Obligation de mise en garde et exigence de proportionnalité en matière de cautionnement, un couple infernal

Obligation de mise en garde et exigence de proportionnalité sont des moyens de défense souvent invoqués de concert par la caution. Encore faut-il que celle-ci rapporte la preuve de l’excès.

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Obligation de mise en garde et exigence de proportionnalité en matière de cautionnement, un couple infernal

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Concession : pas d’obligation de donner des précisions sur le détail des investissements souhaités

L’autorité concédante peut indiquer aux candidats l’étendue et le détail des investissements qu’elle souhaite voir réalisés, mais elle n’est pas tenue de le faire à peine d’irrégularité de la procédure.

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Nouvelle précision sur le pouvoir du juge de l’honoraire soulevant un moyen d’office

La Cour de cassation poursuit sa construction jurisprudentielle sur l’étendue du pouvoir du juge de l’honoraire (voir récemment, C. Caseau-Roche, Les pouvoirs du juge de l’honoraire : encore une pierre à l’édifice jurisprudentiel, JCP 2020. 1745) en apportant une nouvelle précision sur son office cette fois pour un moyen soulevé d’office dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 22 octobre 2020.

En l’espèce un client a conclu une convention d’honoraires avec son avocat en vue de la défense de ses intérêts. Après avoir acquitté trois factures pour un montant global de 4 200 € et dessaisi son avocat avant la fin de la mission, il a refusé de régler deux nouvelles factures de 1 800 € chacune et a porté sa contestation devant le bâtonnier. Le premier Président, intervenu en appel, a relevé d’office la caducité de la convention et a fixé les honoraires à la somme de 2 200 €, obligeant ainsi l’avocat à restituer la somme de 2000 euros à titre de trop perçu. L’avocat a donc formé un pourvoi contre cette ordonnance en considérant que le juge ne peut relever d’office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Sur le fond, la question, au cœur du contentieux, porte sur la validité de la convention d’honoraires, et plus particulièrement sur le défaut de la fixation du taux horaire, alors même que le mandat du conseil a pris fin avant l’achèvement de sa mission. La Cour de cassation s’est néanmoins concentrée sur le problème de la procédure. Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, elle rappelle (§§ 4 et 5) dans un chapeau interprétatif très pédagogique : « qu’aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience ». Elle censure donc le Premier président d’avoir réduit les honoraires alors que : « le client n’était pas présent à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office, pris de la caducité de la convention d’honoraires » (§§ 7 et 8).

L’arrêt, destiné à la publication, est un arrêt de principe. La nouveauté réside dans le fait que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation applique à la procédure de contestation d’honoraires la solution bien établie pour d’autres procédures. Elle a en effet déjà considéré dans le passé que le juge, qui soulève d’office un moyen, a l’obligation d’inviter les parties à présenter leurs observations (Civ. 2e, 8 déc. 2016, n° 16-13.745 ; 5 juil. 2018, n° 17-20.622). Alors qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, il existe une présomption que les parties ont débattu contradictoirement, la Cour de cassation a précisé que cette présomption cède si une des parties n’a pas comparu (Civ. 2e, 6 mars 2003, n° 02-60.835 ; 21 févr. 2013, n° 11-27.051 ; N. Cayrol, Les moyens retenus par la décision sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement, RTD civ. 2015. 943 image). Désormais la présomption tombe donc également en l’absence d’une des parties devant le juge taxateur sur le fondement du principe directeur du contradictoire.

La solution est cohérente mais elle n’est pas sans soulever d’éventuelles difficultés. Comment en effet apporter la preuve que les parties n’ont pas présenté leurs observations dans le cadre d’une procédure orale ? Une telle preuve peut s’avérer, comme cela a déjà été justement souligné, « une véritable diabolica probatio » (S. Amrani-Mekki et Y. Strickler, Procédure civile, PUF, 2014, n° 240). Ce faisant, combattre la présomption en l’espèce était assez simple car le client avait justifié son absence à l’audience en fournissant un certificat médical.

Devant la cour d’appel de renvoi, le débat contradictoire devrait porter sur la circonstance que le client a mis fin à la mission avant le terme et donc de la possibilité de se référer à la convention d’honoraires. L’affaire montre une fois encore tout l’intérêt de rédiger avec minutie et créativité ladite convention et d’y insérer une clause de dessaisissement (en ce sens, v. C. Caseau-Roche, Rédiger une convention d’honoraires parce que les avocats le valent bien !, D. avocats 2019. 153 image). Cette clause, dont la validité a été consacrée (Décr. n° 2017-1226, JO 4 août, texte n° 9 ; JCP 2017. Prat. 916), présente en effet l’avantage de régler le sort des honoraires en prévoyant qu’ils restent dus nonobstant la fin de la mission avant son terme et partant d’éviter que le juge écarte le contrat en soulevant un moyen d’office. Néanmoins le juge taxateur pourra toujours réduire l’honoraire excessif …       

Nouvelle précision sur le pouvoir du juge de l’honoraire soulevant un moyen d’office

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, lors d’une procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience. Elle applique ensuite pour la première fois la règle au juge de l’honoraire.

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Responsabilité du commissaire-priseur et authenticité des œuvres d’art

La Cour de cassation vient rappeler la responsabilité du commissaire-priseur dans le cadre de l’authenticité d’une œuvre d’art. L’arrêt insiste notamment sur le pouvoir souverain qu’ont les juges du fond pour apprécier la faute et le quantum de la réparation à ce titre.

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Préjudice économique du conjoint survivant : rappel de l’exigence d’un lien de causalité

Si après le décès de sa première épouse, le conjoint survivant bénéficie de nouvelles ressources liées au salaire perçu par sa seconde épouse, celles-ci sont exclues de l’évaluation des préjudices économiques consécutifs au décès de la victime si elles ne sont pas la conséquence directe du décès. 

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Des troubles prématurés dus à un acte médical sont des dommages anormaux

Des troubles entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée remplissent la condition d’anormalité, critère nécessaire à leur prise en charge au titre de la solidarité nationale.

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Les livres sont essentiels… mais les librairies ne rouvrent pas

Les librairies contribuent à l’exercice de la liberté d’expression et les livres présentent un caractère essentiel. Mais la situation sanitaire actuelle justifie la décision de maintenir ces commerces culturels fermés. 

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Application de plein droit de la procédure à bref délai : ça se complique

Sur appel d’une ordonnance de référé fixée à bref délai, l’avocat de l’appelant qui a préalablement fait notifier son acte d’appel et ses conclusions à son confrère constitué pour l’intimé n’a pas, à réception de l’avis de fixation à bref délai, à les lui notifier de nouveau. Mais, la procédure à bref délai s’appliquant de plein droit, le point de départ du délai d’un mois de l’intimé pour conclure court à compter de la notification des conclusions de l’appelant reçues avant la réception de cet avis.

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Attentat du Thalys : examen de personnalité des quatre accusés

Le procès de l’attentat du Thalys s’est ouvert lundi devant la cour d’assises de Paris spécialement constituée. La cour a commencé l’examen de personnalité des quatre accusés. L’auteur principal, Ayoub El-Khazzani, a nié avoir voulu commettre une tuerie de masse le 25 août 2015 dans le train reliant Amsterdam à Paris. Il était notamment armé d’un fusil d’assaut et de neuf chargeurs.

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[DOCUMENT] Projet de loi séparatisme : le texte de l’avant-projet de loi

Dalloz actualité publie l’avant-projet de loi « confortant les principes républicains », dans sa version transmise au Conseil d’État. Ce texte long, 57 articles, et foisonnant sera présenté en conseil des ministres le 9 décembre. Les débats parlementaires devraient être animés, ce texte touchant à de nombreuses libertés.

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De la précision de la motivation dans le rejet d’une mainlevée d’hospitalisation sans consentement

1. L’hospitalisation sans consentement repose en grande partie sur le certificat médical attestant de la nécessité de la mesure. Il s’agit de la pièce maîtresse de l’institution, véritable clef de voûte de tout ce mécanisme aussi subtil que complexe. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 octobre 2020 permet d’entrevoir les conséquences de cette subtilité sur la décision judiciaire elle-même. En l’espèce, une personne présente des troubles psychiatriques qui motivent son admission en alternant soins psychiatriques et soins ambulatoires selon un programme établi par un médecin. Le 7 décembre 2018, le Préfet décide une réadmission en soins psychiatriques de l’intéressé. La Cour de cassation est venue casser l’arrêt d’appel rejetant la nullité aux fins de mainlevée de la mesure, sans renvoi. Cet arrêt de la Cour de cassation a été étudié dans ces colonnes par Madame Peterka l’année passée, nous renvoyons donc le lecteur à son analyse (Civ. 1re, 21 nov. 2019, n° 19-17.941 F-P+B+I, Dalloz actualité, 5 déc. 2019, obs. N. Peterka ; D. 2019. 2304 image ; RTD civ. 2020. 73, obs. A.-M. Leroyer image). Le 27 janvier 2020 suivant, le Préfet maintient pour six mois le programme de soins décidé le 25 octobre 2019. Le 31 janvier, l’intéressé saisit le juge des libertés et de la détention (JLD) pour obtenir la mainlevée de la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1...

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La fronde contre la loi de programmation de la recherche s’amplifie dans les universités

La loi de programmation de la recherche devrait être adoptée définitivement le 20 novembre. Pour ceux qui y voient la mort annoncée de la qualification nationale, le dernier espoir est au Conseil constitutionnel.

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Procès civil et décès en cours de délibéré : à qui notifier le jugement ?

La Cour de cassation s’est prononcée sur une question inhabituelle pour laquelle le code de procédure civile n’apporte pour l’heure aucune solution.

En l’espèce, une affaire plaidée devant un tribunal de commerce est mise en délibéré. Pendant le cours du délibéré, le défendeur décède sans que le demandeur, la banque, ou le tribunal n’en soient informés.

Un jugement condamnant le défunt est prononcé le 14 juin 1996 puis signifié au dernier domicile connu de ce dernier le 14 octobre 1996.

Quelques années plus tard, une société de titrisation venant aux droits de la banque tente de poursuivre l’héritier du défendeur et lui fait signifier le jugement par acte du 18 septembre 2017, ce qui provoque immédiatement le dépôt d’une déclaration d‘appel par ce dernier le 17 octobre 2017.

L’appel est déclaré irrecevable au motif que le délai d’appel avait régulièrement couru lors de la première signification faite au défunt le 14 octobre 1996.

Saisie d’un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur les effets de la notification d’un jugement faite à une partie décédée après la clôture des débats.

Les effets du décès sur l’instance lorsqu’il survient après l’ouverture des débats

Le décès, lorsqu’il survient après l’ouverture des débats, est dépourvu d’effet. En effet, il ressort des dispositions de l’article 371 du code de procédure civile que l’instance n’est pas interrompue si l’ événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. Dès lors, le jugement rendu en présence d’une partie décédée en cours de délibéré est parfaitement régulier (Civ. 2e, 19 mai 1980, n° 78-15.727 P, Gaz. Pal. 1980. 2. 622, note Viatte ; D. 1982. IR 169, obs. Julien ; RTD civ. 1981. 211, obs. R. Perrot ; Civ. 3e, 28 sept. 2005, n° 04-16.183 P,  D. 2005. 2483, et les obs. image ; AJDI 2006. 200 image, obs. F. de La Vaissière image).

Se pose néanmoins la question de savoir comment procéder à la notification du jugement.

L’article 531 du code de procédure civile ne vise que la seule hypothèse du décès survenu postérieurement au prononcé au jugement : « s’il se produit, au cours du délai du recours, un change-ment dans la capacité d’une partie à laquelle le jugement avait été notifié, le délai est interrompu. Ce délai est également interrompu par l’effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur. Le délai court en vertu d’une notification faite à celui qui a désormais qualité pour la recevoir. »

Aucune disposition légale ne règle la question de la notification du jugement à l’encontre d’une partie décédée pendant le cours du délibéré.

La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation, au visa des articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile ainsi que de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, décide d’étendre les effets de l’article 531 au jugement régulièrement rendu à l’encontre d’une partie décédée.

Par combinaison des textes susvisés, la Haute juridiction considère « qu’en cas de décès d’une partie après la clôture des débats, le délai d’appel, ouvert aux héritiers, ne court qu’à compter de la notification qui leur est faite de ce jugement ».

Elle casse ainsi l’arrêt rendu par la cour d’appel de Basse-Terre lequel avait déclaré l’appel formé par le fils du de cujus irrecevable, puisque « la notification du jugement à une partie qui était décédée ne faisait pas courir le délai de recours ».

Rappel pratique

Au-delà de la solution pragmatique de la Cour de cassation, cet arrêt offre l’occasion de revenir par ailleurs sur les effets du décès survenu en cours de procédure et avant l’ouverture des débats.

Deux actions doivent être distinguées : les actions non transmissibles, tel que le divorce, dans les-quelles le décès éteint l’action elle-même, et les actions transmissibles.

Le décès produit un effet interruptif d’instance dès sa notification (C. pr. civ., art. 370) au profit des seuls ayants droits du défunt (Civ. 1re, 9 déc. 1992, n° 90-14.208 P).

La reprise d’instance est volontaire, c’est-à-dire formulée par voie de conclusions. À défaut, elle peut l’être par voie de citation (C. pr. civ., art. 373).

Seule une reprise d’instance permet le prononcé d’un jugement régulier (C. pr. civ., art. 372).

À défaut de notification régulière, et de reprise d’instance, l’instance poursuivra son cours ce qui signifie d’une part que le délai de péremption continuera à courir, et, d’autre part, que le jugement sera rendu dans les mêmes conditions que lorsque l’événement survient postérieurement à l’ouverture des débats.

Mise en garde

Dans les procédures avec représentation obligatoire, il est vivement recommandé de procéder à la notification de l’acte de décès ou de l’acte de naissance faisant mention du décès aux avocats constitués, lequel doit également faire l’objet d’un dépôt au greffe.

Pour les parties ayant intérêt à poursuivre la procédure, il convient impérativement d’assigner les héritiers en reprise d’instance.

À défaut, aucun jugement ne pourra être prononcé tandis que le délai de péremption continuera à courir à l’encontre de ces seules parties (Civ. 2e, 4 févr. 1999, n° 96-19.479 P, D. 1999. 215 image, obs. P. Julien image).

P. Rancé, [I]Les ennemis jurés. Juges et politiques[/I]

En quelques affaires emblématiques, Pierre Rancé dresse avec habileté le portrait des difficiles relations entre justice et politique. Croisant les témoignages de nombreux acteurs dans ces dossiers houleux et sensibles, le journaliste démontre combien la tâche se révèle ardue, pour la justice, de s’affirmer face au pouvoir politique et établit un savoureux portrait-robot de ces « ennemis jurés ».

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P. Rancé, [I]Les ennemis jurés. Juges et politiques[/I]

Une fois n’est pas coutume : peut-être faut-il dire un mot de l’homme avant d’évoquer son ouvrage. Pierre Rancé connaît son sujet. Il est un homme de la justice tout autant qu’un homme, pourrait-on écrire, de son livre, dans la mesure où nul n’avait meilleur poste d’observation que le sien, ces dernières années, pour évoquer les liaisons entre politique et justice, entre juges et hommes politiques. De ce fait, son ouvrage se révèle un précieux et passionnant témoignage de cet entrelacs bien embarrassant de notre époque contemporaine. En effet, Pierre Rancé est d’abord un spécialiste des affaires de justice, chroniqueur pour différents médias nationaux qui lui ont donné une fine connaissance des dossiers qu’il analysera ensuite. Mais il a aussi été le porte-parole de Christiane Taubira, à l’époque où elle était garde des Sceaux. Ainsi maîtrise-t-il les rouages de ce monde si complexe et notamment cette question, fonction de porte-parole oblige, des relations entre ces deux mondes qui devraient rester hermétiquement distincts dans une saine démocratie.

Ce n’est pourtant pas faute pour la magistrature de le souhaiter et de lutter pour son indépendance. Et Pierre Rancé commence fort, mais à juste titre. L’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique serait le fait de chaque gouvernement de la Ve République, une sorte de funeste « tradition historique » dont il faudrait faire remonter l’origine – et l’explication – à la conception du pouvoir judiciaire par la Constitution. Une phrase, évoquée ailleurs par l’auteur à propos de l’expression de « parquet », résume malheureusement bien cet état des choses : « comme quoi les habitudes ont la vie dure, surtout dans la justice » (p. 17). Mais cette situation n’est pas simple, loin s’en faut : elle aboutit, selon l’auteur, à ce que les tentatives de certains personnages politiques pour museler la justice, au cours de l’histoire récente, ont été légion, en dépit des efforts remarqués de beaucoup de magistrats pour tenter de s’émanciper de cette tutelle, sans que ceux-là même qui ont été à l’origine de telles pressions ne s’en émeuvent.

