Le juge saisi par requête doit relever, même d’office, des circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.
Dans cette affaire, un litige opposait deux gestionnaires qui s’étaient succédés pour gérer une copropriété. Le syndic qui avait succédé à son prédécesseur avait été désigné en 2012 en qualité d’administrateur provisoire à la requête de plusieurs copropriétaires. L’administrateur obtient ensuite la désignation d’un expert-comptable avec la mission d’examiner les comptes de l’ancien syndic. Puis, le mandat judiciaire de cet administrateur avait été renouvelé à plusieurs reprises pour une durée de six mois. Profitant d’une erreur commise par l’administrateur judiciaire qui avait demandé à être renouvelé alors que son mandat avait pris fin, l’ancien syndic engage un référé de rétractation en 2014 pour faire annuler le renouvellement de la mission du mandataire judiciaire. Le demandeur à la rétractation est débouté de sa demande et la décision de rejet est confirmée en appel. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt pour violation de la loi et manque de base légale. Le pourvoi articulait deux reproches. Le premier est tiré du fait que le mandataire avait tardé à demander le renouvellement de sa mission. Ne l’étant plus au moment du dépôt de sa requête en renouvellement, il avait perdu sa capacité d’ester en justice et son acte introductif d’instance était vicié par une nullité de fond. La cour d’appel a donc commis une violation de la loi au visa de l’article 117 du code de procédure civile. Le second reproche est un manque de base légale. En effet, il était reproché aux juges du fond de n’avoir pas relevé les circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement. L’arrêt est donc censuré au visa de l’article 493 du code de procédure civile.
Le premier motif de cassation n’appelle pas de commentaires particuliers. De fait, s’il est parfois permis de régulariser un pouvoir d’agir en justice, il n’est pas toujours possible de valider ex post la capacité d’ester en justice. La condition de pouvoir ester en justice s’appréciant au jour de l’introduction de la demande et la...
Un dispositif expérimental d’une durée de trois ans présenté à l’article 154 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la possibilité pour les administrations fiscale et douanière d’utiliser les données rendues publiques par les contribuables sur les réseaux sociaux pour détecter une série de comportements frauduleux énumérée par la loi.
La réforme des périmètres de protection autour des captages d’eau destinée à la consommation humaine crée une différence de traitement entre les propriétaires de terrains situés à proximité de ces captages.
La réforme des périmètres de protection autour des captages d’eau destinée à la consommation humaine crée une différence de traitement entre les propriétaires de terrains situés à proximité de ces captages.
Le délit d’apologie publique d’acte de terrorisme n’est pas un acte de terrorisme. Il ne justifie pas, à lui seul, qu’il soit mis fin au statut de réfugié.
Lorsqu’une clause d’un accord instituant un comité de groupe conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 se réfère aux termes « comité d’entreprise », « délégation unique du personnel », « délégué du personnel » ou « comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail », il y a lieu d’y substituer les termes de « comité social et économique » dès lors que cette substitution suffit à permettre la mise en œuvre de cette clause.
Portée de l’interdiction de la cession des actifs aux parents des dirigeants de la société débitrice
Lorsque l’heure n’est plus au redressement de l’entreprise, le débiteur fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Pour mener à bien cette procédure, le liquidateur est tenu de réaliser les éléments composant l’actif du patrimoine du débiteur afin d’en apurer le passif. Le principe s’énonce clairement, mais sa mise en œuvre pratique est plus délicate en raison des nombreuses règles jalonnant la réalisation des actifs en liquidation judiciaire. Parmi elles, nous retrouvons celles s’intéressant à la qualité requise pour acquérir les biens d’une entreprise en difficulté.
Les règles applicables en la matière pourraient se draper dans le manteau de l’injonction : acquéreurs, soyez tiers à l’entreprise ! L’arrêt ici commenté confirme la justesse de ce propos.
En l’espèce, le liquidateur d’une société placée en liquidation judiciaire est autorisé à reprendre une procédure de saisie immobilière engagée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective. L’immeuble saisi a été adjugé à une société tierce, mais les parents du gérant de la société débitrice ont formé une surenchère du dixième. La nullité de cette surenchère est demandée en appel par l’adjudicataire au visa de l’article L. 642-3 du code commerce. Ce texte prohibe la cession des actifs d’une société débitrice au bénéfice de ses dirigeants ou de ses proches parents et alliés. La cour d’appel fait droit à cette demande et les parents du gérant de la société débitrice forment un pourvoi en cassation. Las, ces derniers n’auront pas plus de chance devant la haute juridiction et le pourvoi est rejeté.
Pour la Cour de cassation, l’interdiction de la cession des actifs, par quelque voie que ce soit, aux proches du débiteur est applicable, en l’espèce, aux parents du gérant de la personne morale débitrice lorsqu’ils forment une surenchère dans le cadre de la vente aux enchères publiques des biens de la société en liquidation judiciaire.
Les règles gouvernant la matière concernent tous les modes de réalisation de l’actif. Ainsi, l’interdiction pour les proches parents et alliés du dirigeant d’une société débitrice d’acquérir un bien appartenant à la personne morale s’applique non seulement dans le cadre de la cession totale ou partielle de l’entreprise (C. com., art. L. 642-3), mais également, comme en l’espèce, à la cession d’actifs isolés (C. com., art. L. 642-20).
Reste que ces interdictions ne sont pas absolues, et ce, pour au moins deux raisons (nous ne mentionnerons pas les dispositions relatives aux exploitations agricoles).
D’une part, en matière de plan de cession et sur requête du ministère public, le tribunal peut autoriser, par un jugement spécialement motivé et après avoir recueilli l’avis des contrôleurs, la cession de l’entreprise à une personne pourtant visée par l’interdiction à l’exception des contrôleurs (C. com. art. L. 642-3, al. 2).
D’autre part, en matière de réalisation des actifs isolés, sur requête du ministère public, le juge-commissaire peut autoriser la cession aux dirigeants de la personne morale débitrice ou aux proches parents et alliés, à l’exception des contrôleurs et du débiteur lui-même. En outre, spécialement en matière de cession d’actifs mobiliers, le juge-commissaire peut être saisi par le ministère public, le liquidateur ou le débiteur (C. com., art. R. 642-39) aux fins d’accorder la même dérogation pour les actifs de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie courante et/ou faisant partie d’une exploitation agricole, ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers (C. com., art. L. 642-20, al. 2).
Pour être complet, relevons que, de façon exceptionnelle, l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises dans le contexte de la crise de la covid-19 permettait au débiteur ou à l’administrateur judiciaire de présenter directement une requête au tribunal afin de permettre le dépôt d’une offre de reprise. Après avoir été décriée (peut-être, à tort : C. Delattre, Cession d’entreprise à l’ancien dirigeant : beaucoup de bruit pour rien ?, BJE nov. 2020, n° 118e8, p. 1) y compris par la presse économique (M. Kindermans et Y. Duvert, Entreprises en difficulté : le rachat par les dirigeants crée des remous, Les Échos, 22 sept. 2020), la mesure n’a pas été prolongée par l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 et a pris fin le 31 décembre 2020.
Au sein de l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation applique à la cession d’actif par voie d’adjudication le principe de l’interdiction d’acquérir les biens de la société débitrice par les proches du débiteur. Au regard des règles rappelées ci-dessus, la solution paraît classique. Pourtant, elle est pour la première fois, à notre connaissance, affirmée par la Cour de cassation s’agissant d’une surenchère formée dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière. Cette solution se justifie, mais prête le flanc à la critique.
L’application logique du principe de l’interdiction d’acquérir
L’article L. 642-20 du code de commerce rend applicable aux cessions d’actifs isolés le principe de l’interdiction pour les proches du dirigeant d’acquérir les biens de la société débitrice. Plus précisément, ledit texte renvoie notamment aux dispositions de l’article L. 642-18 du même code qui accueille en son sein les différentes modalités de réalisation des actifs immobiliers en liquidation judiciaire : saisie immobilière, vente par adjudication amiable ou cession de gré à gré.
S’agissant, comme en l’espèce, d’une vente par adjudication à la suite d’une procédure de saisie immobilière, la question de l’articulation des règles du code de commerce et de celles du code des procédures civiles d’exécution (CPCE) se pose.
Au vrai, un examen rapide des deux corps de règles peut laisser songeur quant à la justesse de la solution fournie par l’arrêt commenté. En effet, le CPCE prévoit que toute personne peut se porter enchérisseur, à l’exception du débiteur, des auxiliaires de justice intervenus dans la procédure et des magistrats de la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie (CPCE, art. L. 322-7 et R. 322-39). Or, puisque les proches du débiteur ne font pas partie des personnes privées du droit d’enchérir, il pourrait être déduit que l’interdiction du code de commerce devrait céder là où le CPCE ne distingue pas.
Las, une telle interprétation omet la lettre du premier alinéa de l’article L. 642-18 du code de commerce, lequel renvoie aux dispositions précitées du CPCE, sous la réserve importante que « ces dispositions ne soient pas contraires à celles du code de commerce ».
Dès lors, les règles du droit des entreprises en difficulté l’emportent sur celles du CPCE. Aussi, quelle que soit la modalité de réalisation de l’actif choisie, le candidat acquéreur présente une offre d’acquisition. Ainsi doit-il justifier d’une certaine qualité : être un tiers à la société débitrice.
Au regard des textes, la solution fournie par l’arrêt commenté semble donc tout à fait logique.
Au demeurant, cette solution peut être rapprochée d’une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation ayant retenu la violation de l’interdiction posée à l’article L. 642-3 du code de commerce dans une hypothèse où la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition des actifs n’apparaissait pas clairement. En l’espèce, la participation des dirigeants à l’adjudication des actifs avait été masquée par l’interposition d’une personne morale (Com. 8 mars 2017, n° 15-22.987, Bull. civ. IV, n° 35 ; Dalloz actualité, 22 mars 2017, obs. X. Delpech ; D. 2017. 566 ; Rev. sociétés 2017. 386, obs. P. Roussel Galle ).
Reste que, si, du point de vue des textes, la solution rapportée nous paraît tout à fait logique, à y regarder de plus près, elle n’est pourtant pas frappée au coin de l’évidence et nécessiterait, peut être, une intervention législative pour pallier ses défauts.
L’application discutable du principe de l’interdiction d’acquérir
Dans le cadre d’un plan de cession totale ou partielle de l’entreprise, le principe d’externalité des offres de reprise est tout à fait compréhensible. Lorsqu’un plan de cession est adopté, ce dernier l’est au détriment du règlement des créanciers, mais cette atteinte est compensée par la promesse de sauvegarde de l’activité et de l’emploi incarnée en la personne du repreneur. C’est dans ce contexte que les interdictions d’acquérir du code de commerce se justifient. Puisque le débiteur personne physique ou les dirigeants de la société cédée n’ont pas été à même de garantir la pérennité de l’entreprise, il faut donc s’assurer qu’ils ne puissent plus exercer d’influence sur celle-ci. En somme, l’objectif de ces interdictions est de moraliser les reprises d’entreprise en privant le débiteur, directement ou par personne interposée, de recueillir l’actif de l’entreprise sans en supporter le passif.
Las, nous peinons à retrouver les mêmes logiques lorsque les interdictions d’acquérir pour les proches du débiteur concernent sans distinction toutes les modalités de cession des actifs isolés.
D’une façon générale, il ne s’agit pas ici d’éviter qu’un proche du débiteur poursuive l’exploitation de l’entreprise en étant déchargé du passif. Au contraire, il faut « simplement » s’assurer, dans cette hypothèse, que l’actif ne soit pas bradé pour que sa réalisation puisse satisfaire l’intérêt collectif des créanciers.
Or, si le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur peut se comprendre dans le cadre d’une cession de gré à gré, celui-ci est moins évident, voire contre-productif, lorsque la vente a lieu aux enchères publiques (F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2015, n° 1213 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., Dalloz Action, 2019-2020, n° 561.142).
D’abord, le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur est moins évident à comprendre lorsque la réalisation de l’actif se passe par une vente aux enchères publiques. Contrairement à une cession de gré à gré, la question du favoritisme de tel ou tel acquéreur n’a pas lieu d’être posée dans le cadre d’une vente aux enchères, puisque, par essence, le mieux-disant l’emportera.
Ensuite, le principe de l’interdiction d’acquérir pour les proches du débiteur dans le cadre d’une adjudication peut se révéler contre-productif dans la mesure où l’exclusion des personnes, par hypothèse, les plus intéressées par l’actif du débiteur priverait les créanciers de la chance d’obtenir le prix de réalisation de l’actif le plus élevé.
Enfin, selon le professeur Pérochon, il est possible de se demander si la généralité de l’article L. 642-20 du code de commerce ne porterait pas atteinte à la liberté de disposition des destinataires de l’interdiction et à la propriété du débiteur et de ses créanciers en raison de l’incidence sur le produit de la vente d’un plus petit nombre d’enchérisseurs (F. Pérochon, À propos de la réforme de la liquidation judiciaire par l’ordonnance du 18 décembre 2008, Gaz. Pal., 10 mars 2009, p. 3). Nous souscrivons volontiers à cette critique, mais la Cour de cassation, lors de l’examen de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) contestant la constitutionnalité de l’article L. 642-3 du code de commerce, a jugé que les interdictions visées au texte ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux principes d’égalité, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle (Com., QPC, 23 sept. 2014, n° 13-19.713, Dalloz actualité, 1er oct. 2014, note A. Lienhard ; D. 2014. 1935, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2014. 750, obs. P. Roussel Galle ; 7 juill. 2016, n° 14-50.066).
Quoi qu’il en soit, discuter de la rationalité des interdictions d’acquérir dans le cadre particulier d’une vente aux enchères publiques nous paraît important, notamment car, dans un contexte économique dégradé, la situation rapportée par l’arrêt sous commentaire risque de se représenter. Or il nous semble qu’en temps de crise, toutes mesures facilitant la réalisation de l’actif sont bonnes à prendre. Évitons que les créanciers d’aujourd’hui soient les débiteurs en liquidation judiciaire de demain !
Dans ces conditions, les dispositions de l’article L. 642-20 du code de commerce devraient être modifiées afin que soit assouplie la procédure permettant de déroger aux interdictions de l’article L. 642-3 du même code en matière de vente des immeubles par adjudication.
Une piste possible serait de conférer la possibilité au débiteur et au liquidateur de saisir le juge-commissaire afin qu’il accorde la dérogation à l’interdiction d’acquérir lorsqu’est en cause l’adjudication d’un immeuble. En l’état des textes et en matière de cession d’actif immobilier, seul le ministère public peut présenter une telle demande. Au demeurant, la proposition consisterait « à copier » le régime applicable en matière de cession d’actif mobilier de faible valeur et de vente aux enchères publique ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers (C. com., art. L. 642-20, al. 2). Certes, le système proposé pourrait se voir reprocher le risque d’abus ou de détournement du dispositif. Selon nous, ce risque pourrait être atténué par l’exigence de recueillir l’avis du ministère public avant que ne soit levée l’interdiction.
Affaire à suivre… espérons-le !
Portée de l’interdiction de la cession des actifs aux parents des dirigeants de la société débitrice
L’interdiction de la cession des actifs, quel qu’en soit le mode de réalisation, aux dirigeants de la société débitrice ou à ses proches parents et alliés est applicable à l’enchère ou surenchère dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.
Portée de l’interdiction de la cession des actifs aux parents des dirigeants de la société débitrice
L’interdiction de la cession des actifs, quel qu’en soit le mode de réalisation, aux dirigeants de la société débitrice ou à ses proches parents et alliés est applicable à l’enchère ou surenchère dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.
Le premier signalement au parquet eut lieu le 7 décembre 1997, jour de la naissance de Karine J… Le comportement d’Anne-Marie D…P…, la mère de l’enfant, inquiète les personnels soignants. Cette femme a tué son premier nourrisson, né d’un viol en 1983, de 130 coups de couteau et présente une instabilité mentale manifeste au centre hospitalier de Rennes où elle a accouché. Un juge des enfants est saisi en 1998, qui rend un jugement d’assistance éducative. Une expertise psychiatrique d’Anne-Marie D…P… conclue à la nécessité de soins psychiatriques et à une assistance éducative en milieu ouvert, mais au fur et à mesure des rapports (1999, 2000), l’administration constate que la psychothérapie n’est pas mise en place. Malgré cela, le juge des enfants décide en 2000 qu’une « intervention éducative judiciaire en l’état n’est pas nécessaire ».
Le centre départemental d’action sociale (CDAS) fait un nouveau signalement en 2003. Le comportement de Karine J… indique qu’elle est probablement en danger. Livrée à elle-même, amaigrie, elle est un jour tombée dans le plan d’eau alors qu’aucun adulte ne la surveillait. Surtout, elle a un comportement sexualisé anormal. Elle se masturbe en public, commet des attouchements sur des enfants de son âge, fait des fellations à des enfants, et tente d’avoir des relations sexuelles avec ses camarades. Ce signalement conduit le juge des enfants à ordonner une nouvelle mesure d’assistance éducative en milieu ouvert en 2004, Karine étant maintenue au domicile familial. En 2005, le CDAS fait un nouveau signalement, du fait de la présence régulière entre 2002 et 2004 chez les consorts J… de leur ami Roland B…, condamné en 1997 pour agressions sexuelles sur sa fille. En avril 2005, cet homme est auditionné dans le cadre d’une autre procédure pour des abus sexuels sur sa fille, puis placé en détention provisoire. Il sera condamné en 2007. La mesure éducative prend fin en 2006. Peu de temps avant, l’enquête de police ouverte pour d’éventuels abus commis par Roland B… sur la petite Karine est classée sans suite, après une seule audition de l’enfant, préparée à mentir par son père, entendue seule par un brigadier de police.
Un nouveau signalement est réalisé en 2009 et, le 18 mai de cette année, le parquet ouvre une enquête de police, au cours de laquelle les enquêteurs mettent au jour des faits de viols et d’agressions sexuelles commis à l’encontre de Karine J… entre ses 5 et 7 ans, par Roland B… Sa tante et son oncle l’ont prise en charge. L’enquête pénale se poursuit et ce n’est qu’en juillet 2018 que la cour d’assises a condamné Roland B… pour ces faits, à trente ans de réclusion criminelle (la peine maximale encourue).
Les carences de l’État telles que présentées dans cette procédure ont incité l’oncle et la tante de Karine J…, partie civile et tuteurs de Karine J…, à assigner l’État pour déni de justice et faute lourde. Un jugement du 17 septembre 2018 a rejeté la faute lourde, estimant que « la prescription quadriennale fixée par la loi du 31 décembre 1968 est seule applicable en l’espèce et à supposer que Karine J… n’ait été informée de l’instruction en cours que le 3 novembre 2011, instruction qui faisait suite aux signalements, la prescription était acquise le 31 décembre 2015 ». Le tribunal reconnaissait en revanche le déni de justice, ayant calculé qu’un délai de douze mois pour prendre un réquisitoire introductif était un déni de justice à hauteur de dix mois, qu’il consentait à indemniser 12 000 €.
Devant la cour d’appel de Paris, mercredi 17 février, et en l’absence d’un représentant du parquet (qui avait fait savoir qu’il demandait la confirmation), l’avocat de Karine J…, Me Grégory Thuan a réitéré ses demandes. En préambule, il informe la cour que, « dans le droit fil de ce dossier, le 4 juin 2020, la France s’est fait condamner par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir rejeté la faute lourde de l’État », dans un dossier en tout point similaire à celui-ci. « S’agissant de l’affaire Karine J…, dit l’avocat, on est dans un cas de figure bien pire. »
L’avocat estime que la prescription quadriennale, à la supposer applicable, n’était pas acquise. En effet, si le point de départ du délai de prescription est, par principe, la date du fait générateur, la jurisprudence admet que ce point de départ puisse être reporté lorsqu’il y a un empêchement à agir, notamment à la date de connaissance des faits litigieux ou du fait générateur. Le point de départ retenu en première instance (3 novembre 2011) est la date de la convocation des parties civiles, date à partir de laquelle les juges ont considéré que les parties avaient connaissance de l’instruction et, partant, disposaient de tous les éléments pour initier une action en responsabilité sur le fondement de la faute lourde. Or, dit l’avocat, l’enquête de police ne repose que sur les seuls signalements de 2009, qui eux seuls étaient présents au dossier, tout comme ne figuraient que les mesures d’assistances éducatives prises en 2009 et 2010, transmises par la juge des enfants à la juge d’instruction. L’ensemble des dossiers en assistance éducative ne furent joints au dossier qu’à la date du 13 novembre 2013, alors même que Laurence J.… (la tante) faisait tout pour avoir accès à l’intégralité du dossier de Karine J…, allant même jusqu’à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) (qui répondit favorablement).
L’agent judiciaire de l’État, représenté à l’audience, soutient que Laurence J… ne pouvait ignorer les différents faits générateurs du dommage allégué, ce qui est faux, répond Me Thuan, puisque, si Laurence J… avait bien été à l’origine de trois signalements à compter de 2003, elle ignorait que d’autres eussent été faits auparavant, et n’avait pas connaissance de toutes les mesures d’assistances éducatives prises entre 2002 et 2006. Et, contrairement à ce qu’avance l’État, dit son avocat, ce n’est pas parce qu’elle avait connaissance de l’existence de ces éléments qu’elle connaissait leur contenu.
En outre, le Conseil d’État, dans son arrêt du 5 décembre 2014, a jugé qu’en matière de dommage corporel qui engage la responsabilité des autorités publiques, le point de départ du délai de prescription est le premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées, c’est-à-dire la date à laquelle ces dommages ne sont pas susceptibles de s’aggraver. Karine J… présentant à ce jour de très graves séquelles physiques et psychologiques, la prescription quadriennale, estime l’avocat, n’est pas acquise.
« Le parquet a failli à sa fonction de protection de l’enfance »
Enfin, sur la prescription, il estime qu’appliquer la prescription quadriennale est une atteinte au principe d’égalité des armes puisqu’il instaure un déséquilibre entre les parties, tout comme il instaure une différence de traitement injustifiée, car les délais de prescription pour engager la responsabilité civile des particuliers oscillent entre dix et vingt ans, même lorsque l’État est partie à la procédure. Me Grégory Thuan considère que c’est la prescription décennale qui s’applique en l’espèce.
Au fond, l’avocat rappelle que la faute lourde est caractérisée par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, indépendamment de toute appréciation psychologique du comportement individuel des agents. Cette définition de principe émane de l’arrêt que la Cour de cassation a rendu en assemblée plénière, le 23 février 2001, dans l’affaire dite du « petit Grégory ». L’avocat cite plusieurs arrêts de la Cour de cassation, qui, dans différentes affaires, ont retenu la faute lourde de l’État pour une inaction coupable des services judiciaires.
Pour caractériser le fonctionnement défectueux du service public de la justice, l’avocat fait la liste vertigineuse des signalements, l’insuffisance des mesures prises, l’incapacité de la justice à protéger l’enfant. « Le parquet a failli à sa fonction de protection de l’enfance », plaide-t-il. Pour se défendre, l’agent judiciaire de l’État conclut que l’absence de poursuite pénale est due à la dissimulation des faits par l’ensemble de la famille, y compris Karine. « Il est particulièrement aberrant d’invoquer le silence d’une enfant de 7 ans, qui subissait les pressions constantes de ses parents, pour justifier de l’absence de clairvoyance et les défaillances du parquet, d’autant plus dans une affaire où les faits invoqués sont d’une telle gravité », proteste Me Thuan, qui rappelle que les travailleurs sociaux, inquiets, n’ont pas été écoutés.
Le volet « déni de justice » est moins disputé, bien que réfuté par l’État. Les demandeurs estiment qu’en plus de ce qui a été retenu en première instance (délai trop long pour prendre le réquisitoire introductif), les juges devraient considérer que la longueur de la procédure était imputable aux erreurs commises par les autorités judiciaires, erreurs de droit ayant conduit à la cassation du premier arrêt de renvoi, ce qui prolongea de deux ans environ la procédure, qui dura en tout et pour tout neuf ans, pour une affaire sans complexité particulière à partir du moment où le mis en cause a reconnu les faits.
La décision sera rendue le 14 avril prochain.
La cour d’appel de Paris examinait, mercredi 17 février, la demande de Karine J…, enfant violée entre 5 et 7 ans par un ami de ses parents. Son avocat demande la confirmation de la reconnaissance du déni de justice et la reconnaissance de la faute lourde de l’État, refusée en première instance. Décision le 14 avril.
La cour d’appel de Paris examinait, mercredi 17 février, la demande de Karine J…, enfant violée entre 5 et 7 ans par un ami de ses parents. Son avocat demande la confirmation de la reconnaissance du déni de justice et la reconnaissance de la faute lourde de l’État, refusée en première instance. Décision le 14 avril.
Dans ses lignes directrices publiées fin janvier, le Conseil de l’Europe préconise un encadrement strict de l’utilisation des technologies de reconnaissance faciale. Il se prononce également pour l’interdiction de certaines applications.
Profitant lâchement des vacances judiciaires, la rédaction de Dalloz actualité s’éclipse quelques jours pour souffler un peu.
Mais promis, vous n’aurez pas longtemps à attendre. Retour dès le lundi 1er mars !
Merci de votre fidélité.
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L’action récursoire du vendeur final contre un vendeur antérieur relève des dispositions de la convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980.
L’action récursoire du vendeur final contre un vendeur antérieur relève des dispositions de la convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980.
Le site leboncoin.fr et sa rubrique « immobilier » constituent une base de données, la société LBC France en est le producteur et la société Entreparticuliers.com a, quant à elle, procédé à l’extraction et à la réutilisation de parties substantielles de la sous-base de données « immobilier » dudit site.
