Retour sur la responsabilité du banquier en matière de crédit affecté

Le crédit affecté, que le Code de la consommation qualifie également de crédit lié, est celui « servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique » (C. consom., art. L. 311-1, 11°). Dès lors, le crédit est intimement lié au contrat principal, l’anéantissement du second entraînant nécessairement celle du premier (C. consom., art. L. 312-55 : « En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur »). L’emprunteur est alors, en principe, obligé de restituer le capital au prêteur, excepté si ce dernier a commis une faute ayant entraîné un préjudice à l’égard de l’emprunteur (la faute de celui-ci pouvant toutefois conduire à un partage de responsabilité. V. par ex. Civ. 1re, 20 mai 2020, n° 18-23.529, Dalloz actualité, 16 juin 2020, obs J.-D. Pellier ; D. 2020. 1101 image ; RTD com. 2020. 701, obs. B. Bouloc image). Encore faut-il démontrer tous ces éléments, ce qui n’est pas toujours chose aisée, comme l’illustre un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 novembre 2020. En l’espèce, un couple d’emprunteurs a, le 9 juin 2012, après un démarchage à domicile, acquis une éolienne auprès d’une société, qui a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2012. Ils avaient souscrit, le jour de l’acquisition, auprès d’une banque, un prêt destiné à la financer. L’éolienne a été installée le 2 juillet 2012 et la...

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Retour sur la responsabilité du banquier en matière de crédit affecté

En matière de crédit affecté, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. Tel n’est pas le cas lorsque les emprunteurs ont reçu, sans émettre de réserves, une éolienne en bon état de fonctionnement et que la banque a débloqué les fonds à leur demande.

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Seconde déclaration d’appel élargissant l’intimation et instance nouvelle

Lorsque le litige est indivisible, la seconde déclaration d’appel, formée pour appeler à la cause une partie omise dans la première déclaration, ne crée pas une nouvelle instance.

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Seconde déclaration d’appel élargissant l’intimation et instance nouvelle

À la suite d’une légionellose contractée à l’occasion d’un séjour dans un établissement thermal, la victime a agi en responsabilité contre l’établissement exploitant les installations, la société d’économie mixte d’exploitation du thermalisme et du tourisme (SEMETT). Cette dernière a été condamnée à indemniser la victime, et à payer la créance de l’organisme de sécurité sociale, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.

La société a fait un premier appel, n’intimant que la victime. Puis, une quinzaine de jours plus tard, elle forme une seconde déclaration d’appel pour intimer l’organisme de sécurité sociale.

Dans le cadre de son pourvoi, la société condamnée invoquait des conclusions déposées le même jour, dans le cadre de la seconde instance, et dont la cour d’appel n’aurait pas tenu compte.

Le pourvoi est rejeté au motif qu’en cas d’indivisibilité du litige, permettant à la partie d’appeler les parties omises dans le premier acte d’appel, la seconde déclaration d’appel ne crée pas une instance unique, de sorte que la cour avait bien statué au regard des dernières conclusions de l’appelant.

L’indivisibilité du litige

Un mot doit être dit sur cette indivisibilité du litige, qui permet d’élargir une intimation posée par une première déclaration d’appel.

Pour la Cour de cassation, l’indivisibilité se caractérise par « l’impossibilité d’exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties » (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-10.126 P). Mais l’imbrication des obligations entre les parties ne suffit pas à créer l’indivisibilité (Civ. 2e, 21 mars 2019, n° 18-10.269).

Certains litiges sont indivisibles par nature, comme en matière d’admission de créance, ce qui oblige à appeler à la cause, à peine d’irrecevabilité, les organes de la procédure collective (Civ. 2e, 10 janv. 2019, n° 17-27.060). De même, il a été jugé que la péremption est par nature indivisible (Civ. 2e, 3 janv. 1980 ; 28 oct. 1985 ; 11 juin 1997).

Cette indivisibilité a des conséquences sur le plan procédural.

Ainsi, comme le prévoit l’article 529, « Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles. ». Une partie peut donc se prévaloir d’une signification faite par une autre partie pour soutenir que l’appel est tardif à son égard.
Par ailleurs, il est prévu à l’article 553 que « En cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance ».

L’indivisibilité oblige donc à ce que toutes les parties soient appelées en cause d’appel, à peine d’irrecevabilité, ce qui se comprend puisque cela pourrait aboutir à obtenir un jugement impossible à exécuter.

En l’espèce, la société avait omis, dans son premier acte d’appel, d’intimer l’organisme de sécurité sociale. Or, dans le cadre d’un litige d’indemnisation d’un préjudice corporel il existe une indivisibilité entre l’auteur, la victime et l’organisme social (par ex., Rennes, 5e ch., 8 nov. 2017, n° 16/09778 ; Orléans, ch. civ., 19 juin 2017, n° 15/04183 ; Chambéry, 30 oct. 2008, n° 08/00794 ; Douai, 3e ch., 1er mars 2018, n° 17/02640).

En conséquence l’appelant, auteur, devait intimer la victime, mais également l’organisme...

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Le Digital Service Act, un cadre européen pour la fourniture de services en ligne

Le 15 décembre 2020, la Commission européenne a présenté ses deux propositions de règlement visant à réguler le marché unique numérique : le Digital Service Act et le Digital Market Act. Ce premier vise à proposer un cadre harmonisé de règles pour les services en ligne, essentiellement en matière de modération des contenus illicites et transparence du service.

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Le Digital Market Act, un cadre européen pour la concurrence en ligne

Le 15 décembre 2020, la Commission européenne a présenté ses deux propositions de règlement visant à réguler le marché unique numérique : le Digital Service Act et le Digital Market Act. Ce second vise à proposer un cadre harmonisé de règles pesant sur certains géants du secteur du numérique en vue d’un marché plus juste.

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Le maire est incompétent pour interdire l’utilisation des pesticides

La police des produits phytosanitaires n’appartient qu’à l’État.

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ICC au 3[SUP]e[/SUP] trimestre 2020 : hausse 1,09 % sur un an

L’indice du coût de la construction (ICC) du troisième trimestre 2020, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 2020-329, 18 déc. 2020) s’élève à 1 765, soit une hausse de 1,09 % sur un an, de 5,69 % sur trois ans et de 8,68 % sur neuf ans.

Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

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L’action de groupe « discrimination » a déjà atteint ses limites

La première action de groupe en matière de discrimination essuie un premier revers devant le juge judiciaire, peu familier de la qualification et du régime probatoire propres aux discriminations. On perçoit avec cette décision que la communication autour des actions de groupe n’était que cela, de la communication… Elles ne dispensent en rien d’une action individuelle pour obtenir réparation de son préjudice.

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Covid-19, transport aérien et droit de la concurrence

Des agences de voyages ont saisi l’Autorité de la concurrence afin d’obtenir la condamnation de nombreuses compagnies aériennes pour s’être entendues pour ne plus rembourser les vols « secs » annulés en raison de la crise sanitaire de la covid-19. Leur demande est rejetée faute d’éléments probants.

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Devoir de vigilance : quel tribunal compétent ?

La mise en cause d’une entreprise pour manquement à son devoir de vigilance relève du tribunal de commerce.

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Apurement des comptes d’un marché à forfait : la Cour innove… et interroge

Une cour d’appel a exactement retenu que les demandes afférentes aux travaux modificatifs non autorisés ni régularisés devaient être écartées dès lors que les dispositions de l’article 1793 du code civil prévalent sur la norme NF P 03.001.

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Appelant incident : recevabilité de la partie dont l’affaire est radiée

Il importe peu que l’appelant incident, par ailleurs appelant principal, voie son affaire radiée pour non-exécution, l’intimé étant recevable à former appel incident sur l’appel principal recevable.

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Demande de modification d’une recommandation de la Haute Autorité de santé

Le juge administratif examine la légalité d’une recommandation de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé au regard des données acquises de la science à la date de sa décision et non à la date d’adoption de la recommandation contestée.

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Le confinement par décret du Premier ministre était légal

Le Conseil d’État confirme la légalité du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 par lequel le Premier ministre a organisé le premier confinement de la population pour faire face à l’émergence de la crise sanitaire, sans loi l’y habilitant expressément.

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Loyers commerciaux au 3[SUP]e[/SUP] trimestre 2020 : hausse de l’ILC et baisse de l’ILAT

Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).

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Clause base réclamation : résistance face à l’application de la loi du 1[SUP]er[/SUP] août 2003

Lorsque le sinistre, caractérisé par le fait dommageable en raison duquel la responsabilité de l’assuré est recherchée, est survenu avant l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 (le 3 novembre 2003), la garantie est déclenchée par le fait dommageable.

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Jeu de poker en ligne : compétence dans l’Union

En application du règlement Bruxelles I, une personne physique domiciliée dans un État membre qui, d’une part, a conclu avec une société établie dans un autre État membre un contrat pour jouer au poker sur internet et, d’autre part, n’a ni officiellement déclaré une telle activité ni offert cette activité à des tiers en tant que service payant ne perd pas la qualité de « consommateur », même si elle joue à ce jeu un grand nombre d’heures par jour, possède des connaissances étendues et perçoit des gains importants issus de ce jeu.

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Divorce : difficultés du partage des droits sociaux entre les parents

Le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles réservé quant à l’extension de la possibilité d’un partage des allocations familiales à l’ensemble des prestations familiales.

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Les permis de construire soumis à étude d’impact doivent prévoir les mesures « éviter, réduire et compenser » (ERC) destinées à assurer le respect du principe de prévention.

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Bail commercial : vers le plafonnement de l’indemnité d’éviction ?

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Licenciement d’un VRP : bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture à défaut de faute grave

Lorsqu’il est jugé que le licenciement d’un VRP, prononcé pour faute grave, repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l’indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l’expiration du contrat de travail.

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Hospitalisation sans consentement : contrôle du JLD des mesures d’isolement et de contention

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 vient apporter des solutions à l’abrogation annoncée de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique annoncée par la décision QPC n° 2020-844. Bref retour sur le rôle accru du juge des libertés et de la détention qui en résulte.

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Le recours au visio-audience encadré

Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté les requêtes du syndicat des avocats de France et du Conseil national des barreaux tendant notamment à la suspension de l’exécution de l’article 2 l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 qui permet la tenue d’une audience de façon dématérialisée. Selon eux, cette disposition méconnait le droit de comparaitre à une audience.

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Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances

Selon l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, quand l’action de l’assuré a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

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Résolution du contrat et responsabilité du fait des produits défectueux

Un vigneron fait l’acquisition d’un matériel agricole. Le lendemain de sa livraison, il est victime d’un accident corporel. Lui et sa société assignent le vendeur en responsabilité et en indemnisation sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil et demandent la résolution judiciaire du contrat de vente en faisant valoir un défaut de conformité du matériel.

La cour d’appel déboute le vigneron et sa société de leur demande formée sur le fondement du défaut de conformité. Elle indemnise toutefois, en partie, le vigneron sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

La société du vigneron forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Dans le troisième moyen de ce pourvoi, elle reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande d’indemnisation au titre de la perte d’exploitation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux. La société reproche ensuite à la cour d’appel, dans son quatrième moyen, d’avoir rejeté sa demande de fourniture d’une machine de remplacement. Dans les deux moyens, la cour d’appel avait jugé qu’il s’agissait de préjudices économiques consécutifs à l’atteinte à la machine qui n’étaient pas indemnisables sur le fondement des articles 1245 et suivants.

Dans le premier moyen, la société reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de résolution judiciaire de la vente au motif que « le défaut de conformité allégué, tenant à la sécurité du produit ne comporte aucun lien de causalité avec les dommages dont la société poursuit la réparation, en lien avec les avaries ».

L’arrêt met en avant deux difficultés liées au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. La première est relative à la prise en compte du préjudice économique portant sur un bien concerné par la défectuosité. La seconde est relative à la possibilité d’invoquer la résolution du contrat pour non-conformité en sus de la responsabilité du fait des produits défectueux alors que la non-conformité consiste dans le défaut de sécurité.

La Cour de cassation approuvera d’abord la cour d’appel d’avoir considéré que les articles 1245 et suivants du code civil ne s’appliquent pas à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte au produit défectueux lui-même et aux préjudices économiques en découlant. La perte d’exploitation et l’absence de fourniture de machines de remplacement étant imputables à la défectuosité du produit, elles ne pouvaient être considérées comme des préjudices réparables sur le fondement de cette responsabilité spéciale. Elle jugera ensuite que l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux ne pouvant s’appliquer, la question du cumul des deux actions ne se posait pas. Sur ce point, il sera possible de proposer une autre interprétation. La Cour de cassation aurait jugé que l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux n’empêche pas le demandeur de demander la résolution du contrat, induisant ainsi que la demande de résolution reposait sur un fondement différent de celui prévu aux articles 1245 et suivants du code civil.

Le champ d’application de la loi

La réparation du préjudice économique. Pour engager la responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit rapporter la preuve que trois conditions sont réunies. Il faut un produit défectueux, un dommage et un lien de causalité entre le produit défectueux et le dommage. L’article 1245-1 du code civil prévoit, en effet, que « les dispositions du présent chapitre s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne. / Elles s’appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ». Il faut ainsi comprendre que tous les dommages peuvent être réparés s’ils rentrent bien dans les conditions prévues par la directive 85/374/CEE. La France a fait le choix de rendre applicable la directive aux biens à usage professionnel quand la directive laissait aux États la possibilité de ne pas étendre à ces derniers le bénéfice du régime.

Il faut aussi, et surtout, comprendre à la lecture de l’article 1245-1 du code civil que le préjudice doit affecter un autre bien que le produit lui-même (une franchise de 500 € s’applique alors, comme édictée par le décret n° 2005-113 ; v. CJUE 5 mars 2015, aff. C-503/13 et C-504/13, D. 2015. 1247 image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon image ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout image ; RTD civ. 2015. 406, obs. P. Jourdain image ; JCP 2015. 543, note L. Grynbaum). Pourtant, la victime demandait, outre des dommages et intérêts pour réparer son préjudice corporel, une somme au titre des « préjudices économiques consécutifs à l’atteinte de la machine litigieuse », ainsi qu’au titre de l’absence de fourniture d’une machine de remplacement. Il s’agissait, dans ces derniers cas, de préjudices liés au produit défectueux lui-même et non à un autre bien. Le demandeur aurait sans doute obtenu satisfaction si le produit défectueux dont il avait fait l’acquisition avait explosé et avait brûlé la ferme dans laquelle il était entreposé. Ce n’était pas le cas et le fondement invoqué ne pouvait aboutir. La Cour de cassation a rendu une décision semblable à propos d’un skipper qui demandait réparation des dommages constitués par le coût des travaux de remise en état de son bateau ainsi que ses pertes de loyers et son préjudice de jouissance résultant de l’impossibilité de l’utiliser. Ce dernier ne démontrait pas que la défectuosité du produit consistait en un défaut de sécurité ayant causé un dommage à un bien autre que le produit défectueux lui-même (Civ. 1re, 14 oct. 2015, n° 14-13.847, Dalloz actualité, 16 nov. 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 2127 image ; RTD civ. 2016. 137, obs. P. Jourdain image).

Le cumul des deux fondements ?

