conclusions écrites et renoncer à plaider. Si l’une des parties refuse, l’affaire est renvoyée, et, au vu de la situation, les délais sont énormes. L’ancien bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, y voit une forme de chantage : « Ceux qui acceptaient de plaider ont eu un délibéré à trois semaines, les autres ont vu leur affaire renvoyer à 2022 », déplore-t-il.
À Paris, cette solution provisoire a occasionné des critiques, et même une tribune, signée par le bâtonnier et d’autres membres de conseil de l’ordre, contre le recours à ces audiences sans plaidoirie. Une manière de montrer la vigilance des avocats sur ce point car, dans les faits, le bâtonnier se veut « pragmatique ». « Si toutes les parties sont d’accord et si c’est dans l’intérêt du client, pourquoi pas ? Cela doit nous permettre de rattraper le retard, mais il ne faut pas que la situation soit prétexte à une généralisation de ce dispositif », rappelle-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, abonde : « Nous sommes attachés à la plaidoirie, le dépôt des dossiers ne peut pas être demain proposé comme modèle absolu. »
Stéphane Noël annonce qu’entre le 27 avril et le 24 juin, 2 850 dossiers ont ainsi été déposés devant le tribunal judiciaire de Paris. « Ce qui veut dire que les avocats ont compris l’intérêt de ce dispositif, et à partir du moment où une partie n’est pas d’accord, l’affaire est plaidée », rassure-t-il. Les audiences en présentiel ont repris dans presque toutes les chambres, parfois depuis le 11 mai et parfois, comme au pôle famille (15 juin) ou aux prud’hommes (22 juin), très récemment.
À Paris comme ailleurs, les personnels de greffe n’ont pas pu travailler de chez eux, et ils sont à 70 % aujourd’hui, dit Olivier Cousi (« la reprise est aujourd’hui quasi totale pour tous les personnels », dit, pour sa part, Stéphane Noël). Olivier Cousi pense que la reprise normale de toute l’activité se fera en septembre, avec les difficultés que posent les règles de distanciation physique dès lors que des salles petites doivent accueillir des parties nombreuses. C’est pour cela que Paris a décidé d’expérimenter les visioaudiences en matière civile mais, là encore, dit-il, outre les problèmes techniques rencontrés par le logiciel de l’administration, il faut préserver la « présence physique des parties lorsqu’elle s’avère essentielle ». Selon Stéphane Noël, les visioaudiences sont déjà en place dans plusieurs pôles (famille, procédures collectives, tutelles), et aux première et troisième chambres civiles.
Pendant le confinement, les magistrats civils ont rendu 6 000 décisions, qui « seront toutes formalisées et envoyées avant les vacations ». Au pénal, l’activité correctionnelle a repris à 92 %. Selon le plan du parquet, un tiers des procédures vont être classés sans suite, un tiers seront réorientées, et le dernier tiers seront audiencées, comme prévu initialement. « La délinquance ayant baissé pendant le confinement, cela permet de lisser les choses. Il rappelle que 500 procédures ont été clôturées, qu’il va désormais falloir audiencer.
C’est une partie délicate, car le respect des distances physiques va fortement réduire la capacité d’organisation de procès, ou même de réunions qui se déroulent en cabinet – chose impossible désormais. Mais la juridiction parisienne bénéficie d’un bâtiment immense pourvu de nombreuses salles. « Toutes les audiences de cabinet désormais se déroulent, si nécessaire, dans une salle d’audience. Avant nous avions de la marge, mais désormais, les quatre-vingt-dix salles sont occupées », précise le président du tribunal.
Des situations disparates
Ce n’est pas le cas à Bobigny, où seulement 70 % de l’activité a repris. Cinq audiences correctionnelles par jour au lieu de huit. Le bâtonnier Frédéric Gabet décrit une situation très difficile. « Cela ne se passe pas très bien. Des audiences sont annulées par centaine sur des motifs liés à la désorganisation de la juridiction, dans certains cas, on est au bord du déni de justice. Il y a une impression de désordre et de reprise erratique, en fonction des personnes et de l’absentéisme du service. » Sur le plan de reprise : « Il prévoyait une reprise des audiences correctionnelles le 25 mai, mais on sait que ça ne sera pas avant septembre. On doit s’arranger avec les greffières pour savoir à l’avance quelles audiences sont maintenues et lesquelles sont renvoyées ou annulées », témoigne-t-il. « C’est terrible comme situation. On va vers une reprise totale de l’activité en France, mais nous, on va couler. »
Le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, tempère : « La présentation catastrophiste se comprend, mais elle est excessive. » Au pénal, dit-il, des procédures sont classées sans suite et d’autres réorientées. Il explique le désordre décrit par le bâtonnier par le fait que les dossiers n’ayant pas suivi leur « cours normal, ils ne se trouvent pas là où ils devraient être, il faut donc réorganiser les audiences au dernier moment ». Il précise que son tribunal a pu faire face, pendant le confinement, à l’activité certes réduite mais pas inexistante, et que les trois cents demandes de mises en liberté déposées en dix jours (contre trois par jour en moyenne) ont pu être traitées (il précise en outre que quarante personnes ont été remises en libertés pour des motifs sanitaires ce qui, avec les libérations anticipées, « a permis de mettre fin à la surpopulation carcérale à la prison de Villepinte »). Renaud Le Breton de Vannoise déplore cette situation difficile, « d’autant qu’on était dans une dynamique de redressement considérable grâce à une augmentation progressive des magistrats et des greffiers. Aujourd’hui, ils sont 138 au siège, 55 au parquet et 400 greffiers.
Dans les juridictions de Rouen, tribunal judiciaire et cour d’appel, « nous avons la chance d’avoir des rapports extrêmement cordiaux », dit Arnaud Saint-Rémy, responsable pénal du conseil de l’ordre rouennais. Il détaille certaines initiatives de la juridiction : une nouvelle chambre a été ouverte pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), des audiences ont été ajoutées autant que possible. « On ne peut pas être pleinement satisfaits, car il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers, donc pas assez d’audiences. Des procédures anciennes ne sont pas traitées car pas jugées prioritaires. Mais je salue le travail considérable fait par nos juridictions, et l’abnégation des magistrats. Parfois, il y a des tensions, car nous sommes tous fatigués de cette situation », expose-t-il. Là-bas aussi, les délais d’audiencement sont parfois longs (2022 pour les audiences d’expulsion locative, au tribunal de proximité, par exemple). Le bâtonnier Guillaume Bestaux abonde, et salue l’initiative du conseil des prud’hommes, qui a organisé une visioconférence avec les avocats en droit social, pour une meilleure organisation des audiences. Lui aussi reste vigilant sur les dossiers sans plaidoiries : « Il ne faudrait pas que ça reste en place car, sur certains dossiers avec un enjeu important, on aimerait bien dire quelques mots. Et puis, l’échange avec les magistrats nous manque. »