Une délibération de l’assemblée générale octroyant une rémunération exceptionnelle à son dirigeant ne peut être annulée qu’en cas de violation des dispositions impératives du livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, et non au seul motif de sa contrariété à l’intérêt social, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés pour favoriser ses ou leurs intérêts au détriment de ceux d’un ou plusieurs autres associés.
Retour utile sur l’étendue des obligations incombant aux tiers entre les mains desquels est pratiquée une saisie conservatoire ainsi que sur les sanctions encourues en cas de manquement et sur les causes exonératoires pouvant, le cas échéant, être invoquées.
« Dans un acte de procédure, l’erreur relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief. »
Si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes, qui s’est abstenu de révéler des faits délictueux au procureur de la République et de mettre en œuvre la procédure d’alerte auprès du président du tribunal, est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée.
Le Conseil d’État précise les informations que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) peut demander à l’autorité judiciaire.
Les créances fiscales ne peuvent être contestées, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, que dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales. Doivent donc être admises les créances fiscales qui n’ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l’administration, conformément aux dispositions de ce livre.
Cette fois, c’est un arrêt Vidatel qui sera au cœur de cette chronique (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, Vidatel). Assurément, il sera commenté et fera l’objet d’appréciations divergentes. Que ce soit sur l’obligation de révélation des arbitres ou l’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral, il constitue une pierre importante apportée à l’édifice jurisprudentiel. Néanmoins, quelle que soit l’appréciation que l’on peut avoir sur le fond de la solution, on peine à se réjouir qu’elle fasse, une fois encore, voler en éclats les (rares) certitudes sur la question de la constitution du tribunal arbitral. Car à la question, qui devrait être résolument simple, de savoir ce qu’il faut révéler, la seule réponse que nous sommes aujourd’hui en mesure d’apporter est : « je ne sais pas ». Bonne ou mauvaise, il faut à tout le moins espérer que la solution de l’arrêt Vidatel assure un minimum de sécurité aux parties, aux arbitres et aux institutions.
Au-delà de cette décision, la nouvelle année commence par un changement de chambre. La 1-1 est morte, vive la 3-5 ! La cour d’appel de Paris a procédé à une réorganisation interne qui conduit à cette modification. Cependant, tout cela semble bien formel (pour l’instant ?), dès lors que, dans le déménagement, la chambre a emporté avec elle magistrats et greffiers. On peut cependant regretter que ce bouleversement ne se soit pas soldé par une réorganisation plus profonde. En effet, comme le notait Thomas Clay récemment (T. Clay, Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges, D. 2020. 2484 ), l’arbitrage est désormais écartelé entre deux chambres. Si la répartition semble reposer sur un critère logique, l’arbitrage interne pour la 3-5 et l’arbitrage international pour la 5-16, le risque de divergence d’appréciation entre les chambres est grand. Or la différence entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international n’est pas de nature mais de (faible) degré.
Quoi qu’il en soit, c’est encore une chronique riche par laquelle nous débutons l’année. On signalera particulièrement un jugement du tribunal administratif de Poitiers dans l’affaire SMAC (Poitiers, 15 déc. 2020, n° 19/00269, SMAC) ainsi qu’un énième épisode dans Tecnimont (Paris, 1-1, 1er déc. 2020, n° 17/22735, Tecnimont), dans lequel un recours en annulation est exercé contre la sentence se prononçant… sur le recours en révision !
I. L’arrêt Vidatel
L’arrêt Vidatel soulève principalement deux questions : celle de l’obligation de révélation et celle de l’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral.
A. L’obligation de révélation
L’obligation de révélation est au cœur des arrêts Vidatel, mais aussi des arrêts Carlson Wagonlits Travel (Paris, 3-5, 12 janv. 2021, n° 17/07290, CWT), HOP ! (Paris, 19 janv. 2021, n° 18/04465) et Soletanche (Paris, 15 déc. 2020, n° 18/14864). Avant d’examiner attentivement ces solutions, rappelons-en rapidement les faits.
Dans l’arrêt Vidatel, quatre sociétés actionnaires à 25 % de l’opérateur de téléphonie mobile Unitel ont conclu un pacte d’actionnaires pour régler leurs relations. Cette convention contient la clause compromissoire suivante : « Toute demande, tout différend ou autre question survenant entre les parties en ce qui concerne ou découlant du présent pacte ou de sa violation, sera tranché par voie d’arbitrage, par un groupe de cinq [5] arbitres, chaque partie devant en désigner un et le cinquième devant être désigné par les quatre autres arbitres, sous réserve, toutefois, que si les arbitres désignés par les parties ne trouvent pas d’accord, l’arbitre indépendant devra être désigné par le président en exercice de la Chambre de commerce internationale. Ledit arbitrage se déroulera conformément au règlement de la Chambre de commerce internationale. Tout arbitrage se déroulera en anglais à Paris. » Nous aurons l’occasion de revenir sur les difficultés posées par la forme originale du tribunal arbitral dans les développements relatifs à l’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral. Dans un premier temps, ce sont les déclarations d’indépendance de deux des cinq arbitres qui sont au cœur des débats. L’un a oublié de révéler ses liens avec un actionnaire de la société mère d’une des parties à l’arbitrage ; l’autre a omis de signaler qu’un associé de son cabinet d’avocats a été désigné administrateur d’une des filiales de la société mère de l’une des parties au litige.
Dans l’arrêt CWT, un contrat de partenariat relatif à la vente de voyages a été conclu entre les sociétés CWT et Seitur. Le contrat a été résilié par CWT, qui a conclu dans la foulée un nouveau contrat de partenariat avec la société Polimundo. Dans le cadre de l’arbitrage entre CWT et Seitur, l’un des arbitres n’a pas fait état de son lien de parenté avec la gérante de la société Polimundo.
Dans l’arrêt HOP !, le litige porte sur le Lease Agreement (contrat de location) d’un aéronef. Il est reproché à l’arbitre unique d’avoir omis de révéler de façon complète qu’il siège en qualité de directeur au board de l’ERAA (European regions airline association), aux côtés de plusieurs représentants de filiales d’Air France-KLM, société mère de HOP !.
Enfin, dans l’arrêt Soletanche, l’affaire concerne une construction dans un terminal portuaire. Après la résiliation du marché avec la société Soletanche, la société ACT a confié les travaux à un second prestataire, la société BAM. Dans le cadre du litige entre Soletanche et ACT, il est fait grief à l’arbitre unique d’avoir été l’auteur d’une révélation incomplète de ses liens avec la société BAM, nouvel attributaire du marché.
Ces quatre décisions n’ont pas la même portée. Les arrêts CWT, HOP ! et Soletanche sont classiques et ne bouleversent pas l’état du droit positif. Ils reprennent d’ailleurs un corpus commun de règles, déjà retenu par la jurisprudence. Ils énoncent successivement que « l’arbitre doit ainsi révéler aux parties toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d’impartialité et d’indépendance, qui sont l’essence même de la fonction arbitrale » et que « le lien de confiance avec l’arbitre et les parties devant être préservé continûment, celles-ci doivent être informées pendant toute la durée de l’arbitrage des relations qui pourraient avoir à leurs yeux une incidence sur le jugement de l’arbitre et qui seraient de nature à affecter son indépendance ». C’est bien l’arrêt Vidatel qui propose une évolution remarquable. Néanmoins, ces décisions sont l’occasion de revenir sur deux des principales questions de l’obligation de révélation : ce qui doit être révélé et ce qui est considéré comme ayant fait l’objet d’une renonciation.
1. Ce qui doit être révélé
En matière de révélation, il faut distinguer ce qui doit être révélé dès l’origine et ce qui doit être révélé pendant l’instance.
a. La révélation en début d’instance
La question de ce qui doit faire l’objet d’une révélation par l’arbitre est primordiale ; pourtant, elle est celle qui fait l’objet de la plus faible conceptualisation en jurisprudence. En réalité, on peut débattre pendant des heures du point de savoir s’il convient d’adopter une appréciation extensive ou restrictive de l’obligation de la révélation de l’arbitre. En pratique, lorsqu’il est en train de rédiger sa déclaration d’indépendance, l’arbitre a besoin de certitudes. De telles certitudes sont doublement vertueuses : elles sécurisent l’arbitre, qui connaît précisément ce qui doit ou ne doit pas être révélé ; elles font pression sur l’arbitre, qui ne peut se prévaloir d’un flou pour retenir une information.
La pratique s’est engagée dans une démarche d’accompagnement sur cette question, en particulier à travers les IBA Guidelines on conflicts of interest in international arbitration, de 2014, édictées par International Bar Association. En revanche, le code de procédure civile reste silencieux. L’arrêt Vidatel s’en fait d’ailleurs l’écho, en signalant que : « le contenu de l’obligation de révélation n’est pas précisé par l’article 1456 du code de procédure civile ». La jurisprudence est toujours restée mystérieuse sur cette question. Le plus souvent, elle utilise une formule générique selon laquelle « l’obligation de révélation qui pèse sur l’arbitre doit s’apprécier au regard de la notoriété de la situation critiquée, de son lien avec le litige et de son incidence sur le jugement de l’arbitre » (Paris, 15 sept. 2015, n° 15/04996, D. 2015. 2588, obs. T. Clay ; 27 mars 2018, n° 16/09386, D. 2018. 2448, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2019. 522 [1re esp.], note L.-C. Delanoy ; Gaz. Pal. 2018, n° 27, p. 19, obs. D. Bensaude ; 2 juill. 2013, n° 11/23234, D. 2013. 2936, obs. T. Clay ; RTD com. 2014. 318, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2014. 130, note E. Loquin ; JCP 2013. Doctr. 1391, obs. J. Ortscheidt ; 25 févr. 2020, Dommo, nos 19/07575 et 19/15816 à 19/15819, Dalloz actualité, 27 avr. 2020, obs. C. Debourg ; ibid., 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ; JCP 2020. 870, note M. de Fontmichel ; Rev. arb. 2020. 501, note L. Jaeger ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller). Cette définition est insuffisante, car elle ne permet pas à l’arbitre, seul face à sa déclaration d’indépendance vierge, de déterminer ce qu’il doit coucher sur le papier. On est donc, aujourd’hui encore, contraint de faire des hypothèses sur la nature des liens à révéler ou sur les personnes visées (v., pour une tentative de présentation, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques, préc., v° VI – Vademecum : l’obligation de révélation et le recours contre la sentence). Face à cette incertitude latente, on peut sans doute accueillir les arrêts Vidatel, CWT et Soletanche avec bienveillance et intérêt, en ce qu’ils renouvellent les supports théoriques de la révélation.
• Les aspects théoriques
Les arrêts Vidatel, Soletanche et CWT présentent un point commun : ils font une place particulière aux outils de la Chambre de commerce internationale (CCI) dans leur examen de la révélation. Premièrement, l’arrêt Vidatel fait une référence exhaustive à la récente Guidance Note on conflict disclosures by arbitrators de la CCI, qui figure dans la Note to Parties and Arbitral Tribunals on the Conduct of the Arbitration (ci-après « la Note ») ; deuxièmement, les arrêts Soletanche et CWT font référence au case information sheet de la CCI qui permet d’identifier les « autres entités concernées » par l’arbitrage (à savoir, celles qui ne sont pas parties). L’une et l’autre de ces innovations de la CCI sont cruciales. Elles apportent aux arbitres ce qui leur manque : une certitude sur ce qu’il convient de déclarer aux parties avant le début de l’arbitrage. Dès lors, n’y a-t-il pas toutes les raisons de se réjouir de l’accueil par la jurisprudence française de ces bonnes pratiques ? Notre appréciation sur ce point est tempérée.
La première difficulté est relative aux sources du droit. L’arrêt Vidatel opère un spectaculaire renversement de la hiérarchie des normes. Il faut commencer par lire les paragraphes 104 et 105 de la décision. La cour y rappelle, comme c’est désormais de coutume, les fondements de son raisonnement. D’abord, elle cite l’article 11 du règlement CCI 2012 ; ensuite, elle vise l’article 1456, alinéa 2, du code de procédure civile. Certes, on ne dira jamais assez que le code de procédure civile est lacunaire sur ce point. Mais est-ce une raison pour le reléguer au rang de source subalterne ? On pourra avancer qu’il ne s’agit que d’un détail (on ne résiste pas au plaisir de citer France Gall : « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup »). Un détail qui préfigure un changement d’approche ?
Les conséquences tirées de cette Note par la cour d’appel sont extrêmement importantes. La Note permet de réaliser une distinction entre les faits visés par la liste, qui doivent être révélés, et les faits qui ne le sont pas, qui ne doivent pas être révélés sauf cas particulier (v. infra). Sur le plan des sources, cela conduit à fonder les critères de l’obligation de révélation des arbitres dans une affaire sur ce qui est prévu par le règlement d’arbitrage. Or cela pose en creux une question fondamentale : l’obligation de révélation doit-elle être fixée uniformément par le droit français ou peut-elle être relative et modelée par la volonté des parties (notamment par l’intermédiaire d’un règlement d’arbitrage) ? C’est un débat dont on ne peut plus faire l’économie après l’arrêt Vidatel et la réponse est loin d’être évidente.
En faveur d’une toute-puissance du droit français, on pourra avancer que la question de l’indépendance et de l’impartialité des parties (car elle est indéfectiblement liée à l’obligation de révélation qui est la condition sine qua non de la confiance des parties dans les arbitres) ne peut être laissée à la libre appréciation des parties. On y est d’autant plus réticent qu’une telle solution conduit à une immense diversité du régime applicable à la révélation (un règlement d’arbitrage, un régime). Surtout, des difficultés ne manqueront pas d’apparaître en cas de silence du règlement (ou d’un arbitrage ad hoc) ou de pluralité de sources (règlement d’arbitrage et référence aux IBA Guidelines). Enfin, toutes les institutions d’arbitrage n’ont pas adopté des règles aussi vertueuses que celles de la CCI (et quid d’un règlement volontairement limitatif sur l’obligation de révélation ?).
À l’inverse, les arguments en faveur d’une prééminence du règlement ne manquent pas non plus. Les arbitres bénéficient ainsi de lignes directrices solides au moment de réaliser leur révélation et ne sont pas soumis à une appréciation a posteriori du juge consacrant à l’occasion de l’affaire une règle méconnue antérieurement. En outre, plutôt que d’aller consulter non seulement le droit du siège (qui peut être déterminé après la déclaration d’indépendance), mais également le droit des lieux potentiels d’exécution (car le juge de l’exequatur est également susceptible de contrôler les modalités de constitution du tribunal arbitral !), l’arbitre peut se fier aux seules modalités du règlement.
Pour notre part, nous rechignons (mais ne demandons qu’à être convaincu) à retenir la prééminence de la volonté des parties sur ce point. Si les critères retenus par la CCI sont bons, rien n’interdit à la jurisprudence de se les approprier et de les généraliser, quelle que soit la nature de l’arbitrage. Il en va d’ailleurs de même du case information sheet évoqué dans les arrêts CWT et Soletanche. Nul doute qu’il s’agit d’un outil utile (mais loin d’être infaillible, ce qui conduit la Note de la CCI à préciser en son paragraphe 28 qu’il ne faut pas s’y limiter), qui permettra aux parties de mentionner un certain nombre d’entités qui doivent être prises en considération dans sa révélation par l’arbitre. Mais là encore, si on juge l’outil efficace, rien n’interdit à la jurisprudence d’imposer aux parties d’annoncer aux arbitres, en amont de l’obligation de révélation, la liste des entités qu’elles estiment pertinentes pour l’exercice de la révélation.
Par ailleurs, si tant est que l’on admette que le règlement d’arbitrage constitue le socle de l’obligation de révélation, il convient d’être cohérent et de renoncer à la jurisprudence mortifère sur la notoriété du fait non révélé. En effet, le règlement CCI ne mentionne pas ce critère et impose bien aux arbitres de révéler les faits notoires. Malgré cela, l’arrêt Vidatel y fait encore abondamment référence (v. infra). On ne peut pas, d’un côté, considérer que les arbitres doivent s’appuyer sur le règlement CCI dans le cadre de leur obligation de révélation et, d’un autre côté, les en dispenser pour ce qui concerne les faits les plus significatifs ! De plus, il conviendrait d’aller au bout de la logique et de considérer que les entités mentionnées dans le case information sheet ont un lien direct ou indirect avec le litige. Pourtant, dans l’arrêt CWT, la cour considère, alors même que la société Polimundo est désignée comme « entité concernée », que cette mention ne vaut pas « preuve de l’implication effective » et que la société n’a pas « intérêt, direct ou indirect, dans la résolution du litige arbitral ». En définitive, l’arrêt Vidatel constitue une petite révolution sur le plan des sources et il faudra examiner minutieusement ses suites.
La deuxième difficulté concerne les conséquences tirées de cette nouvelle source de l’obligation de révélation dans l’arrêt Vidatel. C’est à ce stade que l’arbitragiste peut déchirer les notes qu’il a soigneusement confectionnées depuis des années, tentant fébrilement de comprendre la distinction entre ce qui doit être révélé et ce qui peut entraîner l’annulation de la sentence, dès lors qu’il est admis depuis l’arrêt Neoelectra (Civ. 1re, 10 oct. 2012, n° 11-20.299, Sté Neoelectra Group c. Sté Tecso, Dalloz actualité, 19 oct. 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 2458, obs. X. Delpech ; ibid. 2991, obs. T. Clay ; D. 2012. 2458, obs. X. Delpech ; ibid. 2991, obs. T. Clay ; Rev. crit. DIP 2013. 678, note C. Chalas ; RTD com. 2013. 481, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2013. 129, note C. Jarrosson ; JCP 2012. Act. 1127, obs. M. Henry ; ibid. 2012. Doctr. 1268, note B. Le Bars ; ibid. 2012. Doctr. 1354, § 1er, obs. C. Seraglini ; Procédures 2012. Comm. 354, note L. Weiller) que la carence dans l’exécution de la première obligation n’entraîne pas automatiquement l’annulation. De cette jurisprudence patiemment sédimentée sur une dizaine d’années, il ne reste plus qu’un champ de ruines (sauf si l’arrêt Vidatel demeure isolé).
L’essentiel est désormais résumé aux paragraphes 118 et 119 de l’arrêt, qu’il convient de reproduire : « En dehors de ces cas caractérisant des causes réputées objectives, l’arbitre est dispensé de déclaration sauf à devoir révéler les circonstances qui, bien que non visées dans cette liste, peuvent être de nature à créer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable sur son indépendance, c’est-à-dire un doute qui peut naître chez une personne placée dans la même situation et ayant accès aux mêmes éléments d’information raisonnablement accessibles » puis, « pour être caractérisé, ce doute raisonnable doit résulter d’un potentiel conflit d’intérêts dans la personne de l’arbitre, qui peut être, soit direct, parce qu’il concerne un lien avec une partie, soit indirect parce qu’il vise un lien d’un arbitre avec un tiers intéressé à l’arbitrage. À cet égard, lorsque le potentiel conflit d’intérêts est seulement indirect, l’appréciation du doute raisonnable dépendra notamment de l’intensité et la proximité du lien entre l’arbitre, le tiers intéressé et l’une des parties à l’arbitrage ».
Pour comprendre le régime envisagé, il faut réaliser une première distinction. D’un côté, les « causes réputées objectives », qui sont celles visées par la Note de la CCI et reproduites en français dans l’arrêt (les circonstances qui doivent particulièrement être considérées par l’arbitre sont celles par lesquelles cet arbitre, ou le cabinet d’avocats auquel il appartient : (1) représente ou conseille, ou a représenté ou conseillé, l’une des parties ou l’une de ses filiales ; (2) intervient ou est intervenu à l’encontre de l’une des parties ou de l’une de ses filiales ; (3) entretient une relation commerciale avec l’une des parties ou l’une de ses filiales, ou a un intérêt personnel, de quelque nature qu’il soit, dans l’issue du litige ; (4) appartient, intervient ou est intervenu au nom de l’une des parties ou de l’une de ses filiales, en qualité d’administrateur, de membre du conseil, de dirigeant ou autrement ; (5) a été impliqué dans le litige, ou a exprimé une opinion sur le litige d’une manière susceptible d’affecter son impartialité ; (6) entretient une relation professionnelle ou personnelle étroite avec le conseil de l’une des parties ou le cabinet d’avocats de ce conseil ; (7) intervient ou est intervenu en qualité d’arbitre dans une affaire impliquant l’une des parties ou l’une de ses filiales ; (8) intervient ou est intervenu en qualité d’arbitre dans une affaire connexe ; (9) a précédemment été nommé en tant qu’arbitre par l’une des parties ou l’une de ses filiales, ou par le conseil de l’une des parties ou le cabinet d’avocats de ce conseil »). Pour celles-ci, on comprend à la lecture de l’arrêt que la révélation est obligatoire (sauf si le fait est notoire…) et qu’une défaillance doit probablement entraîner l’annulation immédiate de la sentence (mais l’arrêt est silencieux sur ce point).
Pour les autres causes (subjectives ? non objectives ? relatives ? particulières ? spécifiques ?), les arbitres sont en principe dispensés de révélation. Mais, c’est là que les choses se compliquent, certains faits doivent quand même être révélés, quand bien même ils ne figurent pas parmi la liste précédemment évoquée. Il s’agit des « circonstances qui, bien que non visées dans cette liste, peuvent être de nature à créer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable sur son indépendance, c’est-à-dire un doute qui peut naître chez une personne placée dans la même situation et ayant accès aux mêmes éléments d’information raisonnablement accessibles ». On retrouve ainsi le critère de Neoelectra, qui n’est plus utilisé comme déclencheur de l’annulation de la sentence, mais comme déclencheur de l’obligation de révélation. Par ailleurs, pour dissiper le flou qui a toujours entouré cette notion de « doute raisonnable », la cour propose une sous-distinction. D’une part, le lien direct avec une partie au litige, d’autre part, le lien indirect, notamment avec un tiers intéressé à l’arbitrage. Dans les deux cas, le doute raisonnable résulte d’un « potentiel conflit d’intérêts ». Toutefois, pour le second, ce potentiel conflit d’intérêts dépend de « l’intensité et de la proximité du lien entre l’arbitre, le tiers intéressé et l’une des parties à l’arbitrage ».
Que penser de ce nouveau régime ? Si l’on accepte qu’il soit fait table rase du passé, on peut avancer plusieurs remarques. D’abord, on ne regrettera pas l’abandon de la distinction entre le fait « à révéler » et le fait « susceptible d’entraîner l’annulation ». D’une part, cette distinction est résolument complexe en théorie et surtout, d’autre part, elle est le plus souvent piétinée dans les faits. Lorsqu’un critère se révèle impraticable, c’est sans doute qu’il doit être revu. Ensuite, si le régime paraît séduisant, il n’en demeure pas moins qu’il ne concerne que les arbitres administrés par la CCI. En effet, c’est bien sa Note qui permet de distinguer les causes objectives des autres causes. Dès lors, il faut admettre que ce nouveau régime ne sera pas transposable ailleurs. Il faudra se demander si le régime antérieur survit ou s’il convient d’en confectionner un autre. Enfin, le régime pourrait n’être simple qu’en apparence. Ainsi, les difficultés d’interprétation ne manqueront pas de surgir. Par exemple, pour les causes objectives, faut-il annuler automatiquement la sentence pour un fait révélé s’il est très ancien ou très peu significatif ? Il ne serait pas étonnant que l’on finisse par réintroduire le critère du doute raisonnable, même au sein des causes objectives. Il faut également souligner que des difficultés apparaîtront certainement quant à la catégorie des tiers intéressés : faut-il considérer que la liste contenue dans le case information sheet est limitative, au risque de voir les parties dissimuler sciemment certaines informations ? Enfin, et surtout, la question du doute raisonnable, condition de la révélation des causes non objectives, est particulièrement délicate à manier pour les arbitres. Bref, autant d’interrogations qui feront l’objet de discussions dans les prochaines affaires et qui sont, déjà, au cœur des débats dans les arrêts sous commentaire.
• Les applications pratiques
Dans l’arrêt Vidatel, les liens entre un coarbitre et une partie au litige sont examinés. Plus précisément, il est reproché à l’arbitre plusieurs liens avec Nelson Tanure (nous citons le nom pour le besoin de la démonstration), actionnaire de la société Oi, qui est elle-même la société mère de la société PT Ventures, partie au litige. Rien n’est dit, dans l’arrêt, sur le point de savoir si monsieur Tanure ou la société Oi ont été désignés « entités concernées » par les parties au litige. En tout état de cause, c’est bien un lien indirect qui est au cœur du raisonnement, qui nécessite donc la preuve d’un doute raisonnable pour justifier une révélation.
Un premier lien, concernant des sociétés tierces détenues par M. Tanure et conseillées par le cabinet du coarbitre, est écarté, au motif de l’absence de tout lien direct ou indirect entre ces sociétés et les parties à l’arbitrage. La cour aurait sans doute pu s’arrêter là. Il n’en est rien et elle ajoute deux informations qui doivent être relevées. D’une part, elle considère que sont notoires les informations publiées dans le Global Arbitration Review (GAR). Cette revue est connue de tous les praticiens de l’arbitrage, mais elle est payante. On en déduit que l’information « librement accessible sur internet » peut figurer derrière un pay wall, ce qui est, à tout le moins, discutable. D’autre part, convoquant les principes de célérité et de loyauté (dont on ne voit pas vraiment l’utilité après dix ans d’existence), pour justifier qu’une partie aurait dû réclamer des précisions aux arbitres. On retrouve ici l’obligation de curiosité ressuscitée après le début de l’instance, comme c’était déjà le cas dans l’arrêt Tecnimont (Paris, 12 avr. 2016, n° 14/14884, Tecnimont, D. 2016. 2589, obs. T. Clay ; RTD civ. 2016. 856, obs. H. Barbier ; Rev. arb. 2017. 234, note E. Loquin et p. 949, note M. Henry ; Cah. arb. 2016. 447, note T. Clay ; maintenu par Civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 16-18.349, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. C. Debourg ; ibid., 29 janv. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 24 ; ibid. 2435, obs. T. Clay ; Procédures, n° 4, p. 14, obs. L. Weiller ; JCP E 2019, n° 15, p. 20, note A. Constans ; Rev. arb. 2020. 403, note M. Henry). Toutefois, la motivation de la cour est troublante.