La société ayant fait l’acquisition de la machine demandait réparation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux mais invoquait aussi la résolution du contrat de vente en arguant une non-conformité du produit. La cour d’appel rappelait que les régimes peuvent bien se cumuler mais à condition qu’ils reposent sur des fondements différents de celui tiré d’un défaut de sécurité du produit mis en cause (v. CJUE 25 avr. 2002, Gonzales Sanchez, aff. C-183/00, à propos de la faute et du vice caché constituant deux fondements distincts du défaut de sécurité, D. 2002. 2462 image, note C. Larroumet image ; ibid. 2458, chron. J. Calais-Auloy image ; ibid. 2937, obs. J.-P. Pizzio image ; ibid. 2003. 463, obs. D. Mazeaud image ; RTD civ. 2002. 523, obs. P. Jourdain image ; RTD com. 2002. 585, obs. M. Luby image ; JCP 2002. I. 177, note G. Viney ; RDC 2003. 107, obs. P. Brun ; Com. 26 mai 2010, n° 08-18.545, D. 2010. 1483 image ; RTD civ. 2010. 790, obs. P. Jourdain image ; RTD com. 2011. 166, obs. B. Bouloc image ; Civ. 1re, 10 déc. 2014, n° 13-14.314, Dalloz actualité, 6 janv. 2015, obs. A. Cayol ; D. 2015. 9 image ; RTD eur. 2015. 348-35, obs. N. Rias image ; 11 juill. 2018, n° 17-20.154, à propos du cumul avec la responsabilité du fait des choses, Dalloz actualité, 26 sept. 2016, obs. A. Hacene ; D. 2018. 1840 image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 2019. 38, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; AJ contrat 2018. 442, obs. C.-E. Bucher image ; RTD civ. 2019. 121, obs. P. Jourdain image). Cependant, pour la cour d’appel, les demandeurs prétextent un défaut de conformité alors qu’ils font plutôt état d’une défectuosité du produit. Pour elle, les fondements étaient donc les mêmes. Les juges du fond ajoutent que le défaut de conformité allégué tient à la sécurité du produit et ne comporte aucun lien de causalité avec les dommages dont les victimes demandent réparation.

Il est possible de proposer deux interprétations de cet arrêt. Dans la première, il ne serait pas question de cumul. La Cour de cassation ne ferait qu’expliquer que la question du cumul n’a pas de sens dans la mesure où la responsabilité du fait des produits défectueux ne trouve pas à s’appliquer. Dit autrement, après avoir jugé que la cour d’appel avait eu raison de refuser de réparer le préjudice résultant d’un dommage causé au produit défectueux lui-même, la Cour de cassation aurait cassé l’arrêt des juges du fond pour obliger la cour d’appel de renvoi à statuer sur la question de la résolution du contrat. À l’appui de cette interprétation, le point n° 13 de l’arrêt : « Cette action en résolution ne tendant pas à la réparation d’un dommage qui résulte d’une atteinte à la personne causée par un produit défectueux ou à un bien autre que ce produit, elle se trouve hors du champ de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 et de la loi du 19 mai 1998 qui l’a transposée, et n’est donc soumise à aucune de leurs dispositions ». Ainsi, le préjudice invoqué ne pouvant être réparé, et la directive et la loi ne pouvant s’appliquer, rien ne devait empêcher la cour d’appel d’examiner la question de la résolution du contrat.

Selon la seconde interprétation, la Cour de cassation se serait prononcée sur la possibilité de cumuler les deux fondements. Dans son arrêt, la Cour de cassation explique (pt 13) que l’action en résolution d’un bien non conforme n’a pas vocation à réparer des dommages qui résultent d’une atteinte à la personne causée par un produit défectueux ou un bien autre que ce produit. Par nature, les deux fondements invoqués sont différents. Ce serait donc à tort que la cour d’appel a jugé que les demandeurs demandaient la même chose en invoquant ces deux régimes. La violation de la loi par la cour d’appel serait caractérisée pour cette raison. En demandant la résolution du contrat pour non-conformité, le demandeur souhaitait compenser ses espoirs déçus nés de son contrat. Sans doute demandait-il la restitution du prix de vente en échange de la restitution du bien non conforme. Il ne demandait pas, sur ce fondement, réparation de ses préjudices résultant de la défectuosité du produit ou de son préjudice corporel (une action fondée sur l’article 1147 aurait alors échoué car il s’agit de responsabilité, v. l’arrêt d’appel, Reims, 18 juin 2019, n° 18/00808 et le n° 2 de l’arrêt de la Cour de cassation qui fait référence au préjudice corporel). La Cour de cassation raisonnerait donc ici principalement sur la finalité des deux actions pour admettre leur cumul.

Il est vrai que les deux actions ne visent pas le même problème. Un produit non conforme est un produit qui ne correspond pas à ce qui avait été prévu dans le contrat. Un bien en parfait état de fonctionnement peut s’avérer non conforme par exemple. Au contraire, un bien défectueux est un bien qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (C. civ., art. 1245-3, al. 1er). Un produit qui fonctionne mécaniquement peut être défectueux mais il ne fonctionnera pas au sens de la loi car il lui manque une chose (une notice, une information, un problème technique) qui le rend dangereux ou inutile (pour l’inutilité, il faut ici renvoyer le lecteur à la décision de la Cour de cassation rendue le même jour, v. Civ. 1re, 9 déc. 2020, n° 19-17.724).

Si cette interprétation était la bonne, cette solution serait importante car ce serait, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation se prononce sur la possibilité de demander la résolution du contrat consécutivement à l’engagement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Cette solution serait raisonnable, car si la Cour de cassation n’avait pas admis que les deux actions puissent se cumuler, cela aurait eu pour effet d’empêcher l’acquéreur d’un bien d’agir sur le fondement de l’inexécution contractuelle toutes les fois que le défaut de conformité aurait reposé sur un défaut de sécurité du produit. Ainsi, la mise en action du régime de responsabilité du fait des produits défectueux visant la réparation d’un dommage corporel causé par le produit ou d’un bien autre que le produit lui-même aurait empêché le demandeur d’agir en résolution du contrat. Cette solution aurait privé le demandeur d’une voie de droit ce qui n’est pas souhaitable justement parce que les deux actions servent des intérêts différents. Il importe peu, à cet égard, que la non-conformité réside dans le défaut de sécurité du produit.

En défaveur de cette interprétation, il faut bien admettre que c’est la société qui forme le pourvoi et non le vigneron. Si la responsabilité du fait des produits défectueux a été engagée en faveur de ce dernier, tel n’est pas le cas pour la société. La question de la résolution du contrat pour défaut de conformité pouvait donc bien se poser consécutivement à l’exclusion d’un débat sur le cumul des deux actions…

Résolution du contrat et responsabilité du fait des produits défectueux

La responsabilité du fait des produits défectueux exige que les demandes en réparation concernent des préjudices en lien avec un bien différent du produit accusé de défectuosité. La question du possible cumul entre cette responsabilité et l’action en résolution du contrat pour défaut de conformité se posait devant la première chambre civile.

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Violences commises par le fils majeur du locataire : résiliation du bail

Les violences commises par le fils majeur de la locataire à l’encontre des employés du bailleur, et réitérées après une première condamnation pénale, constituent des manquements à l’obligation d’usage paisible des lieux justifiant la résiliation du bail, le lieu de commission des violences important peu.

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Légalité du refus d’adopter un acte de police sanitaire

Le juge de l’excès de pouvoir doit apprécier la légalité du refus d’adopter un acte de police sanitaire à la date à laquelle il statue.

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Retour sur certaines modalités du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs occupent une place discrète mais importante dans les différentes protections déployées par le code civil. Au début de l’automne, nous avions pu d’ailleurs observer que le financement de cette mesure peut poser difficulté (Civ. 1re, 30 sept. 2020, F-P+B, n° 19-17.620, AJ fam. 2020. 676, obs. V. Montourcy image). C’est notamment le cas quand rémunération et financement sont confondus : la seconde est exceptionnelle tandis que la première reste de droit. La mission des mandataires judiciaires à la protection des majeurs reste, en effet, à titre onéreux (Rép. civ., v° Majeur vulnérable, par F. Marchadier, n° 25). Le financement de la mesure résulte d’une architecture qui a été rénovée par le décret n°2018-768 du 31 août 2018 qui présente encore aujourd’hui une certaine « opacité » (AJ fam. 2020. 188, obs. V. Montourcy). Les modalités de calcul de cette gratification reposent sur l’article 471-5-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) qui comprend comme points de repères notamment les ressources du majeur vulnérable, son lieu de vie et la charge de travail du mandataire judiciaire. Le but intrinsèque de cette réforme de 2018 était de faire participer le majeur vulnérable à sa propre mesure. Mais le problème résulte de la possibilité réelle de cette participation. En d’autres termes, est-ce que le majeur protégé peut toujours participer à sa propre mesure ?

C’est là où le bât-blesse dans le décret de 2018. Il était prévu initialement que le majeur devait participer quand était dépassé un seuil de ressources globales de l’année précédente,...

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Premier référé-liberté pour obtenir un vaccin contre la covid-19

Le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête d’un homme handicapé qui lui demandait d’ordonner au ministre de la santé de le faire vacciner dans les 48 heures.

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Retour sur la confirmation du contrat en droit de la consommation

L’exécution volontaire du contrat par des consommateurs, en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation de ce contrat et les prive de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles l’affectant.

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Retour sur la confirmation du contrat en droit de la consommation

Le droit de la consommation obéit avant tout au droit commun des contrats, raison pour laquelle les mécanismes les plus classiques ont vocation à s’appliquer aux consommateurs, parfois même à leur détriment, comme l’illustre un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 9 décembre 2020. En l’espèce, une dame a conclu un contrat de fourniture et d’installation d’un kit photovoltaïque avec une société, ce contrat étant financé par un crédit qu’elle a souscrit le même jour avec un coemprunteur auprès d’une banque. Par la suite, les emprunteurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation de ces contrats. La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 27 septembre 2018, rejette leurs demandes et les déclare tenus de poursuivre l’exécution du contrat de crédit, en considérant, selon les termes de la Cour de cassation, que si « le contrat ne respecte pas les exigences posées à l’article L. 121-23, 4° et 5°, du code de la consommation en ce qu’il ne contient pas la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, ni les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d’exécution de la prestation de services, il est cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-24 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles et que cette obligation légale a pour objet de permettre au...

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Pas de recours contre les notifications des griefs émanant du collège de l’AMF

La notification des griefs émanant du collège de l’AMF est un acte préparatoire insusceptible de recours. Elle ouvre la phase contradictoire de la procédure de sanction, qui se poursuit le cas échéant jusqu’à la décision rendue par la commission des sanctions sur le bien-fondé de cette accusation, laquelle peut, seule, faire l’objet d’un recours.

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Spécialisation de la justice pénale environnementale : retour sur la loi du 24 décembre 2020

Si le projet de loi initial du ministère de la Justice avait pour objectif premier d’intégrer au droit français le parquet européen qui doit entrer en fonction en mars 2021, les dispositions relatives à la justice environnementale n’ont cessé de prendre de l’importance au fil des discussions. Partant du constat que le traitement actuel des infractions environnementales n’est pas satisfaisant, la loi nouvelle vise à adapter la procédure pénale aux spécificités d’un droit technique qui présente de forts enjeux en termes de réparation du préjudice et à laquelle la société civile prête de plus en plus attention. La loi du 24 décembre 2020 contient également deux innovations majeures en matière de justice pénale environnementale : la création de juridictions spécialisées et la possibilité de conclure une Convention judiciaire d’intérêt public pour les délits issus du code de l’environnement.

Améliorer la répression des infractions environnementales

L’objectif annoncé de la loi du 24 décembre 2020 (tel qu’il ressort de son étude d’impact et du rapport de l’Inspection générale de la justice d’octobre 2019 sur la justice pour l’environnement dont il s’inspire) est de renforcer la réponse pénale apportée aux délits environnementaux. Le contentieux de l’environnement ne constitue qu’une très faible part de l’activité des juridictions pénales, oscillant entre 0,5 % et 1 % des affaires traitées (étude d’impact, p. 142 ; rapport p. 20), un chiffre en baisse continue ces dernières années (rapport, p. 20). En outre, la réponse pénale aux infractions environnementales est constituée à 75 % de mesures alternatives aux poursuites, principalement des rappels à la loi ou des classements sans suite (Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, Inspection générale de la justice, oct. 2019, p. 55). Ainsi, en 2018, 1 993 condamnations ont été prononcées à l’encontre de personnes physiques pour des délits d’atteinte à l’environnement et 193 à l’encontre de personnes morales l’année précédente, pour des quantums d’amende jugés relativement bas par les autorités (étude d’impact, p. 158).

Cette situation résulterait pour partie d’un droit et d’une procédure ne parvenant pas à se saisir de la spécificité de la matière environnementale :

• en premier lieu, la grande technicité du droit pénal de l’environnement, nécessitant souvent la maîtrise de nombreuses données scientifiques, rend le traitement de ces dossiers délicats et conduit souvent les parquets à recourir à des qualifications pénales génériques plus faciles à manier, plutôt qu’aux qualifications prévues par le code de l’environnement (rapport, p. 26-27) ;

• en second lieu, la répression ne serait pas adaptée aux actes de pollution diffuse (utilisation de véhicules polluants, nuisances sonores, dépôts sauvages d’ordure, etc.). Ces actes, nombreux mais souvent isolés et individuels, ont très souvent pour sanction une contravention peu dissuasive alors que les moyens de preuve nécessaires à leur caractérisation sont difficiles à récolter (rapport, p. 28) ;

• enfin, la fragmentation du contentieux environnemental, que se partagent l’ordre administratif et l’ordre judiciaire, porte atteinte à la lisibilité et à l’efficacité de la lutte contre les infractions environnementales (rapport, p. 30).

La création de juridictions spécialisées

Afin d’y remédier, la loi du 24 décembre 2020 prévoit la création, dans le ressort de chaque cour d’appel, d’un pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement attaché à un tribunal judiciaire (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 15 ; la liste des tribunaux judiciaires concernés sera établie ultérieurement par décret).

Ce pôle spécialisé sera chargé de traiter les contentieux complexes – c’est-à-dire les affaires techniques, celles dans le cadre desquelles le préjudice subi est important ou celles qui s’étendent sur un vaste ressort géographique – qu’ils relèvent du code de l’environnement (étude d’impact, p. 158) du code forestier, de certaines infractions au code minier, du code rural et de la pêche maritime ou encore de certaines infractions non codifiées comme la mise illégale sur le marché de bois ou de produits dérivés de bois (L. n° 2014‑1170, 13 oct. 2014, art. 76).

Ces nouveaux pôles régionaux comprendront une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement dédiées. Les magistrats attachés à ces pôles spécialisés recevront une formation spécifique sur les problématiques environnementales, s’agissant notamment de l’évaluation du préjudice et de la détermination du lien de causalité. Ils exerceront leur compétence sur l’étendue du ressort de la cour d’appel pour les infractions complexes et les infractions connexes.

Les affaires ne présentant pas de gravité particulière ou de complexité continueront d’être traitées par les juridictions locales. À l’inverse, certaines affaires techniques d’ampleur telles que les pollutions de grande échelle liées à un produit réglementé (par exemple, l’accident de l’usine Lubrizol à Rouen) ou le contentieux des catastrophes environnementales et industrielles (telle la catastrophe de l’usine AZF à Toulouse en 2001) relèveront toujours de la compétence des deux pôles interrégionaux spécialisés de Paris et Marseille dédiés aux questions de santé publique et aux accidents collectifs (C. pr. pén., art. 706-2 et 706-176). De la même façon, les juridictions du littoral spécialisées continueront de traiter les affaires de pollution maritime tandis que les juridictions interrégionales spécialisées feront de même pour les dossiers de criminalité organisée ayant à la fois une grande complexité et une dimension environnementale (C. pr. pén., art. 706-75).