En posant les bases, pour bien comprendre les enjeux et les moyens de cette instrumentalisation, l’auteur rappelle quelques éléments mobilisés par le pouvoir politique et qui sont parfois oubliés, au profit de méthodes plus connues (c’est ce qui est, selon Pierre Rancé, en dessous de l’iceberg, p. 28). Ainsi, par exemple, l’instrumentalisation passe aussi par les ressources que l’on affecte à l’enquête. « L’intervention du politique pour empêcher les juges de travailler peut donc passer aussi par les moyens mis à la disposition de la justice » et, pour freiner une affaire, il suffit « d’atrophier le service de police chargé de l’enquête ». Il s’agit d’ « un soft power efficace dont personne ne parle, ou rarement » (p. 29).

Le livre de Pierre Rancé, qui se lit comme un thriller dont on peine parfois à croire qu’il est vrai, fait utilement le point sur une histoire du temps présent qui peut faire frémir. Les affaires emblématiques des trente dernières années sont relatées avec beaucoup de soin. On se souvient de la tentaculaire affaire Urba, qui a duré presque le temps d’une décennie, des HLM de Paris ou encore de ce procureur que l’on est parti chercher en hélicoptère, alors qu’il se trouvait en plein cœur du Népal, en haut de l’Himalaya. Ce qui fascine, à la lecture de l’ouvrage de Pierre Rancé, c’est cette impression d’irréel tant les ficelles sont grossières, tant les faits sont commis sans vergogne. Et pourtant, le récit n’est pas un mythe. Pierre Rancé a interrogé nombre des protagonistes des dossiers auxquels il s’est intéressé, donnant la voix à ces juges d’instruction qui ont tenté de s’opposer à la mainmise du politique, à des ministres, des avocats, des conseillers et autres experts ayant eu à intervenir dans ces affaires. Pierre Rancé, particulièrement bien informé, donne vie à tous ces dossiers qui doivent demeurer en tête comme autant de dérives qu’il convient d’éviter. Nombreux sont les personnages qui défilent sous sa plume et qui rappellent combien certains n’ont parfois éprouvé aucun scrupule à fouler allègrement les principes essentiels d’une justice saine et démocratique.

La justice est certes une institution collective, mais le juge d’instruction s’est retrouvé bien seul dans les dossiers que décrit l’auteur. Aujourd’hui, selon l’auteur, la situation a peut-être changé. Les relations entre politique et justice semblent avoir évolué. C’est toutefois au prix d’une sorte de « contournement ». Et à long terme, celui-ci pourrait s’avérer tout aussi néfaste.

Pierre Rancé, Les ennemis jurés. Juges et politiques, Robert Laffont, 2020.

Régime de responsabilité en matière de contrôle des dispositifs médicaux

L’affaire des prothèses PIP permet au Conseil d’État de préciser que la faute simple de l’État peut être recherchée en cas de carence des autorités chargées de la police sanitaire dans le contrôle des dispositifs médicaux.

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Régime de responsabilité en matière de contrôle des dispositifs médicaux

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Garantie des vices cachés (ventes successives) : prescription de l’action et application de la loi nouvelle

Le délai butoir de l’article 2232, alinéa 1er, du code civil n’est pas applicable à une situation où le droit est né avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

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Garantie des vices cachés (ventes successives) : prescription de l’action et application de la loi nouvelle

Malgré ses atours de décisions statuant exclusivement sur l’action en garantie des vices cachés, l’arrêt rapporté du 1er octobre 2020 pose davantage la délicate question de l’application dans le temps du délai butoir à cette action.

Par acte authentique des 18 décembre 1970 et 16 mai 1972, un couple avait fait l’acquisition de deux bungalows qu’il fit réunir en un seul immeuble. Depuis, ce bien a fait l’objet de plusieurs ventes, dont la dernière, conclue le 21 mai 2010, a été au cœur d’un épineux litige entre les vendeurs successifs et le dernier acheteur.

En effet, à la suite de la remise d’un rapport expertal concluant à l’existence de désordres rendant l’immeuble impropre à sa destination pour atteinte à sa solidité, celle-ci initia une action en garantie des vices cachés à l’encontre de chacun d’eux.

En cause d’appel, les juges du fond, dans un arrêt infirmatif, ont considéré que le jour de la naissance du droit devait être fixé au jour du contrat consacrant l’obligation à la garantie des vices cachés des premiers vendeurs. Ils jugèrent également que le report du point de départ du délai de la prescription au jour où l’acheteur avait eu connaissance du vice dans son ampleur ne pouvait avoir pour effet de porter la prescription au-delà de vingt ans à compter de la naissance du jour du droit. Et de déduire, que l’action qu’il avait engagée plus de vingt ans après la signature du contrat de vente était prescrite.

Dans son pourvoi en cassation, l’acheteur s’est prévalue de son opposition à la prise en compte, comme point de départ du délai de prescription, du jour de la conclusion du premier contrat de vente, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir fait courir ce délai à compter de l’apparition du dommage. Il contesta par ailleurs l’application des dispositions de l’article 2232 du code civil, opérée par les juges du fond, en...

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Il faut une loi sur l’usage des drones par la police

Le Conseil d’État, saisi par le Premier ministre, estime que seul le législateur peut fixer les conditions d’usage des caméras aéroportées par l’administration.

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Covid-19 : la sauvegarde des intérêts des professionnels locataires s’organise

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire contient de mesures protectrices des intérêts des locataires exerçant une activité économique en cas d’impayé de loyers ou de factures d’électricité, de gaz ou d’eau.

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Covid-19 : la sauvegarde des intérêts des professionnels locataires s’organise

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Le profit subsistant en cas d’aliénation partielle

Le régime des récompenses est décidément un terrain propice à la cassation. Il faut avouer que l’article 1469 du code civil contient assez peu d’informations sur les méthodes de calcul du profit subsistant. Tout au plus indique-t-il que ce profit se détermine « sur » le bien concerné, c’est-à-dire en prenant sa valeur comme base de calcul. Il demeure que l’opération mathématique permettant de chiffrer l’enrichissement réellement procuré à la masse débitrice n’est pas précisé, comme s’il allait de bon sens. S’il est vrai qu’une logique arithmétique conduit aisément à la solution correcte, force est de constater que les juges du fond peinent régulièrement à la maîtriser. La Cour de cassation veille au grain et les solutions qu’elle énonce sont, en la matière, d’une parfaite orthodoxie juridique (elle ne se montre malheureusement pas aussi irréprochable dans son rôle de gardien que dans celui d’interprète de la règle de droit ; elle a refusé de censurer une décision d’appel retenant une méthode de calcul de profit subsistant qu’elle reconnaissait pourtant comme parfaitement erronée, v. Civ. 1re, 7 nov. 2018, n° 17-26.149, Dalloz actualité, 18 déc. 2018, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2018. 2185 image ; AJ fam. 2019. 99, obs. J. Casey image ; LEFP janv. 2019, n° 111u9, p. 6, note N. Peterka ; JCP N 2019. 1182, comm. A. Karm ; ibid. 1183, comm. X. Guédé ; Dr. fam. 2019. Comm. 10, obs. A. Tani ; Gaz. Pal., 2 avr. 2019, n° 346n3, p. 64, note S. Deville).

L’arrêt sous commentaire s’inscrit pleinement dans cette tendance. La Cour corrige une erreur commise par les juges du fond au terme d’une décision qui n’invite nullement à la critique mais qui se révèle pédagogiquement très précieuse et illustre une fois encore l’imprécision regrettable des textes en la matière.

En l’espèce, deux époux mariés en 1947 sans contrat de mariage sont respectivement décédés les 30 mars 1979 et 7 mai 1999. Un litige est apparu entre leurs héritiers dans le cadre des opérations de liquidation et partage de la communauté. L’un d’eux contestait le montant d’une récompense due par l’un des époux à la masse commune. La communauté avait en effet contribué partiellement au financement d’un bien propre, mais ce bien avait par la suite été en partie vendu. Cet enrichissement de la masse propre ouvrait droit à récompense au profit de la communauté sur le fondement des articles 1416 et 1437 du code civil. La contestation ne portait pas tant sur le principe du droit à récompense (il était acquis que l’époux avait « tiré un profit personnel des biens de la communauté » au sens de l’article 1437 du code civil) que sur l’évaluation de son montant. Dans un arrêt du 3 juillet 2018, la cour d’appel de Riom avait calculé la récompense en retenant la dépense faite, alors même qu’il s’agissait d’une dépense d’acquisition qui, conformément à l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil, doit être évaluée d’après le profit subsistant. Les juges du fond justifiaient leur décision, d’une part, au regard de l’aliénation partielle du bien avant la date de liquidation de la communauté, d’autre part, en raison d’une impossibilité de calculer le profit subsistant au prorata de la valeur totale du bien.

Sans surprise, le moyen du pourvoi reprochait à la décision d’appel de ne pas avoir fixé la récompense au profit subsistant, lequel aurait dû se calculer en proportion de la contribution de la communauté au financement de l’exploitation propre.

La Cour de cassation était ainsi invitée à préciser le mode de calcul de la récompense dans l’hypothèse où le bien acquis a été partiellement aliéné avant la liquidation du régime, ce qui la conduisait à répondre successivement à deux questions. D’une part, la récompense doit-elle être égale à la dépense faite ou au profit subsistant ? D’autre part, si la récompense est égale au profit subsistant, comment celui-ci se calcule-t-il ?

La première chambre civile procède à une cassation partielle avec renvoi aux visas des alinéas 1 et 3 de l’article 1469 du code civil et, incidemment, de l’article 4 du code civil. Elle considère que les juges du fond ont violé le premier texte en fixant la récompense à la dépense faite et le second en rejetant la demande au motif que l’expert n’était pas en mesure de délivrer les informations relatives à la valeur du bien au jour de la liquidation (ainsi le déni de justice s’ajoutait-il à l’erreur de droit). Les deux questions posées trouvent dès lors une réponse claire.

Dépense faite ou profit subsistant ?

Les juges du droit ne répondent qu’implicitement à la question de savoir si la récompense doit être égale à la dépense faite ou au profit subsistant lorsque le bien a été en partie aliéné avant la liquidation du régime matrimonial. La solution n’en est pas moins très claire et parfaitement ferme. Il ne faut voir dans cette absence de précision qu’une économie d’effort rendue possible par l’évidence de la réponse. La décision d’appel est cassée notamment au visa de l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil qui énonce en premier lieu que la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant lorsque la valeur empruntée a servi « à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ». En l’espèce, il s’agissait d’une dépense d’acquisition, cependant le bien avait en partie été aliéné. Les juges du fond en ont tiré argument pour rejeter l’application du texte : « L’exception prévue par l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil ne peut recevoir application lorsque le bien acquis a été partiellement aliéné avant la date de la liquidation de la communauté et ne se retrouve pas intégralement dans le patrimoine propre du mari » (§ 9).

On conçoit le malaise de la cour d’appel face à cette situation qui n’est pas spécifiquement réglée par l’article 1469 du code civil. Cependant, l’obstacle n’est en rien insurmontable. D’abord, l’aliénation du bien avant la liquidation n’exclut pas en elle-même l’application de l’alinéa 3 du texte. Elle invite uniquement à cristalliser le profit subsistant au jour de l’aliénation, de sorte que le nominalisme doit ainsi prendre le relai du valorisme (« L’aliénation du bien avant la liquidation fixe le montant de la dette de valeur », in Rép. civ., v° Communauté légale : liquidation et partage, par B. Vareille, n° 370). D’ailleurs, l’alinéa 3 fournit des explications sur le mode de détermination du profit subsistant en pareille hypothèse, preuve que le maintien du bien dans le patrimoine n’est pas une condition de l’exception postulée.

Ensuite, rien ne permet de considérer qu’une aliénation partielle exclut la règle selon laquelle la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant. L’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil ne distingue pas entre les cas dans lesquels le bien se retrouve en totalité dans la masse emprunteuse et ceux où il n’y subsisterait qu’en partie. Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait, au vu de cette simple nuance, retenir que la récompense s’évaluait d’après la dépense faite. La règle doit s’interpréter largement, en conformité avec son esprit et par-delà l’étroitesse de sa lettre : ce qui justifie que le profit subsistant prévale n’est pas tant le maintien de tout ou partie du bien dans la masse emprunteuse que l’incarnation de la valeur empruntée dans un bien. En d’autres termes, pour que l’exception prévue par l’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil reçoive application, il faut mais il suffit d’être en présence d’une dépense d’acquisition, d’amélioration ou de conservation d’un bien. La subsistance du bien dans la masse emprunteuse n’influe que sur la méthode de calcul du profit subsistant, non sur sa prévalence. Dans cette affaire, c’est essentiellement cette méthode qui a posé difficulté à la cour d’appel et c’est sans doute ce qui l’a orienté vers une solution plus simple mais parfaitement erronée.

Comment calculer le profit subsistant ?

L’alinéa 3 de l’article 1469 du code civil fournit en second lieu des indications sur la méthode de calcul du profit subsistant. Lorsque le bien se retrouve dans la masse emprunteuse au jour de la liquidation, la base de calcul du profit subsistant est constituée de la valeur de ce bien au jour de cette liquidation. Lorsque le bien a été aliéné sans être subrogé, il convient de retenir sa valeur au jour de l’aliénation (c’est-à-dire le prix lorsque le bien est aliéné à titre onéreux et la valeur du bien lui-même s’il a été aliéné à titre gratuit : v. B. Vareille, art. préc., n° 370). Lorsque le bien a été subrogé, le profit est évalué sur le nouveau bien.

Deux difficultés semblaient insurmontables aux juges du fond (§ 9). Non seulement la contribution de la masse commune ne constituait qu’une partie de la dépense d’acquisition (« le financement n’ayant été que partiel ») mais, de surcroît, le bien avait été aliéné, ce qui créait une incertitude quant à l’assiette sur laquelle devait être reportée la proportion de financement commun (« le profit subsistant ne peut être calculé au prorata de la valeur totale du bien »). C’est donc bien l’inaptitude des juges à calculer le profit subsistant qui les a conduits à privilégier la dépense faite.

La Cour de cassation remet les choses en ordre et expose la méthode à retenir en pareille circonstance (§ 8). Il convient d’abord de déterminer la proportion dans laquelle la masse prêteuse a contribué au financement du bien (« la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l’acquisition du bien propre »). Ce taux se détermine assez logiquement au jour de la dépense : la communauté a-t-elle payé 25 % du bien ? 50 % ? 75 % ?

Il convient ensuite d’appliquer cette proportion sur l’assiette idoine. En l’espèce, l’assiette ne peut être la valeur totale du bien puisqu’une partie en avait été aliénée, de sorte qu’elle ne pouvait être considérée comme ayant continué de profiter à la communauté (« le profit subsistant doit traduire fidèlement l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur », in B. Vareille, art. préc., n° 371). Il faut en réalité retenir une double assiette dans la mesure où ce qu’il reste du profit retiré par la communauté se présente alors sous deux aspects : la partie non aliénée du bien acquis et le prix de vente de la partie aliénée. Il s’agit donc d’appliquer le taux de contribution commune « respectivement au prix de vente de la portion du bien aliénée et à la valeur au jour de la liquidation de l’autre portion du bien ». En d’autres termes, il convient de faire une application distributive d’un principe et d’une exception. Le principe consiste à calculer le profit subsistant sur la base du bien acquis s’il n’a pas été aliéné : cette règle doit s’appliquer sur la partie du bien qui n’a pas été vendue. L’exception consiste à calculer le profit subsistant sur la base de la valeur du bien aliéné et non subrogé au jour de cette aliénation : cette règle doit s’appliquer sur le prix résultant de la vente d’une partie du bien.

Il convient enfin d’additionner les deux sommes ainsi obtenues. Dans tous les cas, et c’est un autre rappel utile de l’arrêt, le juge ne peut refuser de juger sous prétexte que le rapport d’expertise ne fournit pas les éléments suffisants (§ 13).

Illustrons par l’exemple. Soit une communauté ayant abondé à hauteur de 20 000 € dans l’acquisition d’un bien propre valant 60 000 €. Imaginons qu’une partie du bien soit vendue avant la liquidation du régime matrimonial pour 12 000 €. La partie restante est estimée 90 000 € au jour de la liquidation.