Premièrement, deux des trois éléments déclencheurs de cette obligation de curiosité sont postérieurs à la révélation de l’arbitre. Cela revient, en filigrane, à réintroduire la notoriété après le début de l’instance, la cour énonçant que « la société Vidatel ne pouvait pas ne pas avoir eu connaissance » de ces faits. Pourtant, la cour a clairement rappelé, un peu plus tôt dans l’arrêt, que la notoriété ne s’applique plus pendant le déroulement de l’instance. On finit par s’y perdre : les faits notoires postérieurs au début de l’instance doivent-ils être révélés par l’arbitre ou doivent-ils être connus par les parties et donner lieu à des investigations et, le cas échéant, une demande de récusation ?
Deuxièmement, la cour signale que ce défaut de curiosité est révélateur de ce que « ces circonstances n’étaient pas non plus de nature à créer, dans son esprit, comme dans celui d’une partie placée dans une même situation ayant eu accès aux mêmes éléments d’information raisonnablement accessibles, un doute raisonnable sur l’indépendance de l’arbitre » (§ 129). On ne peut qu’être sceptique face à cette motivation, qui conduit à déduire le doute raisonnable du comportement du créancier de l’obligation de révélation. Comment une partie peut-elle savoir si une information est de nature à générer un doute si elle n’en a pas connaissance ? Une telle position pourrait avoir pour effet – totalement délétère – de pousser les parties à demander systématiquement des précisions pour éviter de laisser penser qu’une information qu’elles n’ont pas en leur possession n’est pas de nature à créer un tel doute. Cela revient, comme pour le critère de la notoriété, à une inversion des valeurs où les parties ne sont plus créancières d’une obligation d’information, mais débitrice d’une obligation d’investigations et de curiosité. Comment peut-on militer pour de bonnes pratiques et, dans le même temps, faire le lit des comportements les plus critiquables ?
Le deuxième lien concerne directement M. Tanure et la société Oi, maison mère de PT Ventures. La cour signale que le lien est notoire. Pourtant, là encore, les faits retenus sont tous postérieurs à la déclaration initiale de l’arbitre. Pourquoi en faire mention, alors même qu’une telle notoriété est supposément indifférente ? Certes, la cour n’en tire pas véritablement de conséquences, mais elle insinue que les parties doivent se tenir informées pendant l’instance. Par la suite, la cour étaye sa motivation et peine, à nouveau, à convaincre. En dépit des termes que la cour utilise elle-même, à savoir que M. Tanure est un actionnaire de la société Oi qui est la maison mère de la société PT Ventures, elle signale que cette présentation est trompeuse et qu’il existe un certain nombre de sociétés intercalées. Ainsi, M. Tanure ne serait pas actionnaire direct de la société Oi, mais le serait par l’intermédiaire de deux autres sociétés successives. De même, la société Oi serait séparée de la société PT ventures par « quatre degrés de personnes morales distinctes ». En résumé, les liens entre M. Tanure et la partie au litige seraient tellement distants qu’ils ne justifieraient aucunement une révélation de la part de l’arbitre de son lien avec le premier. Sur le principe, il est tout à fait admissible de considérer qu’un lien à huit degrés n’a pas à être révélé. Toutefois, pourquoi la cour désigne-t-elle M. Tanure comme un actionnaire de la société Oi et cette dernière comme la société mère de PT Ventures ? De plus, il suffit de consulter la page Wikipedia (en portugais) de M. Tanure pour y constater que sa participation dans la société Oi est loin d’être anecdotique. De même, on trouve de nombreux sites évoquant la cession (en janvier 2020) de la société PT Ventures par la société Oi, voire la cession d’Unitel (la société au cœur du litige) par Oi. Des médias ont même titré sur le fait que c’est Oi qui a remporté l’arbitrage ! Dès lors, la cour d’appel affaiblit considérablement son raisonnement en prétendant que le lien est trop indirect, alors que tout indique qu’il ne l’est pas.
Concernant le défaut de révélation du président du tribunal arbitral, troisième lien examiné, il lui est reproché d’avoir omis de déclarer que l’un de ses associés a été désigné administrateur judiciaire (bankruptcky trustee) d’une filiale de la société Oi. On peut d’abord s’interroger sur l’existence d’un réel conflit d’intérêts avec cette qualité d’administrateur judiciaire, dont la mission est si particulière. La cour ne rentre pas vraiment dans le débat théorique et constate qu’une décision querellée a été prise dans l’intérêt de la société et de ses créanciers et sans lien avec l’arbitrage. La deuxième partie du raisonnement est plus intéressante. La cour constate que le président et l’administrateur judiciaire sont associés de deux cabinets d’avocats faisant partie du « même réseau », le réseau CMS (on précisera quand même, pour le lecteur, que ledit cabinet possède un site internet mondial avec l’ensemble de ses bureaux et que tous les bureaux partagent le même sigle). Pour la cour, « il n’est nullement établi l’existence d’un courant d’affaires » entre les deux cabinets. Elle ajoute que « la seule circonstance qu’un cabinet membre du même réseau que celui d’un arbitre ait eu des liens d’affaires avec une société faisant partie du même groupe qui en comprend plus de quarante que celui auquel appartient l’une des parties, les cabinets étant situés dans deux pays distincts et étant indépendants juridiquement et financièrement, n’oblige pas un arbitre à en faire la déclaration de sorte que [le président] n’était pas tenu de compléter sa déclaration du fait de cette circonstance intervenue en cours d’arbitrage ». Faut-il y voir un revirement avec le premier arrêt Tecnimont (Paris, 12 févr. 2009, Avax c. Tecnimont, Rev. arb. 2009. 186, note T. Clay ; LPA 2009, n° 44, note M. Henry ; Bull. ASA 2009. 520, note P. Schweizer ; L. Degos, La révélation remise en question(s). Retour sur l’arrêt de la cour d’appel de Paris J&P Avax SA c. Tecnimont SPA du 12 février 2009, Cah. arb. 2011. 54), auquel cas les firmes mondiales peuvent d’ores et déjà sabler le champagne ? Plus modestement, s’agit-il d’une simple distinction selon la nature du lien unissant les cabinets, tantôt intégrés, tantôt organisés en réseau ? Cette dernière hypothèse ne risque-t-elle pas de conduire à des distinctions trop subtiles, voire à inciter les cabinets à modifier leur forme sociale pour échapper à la révélation ? De nouveau, on est étonné par la solution, qui ne s’impose en rien et qui jette un trouble sur le périmètre des faits à révéler.
En définitive l’arrêt Vidatel suscite l’incompréhension. La piste théorique qu’il invite à explorer n’est pas nécessairement mauvaise, même si elle doit être évaluée. En revanche, on peine à comprendre ce qui justifie de maintenir, au fil des années, des appréciations complaisantes de l’obligation de révélation, que ce soit par le critère de la notoriété ou par l’examen des faits. On peut, certes, y voir un révélateur de la faveur à l’arbitrage. Toutefois, il nous semble que ce n’est pas faire une faveur à l’arbitrage que de laisser les arbitres signer des déclarations d’indépendance vierges (ce qui est, malheureusement, trop souvent le cas). De plus, il nous semble que la faveur à l’arbitrage, si elle n’a pas disparu, est en recul (dans le même sens, v. J. Ortscheidt, conférence du 13 janv. 2021 du Club des juristes, compte rendu en ligne). La logique de l’arrêt Vidatel est, dès lors, difficilement saisissable.
b. La révélation après le début de l’instance
L’obligation de révélation ne s’épuise pas à sa première exécution et continue de peser sur l’arbitre pendant l’intégralité de la procédure arbitrale.
Dans l’affaire Soletanche, la question de la corruption d’un employé d’ACT par la société BAM, tiers à l’arbitrage, a été soulevée devant le tribunal arbitral. L’arbitre a alors révélé être mandaté par une joint-venture dont l’un des membres est une autre société du groupe BAM. La question du maintien de l’arbitre s’est alors posée et les parties ont renoncé à son remplacement. Pourtant, une fois la sentence rendue, la société Soletanche a tenté d’obtenir l’annulation de la sentence sur ce fondement, arguant notamment de l’omission par l’arbitre de mentionner un certain nombre de réunions ou correspondances avec des membres de la société BAM. La cour écarte l’argument, en retenant que la déclaration de l’arbitre a « clairement mis en évidence la relation professionnelle en cours le liant à une joint-venture incluant une autre entité appartenant au groupe BAM. Les déclarations de l’arbitre ne laissent aucun doute sur le fait que cette relation professionnelle était actuelle et n’était pas achevée et rien dans ce qu’a dit l’arbitre ne pouvait laisser penser à Soletanche que l’arbitre entendait y mettre fin » et ajoute que « les échanges de courriels, les communications téléphoniques, les conseils prodigués, et la rencontre organisée à Perth en présence des représentants de BAM Australie ne modifient pas la nature et l’ampleur de l’intervention ». Il est logique que, lorsque les parties ont accepté cette relation avec un tiers, l’arbitre n’a pas à révéler tous les échanges qui s’en suivent.
En revanche, la mission de l’arbitre avec la société BAM a évolué, puisque la joint-venture a donné lieu à une procédure arbitrale. S’agissait-il d’une nouveauté devant faire l’objet d’une information des parties ? La réponse est négative, la cour retenant que « les questions juridiques sur lesquelles il était conduit à se prononcer dans le cadre de son mandat pouvaient aboutir à un contentieux et qu’il était susceptible de se voir confier la représentation des intérêts de son mandant dans le contentieux qui en résulterait devant une juridiction ». Là encore, la solution est convaincante, dès lors que la nature de la relation entre l’arbitre et le tiers n’est pas transformée par l’apparition d’une procédure contentieuse qui n’a aucun lien avec l’arbitrage en cours.
2. La renonciation
La renonciation se caractérise, en matière de révélation, par l’absence de demande de récusation de l’arbitre. On peut distinguer, pour l’essentiel, deux hypothèses. Celle où le fait est considéré comme notoire, ce qui impose de réaliser la demande de récusation dès le début de la procédure ; celle où le fait est positivement révélé par l’arbitre (ou, plus rarement, lorsque les parties font état, pendant l’instance, d’un fait non révélé), ce qui impose d’agir dès la révélation du fait, que ce soit au début de la procédure ou au moment où les parties en ont connaissance.
Dans l’affaire Soletanche, les parties ont discuté du maintien de l’arbitre et ont expressément renoncé à invoquer l’irrégularité. Il est donc logique que la question ne puisse être à nouveau débattue lors du recours en annulation.
Dans l’affaire HOP !, la révélation a eu lieu au détour d’un email. En effet, dans sa déclaration initiale, l’arbitre a signalé être « legal advisor de l’European Regions Airlines Association ». Lors de l’organisation de l’audience, l’arbitre a sollicité un changement de date en signalant aux parties qu’il souhaitait « participer à l’assemblée générale annuelle et au comité de direction de l’ERAA, la date du 19 ayant été omise dans mon agenda pour une raison inconnue. Comme vous le savez sans doute, je suis un directeur et le conseil juridique de l’ERAA ». Ainsi, les parties ont appris par ce biais que l’arbitre n’est pas seulement conseil de l’ERAA, mais également un de ses directeurs, membre du board, au sein duquel il peut siéger aux côtés de représentants de sociétés du groupe Air France-KLM. Dès lors, en s’abstenant de solliciter la récusation de l’arbitre à ce moment, les parties y ont renoncé.
La révélation des faits pendant la procédure arbitrale soulève néanmoins une interrogation. On peut se demander si le droit de former une demande de récusation est vraiment effectif lorsque la révélation intervient à un stade avancé de la procédure. On peut imaginer sans peine que les parties soient réticentes à s’engager dans une procédure de récusation à ce stade, sous peine de retarder sensiblement l’issue de la procédure arbitrale et au risque de s’aliéner l’arbitre. Il ne faut pas que la révélation tardive anéantisse en pratique la faculté d’une partie d’exercer son droit de récusation de l’arbitre. Il ne faut pas non plus que l’arbitre soit tenté d’aggraver sensiblement sa déclaration au détour d’une conversation et à un moment où les parties ne sont pas véritablement en mesure de le contester.
B. L’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral
L’arrêt Vidatel soulève une deuxième question, qui fera également débat. La difficulté est simple à comprendre : la clause prévoit un arbitrage avec cinq arbitres, les quatre actionnaires ayant la possibilité d’en nommer chacun un. En l’espèce, le litige oppose un actionnaire à ses trois coactionnaires. Les défendeurs prétendent pouvoir nommer chacun un arbitre, ce que conteste le demandeur, sur le fondement de l’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral. Saisie de la difficulté, et alors que chaque partie a nommé un arbitre, la cour d’arbitrage de la CCI a écarté la clause et nommé d’office les cinq membres du tribunal arbitral. C’est cette mise à l’écart de la clause qui suscite l’ire du requérant. L’argumentation soulève plusieurs questions connexes, d’inégale pertinence.
En premier lieu, et assez simplement, il est reproché à la CCI de ne pas avoir respecté la clause compromissoire. Il est admis depuis longtemps que les modalités de constitution du tribunal arbitral prévues par les parties dans la clause doivent être respectées sous peine d’annulation (par ex., v. Civ. 1re, 10 mai 1995, n° 92-19.111, D. 1996. 79 , note G. Bolard ; RTD com. 1995. 756, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1995. 605, note A. Hory ; 4 déc. 1990, Rev. arb. 1991. 81, note P. Fouchard). Le demandeur à l’arbitrage motive sa demande de mise à l’écart de la clause par une « collusion […] dans la violation de ses droits » par les trois défendeurs. Dès lors, il invoque une atteinte au principe de l’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral. La situation est donc différente de celle visée par l’arrêt Ducto (Civ. 1re, 7 janv. 1992, n° 89-18.708, Dutco, RTD com. 1992. 796, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; JDI 1992. 726, note C. Jarrosson ; Rev. arb. 1992. 470, note P. Bellet ; adde E. Loquin, À la recherche du principe de l’égalité des parties dans le droit de l’arbitrage, Cah. arb. 2011. 115). La question posée dans l’arrêt Ducto était de savoir s’il est possible de contraindre des défendeurs à se mettre d’accord pour désigner un arbitre en commun, là où le demandeur est libre de faire son choix. Dans l’arrêt Vidatel, les parties avaient, en quelque sorte, anticipé ce problème, puisque chacune avait bien la possibilité de désigner un arbitre. En conséquence, la clause n’était-elle pas parfaitement conforme au principe d’égalité des parties ? C’est évidemment ce qu’avance la société Vidatel au soutien de son recours en annulation. À cela, elle ajoute trois arguments qui ne manquent pas de pertinence. Premièrement, elle souligne qu’il n’existe pas d’unité entre les défendeurs, qui ont chacun des intérêts divergents. À cet égard, on peut signaler que le recours en annulation est formé par un seul des défendeurs contre le demandeur et ses deux codéfendeurs (même si un n’est pas comparant et l’autre s’en est remis à la cour). Deuxièmement, il est signalé que l’égalité des parties est maintenue du fait de l’impartialité des arbitres. En effet, contrairement à ce qui est parfois dit dans le langage courant, les parties ne désignent pas leur arbitre, mais un arbitre, qui n’est pas leur représentant. Toutefois, il nous semble que ce second argument, s’il est fort, n’est pas décisif. D’une part, en droit, si l’impartialité des arbitres était suffisante, elle suffirait à écarter totalement la jurisprudence Ducto, l’égalité s’effaçant derrière l’impartialité. D’autre part, et malheureusement, cet argument se heurte à la réalité, qui rappelle trop souvent que certains arbitres ont une vision trop personnelle de l’exigence d’impartialité. Troisièmement, la clause accorde au président un casting vote, ce qui interdit aux trois coarbitres choisis par les défendeurs d’imposer leur volonté aux deux autres.
La cour d’appel reste indifférente à ces moyens et rejette le grief. Deux éléments sont utilisés pour asseoir la motivation (nous en inverserons la présentation pour la clarté du raisonnement). La cour constate (§ 64 et 65) que l’égalité des parties dans la constitution du tribunal ne s’analyse pas de façon identique au jour de la conclusion de la clause et au jour où le litige est né. Or, si la clause peut paraître conforme au principe dans un premier temps, elle peut le heurter dans un second temps. Il convient d’écarter la clause si elle n’est pas en mesure d’assurer des modalités de désignation compatibles avec le principe d’égalité. La solution paraît conforme au principe tel qu’énoncé par la jurisprudence Dutco. La Cour de cassation y a retenu que l’« on ne peut y renoncer qu’après la naissance du litige ». En conséquence, c’est bien à la date du litige, et non à celle de la conclusion de la clause, qu’il faut se situer pour assurer l’égalité des parties. Dès lors que le litige oppose un demandeur à des défendeurs ayant des intérêts convergents (sans que l’on puisse véritablement tenir pour acquis ce constat), il est nécessaire d’écarter la clause sur le fondement du principe d’égalité des parties dans la constitution du tribunal arbitral.
Toutefois, il ne suffit pas d’écarter la clause. Il convient également de vérifier la façon dont le tribunal a été constitué. Face à l’opposition des parties, la cour d’appel constate que la cour d’arbitrage de la CCI a proposé aux parties de rechercher un accord, ce à quoi elles ne sont pas arrivées. Confrontée à un échec, la CCI est légitime à mettre en œuvre son règlement et à désigner les arbitres. Ceci étant, le requérant souligne que l’article 12 du règlement d’arbitrage CCI n’envisage pas la possibilité pour la cour d’arbitrage de pallier les difficultés de constitution d’un tribunal arbitral composé de cinq arbitres. Il est vrai que le règlement est lacunaire sur ce point. Cependant, la cour balaie l’argument en retenant que le règlement (et en particulier l’article 41) « autorise ainsi une interprétation utile de ce règlement, c’est-à-dire une interprétation qui lui confère un effet plutôt que celle qui ne lui en fait produire aucun » (§ 59). Elle ajoute que, ce faisant, la CCI a permis « la mise en place d’un tribunal arbitral et ainsi de respecter la volonté des parties ». Là encore, la solution sera abondamment discutée. Elle est néanmoins convaincante. La cour d’arbitrage de la CCI est confrontée à une volonté certaine de recourir à l’arbitrage, mais à une difficulté dans la constitution du tribunal. La résolution de cette difficulté repose soit sur l’institution, soit éventuellement sur le juge d’appui. Cependant, la volonté de confier l’administration de la procédure à une institution d’arbitrage ne fait pas non plus de doute. Dès lors, c’est bien à elle qui revient d’assurer le soutien nécessaire à l’arbitrage, quitte à interpréter de façon utile son règlement. Ceci étant, cette situation met, une nouvelle fois, en lumière les pouvoirs quasi juridictionnels des institutions d’arbitrage.
En deuxième lieu, le requérant invoque une violation du principe compétence-compétence. L’argument est un peu déroutant. En substance, il fait valoir que la cour d’arbitrage de la CCI a outrepassé ses pouvoirs en interprétant la clause d’arbitrage en lieu et place du tribunal arbitral. En creux, la question est de savoir si la difficulté soulevée par la clause est relative à la compétence ou à la constitution du tribunal arbitral et à qui il appartient de la résoudre. Le moyen est écarté sur le fond, la cour considérant qu’il s’agit bien d’un problème de constitution du tribunal et non un problème de compétence. En outre, quand bien même la cour y aurait vu un problème de compétence, on peut douter que la violation du principe compétence-compétence soit constitutive d’un grief susceptible d’emporter l’annulation de la sentence. Au surplus, l’argument soulève des difficultés relatives à la distinction entre compétence-compétence et compétence-investiture : un tribunal arbitral peut-il trancher une question relative à l’égalité des parties dans sa propre constitution ? On peut en douter.
Ceci étant, on signalera avec intérêt le raisonnement de la cour sur la recevabilité de ce moyen. La question porte sur la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité, qui vient de faire l’objet d’une décision remarquée de la Cour de cassation (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-15.396, Schooner, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2456 ). Dans Vidatel, la cour cherche un équilibre entre les solutions divergentes de l’affaire Schooner, entre l’arrêt d’appel (Paris, 2 avr. 2019, n° 16/24358, Schooner, Dalloz actualité, 17 avr. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Cah. arb. 2019. 751, note C. Crepet Daigremont) et celui de la Cour de cassation. Dans un premier temps, elle énonce que la « renonciation présumée par l’article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs précisément et concrètement articulés et non des catégories de moyens » (§ 72). Ce faisant, elle reprend à son compte la solution de l’arrêt d’appel. Faut-il y voir un acte de défiance vis-à-vis de la Cour de cassation ? Certainement pas, puisqu’elle enchaîne en retenant qu’il « a été admis que lorsque la compétence a été débattue devant les arbitres, les parties ne sont pas privées du droit d’invoquer sur cette question, devant le juge de l’annulation, de nouveaux moyens et arguments relatifs à la compétence et à faire état, à cet effet, de nouveaux éléments de preuve ». Elle reprend donc également la solution de la Cour de cassation. Comment concilier les deux ? Tout simplement en distinguant, comme le fait la cour d’appel, le cas d’ouverture relatif à la compétence et celui relatif à la constitution du tribunal arbitral. Cela conduit à retenir une approche extensive de la recevabilité en matière de compétence, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et une approche restrictive de la recevabilité en matière de constitution du tribunal arbitral, dans la lignée de la solution d’appel ayant fait l’objet d’une cassation.
Si une telle solution répond en partie aux interrogations soulevées par l’arrêt du 2 décembre 2020 (v. J. Jourdan-Marques, obs. ss Civ. 1re, 2 déc. 2020, Dalloz actualité, 15 janv. 2021), il n’en demeure pas moins que la distinction entre les deux cas d’ouverture ne repose sur aucun fondement identifiable. L’explication avancée par la cour d’appel de Paris au soutien de la solution de la Cour de cassation n’y change rien. Elle met en exergue que cette solution « résulte de la faculté pour le juge de l’annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral statuant sur la compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage et d’en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres ». Cette formule d’origine jurisprudentielle, que l’on retrouve depuis les arrêts SPP c. Égypte et Abela (Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-10.530, Abela, Dalloz actualité, 21 oct. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2442, obs. X. Delpech ; ibid. 2011. 265, obs. N. Fricero ; Rev. arb. 2010. 813, note F.-X. Train ; JCP 2010. 1028, note P. Chevalier ; ibid. I. 1286, obs. J. Ortscheidt ; Gaz. Pal. 8 févr. 2011, p. 14, obs. D. Bensaude ; Paris, 12 juill. 1984, Égypte c. SPP, Rev. arb. 1986. 75 ; JDI 1985. 129, note B. Goldman ; Civ. 1re, 6 janv. 1987, n° 84-17.274, SPP c. Égypte, Rev. arb. 1987. 469, note P. Leboulanger ; JDI 1987. 638, note B. Goldman), ne justifie aucunement un contrôle de la compétence au regard de moyens nouveaux. En revanche, la solution désormais retenue constitue une négation de l’article 1465 du code de procédure civile, qui donne au tribunal arbitral une compétence (ou plutôt une priorité) exclusive pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel. On aurait donc aimé voir la cour d’appel résister à la Cour de cassation pour tenter d’infléchir une solution inique. Néanmoins, on peut se réjouir qu’elle n’ait pas, pour l’instant, vocation à être étendue aux autres cas d’ouverture du recours.
En troisième lieu, le requérant se prévaut du non-respect de la clause, qui donne pouvoir au président de la CCI de désigner le président, et non à la cour d’arbitrage de la CCI. Le grief est écarté dès lors que c’est la clause qui, dans son ensemble, n’a pas pu être mise en œuvre, justifiant ainsi une substitution par la cour d’arbitrage. Il est vrai que ce point est discutable. En substance, il s’agit de se demander s’il convient d’écarter l’ensemble de la clause ou seulement les aspects qui font l’objet d’une difficulté. La cour d’appel opte pour la première branche de l’alternative, mais aurait tout aussi bien pu retenir la seconde. Suffisant pour susciter une intervention de la Cour de cassation ? On attend la suite avec impatience !
II. Le principe compétence-compétence
Le principe compétence-compétence soulève toujours autant de difficultés et les réponses qui y sont apportées sont souvent inégales. La présente livraison offre de la jurisprudence aussi bien sur la problématique du champ d’application de la clause que celle de la clause et des procédures collectives.
A. Le champ d’application de la clause
Quelles sont les actions auxquelles la clause s’applique ? La question est souvent complexe et les parties cherchent à en profiter pour contourner la compétence des arbitres et se présenter devant le juge étatique. C’est à ce dernier de faire respecter le principe compétence-compétence en se déclarant incompétent et en renvoyant les parties devant les arbitres. Néanmoins, le juge ne doit pas anticiper la réponse du tribunal arbitral. S’il se déclare incompétent, ce n’est pas nécessairement parce que l’arbitre est compétent, mais seulement parce qu’il est incompétent pour trancher la question de la compétence.