L’objectif du législateur est également que ces nouvelles juridictions, identifiées en tant que pôles de référence en la matière, facilitent la présence au moment de l’audience des agents et fonctionnaires spécialisés dans la lutte contre la criminalité environnementale. L’objectif est d’enrichir les débats lorsque des questions techniques se poseront, comme celle de la remise en état des milieux (étude d’impact, p. 153).

Plusieurs amendements déposés par le gouvernement et adoptés lors des discussions parlementaires ont complété ce dispositif en matière civile. La loi prévoit ainsi la création de juridictions miroirs en matière civile chargées des actions relatives à l’indemnisation du préjudice écologique ou des actions en matière de responsabilité civile prévues par le code de l’environnement ou certains régimes spéciaux de responsabilité civile (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 17).

La création d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale

Si, à ce jour, les mesures alternatives aux poursuites constituent la réponse pénale principale aux infractions environnementales, les parquets n’ont cependant d’autre choix que d’engager des poursuites judiciaires en présence d’atteintes graves à l’environnement commises par des personnes morales (étude d’impact, p. 151). Si le code de l’environnement prévoit déjà un mécanisme de règlement transactionnel à l’article L. 172-13, celui-ci n’a toutefois pas été pensé pour le traitement des infractions d’une certaine gravité (le code de l’environnement prévoit en effet un mécanisme de transaction pénale à l’article L. 173-12. Celui-ci permet à l’autorité administrative, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger auprès du procureur de la République avec les personnes morales ou physiques sur la poursuite des contraventions et délits prévus par le code de l’environnement. En échange, celles-ci doivent s’acquitter d’une amende transactionnelle et d’une ou plusieurs autres obligations comme la remise en conformité des lieux. Ce dispositif ne s’applique cependant qu’aux délits punis de moins de deux ans d’emprisonnement et le montant de l’amende se limite au tiers de celle encourue).

Or la complexité et la technicité du droit de l’environnement ont souvent pour conséquence d’allonger les procédures judiciaires liées aux atteintes à l’environnement et de retarder la réparation des dommages subis. L’étude d’impact du gouvernement considère ainsi que ce décalage temporel a pour conséquence le prononcé de sanctions jugées trop faibles par rapport au dommage environnemental causé et à l’éventuel profit qui a pu en être tiré (étude d’impact, p. 151).

C’est donc avec le triple objectif d’apporter une réponse pénale rapide et adaptée aux infractions environnementales les plus graves commises par les personnes morales et de mieux réparer les dommages causés du fait de l’infraction que la loi insère un article 41-1-3 au sein du code de procédure pénale créant une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale (L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 15).

Calquée sur le modèle de la CJIP de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale applicable aux infractions en matière d’atteinte à la probité et en matière fiscale issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin II », la CJIP environnementale est une mesure alternative aux poursuites qui permet au procureur de la République de proposer à une personne morale mise en cause pour certains délits environnementaux de bénéficier d’une convention qui éteint l’action publique à son égard en échange de l’acquittement de certaines obligations.

La loi du 24 décembre 2020 adapte toutefois ce mode de règlement transactionnel à la matière environnementale. Ainsi, le texte prévoit que cette nouvelle CJIP, qui ne peut aussi bénéficier qu’aux personnes morales, concernera seulement les délits prévus par le code de l’environnement et les infractions connexes, à l’exception notable des délits du titre II du code pénal. Sont ainsi exclus du champ de la CJIP environnementale les délits d’atteintes aux personnes (notamment les homicides et blessures involontaires).

En échange de l’arrêt des poursuites contre la personne morale, la CJIP pourra imposer à celle-ci les obligations suivantes :

• le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public dont le montant pourra atteindre 30 % du chiffre d’affaires moyen calculé sur la base des trois derniers chiffres d’affaires connus à la date du manquement ;

• la régularisation de sa situation via l’adoption d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans sous le contrôle des services compétents du ministère de l’Environnement ;

• la réparation du préjudice écologique dans un délai maximal de trois ans, toujours sous la supervision des services du ministère de l’Environnement ;

• et, lorsqu’il existe une victime identifiée, la CJIP prévoit également le montant et les modalités de réparation du dommage dans un délai d’un an.

Le nouvel article 41-1-3 du code de procédure pénale met à la charge de la personne morale bénéficiant d’une CJIP l’obligation de mettre en œuvre un programme de conformité. En toute logique, la mise en œuvre de celui-ci ne sera pas supervisée par l’Agence française anticorruption (AFA), comme ce qui est prévu à l’article 41-1-2 du code de procédure pénale, mais par les services du ministère de l’Environnement chargés de la police administrative de l’environnement (étude d’impact, p. 155). Cet élément n’est pas sans soulever quelques interrogations pour les entreprises quant à la nature du programme de conformité et aux modalités de l’évaluation de sa bonne application par les services du ministère. En effet, la loi et les rapports l’accompagnant donnent relativement peu de détails sur ce programme de conformité là où la loi Sapin II et la CJIP en matière d’atteintes à la probité conféraient le contrôle de la mise en œuvre du programme de conformité anticorruption à une entité dédiée, l’AFA, qui a par ailleurs produit des recommandations afin de guider les entreprises sur le sujet (P. Goossens et G. Robert, Justice environnementale : ce qui attend les entreprises, Le Moniteur, 5 mars 2020). Le texte de loi ne renvoie pas non plus à la prise d’un décret ultérieur par le gouvernement sur le contenu d’un tel programme de mise en conformité. Il est cependant probable que cette mission de contrôle échoie aux directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), sous contrôle des préfets de département (M. Pennaforte et J.-N. Citti, Convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale : contrat de confiance ou marché de dupes ?, Dalloz actualité, Le droit en débats, 19 juin 2020).

La spécificité la plus notable de la CJIP environnementale réside sans doute dans la place laissée à la réparation du préjudice. En effet, l’article 41-1-3 du code de procédure pénale prévoit que la CJIP environnementale doit régler la question de l’indemnisation du préjudice de la victime identifiée, mais aussi que la personne morale devra dans un délai maximal de trois ans réparer le préjudice écologique résultant des infractions commises.

En effet, un enjeu important de l’adaptation de la justice pénale environnementale identifié par les autorités réside dans l’obligation de réparation intégrale du dommage et de réparation des milieux affectés par les agissements faisant l’objet de la CJIP. Celles-ci entendent ainsi faire de la CJIP un outil permettant d’accélérer la réparation du préjudice écologique là où il est, à l’heure actuelle, théoriquement nécessaire d’attendre la condamnation judiciaire définitive d’une entreprise mise en cause pour que celle-ci intervienne, soit souvent plusieurs années après la survenance du dommage (étude d’impact, p. 151). Les récentes dispositions du code civil issues de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ayant consacré le préjudice écologique devront également être prises en compte. Se définissant comme une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » (C. civ., art. 1247), la notion de préjudice écologique vise à la réparation des atteintes d’une certaine gravité subies par l’environnement en tant que tel. Le régime de responsabilité mis en place accorde la primauté à la réparation en nature (C. civ., art. 1249) en imposant, par exemple, à l’auteur du fait dommageable la dépollution des sols contaminés ou la remise en état des milieux dégradés. Une telle action en réparation est cependant ouverte à un nombre limité de personnes (C. civ., art. 1248) : l’État, l’Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné ainsi que certains établissements publics et associations agréées qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement.

S’agissant des modalités procédurales de mise en œuvre de la CJIP environnementale, rien ne la distingue vraiment de son modèle créé par la loi Sapin II – l’article 41-1-3 renvoyant directement à l’article 41-1-2 du code de procédure pénale sur ce point. La CJIP peut donc intervenir tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, que ce soit dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire (la loi prévoit à cette fin l’insertion d’un article 180-3 du code de procédure pénale renvoyant directement aux dispositions de l’article 180-2 du code de procédure pénale). Celle-ci doit également faire l’objet d’une validation par le président du tribunal judiciaire ainsi que d’une publication sur les sites internet des ministères de la Justice et de l’Environnement et de la commune sur le territoire duquel a été commise l’infraction ou, à défaut, sur celui de l’établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient. Comme le relèvent certains commentateurs (M. Pennaforte et J.-N. Citti, art. préc.), la dimension territoriale de la publication de la CJIP environnementale, sur les sites des collectivités locales, mérite d’être soulignée. Non prévue en matière d’atteintes à la probité, cette publicité locale vise à prendre en compte les intérêts des acteurs locaux, riverains ou groupes d’intérêts, qui ont potentiellement subi les conséquences d’une atteinte à l’environnement, en portant à leur connaissance l’existence de la convention conclue et les informant par là de la possibilité de recours judiciaires en rapport avec les faits objet de la CJIP. Enfin, la prescription de l’action publique sera également suspendue pendant l’exécution des obligations mises à la charge de la personne morale sujet de la CJIP. Seule l’exécution entière de ces obligations éteint l’action publique, celle-ci pourra toutefois être mise en mouvement par le procureur dans l’hypothèse d’une mauvaise exécution de la convention.

La loi du 24 décembre 2020 vise ainsi à améliorer la prise en charge du contentieux pénal environnemental, qui semblait jusqu’ici délaissé par les juridictions faute d’outils adaptés. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond impulsé par les pouvoirs publics, en lien avec la Convention citoyenne pour le climat, à la suite de laquelle les ministères de la Transition écologique et de la Justice ont annoncé la création d’un délit d’écocide en novembre dernier (Pas de crime d’écocide, mais un délit pour punir les atteintes à l’environnement, Le Monde, 22 nov. 2020), visant à prévenir et sanctionner les atteintes graves à l’environnement, et d’un délit de mise en danger de l’environnement. Le gouvernement n’a toutefois pas précisé si ces derniers seront inscrits dans le code de l’environnement afin de pouvoir être éligibles à la CJIP environnementale nouvellement créée. L’ouverture de la CJIP aux délits environnementaux présente en outre certains avantages pour les opérateurs économiques, notamment dans les secteurs exposés au risque environnemental (industrie, énergie, BTP, etc.). Comparée à l’aléa et à la longueur de certaines procédures judiciaires, la CJIP offre aux entreprises mises en cause une certaine prévisibilité grâce à une procédure rapide ainsi que la possibilité de réduire l’amende finalement prononcée et un éventuel risque réputationnel en adoptant une démarche de coopération avec les autorités judiciaires.

Spécialisation de la justice pénale environnementale : retour sur la loi du 24 décembre 2020

La justice pénale environnementale vient de connaître une avancée certaine avec la promulgation, le 24 décembre 2020, de la loi n° 2020-1672 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

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Modalités d’accréditation des organismes certificateurs des services de MARD en ligne: un système complexe

Le procédurier, entendu comme technicien de la procédure civile et non comme l’amateur de « chicane », avait reçu un « gros Noël » en 2019 avec la réforme « Belloubet », issue principalement des décrets n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et n° 2020-1419 du 20 décembre 2019 (v., parmi d’autres réf., les dossiers publiés sur Dalloz actualité, 20 janv. 2020 et dans D. avocats 2020. 17 s. image)… étant rappelé que la réforme « Belloubet » avait commencé bien avant le temps de Noël, avec la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (v. not. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects numériques, D. 2019. 1069 image).

La version 2020 du « Noël » a été moins volumineuse, ce dont le « procédurier » ne s’est pas plaint : il avait en effet dû essayer de comprendre, retenir et appliquer les changements intervenus en 2019 et aspirait à un peu de répit… qui n’a pas été total. En effet, ses « petits souliers » ne sont pas restés vides au pied du sapin. Le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, précédant le temps de l’avent, a apporté son lot de retouches ou de modifications (not. F.-X. Berger, Réforme de la procédure civile : pas de répit pour les praticiens, Dalloz actualité, 1er déc. 2020 ; C. Lhermitte, Décret du 27 novembre 2020 et appel : une énième réforme qui s’abstient de réformer, Dalloz actualité, 17 déc. 2020 ; C. Bléry, Un juge civil toujours plus lointain… ? Réflexions sur la dispense de présentation et la procédure sans audience, Dalloz actualité, 22 déc. 2020). Puis, pour Noël, le décret n° 2020-1641 du 22 décembre 2020 reportant la date d’entrée en vigueur de l’assignation à date dans les procédures autres que celles de divorce et de séparation de corps judiciaires, et l’arrêté du 22 décembre 2020 modifiant l’arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le tribunal judiciaire, sont venus préciser les conditions de mise en œuvre de la prise de date à compter du 1er janvier 2021 (F.-X. Berger, La saga de « l’assignation à date » : fin de la saison 1, Dalloz actualité, 5 janv. 2021).

Un autre texte, tiré de la hotte de la Chancellerie, est sans doute passé plus inaperçu. C’est le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 relatif à la procédure d’accréditation des organismes certificateurs délivrant la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il est vrai qu’il s’adresse moins au « procédurier » qu’à ceux qui veulent éviter la procédure habituelle : selon la notice, il concerne « les personnes physiques et morales proposant un service en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage, le Comité français d’accréditation (COFRAC), les organismes certificateurs, les personnes physiques et morales utilisatrices desdits services en ligne ». De fait, il s’inscrit dans le mouvement général de la faveur pour les modes amiables de résolution des différends (MARD) ou de règlement extrajudiciaire des litiges (REL) – pour utiliser deux terminologies actuelles –, qui se combine ici avec une autre tendance favorable, elle, à la dématérialisation.

Le décret du 23 décembre 2020 prend place au sein d’un ensemble de textes en vigueur au 1er janvier 2021.

C’est la loi Belloubet qui a légiféré en matière de MARD en ligne (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice…, art. préc.). Bien que n’étant pas la panacée, ne serait-ce que parce qu’on ne fait pas s’entendre des personnes qui ne le souhaitent pas, le législateur impose de plus en plus le recours à des MARD et de manière de plus en plus contraignante. L’article 3 de la loi en a été la « parfaite » illustration, pendant que l’article 4 explorait une conception des MARD, qui existe d’ores et déjà, notamment au Québec, et qui est plus novatrice : c’est en effet la possibilité de recourir à un MARD en ligne.

De fait, l’article 4 de la loi n° 2019-222 a inséré les articles 4-1 à 4-7 à la loi JXXI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 : il a innové en réglementant des services en ligne, de conciliation ou de médiation (art. 4-1), d’arbitrage (art. 4-2) ou d’aide à la saisine des juridictions (art. 4-4). L’existence de ces services en ligne a donc été consacrée par la loi du 23 mars 2019, pendant que leur statut était précisé par les articles 4-1 à 4-7 – statut qui leur est plus ou moins commun (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice…, art. préc.).

En particulier, les personnes (physiques ou morales, rémunérées ou non) mentionnées aux articles 4-1 et 4-2 peuvent proposer un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel, mais ce traitement ne peut être l’unique fondement du service et il doit en tout état de cause être soumis à information et consentement exprès des parties.

En lien avec notre décret de fin d’année, rappelons que ces mêmes personnes peuvent solliciter une certification délivrée par un organisme accrédité dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État évoqué (art. 4-7, al. 1er et 2) – une telle certification étant en revanche accordée de plein droit aux médiateurs de consommation inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation, des médiateurs ou des conciliateurs de justice (art. 4-7, al. 3). Or « les conditions de délivrance et de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont précisées par décret en Conseil d’État » (art. 4-7, al. 4).