S’agissant d’une dépense d’acquisition, la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant. Celui-ci se calcule en trois étapes. La première consiste à déterminer la proportion de financement commun dans l’opération d’acquisition, en se plaçant au jour de cette acquisition. Dans notre exemple, la proportion est de 20 000 / 60 000, soit 1/3.

La deuxième étape consiste à appliquer cette proportion sur deux assiettes : le prix de vente (au jour de l’aliénation) et la valeur de ce qu’il reste du bien (au jour de la liquidation). Soit, pour la première assiette : 1/3 x 12 000 = 4 000 € ; et pour la seconde : 1/3 x 90 000 = 30 000 €.

Il ne reste plus, en guise d’ultime étape, qu’à additionner ces sommes. Le profit subsistant est alors égal à 4 000 € + 30 000 € = 34 000 €.

L’opération n’a rien de sorcier mais il est clair qu’elle n’est jamais énoncée explicitement par les textes. La cassation ici réalisée est l’occasion de rappeler les lacunes de l’article 1469 du code civil qui est dédié à l’arbitrage entre dépense faite et profit subsistant mais ne fournit que peu d’indications sur leurs définitions et sur leurs modes calcul. Il est notamment regrettable que rien ne soit expliqué de la fondamentale différence d’approche selon que la dépense est d’acquisition (la base de calcul est alors la valeur du bien) ou d’amélioration ou de conservation (il est nécessaire de déterminer l’augmentation de la valeur du bien). Ces imprécisions font du profit subsistant une question assez redoutée des juristes, des bancs de l’université aux prétoires en passant par les offices notariaux. Sans doute serait-il pertinent de réfléchir à la conception d’un droit commun du profit subsistant (car cette notion se retrouve aussi en matière d’indivision, d’accession, de créances entre époux et partenaires et d’enrichissement injustifié). À l’heure de la modernisation et de la simplification du droit, il ne paraît pas anachronique d’appeler à une meilleure lisibilité du droit liquidatif. La charge de travail de la Cour de cassation s’en trouverait allégée.

La CNIL est libre de prononcer directement une sanction sans mise en demeure préalable

Le président de la CNIL peut directement saisir la formation restreinte en vue du prononcé d’une ou plusieurs sanctions sans mettre en demeure au préalable le responsable de traitement ou son sous-traitant, y compris lorsque le manquement est susceptible d’être régularisé dans le cadre d’une mise en demeure.

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De la difficulté de prouver une erreur sur les qualités substantielles

Avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’erreur sur les qualités substantielles apparaissait comme source de difficultés dans l’interprétation des vices du consentement. Expression empruntée à Pothier (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 261, n° 304), la qualité substantielle est celle qui détermine le consentement du contractant. Voici un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation qui permet d’explorer cette définition à travers un contentieux sur une « Table compas signée Jean Prouvé ». Génie du travail du métal, Jean Prouvé a laissé une empreinte assez forte dans le mobilier français, notamment utilitaire. On trouve donc fréquemment dans les ventes aux enchères des tables ou des fauteuils signés par l’artiste qui se vendent à prix d’or. Les faits témoignent d’un contentieux assez long puisque l’affaire a déjà donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1re, 10 déc. 2014, n° 13-24.043, JAC 2015, n° 22, p. 12, obs. P. Henaff image). En l’espèce, une maison de vente aux enchères assigne l’acquéreur de plusieurs lots afin que soit reconnue judiciairement la vente. L’acquéreur demande reconventionnellement la nullité ou à défaut la résolution pour défaut de paiement et défaut de délivrance outre la restitution des sommes versées. Sur le lot qu’il restait après l’arrêt rendu par la Cour de cassation (précisément, cette table en question), une expertise est ordonnée pour déterminer s’il s’agissait d’une véritable pièce signée Jean Prouvé. La table se révèle finalement bien authentique et la cour d’appel de Versailles refuse de voir une erreur sur les qualités substantielles dans la simple qualité du bois formant le plateau de la table. L’acquéreur sollicitait, en effet, la nullité car ce plateau n’était pas en chêne mais en « bois plaqué chêne ». La cour d’appel déboute également l’acquéreur de sa demande de dommages-intérêts adressée au vendeur. Le catalogue mentionnait, en effet, un plateau en chêne et l’acheteur souhaitait obtenir réparation du préjudice subi de cette mauvaise information. Mais celui-ci n’étant pas prouvé pour les juges du fond, il n’a pas été indemnisé. L’acquéreur se pourvoit donc en cassation. La Haute juridiction rejette le pourvoi assez sèchement et nous allons analyser les deux enseignements principaux de l’arrêt.

D’une part, la Cour de cassation refuse l’argumentation du demandeur au pourvoi reposant sur la qualité du bois pour démontrer une erreur sur les qualités substantielles. La question au centre de cette difficulté repose sur la volonté de l’acquéreur. Voulait-il acheter une table compas signée Jean Prouvé ou une table avec un simple plateau en chêne ? On peine un peu à comprendre l’argumentation du demandeur, en réalité. L’œuvre de Jean Prouvé repose grandement (mais pas seulement, certes) sur le travail du métal et comme le note l’arrêt d’appel, c’est le « piétement » qui fait toute l’originalité du bien en question ; le plateau étant moins caractéristique que les pieds. Une seconde difficulté reposait sur des restaurations éventuelles. Nous avons déjà étudié dans l’arrêt rendu le même jour (Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-10.536, D. 2020. 2119 image) l’importance de ces rénovations qui doivent être inscrites par le commissaire-priseur dans le catalogue. Mais dans cette espèce analysée aujourd’hui, elles n’étaient pas prouvées et elles reposaient essentiellement sur des hypothèses de l’acquéreur. Elles ne peuvent donc pas induire une erreur sur les qualités substantielles. Que penser donc de cette erreur sur le bois de la table ? Le matériel utilisé pour une table peut aisément être une qualité substantielle, déterminante pour le consentement. Mais ici, la cour d’appel note que le plateau était « conçu pour être changé ». C’est donc bien la preuve que la table était originale pour un autre point que le plateau précisément. Ainsi, l’acquéreur ne pouvait pas avoir fixé son consentement sur ce seul élément précis. La recherche factuelle menée par la cour d’appel conduit à rejeter la nullité. La qualité substantielle de la table n’était pas liée à la qualité du bois mais bien à son authenticité ; ce qui explique également le point suivant.

D’autre part, la Cour de cassation tranche une question au sujet des dommages-intérêts réclamés par l’acquéreur contre le vendeur dudit lot. Ce problème provient tout droit de l’inexactitude du catalogue qui a confondu « chêne » avec « plaqué chêne ». On retrouve ici le lien avec l’authenticité de la table. Cette « table compas » avait un prix estimé entre 35 000 et 45 000 € et les enchères ont quasiment été doublées puisque l’acquéreur a payé 80 000 €. Si le bois avait été si déterminant, l’acheteur aurait pu peut-être privilégier une table moins onéreuse. Cette question est donc assez rapidement évacuée par la Cour de cassation puisqu’aucun préjudice n’est prouvé du défaut dans la mention du catalogue. Il y a ici une appréciation souveraine des juges du fond en la matière qui doit être accueillie avec bienveillance. Pas de préjudice, pas de réparation. Reste à évoquer un problème autour de la prescription, lui aussi rejeté puisque comme le note la Cour « l’exigence du rappel de la mention du délai de prescription de cinq ans dans la publicité à laquelle donnent lieu les ventes aux enchères publiques ayant été posée à l’article L. 321-17 du code de commerce par la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 » n’imposait aucun contrôle supplémentaire à la cour d’appel. L’action en dommages-intérêts contre la maison de vente aux enchères était donc prescrite quant à elle. Mais, quoiqu’il arrive, le préjudice n’était pas plus prouvé que contre le vendeur. Ceci n’appelle pas de remarques particulières à notre sens puisque les points faisant difficulté ont déjà été évoqués.

Cet arrêt aura pour principal enseignement de rappeler la délicate preuve de la qualité substantielle. Entre différentes qualités en concours pouvant être jugées substantielles, ce sont les seuls faits qui permettent de trancher. Ici, entre l’authenticité « Jean Prouvé » et la qualité du bois composant le plateau, c’est la première qui a emporté la conviction des juges du fond. Mais seule l’appréciation souveraine permet d’aller si loin dans le détail pour savoir ce qui a déterminé le consentement de l’acquéreur. Une précision connue mais toujours utile à rappeler.

Une marque déchue peut être invoquée pour agir en contrefaçon

La Cour de cassation reconnaît qu’une atteinte à une marque antérieure déchue, faite pendant la période antérieure à sa déchéance, peut être sanctionnée au titre de la contrefaçon et en donne les conditions.

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Comment la Chancellerie tente d’aménager le travail à distance des greffiers

Critiquée pour son manque d’anticipation, la Chancellerie tente en urgence de rattraper son retard sur l’accès à distance informatique des greffiers du civil, privés pour la plupart de télétravail à cause des défaillances de la chaîne applicative Winci. Après avoir annoncé des premiers tests, le ministère de la Justice a annoncé, lundi 2 novembre, des résultats encourageants. 95 % des juridictions semblent être en effet en mesure de proposer un accès à distance au logiciel.

Cependant, les informaticiens de la Place Vendôme marchent sur des œufs avec cette fonctionnalité qui était naguère présentée comme impossible. « Pour garantir une montée en charge progressive de ce dispositif et pallier une éventuelle saturation du réseau », Paul Huber, le directeur des services judiciaires, dans un courrier du 30 octobre, a demandé aux chefs de cour de recenser une liste d’utilisateurs minimale et maximale. Au total, la direction des services judiciaires a reçu des demandes d’accès à distance pour 2 125 utilisateurs répartis dans 87 juridictions. Parmi eux, 1 225 utilisateurs, jugés prioritaires, vont obtenir, « à brève échéance », un accès à distance. On ignore cependant les modalités exactes du calendrier envisagé. Seconde évolution en cours, l’accès à distance à la messagerie personnelle depuis un équipement personnel, est désormais possible. Enfin, le ministère a indiqué avoir distribué la semaine passée 1 300 ordinateurs ultraportables, destinés en priorité aux greffiers, « un effort très substantiel ».

Les organisations syndicales du ministère de la Justice restent cependant circonspectes face à ces annonces. Le 5 novembre dernier, elles avaient déjà appelé en vain à la réactivation des plans de continuité d’activité, comme au printemps. « Le télétravail est une illusion. Pour la cour d’appel de Paris, on nous parle d’environ 150 utilisateurs qui seraient éligibles à l’accès à distance, alors que nous estimons qu’un millier de personnels du greffe doivent travailler sur Winci dans cette juridiction », explique à Dalloz actualité Hervé Bonglet, le secrétaire général de l’UNSA services judiciaires. « C’est une rustine », ajoute David Melison, trésorier adjoint de l’Union syndicale des magistrats. Et de s’inquiéter, dans sa juridiction, d’une présence quasi normale des personnels de greffe dans leurs bureaux malgré le confinement. « Ce sont eux qui travaillent en open space et qui ont plus de risques d’être contaminés par la covid-19, alors que leur part de travail non faisable à distance est évaluée à une petite moitié », souligne David Melison. Une situation de crise tempérée par le ministère, qui remarque la faible proportion d’agents des services judiciaires malades, 260 au 16 novembre, et l’impossibilité, pour de nombreux agents, de faire du télétravail pour leur mission principale, l’audience.

Comment la Chancellerie tente d’aménager le travail à distance des greffiers

L’accès à distance de la chaîne applicative Winci va bien être possible, mais de manière limitée. Une rustine qui va permettre la possibilité du télétravail pour un millier d’utilisateurs.

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Requête à jour fixe : avec les conclusions, c’est mieux

Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de cassation considérait que « le domaine et le régime du contredit apparaissent désormais poser plus de difficultés que ce dispositif ne comporte d’avantages par rapport à l’ouverture d’une voie de recours ordinaire ». Le législateur l’a entendu et, par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, il a supprimé le contredit au profit d’un appel.

Mais là où la Cour de cassation suggérait que « l’instruction de cet appel devrait avoir lieu selon l’une des procédures d’appel accélérées : ainsi l’appel serait-il jugé suivant la procédure de l’article 905 du code de procédure civile, applicable au référé, voire selon la procédure à jour fixe si l’appelant l’estime nécessaire pour préserver ses droits », le décret a imposé une procédure à jour fixe.

La simplicité de la procédure de contredit et sa grande souplesse ont laissé place à un « appel-contredit » redouté par les avocats. Le législateur aurait voulu dissuader les plaideurs de faire appel de ce type de décisions qu’il ne s’en serait pas pris autrement. Et depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure d’appel, le 1er septembre 2017, les avocats se heurtent à des difficultés de procédure qui alimentent la jurisprudence en la matière.

Dans le cadre d’un litige prud’homal, un conseil de prud’hommes s’est estimé incompétent au profit du tribunal du travail de Monaco.

Le salarié, mécontent de la décision, fait appel.

L’avocat qui représente la salariée comprend que l’appel relève de dispositions particulières, qui le fait échapper au circuit ordinaire. Il saisit donc le premier président… d’une demande de fixation prioritaire.

Le délégué du premier président requalifie cette demande de fixation prioritaire en demande d’autorisation à assigner à jour fixe et rend une ordonnance autorisant l’appelant à assigner.

L’appelant fait délivrer l’assignation à jour fixe.

L’intimé, qui ne se satisfait pas de cette demande de fixation prioritaire, conclut à titre principal à la caducité de l’appel pour non-respect par l’appelant de la procédure à jour fixe.

La caducité est écartée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui estime que c’est une « erreur de pure forme qui ne porte que sur les modalités de mise en œuvre de la procédure d’appel », et la cour infirme le jugement d’incompétence.

Sur pourvoi de l’employeur, l’arrêt est cassé et l’appel déclaré caduc.

Fixation prioritaire ou jour fixe ?

Si l’article 84, alinéa 2, du code de procédure civile renvoie à l’autorisation d’être assigné à jour fixe, il est également...

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Requête à jour fixe : avec les conclusions, c’est mieux

Nonobstant toute disposition contraire, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et, en ce cas, l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel et à peine de caducité de la déclaration d’appel, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe. La requête à fin d’autorisation à jour fixe doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives.

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Saisie-attribution et transmission d’une créance : attention aux formalités

par Cédric Hélainele 23 novembre 2020

Civ. 2e, 22 oct. 2020, F-P+B+I, n° 19-19.999

L’arrêt présenté aujourd’hui revient sur les quelques hésitations existant autour de la transmission d’une créance ayant donné lieu à l’établissement d’une copie exécutoire à ordre (v. Rép. civ., v° Cession de créance, par C. Ophèle, n° 142). On sait que la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 précise que les anciennes formalités de l’article 1690 du code civil avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ne s’appliquaient pas à ces cessions particulières. Le contentieux porté devant la Cour de cassation tranche une question de formalité, celle de l’article 6 de la loi précitée lequel précise : « Le notaire signataire, en application de l’alinéa 2 ci-dessus, notifie l’endossement, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance, au débiteur […] » (nous soulignons). Plus précisément encore, nous sommes au confluent du régime général de l’obligation et des procédures civiles d’exécution puisque des saisies-attributions avaient été réalisées par le cessionnaire. Rappelons brièvement les faits. Une banque cède le 23 avril 2015 à une société des créances qu’elle détenait sur une société civile immobilière (SCI) au titre de deux prêts consentis par acte notarié du 25 avril 2005 et du 22 avril 2006. Le 8 janvier 2016, deux actes d’endossement de la copie exécutoire des actes notariés ont été reçus par le notaire. Le 4 avril 2017 débutent plusieurs saisies-attributions à exécution successive entre les mains des locataires de la société débitrice. Celle-ci demande alors la mainlevée des...

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Saisie-attribution et transmission d’une créance : attention aux formalités

Dans le contentieux d’une cession de créance ayant donné lieu à copie exécutoire, les formalités imposées par la loi n° 76-519 doivent être respectées. L’absence de lettre recommandée notifiant la cession au débiteur rend ainsi la cession inopposable aux tiers. De ce chef, la saisie-attribution pratiquée par le cessionnaire sur le débiteur sans une telle formalité pose difficulté. Cet arrêt vient donc rappeler l’importance de telles formalités.

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Salarié protégé : précisions sur le régime du représentant du personnel désigné délégué syndical

Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un représentant du personnel peut être désigné délégué syndical pour le terme de son mandat de représentant du personnel. La protection supplémentaire est donc celle de six mois attachée à sa qualité de représentant du personnel et non celle d’un an attachée à la qualité de délégué syndical s’il a exercé plus d’un an.