Une parfaite illustration de ce difficile équilibre est proposée par un arrêt Financière de Rosario (Paris, 5-16, 1er déc. 2020, n° 19/03289, Financière de Rosario). La clause compromissoire se situe dans un contrat de vente d’actions d’une société. Le litige porte sur la dissimulation d’une information lors de cette vente. Le demandeur saisit les juridictions françaises, considérant que sa demande d’indemnisation est de nature délictuelle, de sorte qu’elle ne porte pas sur un litige soumis à la clause compromissoire. L’exception d’incompétence du juge étatique au profit d’un tribunal arbitral est accueillie favorablement, dans une formule parfaitement ciselée : « cette demande, qu’elle soit de nature délictuelle ou contractuelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le protocole de cession d’actions litigieux dans lequel est incluse la clause compromissoire de sorte que cette dernière n’est pas manifestement inapplicable étant observé que le tribunal arbitral est prioritairement compétent pour se livrer à une interprétation de cette clause fin de déterminer si l’action précitée porte sur l’interprétation, la validité ou l’exécution de la cession d’action ». La cour dit juste ce qu’il faut : ni trop ni pas assez. Elle caractérise l’essentiel, à savoir un lien entre la clause et l’action. En revanche, elle se refuse à trancher la question de la nature – contractuelle ou délictuelle – de l’action et ne préjuge pas de la compétence des arbitres (sur ces questions, v. J. Jourdan-Marques, Action extracontractuelle et arbitrage, Rev. arb. 2019. 685).
Dans un arrêt de la cour d’appel de Versailles (Versailles, 21 janv. 2021, n° 19/02675, Rohlig), une victime exerce une action directe contre l’assureur de l’auteur du dommage. Reprenant à son compte une jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 17-28.951, Dalloz actualité, 28 févr. 2019, obs. V. Chantebout ; ibid., 6 mars 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 2435, obs. T. Clay ; DMF 2019, n° 810, p. 114, obs. P. Delebecque ; RGDA 2019, n° 2, p. 39, note R. Schulz ; Gaz. Pal. 2019, n° 11, p. 34, obs. D. Bensaude), elle déclare la clause opposable à la victime. Elle ajoute également que la clause s’applique aux « simples demandes ou offres d’assurances » et que la clause n’est pas « illisible ou noyée ». C’est encore aller trop loin dans l’examen de la compétence de l’arbitre et le priver de sa priorité, quand bien même les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir.
Enfin, dans un arrêt de la cour d’appel de Lyon (Lyon, 4 févr. 2021, n° 20/02755, Lab), la clause compromissoire figure dans une charte-partie et la question se pose de son application à un contrat de commission de transport. Cette question a déjà fait l’objet d’arrêts de la Cour de cassation (Civ. 1re, 22 nov. 2005, n° 03-10.087, D. 2005. 3031 ; ibid. 2006. 3026, obs. T. Clay ; ibid. 2007. 111, obs. H. Kenfack ; Rev. crit. DIP 2006. 606, note F. Jault-Seseke ; RTD com. 2006. 251, obs. P. Delebecque ; ibid. 764, obs. E. Loquin ; Com. 21 févr. 2006, n° 04-11.030, D. 2006. 670 ; ibid. 2007. 111, obs. H. Kenfack ; Rev. crit. DIP 2006. 606, note F. Jault-Seseke ; RTD com. 2006. 764, obs. E. Loquin ; JDI 2006. 622, note C. Legros). En l’espèce, la cour constate que le litige trouve sa source dans la facturation de frais en application de la charte-partie. En conséquence, elle juge que la clause n’est pas manifestement inapplicable et qu’elle prévaut sur la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales d’achat du destinataire. Elle renvoie donc les parties à l’arbitrage.
B. La clause et les procédures collectives
Il n’est pas rare que l’arbitrage se heurte aux procédures collectives. L’articulation entre les deux est complexe, puisque le régime d’ordre public des procédures collectives peut conduire à écarter le recours à l’arbitrage dans certaines hypothèses, mais permettre son déroulement dans d’autres. Dès lors, il n’est pas rare que les parties saisissent le juge étatique et tentent d’échapper à la clause. C’est souvent le cas en présence d’une action engagée par le liquidateur d’une société. En la matière, il faut distinguer deux situations : d’une part, celle où le liquidateur exerce les droits et actions de la société en liquidation (Civ. 1re, 1er avr. 2015, n° 14-14.552, Torelli c. StévGFC Construction, Dalloz actualité, 21 avr. 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 800 ; ibid. 2588, obs. T. Clay ; RTD civ. 2015. 614, obs. H. Barbier ; Cah. arb. 2015. 303, note A. Sarah ; Procédures 2015, n° 6, p. 21, obs. L. Weiller ; RLDC 2015, n° 127, p. 17, obs. M. Desolneux ; JCP 2015. 1152, note L. Weiller ; Rev. arb. 2015. 1171, note L. Weiller ; Com. 26 févr. 2020, n° 18-21.810, MJA, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ; Gaz. Pal. 2020, n° 26, p. 35, obs. D. Bensaude ; ibid., n° 35, p. 68, obs. S. Farhi) et, d’autre part, celle où il agit en qualité de représentant des créanciers (Com. 17 nov. 2015, n° 14-16.012, Sté Carrefour proximité France c. Sté Perin Borkowiak, Dalloz actualité, 30 nov. 2015, obs. A. Lienhard ; D. 2015. 2439, obs. A. Lienhard ; AJCA 2016. 43, obs. M. de Fontmichel ; Rev. sociétés 2016. 198, obs. P. Roussel Galle ; RTD com. 2016. 334, obs. A. Martin-Serf ; ibid. 696, obs. E. Loquin ; Cah. arb. 2016. 49, note H. Barbier). Dans la première, il convient de renvoyer le liquidateur devant les arbitres, mais pas dans la seconde.
C’est cette distinction que rappelle la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 2 décembre 2020 (Paris, 2 déc. 2020, n° 20/10174, MJ Synergie). En l’espèce, le liquidateur demande la condamnation d’un franchiseur sur le fondement de la responsabilité délictuelle et agit, selon la cour, comme représentant des créanciers. Néanmoins, la solution est doublement discutable. D’une part, l’action exercée vise à « reconstituer l’actif du débiteur » et donc à obtenir réparation pour un préjudice subi par le débiteur lui-même. Elle se rapproche ainsi d’une action oblique. D’autre part, l’action est exercée sur le fondement de la jurisprudence Bootshop c. Sucrerie de Bois rouge (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, Bull. ass. plén., n° 9 ; D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister , note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295 , obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain ; JCP 2006. II. 10181, avis A. Gariazzo et note M. Billiau ; ibid. 2007. I. 185, n° 4, obs. P. Stoffel-Munck ; CCC 2007, n° 63, obs. L. Leveneur ; 13 janv. 2020, n° 17-19.963, QBE Insurance c. Sucrerie de Bois rouge, Dalloz actualité, 24 janv. 2020, obs. J.-D. Pellier ; ibid., 27 févr. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 416, et les obs. , note J.-S. Borghetti ; ibid. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 394, point de vue M. Bacache ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJ contrat 2020. 80 , obs. M. Latina ; RFDA 2020. 443, note J. Bousquet ; Rev. crit. DIP 2020. 711, étude D. Sindres ; RTD civ. 2020. 96, obs. H. Barbier ; ibid. 395, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 2020, n° 5, p. 15, obs. D. Houtcieff). C’est une action extracontractuelle où le demandeur se prévaut d’une faute contractuelle. La mise à l’écart de la clause compromissoire est, dans ces circonstances, à tout le moins discutable. D’ailleurs, dans un arrêt Kem One, la Cour de cassation a accepté que, dans une configuration similaire, les parties soient renvoyées devant les arbitres (Civ. 1re, 24 juin 2020, n°[ESPACE19-12.701, Kem One, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ). Il y a un vrai sujet quant à l’applicabilité d’une clause compromissoire contenue dans un contrat à une action délictuelle se prévalant d’une violation dudit contrat. Un sujet qui doit être tranché par l’arbitre.
Dans un arrêt de la cour d’appel de Toulouse (Toulouse, 2 déc. 2020, n° 19/00056, Airbus Opérations), il est également jugé que l’action du liquidateur est exercée dans l’intérêt des créanciers. Pour autant, la motivation n’est pas parfaitement satisfaisante. En effet, la cour ajoute que le litige porte sur une pluralité de contrats, seuls certains d’entre eux contenant une clause compromissoire. Une telle motivation est insuffisante et n’aurait pas dû permettre d’écarter le principe compétence-compétence.
Enfin, la cour d’appel de Versailles est également confrontée à une question touchant aux procédures collectives (Versailles, 8 déc. 2020, n° 20/01754, ITME). Le litige concerne une action indemnitaire à la suite de la résiliation d’un contrat décidée dans le cadre de la procédure collective et prononcée par le juge-commissaire. Il s’agit de savoir si la clause compromissoire est susceptible de s’appliquer. La cour retient que « la présente action, si elle est une conséquence de la résiliation décidée dans le cadre de la procédure collective, est cependant une action indemnitaire et n’est donc pas née de la procédure collective dans la mesure où il ne s’agit pas d’une action spécifique à cette procédure ». Dès lors, elle estime qu’aucune disposition relative aux procédures collectives ne s’oppose au renvoi des parties devant les arbitres.
III. La notification de la sentence et le point de départ de son caractère exécutoire
Un arrêt de la cour d’appel de Rouen soulève deux interrogations entremêlées, lesquels sont particulièrement stimulantes (Rouen, 7 janv. 2021, n° 20/01665, 2ID). La première concerne la notification de la sentence. L’article 1484, alinéa 3, du code de procédure civile énonce que la sentence « est notifiée par voie de signification à moins que les parties en conviennent autrement ». En l’espèce, il s’agit de savoir si une telle dérogation a été prévue. La clause compromissoire énonce que « les arbitres remettront une copie, sur papier libre de leur conclusion ». À la suite de cela, les arbitres ont rendu une ordonnance de procédure prévoyant que (d’après les termes de la cour) « les sentences rendues dans le cadre de l’arbitrage seraient notifiées par le tribunal auprès de leurs conseils respectifs par voie électronique ». Il en résulte, pour la cour d’appel, que la sentence a valablement été notifiée par les arbitres, conformément à la dérogation prévue par l’article 1484, alinéa 3, du code de procédure civile.
Quel est l’intérêt de ce débat ? En principe, il s’agit de déterminer le point de départ des délais pour exercer les voies de recours. Tel n’est pas le cas dans l’arrêt, d’autant qu’il n’est pas certain que les arbitres aient pris soin d’indiquer les mentions de l’article 680 du code de procédure civile dans leur notification. En effet, la deuxième question est de déterminer le point de départ du « délai d’exécution volontaire ». Ce mécanisme, très original (et pour lequel on peut s’interroger sur la nature : est-ce un aménagement contractuel de la force exécutoire ?), interdit à la partie de réclamer l’exécution forcée de la sentence avant l’expiration d’un délai de quinze jours. D’où l’intérêt de déterminer la date de la notification, point de départ de ce délai. En l’espèce, c’est la date de notification des arbitres qui est retenue, autorisant ainsi les mesures d’exécution forcée à l’expiration du délai de quinze jours.
IV. Le recours en annulation
A. Aspects procéduraux des recours contre la sentence
1. Le recours contre une ordonnance de procédure
L’affaire Maessa est atypique, mais c’est justement pour cela qu’elle est intéressante (Paris, ord., 12 janv. 2021, n° 19/12417, Maessa). Les faits sont importants. Le Consorcio GLP et les sociétés Maessa et Tecsa ont adressé une « notification d’arbitrage » à la République d’Équateur. Dans la foulée, ils ont désigné un arbitre et le défendeur a fait de même. Après une période de flottement, sans doute liée à une volonté de résoudre amiablement le litige, les sociétés Maessa et Semi ont notifié à la République d’Équateur une « requête d’arbitrage ». Il y a donc deux requêtes différentes, avec des demandeurs distincts. Dans la foulée, les coarbitres précédemment choisis ont désigné un président. Finalement, un courrier a été adressé aux arbitres pour préciser que les parties à l’arbitrage ne sont pas celles indiquées dans la notification d’arbitrage (Le Consorcio GLP et les sociétés Maessa et Tecsa), mais celles visées dans la requête d’arbitrage (Maessa et Semi). Dans une ordonnance de procédure, le tribunal arbitral a « décidé » que les parties à l’arbitrage sont Maessa et Semi. Plus tard, il a rendu une sentence sur la compétence.
Le recours est formé par la République d’Équateur contre, non seulement la sentence sur la compétence, mais également l’ordonnance de procédure. Le requérant considère que la décision d’écarter deux des quatre demanderesses est une sentence susceptible de recours. Les défendeurs ont saisi le conseiller de la mise en état d’une irrecevabilité du recours en annulation contre l’ordonnance de procédure (v. déjà, sur ce débat, Paris, 20 oct. 2020, n° 19/05231, ITOC, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques) et de l’irrecevabilité du recours à l’égard du Consorcio GLP et de Tesca. Précisons d’emblée que cette compétence du conseiller de la mise en état n’est pas nouvelle, puisqu’elle résulte déjà de l’article 914, alinéa 1er, du code de procédure civile. Il ne s’agit pas d’un des nouveaux pouvoirs du conseiller de la mise en état résultant de la réforme du 11 décembre 2019 (sur ce point, J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage : déflagration dans le recours en annulation, Dalloz actualité, 3 mai 2020).
La qualification d’ordonnance de procédure par les arbitres ne lie pas le juge. Il appartient à ce dernier de restituer à l’acte sa réelle qualification. Pour le faire, l’ordonnance rappelle la définition parfaitement connue, et toujours aussi critiquable, de la sentence arbitrale : « Seules peuvent faire l’objet d’un recours en annulation les véritables sentences arbitrales, constituées par les actes des arbitres qui tranchent de manière définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur est soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence, ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l’instance » (v. déjà Paris, 25 mars 1994, Sté Sardisud c. Sté Technip, Rev. arb. 1994. 391, note C. Jarrosson). À cela, l’ordonnance ajoute une définition utile de l’ordonnance de procédure, qui porte sur « l’organisation, l’instruction ou le déroulement de la procédure arbitrale ». Partant, le conseiller retient la qualification de sentence, en soulignant notamment que le tribunal arbitral a décidé, après un débat contradictoire et dans une décision motivée, d’écarter certaines parties de la procédure. Par conséquent, elle a mis fin à l’instance arbitrale à l’égard de ces parties, justifiant ainsi la qualification de sentence.
Que faut-il penser de cette qualification ? Il est difficile de se prononcer définitivement, tant les faits sont insuffisants pour se faire une opinion tranchée. On signalera d’ores et déjà deux points : d’une part, le contradictoire et la motivation ne sont pas des critères pertinents, dès lors qu’il s’agit d’éléments relatifs au régime et non à la qualification ; d’autre part, c’est par une contorsion que la décision du conseiller de la mise en état arrive à rattacher l’acte à la définition de la sentence arbitrale. La définition posée par l’arrêt Sardisud vise « la fin de l’instance » et le conseiller ne peut que constater « la fin de l’instance à l’égard de certaines parties ». On peut douter que les deux situations soient équivalentes, ce qui met une fois de plus en lumière les limites de cette définition.
La qualification de sentence devait-elle pour autant être écartée ? Difficile à dire, notamment parce que l’on aurait pu s’interroger sur la nature de la demande des deux parties : s’agit-il d’un désistement d’instance ou d’un désistement d’action ? Ce qui compte réellement est de savoir si les arbitres ont usé de leur pouvoir juridictionnel pour rendre cette décision et donc, par extension, si le défendeur a la possibilité de s’opposer à la mise à l’écart des deux demandeurs.
Quoi qu’il en soit, le conseiller tire les conséquences de sa solution. Puisque l’ordonnance de procédure est une sentence, il est logique que le Consorcio GLP et la société Tecsa soient parties au recours contre celle-ci. En revanche, doivent-elles rester parties au recours contre la seconde sentence ? Pour le conseiller, la réponse est positive. Néanmoins, on peut en douter, puisqu’il est certain qu’elles ne sont pas concernées par cette seconde décision. En décidant autrement, le conseiller de la mise en état ouvre la voie à ce que des tiers à la seconde décision participent à un recours contre une décision qui ne les concerne pas.
En tout état de cause, la décision est intéressante par son originalité. On est toutefois curieux de comprendre l’objectif poursuivi par la République d’Équateur d’attirer au recours ces parties, alors que leur éviction de l’arbitrage paraît, a priori, favorable. De plus, l’affaire met en lumière la question de la mise en place d’un délai butoir dans le cadre des recours contre les sentences, comme le prévoit l’article 528-1 du code de procédure civile. En l’espèce, le recours est exercé deux ans et une semaine après que les arbitres aient rendu l’ordonnance. Est-ce bien raisonnable ?
2. L’utilisation de la voie électronique
La voie électronique s’impose dans les recours contre les sentences. La Cour de cassation a dû le rappeler il y a un peu plus d’un an (Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-14.708, Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. C. Bléry ; ibid., 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 1891 ; ibid. 2435, obs. T. Clay ; JCP 2019. 2072, note L. Weiller ; Gaz. Pal. 2019, n° 40, p. 25, obs. D. Bensaude ; Procédures 2019, n° 12, p. 23, obs. L. Weiller ; JCP E 2019, n° 50, p. 45, note P. Casson). Néanmoins, la question des « cases à cocher » dans le RPVA ne cesse de mettre les plaideurs en difficulté. En principe, c’est l’onglet « autres recours à la diligence des parties » et non celui, trop souvent utilisé, de « déclaration d’appel ». En effet, le recours en annulation n’est pas un appel. Il n’en demeure pas moins que le choix n’est pas du tout intuitif. La question de la sanction d’un recours où le requérant a commis une erreur de sélection se pose donc régulièrement. La cour d’appel de Nîmes vient d’y apporter une réponse rigoureuse (Nîmes, 6 janv. 2021, n° 20/02583, Projets ingénierie actions). Elle considère que l’erreur informatique du demandeur entraîne l’irrecevabilité du recours, malgré le libellé de la déclaration d’appel indiquant que le recours est un « appel nullité de la sentence arbitrale ». Elle écarte par la même occasion le moyen relatif à l’atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge. Par cette décision, la cour retient une solution qui a été un temps celle de la cour d’appel de Paris (Paris, 30 janv. 2018, n° 15/24612, Gaz. Pal. 2018, n° 27, p. 25, obs. D. Bensaude), mais qui semble depuis abandonnée (Paris, 8 oct. 2019, n° 19/02239, Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 2435, obs. T. Clay ; Paris, 22 oct. 2019, n° 19/04575, Zwahlen & Mayr, Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ). Dans ces deux arrêts, la cour d’appel de Paris a retenu que cette seule circonstance « ne saurait, sans qu’il soit porté une atteinte disproportionnée au droit au recours, être sanctionnée par une irrecevabilité ». Si l’on ne peut évidemment mettre sur le même plan un arrêt de la cour d’appel de Nîmes et deux arrêts d’une chambre spécialisée de la cour d’appel de Paris, il n’en demeure pas moins que cette divergence appelle une intervention de la Cour de cassation. À cet égard, on rappellera que rien dans le code de procédure civile n’impose à peine d’irrecevabilité de sélectionner le bon onglet dans le RPVA. C’est à l’outil informatique de se soumettre aux règles de procédure civile et pas l’inverse !
B. Aspects substantiels des recours contre la sentence
1. La compétence
On dira simplement un mot d’un arrêt un peu ancien (Paris, 22 sept. 2020, n° 18/17391, Valantille) sur la question de la compétence en matière interne. Le différend porte sur des inexécutions post-contractuelles et la clause compromissoire vise les litiges relevant de « l’exécution du présent contrat ». Le tribunal arbitral est-il compétent pour trancher ce litige ? La réponse est logiquement positive, dès lors que les obligations trouvent leur source dans le contrat.
Dans une autre affaire (Paris, 2 févr. 2021, n° 20/01789, Tok Tokkie Company), les parties sont liées par un accord (letter agreement) contenant une clause compromissoire prévoyant un arbitre unique siégeant à Londres sous l’égide de la LCIA. Le demandeur au recours contre l’ordonnance d’exequatur soutient un raisonnement complexe selon lequel l’arbitre aurait dû déterminer, conformément au règlement Rome 1, la loi applicable au contrat et constater la nullité de celui-ci pour conclure à son incompétence. Autrement dit, le requérant invite la cour d’appel à violer l’intégralité des principes du droit de l’arbitrage établis depuis cinquante ans. La cour n’y fait évidemment pas droit. Les parties n’étant liées par aucun autre accord que celui contenant la clause compromissoire, elle confirme la solution de l’arbitre ayant admis sa compétence pour trancher le litige.
2. Le respect par l’arbitre de sa mission
L’arrêt CWT, déjà évoqué (Paris, 12 janv. 2021, n° 17/07290, CWT) soulève une intéressante question relative à la mission de l’arbitre. En l’espèce, il est reproché au tribunal arbitral d’avoir condamné le débiteur à une astreinte supérieure à celle demandée par le créancier et sans motiver sa décision. L’auteur du recours invoque une violation de sa mission par l’arbitre, au titre d’un ultra petita. La cour rejette le moyen. Elle énonce que « le prononcé d’une astreinte constitue un prolongement inhérent et nécessaire à la fonction de juger pour assurer une meilleure efficacité au pouvoir juridictionnel et ne caractérise aucun dépassement de la mission de l’arbitre. Il n’a pas à faire l’objet d’une motivation spécifique en ce qu’il relève de son pouvoir discrétionnaire ». La solution s’explique sans doute par mimétisme avec la procédure civile. En effet, l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution énonce que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision ». La doctrine y voit effectivement un pouvoir discrétionnaire (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile. Droit commun et spécial du procès civil, MARD et arbitrage, 35e éd., 2020, Dalloz, coll. « Précis », n° 471 ; v. égal. Civ. 3e, 3 nov. 1983, Bull. civ. III, n° 219). On pourrait néanmoins ouvrir le débat d’une transposition aussi automatique du principe à l’arbitrage. À moins que ce soit le principe lui-même, d’un pouvoir discrétionnaire et dépourvu d’obligation de motivation, qui doive être discuté…
L’arrêt Soletanche soulève également une problématique relative à la mission des arbitres (Paris, 1-1, 15 déc. 2020, n° 18/14864, Soletanche). La difficulté tient à la forme un peu spécifique de la sentence. Celle-ci est composée d’un corps et de quatre annexes. Or il apparaît que la motivation figure dans les annexes, l’ensemble formant un tout. Malheureusement, les parties se sont vu adresser par le secrétariat de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI une copie de la sentence ne contenant pas les annexes. Le tribunal arbitral a, très rapidement, provoqué une rectification de la sentence pour y ajouter les annexes. Dès lors, il s’agit de savoir si la sentence, amputée de ses annexes, mérite l’annulation, faute d’être motivée. La cour d’appel ne le pense pas et rejette le recours. Ce qui est fondamental, c’est que l’erreur émane de la CCI, qui a omis de communiquer les annexes, quand bien même elle a reçu l’ensemble dès l’origine. Pour la cour, le tribunal arbitral a bien délibéré sur la sentence et les annexes, conformément au règlement et dans les délais prévus. Il en résulte que l’omission matérielle de communication des annexes aux parties n’affecte pas la régularité de la sentence. Ouf !
3. Le principe du contradictoire
Toujours dans l’arrêt CWT, une question relativement proche à celle soulevée sur l’astreinte se pose concernant les intérêts. La partie a sollicité une condamnation à des intérêts, sans préciser le montant souhaité, laissant le soin à l’arbitre de déterminer « le taux qu’il jugera approprié ». Pour la cour d’appel, la question est dans le débat et il appartient à la partie adverse de la discuter. Sur ce point, on ne peut pas donner tort à la cour. Ceci étant, la question des intérêts est un peu délicate. Pendant un temps, elle a été considérée, au même titre que l’astreinte, comme relevant d’un pouvoir discrétionnaire du juge (Paris, 25 mars 2004, Rev. arb. 2004. 671, note J. Ortscheidt ; v. égal. Cass., ass. plén., 3 juill. 1992, JCP 1992. II. 21898, concl. D.H. Dontenwille et note A. Perdriau). Néanmoins, la jurisprudence récente semble s’écarter de cette hypothèse, en imposant aux arbitres de respecter le contradictoire pour la fixation des intérêts (Paris, 22 sept. 2015, n° 14/17200, D. 2015. 2588, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2016. 880, chron. P. Giraud ; Paris, 23 oct. 2018, n° 16/24374, RDC 2019. 79, note M. Laazouzi ; Gaz. Pal. 2019, n° 11, p. 38, obs. D. Bensaude). Implicitement, c’est la solution retenue par la cour, qui retient que la question était dans le débat. Pourtant, ne faut-il pas aller plus loin, en imposant aux arbitres de motiver leur décision sur les intérêts (ce qui n’a pas encore été jugé) et, comme en l’espèce, interdire aux arbitres de pallier la carence des parties dans la fixation d’un taux d’intérêt ? En effet, on comprend mal ce qui justifie d’écarter le grief d’ultra petita pour les intérêts. En somme, comme pour l’astreinte, il semble nécessaire de fixer un régime plus clair et plus encadré sur la question des intérêts.
Le principe de la contradiction est invoqué avec plus de succès dans l’affaire HOP ! (Paris, 19 janv. 2021, n° 18/04465, HOP !). La discussion porte sur un rapport d’expertise sur lequel s’est appuyé le tribunal arbitral pour rendre sa sentence. Ce rapport n’avait toutefois pas été communiqué aux parties avant la sentence. La difficulté est de savoir si les parties ont consenti à ce que la sentence se fonde sur un rapport d’expertise non communiqué. Il n’est pas discuté que les parties ont consenti à ce que l’expert n’assiste pas à l’audience. Fallait-il également y voir un consentement à ce que le rapport ne soit pas communiqué ? Si la cour semble admettre implicitement qu’une telle renonciation puisse exister (« rien dans les échanges des parties avec l’expert ne permet d’affirmer que [la partie] a renoncé à avoir connaissance, préalablement à la sentence, du rapport d’expertise »), elle retient avec force qu’elle ne peut être déduite de l’accord à ce que l’expert soit dispensé de l’audience.