En fait, il aurait été plus juste d’écrire « décrets » (au pluriel) puisque, comme trop souvent désormais, deux textes ont, depuis la loi Belloubet, été pris sur le fondement de cet article 4-7, alinéa 4, de la loi JXXI. Ils sont en outre complétés par un arrêté qui leur est commun.

Un premier décret a été publié au JO du 27 octobre 2019, à savoir le décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne, étant précisé que « les dispositions du présent décret entrent en vigueur à une date fixée par arrêté du garde des Sceaux et au plus tard le 1er janvier 2021 » (art. 12). Selon l’article 1er de ce décret, « la certification mentionnée à l’article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée est délivrée par un organisme certificateur sur le fondement d’un référentiel mettant en œuvre les exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-3, 4-5 et 4-6 de la même loi et approuvé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice ». Les articles 3 à 11 réglementent la procédure de demande de certification effectuée par les services en ligne auprès de l’organisme certificateur : celle-ci suppose un audit, une éventuelle mise en conformité avec les exigences textuelles – notamment celle du référentiel sus-évoqué –, les hypothèses de changements dans la situation des personnes proposant les MARD en ligne, les recours en cas de refus, la publicité des listes (actualisées) des services en ligne (cette liste actualisée des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage certifiés est ainsi publiée sur le site justice.fr)…

Or, d’une part, « la multiplication des interlocuteurs en la matière peut laisser dubitatif » (v. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud, Droit de la consommation janvier 2019 - décembre 2020, D. 2020. 624 image : avec Mme Élise Poillot, il est permis de s’interroger : « qui orientera les consommateurs dans la jungle des REL ? Quel contrôle sur l’activité des organismes sera exercé une fois la certification accordée et avec quels moyens ? ») ; et, d’autre part, ce décret de 2019 ne se suffit pas à lui-même puisqu’il prévoit une sorte de mécanisme à double détente, ou un système pyramidal.

C’est ainsi que l’organisme certificateur, qui n’est donc pas unique, doit être lui-même accrédité « par le Comité français d’accréditation [COFRAC] ou par tout autre organisme d’accréditation signataire d’un accord de reconnaissance mutuelle multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation, conformément à un référentiel d’accréditation publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 2)… M. Martin Plissonier l’exprime ainsi : « l’accréditation est désormais donnée par le Comité français d’accréditation. Elle peut aussi être donnée par un des organismes eux-mêmes certifiés à certifier » (« Réflexions sur l’incitation au recours aux modes amiables de résolution des différends en matière civile, RLDC 01/10/2020, n° 185, p. 26, n° 8). Même si cela nous semble inutilement compliqué, M. Plissonier (loc. cit.) ajoute que, « dans l’esprit du législateur, cette accréditation est doublement utile : elle encadre le traitement algorithmique du litige et le règlement de petits litiges ».

C’est dans ce contexte que le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 a été adopté, pour permettre l’entrée en vigueur annoncée au 1er janvier 2021 de l’article 1er du décret de 2019. Il s’agit cette fois de préciser « les modalités de l’audit d’accréditation, de la suspension et du retrait de l’accréditation ainsi que les conséquences de la cessation d’activité de l’organisme certificateur ». Autrement dit, c’est l’étage supérieur de la pyramide qui est l’objet du décret ; plus exactement, il s’agit d’organiser l’adoubement de l’étage intermédiaire de la pyramide (composé des organismes certificateurs), afin qu’il puisse ensuite adouber lui-même l’étage inférieur (celui des services en lignes) ?

Selon les articles 1er à 4 du décret de 2020, les organismes certificateurs candidats à l’accréditation mentionnée à l’article 2 du décret du 25 octobre 2019 susvisé doivent ainsi déposent un dossier de demande d’accréditation auprès de l’organisme d’accréditation mentionné à ce même article : sont prévus la durée de l’accréditation, des évaluations régulières du fonctionnement des organismes certificateurs accrédités par l’organisme d’accréditation, l’éventuelle suspension de l’accréditation – à l’initiative de l’organisme d’accréditation – et ses modalités, le retrait de cette accréditation, la cessation d’activité de l’organisme certificateur…

L’essentiel réside dans l’article 5 du décret de 2020… qui reprend l’article 2 du décret de 2019 : cet article 5 dispose que « l’accréditation des organismes certificateurs des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage est délivrée sur le fondement d’un référentiel publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice ».

Les deux référentiels, celui concernant l’étage supérieur et celui nécessaire à l’étage intermédiaire, sont approuvés et publiés en annexes d’un arrêté du 23 décembre 2020 portant approbation du référentiel d’accréditation des organismes certificateurs et du référentiel de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage. En annexe 1, figure le référentiel qui s’adresse aux organismes certificateurs souhaitant être accrédités pour délivrer la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation, ainsi qu’aux services en ligne souhaitant obtenir cette certification. En annexe 2, est publié le référentiel qui « s’adresse aux services en ligne fournissant lesdits services ainsi qu’aux organismes certificateurs délivrant le certificat.
Le premier s’organise en trois parties : domaine d’application du référentiel, références normatives applicables et conditions et critères d’accréditation – les deux premières étant très brèves ; c’est surtout dans la troisième qu’on apprend, par exemple, que pour l’accréditation d’un organisme de certification, une assurance RCP doit être souscrite, que les auditeurs participant aux activités de certification doivent justifier d’une formation et de compétences, dans le domaine de l’audit, de la protection des données personnelles, de la sécurité des systèmes d’information, que l’équipe d’auditeurs peut être renforcée par des experts techniques,… que l’organisme s’engage à communiquer diverses informations en français au ministère de la justice…
Le second comporte deux parties : procédure de certification (qui traite surtout de la durée des audits en un tableau) et critères de certification : ces critères (respect de la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel, confidentialité, obligation d’information,…) sont présentés sous forme de tableaux : ceux-ci comportent des colonnes présentant les caractéristiques, les critères et moyens mis en œuvre, les éléments de preuve internes, le contrôle externe. Les tableaux présentent la déclinaison et le contrôle des différents critères, soit pour tous les services : conciliation, médiation et arbitrage, soit pour certains seulement… de manière technique.

Alors que l’idée est de favoriser les MARD en ligne, il est dommage qu’il faille un empilement de normes, prises à des dates diverses et qui opèrent des renvois entre elles, au risque qu’on ne les voit pas… Si le cadre juridique est complexe, le service au justiciable sera-t-il réel ? Rendez-vous dans quelque temps… 

Mails malveillants, piratage de compte et épluchage du réseau LinkedIn : récit de la vengeance 2.0 sordide d’un amant éconduit

Un amant est éconduit par son ancienne maîtresse. Fou de rage, il cherche à se venger de la pire des façons en dévoilant leur relation, une manière, dit-il, de tenter d’entraîner dans sa chute son ancien amour perdu. Lundi, la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris avait à juger un dossier qui a connu un écho singulier grâce à l’utilisation à outrance des possibilités du numérique. « Ce que cette affaire a de particulier, ce sont les moyens utilisés, résume le substitut Barthélémy Hennuyer. C’est ce qui donne à cette malveillance une dimension ahurissante ». « Des proportions, permises grâce à l’informatique et les réseaux sociaux, qui donnent le vertige », ajoute-t-il.

Pendant plusieurs mois, au cours de l’été et de l’automne 2019, Marc* a inondé la sphère professionnelle, amicale et familiale d’Armelle*. En tout, une trentaine de mails ont été envoyés à au moins 900 personnes – le décompte définitif est incertain –, qui connaissaient de près ou pas la victime. Ils sont envoyés à des collègues d’Armelle, à sa paroisse, à ses amis, ou encore à ses parents. Certains des messages, malveillants, sont signés à tort du nom des enfants d’Armelle, d’autres de son nom. Certains sont accompagnés de photos de nus. La rémunération d’Armelle est dévoilée. Un autre message affirme que son époux n’est pas le père de leurs enfants. Un dernier annonce enfin à ses destinataires l’homosexualité du nouveau patron d’Armelle, devenu une victime colatérale de la folie de l’amant éconduit. Ce qui a valu à Marc des poursuites pour usurpation d’identité, violation de la vie privée (la porno-divulgation), dénonciation mensongère et une série d’infractions informatiques pour le piratage de la boîte mail d’Armelle. Une liste trop courte pour la partie civile, qui a plaidé pour retenir des qualifications supplémentaires, de l’envoi de messages malveillants au harcèlement.

« J’ai commencé à dévisser »

Sans cette affaire, Armelle et Marc seraient deux quadra cadres supérieurs à la réussite éclatante. La première, diplômée de Science-Po, est une spécialiste des ressources humaines, aujourd’hui DRH d’un groupe réalisant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le second a fondé, avec succès, une entreprise de conseil en ingénierie, qui pesait il y a deux ans plus de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires. Armelle et Marc s’étaient connus au début des années 2000. Ils se retrouvent en 2015. Cela tombe bien, Marc recherche justement un nouveau responsable des ressources humaines. Leur histoire reprend, d’abord strictement professionnelle. Puis, deux ans plus tard, après un séminaire à Barcelone, les deux amants, qui ont chacun construit leur famille, renouent leur relation. Un temps seulement. Alors qu’ils envisagent l’achat d’un appartement à Neuilly, dans la banlieue cossue de Paris, pour refaire leur vie, Armelle met un point final à cette histoire et annonce qu’elle va changer d’employeur.

« J’ai commencé à dévisser, explique Marc, rouge de honte, à la barre. Je sentais bien que cela m’échappait. J’ai sombré. À la fin de l’été, elle était dure, froide avec moi. Je voulais qu’Armelle partage la douleur que je vivais. C’est là que j’ai eu l’idée de ces mails atroces, horribles. Je savais que cela allait être destructeur mais c’était plus fort que moi. »

— Vous vous rendez compte du nombre de personnes destinataires ?, s’étonne la juge-rapporteure Jehiel. Et vous envoyez vos messages à la terre entière presque, et notamment la terre de madame ?

— Oui, c’est horrible, et j’ai fait cela, répond, contrit, Marc.

Armelle se tient la tête en l’écoutant. « Ce que j’ai vécu, c’est une destruction de l’intérieur, une humiliation profonde de mon image, de mes études, de ce que je suis en tant que mère, femme, une démolition sociale et une profonde déstabilisation de ma vie de famille », avait-elle expliqué auparavant, des sanglots dans la voix, alternant des regards en direction des magistrats et vers le prévenu. « La seule chose qu’il n’a pas réussie, c’est mettre fin à ma vie », ajoute celle qui a pensé, au paroxysme de ce drame, à se jeter dans la Seine. Plus d’un an après ces envois, le couple vit toujours dans la crainte qu’un ancien mail ne refasse surface.

Pour répandre son fiel, Marc épluche le réseau social LinkedIn pendant près d’une trentaine d’heures. Cela lui permet, en ciblant la nouvelle entreprise d’Armelle, de reconstituer un fichier mail – il suffit de connaître l’enchaînement standard entre le prénom et le nom des salariés – des nouveaux collègues de son ancienne maîtresse. Grâce à une redirection automatique des messages du compte mail d’Armelle, piraté, il se constitue également un fichier d’adresses dans le réseau personnel de la famille de la quadragénaire. La déferlante de messages pousse le nouvel employeur d’Armelle à suspendre pendant quarante-huit heures la réception des messages électroniques de ses salariés. « On a dû arrêter la messagerie parce que des collaborateurs recevaient des emails dégueulasses sur des cadres dirigeants, c’est quelque chose que nous avons vécu de manière très violente », explique l’un des patrons de l’entreprise d’Armelle. En filtrant mots-clés et adresses d’expédition, l’entreprise réussit finalement partiellement à stopper le flux nauséabond.

Requêtes aux fins de levée d’anonymat

Si, à l’audience, le prévenu reconnaît sa responsabilité dans l’envoi des mails, l’enquête pour identifier le mystérieux corbeau n’a pas été simple à l’époque. Le conseil d’Armelle, Me Vincent de la Morandière, s’appuyant sur l’article 145 du code de procédure civile, demande à Google et Yahoo de livrer des éléments d’identification relatifs à la vingtaine de boîtes mail utilisées par le corbeau. Deux adresses IP ayant été identifiées à la suite du piratage du mail d’Armelle, Orange est également sommé. Soit dix requêtes aux fins de levée d’anonymat, qui, malgré des refus, vont faire avancer l’enquête et ainsi confondre Marc, placé en garde à vue au début du mois de novembre. La réponse de l’opérateur de téléphonie avait permis de relever que le harceleur s’était connecté depuis son domicile. Quant aux éléments fournis par Google, ils ont montré que les adresses IP de création des nombreux comptes Gmail suivaient Marc dans ses déplacements pour des séminaires professionnels en Europe. Soit, sur le plan pénal, des faits qui justifient, pour le magistrat Barthélémy Hennuyer, trente mois de prison avec sursis probatoire de deux ans.

Reste la question des dommages et intérêts à accorder à Armelle, et à son employeur, qui demande également réparation. Un point où les deux parties sont franchement en désaccord. Le prévenu a envoyé un chèque de 12 000 € à la victime à l’hiver dernier. La simple évocation de la somme fera grimacer l’avocat d’Armelle. Les parties civiles demandent en effet une somme bien plus conséquente, proche du million d’euros. Un chiffre atteint en estimant, mail par mail, en fonction de la qualité des destinataires, le préjudice subi. Une facture, rondelette, à la portée de la bourse de Marc, qui aurait bénéficié d’un confortable parachute doré de plusieurs millions d’euros – le montant est contesté par la défense – à son départ de sa société à la suite du scandale. « Quand on vient en justice pour se venger, on en ressort forcément avec la même douleur et avec de la frustration », avertit, à l’adresse des victimes, Me Sabrina Goldman, l’avocate de Marc. Ce dernier « passe son temps à se plaindre, mais n’a pas su trouver le mot pardon, réparation », regrette au contraire Me Vincent de la Morandière. Le délibéré sur l’action publique est attendu début mars. Quant aux intérêts civils, au vu de leur caractère complexe, ils ont été renvoyés à une nouvelle audience, dans quatre mois, par la cour.

 

* Les prénoms ont été changés

Mails malveillants, piratage de compte et épluchage du réseau LinkedIn : récit de la vengeance 2.0 sordide d’un amant éconduit

L’amant éconduit avait inondé de mails malveillants la sphère professionnelle et amicale de son ancienne maîtresse. Ce dossier, qui a acquis une dimension « ahurissante » avec les outils numériques, vient d’être examiné en chambre correctionnelle avant une nouvelle audience sur la question complexe des dommages et intérêts.

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Refus de révocation du sursis à statuer : irrecevabilité de la demande d’autorisation de faire appel

Dans le cadre d’un litige opposant une banque à des emprunteurs, une plainte pénale est ouverte, entraînant le sursis à statuer prononcé par le juge de la mise en état du tribunal.

Cette ordonnance de mise en état ne fera l’objet d’aucun recours, les parties n’ayant pas demandé à être autorisé à en faire appel. Toutefois, alors que la procédure pénale ayant conduit à ce sursis était toujours en cours, la banque a estimé que l’affaire devait reprendre son cours. Elle a alors demandé au juge ayant prononcé ce sursis de le révoquer, ce que ce dernier devait refuser. La banque a donc saisi le premier président pour être autorisé à interjeter appel de l’ordonnance de refus de révocation.