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Troubles de voisinage : création d’une clause incluse dans les actes authentiques de vente

« Dans les Côtes-d’Armor, la mer se retire trop loin »…

Voici les récents propos d’un acquéreur, qui pourraient presque faire sourire s’ils n’illustraient pas si bien le nombre croissant de situations incongrues, à l’origine de troubles de voisinage.

Ils traduisent un phénomène que veulent endiguer Olivier Arens, président de la chambre des notaires du Morbihan, et Patrice Faure, préfet de département, comme ils l’ont exposé le 22 octobre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse consacrée à la présentation de leur fructueux partenariat.

Vivre à la campagne suppose l’acceptation, voire l’adhésion à un mode de vie, à une culture, parfois même à une tradition, expliquent-ils. Comme tout avantage a ses limites, il induit, en contrepartie et au nom du « vivre ensemble », d’éventuelles accommodations, que certains acquéreurs citadins, fraîchement arrivés, n’entendent visiblement pas souffrir bien longtemps après leur installation en province.

Las de la réception abondante de missives, de l’augmentation croissante des dépôts de plainte abusifs et déplorant d’une seule voix l’encombrement administratif et judiciaire qu’ils génèrent, Olivier Arens et Patrice Faure ont ainsi eu l’idée de créer une clause contractuelle, destinée à être insérée dans tout acte authentique portant sur une vente immobilière dans le département du Morbihan.

Expérimentée depuis juin 2020, elle vise à porter à la connaissance de l’acquéreur certaines informations relatives à la situation de l’immeuble et à son environnement immédiat, notamment aux activités professionnelles susceptibles d’occasionner des nuisances sonores, olfactives ou visuelles.

Deux propositions de loi, à l’examen, ont déjà été présentées à l’Assemblée nationale avec pour objets respectifs de « préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs » (proposition de loi AN n° 2334, 16 oct. 2019) et « de définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises » (proposition de loi AN n° 2211, 11 sept. 2019, D. 2020. 757 image, note G. Leray image ; ibid. 1761, obs. Y. Strickler image ; JT 2020. 227. p. 3, obs. X. Delpech image ; AJCT 2020. 116, obs. M. Falaise image).

Toutefois, pour ses créateurs, la clause ne consiste pas à légiférer davantage : les textes en vigueur, disséminés dans plusieurs codes, s’avérant amplement suffisants (par ex., C. civ., art. 544, 1240 et 1241 ; CCH, art. L. 112-16 ; CSP, art. R. 1334-31).

Elle vise plus précisément à responsabiliser l’acquéreur de manière à ce qu’il prenne pleinement conscience de la portée de son achat ; il devra ainsi « déclarer avoir accompli toutes les diligences », « s’être entouré de toutes les informations nécessaires » et, enfin, « renoncer à exercer tout recours contre le vendeur à quelque titre que ce soit ».

Fortement ambitieux, cet objectif est d’autant plus actuel au regard de la crise sanitaire, qui est devenue déterminante dans l’achat impulsif de biens immobiliers se situant sur le littoral français.

Dès lors, en cas de litige, l’acquéreur ne pourra se prévaloir de son ignorance, comme ce fut le cas dans l’« affaire du coq Maurice » qui a marqué les esprits en devenant le symbole de ce type de conflits devenus récurrents entre ruraux et néoruraux (T. corr. Rochefort-sur-Mer, 5 sept. 2019, n° 11-19-000233, Dalloz actualité, 12 sept. 2019, obs. N. Kilgus ; AJDA 2020. 266 image ; D. 2020. 1183, obs. J.-M. Bruguière image).

Cette clause devrait donc avoir une fonction préventive, celle de limiter les recours contentieux.

En cas de saisine d’un juge judiciaire ou administratif, elle faciliterait également la preuve de l’anormalité d’un trouble, une théorie qui trouve son origine dans une jurisprudence de la Cour de cassation du 27 novembre 1844 (DP 1845. 1. 13) et qui est parfois appréciée différemment d’une juridiction à une autre.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le succès de l’insertion de cette clause dans les contrats de vente immobilière et sur son application par d’autres départements, même s’il paraît difficile pour y parvenir de passer outre l’intervention du législateur.

Troubles de voisinage : création d’une clause incluse dans les actes authentiques de vente

Afin d’endiguer les troubles de voisinage, la préfecture et la chambre des notaires du Morbihan créent une clause unique en France.

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Présentation du passager aérien à l’enregistrement : charge de la preuve

La Cour de cassation censure un jugement qui, pour rejeter une demande d’indemnisation consécutive à retard important de vol, juge que la passagère qui produit une réservation confirmée pour le vol en cause ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle s’était présentée à l’enregistrement. Elle reproche à ce jugement de ne pas avoir vérifié si le transporteur aérien démontrait que la passagère n’avait pas été transportée sur le vol retardé en cause.

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Lanceur d’alerte : pas de protection du salarié en l’absence de faute pénale de l’employeur

Un salarié ne peut se prévaloir du statut de lanceur d’alerte instauré par l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, si les faits qu’il dénonce au moyen d’un enregistrement clandestin de l’employeur ne sont pas susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime.

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Touchez pas au Grisbi ! De la créance de restitution au terme de l’usufruit

Le nu-propriétaire a vocation à la pleine propriété des biens objets de l’usufruit. Le droit démembré portant sur des comptes bancaires, il aura droit à la restitution de la valeur de leur solde sur le fondement de l’article 587 du code civil. Dès lors, les héritiers d’un nu-propriétaire peuvent, du fait du transfert de ce droit réel dans sa succession, agir en restitution de ces sommes contre les légataires universels de l’usufruitier.

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L’obligation d’information du patient évolue

La section du contentieux apporte des précisions quant au défaut d’information du patient qui serait demeuré sans conséquence sur le consentement de ce dernier à l’intervention.

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Exécution forcée immobilière en Alsace-Moselle : l’éclaircie

Par arrêts du 25 juin 2020, la Cour de cassation revient à la raison en opérant un revirement de jurisprudence pour énoncer que constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt signé en Alsace-Moselle qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi ; l’arrêt du 22 octobre 2020 conforte et précise cette évolution.

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Un ouvrage routier doit-il être compatible avec un SDAGE ?

Une déclaration d’utilité publique de travaux relatifs à un ouvrage routier n’est pas une décision administrative dans le domaine de l’eau, a priori. Sauf si le projet implique des ouvrages spécifiques à la gestion des eaux. Dans ce cas, il devra être compatible avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

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Il n’est pas nécessaire d’attendre un avis facultatif du CHSCT

Si le comité technique (CT) a la possibilité de saisir le comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de toute question qu’il juge utile de lui soumettre, il n’est pas tenu d’attendre l’avis de l’instance spécialisée pour se prononcer.

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Sécurité des portes de garage : obligation de résultat de la société de maintenance

La société chargée de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking est tenue d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l’appareil.

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Recours subrogatoire de l’assureur contre le gardien : exclusivité du fondement juridique

La Cour de cassation rappelle fermement que le recours subrogatoire de l’assureur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation ne peut être fondé que sur l’article L. 211-1 du code des assurances.

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Rapports d’expertise établis non contradictoirement : - + - = +

Le juge du fond ne peut refuser d’examiner des rapports d’expertise amiable et judiciaire établis de façon non contradictoire régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties, dès lors qu’ils se corroborent mutuellement.

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Rapports d’expertise établis non contradictoirement : - + - = +

Le juge peut-il se fonder sur deux rapports d’expertise, l’un judiciaire et l’autre amiable, établis non contradictoirement qui ont pu être discutés au cours de l’instance ?

La première chambre civile de la Cour de cassation nous fournit des éléments de réponse dans cet arrêt du 9 septembre 2020.

Dans cette affaire, il s’agissait de désordres apparus sur des bateaux amarrés dans un port. Des expertises amiables ont été réalisées pour en déterminer l’origine. Les propriétaires et leurs assureurs ont assigné en responsabilité la commune dans laquelle était situé le port ainsi que son assureur. Le propriétaire d’un navire était ensuite intervenu volontairement à l’instance.

Au cours de l’instance, le juge de la mise en état a ordonné une expertise. Dans son rapport, l’expert a conclu que les dommages subis étaient imputables à la défectuosité de l’installation électrique du port, ayant pour origine un phénomène ou un appareil électrique à bord d’un voilier.

En appel, la commune et son assureur ont été condamnés in solidum à payer différentes sommes en réparation des désordres. La cour d’appel a pour cela jugé inopposable le rapport d’expertise judiciaire à une partie – en l’occurrence un assureur – au motif que celle-ci n’avait été ni appelée ni représentée aux opérations d’expertise, dans la mesure où elle a été attraite en la cause postérieurement au dépôt du rapport de l’expert judiciaire. La juridiction d’appel a ajouté que, s’agissant des expertises amiables réalisées à la demande des assureurs des propriétaires des navires endommagés et de la commune, les opérations ne se sont pas déroulées contradictoirement. Elle en a déduit qu’en l’absence d’autres éléments suffisamment probants, ces expertises amiables et judiciaire devaient être écartées des débats. Devant la Cour de cassation, les demandeurs avançaient que ce rapport, régulièrement versé aux débats, était corroboré par des rapports d’expertises amiables et des décisions administratives, de sorte que le juge ne pouvait refuser de l’examiner.

La Haute juridiction censure la décision au visa de l’article 16 du code de procédure civile. Elle indique que lorsqu’une partie à laquelle un rapport d’expertise est opposé n’a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Elle ajoute qu’il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve. La Haute juridiction conclut en soulignant que ces rapports d’expertise, régulièrement versés aux débats, avaient été soumis à la libre discussion des parties et se corroboraient mutuellement.

Cette solution rappelle que des rapports d’expertise établis en méconnaissance du principe du contradictoire peuvent conserver leur force probante. Cela ne va pourtant pas de soi. Un rapport d’expertise élaboré en méconnaissance de ce grand principe du procès qu’est le contradictoire ne peut qu’inspirer une certaine méfiance, surtout si l’on considère que cette mesure d’instruction est un élément de preuve souvent décisif qui peut emporter la conviction du juge. C’est ce qui explique que le juge ne saurait fonder sa décision sur une mesure d’instruction qui n’a pas été réalisée dans le respect du contradictoire. Néanmoins, le fait que ce rapport n’ait pas été établi contradictoirement ne le condamne pas pour autant à rester lettre morte. Il peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis « à la libre discussion des parties » (Civ. 1re, 18 oct. 2005, n° 04-15.816 ; Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 05-14.333, Bull. civ. II, n° 225 ; AJDI 2007. 562 image, obs. C. Denizot image ; Civ. 1re, 30 janv. 2007, n° 06-11.581, D. 2008. 2820, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur image ; Civ. 2e, 15 oct. 2009, n° 08-16.582). En un mot, le débat contradictoire au cours de l’instance « l’immunise contre les doutes dont son élaboration discrète a été entourée » (R. Perrot, Expertise amiable : son autorité ?, RTD civ. 2012. 769 image). Le rapport d’expertise établi non contradictoirement devient alors une pièce comme une autre susceptible d’être exploitée par le juge.

Cette position de la Cour régulatrice a pu paraître contestable en ce qu’elle réduit l’expertise au seul rapport produit à son terme alors qu’elle est avant tout un processus probatoire dont le déroulement, et non simplement l’acte qui en reprend la substance, doit être contradictoire...

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Produit défectueux contre Monsanto : épilogue

La Cour de cassation confirme la responsabilité de la société Monsanto pour mise en circulation d’un produit défectueux à l’origine du dommage subi par un agriculteur qui a inhalé la substance.

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Produit défectueux contre Monsanto : épilogue

Pour la première fois en France, la société Bayer-Monsanto a été définitivement condamnée par la justice pour avoir commercialisé un produit jugé défectueux sur le fondement des règles issues de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998.

Alors qu’aux États-Unis, le géant de l’industrie a été condamné pour la commercialisation du Roundup, en France, c’est le Lasso qui a eu raison de lui. Que ce soit pour du glyphosate (aux États-Unis) ou du chlorobenzène (en France) la conclusion est la même : il va falloir payer !

En l’espèce, après l’ouverture d’une cuve de traitement d’un pulvérisateur, un agriculteur céréalier français a accidentellement inhalé les vapeurs d’un herbicide acquis auprès d’une coopérative agricole, commercialisé sous le nom de Lasso par la société Monsanto Agriculture France, jusqu’à son retrait du marché en 2007. Depuis 2007, il tente de faire reconnaître la responsabilité de la société Monsanto et d’obtenir réparation de ses préjudices. Il a systématiquement obtenu gain de cause devant les juridictions du fond dont la dernière a reconnu, en 2019, la responsabilité de la société sur le fondement du fait des produits défectueux prévue aux articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants du code civil.

La société Monsanto a formé un pourvoi en cassation contestant chacune des conditions de cette responsabilité dans plusieurs moyens, tous rejetés par la première chambre civile dans un arrêt du 21 octobre 2020.

La mise en circulation du produit

C’est d’abord la condition de mise en circulation que contestait le pourvoi. Il reprochait à la cour d’appel de retenir comme date de mise en circulation du produit celle de sa commercialisation par une personne qui n’en était pas le producteur, et non la date à laquelle le producteur s’en était dessaisi volontairement. En ce sens, il pose indirectement la question de la charge de la preuve de la date de commercialisation du produit.

L’article 1245-4 dispose qu’« un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation » et l’article 1245-10 que « le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve

qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ;
  que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement. »

La « mise en circulation » est une notion clé de la responsabilité du fait des produits défectueux (v., sur le sujet, J.-P. Confino, La mise en circulation dans la loi du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, Gaz. Pal. 3 févr. 2001, n° 34, p. 2). Elle est perçue par certains comme le fait générateur de cette responsabilité et par d’autres comme une condition de la mise en œuvre du régime. D’abord, elle conditionne l’application dans le temps du dispositif qui ne s’applique qu’en présence de produits mis en circulation après le 21 mai 1998. Ensuite, elle est une des causes d’exonération par laquelle le producteur peut se libérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ou que le défaut n’existait pas au moment de celle-ci. Elle est également le point de départ du délai de prescription de dix ans prévu par l’article 1245-15. Enfin, c’est à cette date que s’apprécie le défaut de sécurité ou le risque de développement.

Le moment de la mise en circulation du produit représente donc un enjeu déterminant tant pour la victime que pour le producteur. 

Après avoir rappelé le principe de ce régime de responsabilité et son application aux produits mis en circulation après le 21 mai 1998, la Cour de cassation précise qu’aux termes de l’article 1386-5, devenu 1245-4, du code civil, « un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement et ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation ». Elle confirme la décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui précise que « l’article 11 de la directive doit être interprété en ce sens qu’un produit est mis en circulation lorsqu’il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu’il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l’état offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé » (CJCE 9 févr. 2006, O’Byrne c. Sanofi Pasteur, aff. C-127/04, D. 2006. 671 image ; ibid. 1259, obs. C. Nourissat image ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain image ; RTD civ. 2006. 265, obs. P. Remy-Corlay image ; ibid. 331, obs. P. Jourdain image ; RTD com. 2006. 515, obs. M. Luby image).

Elle rappelle ensuite qu’il découle du même texte « que la date de mise en circulation du produit s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie » (v. déjà en ce sens Civ. 1re, 22 nov. 2017, n° 16-24.719, RCA 2018. Comm. 33, obs. H. Groutel ; 20 sept. 2017, n° 16-19.643, Bull. civ. I, n° 193 ; D. 2017. 2279 image, avis J.-P. Sudre image ; ibid. 2284, note G. Viney image ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; RDSS 2017. 1132, obs. J. Peigné image ; RTD civ. 2018. 143, obs. P. Jourdain image ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 16, note C. Le Goffic).

Partant, elle reconnaît que c’est à bon droit que la cour d’appel a relevé que le produit Lasso, acquis par la victime en avril 2004, a été livré en juillet 2002 à la coopérative agricole par la société Monsanto Agriculture France, laquelle n’apporte aucun élément de preuve relatif à un stockage du produit de longue durée en son sein.

Sans assimiler la date à laquelle le produit a été livré à la coopérative à la date de sa mise en circulation, sans stockage prouvé, la date de la livraison du produit est nécessairement proche de celle à laquelle le producteur s’en est dessaisi. Et si la date précise de la mise en circulation n’est pas connue, les faits relevés permettent de la situer avec une certitude après le 21 mai 1998. Finalement, qu’importe la date exacte de mise en circulation, du moment que celle-ci a eu lieu avec certitude après l’entrée en vigueur de la loi.

L’assimilation au producteur

Le pourvoi faisait ensuite grief à l’arrêt d’assimiler la société Monsanto Agriculture France au producteur sans constater que l’emballage comportait les noms de deux autres sociétés ainsi qu’un lieu de fabrication en Belgique de telle sorte que le public ne pouvait légitimement croire que la société Monsanto Agriculture France était le producteur du produit.