4. L’ordre public
a. L’ordre public interne
Les questions relatives à l’ordre public interne sont relativement différentes de celles relatives à l’ordre public international. Dans l’arrêt Valantille (Paris, 22 sept. 2020, n° 18/17391, Valantille), la question se pose de la qualification de la règle tirée de l’article L. 341-1 du code de commerce, portant sur les clauses restrictives de liberté d’exercice d’une activité commerciale dans les contrats de commerce de détail (franchise notamment). La qualification d’ordre public n’est pas discutée. En revanche, est débattue la question de l’application de ce texte au contrat en cours. Pour retenir une réponse positive, la cour examine l’intention du législateur, les observations du gouvernement devant le Conseil constitutionnel, la décision de ce dernier et son communiqué de presse. Elle constate que la volonté est bien celle d’une application immédiate aux contrats en cours. En conséquence, elle annule la sentence, le tribunal ayant refusé de faire application de ce texte.
Il est difficile de nier que, dans une telle situation, la cour d’appel accomplit une véritable révision au fond (dans le même sens, concernant la corruption, v. J. Ortscheidt, conférence du 13 janv. 2021 du Club des juristes, préc.). L’examen n’est pas réalisé au travers de principes, mais d’une règle dont le défaut de respect scrupuleux par l’arbitre est sanctionné par une annulation immédiate de la sentence. Sans remettre en cause le principe d’un tel examen, on peut faire deux remarques. D’une part, l’étendue du contrôle dépend largement de ce que l’on doit considérer comme relevant de l’ordre public ou n’en relevant pas. Chaque règle supplémentaire pour laquelle cette qualification est retenue entraîne une immixtion croissante du juge dans le travail de l’arbitre et fait glisser le recours en annulation vers un appel. D’autre part, le contrôle est dissymétrique. En effet, il n’est réalisé que dans un sens : s’il ne met pas en œuvre la règle, sa décision sera révisée ; s’il met en œuvre la règle, sa décision ne sera pas révisée.
La combinaison de ces deux constats peut entraîner des conséquences néfastes sur le processus décisionnel de l’arbitre. Prenons un exemple pour le comprendre. L’article 1171 du code civil sanctionne les clauses créant un déséquilibre significatif. Sauf erreur, le caractère d’ordre public de cette disposition n’a pas encore été jugé. L’arbitre peut donc trancher dans un sens ou dans l’autre. Ensuite, s’il qualifie la règle d’ordre public, il peut considérer que les conditions de mise en œuvre de la règle sont réunies et déclarer la clause non écrite ou juger inversement. En somme, il y a deux cas où l’arbitre peut écarter la règle (elle n’est pas d’ordre public ou les conditions ne sont pas réunies) et un cas où l’arbitre peut appliquer la règle (elle est d’ordre public et les conditions sont réunies). Face à ces trois hypothèses, il y en a une seule où l’arbitre est certain que sa sentence ne sera pas révisée et ne fera pas l’objet d’une annulation : celle où il répute non écrite la clause pour déséquilibre significatif. Dans les deux autres hypothèses, l’arbitre prend le risque d’être contredit par le juge et de voir sa sentence annulée. Sachant cela, un arbitre un peu frileux ne sera-t-il pas systématiquement tenté d’opter pour la solution garantissant la survie de sa sentence ? Les dés ne sont-ils pas pipés si l’arbitre est incité à prendre une décision, non pas en fonction des règles de droit, mais en fonction du sort qui sera réservé à la sentence ? Cette question mérite sans doute réflexion, d’autant qu’elle s’applique également concernant l’ordre public international…
b. L’ordre public international substantiel
Il est tentant de se prévaloir d’une violation de l’ordre public international pour inviter subtilement le juge à réviser au fond la sentence. Souvent, la manœuvre est grossière, notamment lorsque le requérant se prévaut d’un grief qui n’est manifestement pas d’ordre public international. En revanche, elle est plus subtile chaque fois que la partie prend soin de rattacher son moyen à un grief pour lequel cette qualification n’est pas contestée. C’est ainsi que, dans une affaire Sahraoui (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/18582, Sahraoui), le demandeur invoque une législation algérienne relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il n’est pas discuté que de telles préoccupations, exprimées notamment par la convention de Mérida du 9 décembre 2003, sont incluses dans l’ordre public international français (Paris, 21 févr. 2017, n° 15/01650, Belokon, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; RTD com. 2019. 42, obs. E. Loquin ; ibid. 2020. 283, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2017. 915, note S. Bollée et M. Audit ; JCP 2017. Doctr. 1326, obs. C. Seraglini ; Cah. arb. 2017. 668, note B. Poulain ; ASA 2017. 551, note L.-C. Delanoy). Néanmoins, dans la présente affaire, les requérants ne mettent pas en doute la régularité d’une transaction au regard de ces dispositifs. Il s’agissait, plus précisément, de critiquer la non-prise en compte par le tribunal arbitral de la loi algérienne prévoyant des mesures de contrôle des transactions.
La cour d’appel commence par rappeler les principes de son contrôle. Elle reprend une formule déjà retenue dans l’arrêt MK Group concernant la définition de l’ordre public international et la prise en compte des lois de police étrangères (Paris, 16 janv. 2018, n° 15/21703, MK Group, D. 2018. 1635 , note M. Audit ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2018. 401, note S. Lemaire ; JDI 2018. Comm. 12, note S. Bollée ; ibid. Comm. 13, note E. Gaillard). Elle y ajoute une formule définissant plus précisément l’ordre public international matériel, selon laquelle « l’exécution d’une sentence est incompatible avec l’ordre public international matériel lorsqu’ont été violés les principes juridiques fondamentaux au point que le résultat atteint par les arbitres est inconciliable avec le système des valeurs essentielles de notre ordre juridique » (v. déjà, Paris, 11 mai 2006, n° 05/13780, Rev. arb. 2006. 489). Elle ajoute enfin une formule qui, à notre connaissance, est nouvelle, selon laquelle « c’est à la charge des recourants qui allèguent la méconnaissance d’une règle d’ordre public international de rapporter la preuve des éléments factuels et juridiques propres à établir que la solution retenue par la sentence est incompatible avec cette règle ». Un tel attendu traite de la question de la charge de la preuve, sans évoquer celle de la nature de la preuve à apporter, qui peut résulter, selon l’arrêt Belokon, d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants.
En tout état de cause, la cour ne se laisse pas impressionner par l’argument du requérant. En effet, la principale question posée au tribunal arbitral est de savoir si un chèque a été refusé au motif de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou, de façon plus prosaïque, parce qu’il n’est pas provisionné. La cour constate que, sous couvert d’ordre public international, le requérant cherche à obtenir la révision au fond de la sentence. Il n’y a donc pas lieu de réaliser un examen plus approfondi de la question.
c. L’ordre public international procédural
L’affaire SEGQ (Paris, 17 déc. 2020, n° 18/01504, Société d’entreprise et de gestion – Qatar) est intéressante, car les faits ne manquent pas de sel. Un contrat contient une clause compromissoire selon laquelle in case of dispute a local arbitrator(s) shall be assigned to resolve the conflict. Un différend étant survenu, une partie a introduit une demande d’arbitrage devant le Centre d’arbitrage international du Qatar (QICA). Dès l’origine, la saisine de ce centre est contestée par le défendeur, qui fait valoir l’absence d’accord pour un arbitrage institutionnel. Le défendeur désigne tout de même un arbitre et le tribunal est formé. Rapidement, les arbitres se réunissent au Caire et décident, par ordonnance, d’un arbitrage ad hoc ayant son siège en Tunisie. Le demandeur ayant contesté cette décision, un autre tribunal arbitral est constitué, sous l’égide de la QICA. Il y a donc deux tribunaux arbitraux en parallèle, l’un institutionnel et l’autre ad hoc, après avoir fait sécession avec l’institution. Évidemment, ce qui devait arriver arriva : les deux tribunaux arbitraux rendent des décisions parfaitement contradictoires.
La sentence rendue par le tribunal ad hoc est annulée en Tunisie. C’est tout de même elle qui s’est vu accorder l’exequatur en France. L’ordonnance d’exequatur fait l’objet d’un appel, donnant lieu au présent arrêt. Le grief adressé à la sentence est relatif à la violation de l’ordre public international procédural. Il est reproché au tribunal arbitral d’avoir fixé le siège de l’arbitrage à Tunis (et les audiences au Caire) et d’avoir transformé un arbitrage institutionnel en arbitrage ad hoc sans consulter les parties et sans respecter le règlement QICA. La sentence avait peu de chances de survivre à de tels vices. Des décisions aussi importantes que la fixation du siège ou le choix d’un arbitrage institutionnel ou ad hoc, qui relèvent en principe de la volonté des parties, ne peuvent être soumises à un pouvoir discrétionnaire des arbitres. Il faut, à tout le moins, inviter les parties à débattre de ces questions. Néanmoins, on peut se demander si l’ordre public international procédural est le fondement idoine pour annuler l’ordonnance d’exequatur. Ne fallait-il pas se placer sur le fondement de la compétence (la transformation d’un arbitrage institutionnel en arbitrage ad hoc nécessitant une interprétation de la convention d’arbitrage), du respect de la mission (afin de vérifier si les exigences du règlement QICA ont été respectées pour changer de siège) ou encore du contradictoire ?
5. Le respect du délibéré
L’arrêt Grant Thornton est intéressant sur la question du délibéré (Paris, 26 janv. 2021, n° 18/05543, Grant Thornton). Une fois la sentence rendue, un coarbitre a fait part, dans un courrier adressé aux parties et au tribunal arbitral, de son absence de participation au délibéré. La première question qui se pose est celle d’un fondement pour discuter, devant le juge de l’annulation, de ce grief. La cour le rattache à l’article 1492, 6°, du code de procédure civile, l’arbitrage étant interne. Elle vise aussi, sans y faire plus ample référence, l’article 1492, 5°. En réalité, il semble, avec le professeur Giraud, qu’un tel grief peut être rattaché au cas d’ouverture de l’ordre public (P. Giraud, La conformité de l’arbitre à sa mission, thèse, ss la dir. de C. Jarrosson, Paris 2, 2014, n° 248), ce qui permet d’en vérifier le respect aussi bien en matière interne qu’internationale.
En l’espèce, le recours est fondé sur un courrier du coarbitre, qui se plaint d’avoir été évincé du délibéré. Il prétend, dans un courrier postérieur à la reddition de la sentence, que la mention de son refus de signer la sentence est inexacte. Il soutient qu’il n’a pas pu utilement délibérer. La cour rejette le recours, en estimant qu’aucun élément matériel ne vient corroborer cette version des faits et que l’absence de l’arbitre à la date fixée pour le délibéré est volontaire. La collégialité est donc respectée, dès lors qu’il n’est pas souhaitable de « laisser la volonté de ce seul arbitre décider de la nullité de la sentence ».
La solution est satisfaisante. Pour autant, la discussion n’est-elle pas amputée d’une partie de son intérêt, faute de participation des arbitres au recours ? Il n’apparaît pas dans l’arrêt que les arbitres ont été sollicités, notamment en qualité de témoins. Il est vrai que la jurisprudence se refuse, de façon ancienne, à admettre un tel témoignage (Paris, 29 mai 1992, Époux Rouny c. Société Holding RC, RTD com. 1992. 588, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1996. 408 ; et le comm. de P. Fouchard, Le statut de l’arbitre dans la jurisprudence française, p. 325). Néanmoins, comment ne pas voir qu’un débat sur la collégialité du délibéré est totalement artificiel et biaisé par l’impossibilité de réclamer des explications aux arbitres ? Les obstacles à une participation des arbitres au recours en annulation sont pourtant surestimés (v. J. Jourdan-Marques, Le contrôle étatique des sentences arbitrales internationales, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2017, n° 160, préf. T. Clay, nos 268 s. ; v. égal., sur cette question, A. Pinna et A. Barrier, L’arbitre et le recours en annulation contre la sentence qu’il a rendue. Approche critique du droit français à la lumière du droit comparé, Cah. arb. 2012. 295). C’est une question qui mériterait d’être à nouveau posée.
6. Le régime des sentences arbitrales internes étrangères
Le 21 mai 2019, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt majeur sur la question des sentences arbitrales internes étrangères (Paris, 21 mai 2019, n° 17/19850, EGPC, Dalloz actualité, 28 juin 2019, obs. L. Weiller ; ibid. 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 2435, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2019. 1151, note E. Gaillard ; JDI 2020. 214, note D. Mouralis ; JDI 2020. 811, chron. K. Mehtiyeva). Saisie par l’auteur du recours, la Cour de cassation rejette le pourvoi dans une décision beaucoup moins marquante (Civ. 1re, 13 janv. 2021, n° 19-22.932, EGPC, D. 2021. 86 ). La question est de savoir si la sentence arbitrale interne étrangère est soumise au même régime que les sentences internationales rendues à l’étranger. La réponse apportée par la cour d’appel et confirmée par la Cour de cassation est positive. En conséquence, le régime applicable à l’appréciation de l’efficacité de la clause compromissoire, et en particulier à l’engagement d’une personne publique, est celui de l’arbitrage international. Il en résulte qu’il convient d’écarter les dispositions internes étrangères relatives à l’engagement des personnes publiques au profit des règles matérielles de l’arbitrage international (v. déjà Civ. 1re, 17 oct. 2000, n° 98-11.776, D. 2000. 303 ; RTD com. 2001. 63, obs. E. Loquin ; Rev. arb. 2000. 648, note P. Mayer). En revanche, l’arrêt ne dit rien sur la question de la sentence arbitrale interne annulée à l’étranger, alors que ce point n’a jamais été jugé par la Cour de cassation.
V. Le recours en annulation du recours en révision
Voilà une question intéressante que celle du recours en annulation d’une sentence portant sur un recours en révision. Et pour ne rien gâcher au plaisir, l’arrêt est rendu dans l’affaire… Tecnimont (Paris, 1er décembre 2020, n° 17/22735, Tecnimont) ! Cela dit, pour cette affaire dans laquelle l’arbitrage a commencé alors que nous entrions en première (ni première année de thèse ou première année de licence… mais bien de lycée !), la fin de la série tire en longueur. Un recours en révision a été formé devant le tribunal arbitral, comme le prévoyait déjà, avant le décret du 13 janvier 2011 (l’article 1506, 5°, renvoie à l’article 1502 du code de procédure civile), la jurisprudence Fougerolle (Civ. 1re, 25 mai 1992, n° 90-18.210, Rev. crit. DIP 1992. 699, note B. Oppetit ; RTD civ. 1993. 201, obs. R. Perrot ; RTD com. 1992. 593, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1993. 91 et le comm. de M. de Boisséson, p. 3 ; JDI 1992. 974, note E. Loquin). La demande de révision a néanmoins été rejetée par le tribunal arbitral, faute d’avoir été convaincu par les éléments produits par le requérant au soutien de ses allégations.
Le recours soulève alors une question intéressante : la fraude étant une condition de la réouverture de la juridiction au profit de l’arbitre, s’agit-il d’une question de compétence susceptible de faire l’objet d’un contrôle par le juge de l’annulation ? La réponse de la cour d’appel est négative. En effet, ce n’est pas la compétence du tribunal arbitral qui est en cause, mais le bien-fondé du recours en révision. Juger le contraire reviendrait à donner compétence au juge étatique pour se prononcer sur le recours en révision.
Toutefois, la question peut rebondir sur le fondement de l’ordre public international. Ne peut-on pas considérer que si la première sentence est entachée de fraude, la seconde, qui refuse d’accueillir le recours en révision, est affectée du même vice, par capillarité. La cour ne s’y laisse pas prendre et distingue soigneusement les deux sentences. Elle considère qu’un grief relatif à la fraude ne peut être invoqué que contre la sentence faisant l’objet d’un recours. Autrement dit, il aurait fallu que la sentence sur le recours en révision ait été elle-même surprise par fraude. Tel n’est pas le cas dès lors que le tribunal arbitral a pu trancher en toute connaissance de cause les moyens tirés de la fraude. La solution est cohérente avec la jurisprudence antérieure, qui énonce depuis quelques années que si les documents prétendument falsifiés ont fait l’objet d’un débat contradictoire au cours de l’instance arbitrale, la décision n’a pas été surprise par une fraude. En conséquence, il n’appartient pas au juge de réviser la décision (Paris, 26 nov. 2019, n° 17/17127, Société nationale des chemins de fer tunisiens [SNCFT], Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; 30 juin 2020, n° 19/09729, Axon, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ). En somme, ce qui compte, ce n’est pas tant l’existence d’une fraude que l’existence d’un débat sur la fraude.
En revanche, l’arrêt Tecnimont contribue à un certain flou sur la question de la motivation. En principe, la jurisprudence se refuse de contrôler le contenu de la motivation, mais accepte de vérifier son existence. Ce n’est pas le cas dans le présent arrêt, puisque la cour énonce que « le défaut de motivation d’une sentence n’est pas un cas d’ouverture du recours en annulation dans le droit français de l’arbitrage international ». Pourtant, la cour d’appel de Paris a énoncé il n’y a pas si longtemps que « l’exigence de motivation des décisions de justice est un élément du droit à un procès équitable ; qu’elle est nécessairement comprise dans la mission des arbitres, même si elle ne figure pas dans le règlement d’arbitrage auquel les parties se sont soumises » (Paris, 20 nov. 2018, nos 16/10379 et 16/10381, Dalloz actualité, 24 déc. 2018, obs. J. Jourdan-Marques ; ibid., 11 janv. 2019, obs. P. Giraud ; D. 2019. 2435, obs. T. Clay ). Difficile d’y voir clair. Faut-il y voir un revirement complet ? Une volonté d’inviter les parties à invoquer ce grief sur le fondement de l’ordre public international plutôt que de la motivation (sur ce fondement, v. Paris, 28 mars 2017, n° 15/17742, inédit ; 30 janv. 2018, n° 16/11761, Cah. arb. 2018. 125, obs. P. Pedone ; 2 avr. 2019, n° 16/24358, Dalloz actualité, 17 avr. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Cah. arb. 2019. 751, note C. Crepet Daigremont) ? Une erreur de plume, la cour refusant, maladroitement, d’examiner le contenu de la motivation ? Il faudra scruter la jurisprudence à venir, mais on peut d’ores et déjà regretter que de telles questions surgissent alors qu’une réponse simple et intelligible ne paraît pas hors de portée.
VI. Les recours devant le juge administratif
On l’attendait fébrilement. Après les escarmouches entre les juridictions judiciaires et le Conseil d’État, après les grandes décisions du tribunal des conflits, comment allaient se dérouler les procédures devant le juge administratif concernant les sentences arbitrales ? De premiers éléments de réponse sont apportés par un jugement du tribunal administratif de Poitiers, et pas dans n’importe quelle affaire : il s’agit de la sentence SMAC c. Ryanair (Poitiers, 15 déc. 2020, SMAC, n° 1900269) !
Naturellement, nous nous garderons d’évoquer les aspects de la décision relevant du pur droit administratif, sur lequel nous sommes profondément incompétent. On constatera simplement, d’un point de vue procédural, que la procédure d’exequatur se déroule contradictoirement devant le juge de première instance. Voilà déjà une différence notable avec la procédure judiciaire, qui prévoit que l’exequatur est accordé sur requête et que le débat contradictoire a lieu devant la cour d’appel.
Ensuite, le jugement dresse la liste des différents moyens pouvant être soulevés pour s’opposer à l’exequatur. Ils sont divisés en deux catégories : soit la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières, soit elle est contraire à l’ordre public. En réalité, ces deux catégories se subdivisent. S’agissant de la régularité de la procédure, le juge administratif vise les cas où le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent, s’il a été irrégulièrement composé, notamment au regard des principes d’indépendance et d’impartialité, s’il n’a pas statué conformément à la mission qui lui a été confiée, s’il a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ou s’il n’a pas motivé sa sentence. Sur l’ordre public, le tribunal mentionne les cas où la sentence arbitrale fait application d’un contrat dont l’objet est illicite ou entaché d’un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, lorsqu’elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l’interdiction de consentir des libéralités, d’aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l’intérêt général au cours de l’exécution du contrat, ou lorsqu’elle méconnaît les règles d’ordre public du droit de l’Union européenne. Dans l’ensemble, les critères retenus sont ceux esquissés par le Conseil d’État dans sa décision Fosmax (CE 9 nov. 2016, n° 388806, Fosmax, Dalloz actualité, 14 nov. 2016, obs. J.-M. Pastor ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2016. 2133 ; ibid. 2368 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 2343, obs. J.-M. Pastor ; ibid. 2589, obs. T. Clay ; ibid. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; RFDA 2016. 1154, concl. G. Pellissier ; ibid. 2017. 111, note B. Delaunay ; RTD com. 2017. 54, obs. F. Lombard ; Rev. arb. 2017. 179, note J. Billemont ; ibid. 254, note M. Audit et C. Broyelle ; Cah. arb. 2017. 977, note M. Laazouzi et S. Lemaire ; JCPA 2017, n° 19, p. 25, note O. Le Bot ; JCP 2016. 2148, note S. Bollée ; JCP E 2017, n° 2, p. 43, note C. Seraglini ; Procédures 2017. Comm. 10, obs. L. Weiller). Simplement, dans cette décision, il s’agit d’un recours en annulation. Néanmoins, le Conseil d’État n’a pas fait de mystère de sa volonté de traiter de façon identique les sentences rendues en France et les sentences rendues à l’étranger. Ce n’est d’ailleurs pas le juge judiciaire qui lui fera la leçon sur ce point, dès lors que le contrôle opéré est aussi parfaitement identique.
En réalité, ce qui compte réellement lorsque l’on est en présence d’une demande d’exequatur d’une sentence arbitrale étrangère, c’est de s’assurer que l’on ne se trouve pas en violation de la convention de New York du 10 juin 1958. Or on ne peut être qu’étonné de l’absence de mention de ce texte dans la décision. Si le jugement cite la convention de Genève du 21 avril 1961, pour constater son inapplicabilité, ce n’est pas le cas de la convention de New York. Pourtant, le juge poitevin décide de relever d’office un moyen tiré de l’illicéité de la convention d’arbitrage. À cet égard, la convention de New York distingue, en son article V, les cas pouvant être relevés d’office par le juge et ceux ne le pouvant pas. Pour ce qui est de l’illicéité de la clause, il y a une hésitation possible entre l’article V.1.a (« ladite convention n’est pas valable ») et l’article V.2.a (« l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage »). Il n’aurait pas été superflu de se poser la question, dès lors que seul le deuxième cas peut être relevé d’office.
Pour ce qui est de l’examen lui-même, le tribunal administratif pose un principe d’interdiction de recours à l’arbitrage pour les personnes publiques, sous réserve de dérogations législatives expresses et des conventions internationales. N’identifiant aucune disposition dérogatoire et constatant que l’Irlande n’est pas un État-partie à la Convention de Genève, le juge considère que le recours à l’arbitrage est illégal. Si la solution était prévisible ; il n’en demeure pas moins regrettable que la parole des personnes publiques ait si peu de valeur. Il en résulte que, en France, les personnes publiques étrangères sont soumises à un régime d’indifférence quant à la prohibition interne de compromettre (v. encore l’arrêt EGPC commenté supra), alors que les personnes publiques françaises sont protégées.
Enfin, on signalera que le jugement constate également une violation par la sentence de l’ordre public. En effet, le Tribunal de l’Union européenne a déclaré illégales les aides prévues par le type de convention unissant SMAC et Ryanair. Le motif est sans doute légitime, si ce n’est que le tribunal arbitral ne pouvait anticiper une telle décision lorsqu’il a rendu sa sentence, plusieurs années plus tôt.
En définitive, l’examen réalisé par le juge administratif est conforme à ce que l’on pouvait attendre : protecteur des personnes publiques. Reste à savoir si celui-ci aura un impact durable sur la capacité des personnes publiques à trouver des cocontractants acceptant de s’engager avec des partenaires ayant la possibilité de ne pas respecter la parole donnée.
Voilà dix ans, depuis l’arrêt Tecnimont, que la jurisprudence impose une vision exigeante de l’obligation de révélation de l’arbitre. Dix ans également qu’elle demeure incapable de se fixer sur les contours exacts de cette obligation, nourrissant ainsi un contentieux abondant à l’origine d’une grande insécurité juridique.
Première « brique » de la réforme de la haute fonction publique, le dispositif « Talents du service public » doit réserver des postes dans six concours à des jeunes issus de milieux défavorisés.
Le policier de 47 ans, principal prévenu de ce procès, a été reconnu coupable par la 16e chambre correctionnelle de tous les faits qui lui étaient reprochés. Tous les autres prévenus ont été condamnés à des peines allant de douze mois avec sursis à cinq ans de prison ferme.
Décidément, la question de la réparation du préjudice de l’enfant à naître ne cesse de rebondir dans l’actualité jurisprudentielle. La Cour de cassation vient, cette fois, de valider le raisonnement d’une cour d’appel qui a admis la réparation du préjudice moral d’un enfant simplement conçu au moment du fait générateur ayant entraîné le décès de son grand-père.
Il résulte de l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, dans le cas d’un contrat illicite comme ayant été conclu au mépris des règles impératives d’exercice de la profession d’avocat, la restitution en valeur de la prestation effectuée peut être sollicitée par l’avocat.
L’ordonnance du 10 février 2021 prolonge la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2021 et fixe les conditions d’indemnisation des bailleurs par l’État.
L’ordonnance du 10 février 2021 prolonge la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2021 et fixe les conditions d’indemnisation des bailleurs par l’État.
L’ouverture, postérieure au jugement, d’une procédure collective à l’égard d’une société intimée n’a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d’appel, la mise en cause de sa compagnie d’assurance contre laquelle la société appelante était déjà en mesure d’agir devant le premier juge.