Le premier président déclare irrecevable la demande d’autorisation, ce que la Cour de cassation approuve.

L’autorisation d’appel…

Le sursis à statuer, qui est un incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, mais qui la suspend, connaît un régime particulier s’agissant de la voie de recours.

Rappelons que la jurisprudence qualifie ce sursis à statuer d’exception de procédure, de sorte que dans les procédures avec désignation d’un magistrat de la mise en état, c’est ce dernier qu’il faut saisir de la demande de sursis à statuer, conformément aux dispositions de l’article 789 anciennement 776 (Civ. 2e, 25 juin 2015, n° 14-18.288 P).

Tout comme pour l’expertise, avec l’article 272, « la décision de sursis à statuer peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime » (C. pr. civ., art. 380). Le premier président, saisi selon la procédure accélérée au fond (anciennement en la forme des référés), rend alors une ordonnance par laquelle il autorise l’appel s’il considère qu’il existe un motif grave et légitime. L’appel reste alors conditionné à cette autorisation.

Ces procédures restent relativement rares, et n’alimentent pas vraiment la jurisprudence. Il ne fallait donc pas passer à côté de cette décision, qui au surplus est publiée.

… de la décision de sursis à statuer

Si la décision de sursis à statuer ne fait l’objet d’aucune demande d’autorisation, le sursis à statuer produit son plein effet, jusqu’à l’événement attendu. Dès la survenance de l’évé+nement, la cause de sursis disparaît et l’instance reprend son cours, et le délai de péremption avec.

Mais il peut arriver que l’une des parties, qui ne justifiait pas d’un motif grave et légitime pour faire appel lorsque la décision a été rendue, considère en cours de procédure que le sursis à statuer ne se justifie plus.

Le code a tout prévu, l’article 379, alinéa 2, précisant que « le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis à statuer ou en abréger le délai ». Les parties ne sont donc pas enfermées dans un sursis à statuer dont elles n’ont pas fait appel, et qui pourrait retarder inutilement la procédure. C’est le juge qui a ordonné le sursis à statuer qui révoquera le sursis ou en abrégera le délai. Cette procédure est une espèce de rétractation, qui permet au juge de revenir sur ce qu’il a jugé.

En l’espèce, c’est le juge de la mise en état qui avait ordonné le sursis, et c’est à lui que la banque a demandé de révoquer le sursis, ce qui a été refusé.

Mais la décision statuant sur la révocation ou en abrègement de délai de l’article 379, alinéa 2, du code de procédure civile n’est pas une décision ordonnant le sursis à statuer. C’est ce que nous rappelle la Cour de cassation. L’article 380 qui prévoit une autorisation de faire appel par le premier président ne vise que la décision qui ordonne le sursis à statuer, non la décision qui se prononce sur l’alinéa 2 de l’article 379, qu’il soit fait droit ou non à la demande de révocation. La Cour de cassation approuve ainsi le premier président qui a déclaré irrecevable la demande d’autorisation de faire appel. Elle retient que l’autorisation du premier président concerne seulement la décision qui a ordonné le sursis à statuer, sans s’étendre à celle rejetant la demande de révocation de ce sursis. C’est une stricte application des dispositions de l’article 380 du code de procédure civile.

Cet arrêt de rejet complète utilement un précédent arrêt pouvant laisser entendre qu’était ouvert la possibilité de saisir le premier président d’une demande d’autorisation d’une décision ayant refusé la révocation d’un sursis à statuer précédemment ordonné (Civ. 2e, 27 sept. 2018, FS-P+B, n° 17-17.270, Dalloz actualité, 7 nov. 2018, obs. M. Kebir).

Un appel sans autorisation

La Cour de cassation exclut donc toute demande d’autorisation. Au soutien de son pourvoi, le demandeur concluait sur le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. En d’autres termes, se pose la question du recours si celui de l’article 380 est définitivement fermé.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la décision ordonnant le sursis à statuer était elle-même susceptible d’appel. La partie pouvait donc, si elle considérait que le sursis à statuer ne s’imposait pas, saisir le premier président d’une demande d’autorisation, ce qu’elle n’a pas fait. l n’est pas inutile de souligner que cette autorisation suppose de justifier d’un motif grave et légitime, ce qui constitue indéniablement un obstacle à l’appel. Mais il n’en demeure pas qu’un recours existe, sur autorisation.

La Cour de cassation précise d’autre part que le recours contre la décision de rejet de la demande de révocation n’est pas fermé pour autant puisqu’en effet, il est différé conformément aux dispositions de l’article 776, alinéa 2, du code de procédure civile, aujourd’hui 795, alinéa 2. Cette précision est importante car l’article 379, alinéa 2, ne prévoit quant à lui aucun recours particulier, et la question pouvait se poser de savoir quel était ce recours. L’arrêt de la Cour de cassation éclaire donc sur le recours de la décision de refus.

S’agissant d’une ordonnance de mise en état, c’est un appel différé avec le jugement sur le fond. Il n’y a donc pas, pour la Cour de cassation, une atteinte au droit de recours. Cela étant, cet argument convainc à moitié. En effet, le sursis à statuer n’ayant pas été révoqué, l’instance est suspendue, jusqu’à ce survienne l’événement attendu, tel que fixé dans la décision de sursis à statuer. Ce n’est qu’alors, lorsque le sursis à statuer ne produira plus ses effets, que la juridiction rendra son jugement au fond. Celui qui n’avait pas obtenu la révocation du sursis à statuer pourra alors faire appel de la décision de rejet de la demande de révocation, avec le jugement au fond, le cas échéant en limitant son appel à la seule ordonnance de mise en état si le jugement au fond lui est favorable.

Et c’est alors en terme d’opportunité que la question du recours se posera. Quel intérêt de faire appel pour la partie qui a essuyé un refus d’une demande de révocation, dès lors que l’instance a repris et que le juge a statué au fond ? Si, sur le papier, le droit au recours est conservé, il est en pratique inexistant. Et il plus que probable que les cours d’appel n’auront jamais à connaître de l’appel d’une décision de rejet d’une révocation de sursis à statuer. En excluant que ces décisions puissent, par une espèce de parallélisme des formes, suivre le régime des décisions ordonnant le sursis à statuer, la Cour de cassation a de fait fermé tout recours, même si elle s’en défend par une argumentation dont nous pouvons douter qu’elle ait convaincu personne.

D’un autre côté, est-ce vraiment regrettable que ce recours n’existe pas ? Le juge a ordonné un sursis à statuer, par une décision appelable (sous conditions). Saisi ultérieurement pour qu’il revienne dessus, il refuse de revoir sa position. Après tout, est-il utile d’encombrer les juridictions avec ce type de litige ? Cela n’est pas certain.

Contrôle de proportionnalité et filiation : toujours pas d’atteinte disproportionnée…

L’arrêt de rejet rendu par la première chambre civile le 2 décembre 2020 (n° 19-20.279) est un nouvel exemple du contrôle de proportionnalité admis dans son principe par la Cour de cassation en matière de filiation depuis un arrêt du 10 juin 2015 (Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-20.790, D. 2015. 2365 image, note H. Fulchiron image ; ibid. 2016. 857, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 1966, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; RTD civ. 2015. 596, obs. J. Hauser image ; ibid. 825, obs. J.-P. Marguénaud image ; Dr. fam. 2015. Comm. 163, note C. Neirinck). Son originalité tient à ce qu’il concerne, pour la première fois selon nous, une action en constatation de possession d’état et donc la mise en œuvre de la combinaison des articles 321 et 330 du code civil.

En l’espèce, une femme, Mme A., est née le 24 juillet 1971. Ce même jour, l’homme qu’elle prétend être son père, M. C., décède accidentellement, laissant pour héritiers sa sœur et ses neveux. Pour une raison qu’on ignore, Mme A. laisse s’écouler près de quarante-cinq ans avant d’agir en justice afin que soit reconnue l’existence d’une possession d’état à l’égard de M. C.. Ainsi, le 15 avril 2016, elle assigne en justice le procureur de la République de Marseille. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare son action irrecevable comme prescrite. Selon les juges du fond, si Mme A. avait bien jusqu’au 24 juillet 2016 pour agir, elle aurait dû intenter son action contre les héritiers du père prétendu. En conséquence, son assignation délivrée en avril 2016 au procureur de la République n’a pu interrompre le délai de prescription et son action est désormais prescrite.

Le pourvoi de Mme A. contenait deux angles d’attaque.

Le premier consistait, sommairement, à démontrer que son assignation adressée au procureur avait bien interrompu la prescription car elle ignorait l’existence des héritiers. Nous n’insisterons pas sur ce point car la Cour de cassation l’a déclaré irrecevable « comme proposant une argumentation incompatible avec celle que [Mme A.] a développée devant la cour d’appel en soutenant avoir entretenu avec les héritiers de [M. C.] des relations régulières pendant de nombreuses années ».

Le second angle d’attaque, qui découlait de l’échec du premier, reposait sur l’atteinte disproportionnée que la solution retenue portait au droit au respect de la vie privée de Mme A. puisque celle-ci se trouvait ainsi privée du droit d’établir son lien de filiation et du droit de connaître ses origines. C’est là qu’intervient le désormais fameux contrôle de proportionnalité.

La Cour de cassation expose tout d’abord les textes du code civil qui aboutissent à la prescription de l’action en constatation de la possession d’état de Mme A. à l’égard de M. C. Elle rappelle qu’il résulte des articles 330 et 321 du code civil combinés que cette action peut être exercée par tout intéressé...

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S’il est exact que le constituant d’une sûreté réelle pour la garantie de la dette d’un tiers ne s’engage pas à satisfaire à l’obligation d’autrui, il y a un pas de géant pour en déduire que ce constituant n’est pas le débiteur du bénéficiaire, lequel ne serait pas, réciproquement, son créancier. Le Cour de cassation le franchit pourtant allègrement en retenant, au sein de cet arrêt de la chambre commerciale rendu le 25 novembre 2020, que faute d’avoir la qualité de créancier à l’égard du constituant, le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour garantir la dette d’autrui n’est pas soumis au principe de l’interdiction des poursuites individuelles en cas de procédure collective.

En l’espèce, une société avait hypothéqué un terrain en faveur d’une banque, pour la garantie de prêts souscrits par une autre société. L’emprunteuse ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque s’est prévalue de son « cautionnement hypothécaire » et a initié la réalisation de l’hypothèque. Cependant, en cours de route, la constituante a elle-même été placée en redressement judiciaire, de sorte que l’arrêt des voies d’exécution sur l’immeuble grevé a été sollicité. La cour d’appel ayant fait droit à cette demande, la banque a formé un pourvoi, lequel imposait de préciser le sort du bénéficiaire d’une sûreté réelle garantissant la dette d’un tiers lorsque le constituant est placé en procédure collective. Plus précisément, le bénéficiaire d’une telle sûreté subit-il l’interdiction des poursuites individuelles ou peut-il, à l’inverse, réaliser sa sûreté indifféremment de l’existence de la procédure ?

Au visa des articles L. 621-40 et L. 621-42 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 et de l’article 2169 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 23 mars 2006, la chambre commerciale casse l’arrêt d’appel. Ayant rappelé – selon une formule désormais classique – qu’une « sûreté réelle, consentie pour garantir la dette d’un tiers », n’implique « aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui », la Cour de cassation en déduit que « le bénéficiaire […] ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n’est pas son débiteur », de sorte que « n’ayant pas acquis la qualité de créancier, il n’est pas soumis à l’arrêt ou l’interdiction des voies d’exécution ». Par conséquent, le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui peut librement « poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant » sous le coup d’une procédure collective, ce qui constitue un sort particulièrement favorable.

Cette décision inspire de nombreuses réflexions. À titre liminaire, deux sont importantes. D’abord, si l’arrêt se fonde sur l’ancienne numérotation du code civil et du code de commerce, la solution s’applique pareillement à la nouvelle numérotation (C. com., art. L. 622-21-I et art. L. 622-23 ; C. civ., art. 2464), laquelle ne contient pas de modification substantielle. Ensuite, cette décision, quoi que formulée à l’occasion d’une procédure de redressement judiciaire, arbore une portée générale et s’applique à l’ensemble des procédures collectives.

Au-delà de ces remarques liminaires, l’arrêt laisse profondément perplexe. À force de nier toute correspondance de nature entre une sûreté réelle pour autrui et une sûreté personnelle, la Cour de cassation bascule vers un raisonnement juridique contestable, selon lequel le constituant d’une sûreté réelle pour autrui ne serait pas le débiteur du bénéficiaire, qui ne serait pas non plus son créancier. Voilà qui méconnaît la nature même d’une convention constitutive de sûreté réelle, de sorte que cette décision illustre le nécessaire retour à l’orthodoxie juridique quant au traitement des sûretés réelles pour autrui. 

Contestation du raisonnement

La solution débute par la reprise d’une formule constituant, depuis une quinzaine d’années, la boussole de la Cour de cassation quant aux sûretés réelles pour autrui. En effet, la chambre commerciale prend soin de rappeler que la sûreté réelle garantissant la dette d’un tiers n’implique « aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l’obligation d’autrui ». Cette formule a permis d’éviter que les sûretés réelles pour autrui ne tombent dans le giron du droit du cautionnement (v. Cass., ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.210, D. 2006. 729 image, concl. J. Sainte-Rose image ; ibid. 61, obs. V. Avena-Robardet image ; ibid. 733, note L. Aynès image ; ibid. 1414, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; ibid. 2855, obs. P. Crocq image ; AJ fam. 2006. 113, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2006....

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Pas d’interdiction des poursuites pour le bénéficiaire d’une sûreté réelle pour autrui

Le constituant d’une sûreté réelle pour garantir la dette d’un tiers ne s’engage pas à satisfaire à l’oligation d’autrui. De façon contestable, la Cour de cassation en déduit que le bénéficiaire de cette sûreté n’est pas le créancier du constituant, de sorte qu’il ne subit pas l’interdiction des poursuites individuelles en cas d’ouverture d’une procédure collective.

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Zone tendue : hausse des loyers sous évalués et performance énergétique

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Nouvelle confrontation entre bien-être animal et abattage rituel

Pour la troisième fois en un peu plus de dix-huit mois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait se prononcer sur les rapports entre bien-être animal et abattage rituel. Ses deux premières décisions relevaient d’une logique d’articulation. D’un côté, le droit de l’Union européenne (UE) peut imposer que l’abattage rituel soit opéré dans des abattoirs agréés dans la mesure où un tel encadrement ne restreint pas la liberté religieuse (CJUE 29 mai 2018, aff. C-426/16, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen VZW e.a. c/ Vlaams Gewest,AJDA 2018. 1603, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; RTD eur. 2019. 395, obs. F. Benoît-Rohmer image). De l’autre, la certification européenne « agriculture biologique », qui inclut des standards élevés en matière de bien-être animal, ne peut être attribuée à la viande issue d’animaux abattus, selon les rituels religieux, sans étourdissement préalable (CJUE 26 févr. 2019, aff. C-497/17, OABA c/ Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Bionoor SARL, Ecocert France SAS, INAO, AJDA 2019. 1047, chron. P. Bonneville, S. Markarian, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2019. 805 image, note F. Marchadier image ; RTD eur. 2020. 323, obs. F. Benoît-Rohmer image). La dernière décision de la Cour, rendue le 17 décembre 2020, traduit cette fois une logique d’opposition. Les Etats membres souhaitant promouvoir le bien-être animal sont ainsi en droit de supprimer l’exception à l’obligation générale d’étourdissement préalable des animaux normalement accordée pour l’abattage rituel. 