La Cour de cassation était donc amenée à déterminer si la mention du nom de « Monsanto Agriculture France » était de nature à faire naître, dans l’esprit du public, la croyance que cette société était bien le producteur. 

La première chambre civile rappelle que, selon l’article 1386-6, alinéa 2, 1°, devenu 1245-5, alinéa 2, 1°, du code civil, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif. Il en résulte que le fabricant n’est pas le seul à pouvoir revêtir la qualité de producteur. Est également producteur, celui qui se présente comme tel par le biais de mentions apposées sur le produit litigieux. 

Cette assimilation s’explique par l’apparence engendrée par de telles mentions. La conception large de la définition de « producteur » a pour but de « faciliter la tâche de la victime en lui évitant des recherches complexes sur l’identité du véritable producteur » (J.-Cl. civil, fasc. 20 ; P. Jourdain, Commentaire de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, JCP E 2008. 1204). C’est aussi « une manière de responsabiliser les professionnels qui utilisent ces moyens d’identification à titre publicitaire » (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité, 4e éd., LGDJ, 2017, n° 41, p. 67).

La mention « fabriqué en Belgique » ainsi que les mentions « Monsanto Europe SA » et « marque déposée de Monsanto Company USA » figurent sur le conditionnement du produit, l’étiquette met en avant le fait que le Lasso, écrit en gros caractères blancs sur noir, est un désherbant sélectif du maïs grain, semence et fourrage, du soja, avec la mention « un herbicide Monsanto », suivi de « siège social Monsanto Agriculture France SAS » avec l’adresse de la société à Lyon et le numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés de Lyon.

La première chambre civile conclut que l’ensemble de ces éléments démontre que la société Monsanto Agriculture France se présentait comme le producteur sur l’étiquette du produit. La cour d’appel a pu en déduire qu’elle devait être assimilée au producteur, toutes ces mentions sur le produit créant une apparence.

La Cour de cassation ajoute qu’au regard des constatations des juges du fond relatives à la présentation de l’étiquette du produit, les questions préjudicielles ne sont pas utiles à la solution du litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

L’imputabilité du dommage au produit

Par ailleurs, le moyen contestait l’existence du lien de causalité entre le dommage et l’administration du produit qui aurait été seulement présumé par la cour d’appel. Les circonstances invoquées ne constitueraient pas un réseau d’indices graves, précis et concordants permettant de retenir que l’administration du produit apparaissait comme l’explication la plus plausible de la survenance du dommage.

La Cour de cassation répond qu’en vertu de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, c’est au demandeur de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Elle ajoute qu’en amont, il doit établir que le dommage est imputable au produit par tout moyen et notamment par des indices graves, précis et concordants.

La haute juridiction admet que, pour ce faire, la victime peut recourir à des présomptions de fait, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes (Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 06-10.967, Bull. civ. I, nos 147 et 149 ; Dalloz actualité, 30 mai 2008, obs. I. Gallmeister ; D. 2008. 1544 image, obs. I. Gallmeister image ; ibid. 2894, obs. P. Brun et P. Jourdain image ; RDSS 2008. 578, obs. J. Peigné image ; RTD civ. 2008. 492, obs. P. Jourdain image ; RTD com. 2009. 200, obs. B. Bouloc image ; 20 sept. 2017, n° 16-19.643, D. 2017. 2279 image, avis J.-P. Sudre image ; ibid. 2284, note G. Viney image ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; RDSS 2017. 1132, obs. J. Peigné image ; RTD civ. 2018. 143, obs. P. Jourdain image).

Les juges du fond ont retenu que la victime avait acquis du Lasso le 13 avril 2004 et avait rapporté un certain nombre d’éléments de preuves qui constituaient des indices graves, précis et concordants dont il a pu être déduit l’existence d’un tel lien entre l’inhalation du produit et le dommage survenu.

En l’espèce, il incombait donc à la victime de prouver qu’elle avait inhalé le produit Lasso et que le dommage était imputable à cette inhalation. Cette exigence probatoire a été respectée.

La défectuosité du produit

Le pourvoi reprochait à la cour d’appel de ne pas justifier correctement la défectuosité du produit.

La première chambre civile rappelle que, selon l’article 1386-4, devenu 1245-3, du code civil, « un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ».

La Cour de cassation estime que la cour d’appel a pu déduire de ses constatations qu’en raison d’un étiquetage ne respectant pas la réglementation applicable et d’une absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux sur ou dans les cuves et réservoirs, le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux. 

Rappelons que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. La Cour de cassation énonce souvent l’exigence de la double preuve qui incombe à la victime qui voudrait obtenir réparation de son dommage sur le fondement de cette responsabilité. Cette exigence probatoire est directement imposée par les textes puisque l’article 1245-8 du code civil dispose que « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage » (pour une application de la règle, v. Civ. 1re, 27 juin, 2018, n° 17-17.469 P, Dalloz actualité, 27 juill. 2018, obs. A. Hacene ; D. 2018. 1439 image ; RTD civ. 2018. 925, obs. P. Jourdain image ; RCA 2018, n° 253, note L. Bloch ; 4 févr. 2015, n° 13-27.505, Bull. civ. I, n° 32 ; Dalloz actualité, 24 févr. 2015, obs. A. Cayol ; D. 2015. 375 image ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; RTD civ. 2015. 404, obs. P. Jourdain image ; Gaz. Pal. 2015. 951, obs. P. Oudot).

Il n’existe pas de présomption de défectuosité qui découlerait de l’implication du produit dans la survenance du dommage. Si certains auteurs trouvent la charge de la preuve « sévère » (P. Le Tourneau [dir.], Droit de la responsabilité et des contrats, 11e éd., Dalloz Action, 2018-2019, n° 6313.11), celle-ci est toutefois atténuée par la dispense de la victime de démontrer que la défectuosité du produit existait au moment de sa mise en circulation (C. civ., art. 1245-10, 2°).

Le lien de causalité entre le défaut et le dommage

Le pourvoi faisait encore grief à la cour d’appel, d’une part, de ne relever aucun lien causal entre le défaut du produit, constitué par une lacune de son étiquetage, et l’inhalation du produit à l’origine du dommage allégué et, d’autre part, de retenir un lien de causalité, alors que la victime ne portait aucune protection lors de l’accident nonobstant les préconisations de l’étiquetage.

Sur le fondement de l’article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, la Cour de cassation rappelle que c’est au demandeur qu’il revient de prouver le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage. Cette preuve peut être apportée par tout moyen et notamment par des présomptions ou indices graves, précis et concordants.

Toutefois, il n’est pas possible de déduire le lien causal de la seule implication du produit dans la réalisation du dommage (Civ. 1re, 27 juin 2018, n° 17-17.469, préc. ; 29 mai 2013, n° 12-20.903, Bull. civ. II, n° 116, Dalloz actualité, 17 juin 2013, obs. N. Kilgus ; D. 2013. 1717, obs. I. Gallmeister image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 1723, note P. Brun image ; ibid. 2014. 47, obs. P. Brun et O. Gout image ; RTD civ. 2013. 625, obs. P. Jourdain image ; RTD com. 2013. 797, obs. B. Bouloc image ; 22 oct. 2009, n° 08-15.171, Dalloz actualité, 10 nov. 2009, obs. P. Guiomard ; 26 sept. 2012, n° 11-17.738, Dalloz actualité, 12 oct. 2012, obs. G. Rabu ; D. 2012. 2853, obs. I. Gallmeister image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 2376, entretien C. Radé image ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout image ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon image ; RTD civ. 2013. 131, obs. P. Jourdain image ; JCP 2012, n° 1061, obs. P. Mistretta ; ibid. n° 1199, note C. Quézel-Ambrunaz ; RCA 2012. Comm. 350, obs. S. Hocquet-Berg ; CCC 2012. Comm. 273, obs. L. Leveneur).

Interrogée par la Cour de cassation par le biais d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser que « l’article 4 de la directive (attribuant à la victime la charge de la preuve des conditions de la responsabilité) doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un régime probatoire national tel que celui en cause au principal en vertu duquel, lorsque le juge du fond est saisi d’une action visant à mettre en cause le producteur d’un vaccin du fait d’un défaut allégué de ce dernier, il peut considérer, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont il se trouve investi à cet égard, que, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit ni n’affirme l’existence d’un lien entre l’administration du vaccin et la survenance de la maladie dont est atteinte la victime, certains éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l’existence d’un défaut du vaccin et à celle d’un lien causalité entre ce défaut et ladite maladie » (CJUE 21 juin 2017, N. W. e.a. c. Sanofi Pasteur, aff. C-621/15, Dalloz actualité, 28 juin 2017, obs. T. Coustet ; AJDA 2017. 1709, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2017. 1807 image, note J.-S. Borghetti image ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; RTD civ. 2017. 877, obs. P. Jourdain image).

Elle admet ainsi « qu’un régime de preuve indiciaire, tel que celui retenu par la Cour de cassation, qui facilite la tâche probatoire de la victime, n’est pas incompatible avec l’article 4 en ce qu’il ne renverse pas la charge de la preuve pesant sur celle-ci » (RTD civ. 2017. 877, obs. P. Jourdain image).

Dans l’arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation constate qu’après avoir retenu, d’une part, que les troubles et le stress post-traumatique étaient imputables à l’inhalation du Lasso et, d’autre part, que ce produit était défectueux, les juges du fond ont relevé que cette inhalation était survenue accidentellement.

La notice d’information du produit ne faisant pas apparaître les informations importantes quant au maniement du produit, la cour d’appel a correctement déduit de cela l’existence d’un lien causal entre le défaut et le dommage subi par celui-ci.

L’absence de cause exonératoire

Enfin, le pourvoi reprochait à la cour d’appel ne pas avoir retenu le risque de développement et le faute de la victime comme causes exonératoires.

La première chambre civile rejette les moyens considérant, d’une part, qu’en 2002, il était possible pour la société d’avoir connaissance du défaut du produit lié à l’étiquetage et, d’autre part, qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la faute de la victime – l’absence de masque de protection – et son dommage.

Finalement, des années de procédure et la remise en cause de la preuve de chacune des conditions du régime du fait des produits défectueux n’auront pas suffi à faire échapper la société Monsanto à sa responsabilité pour avoir mis en circulation un produit ne présentant pas la sécurité raisonnablement attendue.

Référé-liberté contre la visioconférence en cour d’assises : « Comment faire comprendre une peine à un accusé, s’il n’est pas là ? »

Mardi 24 novembre, le Conseil d’État a examiné un référé-liberté déposé par plusieurs associations et syndicats d’avocats et de magistrats, qui demandent la suspension de l’ordonnance du 18 novembre permettant de recourir à la visioconférence dans les procès pénaux. La décision sera rendue en fin de semaine.

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Licenciement pour motif économique : faute de l’employeur menaçant la compétitivité de l’entreprise

Une faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés. Mais l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas, à elle seule, une telle faute.

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Éric Dupond-Moretti temporise sur ses réformes

Hier soir, la commission des lois de l’Assemblée a adopté le projet sur le parquet européen. Un texte qui brasse de nombreux champs de la justice pénale et civile. Ce projet de loi était une occasion rare pour que débouchent plusieurs réformes voulues par Éric Dupond-Moretti. Si des amendements importants ont été adoptés sur des sujets variés, le ministre a souvent temporisé.

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Covid-19 : dossier de soin du patient copropriété

Traitement n° 1. Le sauvetage des syndicats de copropriétaires avait débuté par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 qui renouvela les contrats de syndics échus pendant la « période juridiquement protégée », c’est-à-dire entre le 12 mars et le 24 mai 2020 (un mois après la fin de l’état d’urgence), jusqu’au 24 novembre 2020 au plus tard, soit six mois après la fin de la période juridiquement protégée (v. P.-E. Lagraulet, Traitement sur ordonnance : la copropriété est-elle sauvée ?, Dalloz actualité, 27 mars 2020 ).

Traitement n° 2. Le sauvetage s’est ensuite poursuivi et intensifié par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 qui a allongé la durée de la période juridiquement protégée (deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 juillet inclus), et prolongé la période de renouvellement des mandats. Cette ordonnance a également étendu le champ d’application aux mandats de conseillers syndicaux et précisé les modalités de calcul – prorata temporis – de la rémunération du syndic. Les mandats des deux organes du syndicat échus entre le 12 mars et le 23 juillet inclus se trouvaient alors renouvelés jusqu’au 23 janvier 2021 inclus, au plus tard (v. P.-E. Lagraulet, Ordonnance coronavirus du 22 avril 2020 : volet immobilier, Dalloz actualité, 22 avr. 2020 ).

De manière incidente, la période de renouvellement des contrats a de nouveau été modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui prolongeait la période de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. La période juridiquement protégée pour le droit de la copropriété s’en trouvait mécaniquement allongée pour s’achever le 10 septembre inclus. Les mandats de syndics et de conseillers syndicaux s’en trouvaient renouvelés jusqu’au 10 mai 2021 inclus.

Traitement n° 3. L’opération de sauvetage des copropriétés s’était achevée lors de la première phase de confinement, par l’adoption de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (v. P.-E. Lagraulet, Coronavirus : ultime traitement des syndicats de copropriétaires, Dalloz actualité, 26 mai 2020 ; V. aussi, du même auteur, La plasticité du droit de la copropriété, AJDI 2020. 398 image).

Le terme de la période juridiquement protégée fut, une nouvelle fois modifié, pour être fixé au 23 juillet 2020 inclus et le terme des mandats de syndic et de conseillers syndicaux renouvelés de plein droit par effet de l’ordonnance fut fixé au 31 janvier 2021.

L’ordonnance avait également élevé temporairement le nombre de voix pouvant être délégué à une seule personne à compter du 1er juin 2020 et jusqu’au 31 janvier 2021. Le seuil était augmenté à 15 % du nombre de voix du syndicat.

Surtout, l’ordonnance du 20 mai 2020 délégua aux syndics le pouvoir de convoquer des assemblées générales sans présence physique des copropriétaires. Ce pouvoir exorbitant permit aux syndics d’organiser jusqu’au 31 janvier 2021 une assemblée générale purement dématérialisée, « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification », selon les moyens et supports techniques choisis par lui lorsque l’assemblée générale ne les avait pas définis.

Il était également permis au syndic, lorsque le recours à la visioconférence ou autre moyen de communication électronique était impossible, de « prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Enfin, le gouvernement prévit que les syndics pouvaient faire application de ces dispositions aux assemblées déjà convoquées, à condition d’en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de l’assemblée par tout moyen permettant d’établir avec certitude sa date de réception.

Traitement n° 4. Autorisé par l’article 10, I, de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, le gouvernement a adopté de nouvelles mesures de gestion de la crise en faveur des copropriétés figurant à l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020. Ces mesures complètent ainsi le dispositif toujours en vigueur de l’ordonnance du 25 mars 2020.

Deux mesures n’apportent pas innovation mais de simples prolongations ou rétablissements des dispositions déjà prises par les précédentes ordonnances (1). Une mesure innove toutefois en permettant au syndic de sauver une assemblée générale dont l’encéphalogramme était pourtant parfaitement plat (2).

1. Prolongation et rétablissement de dispositions déjà prises

Nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats. Dans les mêmes conditions que précédemment, les mandats de syndics et de conseillers syndicaux dont le terme est échu entre le 29 octobre et le 31 décembre 2020 inclus sont renouvelés dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau mandat, et au plus tard le 31 janvier 2021.

Prolongation des pouvoirs du syndic. Dans les mêmes conditions que précédemment, les syndics pourront décider de recourir à l’assemblée générale électronique, ou en cas d’impossibilité à la prise de décision par vote par correspondance, jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

Prolongation de l’augmentation du seuil de délégation. Dans les mêmes conditions que précédemment, un mandataire pourra recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même n’excède pas 15 % des voix du syndicat jusqu’au 1er avril 2021 et non plus jusqu’au 31 janvier 2021.

2. Nouvelle mesure

Le gouvernement a adopté une mesure nouvelle, astucieuse et étonnante, complétant les mesures dérogatoires à la tenue de l’assemblée générale. Celle-ci prévoit que pour les assemblées générales « convoquées à une date comprise entre le 29 octobre 2020 » (et non dont la convocation a été adressée, la différence est importante car l’ordonnance est parue le 19 novembre, soit après qu’une partie de la période visée soit passée) et le 4 décembre 2020, le syndic peut « à tout moment, informer les copropriétaires, par tout moyen permettant d’établir avec certitude la date de la réception de cette information, que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance ».