Le montant des contributions de l’employeur au dispositif de la convention de reclassement personnalisé est une créance du salarié au sens de l’article L. 3253-17 du code du travail dans sa version en vigueur avant la loi du 18 novembre 2016 et entre de ce fait dans le calcul des créances garanties par l’AGS ainsi que dans la détermination de son plafond de garantie.
Les accords majoritaires signés dans la fonction publique ne seront plus un engagement moral mais auront force obligatoire aux termes de l’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021.
Prise en application de l’article 40 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 pose les bases de la mise d’une protection sociale complémentaire obligatoire dans la fonction publique.
Les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation sont conformes à la directive 2006/123 du 12 décembre 2006, dite « directive Services ».
L’organisation territoriale française est souvent critiquée pour sa lourdeur, un poids prédominant de l’État et un émiettement des collectivités. La France est passée du « mille-feuille territorial » au crumble. Le projet de loi 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification) vise à « construire une nouvelle étape de la décentralisation » en répondant « aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus ».
Le protocole de Montréal du 4 avril 2014, qui vient d’être ratifié par la France, complète la Convention de Tokyo du 14 septembre 1963 relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs afin de donner aux compagnies aériennes des moyens de lutter plus efficacement contre les comportements perturbateurs des passagers.
L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel et l’acceptation sans réserve de la marchandise vendue par l’acheteur lui interdit de se prévaloir de ses défauts apparents de conformité.
L’obligation de délivrance du vendeur est souvent mise en cause, à l’instar de la garantie des vices cachés, comme en témoigne l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 février 2021. En l’espèce, le 21 octobre 2011, la société Mécanique tréportaise a fourni et installé sur un chalutier, appartenant à M. et Mme Y…, un moteur d’occasion qu’elle avait acquis auprès de M. I…, lequel l’avait acheté à la société KJ services. Le bateau ayant subi, le 3 mai 2012, une avarie due à l’inadaptation du moteur de remplacement, destiné à un bateau de plaisance et non de pêche, M. et Mme Y… ont assigné la société Mécanique tréportaise et l’assureur de celle-ci, en invoquant, à titre principal, un défaut de conformité et, à titre subsidiaire, la garantie des vices cachés. La société Mécanique tréportaise a appelé en la cause M. I…, lequel a fait intervenir la société KJ services. M. et Mme Y… ont donc dirigé leurs demandes en réparation de leur préjudice contre ces trois défendeurs.
La cour d’appel de Rouen, dans un arrêt du 14 septembre 2017, a condamné in solidum la société Mécanique tréportaise, l’assureur ainsi que M. I…, dans la limite, en ce qui le concerne, de 50 % du montant des condamnations, à payer à M. et Mme Y…, diverses sommes à titre de dommages-intérêts et à garantir la société Mécanique tréportaise et l’assureur à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à l’encontre de celles-ci. Pour parvenir à ce résultat, l’arrêt retient tout d’abord que dans la mesure où le moteur litigieux avait dû être adapté par la société KJ services pour en réduire la puissance et que, même après la livraison, le moteur devait encore faire l’objet de travaux d’adaptation, le procès-verbal d’essais sur banc établi par ladite société devait être considéré comme constituant un accessoire de la chose vendue et que M. I… avait manqué à ses obligations contractuelles en ne le transmettant pas spontanément à la société Mécanique...
L’exercice à considérer pour apprécier le critère de transparence financière s’incarne dans celui précédant l’année au cours de laquelle est exercée la prérogative syndicale.
Les formalités d’approbation et de publicité des comptes peuvent être encore en cours au moment de la désignation d’un représentant de section syndicale, dès lors que le syndicat produit un audit d’expert-comptable attestant de la régularité et de la sincérité de ses comptes sur l’exercice précédent
L’immunité des missions diplomatiques des États étrangers s’étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires des missions diplomatiques, lesquels sont présumés être affectés aux besoins de la mission de souveraineté de l’État accréditaire.
L’arrêt de la première chambre civile du 3 février 2021 porte sur un nouveau volet de l’affaire Commisimpex, relative à l’immunité de juridiction des missions diplomatiques étrangères.
Pour l’apprécier, il est utile de le mettre en perspective face à de précédents arrêts concernant les mêmes parties. Rappelons néanmoins dès à présent que le litige s’est développé à la suite du prononcé de deux sentences arbitrales au cours des années 2000 et 2013, qui ont condamné la République du Congo à payer diverses sommes à la société Commisimpex, la République du Congo s’étant par la suite prévalue de l’immunité que lui assure le droit international public.
1° Le contexte juridique
Rompant avec la solution adoptée par un arrêt du 28 septembre 2011 (n° 09-72.057, Bull. civ. I, n° 153 ; D. 2011. 2412 ; Just. & cass. 2015. 115, étude P. Chevalier ; Rev. crit. DIP 2012. 124, note H. Gaudemet-Tallon ; 28 mars 2013, n° 10-25.938 et n° 11-10.450, Bull. civ. I, nos 62 et 63 ; D. 2013. 1728 , note D. Martel ; ibid. 1574, obs. A. Leborgne ; ibid. 2293, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Just. & cass. 2015. 115, étude P. Chevalier ; Rev. crit. DIP 2013. 671, note H. Muir Watt ; RTD civ. 2013. 437, obs. R. Perrot ; ibid. 2014. 319, obs. L. Usunier ), un arrêt du 13 mai 2015 a énoncé que « le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution » (Civ. 1re, 13 mai 2015, n° 13-17.751, D. 2015. 1936, obs. I. Gallmeister , note S. Bollée ; ibid. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2588, obs. T. Clay ; Rev. crit. DIP 2015. 652, note H. Muir Watt ), alors qu’il était précédemment acquis que la renonciation devait être à la fois expresse et spéciale.
Un arrêt du 10 janvier 2018 a toutefois opéré un revirement de jurisprudence, en retenant que la validité de la renonciation par un État étranger à son immunité d’exécution est subordonnée à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale, cet arrêt ayant été rendu postérieurement à l’adoption de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », qui a introduit, dans le code des procédures civiles d’exécution, les articles L. 111-1-1 et suivants, relatifs aux mesures d’exécution forcée sur les biens des États étrangers (Civ. 1re, 10 janv. 2018, n° 16-22.494, Dalloz actualité, 24 janv. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 541 , note B. Haftel ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau ; Rev. crit. DIP 2018. 315, note D. Alland ; RTD civ. 2018. 353, obs. L. Usunier et P. Deumier ; ibid. 474, obs. P. Théry ; JCP 2018. 157, n° 9, obs. C. Nourissat ; ibid. 294, concl. N. Ancel ; ibid. 295, note M. Laazouzi ; Gaz. Pal. 19 juin 2018. 38, obs. C. Brenner).
Un arrêt du 2 octobre 2019 (n° 19-10.669, Dalloz actualité, 27 oct. 2019, obs . F. Mélin ; D. 2019. 1891 ; RTD civ. 2019. 927, obs. P. Théry ) a dit qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, concernant l’interprétation donnée par cet arrêt du 10 janvier 2018 à l’article L. 111-1-3.
2° L’affaire jugée le 3 février 2021
La première chambre civile a par ailleurs été saisie d’un autre aspect de l’affaire, qui a donné lieu au prononcé de l’arrêt du 3 février 2021.
La société Commisimpex a fait pratiquer une saisie-attribution de différents comptes ouverts auprès d’une banque au nom de la mission diplomatique à Paris de la République du Congo. Cette dernière a alors invoqué son immunité d’exécution et a contesté la validité des mesures, en faisant valoir qu’elle n’avait pas renoncé spécialement...
Par trois arrêtés du 24 février 2021, Brest, Clermont Métropole et la région stéphanoise se dotent d’un observatoire local des loyers agréé. Au total, près de 350 communes sont concernées.
Le jugement rendu le 18 février 2021 est l’occasion de rappeler l’adage latin Ubi lex non distinguit, nec nos distingueredebemus. Il sanctionne un arrêté préfectoral pour avoir instituer une obligation de dématérialisation non prévue par la loi pour les demandes de titre de séjour.
Dans un avis du 19 février, le Conseil d’État précise la portée de la liaison du contentieux en matière extracontractuelle.
Lorsque la nullité du licenciement est prononcée, le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’est pas de nature à le priver de son droit à réintégration.
Pour la deuxième fois, le juge des référés du Conseil d’État estime que la situation sanitaire fait obstacle à la réouverture des salles de spectacle. Mais pour la première fois, il prend en compte la question des effets de la crise sur la santé mentale des Français.
La CJUE a condamné l’Espagne à payer 15 millions d’euros et une astreinte journalière de 89 000 € pour n’avoir pas transposé avant le 6 mai 2018 les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive relative à la protection des données personnelles dans le cadre de la prévention et de la détection des infractions pénales.
Le mécanisme procédural instauré par l’article 526 du code de procédure civile (devenu l’art. 524 du même code depuis le décr. n° 2019-1333 du 11 déc. 2019) a quelque chose d’assez remarquable. Ce texte, bien connu des praticiens, prévoit une sanction procédurale – la radiation – applicable à l’appelant qui ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel. Il s’agit ni plus ni moins d’un outil de réalisation du jugement de premier instance dont il faut préserver toute l’autorité. Il impose une certaine discipline à l’appelant. Pour pouvoir remettre en cause une décision, il faut d’abord lui donner son plein effet. En somme, pour l’appelant, le message clair : exécute d’abord, tu discuteras ensuite.
La clarté du mécanisme s’obscurcie quelque peu lorsque à la sanction de la radiation se double d’une autre, la péremption, bien plus forte puisqu’il s’agit d’une cause d’extinction de l’instance, qui a quant à elle une autre finalité. Par la péremption de l’instance, le code de procédure civile sanctionne l’inaction des plaideurs. Plus précisément, si pendant deux ans, aucune partie n’a accompli de diligence, alors il convient de prendre acte de leur désintérêt pour la cause et d’éteindre l’instance engagée (C. pr. civ., art. 386). C’est de l’imbrication de ces deux sanctions que traite l’arrêt rapporté.
Comme dans toutes les hypothèses de péremption, les dates ont leur importance. Ici, les chiffres aussi. Il s’agissait d’un appel formé à l’encontre d’un jugement ayant déboutés les appelants de diverses demandes et les ayant condamnés à payer à 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Les appelants ont conclu, le 16 décembre 2013, puis l’intimé l’a fait à son tour, le 17 février 2014. Le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l’affaire en application de l’article 526 du code de procédure civile, reprochant aux appelants de ne pas avoir réglé la condamnation prononcée à leur encontre. Ces...
Lorsqu’un mandat d’agent commercial dans le domaine immobilier est confié à une personne physique, celle-ci peut, si le contrat le prévoit, se substituer une personne morale dès lors que cette dernière est titulaire de la carte professionnelle d’agent immobilier.
Dans la première interview qu’il donne au Point, sur son futur projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire », Éric Dupond-Moretti esquisse sa réforme. Le texte sera très prochainement transmis au Conseil d’État, avec une première lecture au Parlement en mai. Des annonces qu’il a complétées sur France Inter ce mercredi matin.
Crédits de réduction de peine automatiques
IIls seront supprimés. En contrepartie, les réductions de peine pour bonne conduite ou pour effort de réinsertion, qui sont décidées par les juges de l’application des peines, seront étendues et évaluées annuellement. A noter, les crédits automatiques pouvaient être retirés aux détenus en cas de mauvaise conduite. L’administration pénitentiaire perdra donc un levier de sanction. La réforme ne sera pas rétroactive. Elle aura toutefois des effets importants sur la surpopulation carcérale. C’est notamment pour cette raison que l’Assemblée l’avait rejetée en 2018.
Assises et cours criminelles
L’expérimentation des cours criminelles, dont les premiers retours sont satisfaisants, est maintenue.
Concernant les cours d’assises, comme le recommandait le rapport Getti (v. le rapport joint à cet article, déjà mentionné par le Canard enchaîné), une audience criminelle d’orientation permettra aux parties de s’entendre sur le déroulement du procès. Le rapport du président en ouverture des débats ne sera plus calqué sur l’acte d’accusation. Le nombre de jurés sera augmenté, pour qu’une majorité de citoyens soit nécessaire pour condamner l’accusé.
Encadrement des enquêtes préliminaires
Des deux options proposées par le rapport Mattéi, c’est la plus contraignante pour les enquêteurs qui a été retenue. Les enquêtes préliminaires seront limitées deux ans, avec prolongation possible d’un an après accord motivé du procureur.
Si le mis en cause fait l’objet d’une audition ou d’une perquisition, il aura accès au dossier au bout d’un an. En cas de fuite d’une partie du dossier dans les médias causant une atteinte à la présomption d’innocence, il pourra y accéder sans délai.
Secret de l’avocat
Les perquisitions de cabinet, les écoutes et les fadettes ne seront autorisées que si l’avocat concerné est suspecté d’avoir commis une infraction.
L’idée soulevée par le rapport Mattéi d’une plateforme rassemblant les coordonnées des avocats pour empêcher les écoutes va être expertisée.
Audiences filmées
Sur autorisation de la Chancellerie, des audiences pourront être filmées pour le service public de la télévision, sous certaines précautions pour les victimes et accusés (droit à l’oubli, affaires définitivement jugées, floutage, absence de rediffusion).
Déontologie des officiers publics et ministériels : le texte contiendra des dispositions sur ce sujet (v. Dalloz actualité, 18 janv. 2021, art. P. Januel).
Médiation
Les accords des parties auront force exécutoire sans passer par un juge, simplement par visa du greffe de la juridiction compétente.
Avocat en entreprise et legal privilege
Annoncée dans les travaux préparatoires, la réforme n’est pour l’instant plus évoquée.
Sur quelle cimaise de musée finira La Bergère rentrant ses moutons ? Volée en 1941 en France par les nazis, elle a été léguée en 2000 par un couple de collectionneurs à la Fondation de l’université d’Oklahoma. La fille du propriétaire spolié demande à la justice française sa restitution pour en faire au don au Musée d’Orsay. Le juge des référés se prononcera le 2 juin.
L’activité principale de comptabilité exercée par l’expert-comptable n’est pas une relation commerciale ouvrant droit à indemnité pour rupture brutale de la relation commerciale établie. Les activités complémentaires (d’ordre juridique, administratif, statistique, etc.) peuvent recevoir une telle qualification à condition que soient démontrés, lorsque la loi l’exige, leur caractère accessoire à l’activité de comptabilité et, en toute hypothèse, leur nature commerciale.
Le juge judiciaire dispose par principe d’une compétence pour connaître d’un litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics lorsqu’il oppose des parties liées par un contrat de droit privé. Toutefois, si la responsabilité recherchée est quasi-délictuelle, le juge administratif est alors compétent pour en connaître.
Le salarié porté qui effectue une prestation pour une entreprise cliente lorsque survient un des événements familiaux ouvrant droit à une autorisation exceptionnelle d’absence bénéficie de jours d’absence dans les conditions prévues par la loi et sans réduction de sa rémunération. Ces jours d’absence étant assimilés à du temps de travail effectif, ils doivent être pris en compte pour la détermination de la durée du congé annuel.
Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale s’intéresse aussi à l’expérimentation d’encadrement des loyers par voie préfectorale en zone tendue.
La Cour de cassation a ici l’occasion de rappeler que l’entreprise qui s’estime victime d’une rupture brutale de relation commerciale établie ne peut pas se prévaloir de la relation qu’elle avait nouée antérieurement à un plan de cession si l’entreprise cessionnaire n’a pas entendu reprendre l’activité litigieuse dans des conditions similaires. Elle peut en revanche solliciter des juges du fond qu’ils analysent le caractère suffisant de l’ensemble des préavis lorsqu’il a été constaté que plusieurs activités ont été rompues selon des préavis différents.
On sait que la responsabilité des agences de voyages a pu évoluer depuis la loi du 11 juillet 1975 qui était plutôt souple à son sujet : l’agence n’était responsable de l’inexécution des obligations prévues au contrat conclu que s’il y avait démonstration d’une faute commise (Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 63). La loi du 13 juillet 1992 puis celle du 22 juillet 2009 ont adopté des responsabilités de plein droit qui ont été codifiées postérieurement à l’article L. 211-16 du code du tourisme. Instituant donc une responsabilité objective pour les voyages à forfait, cet article a fait l’objet d’interprétations jurisprudentielles assez importantes en raison de son contentieux dynamique. Par exemple, sur les prestations supplémentaires s’ajoutant au contrat initial, la Cour de cassation a pu décider de n’inclure que les prestations incluses dans le forfait touristique principal. Si une prestation s’ajoute et est payée entre les mains d’un tiers, l’agence de tourisme n’est ainsi pas responsable (Civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 13-26.446, Dalloz actualité, 28 janv. 2015, obs. N. Kilgus ; D. 2015. 204 ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; JT 2015, n° 172, p. 15, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2015. 625, obs. P. Jourdain ; ou, plus récemment, Montpellier, 2 déc. 2020, n° 17/03886, JT 2021, n° 238, p. 13, obs. X. Delpech ). Mais des constantes existent, notamment sur la possibilité de s’exonérer de cette responsabilité de plein droit en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. Pour être exact – et la citation aura son importance –, dans sa version applicable au litige, l’article L. 211-16 du code du tourisme précisait : « Toutefois, [l’agence] peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ». Voici donc le principal axe de défense des agences de voyages attaquées sur ce fondement pour éviter une mise en jeu de leur responsabilité parfois très coûteuse. Sur la force majeure, l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en 2010 avait pu donner lieu à quelques jurisprudences intéressantes mettant en jeu ce cas précis (v. not. Civ. 1re, 8 mars 2012, n° 10-25.913, Dalloz actualité, 16 mars 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 1304, obs. I. Gallmeister , note C. Lachièze ; JT 2012, n° 141, p. 11, obs. X.D. ; RTD civ. 2012. 533, obs. P. Jourdain ).
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 février 2021 permet cette fois-ci de se pencher sur le fait de la victime lors d’un tel voyage à forfait. Deux personnes – une mère et son fils – contractent avec une agence de voyages pour réaliser une croisière sur le Rhin. Le soir de l’embarquement, l’un des deux voyageurs se blesse pendant la nuit en tombant sur sa table de chevet. Les faits détaillent une blessure assez importante qui en résulte au niveau de l’œil. Le voyageur assigne donc en responsabilité l’agence de voyages ayant vendu la croisière. En appel, les juges du fond condamnent cette dernière à indemniser la personne blessée sur le fondement de l’article L. 211-16 du code du tourisme. L’arrêt d’appel insistait notamment sur les éléments factuels ne permettant pas de mettre en jeu l’un des cas d’exonération : « son comportement ne peut être qualifié d’imprévisible ou insurmontable, une chute étant toujours possible, d’autant que Mme W… venait de prendre possession de sa cabine, qu’elle dormait dans ce lit pour la première fois et que la table de chevet, proche du lit et à hauteur de tête, présentait des arêtes anguleuses ». La réparation s’élevait à la coquette somme de plus de 390 000 € ; ce qui a pu encourager l’agence de croisières à se pourvoir en cassation en arguant des causes d’exonération ci-dessus rappellées.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel pour défaut de base légale. La motivation est lapidaire : « en se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi une chute survenue dans de telles circonstances était prévisible et aurait pu être évitée par la société A…C…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Que retenir de cette solution ?
Il faut bien avouer que la motivation des juges du fond pouvait étonner. En excluant la faute de la victime, ces derniers avaient tout de même énoncé que son fait (sa chute pendant la nuit) n’était ni imprévisible ni insurmontable. Or, quand l’article L. 211-16 utilise ces qualificatifs, ce n’est pas pour parler du fait de la victime mais de celui du tiers. Pourquoi alors une telle recherche ? Il faut, en effet, bien distinguer la faute de la victime du fait du tiers même non fautif. Comme l’énonce M. Dagorne-Labbé, « à la différence du fait de la victime, celui du tiers n’a pas besoin d’être fautif pour produire un effet exonératoire » (Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 72). Aucun élément textuel ne vient parler d’un fait de la victime qui serait imprévisible et insurmontable au moins dans la version du texte applicable au litige. Le fait du tiers imprévisible et insurmontable recouvre, en tout état de cause, des réalités diverses. Mais les magistrats veillent à ne pas qualifier ainsi n’importe quel événement. Par exemple, dans l’affaire des otages de Jolo, une prise d’otages en Malaisie pouvait ne pas être qualifiée d’imprévisible compte tenu des circonstances locales où des attaques terroristes avaient lieu de manière régulière (Paris, 23 janv. 2009, n° 06/14472, Dalloz actualité, 18 févr. 2009, note X. Delpech ; JCP 2009. II. 10083, note C. Lachièze). Dans cet exemple, le fait du tiers est facilement identifiable et il n’a aucune espèce de rapport avec le fait de la victime.
La nouvelle formulation de l’article L. 211-16 du code du tourisme pourrait peut-être expliquer cette interprétation assimilant les qualificatifs : « Toutefois, le professionnel peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables » (nous soulignons). Dans cette nouvelle mouture, on pourrait comprendre que la faute de la victime ou le fait du tiers soient nécessairement conjugués, l’un comme l’autre, avec les caractères « imprévisible ou inévitable ». La version de 2009, seule applicable au litige, ne devrait toutefois pas interférer avec ce changement de formulation dont il ne faut peut-être pas extrapoler le sens mais qui, selon nous, explique l’hésitation interprétative dans le raisonnement des juges du fond. En somme, une utilisation du texte de 2009, mais interprété à la lumière de sa formulation de 2019. Il faut bien avouer que le système n’est pas de la plus grande des simplicités.
Mais la réponse donnée par la Cour de cassation peut elle-même surprendre car elle ne semble pas disqualifier cette interprétation mixte entre le fait du voyageur (et donc sa faute) et le fait du tiers même non fautif mais imprévisible et insurmontable. Il faut noter que le type de cassation – un défaut de base légale – n’aide que peu à ramener de l’ordre dans ce désordre textuel. En exigeant de la part des juges du fond la démonstration du caractère prévisible de la chute et de la possibilité qu’avait la société de l’éviter, la Cour de cassation durcit les effets du texte au profit d’une mise en jeu simplifiée des causes d’exonération. Certes, l’agence de voyages avait avancé l’idée selon laquelle elle n’était pas responsable en raison de la chute de la victime. Mais les juges du fond avaient rejeté sa faute. On pourrait songer au rôle actif de la victime comme cause d’exonération prétorienne mais même sur ce terrain (v. Rép. com., v° Agence de voyages, par Y. Dagorne-Labbé, n° 76), la motivation peut surprendre car le voyageur dormait pendant sa chute en l’espèce. Le doute perdure.
La solution reste donc – sous l’angle littéral – assez intrigante. Assimiler – comme dans la présente affaire – le fait du tiers à la fourniture des prestations et le fait de la victime semble quelque peu aventureux puisque rien dans la version du texte de 2009 ne permet d’opérer une telle assimilation. La Cour de cassation confirmera-t-elle cette analyse ? Affaire à suivre.
La Cour de cassation vient exiger une bien rigoureuse motivation des juges du fond pour exclure les causes d’exonération invoquées par une agence de voyages pour éviter la mise en jeu de sa responsabilité au titre de l’article L. 211-16 du code du tourisme.
Le Conseil d’État précise les modalités de consultation des personnes publiques associées à la modification du projet de plan local d’urbanisme avant l’ouverture de l’enquête publique.
Le Conseil d’État précise les modalités de consultation des personnes publiques associées à la modification du projet de plan local d’urbanisme avant l’ouverture de l’enquête publique.
Saisi d’un litige relatif à la communication de documents administratifs portant sur la création d’une zone d’aménagement concertée (ZAC) par des particuliers expropriés de leur exploitation agricole, le Conseil d’État précise les règles en matière d’accès aux documents administratifs notamment aux informations en matière d’environnement.
Saisi d’un litige relatif à la communication de documents administratifs portant sur la création d’une zone d’aménagement concertée (ZAC) par des particuliers expropriés de leur exploitation agricole, le Conseil d’État précise les règles en matière d’accès aux documents administratifs notamment aux informations en matière d’environnement.
Le nombre considérable d’études consacrées à l’analyse des liens entre le droit des entreprises en difficulté et la procédure civile témoigne de l’appétence de la doctrine pour les interactions entre ces deux branches du droit. En la matière, la jurisprudence met en lumière des problématiques récurrentes d’ordre procédural au sein du contentieux des procédures collectives. À n’en pas douter, l’arrêt ici rapporté suscitera la réflexion et ne manquera pas d’attiser la flamme, déjà vive, des difficultés liées aux aspects procéduraux de la matière.
En l’espèce, par un jugement du 13 février 2018, un dirigeant et une société holding luxembourgeoise sont condamnés à supporter solidairement une partie de l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire. En outre, il a été prononcé à l’encontre du dirigeant une mesure d’interdiction de gérer. Ce dernier et la société holding ont interjeté appel et ont sollicité l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de condamnation. Las, par une première ordonnance, le premier président de la cour d’appel va rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et par une seconde ordonnance, rectifier la première, en ajoutant la mention du « curateur » de la société holding luxembourgeoise en sa qualité d’intervenant volontaire.
Le dirigeant condamné et le curateur se pourvoient en cassation contre ces deux ordonnances.
La réponse de la Cour de cassation revêt les habits d’un principe et mérite, à ce titre, d’être retranscrite au sein de ce commentaire.
Pour la Haute juridiction, l’article R. 661-1 du code de commerce « n’ouvrant pas, par une disposition spéciale, la voie du recours en cassation contre la décision d’un premier président de cour d’appel saisi d’une demande tendant à arrêter l’exécution provisoire facultative d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, il y a lieu [conformément à l’art. R. 662-1, 1°, c. com.], d’appliquer l’article 525-2 du code de procédure civile, selon lequel les décisions arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire ne peuvent, en droit commun, faire l’objet d’un pourvoi. Il en est, par conséquent, de même de celles qui rectifieraient une erreur matérielle affectant de telles décisions. Il n’est fait exception à l’interdiction du recours en cassation qu’en cas d’excès de pouvoir ».