C’est un décret adopté par le gouvernement flamand de Belgique le 7 juillet 2017 qui a transporté la controverse jusqu’aux prétoires. Celui-ci conditionne l’abattage rituel d’animaux à leur étourdissement préalable réversible et non létal. Il met ainsi à profit la possibilité laissée par le règlement (CE) n° 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, dont l’article 26, § 2 c), permet aux États membres d’adopter des mesures assurant une meilleure protection des animaux. Néanmoins, l’article 4, § 4, du même règlement prévoit explicitement une exception à l’obligation d’étourdissement préalable des animaux pour ce qui concerne la mise à mort réalisée conformément à des préceptes religieux. L’enjeu est donc de déterminer si la marge laissée aux États membres permet d’aller jusqu’à supprimer l’effet de l’exception prévue en matière d’abattage rituel. C’est dans ce contexte que la Cour constitutionnelle de Belgique, saisie par diverses associations juives et musulmanes de plusieurs recours en annulation contre le décret, a décidé de poser à la CJUE trois questions préjudicielles portant respectivement sur l’interprétation de l’article 26, § 2 c), du règlement, le respect de l’article 10, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux garantissant la liberté de religion et le respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique garanties par les articles 20, 21 et 22 de la Charte.

Le bien-être animal, une valeur de l’UE

La Cour, réunie en grande chambre, focalise l’essentiel de sa décision sur les deux premières questions, traitées conjointement. Elle rappelle avant tout que l’obligation d’étourdissement préalable, et plus généralement l’ensemble du règlement n° 1099/2009 soumis à son interprétation, traduisent le fait que le bien-être animal constitue une valeur de l’UE consacrée tant par l’article 13 TFUE que par la jurisprudence (v. not. l’arrêt Liga van Moskeeën préc., §§ 63-64 ; CJUE 23 avr. 2015, aff. C-424/13, Zuchtvieh-Export, § 35). Dès lors, ce n’est qu’à titre dérogatoire et pour assurer le respect de la liberté de religion qu’une exception est prévue pour ce qui concerne l’abattage rituel. À cet égard, compte tenu des disparités de traitement de l’abattage rituel entre les États membres, le législateur européen a entendu assurer un certain « degré de subsidiarité » en leur laissant la liberté d’adopter des mesures plus favorables à la protection des animaux. Dans ces conditions, c’est aux États membres eux-mêmes d’opérer la conciliation entre les deux valeurs protégées par le droit de l’UE. Assez logiquement, l’article 26, § 2 c), du règlement, pris in abstracto, ne porte donc aucune atteinte à la liberté de religion garantie par l’article 10, § 1er, de la Charte des droits fondamentaux. Un État membre peut adopter des mesures plus favorables au bien-être des animaux au moment de leur mise à mort à la condition, cependant, que pareilles mesures respectent les droits fondamentaux.

Or, le décret adopté par la région flamande, qui relève effectivement, selon la Cour, du champ d’application de l’article 10, § 1er, de la Charte, apparaît limiter l’exercice du droit à la liberté des croyants juifs et musulmans. L’abattage rituel exige en effet que la mort de l’animal découle du seul fait qu’il se vide de son sang, raison pour laquelle, pour s’en assurer, l’étourdissement préalable n’est pas pratiqué. Afin de déterminer si une telle limitation de la liberté de religion est permise, la CJUE procède, en premier lieu, à différents constats. La réglementation nouvelle est bien prévue par la loi et n’aboutit pas à prohiber en tant que tel l’abattage rituel, encore que, sur ce dernier point, l’affirmation paraît un peu rapide et l’on pourrait objecter que l’absence d’étourdissement semble malgré tout en constituer pour les requérants un élément primordial. Le décret litigieux poursuit en outre un objectif d’intérêt général largement exprimé par le législateur flamand et reconnu par le droit de l’Union.

Proportionnalité de l’ingérence dans la liberté de manifester sa religion

En second lieu, la Cour se penche plus longuement sur le respect du principe de proportionnalité, sachant que dans le domaine des rapports entre État et religions, il convient de reconnaître la marge d’appréciation dont bénéficient les autorités nationales. Le raisonnement des juges procède en deux temps. D’une part, ils constatent que le législateur flamand s’est fondé sur un consensus scientifique établissant que l’étourdissement préalable constitue le meilleur moyen de réduire la souffrance des animaux au moment de leur mise à mort. Le décret adopté satisfait donc à la condition de nécessité. D’autre part, pour établir le caractère proportionné de l’ingérence dans la liberté de manifester sa religion, la Cour souligne que le législateur flamand s’est là encore appuyé sur des recherches scientifiques démontrant que l’étourdissement préalable n’avait aucune conséquence sur le fait que la mort des animaux était entraînée par la saignée. Selon ces études, la technique de l’électronarcose aboutit à un étourdissement réversible et non létal. Par conséquent, c’est l’argument principal au fondement de l’abattage rituel sans étourdissement qui est écarté, c’est-à-dire la crainte que la mort de l’animal soit causée par la technique d’étourdissement et non par la saignée. La Cour aurait sans doute pu s’arrêter là. Elle replace néanmoins le débat dans le cadre d’un conflit de valeurs : « la Charte est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques (…). Or, le bien-être animal, en tant que valeur à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une importance accrue depuis un certain nombre d’années, peut, au regard de l’évolution de la société, être davantage pris en compte dans le cadre de l’abattage rituel et contribuer ainsi à justifier le caractère proportionné d’une réglementation telle que celle en cause au principal » (§ 77). Pour toutes ces raisons, elle conclut au caractère proportionné des mesures adoptées par la région Flandre.

Respect des principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique

Quant à la troisième question préjudicielle qui lui était posée, la Cour considère que la possibilité pour les États membres d’adopter de telles mesures ne contrevient pas aux principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique protégés par les articles 20, 21 et 22 de la Charte des droits fondamentaux. Les requérants contestaient le fait que les États membres puissent imposer l’étourdissement préalable des animaux lors de l’abattage rituel alors que le règlement n° 1099/2009 ne contient aucune disposition semblable pour les animaux mis à mort lors de manifestations culturelles ou sportives ou dans le cadre d’activités de chasse ou de pêche. Pour les premières, la Cour retient qu’elles n’ont pas vocation à produire des denrées alimentaires autrement que de façon purement marginale. Elles n’entrent donc pas dans le champ de l’article 1er, § 1er, du règlement. Pour les secondes, les juges soulignent, non sans une certaine ironie, que les notions de chasse et de pêche perdraient tout leur sens si elles devaient être pratiquées sur des animaux préalablement étourdis.

Un bien-être animal valorisé

La tension persistante entre bien-être animal et abattage rituel en droit de l’Union européenne méritait bien un traitement à part entière. À ce titre, la décision rendue par la Cour fera date, d’autant qu’elle valorise nettement le bien-être animal en allant à l’encontre des conclusions de l’Avocat général G. Hogan. Elle n’apparaît toutefois pas exempte de critiques.

D’une part, si son raisonnement traduit un appel à faire évoluer les pratiques en matière d’abattage rituel, la Cour ne nomme pas explicitement les choses. Elle se range derrière les avis scientifiques mis en avant par le législateur flamand. Cependant, il faut savoir que le débat sur l’étourdissement préalable des animaux existe au sein même des institutions religieuses et que certaines y sont favorables (v. F. Marchadier, L’abattage, le bien-être de l’animal et la labellisation « agriculture biologique », D. 2019. 805 image, spéc. p. 807, citant not., D. Boubakeur, Rapport de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris à propos du sacrifice islamique des animaux destinés à la consommation halal et sur les méthodes internationales récemment admises par les pays musulmans, Revue semestrielle de droit animalier, 2010/2, p. 169 ; A. Peters, L’abattage religieux et le bien-être animal revisités, Cahiers de droit européen, 2020/1, p. 128 citant par exemple une recommandation commune de la Ligue islamique mondiale et de l’OMS datant de 1986). Ce n’est évidemment pas à la Cour de le trancher pour ces dernières. Cela dit, l’évoquer aurait pu montrer que le bien-être animal et la liberté de religion ne sont pas, contrairement à ce que laissent entendre certains points de la décision, deux valeurs parfaitement irréconciliables.

D’autre part, il est permis de s’étonner du constat, partagé par la Commission, selon lequel la Flandre peut bien imposer l’étourdissement lors de l’abattage rituel dès lors que la libre circulation des produits provenant d’autres Etats membres n’est pas entravée et permet en conséquence de se procurer de la viande issue d’abattages rituels réalisés sans étourdissement.

Enfin, il n’apparaît pas inutile de rappeler que la possibilité d’imposer l’étourdissement y compris lors de l’abattage rituel d’animaux intervient dans un contexte où l’effectivité de la législation européenne en matière de bien-être animal est perçue comme laissant à désirer (v. not., C. Maubernard, Conclusions du Conseil de l’Union européenne : le bien-être animal entre consécration de haut niveau et vacuité des considérations matérielles, Revue semestrielle de droit animalier, 2020/1, pp. 131-133 ; Cour des comptes européennes, Rapport spécial n° 31/2018, Bien-être animal dans l’UE : réduire la fracture entre des objectifs ambitieux et la réalité de la mise en œuvre, novembre 2018). Il suffit de renvoyer sur ce point aux images de mauvais traitements dans les abattoirs régulièrement révélées dans les médias. Certes, ce n’est pas une raison pour ne pas adopter de mesures assurant une meilleure protection des animaux. Il faut néanmoins reconnaître qu’une fois ces remarques mises bout à bout et même si la promotion du bien-être animal peut être vue comme un progrès du point de vue d’une grande partie de l’opinion publique, les citoyens touchés par ces mesures n’en doivent pas moins garder un goût amer. 

Nouvelle confrontation entre bien-être animal et abattage rituel

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Sanction de l’absence de motivation de l’appel formé contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence : un brevet de conventionnalité prévisible

Au-delà d’une simple redite

Le 1er septembre 2017 entraient en vigueur les dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 consacrant une nouvelle procédure de contestation des jugements relatifs à la compétence (L. Mayer, Le nouvel appel du jugement sur la compétence, Gaz. Pal. 25 juill. 2017, p. 71 s. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., LexisNexis, 2018, nos 521 s., spéc. nos 530 s. ; D. d’Ambra, Droit et pratique de l’appel, 3e éd., Dalloz, coll. « Référence », 2018/2019, nos 234.04 s. ; J. Pellerin, La réforme de la procédure d’appel : nouveautés et vigilance !, Gaz. Pal. 23 mai 2017, p. 13 ; C. Laporte, Appel du jugement sur la compétence : un nouveau jour fixe imposé, Procédures 2017. Étude 29). Arrêts après arrêts, la Cour de cassation vient préciser l’interprétation qui doit être donnée à ces nouvelles dispositions. Après avoir jugé que l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer avocat, de la procédure à jour fixe (Civ. 2e, 11 juill. 2019, nos 18-23.617 et 19-70.012, Dalloz actualité, 16 juill. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 1499 image ; ibid. 1792, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1380, obs. A. Leborgne image ; Gaz. Pal. 5 nov. 2019, p. 53, obs. N. Hoffschir ; JCP 2019. 942, note N. Gerbay ; Procédures 2019. comm. 253. obs. C. Laporte ;  ; 2 juill. 2020, n° 19-11.624, Dalloz actualité, 1er sept. 2020, obs. C. Bléry ; D. 2020. 1471 image ; Gaz. Pal. 3 nov. 2020, n° 390b3, p. 60, obs. M. Guez), elle a récemment apporté deux nouvelles précisions dans un seul et même arrêt (Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-17.630, Dalloz actualité, 5 nov. 2020, obs. C. Lhermitte).

La première concerne l’exigence de motiver la déclaration d’appel dirigée contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence. La déclaration d’appel est motivée dans la déclaration elle-même ou dans les conclusions qui y sont jointes (C. pr. civ., art. 85, al. 1er). Dès lors, les « conclusions au fond annexées à la requête, qui sont adressées au premier président et non à la cour d’appel, ne peuvent constituer la motivation requise ». À vrai dire, il pouvait difficilement en être autrement. Comme il a été justement dit, « le premier président n’est pas la cour d’appel. […] Et sur le plan pratique, la cour d’appel n’est pas destinataire des conclusions contenues dans la requête, et elle n’en a donc pas connaissance. La cour d’appel ne peut donc statuer sur des...

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Surveillance par drones : rappel à l’ordre de la CNIL

Conformément aux récentes décisions rendues par le Conseil d’État, la CNIL estime que l’utilisation de drones par les services de police et de gendarmerie constitue un traitement de données à caractère personnel qui doit être encadré par une disposition législative ou réglementaire.

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Loi Séparatisme : l’hécatombe des cavaliers

Au premier jour de l’étude en commission de la loi renforçant les principes républicains, l’opposition a contesté le nombre important d’amendements déclarés irrecevables, car sans lien avec le texte initial. Si cette censure des « cavaliers législatifs » n’est pas surprenante, elle montre que le contrôle est de plus en plus strict, ce qui limite le rôle des parlementaires à débattre sur des sujets majeurs.

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Opposition, vices cachés et appel en garantie : un mélange explosif

La difficulté des croisements entre procédure civile et droit des contrats spéciaux n’est pas nouvelle. La spécialisation grandissante de la théorie générale des contrats (F. Collart-Dutilleul et P. Delebecque, Droit des contrats spéciaux, 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, p. 11, n° 8) implique également et nécessairement des embranchements de plus en plus nombreux avec d’autres matières, dont le droit judiciaire privé. Toutefois, certaines confluences sont plus faciles à manier que d’autres. Celle entre l’opposition, l’appel en garantie et le contentieux des vices cachés reste au moins délicate si ce n’est parfois opaque tant les difficultés peuvent rapidement s’accumuler. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 janvier 2021 fait donc partie de ces solutions complexes, non destinées à une publication au Bulletin. Cette absence de publication – peut-être regrettable – ne doit pas nier l’intérêt de la décision pour autant. Quoique connue et plurielle, la solution appelle des remarques brèves mais importantes pour mieux comprendre l’enjeu de la responsabilité et des garanties dans des situations très fréquentes de chaînes de contrats à l’occasion d’un contrat d’entreprise initial. Voie de rétractation par excellence (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 939, n° 1290), l’opposition était ici bien utilisée par le fabricant – maillon extrême de la chaîne – et la Cour de cassation vient utilement rappeler les effets bénéfiques de cette voie de recours dans le contentieux des vices cachés.