Ce système est identique à celui que l’on connaissait jusqu’alors.

La nouveauté tient en la possibilité pour le syndic de fixer « un nouveau délai de réception par le syndic des formulaires de vote par correspondance, qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la réception de ce courrier » et au plus tard au 31 janvier 2021. On se demande toutefois pourquoi seul le vote par correspondance a été retenu dans cette situation alors que tous les praticiens constatent les cruelles limites de ce système…

Quoi qu’il en soit, cette mesure paraît ainsi permettre au syndic de sauver une assemblée générale qui n’aura pu se tenir physiquement à cause du confinement décidé brutalement, et ayant rendu impossible pour le syndic de transformer l’assemblée générale en assemblée électronique ou vote par correspondance en respectant le délai de prévenance de quinze jours. Ainsi, l’assemblée non tenue, par exemple le 29 octobre 2020, pourra devenir par application de cette mesure une prise de décision par vote par correspondance intervenant avant le 31 janvier 2021. Quant à l’assemblée générale prévue dans les jours à venir, le syndic pourra reporter sa date sans respecter le délai de prévenance de quinze jours, dès lors que le délai de réception des votes est fixé 15 jours plus tard (soit après la date de l’assemblée générale).

Voici donc venue, après l’assemblée générale physique, l’assemblée générale électronique, l’assemblée générale par correspondance, l’assemblée générale ressuscitée. N’est-ce pas là un bien beau prodige médico-légal et ne serait-ce pas un formidable système à conserver à l’avenir pour sauver les assemblées convoquées hors délai de vingt-et-un jours ?!

Covid-19 : dossier de soin du patient copropriété

La troisième ordonnance, du 20 mai 2020, n’était pas l’ultime prescription pour sauver les copropriétés. La quatrième médication emporte des prolongations de mesures existantes, une nouvelle période juridiquement protégée pour les mandats de syndics et de conseillers syndicaux et une mesure nouvelle astucieuse mais complexe à mettre en œuvre.

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Intérim et plateforme numérique de mise en relation : les enjeux des nouvelles formes d’intermédiation

L’activité d’une plateforme numérique, qui a vocation à mettre en relation des auto-entrepreneurs et des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, ne cause pas de trouble manifestement illicite au détriment des agences de travail temporaire.

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Les nouveaux organes du dialogue social dans la fonction publique de l’État

Deux décrets du 20 novembre fixent les conditions de mise en place des comités sociaux d’administration et les nouvelles règles applicables aux commissions administratives paritaires dans la fonction publique de l’État.

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Plus d’oralité au Conseil d’État

Le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 introduit, à titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois, la possibilité d’organiser des séances orales d’instruction et des audiences d’instruction devant le Conseil d’État.

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Subrogation [I]in futurum[/I] de l’assureur dommages-ouvrage

Est recevable l’action engagée par l’assureur avant l’expiration du délai de forclusion décennale, bien qu’il n’ait pas eu au moment de la délivrance de l’assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait statué.

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Subrogation [I]in futurum[/I] de l’assureur dommages-ouvrage

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Signification de la déclaration de saisine sur renvoi après cassation : par-delà les textes

Un premier arrêt de cour d’appel fait l’objet d’une cassation en 2014, puis l’arrêt de la cour de renvoi est à son tour cassé en 2017 et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Pau, troisième cour à statuer sur le litige. Les choses n’étant pas suffisamment compliquées, le déclarant-saisissant régularise deux déclarations de saisine, l’une en septembre 2017 et l’autre en février 2018, jointes par la cour de renvoi. Les intimés invoquent l’irrecevabilité et la caducité des deux actes de saisine mais ne sont pas suivies par la cour d’appel de Pau. Les demanderesses au pourvoi, qui étaient les trois sociétés intimées sur les deux déclarations de saisine, reprochaient à la cour d’appel de ne pas avoir retenu la caducité de la déclaration de saisine alors que l’avocat de l’appelant, déclarant-saisissant, s’était contenté de la notifier aux deux avocats constitués avant la réception de l’avis de fixation au lieu de la signifier aux parties. Quant à la troisième société qui avait constitué après l’avis de fixation, elle faisait grief à la cour d’appel d’avoir écarté la caducité alors que l’acte de saisine n’avait pas été signifié dans le délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation mais avait été notifié à l’avocat des sociétés intimées qui s’était constitué le jour même de l’avis. La deuxième chambre civile rejette les deux moyens.

Dans le premier cas, elle juge que la cour d’appel ayant constaté qu’avant même la notification par le greffe de l’avis de fixation, l’avocat de l’appelant avait notifié la déclaration de saisine à l’avocat constitué pour les sociétés intimées, c’est par une exacte application de l’article 1037-1 du code de procédure civile qu’elle a retenu qu’il était dispensé de signifier la déclaration de saisine à ces deux sociétés, cette diligence étant devenue sans objet. Dans le second, elle estime que la cour d’appel ayant constaté que, dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation relatif à la seconde déclaration de saisine, l’avocat de l’appelant avait notifié cette déclaration à l’avocat que les sociétés avaient constitué le jour même de cet avis, c’est sans violer l’article 1037-1 du code de procédure civile qu’elle en a déduit que cette diligence le dispensait de signifier la déclaration de saisine aux sociétés, cette signification étant devenue sans objet.

On ne sait que trop, maintenant, quel sort est réservé à l’avocat de l’appelant, après qu’il a reçu l’avis du greffe d’avoir à signifier, lorsqu’il ne dénonce pas sa déclaration d’appel à l’avocat qui se constitue...

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Procès du Thalys : « Comme Abaaoud m’a dit… »

Mercredi, le principal accusé de l’attentat déjoué le 21 août 2015 dans le Thalys Amsterdam-Paris s’est défendu d’avoir voulu commettre une tuerie de masse. Il dit avoir renoncé au dernier moment à tuer des Américains, cibles qui lui avaient été désignées. Une ligne de défense ardue.

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La grande mosquée de Pantin reste fermée

Le recours contre la fermeture administrative de la grande mosquée de Pantin donne au juge des référés du Conseil d’État, en formation de trois juges sous la présidence du président de la section du contentieux, de poser les principes d’application de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.

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La demande d’expertise n’interrompt la prescription qu’à l’égard du demandeur

La suspension de la prescription consécutive à une demande d’expertise ne joue qu’au profit de la partie ayant sollicité cette mesure et non à l’égard de de l’ensemble des parties à l’opération d’expertise, juge le Conseil d’État.

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Quelle signification papier d’une déclaration d’appel dématérialisée ?

Le 22 octobre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt, destiné à une large publication, à propos d’une déclaration d’appel effectuée par voie électronique que l’appelant a voulu signifier à l’intimé non constitué – donc par voie papier. Pour répondre à la question de savoir ce qui doit alors être signifié, l’arrêt met en œuvre les articles 901, 902 et l’article 748-3 du code de procédure civile, ainsi l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique (CPVE) dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, alors en vigueur, pris pour l’application des articles 748-1 et suivants et 930-1 du code de procédure civile (Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et européen, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd., 2020/2021, chap. 273 (à paraître). ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, sept. 2012 [actu. janv. 20]. ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, nos 485 s.).

Une société fait appel du jugement d’un tribunal de commerce, nécessairement par RPVA (art. 930-1 ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, op. cit., n° 295). Il faut déduire des arguments de l’appelant et des motifs des juges que l’intimé ne constitue pas avocat dans le délai d’un mois suivant la date de l’envoi de la lettre de notification effectuée par le greffe (art. 902, al. 1er et 2) ; que, dès lors, l’appelant doit lui signifier la déclaration d’appel par voie papier (art. 902, al. 3). Faute de signification conforme, un conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel (sanction prévue par le même alinéa). L’appelant défère à la cour d’appel l’ordonnance du CME. La juridiction du second degré confirme l’ordonnance. Pour ce faire, elle estime notamment que « la déclaration d’appel émise et signée par l’avocat [de l’appelant] et remise au greffe le 5 avril 2018 à 15h57, qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018, ne constitue pas la déclaration d’appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l’article 902 du code de procédure civile » ; elle juge aussi « par motifs réputés adoptés qu’“il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de la déclaration d’appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l’acte d’appel et qu’il ne mentionne même pas la cour d’appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le numéro de la déclaration d’appel, ni la chambre de la cour à laquelle l’affaire a été distribuée, ni le numéro du dossier au répertoire général” et, par motif propre, que “ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d’un avis d’avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour et des données saisies qui lui ont été adressées...

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Notification du certificat de vérification des dépens et effet interruptif du délai de prescription

Suivant l’arrêt du 11 avril 2013, la cour d’appel de Montpellier a prononcé la caducité d’une déclaration d’appel et a laissé les dépens de l’instance à la charge de l’appelant.

L’avocat de la société intimée introduit une requête aux fins de taxation le 20 juillet 2017. Le 26 juillet, il obtient du secrétaire de la juridiction un certificat de vérification des dépens qu’il notifie à l’appelant par lettre recommandée avec accusé de réception, le 28 juillet 2017.

L’appelant conteste ce certificat pour cause de prescription de l’action de l’avocat en recouvrement des dépens.

Par ordonnance du 27 juin 2019, l’action de l’avocat a été jugée prescrite au motif que les causes d’interruption de la prescription étant limitativement énumérées par les articles 2240 et suivants du code civil, la demande de vérification des dépens, qui n’est pas une demande en justice, et la notification du certificat de vérification des dépens, qui ne vaut pas acceptation ni reconnaissance par écrit de la dette, ne sont pas susceptibles d’interrompre la prescription extinctive.

L’appelant forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation. Ce dernier expose que le délai de prescription étant interrompu par la demande en justice, la notification du certificat de vérification des dépens, emportant acceptation par son auteur du compte vérifié, faite par lettre recommandée avec accusé de réception, avait valablement interrompu le délai de prescription de son action en recouvrement.

La question posée à la Cour de cassation était donc celle de savoir si la notification par...

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Contentieux climatique de Grande-Synthe : une décision plus prometteuse qu’historique

Le 19 novembre, le Conseil d’État a eu à traiter pour la première fois des questions de la nature et de l’intensité de l’obligation de l’État d’adopter des mesures pour se conformer à temps aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.

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Le commencement d’exécution s’apprécie indépendamment de la partie qui l’initie

On connaît la différence entre l’action en nullité et l’exception de nullité, la première susceptible d’être prescrite, l’autre étant perpétuelle en vertu de l’adage issu de la coutume quae temporalia sunt ad agendum perpetua sunt, ad excipiendum. Cette différence de régime était issue d’une lecture littérale de l’article 1304 ancien du code civil ; lecture littérale d’ailleurs assez critiquée par une partie de la doctrine (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2018, p. 638, n° 568). La réforme issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est venue consacrer cette exception de nullité et son régime à travers le nouvel article 1185 du code civil (v. N. Picod, La consécration de l’exception de nullité : un second souffle pour un adage séculaire ?, D. 2020. 2076 image). Mais l’exception de nullité ne peut pas jouer en cas d’exécution du contrat : si l’exécution s’est produite, l’anéantissement rétroactif ne peut plus produire d’effets. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 novembre 2020 précise toutefois ce que l’on doit entendre par ce commencement d’exécution.

Les faits étaient assez classiques dans le contentieux contractuel. Une personne physique et une société confient en mars et en juin 2009 à un agent immobilier un mandat de recherche en vue d’acquérir un terrain sur la commune de Cadaujac contre une commission de 12 000 € à la charge de l’acquéreur. Les vendeurs de deux propriétés en indivision situés sur cette commune donnent à leur tour mandat au même agent immobilier afin de les vendre cinq jours après le dernier mandat. Par acte sous seing privé du 29 juin 2009, les vendeurs consentent à la société – puis à la personne physique qui s’y est substituée – deux promesses de vente de leurs terrains. Les vendeurs sont toutefois défaillants et un procès-verbal de carence est dressé. La vente des deux terrains est réitérée par un acte authentique du 8 octobre 2010 au profit du bénéficiaire. Le 24 avril 2014, l’agent immobilier assigne donc l’acquéreur en paiement de la somme de 24 000 € au titre de ses commissions dues en exécution des mandats de recherche. L’acquéreur oppose la nullité des mandats de recherche à l’action intentée. La demanderesse invoque une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de nullité des mandats. La cour d’appel de Bordeaux répond alors « qu’il ne peut être retenu que M. T… a exécuté tout ou partie des obligations tirées des mandats de recherche, dès lors que Mme D… l’assigne en exécution forcée et pour le paiement de la totalité des commissions envisagées ». L’acquéreur se pourvoit en cassation en indiquant que l’exécution des mandats pouvait tout aussi bien émaner de l’agent immobilier lui-même pour ce qui concernait ses propres obligations. Le commencement d’exécution étant alors prouvé, la prescription pouvait retrouver son empire. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel pour violation de la loi. La solution est lapidaire : « le commencement d’exécution du mandat devait être apprécié indépendamment de la partie qui l’avait effectué ». Voici qui appelle plusieurs réflexions, non seulement sur le droit ancien, mais également sur le droit tel qu’issu des réformes de 2016 et de 2018.

Si le commencement d’exécution du contrat paralyse immédiatement l’exception de nullité, on peut toutefois hésiter sur les contours précis de cette notion. Or la Cour de cassation a en la matière opéré quelques rappels préalablement. Par exemple, la nature de l’obligation exécutée n’a aucune incidence pour caractériser un commencement d’exécution (Com. 13 mai 2014, n° 12-28.013, Dalloz actualité, 28 mai 2014, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2014. 1148 image ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki image ; RTD civ. 2014. 646, obs. H. Barbier image). M. Barbier indique à ce sujet : « quant à ce que dit l’arrêt, doit être approuvée la solution selon laquelle il est indifférent au blocage de l’exception de nullité que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité » (H. Barbier, Qu’est-ce au juste qu’un « commencement d’exécution » déjouant l’exception de nullité ?, RTD civ. 2014. 646 image). En ce qui concerne la nature de l’obligation exécutée, l’indifférence est donc de mise. On comprend aisément ce constat par la mise en marche de la machine contractuelle, laquelle doit suivre son cours, peu importe l’exception avancée. L’arrêt commenté aujourd’hui se place sur le terrain de l’acteur de l’exécution. On constate ainsi la construction par la Cour de cassation d’un régime objectif du commencement d’exécution. Pour que ce dernier puisse être reconnu, il suffit que le contrat commence à produire des effets par l’exécution de l’une des parties, peu importe sa qualité. En somme, en précisant « indépendamment de la partie qui l’avait effectué », la Cour vient apporter une nouvelle pierre à l’édifice des contours d’un commencement d’exécution apprécié objectivement. La solution doit probablement être accueillie avec bienveillance car ce n’est pas tant l’exécution par celui-ci ou celui-là qui importe, mais le statut du contrat au moment du litige. C’est précisément cette recherche dans le déclenchement de l’exécution qui est intéressante. On ne procède pas à une vérification plus poussée, laquelle méconnaîtrait l’ancien article 1304 du code civil.

Quel avenir pour cette décision face à la réécriture opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 ? Il faut voir cette solution comme parfaitement entérinée par le nouvel article 1185 du code civil, lequel précise : « L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. » Ce texte ne fait pas que consacrer l’exception de nullité et notamment son caractère perpétuel, assez mystérieusement absent du code civil de 1804. Il vient apporter la confirmation d’un régime objectif du commencement d’exécution. En parlant d’un contrat « qui n’a reçu aucune exécution », le texte ne distingue pas entre les exécutions faites par l’une des parties ou par l’autre. Or, si la loi ne distingue pas, il convient donc de ne pas distinguer. L’arrêt du 12 novembre 2020 vient donc parfaitement s’insérer dans une continuité jurisprudentielle qui a fait l’objet d’une codification en 2016 qui tient plus de la consolidation que de l’innovation comme le remarque madame Picod (art. préc., plus précisément dans l’introduction). En somme, voici donc une solution bienvenue rappelant que le commencement d’exécution s’apprécie indépendamment non seulement de l’obligation exécutée elle-même mais de la qualité de la partie qui l’a exécutée.

Covid-19 et juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale : nouvelles mesures

Pour lutter contre les conséquences de l’épidémie et du confinement sur le fonctionnement de la justice, le gouvernement a de nouveau adopté, le 18 novembre 2020, une ordonnance (n° 2020-1400 ; v., sur les mesures relatives à la copropriété qu’elle contient, P.-E. Lagraulet, Covid-19 : dossier de soin du patient copropriété, Dalloz actualité, 26 nov. 2020) et un décret (n° 2020-1405) portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale. Cette ordonnance, adoptée conformément à l’habilitation reçue par le gouvernement en application de l’article 10 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, réitère certaines mesures, mais pas toutes, prévues par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (v. C. Bléry, Épidémie de covid-19 : mesures de procédure civile, D. 2020. 780 image) telle que modifiée par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (v. G. Maugain, Coronavirus : complément aux règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, Dalloz actualité, 3 juin 2020).