Ainsi, en relevant que les demandeurs n’invoquent aucun excès de pouvoir, la Cour de cassation en déduit que les pourvois sont irrecevables.
Cette irrecevabilité concerne tant le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, que celui exercé sur l’ordonnance rectificative.
L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée
L’arrêt ici rapporté mérite l’approbation, bien que sa lecture ne soit pas aisée du fait du renvoi à un nombre conséquent de textes. À ce stade de l’analyse, nous nous concentrerons sur l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée.
Le premier texte visé par l’arrêt est l’article R. 661-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, c’est-à-dire celle antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 entré en vigueur le 1er janvier 2020.
Cet article prévoit que les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure collective sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Par exception, le deuxième alinéa du texte prévoit notamment que les jugements et ordonnances rendus en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com., art. L. 651-2) et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer (C. com., art. L. 653-8) ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire. Pour que ces jugements produisent un tel effet, le juge doit l’ordonner.
En l’espèce, les jugements de condamnation en responsabilité pour insuffisance d’actif et en interdiction de gérer étaient effectivement assortis de l’exécution provisoire et les demandeurs en sollicitaient l’arrêt sur le fondement du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.
Ce passage de l’article est important pour la compréhension de l’argumentation des demandeurs au pourvoi.
Ce texte prévoit que le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux (C. com., art. R. 661-1, al. 3 – par ex., Com. 5 févr. 2008, n° 07-15.011, Bull. civ. IV, n° 29 ; D. 2008. 607 , obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2008. 426, note P. Roussel Galle ). Cet article déroge expressément au droit commun de la procédure civile dans sa version applicable aux faits de l’espèce. En effet, l’article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, prévoyait que l’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement ne peut être ordonné que par le premier président de la cour d’appel et lorsque l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (Comp. : depuis le 1er janvier 2020, C. pr. civ., art. 514-3 : « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives »).
Toujours en droit commun, l’article 525-2 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019 dispose que lorsque le premier président de la cour d’appel est saisi aux fins d’arrêter ou d’ordonner l’exécution provisoire d’un jugement (C. pr. civ., art. 524, 525, et 525-1), sa décision est insusceptible de pourvoi (ce texte est devenu l’art. 514-6 depuis le 1er janv. 2020).
Bien que l’arrêt ne le précise pas, nous pouvons, à partir de ces dispositions, deviner l’argumentation des demandeurs. Pour ces derniers, la recevabilité à exercer le pourvoi était acquise dans la mesure où le principe (à l’époque) édicté à l’article 525-2 du code de procédure civile, fermant la voie du pourvoi en cassation, ne s’appliquait pas aux décisions du premier président de la cour d’appel prises sur le fondement de l’article R. 661-1 du code de commerce, mais serait limité aux décisions relevant de l’ancien article 524 du code de procédure civile.
Partant, en poussant plus loin l’analyse, la Cour de cassation devait régler la question de savoir si la dérogation prévue à l’article R. 661-1, écartant le jeu de l’article 524 du code de procédure civile, était limitée aux seules conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire ou si elle s’étendait également au recours dont peut faire l’objet cette décision.
Or, en affirmant que la décision refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi sauf en cas d’excès de pouvoir, la Cour de cassation a opté, à raison, d’une part, pour l’application du droit commun de la procédure civile, et d’autre part, pour la limitation de la dérogation de l’article R. 661-1 aux conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire.
Cette solution doit être pleinement approuvée.
D’abord, la Haute juridiction cantonne la dérogation prévue à l’article R. 661-1 du code de commerce aux seules conditions de fond de l’arrêt de l’exécution provisoire : si le code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019, exigeait la preuve des conséquences manifestement excessives, le code de commerce requiert des moyens sérieux à l’appui de l’appel. En la matière, à défaut de précisions, les règles du droit des entreprises en difficulté n’influent donc pas sur les voies de recours du droit commun.
Ensuite et à ce propos, rappelons que l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce prévoit qu’à moins qu’il n’en soit disposé autrement les règles du code de procédure civile sont applicables aux aspects procéduraux du droit des entreprises en difficulté.
Or, l’articulation de ce texte avec la lettre de l’ancien article 525-2 du code de procédure civile est décisive. Si en l’espèce les règles du droit commun ont trouvé à s’appliquer, c’est que les dispositions du droit des entreprises en difficulté ne règlent pas spécifiquement la situation du recours ouvert pour la décision prise dans le cadre du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.
Dès lors, s’agissant spécialement des voies de recours statuant sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la Cour, en constatant que le livre VI du code de commerce ne contenait aucune disposition spéciale, a appliqué les règles du code de procédure civile par le renvoi prévu à l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce afin de conclure à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation (C. pr. civ., art. 525-2).
Par conséquent, l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée est tout à fait logique et, de surcroît, en accord avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ayant déjà affirmé que le droit commun de la procédure civile s’appliquait pour des décisions qui n’étaient pas visées au sein des dispositions spéciales du livre VI du code de commerce régissant les voies de recours (Com. 5 mai 2004, n° 01-16.758, Bull. civ. IV, n° 83 ; D. 2004. 1734, et les obs. ; RTD com. 2004. 612, obs. J.-L. Vallens - C. com., art. L. 661-1 s.).
La logique mise en œuvre par l’arrêt sous commentaire permet ensuite à la haute juridiction de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative.
L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative
Comme le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également irrecevable.
Pour aboutir à une telle conclusion, la Cour de cassation mobilise, d’une part, les mêmes arguments que pour la première ordonnance en y associant, d’autre part, le régime de la rectification des décisions.
En la matière, l’article 462 du code de procédure civile prévoit que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Surtout, le dernier alinéa du texte précité prévoit que si la décision est passée en force de chose jugée, elle ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
Pourtant, comme pour le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également jugé irrecevable.
Ici encore, cette irrecevabilité est tout à fait justifiée.
En effet, il est de jurisprudence constante que si la décision rectifiée est insusceptible de pourvoi, il doit en aller de même concernant la décision rectificative (par ex., Soc. 13 oct. 1993, n° 90-44.911, Bull. civ. V, n° 229).
Pour conclure, cet arrêt permet de contredire l’idée répandue selon laquelle le droit des entreprises en difficulté serait absolument dérogatoire au droit commun de la procédure… En l’occurrence, les règles se complètent et l’arrêt ici rapporté en témoigne !
La décision arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation sauf en cas d’excès de pouvoir.
La décision arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation sauf en cas d’excès de pouvoir.
L’exercice de la tierce-opposition dans le contexte d’une procédure collective est source d’un important contentieux (v. Com. 20 janv. 2021, n° 19-13.539, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 3 févr. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 132 ; Rev. sociétés 2021. 201, obs. L. C. Henry ). En règle générale, les difficultés soulevées par cette voie de recours exceptionnelle portent sur ses conditions de fond (par ex., Com. 26 janv. 2016, n° 14-11.298, Bull. civ. IV, n° 16 ; D. 2016. 309, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; RTD com. 2016. 859, obs. J.-L. Vallens ; 15 nov. 2017, n° 16-14.630, Bull. civ. IV, n° 154 ; Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. M. Kebir ; D. 2017. 2366 ; RTD com. 2018. 1024, obs. H. Poujade ). Or, l’arrêt ici rapporté se démarque de cette habitude, car il s’intéresse aux conditions de forme de la tierce-opposition.
En la matière, nous savons notamment que les décisions arrêtant ou modifiant un plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution d’un de ces plans sont susceptibles de tierce-opposition de la part d’un créancier (C. com., art. L. 661-3), à condition pour ce dernier de se prévaloir d’une fraude à ses droits ou d’un moyen qui lui est propre (C. pr. civ., art. 583). En outre, sauf dispositions contraires, la tierce-opposition doit être formée par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2).
L’interprétation de la notion de « déclaration au greffe » est au cœur de l’arrêt sous commentaire.
En l’espèce, un créancier exerce une tierce-opposition à l’encontre d’un jugement arrêtant un plan de redressement judiciaire par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe. Ce recours ayant été jugé irrecevable, en ce qu’il ne répondait pas au mode de saisine de la juridiction prescrit par la loi, le créancier forme un pourvoi en cassation en arguant notamment d’un excès de formalisme nuisant à son droit à l’accès au juge.
Las pour le demandeur, la Cour de cassation ne souscrit pas à l’argumentaire. D’abord, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe exigée à l’article R. 661-2 du code de commerce. Ensuite, elle confirme la sanction de l’irrecevabilité du mode de saisine de la juridiction ne correspondant pas à celui prescrit par la loi. Enfin, la Cour de cassation rappelle que les formalités à observer pour former un recours visent à assurer la bonne administration de la justice et la garantie, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Elle concède, en revanche, que le respect des règles formelles ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible. En l’espèce, la Haute juridiction retient que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n’ont pas pour effet de priver les créanciers de l’exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d’impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire. Par conséquent, la cour d’appel, n’ayant pas fait preuve d’un formalisme excessif, n’a pas méconnu les exigences du procès équitable.
Bien qu’il ne soit pas exempt de toutes critiques, le raisonnement de la Cour de cassation est cohérent, car en retenant une interprétation stricte du formalisme requis pour l’exercice de la tierce-opposition, la Haute juridiction peut ensuite conclure à l’irrecevabilité de la déclaration ne respectant pas le mode de saisine prescrit par la loi.
L’interprétation stricte du formalisme
La solution portée par l’arrêt ici commenté ne surprendra pas les spécialistes de la matière.
En effet, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie, même portant la mention de « déclaration de tierce-opposition », ne pouvait être considéré comme valant déclaration au greffe (par ex., Com. 29 avr. 2014, n° 12-20.988 NP). Autrement dit, pour la Haute juridiction, seule la déclaration au greffe au moyen d’une comparution du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par la lettre de l’article R. 661-2 du code de commerce.
Cette interprétation restrictive de la notion de « déclaration au greffe » peut toutefois être discutée.
En l’espèce, la Cour de cassation cantonne la notion de déclaration au greffe à l’hypothèse...
Peu importe que la construction, dont le permis de construire a été annulé, ait été édifiée avant un classement en zone inondable, il suffit qu’à la date où le juge statue, elle soit située dans un périmètre classé en zone inondable pour en justifier sa démolition.
La tierce-opposition formée par un créancier au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception à un jugement arrêtant un plan de redressement ne saurait être assimilée à la « déclaration au greffe » prévue à l’article R. 661-2 du code de commerce. Dès lors, le recours, ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, est irrecevable, sans que cette irrecevabilité méconnaisse les exigences relatives au droit à l’accès au juge.
La tierce-opposition formée par un créancier au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception à un jugement arrêtant un plan de redressement ne saurait être assimilée à la « déclaration au greffe » prévue à l’article R. 661-2 du code de commerce. Dès lors, le recours, ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, est irrecevable, sans que cette irrecevabilité méconnaisse les exigences relatives au droit à l’accès au juge.
Est fondée à opposer son droit de rétention au propriétaire de la chose la société dont la créance (certaine liquide et exigible) impayée résulte du contrat qui l’oblige à restituer le bien à son cocontractant.
Chacun sait que le droit de rétention est souvent un enjeu majeur dans le contexte d’une procédure collective. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 février 2021 nous en livre une illustration supplémentaire et nous rappelle quelques enseignements quant aux conditions d’exercice du droit de rétention à cette occasion. En l’espèce, se prévalant d’une créance de restitution d’un acompte versé, le 20 juin 2014, sur le prix d’un contrat d’entreprise conclu avec la société de services de distribution et de fabrication (la société SDF), placée en sauvegarde puis liquidation judiciaire sans avoir exécuté ses obligations, la société Centrale solaire des terres rouges, dont cette créance a été admise au passif de la société débitrice, a exercé un droit de rétention sur une foreuse hydraulique apportée sur le chantier par cette dernière, crédit-preneur de ce matériel appartenant à une autre société (la société Natixis Lease), laquelle a assigné la société créancière en restitution. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 20 novembre 2018, a rejeté cette demande de restitution et a jugé la société créancière bien fondée à exercer son droit de rétention jusqu’à complet paiement de sa créance, ce qui motiva un pourvoi en cassation de la part de la société propriétaire du matériel, arguant du fait qu’il n’existait, contrairement aux dires des magistrats montpellierains, aucun lien de connexité matérielle ou juridique entre la créance de remboursement d’un acompte d’une prestation de service non exécutée et ladite foreuse, si bien qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel aurait violé l’article 2286 du code civil.
Mais le pourvoi est rejeté par la Cour régulatrice : « Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Centrale solaire exerçait son droit de rétention sur la foreuse hydraulique pour garantir le remboursement de l’acompte versé à la société SDF en contrepartie de la réalisation de travaux non exécutés, cette créance étant certaine, liquide et exigible, et retenu que la foreuse avait été placée sur le terrain de la société Centrale solaire par la société SDF en vue de la réalisation du chantier inexécuté puis abandonnée sur les lieux après la résiliation du contrat, la cour d’appel, qui a fait ainsi ressortir que la créance impayée dont se prévalait la société Centrale solaire résultait du contrat qui l’obligeait à restituer la foreuse à son cocontractant, en a exactement déduit qu’elle était fondée à opposer son droit de rétention à la société Natixis Lease, propriétaire de cette chose ».
La solution est parfaitement...
Un accord d’entreprise qui prévoit la mise en place d’un comité social et économique à une certaine date a implicitement et nécessairement pour conséquence la réduction des mandats en cours des membres des anciens comités d’entreprise qui prennent fin au jour de la mise en place du comité social et économique.
Les faits de l’affaire présentée méritent d’être soulignés tant ils ne sont pas courants. Un maître d’ouvrage a conclu un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) avec une société de construction, sous la condition suspensive d’obtention d’une garantie de livraison dans un délai de douze mois à compter de la signature de l’acte (comme l’autorise l’art. L. 231-4, I, e, CCH). Faute pour le constructeur d’avoir obtenu la couverture d’un garant dans le délai contractuellement imparti, le contrat devint caduc. Le maître d’ouvrage s’engagea alors dans un autre CCMI, avec un second constructeur. Toutefois, un an après la non-réalisation de la condition suspensive du contrat initial, il assigna le premier constructeur en vue d’engager sa responsabilité contractuelle et d’obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation de son comportement prétendument fautif ayant participé à la non-réalisation de la condition suspensive.
Raccordement de la maison aux réseaux publics
La considération sous-tendue par ce point litigieux opposant le maître d’ouvrage au premier constructeur était relative au raccordement de la maison aux réseaux publics.
Au titre des travaux dont le maître d’ouvrage se réservait l’exécution, le CCMI comportait à sa charge le branchement au domaine public pour un coût chiffré à 6 000 € ; les autres raccordements restaient à la charge du constructeur. Or, comme cela est fréquent lors de l’acquisition d’une parcelle à la suite d’une division, la situation d’enclave avait justifié la création d’une servitude établie lors de la vente définitive du terrain, soit huit mois après la signature du CCMI. C’est à cet endroit que le constructeur, suivi par la cour d’appel d’Amiens, se défendait de toute responsabilité. Faute d’avoir été informé de cette servitude, il ne pouvait lui être reproché un manquement à son devoir de conseil. À l’inverse dans son pourvoi, le maître d’ouvrage caractérisait ce manquement au regard de l’ensemble des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics et en particulier par l’absence de vérification de la situation matérielle du terrain. Il prétendait en outre que le manquement au devoir de conseil du constructeur aurait participé aux refus de garantie opposés par deux établissements.
La Cour de cassation fut alors interrogée sur le fait de savoir si le constructeur était tenu de conseiller le maître d’ouvrage au-delà du seul chiffrage du raccordement laissé à sa charge, sur la situation matérielle du terrain vendu après division nécessitant une adaptation spécifique de l’accès aux divers réseaux publics.
En ce domaine, dès le Rapport sur le projet de loi relatif au CCMI (R. Lacournet, Sénat, 25 sept. 1990), la sous-estimation du coût des travaux d’accès et de raccordement aux réseaux laissés à la charge du maître d’ouvrage était dénoncée. Le législateur en a pris la mesure en imposant que le coût des raccordements soit contractualisé, qu’il soit à la charge du constructeur ou du maître d’ouvrage. Depuis, le code de la construction et de l’habitation met diverses obligations à la charge du constructeur en ce domaine.
• En premier lieu, l’article L. 231-2, c, de ce code impose, parmi les mentions obligatoires du CCMI, celle de la consistance et des caractéristiques techniques de la construction à édifier dont « les raccordements aux réseaux divers ».
• En second lieu, ces éléments doivent être indiqués sur le plan annexé au contrat (CCH, art. R. 231-3) et détaillés dans la notice descriptive jointe au CCMI : « la notice mentionne les raccordements de l’immeuble à l’égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s’il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l’ouvrage » (CCH, art. R. 231-4, II).
Le but poursuivi par le législateur était, d’une part, d’éviter que le constructeur ne présente un prix artificiellement bas et, d’autre part, d’enrayer le risque de livrer un logement inhabitable (J.-M. Le Masson, « La sécurisation financière du maître de l’ouvrage dans le contrat de construction de maisons individuelles », in colloque La sécurisation financière des partenaires à l’opération immobilière, RDI 2005. 392 ; H. Périnet-Marquet, « Les règles spécifiques des deux contrats de construction de maisons individuelles », in colloque du 26 mai 1991, Sénat, La maison individuelle et la loi du 19 décembre 1990, RDI 1991. 153 ).
L’on aurait pu songer à engager la responsabilité du vendeur du terrain auteur de la division et, partant, de l’enclavement de la parcelle, mais ce point n’a pas été soulevé dans l’affaire reproduite.
La Cour de cassation a jugé que les obligations légales en matière de raccordement aux réseaux publics imposent au constructeur de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de l’ouvrage aux réseaux publics.
Elle fait ainsi droit à l’allocation de dommages et intérêts sollicitée par le maître d’ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (C. civ., anc. art. 1147, repris dans le visa, désormais art. 1231-1), pour manquement à son obligation de conseil à l’égard de l’ensemble des travaux indispensables à l’implantation et à l’utilisation de la maison.
Le constructeur n’a pu utilement arguer du fait que la servitude a été établie neuf mois après la conclusion du CCMI. La haute cour met à sa charge un devoir de conseil qui commandait de rechercher (puis de chiffrer) en amont de la vente de la parcelle convoitée, l’ensemble des opérations techniques rendues nécessaires par le raccordement de l’ouvrage aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz, d’assainissement et de chauffage. L’arrêt d’appel est censuré en ce qu’il n’avait pas mis à la charge du constructeur la prise en compte de l’existence de servitudes différentes de celles dont il avait été informé lors de la signature du CCMI.
La jurisprudence avait déjà établi qu’en l’absence de chiffrage du coût des travaux de branchements nécessaires à l’utilisation de l’immeuble, ils devaient être considérés à la charge du constructeur, comme « compris dans le prix forfaitaire convenu » (Civ. 3e, 11 mars 2015, n° 14-10.002 NP). Dans le même sens, l’absence de vérification de la faisabilité d’un projet de construction laissait à la charge du constructeur le coût des travaux nécessitant de définir un autre réseau d’assainissement (Civ. 3e, 16 avr. 2013, n° 12-12.112 NP).
L’apport de l’arrêt présenté s’inscrit au-delà de ce courant acquis, jugeant que le constructeur doit indemniser le maître d’ouvrage dans une situation similaire aux décisions rapportées mais alors même qu’il n’avait pas exécuté les travaux – le contrat étant caduc faute d’obtention de la garantie de livraison – et que la vente du terrain n’ayant pas été conclue, l’ensemble des servitudes n’était pas encore connu.
Le devoir de conseil du constructeur est ainsi considérablement étendu par la jurisprudence. Il lui appartient de faire une reconnaissance de terrain et d’engager toutes opérations utiles en vue de déterminer techniquement et financièrement l’ensemble des travaux nécessaires au bon fonctionnement de l’ouvrage. La nature et l’importance des travaux requis doivent être prévues, étudiées, évaluées et contractualisées. À cet égard, toujours animée du souci de protection du maître d’ouvrage, la jurisprudence a également précisé qu’en amont, l’étude de sol ne peut être mise à la charge du maître d’ouvrage (Civ. 3e, 24 oct. 2012, n° 11-18.164, Bull. civ. III, n° 150 ; Dalloz actualité, 16 nov. 2012, obs. F. Garcia ; D. 2012. 2603 ; RDI 2013. 217, obs. D. Tomasin ). En revanche, instituée plus récemment, l’étude géotechnique pourra être à la charge du maître d’ouvrage pour les terrains des zones concernées (CCH, art. L. 112-22 ; plus largement, à cet égard, v. G. Casu, Prévention des mouvements de terrain différentiel : le dispositif est [enfin] entré en vigueur !, RDI 2020. 597 ).
Par ailleurs, rappelons que le raccordement d’un ouvrage aux divers réseaux est une difficulté matérielle, pratique et juridique qui, bien au-delà du CCMI, traverse l’ensemble des contrats spéciaux de construction et de vente.
La Cour de cassation a ainsi récemment réputé non écrite la clause de renonciation à recours à l’égard d’un système d’assainissement insérée dans un contrat de vente immobilière, pour violation de l’article 1792-5 du code civil (Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 18-22.983, Bull. civ. III, à paraître ; D. 2020. 711 ; AJDI 2020. 862 , obs. F. Cohet ; RDI 2020. 540, obs. M. Poumarède ; CCC 2020. Comm. 93, obs. L. Leveneur).
Dans une autre mesure, l’acquéreur refusant de régulariser un projet d’acte authentique mettant à sa charge – contrairement à la promesse de vente – l’obligation de procéder aux travaux relatifs au réseau d’assainissement n’est pas fautif (Civ. 3e, 27 juin 2019, n° 18-18.310, AJDI 2019. 730 ). C’est dans le souci de protection des acquéreurs que le législateur a d’ailleurs imposé, lors d’une vente immobilière, au sein du dossier de diagnostic technique, le document de contrôle des installations d’assainissement non collectif (CSP, art. L. 1331-11-1 et CCH, art. L. 271-4, I), qui conditionne la possibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés.
Enfin, au vu de l’actualité qui atteint le marché de l’immobilier, l’affaire soumise témoigne aussi des difficultés économiques auxquelles sont confrontés certains constructeurs, tenus d’être toujours plus concurrentiels. En l’espèce, le constructeur avait proposé un prix global inférieur de moitié au prix moyen des autres constructeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison affichée de manque de rentabilité de son opération qu’il n’avait pas obtenu de garantie de livraison. Or, en l’espèce, soucieux d’être concurrentiel, le constructeur se retrouve avec un contrat caduc et une condamnation à plus de 148 000 € de dommages et intérêts (au titre du surcoût occasionné par la servitude et le raccordement, des préjudices de jouissance et de loyers) – pour un CCMI initialement chiffré à 140 000 €, dont 126 500 au profit du constructeur – (pour une condamnation à des pénalités de retard jusqu’à l’établissement d’une servitude de passage nécessaire au branchement et à l’entretien du réseau d’évacuation des eaux, v. Civ. 3e, 18 févr. 2015, n° 13-24.627 NP).
La solution de l’arrêt rendu invite ainsi les constructeurs à plus de mesure dans leur pratique des prix proposés malgré le marché concurrentiel, d’autant qu’à cet égard, aucune place ne pourrait être faite à la révision du CCMI pour imprévision (C. civ., art. 1195).
« Raccordement, servitude et construction » forment le triangle des Bermudes dans lequel peuvent se perdre les constructeurs exposés à des fluctuations économiques importantes, moins aguerris à la navigation juridique (notamment lorsque le permis de construire n’est pas encore obtenu, v. H. Périnet-Marquet, « Les règles spécifiques des deux contrats de construction de maisons individuelles », art. préc.) que les notaires rédacteurs d’actes.
Où la preuve est faite, une nouvelle fois, de la nécessité devenue impérieuse de réformer le régime du CCMI afin d’en confier la rédaction aux notaires, en vue de protéger tant les maîtres d’ouvrages que les constructeurs…
Il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics.
Il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics.
Poursuivant son œuvre expansionniste à propos de la recevabilité des recours contre les décisions du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), la Cour de cassation se montre une nouvelle fois compréhensive à l’égard des victimes de l’amiante et de leurs ayants droit.
Après un récent revirement de jurisprudence quant à la recevabilité des pièces produites par la victime à l’expiration des délais prévus (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 18-22.069, Dalloz actualité, 14 déc. 2020, obs. A. Hacene-Kebir ; D. 2020. 2403 ), la deuxième chambre civile se prononce aujourd’hui, pour la première fois, sur la recevabilité d’un recours contre une décision de refus implicite d’indemnisation du FIVA alors qu’est survenu, postérieurement à la saisine de la cour d’appel, un refus explicite.
En l’espèce, un homme a été affecté d’un adénocarcinome bronchique de stade IV diagnostiqué en 2015 qui n’a pas été considéré comme une maladie professionnelle par une caisse primaire d’assurance maladie. Il a saisi le FIVA d’une demande d’indemnisation de ses préjudices avant de décéder quelque temps après. Ayant repris la procédure, ses ayants droit ont notifié au FIVA le 27 mars 2017 une demande d’indemnisation de leurs préjudices et de ceux de la victime directe. Sans réponse du Fonds à l’expiration du délai dont celui-ci disposait pour proposer une offre d’indemnisation, les ayants droit ont saisi une cour d’appel le 15 novembre 2017 d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet du Fonds. En cours de procédure, le FIVA leur a toutefois notifié, par lettre recommandée du 23 mars 2018, son refus explicite d’indemnisation.