Rappelons les faits qui ont donné lieu à une telle affaire. Des particuliers font édifier en 2007 une maison individuelle avec un bardage en bois posé par la société M. L’entrepreneur s’est fourni auprès de la société DMO qui s’est elle-même fournie auprès de la société P. qui a acheté le bardage auprès d’une quatrième société, la société TBN laquelle fabrique ces bardages. Des désordres ont été constatés par les maîtres de l’ouvrage une fois la maison individuelle terminée. Après expertise judiciaire contradictoire, les maîtres de l’ouvrage ont assigné l’entrepreneur et son assureur en responsabilité. Par jugement du 4 avril 2012 rectifié le 16 mai 2012, l’entrepreneur et son assureur ont été condamnés à payer aux maîtres de l’ouvrage la somme de 33 321,12 € en réparation des désordres liés au bardage défectueux. Le maître d’œuvre condamné et son assureur ont assigné la société DMO auprès de laquelle elle s’était fournie. Cette dernière a appelé en garantie la société P. chez qui elle s’est elle-même approvisionnée. Enfin, la société P. a appelé en garantie, à son tour, le fabricant des bardages, la société TBN. Dans un arrêt du 22 février 2018, la cour d’appel de Rennes a notamment condamné le fabricant à garantir le vendeur intermédiaire de l’intégralité des condamnations à son encontre. Une opposition du fabricant est formée. Dans un arrêt du 2 mai 2019, la cour d’appel de Rennes était saisie, à nouveau, mais pour une éventuelle rétractation. Les juges du fond ont estimé qu’il n’y avait pas lieu à rétracter la disposition de l’arrêt selon laquelle le fabricant a été condamné à garantir le vendeur intermédiaire de l’intégralité du quantum des condamnations à son encontre. Le fabricant se pourvoit ainsi en cassation en arguant devant la Haute juridiction que puisque « l’appel en garantie ne crée de lien de droit qu’entre le bénéficiaire de la garantie et son propre garant, et n’en crée aucun entre ceux-ci et le demandeur à l’instance principale », alors il pouvait opposer à la société qui l’a appelé en garantie le moyen selon lequel il n’avait pas à supporter le coût de la dépose et de la repose du bardage défectueux puisque cette opération n’était due qu’à un manque d’étanchéité dont il n’avait pas à répondre personnellement. Or, la cour d’appel de Rennes n’avait pas examiné ce moyen invoqué pour limiter la garantie du fabricant. Elle s’était limitée à relever la condamnation à garantir le vendeur intermédiaire de l’intégralité de la condamnation. Voici qu’intervient une violation de la loi qui permet à la Cour de cassation de casser et d’annuler l’arrêt entrepris. La réponse est sans équivoque : « En statuant ainsi, sans examiner le bien-fondé du moyen invoqué par le fabricant pour voir limiter sa garantie, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

On sait que l’opposition s’inscrit « en contrepoint de la notion de jugement rendu par défaut » (M.-E. Boursier et E. Boutrel, Rép. civ., v° Opposition, n° 1). Mais, en l’espèce, était-il possible de demander la rétractation d’une disposition d’un arrêt pour le fabricant qui s’était vu condamné à l’intégralité de la condamnation au profit du vendeur intermédiaire ? Tout ceci résultait, ab initio, des appels en garantie successifs des différents maillons intermédiaires de la chaîne jusqu’au fabricant lui-même qui reste le maillon extrême. La réponse de la cour d’appel estimait « qu’en cas de ventes successives, le vendeur intermédiaire condamné à garantir les conséquences du produit affecté d’un vice caché, conserve la faculté d’exercer cette action à l’encontre du fabricant à hauteur de la totalité des condamnations mises à sa charge sur ce même fondement ». C’est précisément là où le bât blesse pour la Cour de cassation. Si le fabricant reste bien responsable in fine du défaut dans le bardage, doit-il supporter le coût de la dépose et de la repose qui n’est pas rendue nécessaire par le défaut dans les bardages fabriqués mais dans un problème d’étanchéité qui ne lui est pas imputable ? La question pouvait légitimement, en effet, se poser puisque le fabricant répond logiquement des défauts de son produit mais pas de ceux qui ne sont pas de son propre fait. En ce sens, l’opposition trouvait un certain sens pour rétracter les dispositions éventuellement inadaptées à la situation du fabricant qui n’avait pas pu faire valoir sa prétention devant les juges du fond. Le reproche adressé à la cour d’appel de Rennes saisie de l’opposition de la société TBN fabricante des bardages réside dans l’assimilation de l’action en garantie à son encontre de la totalité des condamnations. Or, en la matière, dans une telle chaîne de contrats où un vice caché est apparu, le maillon extrême doit pouvoir invoquer des moyens destinés à limiter la condamnation si des éléments extérieurs le démontrent ; appel en garantie oblige. Certes, l’appel en garantie doit permettre la condamnation du tiers contre qui il est formé (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., LGDJ, Domat, 2019, p. 958, n° 1172) mais certaines limites existent quant à l’amplitude de cette condamnation. Voici donc une décision de raison gouvernée par l’adéquation de la contribution à la dette de chacun des acteurs de la chaîne. Le fabricant est condamné à garantir le vendeur intermédiaire pour ce qu’il a vendu. Ni plus, ni moins. En somme, toute la garantie mais rien que la garantie.

Que retenir donc, en résumé, de cette solution ? Deux enseignements majeurs se profilent. D’une part, c’est l’occasion de rappeler que l’appel en garantie ne créée de lien juridique qu’entre l’appelant et l’appelé. C’est une solution connue (F. Ferrand, Rép. civ., v° Appel, n° 534). Nul lien entre le demandeur à l’action principale et l’appelé en garantie (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, op. cit., p. 340, n° 422). Toute la solution formulée par la Cour de cassation repose sur cette idée qui avait été invoquée par le demandeur au pourvoi en appendice de sa démonstration. La distinction des instances est le prérequis de la solution sur la possibilité d’une rétractation. D’autre part, une telle décision permet de ne pas faire peser sur le maillon extrême de la chaîne une condamnation dont le quantum n’est pas adapté à sa responsabilité. S’il doit évidemment s’acquitter de l’indemnisation en raison du vice affectant la chose, le fabricant ne répond pas de ce qui lui est étranger. En l’espèce, c’était précisément le cas du défaut d’étanchéité, lequel était lié à un problème dans la pose mais pas dans celui observé pour les bardages. En somme, la société TBN a été parfaitement conseillée dans sa stratégie de défense : l’opposition était une très bonne idée dans le contentieux visé. Encore faudra-t-il reprendre l’instance au fond par la cour d’appel de renvoi d’Angers et vérifier si ce défaut d’étanchéité permet bien de rétracter la disposition. Seuls les éléments de faits pourront le dire précisément. La Cour de cassation valide un raisonnement subtil, peut-être stratégique, mais qui permet de préserver le rôle de chacun dans la chaîne de contrats.

Opposition, vices cachés et appel en garantie : un mélange explosif

Dans le contentieux d’une chaîne de contrats ayant transféré la propriété de bardages en bois, la Cour de cassation rappelle dans un arrêt mêlant procédure civile et contrats spéciaux quelques règles importantes sur l’appel en garantie et ses effets. 

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De la notion d’incident de paiement non régularisé

Un paiement effectué par l’assureur, substitué à l’assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permet d’écarter l’existence d’un incident de paiement non régularisé.

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De la notion d’incident de paiement non régularisé

En matière de crédit à la consommation, les actions en paiement du prêteur sont soumises à une forclusion biennale en vertu de l’alinéa 1er de l’article R. 312-35 du code de la consommation (V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 2e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2019, n° 192). L’alinéa 2 du même texte prévoit que « Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7 » (la solution est également valable en présence d’un délai de grâce accordé au débiteur sur le fondement de l’art. L. 314-20 c. consom., renvoyant à l’art. 1343-5 c. civ., v. Civ. 1re, 1er juill. 2015, n° 14-13.790, D. 2015. 1484 image ; RTD com. 2015. 735, obs. B. Bouloc image). Encore faut-il s’entendre sur la notion d’incident de paiement non régularisé. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 janvier 2021 apporte à cet égard d’utiles précisions. En l’espèce, suivant offres acceptées le 29 janvier 2008, une banque a consenti à un emprunteur deux prêts de 21 000 € et 14 000 € garantis par une assurance. Par la suite, l’emprunteur a fait l’objet d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement, qui donné lieu à une décision du 28 février 2013, par laquelle la commission de surendettement a imposé des mesures de redressement à compter du 31 mars de la même année. L’emprunteur n’a alors effectué aucun remboursement et l’assureur a, au titre de la garantie invalidité, réglé à la banque la somme totale de 2 529,75 €. Puis, par acte du 3 août 2015, la banque a assigné l’emprunteur en remboursement du solde des prêts, mais ce dernier lui a opposé la forclusion de l’action.

La cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 27 septembre 2018, a déclaré recevable la demande en paiement de la banque et a condamné l’emprunteur au paiement d’une certaine somme. Un pourvoi en cassation fut donc formé par celui-ci, au motif notamment que la régularisation d’un incident de paiement ne peut résulter du paiement fait par l’assureur-emprunteur. Cependant, l’argument ne trouve pas grâce aux yeux de la Cour régulatrice, qui considère qu’« un paiement effectué par l’assureur, substitué à l’assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permet d’écarter l’existence d’un incident de paiement non régularisé, de sorte qu’après avoir relevé, par motifs adoptés, que la somme de 2 529,75 € avait permis le paiement intégral des échéances des mois d’avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l’échéance du mois d’août et que l’échéance du 30 août 2013 constituait le premier incident de paiement non régularisé, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’action de la banque était recevable ».
La solution est irréprochable : le code de la consommation n’exige nullement que l’incident de paiement soit régularisé par l’emprunteur lui-même (comp. G. Cattalano, in D. Fenouillet [dir.], Droit de la consommation. Droit interne et européen, Dalloz Action, 2020, n° 324.103 : « Par cette expression, il faut entendre le premier défaut de paiement, total ou partiel, qui n’a pas été ultérieurement couvert par l’emprunteur, ou par un accord conclu entre le prêteur et l’emprunteur pour reporter les échéances »), si bien que le paiement de la dette par son assureur permet naturellement une telle régularisation. Il en irait de même si la dette était payée par un codébiteur solidaire, une caution ou même, nous semble-t-il, par un tiers à la dette, l’article 1342-1 du code civil (ayant succédé à l’anc. art. 1236 à la faveur de la réforme opérée par l’ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016) prévoyant que « Le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf refus légitime du créancier » (pour une application de ce principe dans le domaine des procédure civiles d’exécution, v. Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-16.312 : « Il résulte de la combinaison des articles L. 131-1 et L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, que, dès l’instant où l’obligation assortie d’une astreinte a été exécutée, fût-ce par un tiers, l’astreinte ne peut plus donner lieu à liquidation pour la période de temps postérieure à cette exécution, sauf si le créancier justifie d’un intérêt légitime à ce qu’elle soit exécutée par le débiteur lui-même »).

L’emprunteur soutenait également qu’en toute hypothèse, les paiements partiels d’une dette unique s’imputaient d’abord sur les intérêts et que lorsque l’assurance-emprunteur ne couvre qu’une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l’assureur devaient s’imputer sur chacune des échéances dont il s’agit de garantir le paiement de sorte qu’aucune des échéances dues à partir d’avril 2013 ne pouvait être considérée comme régularisée. Mais la première chambre civile écarte ces arguments, considérant que « l’emprunteur n’a pas soutenu, en cause d’appel, que les paiements partiels devaient être imputés en priorité sur l’intégralité des intérêts impayés avant de pouvoir être imputés sur le capital ni que, lorsque l’assurance emprunteur ne couvre qu’une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l’assureur doivent s’imputer sur chacune des échéances dont le paiement était partiellement garanti ». Cela est dommage (pour l’emprunteur), car l’argument aurait pu prospérer. On sait en effet qu’en vertu de l’ancien article 1254 du code civil, « Le débiteur d’une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts » (la règle est reprise de manière plus concise par l’art. 1343-1, al. 1er, issu de l’ord. du 10 février 2016 : « Lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts »). Il est vrai, cependant, que cette règle n’est pas d’ordre public (V. en ce sens, sous l’empire des anciens textes, Civ. 1re, 29 oct. 2002, n° 00-11.958 : « les dispositions des articles 1253 à 1256 du code civil relatives à l’imputation des paiements sont supplétives de la volonté des parties »). Mais, pour l’écarter, une stipulation expresse est nécessaire (V. en ce sens, au sujet de l’anc. art. 1256 c. civ., Civ. 3e, 10 mars 2004, n° 03-10.807, D. 2004. 1283 image ; RTD civ. 2004. 512, obs. J. Mestre et B. Fages image : « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que l’acceptation de prélèvements bancaires n’impliquait pas en elle-même, à défaut de stipulation contractuelle expresse, que les locataires aient entendu renoncer aux dispositions de l’article 1256 du code civil, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à des recherches relatives à la volonté implicite des parties que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que le premier juge avait justement imputé aux loyers les plus anciens les paiements faits sous forme de prélèvements automatiques après le commandement et constaté que les causes de cet acte avaient été réglées dans les deux mois suivant sa délivrance »).

De la prescription des titres exécutoires judiciaires en Nouvelle-Calédonie

On sait que les titres exécutoires judiciaires sont soumis à un délai de prescription particulier. L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution (qui était initialement l’art. 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juill. 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution) dispose en effet, en son alinéa 1er, que « L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long » (les titres concernés sont plus précisément les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire, les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables, et les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties). Mais cette disposition n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie. L’article 25, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile prévoit en effet que « La présente loi, à l’exception de son article 6 et de ses articles 16 à 24, est applicable en Nouvelle-Calédonie ». Or, le texte instituant la prescription décennale des titres exécutoires judiciaires est l’article 23 de ladite loi. Cette prescription doit donc être écartée s’agissant de l’exécution des titres judiciaires en Nouvelle-Calédonie. Encore fallait-il déterminer la prescription applicable à ces titres exécutoires, question à laquelle la première chambre civile de la Cour de cassation a dû répondre dans un arrêt du 9 décembre 2020. En l’espèce, suivant acte du 21 février 2006, le Fonds social de l’habitat a consenti à un particulier un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier. Par la suite, le 11 janvier 2017, le prêteur a délivré à l’emprunteur un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d’un jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 8 janvier 2013, devenu irrévocable. Invoquant la prescription de l’action du prêteur, l’emprunteur l’a assigné en annulation du commandement.

La cour d’appel de Nouméa, dans un arrêt du 10 décembre 2018, a déclaré la créance prescrite et a donc fait droit à la demande de l’emprunteur, au motif que « l’article L. 137-2 du code de la consommation ne distingue pas selon le type d’action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d’obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d’un tel titre, que ce texte institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu’il a fournis à un consommateur, que le délai de prescription biennal s’applique tant à l’action en vue d’obtenir un titre exécutoire qu’à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu et que l’action du prêteur, fondée sur un jugement du 8 janvier 2013, n’a été engagée que le 11 janvier 2017 ».

Le prêteur se pourvut donc en cassation, au motif « qu’en Nouvelle-Calédonie, l’exécution des décisions de justice...

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Reconnaissance de dettes et liquidation d’indivision entre époux : le silence est d’or, le dire est d’argent

En octobre 1998, Monsieur et Madame X. décident de se marier et optent pour un régime séparatiste. Cinq ans plus tard, ils acquièrent en indivision un appartement au moyen de fonds personnels (et non propres comme on peut le lire dans la décision étant en séparation de biens !) et de divers emprunts. Parmi ces emprunts, un a été accordé par le père de monsieur, à hauteur de 58 000 €, aux fins de financer les frais d’acquisition du bien indivis. Le temps passe mais le mariage n’a pas surmonté le cap de la décennie et, en mars 2008, une ordonnance de non conciliation est émise. La procédure de divorce suit alors un cours classique. Le 5 juillet 2010, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance, sur le fondement de l’article 255, 10°, du code civil par laquelle il désigne un notaire afin que soit élaboré un projet de liquidation du régime matrimonial et la formation des lots à partager. Puis, le 2 septembre 2013, un jugement de divorce est prononcé entre les époux. Au terme du jugement, il est ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux du couple.