Champ d’application

Champ d’application de l’ordonnance

Les articles 1er de l’ordonnance et du décret précisent le champ d’application des dispositions qu’elles contiennent. Matériellement, elles s’appliquent aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, c’est-à-dire à toute la matière civile, commerciale, sociale, fiscale, mais aussi en matière disciplinaire (v. en sens la circulaire qui avait accompagné l’ordonnance du 25 mars 2020 et dont les mesures sont pour l’essentiel réitérées par les textes nouveaux, Circ. DSJ/DACS, n° 02/20, 26 mars 2020).

Outre cette précision matérielle, il est précisé que les dispositions contenues par ces textes ne s’appliqueront qu’aux instances en cours au lendemain du jour de la publication de l’ordonnance, c’est-à-dire au 20 novembre 2020, et pendant une période ayant pour terme l’échéance du délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020. Celui-ci devant à ce jour prendre fin le 16 février 2021, par application de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, la période protégée devrait s’achever le 15 mars 2021 à minuit (et non le 16 mars 2021) si l’on s’en réfère à la méthode de computation des délais employée par le Conseil d’État (CE 10 avr. 2020, n° 439903, Dalloz actualité, 17 avr. 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 814 image) et le gouvernement (circ. interprétative du 17 avril) lors du premier confinement et au regard des dates finalement précisées lors des dernières ordonnances.


Mesures d’organisation des services judiciaires

Mécanisme palliatif au défaut de fonctionnement d’une juridiction du premier degré

L’article 2 de l’ordonnance permet une réorganisation du fonctionnement des juridictions afin de pallier l’incapacité de fonctionner d’une juridiction du premier degré, qu’elle soit partielle ou totale. Dans un tel cas, cette mesure, qui figurait à l’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020, confère le pouvoir au premier président de la cour d’appel de désigner par ordonnance, pour les affaires en cours à compter du 20 novembre, « après avis du procureur général près cette cour, des chefs de juridiction et des directeurs de greffe des juridictions concernées, une autre juridiction de même nature et du ressort de la même cour pour connaître de tout ou partie de l’activité relevant de la compétence de la juridiction empêchée ».

L’ordonnance doit déterminer la date de prise d’effet du transfert, la durée du transfert de compétence, celle-ci ne pouvant dépasser celle déterminée par l’article 1, et préciser les activités faisant l’objet du transfert de compétence.

L’ordonnance devra enfin, a minima, faire l’objet d’une publication dans deux journaux diffusés dans le ressort de la cour et être adressée aux bâtonniers des ordres des avocats des ressorts concernés ainsi qu’au Conseil national des barreaux pour diffusion.

Restriction de la formation de jugement

L’article 4 de l’ordonnance réitère certaines dispositions de l’article 5 de celle du 25 mars permettant à nouveau aux juridictions, sur décision de son président, de statuer à juge unique en première instance et en appel. Cette disposition s’applique à toutes les affaires qui lui sont soumises et dans lesquelles l’audience de plaidoirie ou la mise en délibéré dans le cadre de la procédure sans audience a lieu pendant la période juridiquement protégée fixée par l’article 1er de l’ordonnance. Aucun mécanisme d’opposition n’est prévu à cette décision.

L’article précise en outre dans cette situation une hypothèse particulière relative au conseil de prud’hommes pour lequel le président, sur avis du vice-président, peut décider que le conseil statue en formation comprenant un conseiller employeur et un conseiller salarié. Dans cette rédaction, il n’y a pas de doute sur le pouvoir (et donc le choix de son exercice), contrairement à la version antérieure qui pouvait être interprétée comme une obligation : « le conseil de prud’hommes statue » (v. en ce sens G. Maugain, art. préc.).

En cas de partage des voix, l’article précise que l’affaire devra être renvoyée devant un juge du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud’hommes. De la même manière qu’il avait été prévu lors de la première période d’urgence sanitaire, si le juge n’a pas tenu l’audience de départage au terme de la période juridiquement protégée fixé à l’article 1er de l’ordonnance, alors l’affaire est renvoyée à la formation restreinte présidée par ce juge.

Représentation des juges en exercice à l’assemblée générale du tribunal de commerce, du tribunal judiciaire et de la cour d’appel

L’article 7 du décret, en vue des assemblées générales des juridictions qui se tiennent en principe au mois de novembre (v. not. COJ, art. R. 212-23), permet d’augmenter le nombre de délégations que chaque mandataire peut recevoir. L’article 7, II, fixe ainsi ce seuil à deux procurations pour le mandataire chargé de représenter les juges à l’assemblée générale du tribunal de commerce et à cinq procurations pour la représentation des membres de l’assemblée générale du tribunal judiciaire et de la cour d’appel.


Mesures d’organisation des échanges

Forme des échanges entre les parties « simplifiée »

L’article 4 du décret, miroir de l’article 6 de l’ordonnance du 25 mars, dispose que les parties peuvent, par dérogation aux articles 671 et suivants du code de procédure civile, échanger leurs écritures et leurs pièces par « tout moyen dès lors que le juge peut s’assurer du respect du contradictoire ».

L’article 6 du décret permet également, par dérogation aux articles 1222 à 1223-1 du code de procédure civile, de communiquer par tous moyens le dossier d’un majeur protégé aux mandataires judiciaires à la protection juridique des majeurs. Il n’est toutefois pas possible d’employer cette mesure pour communiquer le certificat médical qui ne peut être consulté que selon les dispositions précitées du code de procédure civile.

Service du greffe

L’article 2 du décret du 18 novembre 2020 précise les modalités de communication de la décision de suppression de l’audience ou de l’audition (v. sur celle-ci infra). Dans un tel cas, comme l’article 4 de l’ordonnance de mars 2020 le prévoyait, le greffe communique l’information aux parties lorsqu’elles sont assistées ou représentées par un avocat via le « Portail du justiciable ». Dans les autres cas, les parties sont prévenues par lettre simple et, à défaut de comparaître à l’audience à laquelle l’affaire est renvoyée et si l’affaire n’a pas été citée à personne, la décision est « rendue par défaut ».

L’article 5 du décret prévoit également la réitération de la disposition de l’article 11-4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 permettant aux agents de service de greffe affectés à un service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) d’assurer la réception et la transmission par voie électronique de tous les actes en matière civile, lorsque la représentation n’est pas obligatoire. Elle permet aussi, et à nouveau, à ces agents en matière prud’homale de recevoir et transmettre selon cette forme requêtes, demandes, copie certifiée conforme, extrait et copie certifiée conforme revêtue de la forme exécutoire.

Ils pourront enfin recevoir les demandes d’aide juridictionnelle.

Dans tous les cas, la transmission électronique des documents devra être réitérée, avant qu’il ne soit statué sur la demande, par la production du document original sur support papier par son auteur.


Mesures graduées d’aménagement de l’audience

Aménagement des conditions d’accès au tribunal et aux débats

L’article 3 de l’ordonnance réitère deux mesures de l’article 6-1 de l’ordonnance du 25 mars 2020.

D’abord, l’article 3, I, confie aux chefs de juridictions le pouvoir de définir les conditions d’accès à la juridiction, aux salles d’audience et aux services qui accueillent du public. Une fois définies, ces conditions devront être portées à la connaissance du public « notamment » par voie d’affichage.

Ensuite, l’article 3, II, permet au juge ou au président de la formation de jugement de décider une restriction de la publicité des débats – lorsqu’ils sont maintenus (v. infra) – pouvant aller jusqu’à la fixation de leur déroulement en chambre du conseil, c’est-à-dire jusqu’à la suppression de la publicité de ceux-ci. Lorsque ce pouvoir est employé, son titulaire décide des conditions dans lesquelles les journalistes peuvent assister à l’audience, y compris en chambre du conseil.

Audience à juge unique

L’article 3 du décret complète le dispositif précédent en permettant au juge de la mise en état et au magistrat chargé du rapport pour les procédures avec représentation obligatoire devant la cour d’appel de tenir seul l’audience pour entendre les plaidoiries, à charge pour lui de rendre compte au tribunal. Ce dispositif s’applique aux procédures écrites ordinaires et aux procédures avec représentation obligatoire devant la cour d’appel.

Le même pouvoir est délégué au président du tribunal de commerce pour toutes les affaires entendues par sa juridiction. La dérogation tient ici à l’absence de faculté d’opposition des avocats contrairement au mécanisme connu du droit positif à l’article 805 du code de procédure civile.

Enfin, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 qu’elle reprend, la disposition nouvelle permet de porter cette décision à la connaissance des parties par tout moyen.

Audience dématérialisée

À l’instar de l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020, l’article 5 de l’ordonnance permet à nouveau au juge, au président de la formation de jugement et au juge des libertés et de la détention de décider que l’audience ou l’audition se tiendra en « utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle » (sic) permettant de s’assurer de l’identité des personnes y participant et de la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Comme l’ont très justement remarqué certains auteurs, il s’agit en fait d’un moyen de visioconférence et non d’une télécommunication audiovisuelle, sauf à ce que le législateur ait souhaité la reproduction des audiences à la télévision (v. R. Laher et C. Simon, La justice civile face au reconfinement : un air de déjà-vu, Lexbase hebdo, éd. priv., n° 845, 26 nov. 2020)… D’après le texte adopté, cette décision est insusceptible de recours, ce que le Conseil d’État n’avait pas estimé être, lors du premier confinement, une atteinte grave et manifeste aux droits de la défense (CE 10 avr. 2020, nos 439883 et 43982, M. Kebir, Coronavirus et adaptation du fonctionnement des juridictions judiciaires : rejet des référés devant le Conseil d’État, Dalloz actualité, 20 avr. 2020).

En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut décider de recourir à tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, à condition encore de pouvoir s’assurer de l’identité de la personne et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.

Dans les deux cas, l’article permet enfin que les différents protagonistes (juge, greffier, partie, etc.) se trouvent en des lieux distincts au moment de l’audience dématérialisée.

Procédure sans audience

L’article 6 de l’ordonnance réitère une mesure qui avait été promue par l’article 8 de l’ordonnance de mars 2020 et jugée constitutionnelle (Cons. const. 19 nov. 2020, n° 2020-866 QPC, D. 2020. 2297 image) malgré les vives critiques qui avaient été formulées à son encontre. La disposition délègue au juge ou au président de la formation de jugement le pouvoir de décider que la procédure se déroulera sans audience. Ce pouvoir exorbitant déroge aux mécanismes connus de la procédure civile qui autorisent un tel procédé mais seulement avec l’accord des parties. Ici, le juge décidera seul, sans accord ou avis préalable. Reste toutefois la faculté pour les parties de s’opposer à la décision prise, dans un délai de quinze jours, pouvant être réduit « en cas d’urgence », par le juge ou le président de la formation de jugement.

À défaut d’opposition, la procédure devient exclusivement écrite et la communication entre les parties est faite par notification entre avocats dans les délais impartis par le juge. Au contraire, en cas d’opposition, une audience devra être ultérieurement fixée mais le juge peut en décider la forme en renvoyant simplement l’audience à une date ultérieure ou décider de recourir à la forme électronique prévue à l’article 5 de l’ordonnance.

Enfin, comme précédemment, une audition, par tout moyen, est garantie pour les personnes hospitalisées dans le cadre des procédures relatives aux soins psychiatriques sans consentement. Cette disposition s’applique aux affaires mises en délibéré dans la période mentionnée à l’article 1er de l’ordonnance (v. supra).


Mesure d’aménagement de la prestation de serment

Prestation de serment par écrit

L’article 7 de l’ordonnance dispose enfin que les serments devant ordinairement être prêtés devant une juridiction pourront être présentés par écrit. La formule semble indiquer un mécanisme optionnel, mais, déjà, les services de l’ordre des avocats de Paris auraient indiqué le recours à cette modalité de prestation de serment.

Quoi qu’il en soit, lorsque la prestation est présentée par écrit, elle devra comprendre la mention manuscrite des termes de la prestation et sera déposée auprès de la juridiction compétente qui en accuse réception.


* * *

Restera, après avoir mis en œuvre ces mesures, à s’interroger, comme l’avait fait le professeur Vergès (E. Vergès, La justice civile à l’heure du confinement : une procédure dérogatoire du 21e siècle, Lexbase hebdo, éd. priv., 2020, n° 820) sur la portée dans le temps de ces mesures, dont certaines ont vocation à obtenir valeur législative après ratification (ou même sans ratification par application de la controversée décision du Cons. const. 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC, Dalloz actualité, 3 juin 2020, obs. E. Benoit ; AJDA 2020. 1087 image ; D. 2020. 1390, et les obs. image, note T. Perroud image ; RFDA 2020. 887, note C. Barthélemy image ; v. sur le sujet RTD civ. 2020. 596 image, obs. P. Deumier ; JCP 2020. 1267, obs. P. Avril et al. ; ibid. 718, obs. P.-E. Lagraulet ; v. égal. CE 28 sept. 2020, n° 441059, Lebon image ; AJDA 2020. 1826 image) alors que la procédure civile relève en principe du domaine réglementaire.

Covid-19 et juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale : nouvelles mesures

Afin d’assurer la continuité de l’activité juridictionnelle, l’ordonnance n° 2020-1400 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre président, entre autres, les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale.

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Attribution de la nationalité et Convention européenne des droits de l’homme

Plusieurs affaires portées devant la Cour de cassation le 4 novembre 2020 permettent de revenir sur la possibilité de contrôler la conventionnalité du droit de la nationalité.

Dans la première affaire (pourvoi n° 19-15.150), il était question d’une personne née à Djibouti en 1959. La cour d’appel de Pau a constaté son extranéité, au motif que l’intéressé ne démontrait pas avoir conservé la nationalité française au moment de l’indépendance de ce territoire. L’intéressé conteste cet arrêt en soutenant que les conditions de la conservation de la nationalité française à la suite de l’indépendance du Territoire français des Afars et des Issas (TFAI), telles qu’elles résultent de la loi du 20 juin 1977, constituent une violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cette loi soumet à une obligation de déclaration de reconnaissance de la nationalité française les seules personnes originaires du TFAI, à condition de surcroît qu’elles aient établi leur domicile à la date de l’indépendance dans le territoire de la République française. S’agissant là de critères discriminatoires fondés sur l’appartenance ethnique et/ou religieuse, la cour d’appel aurait violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne.

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 19-17.559), l’intéressé était né à Pondichéry en 1956 et son action déclaratoire de nationalité en raison de sa filiation avec un père français né sur le territoire de Pondichéry et une mère née en Inde anglaise et devenue française par mariage s’était aussi soldée par un échec. La cour d’appel de Paris, en application d’un traité bilatéral conclu entre la France et l’Inde en 1962, a considéré que l’intéressé n’était pas français.

Il a alors formé un pourvoi en cassation, arguant de la violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne. En effet, le traité de 1962 établit une distinction selon que la mère ou le père a perdu la nationalité française. Cette disposition, consacrant une inégalité entre les filiations paternelle et maternelle, entre l’homme et la femme, et entre les parents, reposant sur le sexe des parents, constituerait une disposition discriminatoire portant atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale. Le pourvoi soutenait encore que le traité bilatéral est contraire à la fois à la Convention multilatérale des Nations unies pour toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et au protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme énonçant des droits fondamentaux tels que l’égalité entre les parents vis-à-vis de leurs enfants.

Dans les deux affaires, la Cour de cassation rejette le pourvoi, en rappelant sa jurisprudence antérieure : « La détermination, par un État, de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors qu’est assuré le droit à une nationalité ». Elle confirme également que les règles du droit de la nationalité peuvent faire l’objet d’un contrôle au regard de l’article 8. Dans la première affaire, la cour d’appel avait affirmé que « les conditions d’attribution par un État de sa nationalité n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». La Cour de cassation estime que ce motif de la cour d’appel est erroné, mais surabondant, donc insusceptible d’entraîner la cassation. Dans la seconde affaire, elle retient que le moyen ne fait état d’aucune incidence concrète du traité de cession des établissements français de 1956 (et donc, du fait que l’intéressé n’a pas la qualité de Français en application du traité de 1962) sur la vie privée et familiale de l’intéressé. En outre, ce dernier n’a invoqué devant la cour d’appel ni la Convention des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ni le protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le moyen est donc nouveau et mélangé de fait, donc irrecevable. En revanche, la Cour de cassation ne semble pas exclure de manière générale un contrôle des dispositions françaises au regard des exigences posées par ces textes.