La cour d’appel saisie en novembre 2017 a déclaré le recours initial engagé par les ayants droit de la victime contre la décision de refus implicite du Fonds sans objet et les demandes d’indemnisation irrecevables. Elle a justifié sa position par le fait que le refus explicite du 23 mars 2017 s’était substitué au refus implicite qui avait justifié sa saisine. Par conséquent, ce refus explicite avait privé de tout objet le recours engagé le 15 novembre 2017. Elle a précisé, en outre, que cette décision explicite aurait dû être contestée dans le délai de deux mois, expressément mentionné dans la notification du 23 mars 2018. Elle décide que le refus du FIVA était déjà devenu définitif au moment où les ayants droit en ont pris acte et qu’ils l’ont contesté par conclusions reçues par le FIVA le 16 septembre 2019.
Les ayants droit de la victime se sont pourvus en cassation.
La deuxième chambre civile était amenée à s’interroger sur le point de savoir si le refus explicite d’indemnisation du FIVA devait se substituer au refus implicite initial et s’il rendait la saisine de la cour d’appel sans objet et les demandes en indemnisation irrecevables imposant aux victimes de faire un nouveau recours contre le nouveau refus. Autrement dit, la victime ou ses ayants droit doivent-ils saisir à nouveau la cour d’appel du second refus parce qu’il fait perdre au premier recours son objet ?
Elle répond par la négative, casse la décision des juges du fond au visa des articles 53, IV et V, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 25 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour de cassation rappelle que, selon le premier de ces textes, le FIVA doit présenter une offre d’indemnisation dans les six mois à compter de la réception de la demande qui lui est faite et le requérant ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds que si aucune offre ne lui a été présentée dans ce dernier délai, si sa demande d’indemnisation a été rejetée ou bien encore s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite. Le recours du requérant est donc conditionné.
En l’espèce, une fois le délai de six mois expiré, le FIVA n’avait manifesté ni offre ni refus, ce qui équivaut à un refus implicite d’indemnisation ouvrant droit à la saisine d’une cour d’appel pour le contester.
Selon le second de ces textes, le délai pour agir devant la cour d’appel, qui est de deux mois, court à partir de deux événements :
soit à partir de la notification, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de l’offre d’indemnisation ou du constat établi par le fonds que les conditions d’indemnisation ne sont pas réunies ;soit à partir du jour où intervient la décision implicite de rejet du fonds lorsque, à l’expiration du délai de six mois prévu par le premier de ces textes, le demandeur n’a pas reçu notification de la décision.
En l’espèce, à partir du 27 septembre 2017, date à laquelle le refus implicite d’indemnisation est intervenu, le requérant disposait de deux mois, soit jusqu’au 27 novembre 2017, pour saisir une cour d’appel, ce qu’il fit le 15 novembre 2017.
Selon le dernier des textes susvisés, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.
La Cour de cassation reconnaît qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le recours exercé à l’encontre d’une décision implicite de rejet prise par le FIVA est recevable, la cour d’appel est régulièrement saisie de la demande d’indemnisation et le requérant n’est pas tenu de former un nouveau recours à l’encontre d’une décision expresse de refus d’indemnisation notifiée par le fonds en cours de procédure.
En l’espèce, le recours contre le premier refus implicite était recevable sans que le refus explicite postérieur ait une incidence sur la procédure en cours.
Selon la Cour de cassation, les ayants droit de la victime de l’amiante ont contesté en temps utile la décision implicite de rejet prise par le FIVA. Ils ont maintenu leur contestation après le refus d’indemnisation notifié par le FIVA en cours de procédure. Dès lors, parce que leur recours a conservé son objet, il ne peut être jugé irrecevable. En décidant du contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés.
C’est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation se prononçait sur la recevabilité d’un recours contre une décision de rejet implicite lorsque, postérieurement et en cours de procédure, le FIVA manifeste un rejet explicite de la demande en indemnisation.
Cette position est en adéquation avec celle du juge administratif qui se prononce dans le même sens lorsqu’il est saisi de recours contre des décisions implicites de rejet de la part de l’administration suivies d’un refus explicite. Il décide que le recours, dirigé initialement contre une décision implicite de rejet, doit être considéré comme dirigé également contre la décision explicite de rejet, même si elle est postérieure : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède, d’une part, que la requête de Mme B… tendant à l’annulation de la décision implicite […] doit être regardée comme dirigée contre la décision explicite du 28 janvier 2010 par laquelle la commission a confirmé ce refus et, d’autre part, que, cette décision dûment motivée s’étant substituée à la décision implicite initialement intervenue, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, en méconnaissance des dispositions de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979, ne peut qu’être écarté » (CE 8 juin 2011, req. n° 329537, Lebon ; AJDA 2011. 1174 ; D. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ).
Bien qu’inédite, la décision du 11 février 2021 n’est guère surprenante tant au regard de la politique que mène la Cour de cassation à l’égard des victimes de l’amiante que de ses solutions en matière de recevabilité du recours contre les décisions du FIVA.
La deuxième chambre civile adopte une conception extensive de l’objet du recours contre les décisions du Fonds.
Ainsi reconnaît-elle que, « lorsqu’une offre formulée par le Fonds […] n’a pas été acceptée, la victime ou ses ayants droit sont recevables à saisir la cour d’appel de toute demande d’indemnisation d’un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination de l’amiante » (Civ. 2e, 13 juill. 2005, n° 04-06.032, Bull. civ. II, n° 201 ; D. 2005. 2550 ; RCA 2005, n° 322, obs. H. Groutel ; 18 janv. 2006, nos 05-06.007 et 05-06.008, inédit).
Elle n’hésite pas non plus à censurer les juridictions du fond qui conditionnent la recevabilité de la saisine de la cour d’appel, dans le but d’indemniser un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l’amiante, à une nouvelle saisine du FIVA quand une première demande d’indemnisation, suivie d’une offre n’ayant pas été acceptée, avait déjà donné lieu à un recours devant la cour d’appel. La cour d’appel saisie était donc tenue de statuer sur les préjudices pour lesquels le FIVA n’avait pas été préalablement saisi et mis en mesure de faire une offre (Civ. 2e, 18 avr. 2013, n° 12-14.000, inédit).
Plus caractéristique encore est un arrêt de la deuxième chambre civile du 16 novembre 2006 (n° 06-10.864, RCA 2007, n° 54, note H. Groutel) qui se prononce sur la recevabilité d’un premier recours contre une décision de refus implicite suivie, en cours de procédure, d’une offre d’indemnisation de la part du FIVA.
En l’espèce, la veuve d’une victime de l’amiante, en sa qualité d’ayant droit, avait contesté devant une cour d’appel la décision de rejet d’indemnisation implicite du FIVA qui ne s’était pas manifesté dans le délai de six mois. Or, en cours d’instance, ce dernier lui avait adressé une offre d’indemnisation, qu’elle n’avait ni acceptée ni contestée.
L’arrêt d’appel avait jugé le recours de l’ayant droit recevable, de même que sa demande d’indemnisation, et ce malgré l’absence de recours contre la décision faisant une offre d’indemnisation.
Le FIVA avait alors formé un pourvoi en soutenant que la contestation dont avait été saisie la cour d’appel, qui portait sur sa décision implicite de rejet, abandonnée et remplacée par une offre d’indemnisation, avait perdu son objet en ce que les deux décisions successives avaient une nature différente. Le Fonds en tirait la conséquence qu’en l’absence de recours contre sa dernière décision en date, la demande d’indemnisation était irrecevable.
La Cour de cassation a finalement répondu que, « lorsque l’offre formulée par le fonds n’a pas été acceptée, la victime ou ses ayants droit sont recevables à saisir la cour d’appel de toute demande d’indemnisation d’un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l’amiante. Le défaut de réponse du FIVA dans les six mois de la demande, telle qu’exprimée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception […], ouvrait à [l’ayant droit] le recours prévu par l’article 24 du décret du 23 octobre 2001 ; […] le recours restant ouvert en cas de contestation de l’offre adressée par le FIVA la cour d’appel en a exactement déduit que le maintien de la contestation, postérieurement à l’offre faite par le fonds en cours d’instance, devait s’analyser en une contestation de cette offre, de telle sorte que le recours restait recevable ».
Malgré le changement de nature de la décision du FIVA en cours de procédure – un rejet puis une offre d’indemnisation –, la Cour de cassation a considéré que le maintien de la contestation par le recours formé contre la décision implicite de rejet, même après l’émission de l’offre du FIVA, était une contestation de cette offre à l’origine du maintien de la recevabilité du recours.
Au départ fondé sur le rejet de l’indemnisation, l’objet du recours intègre, en raison du maintien de la contestation malgré l’émission d’une offre d’indemnisation, la contestation de cette offre. La haute juridiction retient une conception extensive de l’objet du recours qu’on retrouve dans l’arrêt du 11 février 2021.
L’objectif de ces solutions réside très probablement dans la volonté du juge de ne pas obstruer la procédure pour la victime et d’éviter une multiplication des recours constitutifs d’une perte de temps et d’argent pour les parties. En ce sens, la solution doit être approuvée. Une position contraire pourrait laisser penser que le FIVA peut rendre une décision après le délai de six mois imposé par l’article 53, IV et V, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000. Cela aurait pour conséquence de lui octroyer un délai plus long pour se prononcer en faveur ou non d’une indemnisation, ce qui se révélerait contraire à l’objectif de la création d’un tel Fonds de faciliter la procédure d’indemnisation des victimes de l’amiante.
Lorsque le recours formé contre une décision implicite de rejet prise par le FIVA est recevable, la cour d’appel est régulièrement saisie de la demande d’indemnisation et le requérant n’est pas tenu de former un nouveau recours à l’encontre d’une décision expresse de refus d’indemnisation notifiée par le fonds en cours de procédure.
Les praticiens du droit, spécialement les juges et les avocats, tireront de précieux enseignements de l’arrêt rapporté. Le premier porte sur l’étendue des pouvoirs du juge, qui ne peut, à la suite de l’anéantissement du contrat, prononcer d’office la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente. Le second porte sur l’étendue du devoir des avocats, qui doivent, en conséquence de la demande d’anéantissement du contrat, former dans le dispositif de leurs conclusions une demande explicite de restitution des fruits générés par le bien depuis la vente.
Office du juge en matière de restitution des fruits
Après la vente d’un immeuble à usage d’habitation par une société, l’acheteur l’avait assigné en résolution pour vices cachés. La cour d’appel prononça la résolution de la vente et, en conséquence, ordonna la restitution du prix par la société venderesse et la restitution de l’immeuble par l’acheteur. Elle refusa cependant d’ordonner la restitution des loyers perçus par l’acquéreur avant le prononcé de la résolution à la société venderesse. Pour justifier ce dernier point, les juges relevaient que la société venderesse « n’avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre ».
La société venderesse forma un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir violé les articles 1641 et 1644 du code civil. Selon le pourvoi, la résolution de la vente d’immeuble entraîne comme conséquence légale la restitution de l’immeuble, mais aussi des loyers générés par cet immeuble. Le juge qui prononce cette résolution est dès lors tenu de prononcer la restitution aussi bien de l’immeuble que de ses fruits, c’est-à-dire des loyers générés entre la date de conclusion du contrat et sa résolution. Dès lors, en excluant les loyers du champ des restitutions consécutives à la résolution simplement parce qu’aucune demande n’avait été faite à ce titre dans le dispositif des conclusions de la société venderesse, la cour d’appel aurait violé les articles ci-dessus.
La Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : le juge qui prononce la résolution de la vente d’un immeuble est-il tenu de prononcer la restitution des loyers générés par le bien entre la date de la conclusion de la vente et la date de la résolution ? La question portait donc sur l’office du juge en ce qui concerne la restitution des fruits consécutive à la résolution du contrat.
La réponse de la Cour de cassation peut être divisée en trois propositions : la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue, certes, une conséquence légale de l’anéantissement du contrat ; cette restitution est cependant subordonnée à la bonne foi du possesseur ; le juge ne peut par conséquent pas la prononcer d’office.
La première proposition, selon laquelle « la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat », n’est pas nouvelle.
En effet, le principe de la restitution des fruits en conséquence de la nullité ou de la résolution du contrat est admis de très longue date par la Cour de cassation (v. not. Civ. 21 déc. 1903, DP 1908. 1. 377) et a été réaffirmé à plusieurs reprises (Civ. 3e, 22 juill. 1992, n° 90-18.667, Bull. civ. III, n° 263 ; 27 nov. 2002, n° 01-12.444, Bull. civ. III, n° 244 ; D. 2003. 40 ; RDI 2003. 171, obs. M. Bruschi ; 1er oct. 2020, n° 19-20.737, D. 2020. 1952 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Cependant, en utilisant l’expression « anéantissement du contrat » alors que le litige ne concernait que la résolution, la Cour donne à la solution une portée générale et englobe ainsi toute cause d’anéantissement du contrat dès lors qu’elle entraîne des restitutions. La solution va nettement dans le sens de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (non applicable à l’espèce), qui reformule clairement le principe (C. civ., art. 1353-3, al. 1er) et qui prévoit un régime général des restitutions, quelle qu’en soit la cause (v. C. civ., art. 1178, al. 3, sur la nullité, art. 1187 pour la caducité, art. 1229, al. 3 pour la résolution, qui renvoient aux art. 1352 à 1352-9 sur les restitutions).
Si la seconde proposition (« en application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil, une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur ») n’est pas nouvelle en soi, c’est l’utilisation qui en est faite, pour justifier l’office du juge en ce qui concerne les fruits, qui est novatrice.
En effet, traditionnellement, en cas d’anéantissement du contrat de vente, l’acheteur est considéré comme ayant été possesseur (Civ. 21 déc. 1903, préc.). Dès lors, en application des articles 549 et 550 du code civil, il ne doit restituer les fruits que s’il est de mauvaise foi (Civ. 8 janv. 1936, DH 1936. 97 ; Civ. 3e, 28 juin 1983, n° 81-14.889, Bull. civ. III, n° 148 ; 27 nov. 2002, n° 01-12.444, préc.), et il peut faire siens les fruits s’il est de bonne foi (Com. 2 févr. 2016, n° 14-19.278, D. 2017. 375, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016. 347, obs. H. Barbier ). La Cour de cassation ne fait donc ici que rappeler cette solution ancienne selon laquelle le possesseur de bonne foi est dispensé de restituer les fruits en cas d’anéantissement du contrat.
Or c’est justement parce que la restitution des fruits dépend de la bonne ou de la mauvaise foi du possesseur que l’office du juge se trouve affecté. Puisque l’anéantissement du contrat ne conduit pas « nécessairement » à la restitution des fruits, la Cour en déduit ici que le juge ne peut la prononcer d’office, et c’est en cela que cette proposition prend une nouvelle signification.
La troisième proposition, aux termes de laquelle « le juge ne peut […] prononcer d’office [la restitution des fruits] », constitue alors l’apport de l’arrêt.
La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’office du juge en matière de restitution consécutive à l’anéantissement du contrat. Cependant, la solution portait sur la restitution de la chose ou du prix, que le juge peut prononcer d’office (Civ. 3e, 29 janv. 2003, n° 01-03.185, RTD civ. 2003. 501, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2003. II. 10116, note Y.-M. Sérinet). Le juge n’a que le pouvoir de le faire ; il n’en a pas l’obligation. En bref, le juge n’a que la « faculté » d’ordonner d’office la restitution de la chose ou du prix, en conséquence de l’anéantissement de la vente, si aucune demande explicite n’a été faite à ce titre (Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 15-17.317, Bull. civ. I, n° 123 ; Dalloz actualité, 16 juin 2016, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2016. 1199 ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016. 854, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016. 836, obs. B. Bouloc ; Civ. 3e, 6 févr. 2019, n° 17-25.859, D. 2019. 310 ).
On pouvait alors se demander si le juge a cette même « faculté » lorsqu’il s’agit de prononcer la restitution des fruits de la chose. La Cour de cassation répond résolument par la négative : le juge ne peut pas prononcer d’office la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente en cas d’anéantissement du contrat. La partie qui réclame la restitution doit donc formuler une demande explicite en ce sens dans le dispositif de ses conclusions.
Cette solution demande cependant à être précisée : pourquoi est-ce que l’application des articles 549 et 550 du code civil fait obstacle au pouvoir du juge de prononcer d’office la restitution des fruits ? La bonne foi justifie, certes, que le possesseur soit dispensé de la restitution des fruits ; du moins jusqu’au moment de la demande de résolution ou de nullité (Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-20.737, Dalloz actualité, 22 oct. 2020, obs. Y. Strickler ; D. 2020. 1952 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Il faut cependant préciser pourquoi cette bonne foi s’oppose à ce que le juge prononce d’office la restitution des fruits, alors même qu’il a ce pouvoir lorsqu’il s’agit de la chose ou du prix.
On pourrait expliquer la solution en considérant que la restitution de la chose ou du prix en cas d’anéantissement de la vente est un des effets « principaux » de la rétroactivité, qui implique la remise des choses dans le même état qu’avant la vente. La demande en nullité ou en résolution de la vente contiendrait alors « virtuellement » la demande de restitution de la chose ou du prix ; plus exactement, la demande de restitution de la chose ou du prix serait « l’accessoire, le complément ou la conséquence nécessaire » (C. pr. civ., art. 566) de la demande en nullité ou en résolution. C’est l’effet quelque peu « naturel » de l’anéantissement de la vente qui pourrait justifier que le juge ait une certaine liberté de « suppléer à la carence des plaideurs » (M.-E. Pancrazi, Droit du contrat [ss la dir. de B. Fages], Lamy expert, 2020, n° 1561) qui n’ont pas formulé une demande explicite en ce sens.
Tel n’est pas le cas de la restitution des fruits, qui serait plus un effet « accidentel » ou « secondaire » de la demande en anéantissement, car elle « est subordonnée à la bonne foi du possesseur » selon l’expression de la Cour. Il n’est dès lors pas possible d’y voir une demande accessoire, complémentaire ou une conséquence nécessaire de la demande principale d’anéantissement du contrat. Le créancier de la restitution doit par conséquent faire une demande explicite à ce titre et le juge ne peut la prononcer d’office.
Quelle que soit l’explication qu’on puisse retenir, il est certain que le juge ne peut prononcer d’office la restitution des fruits en conséquence de l’anéantissement du contrat. Les avocats seront par conséquent vigilants à formuler explicitement une demande en ce sens dans le dispositif des conclusions, sous peine de voir une telle demande rejetée, et même de voir leur responsabilité engagée (Civ. 1re, 15 mai 2007, n° 05-16.926, Bull. civ. I, n° 193 ; D. 2007. 1594 ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RTD com. 2008. 172, obs. B. Bouloc ).
Bien que l’arrêt soit rendu à propos de la résolution d’une vente d’immeuble et à propos loyers, la solution s’applique à l’anéantissement de tous les contrats, quelle que soit la nature du bien, dès lors qu’il implique des restitutions ; et il n’y a pas lieu de distinguer entre les fruits civils, naturels ou industriels.
Pérennité de la solution de l’arrêt
On peut se demander si cette solution n’est pas appelée à être abandonnée en raison du nouvel article 1352-7 du code civil (issu de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016). Il semble en effet ressortir de cet article que la restitution n’est pas subordonnée à la bonne foi du possesseur, mais que seule l’étendue de la restitution est subordonnée à cette bonne foi : le possesseur de bonne foi doit restituer les fruits, mais seulement à partir de la demande en justice. Le principe de la restitution des fruits posé par l’article 1352-3 du code civil semble faire abstraction de la bonne foi du possesseur, car il dispose que « la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée ».
Si une telle interprétation de l’article 1352-7 du code civil est retenue, la solution actuelle perd sa justification : puisque seule l’étendue de la restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur, et non plus le principe même de la restitution (comme cela ressort de la motivation de l’arrêt), on pourrait en déduire que le juge doit avoir le pouvoir de la prononcer d’office, comme en ce qui concerne la restitution de la chose ou du prix. Cependant, pour certains auteurs, les nouveaux articles ne changeraient rien en pratique, au regard de la jurisprudence antérieure (M.-E. Pancrazi, préc., n° 1593 ; O. Deshayes, T. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 944).
Rien n’est certain sur ce point, et la prudence commande donc aux avocats, d’une part, de formuler explicitement une demande en restitution des fruits et, d’autre part, de tirer profit des textes nouveaux en demandant également la « valeur de la jouissance » de la chose dans le dispositif des conclusions.
Il reste cependant que, si le principe de la restitution des fruits fait désormais abstraction de la bonne foi du possesseur, la solution actuelle perd sa justification et l’office du juge pourrait en être par conséquent affecté. Seul l’avenir nous le dira avec certitude.
Si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office dès lors qu’une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur.
Si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office dès lors qu’une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur.
L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 3 mars 2021 est l’occasion de faire un point sur le droit à l’accès à un avocat.
Dès lors qu’est constaté de la part des représentants du personnel participant à un mouvement de grève un comportement apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle, l’employeur peut apporter des restrictions provisoires à leur libre circulation dans les locaux. Ces excès n’autorisent pas le juge judiciaire à faire respecter l’ordre sur la voie publique.
Le Sénat étudie aujourd’hui une proposition de loi visant à créer un recours juridictionnel en cas de conditions de détention indignes. Cette initiative du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, permet de combler un manque dans notre droit, sanctionné par le Conseil constitutionnel. Mais elle est jugée insuffisante par des associations. Présentation de cette nouvelle voie de recours.
La Cour de cassation vient apporter des précisions sur l’autonomie de deux mesures d’hospitalisation sans consentement consécutives l’une à l’autre. La seconde peut prospérer en dépit de la mainlevée de la première en raison de cette indépendance. La haute juridiction rappelle l’exigence de démonstration d’une atteinte aux droits de l’intéressé pour obtenir la mainlevée à la suite d’une irrégularité dans la procédure.
Article
par Cédric Hélainele 8 mars 2021
Civ. 1re, 10 févr. 2021, FS-P, n° 19-25.224
La fin de l’année 2020 a été l’occasion pour le législateur d’assurer un contrôle inédit du juge des libertés et de la détention (JLD) pour les mesures d’isolement et de contention consécutives à des soins psychiatriques sans consentement. Nous avons eu l’occasion d’évoquer cette question dans ces colonnes, il y a quelques semaines, par l’étude de la loi du 14 décembre 2020. Dans un arrêt du 10 février 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation continue son travail d’harmonisation de l’interprétation des textes applicables au contentieux plus classique de l’hospitalisation sans consentement. Pour une fois, les faits demandent une attention particulière car deux mesures s’étaient enchaînées dans le temps et tout un imbroglio a ainsi pu naître.
Tout commence évidemment par une personne placée sous une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Précision toutefois faite que la mesure a été prononcée à la demande du père de l’intéressé par décision du directeur d’un hôpital parisien. Après être sortie de l’unité de soins psychiatriques, la voici réintégrée sur demande du directeur de l’établissement hospitalier environ six mois plus tard. Son père avait alors demandé la mainlevée de la mesure. Le JLD avait ordonné celle-ci puisqu’il n’y avait pas de certificat médical datant de moins de vingt-quatre heures, document indispensable pour la continuation de l’hospitalisation dans ce contexte. Le procureur avait alors interjeté appel avec demande d’effet suspensif. Mais la demande de suspension de l’exécution a été rejetée.
Une seconde...
Si, sur le front du marché immobilier francilien, l’année 2020 a été compliquée, elle enregistre un retrait limité par rapport à l’année 2019, année de tous les records.
C’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve produits qu’une cour d’appel, qui n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que le débiteur s’est heurté à des difficultés d’exécution, tenant au comportement du créancier, constituant une cause étrangère au sens de l’article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d’exécution.
L’astreinte est une mesure comminatoire de nature judiciaire qui permet d’exercer une pression financière sur le débiteur afin qu’il procède à l’exécution de la décision de justice exécutoire prononcée à son encontre. Sauf à demeurer une simple menace, l’astreinte ainsi prononcée doit être liquidée par un juge, dans le respect des dispositions du code des procédures civiles d’exécution (art. L. 131-3 s. ; R. 131-2 s.).
Les conditions et modalités de liquidation de l’astreinte font l’objet d’une jurisprudence abondante (v. encore dernièrement, au sujet de l’exécution par un tiers de l’obligation assortie d’une astreinte, Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-16.312, Dalloz actualité, 26 janv. 2021, obs. G. Payan ; D. 2021. 25 ). L’une des difficultés récurrentes porte assurément sur la définition de l’office et des prérogatives du juge sollicité pour procéder à cette liquidation, ainsi qu’en témoigne le présent arrêt (pour une autre illustration récente, où il a été jugé qu’il appartient à ce juge de s’assurer, au besoin d’office, que l’astreinte a commencé à courir et de déterminer son point de départ, v. Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.311, Dalloz actualité, 4 juill. 2019, obs. G. Payan ; D. 2019. 1236 ; ibid. 2020. 1380, obs. A. Leborgne ; RD banc. fin. 2009. Comm. 171, obs. S. Piédelièvre).
Avant d’aller plus loin, en guise d’observations liminaires, il apparaît utile de rappeler que l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution énonce, dans son troisième alinéa, que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou...
Le Conseil d’État précise que les obligations de déclaration préalable au détachement de salariés européens s’appliquent à tout détachement effectif réalisé à compter du 1er mai 2015.
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L’article 1719 du code civil n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité.
Si une association d’avocats se trouve soumise aux dispositions des articles 1832 à 1844-17 du code civil, cependant, l’article 1843-4 ne lui est pas applicable en l’absence de capital social et ne peut être étendu aux comptes à effectuer lors du départ d’un avocat.
L’exclusion des salariés en forfait-jours réduit du dispositif de la retraite progressive est contraire au principe d’égalité devant la loi. Cette déclaration d’inconstitutionnalité ne prendra toutefois effet qu’à compter du 1er janvier 2022.