Un conflit est alors né sur ce dernier point relativement au bien immobilier acquis en indivision. En effet, pendant la procédure de divorce, Madame X. reconnaît, dans le dire adressé au notaire le 20 avril 2012, l’existence de la dette...

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Démolition confirmée du Château Diter à Grasse

Le fait pour le pétitionnaire de construire sans autorisation ou de solliciter un permis de construire ayant pour seul but de se soustraire au règlement d’urbanisme n’autorisant que les extensions des constructions existantes, caractérise la fraude, pouvant être sanctionnée par la démolition. La demande de remise en état, formée au titre de l’action civile, peut se cumuler avec la demande de remise en état en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, au titre de l’action pénale.

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Démolition confirmée du Château Diter à Grasse

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La France prête à « garantir » la préservation de l’environnement

Une seule phrase, inscrite au plus haut de la Constitution de 1958, pourrait bien engager l’État dans une quasi-obligation de résultat aux conséquences aussi lourdes qu’imprévisibles.

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Le Sénat veut améliorer l’accueil des gens du voyage

Jugeant les outils à disposition des acteurs de terrain pour assurer le bon accueil des gens du voyage insuffisants, plusieurs sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage.

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Mesures d’instruction : le juge chargé du contrôle ne peut statuer sur requête

FS-P+B+R+I : la lecture de cette combinaison de lettres qui accompagne la présente décision suggère d’emblée qu’elle n’est pas anodine. Il faut dire qu’elle mêle deux aspects importants : un sujet particulièrement pratique – les mesures d’instruction – et un principe fondamental de notre procédure – le contradictoire. La décision est accompagnée d’une note explicative publiée sur le site internet de la Cour régulatrice qui souligne qu’elle parachève, selon les termes employés par la juridiction, une évolution jurisprudentielle entamée depuis plusieurs années.

Il s’agissait, pour la haute juridiction, de se prononcer sur la question du suivi de la mesure d’instruction obtenue sur requête et plus précisément sur l’application de l’article 168 du code de procédure civile qui prévoit que, lorsqu’une difficulté survient au cours d’une opération à laquelle le juge chargé du contrôle de la mesure d’instruction ne procède ou n’assiste pas, il « fixe la date pour laquelle les parties et, s’il y a lieu, le technicien commis seront convoqués par le greffier de la juridiction ». Or la mesure d’instruction in futurum peut être demandée sur requête, c’est-à-dire en dérogeant au principe du contradictoire afin que le requérant puisse agir par surprise, sans appeler la personne visée par la mesure, afin d’éviter le risque de dépérissement des preuves.

La question posée par le pourvoi était de savoir si le juge chargé du contrôle peut ou non statuer par une ordonnance sur requête malgré les termes l’article 168 précité ?

En l’occurrence, une société suspectait un détournement  de  clientèle  commis  par  un ancien  salarié et une autre société dont il était le gérant.  Elle a saisi le président d’un tribunal  de  grande  instance  d’une  requête afin  de  voir  ordonner  une  mesure  d’instruction  sur  le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Après avoir favorablement accueilli cette demande, ce même président a autorisé un huissier de justice, sur  requête  de  ce  dernier  agissant  en  qualité  de mandataire de la société requérante, à conserver un disque dur saisi au domicile de l’ancien salarié. Ce dernier et la société dont il était devenu le gérant ont assigné le requérant en rétractation des deux ordonnances. Leur demande a été rejetée par une ordonnance dont ils ont interjeté appel mais la cour d’appel a confirmé cette décision.

Devant la Cour de cassation, le débat portait sur le respect du contradictoire. Les demandeurs reprochaient à la juridiction d’appel de s’être abstenue de convoquer les parties pour étendre la mission confiée à l’huissier de justice, ce qu’aucun texte ne lui permettait de faire. En l’occurrence, pour confirmer l’ordonnance de référé qui a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête, la cour d’appel a retenu que si l’ordonnance avait été effectivement rendue sans convocation des parties, le principe du contradictoire a été respecté dès  lors  que  ces  parties,  et  tout particulièrement l’ancien salarié, avaient été convoquées et entendues à l’audience statuant sur la demande de rétractation.

Les demandeurs faisaient valoir que, lorsque survient une difficulté au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction, le juge saisi sans forme fixe la date pour laquelle les parties et, s’il y a lieu, le technicien commis seront convoqués par le greffier de la juridiction. Aucune disposition ne dispenserait le juge de cette contradiction que la seule audience sur rétractation ne saurait suffire à rétablir.

La Cour de cassation leur donne raison en censurant la décision d’appel. Elle énonce au visa des articles 14, 16, 166, 167 et 168 du code de procédure civile que lorsque le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction exerce les pouvoirs prévus par les trois derniers  de  ces  textes,  il  doit  respecter  le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelées. Elle souligne qu’en l’espèce, le juge chargé du contrôle de la mesure d’instruction avait statué par ordonnance sur requête.

La haute juridiction se prononce donc clairement pour une prohibition de la requête saisissant le juge chargé de régler les difficultés d’exécution de la mesure d’instruction. Ce faisant, elle impose le contradictoire au stade de la contestation de la mesure devant le juge chargé des difficultés d’exécution. Elle applique ainsi l’article 168 du code de procédure civile qui traduit en filigrane la volonté de faire naître un débat sur la difficulté soumise entre les parties opposées et éventuellement le technicien.

Si la solution semble désormais claire (v. déjà Civ. 2e, 27 juin 2019, n° 18-12.194, Dalloz actualité, 31 juill. 2019, obs. M. Kebir ; D. 2019. 1397 image), elle n’interroge pas moins sur sa compatibilité avec l’esprit de la requête fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dont le propre est d’écarter le contradictoire pour permettre au demandeur de se ménager un effet de surprise et ainsi préserver ses chances de se constituer une preuve dans l’optique d’un futur litige potentiel. La cour d’appel a estimé qu’au stade de la difficulté d’exécution, il n’y avait pas lieu de rétablir cette contradiction dès lors que c’est déjà l’objet de la procédure de référé-rétractation. La haute juridiction souligne toutefois dans l’arrêt rapporté que c’est dès le stade de cette contestation devant le juge chargé du contrôle de la mesure que le principe du contradictoire doit être rétabli. La décision, qui semble contredire de précédents arrêts (Civ. 2e, 24 avr. 1989, n° 88-10.941, Bull. civ. II, n° 98 ; RTD civ. 1990. 143, obs. R. Perrot image ; JCP 1990. II. 21472, obs. L. Cadiet ; 4 juill. 2007, n° 05-20.075, Rev. crit. DIP 2007. 840, note H. Muir Watt image), doit selon nous être approuvée car elle n’affecte aucunement l’efficacité du mécanisme de la requête, en particulier lorsque celle-ci est fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile. L’effet de surprise qui conduit à une mise au ban du contradictoire doit exister pour permettre au requérant de se constituer la preuve qu’il estime nécessaire, mais dans un premier temps seulement, c’est-à-dire au stade de la recherche des preuves avant d’éviter que la personne visée par la mesure ne puisse les faire disparaître. Dans un second temps, c’est-à-dire une fois lorsqu’une fois cette preuve obtenue, si des difficultés apparaissent, il est nécessaire que chacun des intérêts en présence puissent être discutés entre les parties : celui qui a sollicité la mesure et celui qui a soulevé la difficulté devant le juge chargé du contrôle. On pourrait estimer, comme l’a fait la juridiction d’appel, que ces difficultés peuvent être traitées contradictoirement devant le juge de la rétractation mais en réalité, ce sont deux problèmes distincts. C’est une chose de vouloir discuter de la rétractation de l’ordonnance sur requête, c’en est une autre de vouloir discuter des difficultés d’exécution apparues au cours de la mesure. Dans les deux cas, la contradiction doit être respectée.

Au-delà de son apport pratique, cet arrêt rappelle qu’au fond, la procédure sur requête est une anomalie en ce qu’elle conduit à une mise à l’écart d’un principe essentiel du procès équitable, le droit de pouvoir discuter contradictoirement des demandes soumises au juge. C’est un mal nécessaire, car il permet de garantir l’efficacité de la mesure, mais un mal quand même. Il est sans doute raisonnable de cantonner cette anomalie au strict nécessaire et de permettre au contradictoire de retrouver toute sa place lorsque survient une difficulté liée à l’exécution de la mesure d’instruction.

Irrespect des formalités prévues pour les promesses de vente de très longue durée : la nullité est relative

Par cet arrêt, la troisième chambre civile précise la portée du formalisme des promesses de vente conclues pour une longue durée. À l’occasion d’un bail, un protocole annexé au contrat contenant une promesse synallagmatique de vente est conclu pour un délai de vingt-quatre mois (délai ensuite prorogé de douze mois) sans respecter les solennités de l’article L. 290-1 du code de la construction et de l’habitation. L’article, central pour saisir la portée de l’arrêt, est rédigé ainsi : « Toute promesse de vente ayant pour objet la cession d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier, dont la validité est supérieure à dix-huit mois, ou toute prorogation d’une telle promesse portant sa durée totale à plus de dix-huit mois est nulle et de nul effet si elle n’est pas constatée par un acte authentique, lorsqu’elle est consentie par une personne physique. » Assignés en résiliation du bail et en expulsion des lieux, les locataires sollicitent reconventionnellement la nullité du protocole en invoquant l’irrespect de cette formalité, la promesse de vente n’ayant pas été constatée par un acte authentique. Ils sont également les auteurs du pourvoi, la cour d’appel ayant rejeté leur demande.

À l’appui du pourvoi, ils invoquent la titularité de l’action en nullité, en considérant que la règle violée visée à l’article L. 290-1 du code de la construction et de l’habitation prévoirait une nullité absolue pouvant donc être demandée par tout intéressé.

Pour la Cour de cassation, il s’agissait de répondre à la question de savoir si le bénéficiaire d’une promesse synallagmatique de vente de longue durée pouvait agir en nullité en cas de non-respect du formalisme prévu par l’article 290-1 du code de la construction et de l’habitation. Autrement dit, quelle est l’étendue exacte du formalisme de cet article ? Englobe-t-il les deux parties ou reste-t-il réservé au promettant ?

La réponse de la troisième chambre civile, qui procède par rejet du pourvoi, est aussi laconique qu’attendue : le texte visé n’ayant pour objet la protection du seul promettant « qui immobilise son bien pendant une longue durée », la nullité concernée est relative, ce qui n’ouvre droit qu’au promettant de l’invoquer.

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient préciser deux éléments.

D’abord, le formalisme de l’article 290-1 du code de la construction et de l’habitation est un formalisme de protection, ce qui ne saurait surprendre au vu des raisons de son insertion dans le code de la construction et de l’habitation : la règle est issue de la loi du 25 mars 2009 dite de modernisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et a pour but la protection de la personne physique qui immobilise son bien pendant une longue durée, notamment au profit d’un aménageur ou d’un promoteur. Obliger l’intervention du notaire dans de tels cas, c’est permettre au promettant de peser le choix de l’engagement en bénéficiant des conseils d’un professionnel. Le but est de compenser une forme de déséquilibre qui survient dans les promesses de longue durée au détriment du promettant. Ce déséquilibre est purement objectif : d’un côté, le promettant, qui subit la contrainte de l’immobilisation de son bien en s’engageant définitivement à maintenir sa promesse pendant une très longue durée ; de l’autre, la situation du bénéficiaire qui conserve sa liberté. Pour ces raisons, sanctionner cette condition d’une nullité fait de la promesse visée à 290-1 un « contrat solennel, relevant à ce titre du formalisme direct » (Rép. civ., v° Promesse de vente – PUV ou pacte d’option, par O. Barret, n° 86).

La jurisprudence s’est montrée très favorable à cette protection, qu’elle applique tant aux promesses synallagmatiques qu’unilatérales (v. Civ. 3e, 18 févr. 2015, n° 14-14.416, Dalloz actualité, 9 mars 2015, obs. A. Cayol ; D. 2015. 489 image ; ibid. 988, chron. A.-L. Méano, A.-L. Collomp, V. Georget et V. Guillaudier image), ce qui n’avait pas été sans soulever des critiques, notamment parce que la promesse synallagmatique devrait être plus protégée puisque le contractant y est déjà définitivement engagé (v. A. Cayol, art. préc.). Cela étant, étendre la protection au promettant de la promesse unilatérale est dans l’air du temps depuis que la réforme du code civil en droit des obligations a mis fin à la jurisprudence Consorts Cruz (Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, D. 1994. 507 image, note F. Bénac-Schmidt image ; ibid. 230, obs. O. Tournafond image ; ibid. 1995. 87, obs. L. Aynès image ; AJDI 1994. 384 image ; ibid. 351, étude M. Azencot image ; ibid. 1996. 568, étude D. Stapylton-Smith image ; RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre image) : en disposant que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis », l’article 1124, alinéa 2, du code civil a renforcé la force obligatoire de la promesse unilatérale de vente. Il en ressort donc que l’article 290-1 du code de la construction et de l’habitation constitue une garantie indispensable pour celui qui s’engage, surtout lorsque la promesse est unilatérale.

Ensuite, ce formalisme est orienté en la personne du seul promettant. En appliquant la théorie moderne des nullités (dont la préférence par la jurisprudence ne fait plus de doute et a été entérinée par la réforme du droit des obligations de 2016), la troisième chambre civile considère que la règle exprimée à l’article 1179 du code civil sauvegarde l’intérêt privé et non l’intérêt général. Dès lors, son irrespect, sanctionné par la nullité, ne peut être invoqué que par le promettant. C’est considérer que le périmètre tracé par le contrat ou l’avant-contrat ne doit pas entraîner avec lui l’extension d’un formalisme orienté. Dans un arrêt remarqué, la chambre mixte avait considéré que les formalités ayant trait à la mention de la durée et au numéro d’inscription d’un mandat d’agent immobilier n’étaient pas prescrites à peine de nullité absolue, refusant l’action en nullité au locataire dont le congé pour vente ne remplit pas les formalités concernées (Cass., ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411, Dalloz actualité, 10 mars 2017, obs. A. Gailliard ; D. 2017. 793, obs. N. explicative de la Cour de cassation image, note B. Fauvarque-Cosson image ; ibid. 1149, obs. N. Damas image ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki image ; AJDI 2017. 612 image, obs. M. Thioye image ; ibid. 2018. 11, étude H. Jégou et J. Quiroga-Galdo image ; AJ contrat 2017. 175 image, obs. D. Houtcieff image ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier image). À l’époque, l’arrêt avait surpris car il s’agissait d’un revirement de jurisprudence puisque la nullité était avant absolue mais s’expliquait notamment par le fait que le locataire avait lui aussi le bénéfice de règles protectrices d’ordre public. Pour autant, l’arrêt avait pu soulever quelques réserves du fait du statut de partie faible du locataire, qui s’en trouvait moins protégée. En outre, la place de l’intérêt général est bien plus importante vis-à-vis du contrat de l’agent immobilier régi par la loi Hoguet, activité réglementée et teintée d’ordre public. Il ne saurait en être ainsi dans le cas du bénéficiaire de la promesse qui n’est entré dans aucun rapport contractuel.

Cet arrêt vient renforcer le sentiment qu’au fil des années, la Cour de cassation cloisonne le bénéfice du formalisme en délimitant de façon nette les périmètres d’application. Elle le fait en s’appuyant – parfois de façon indirecte – sur une interprétation de l’article 1179 du code civil consistant à délimiter très nettement l’intérêt général de l’intérêt privé.

  

 SYMBOLE GRIS