Par ces arrêts, la Cour de cassation confirme la position retenue en 2007 : la détermination, par un État, de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme dès lors qu’est assuré le droit à une nationalité (Civ. 1re, 25 avr. 2007, n° 04-17.632, D. 2007. 1343 image).

La Cour européenne de droits de l’homme (CEDH) avait fait entrer les questions de nationalité dans le champ d’application de la Convention européenne des droits de l’homme (v. not. CEDH 11 oct. 2011, n° 53124/09, Genovese c. Malte, AJ fam. 2011. 551, obs. M. Rouillard image ; Rev. crit. DIP 2012. 61, étude F. Marchadier image ; 26 juin 2014, nos 65941/11 et 65192/11, Labassée c. France et Mennesson c. France, Dalloz actualité, 30 juin 2014, obs. T. Coustet ; AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2014. 1797, et les obs. image, note F. Chénedé image ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; ibid. 1806, note L. d’Avout image ; ibid. 2015. 702, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 1007, obs. REGINE image ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2014. 499 image ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; Rev. crit. DIP 2015. 1, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon image ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser image ; ibid. 835, obs. J.-P. Marguénaud image ; 21 juin 2016, n° 76136/12, Ramadan c. Malte, Dalloz actualité, 4 juill. 2016, obs. B  Hérisset ; D. 2017. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; Rev. crit. DIP 2017. 221, note F. Marchadier image). De fait, même si la nationalité ne fait pas partie en tant que telle des droits protégés par la Convention européenne, elle constitue un élément de l’identité des personnes (donc elle relève de l’article 8 consacrant le droit au respect de la vie privée) et peut avoir des incidences sur la vie familiale de celui à qui elle est refusée ou retirée. Le jeu combiné des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme peut également conduire la CEDH à examiner les règles, étatiques ou supranationales, qui seraient potentiellement discriminatoires en matière de nationalité (comme dans l’affaire Genovese c. Malte préc.) mais aussi la mise en œuvre de ces règles (comme dans l’affaire Ramadan c. Malte préc.).

Le Conseil d’État a pris acte de cette position et a accepté d’intégrer l’article 8 de la Convention européenne dans sa jurisprudence en matière de nationalité (CE 12 déc. 2014, req. n° 367324, Associations juristes pour l’enfance et a., Dalloz actualité, 18 déc. 2014, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon image ; AJDA 2015. 357 image, note J. Lepoutre image ; ibid. 2014. 2451 image ; D. 2015. 355, et les obs. image ; ibid. 352, concl. X. Domino image ; ibid. 357, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon image ; ibid. 450, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image ; ibid. 649, obs. M. Douchy-Oudot image ; ibid. 702, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; AJ fam. 2015. 53, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RFDA 2015. 163, concl. X. Domino image ; RTD civ. 2015. 114, obs. J. Hauser image). La Cour de cassation, à partir de 2015 (v. Civ. 1re, 9 sept. 2015, JDI 2016, n° 4, p. 16, note H. Fulchiron et A. Panet), a commencé à admettre que le droit de la nationalité puisse faire l’objet d’un contrôle au regard de l’article 8 de la Convention. Elle confirme ici cette position, mais sans conclure à une violation, faute pour les intéressés d’avoir établi une incidence concrète sur leur vie privée et familiale de leur absence de nationalité française. Si le principe du contrôle des dispositions relatives à la nationalité était déjà admis (v. égal. Civ. 1re, 19 sept. 2019, n° 18-20.782, Dalloz actualité, 7 oct. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1833 image ; ibid. 2020. 298, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image ; ibid. 951, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2019. 651, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2019. 835, obs. A.-M. Leroyer image), il est ici confirmé par ces deux arrêts, ainsi que deux autres rendus le même jour sur des faits similaires à la seconde affaire (pourvois nos 19-17.561 et 19-17.560, Dalloz jurisprudence).

Attribution de la nationalité et Convention européenne des droits de l’homme

La Cour de cassation confirme que les dispositions relatives au droit de la nationalité pour les anciens territoires français, qu’elles soient issues de la loi française ou d’un traité international, sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle au regard des articles 8 et 14 de la Convention européenne.

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En mars 2016, le ministère public l’a assignée en nullité de cet enregistrement en soutenant que l’état de bigamie de son conjoint excluait toute communauté de vie.

Le tribunal de grande instance de Lille rejette la demande et la cour d’appel de Douai, par un arrêt du 17 janvier 2019, confirme le jugement qui refuse l’annulation de la déclaration d’acquisition de la nationalité française souscrite par l’épouse. Elle a estimé en effet que les conditions posées par l’article 21-2, et notamment la persistance de la vie commune, étaient remplies car, malgré le second mariage liant l’époux, la vie commune avec la première épouse n’avait pas cessé au jour de la déclaration et était caractérisée par le fait que les...

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Intervention volontaire du FGAO : exigence d’une instance victime contre responsable

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) est notamment amené à intervenir « pour indemniser les dommages corporels ou matériels résultant d’accidents causés par des personnes circulant sur le sol (piétons, cyclistes, skieurs, rollers, etc.), non assurées ou inconnues …. Concernant les accidents de la circulation, le FGAO intervient lorsque la victime est titulaire d’un droit à réparation contre un tiers inconnu ou non assuré. Sont donc exclues toutes les personnes n’ayant aucun débiteur (par ex. un conducteur ayant eu un accident seul) » (A. Cayol, L’assurance automobile, in A. Cayol et R. Bigot (dir.), Le droit des assurances en tableaux, 1re éd., préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 382).

Les dommages corporels sont indemnisés sans limite devant le FGAO. En revanche, « l’indemnisation des dommages matériels « ne peut excéder par sinistre la somme de 1 220 000 € » (C. assur., art. A. 421-1-1) et seulement si certaines conditions sont réunies : toute indemnisation est exclue lorsque l’auteur du dommage est inconnu et que l’accident n’a entraîné aucune conséquence corporelle (C. assur., art. L. 421-1, I), afin de limiter les risques de fraude » (ibid.). Plus largement, le champ d’intervention du Fonds de garantie connaît certaines limites, en particulier d’un point de vue procédural, ce qui est mis en lumière par un arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la deuxième chambre civile.

En l’espèce, le propriétaire d’un véhicule a souscrit une police d’assurance automobile auprès d’une société d’assurance par avenant à effet du 4 juillet 2009. Peu de temps après, le 28 novembre 2009, ce véhicule, conduit par son propriétaire, est impliqué dans un accident de la circulation à l’occasion duquel un tiers est blessé.

Par arrêt du 11 avril 2011, après que l’enquête pénale ait révélé que le véhicule impliqué a été modifié et son moteur remplacé, le conducteur est condamné pénalement des chefs de blessures involontaires et de mise en circulation d’un véhicule non réceptionné ou non conforme à un type réceptionné.

L’assureur l’assigne en annulation du contrat d’assurance et en remboursement des indemnités versées à la victime. Dans un premier temps du procès, la demande de l’assureur est accueillie. Dans un second temps, le FGAO intervient volontairement à l’instance, devant la juridiction de renvoi.

Considérant que le Fonds de garantie n’avait pas d’intérêt à intervenir dans l’instance au titre de laquelle l’assureur poursuivait la nullité du contrat d’assurance souscrit par son assuré, la cour d’appel de Dijon a déclaré...

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Pas de vidéo-audience pour les cours d’assises et les cours criminelles

La possibilité de recourir à la visio-conférence après la fin de l’instruction à l’audience devant les juridictions criminelles porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

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Les députés musclent les peines alternatives pour favoriser leur prononcé

Jeudi, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur la justice, centrée sur les procédures et peines alternatives. Ce texte, porté par le député Dimitri Houbron (Agir), vise d’abord à muscler les alternatives aux poursuites, afin d’éviter les simples rappels à la loi, mais contient des mesures très diverses.

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Les députés musclent les peines alternatives pour favoriser leur prononcé

Jeudi, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur la justice, centrée sur les procédures et peines alternatives. Ce texte, porté par le député Dimitri Houbron (Agir), vise d’abord à muscler les alternatives aux poursuites, afin d’éviter les simples rappels à la loi, mais contient des mesures très diverses.

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Les députés musclent les peines alternatives pour favoriser leur prononcé

L’article premier élargit le champ des mesures d’alternatives aux poursuites, qui permettent au parquet de proposer des sanctions afin d’éviter un procès. Actuellement, le procureur peut déjà demander à l’auteur de réparer le dommage qu’il a causé, de se soigner, d’effectuer un stage ou de ne pas paraître dans certains lieux. En cas de non-exécution des mesures, des poursuites peuvent être engagées.

L’article rajoutera la possibilité de saisir la chose ayant servi à commettre l’infraction, l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes ou les coauteurs et l’obligation de verser une « contribution citoyenne » à une association d’aide aux victimes (jusqu’à 3 000 €). L’auteur pourra aussi être contraint de transiger avec le maire (la mesure vise les dégradations).

L’article 1erbis vise la composition pénale, plus contraignante que les alternatives aux poursuites et soumise normalement à une validation par un magistrat du siège. Le nombre maximal d’heures de travail non rémunéré passera de soixante à cent et l’article permettra d’imposer à l’auteur des faits un stage de responsabilité parentale. Il étend aux infractions contraventionnelles la procédure de validation sans juge du siège.

Déjudiciariser le TIG

L’article 2 porte sur le travail d’intérêt général (TIG). Sauf décision contraire, ce n’est plus le juge de l’application des peines qui déterminera les modalités d’exécution du TIG, mais le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Le juge restera compétent pour suspendre le délai d’exécution des TIG. C’est également le directeur du SPIP qui listera les TIG susceptibles d’être accomplis dans le département, après avis du juge. L’examen médical préalable sera supprimé, sauf cas particulier lié au condamné ou à la nature des travaux.

L’article 3 crée un dispositif d’amende forfaitaire minorée pour les contraventions de cinquième classe (montant habituel : 200 €).

L’article 3 bis étend l’obligation de dénonciation des conducteurs pour les véhicules de société, afin de combler une faille concernant les autoentrepreneurs.

Enfin, l’article 4 simplifie les règles de constat du désistement d’appel devant la cour d’assises. Concernant la chambre criminelle de la Cour de cassation, il retarde la désignation d’un conseiller rapporteur. Enfin, il harmonise la durée au cours de laquelle les demandeurs en cassation peuvent déposer leur mémoire personnel.

Actualités assurance chômage : censure par le Conseil d’État et prolongation d’indemnisation

Le Conseil d’État censure le règlement d’assurance chômage issu du décret du 26 juillet 2019. Sont en particulier annulés le dispositif du bonus-malus ainsi que les dispositions relatives au calcul du salaire journalier de référence. L’ordonnance n° 2020-1412 du 25 novembre 2020 vient prolonger dans le même temps l’indemnisation des chômeurs en fin de droit.

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« Je veux que ces personnes prennent la culpabilité qui est sur moi »

D’un trait de jargon ampoulé, et qui ne s’encombre pas de grammaire, la présidente annonce « l’unique dossier dont s’agit ce jour », mais n’enchaîne sur rien. Elle passe en revue la salle d’audience d’un œil noir surmonté d’un sourcil en accent circonflexe. Les avocats échangent des regards désemparés, inspectent soigneusement rabats et épitoges, puis se tournent vers les bancs du public, il est vrai singulièrement combles pour la période. Ce n’est pas le problème : les parties civiles ont pris place du côté des prévenus, et inversement. On va sans doute avoir un petit souci de gestes barrières : « Les personnes font attention de ne pas se croiser de trop près ! », commande-t-elle en pure perte au ballet si invraisemblablement brouillon que c’en est comique.

Comique, le dossier l’est moins. Un dimanche de janvier 2014, Vivien embarque son pote Baptiste pour une virée dans sa nouvelle voiture, une citadine survitaminée (200 chevaux) acquise cinq jours et 450 km plus tôt. Monotone, la départementale de l’Essonne est ponctuellement égayée par de grandes courbes. C’est dans l’une d’elles que l’arrière décroche brusquement. Devenue incontrôlable, la voiture percute celle de Sylvie, qui roule en sens inverse, et termine sa course en plein champ, quasiment coupée en deux par la violence du choc. La ceinture de Baptiste rompt : projeté à plus de 20 m de la carcasse, il décède peu après, sur les lieux, à 24 ans. Les ITT des deux autres se comptent en mois. Les dépistages sont négatifs, mais une caméra de surveillance, 200 m en amont, permet d’estimer à 140 km/h la vitesse de Vivien. Initialement prévenu, ce dernier est relaxé en 2016 par le tribunal correctionnel (conformément aux réquisitions du ministère public), même si un renvoi sur intérêts civils est toujours pendant.

Pour comprendre, il faut remonter au printemps 2013. Accidentée par un précédent propriétaire, la voiture atterrit chez un épaviste. Arnaud, chauffeur poids lourd salarié d’une entreprise de négoce automobile, passe par là, la trouve « magnifique, quasiment neuve » et s’en porte acquéreur, moyennant 4 000 €. Il sait qu’elle fait l’objet d’une procédure « véhicule endommagé » (VE). Concrètement, le certificat d’immatriculation est bloqué en préfecture, et seul un expert en automobile peut obtenir la mainlevée de la mesure, après avoir soigneusement suivi et contrôlé les travaux de remise en état. Arnaud bricole la voiture lui-même, dans son pavillon, avec des pièces d’occasion. Il fait quelques balades avec, mais lorsqu’il demande des devis d’assurance, c’est la douche froide : il n’a pas les moyens.

Il la revend 8 000 € à son patron, Franck. Qui la cède à son tour à Vivien, pour 10 000 €, par l’intermédiaire d’un garage prête-nom, une coquille vide. C’est Alexandre, un expert soupçonné d’avoir été peu contrariant, qui permet ce tour de passe-passe en donnant son feu vert à la préfecture. Pris de panique à la suite de l’accident mortel, il tente dans un second temps d’étoffer son maigre dossier, en moissonnant fausses attestations, fausses factures et photos qualifiées de « douteuses ». Arnaud le bricoleur, Franck le patron et Alexandre l’expert sont nos trois prévenus du jour. Ils sont poursuivis, notamment, pour homicide involontaire, blessures involontaires, escroquerie en réunion, établissement et usage de faux certificat, mise en danger…

En première instance, en comparution immédiate (!), tous trois sont partiellement relaxés, notamment du chef de mise en danger (conformément aux réquisitions du parquet). Mais écopent pour le surplus de peines mixtes (jusqu’à quatre ans dont deux ferme), d’amendes, et d’interdictions professionnelles définitives assorties de l’exécution provisoire. Sur les bancs des parties civiles, Vivien le conducteur et plusieurs membres de la famille de feu son passager Baptiste font bloc, et sont même représentés par un seul et même avocat. Depuis des années maintenant, les deux camps s’envoient dans les dents des expertises admirablement contradictoires (le dossier en compte sept). Deux d’entre elles, judiciaires, retiendront particulièrement notre attention.

La première remonte à 2016. Elle conclut que le mauvais serrage du train arrière d’occasion peut avoir provoqué l’accident et que la mauvaise soudure des ailes arrière (il est même question d’un « simple collage ») peut en avoir aggravé les conséquences. Chose rare, on peut assister aux opérations, puisque les caméras d’une émission de « télévision gyrophare » sont justement à l’époque en immersion au sein du service enquêteur. Sur les images, on voit effectivement un expert judiciaire. Les mains dans les poches, il répond aux questions de l’équipe de tournage, tandis qu’un mécanicien s’affaire à désolidariser ce qu’il reste du fameux train arrière de l’informe amas de tôle froissée. Au moment d’achever l’opération, le mécano lance benoîtement une phrase du genre : « Ben dis donc, c’était pas très serré. » Puis un pilote d’essai de la marque passe dans la courbe avec une voiture identique, mais flambant neuve : ô surprise, il ne termine pas dans le champ à son tour. Tout cela semble peu probant, mais n’empêche pas un aréopage d’enquêteurs de se presser au micro. Faisant écho au bandeau criard du bas de l’écran, ils évoquent avec assurance, qui « une vraie épave », qui « un cercueil ambulant ».

L’autre expertise importante est la dernière en date, facturée cinquante-six mille euros. Elle n’est pas triste non plus, d’autant que l’épave a malencontreusement été égarée dans l’intervalle. Les deux experts ont pris une voiture identique, en ont desserré le train arrière au pifomètre, et l’ont lancée à deux ou trois reprises sur un parcours en plots de chantier reproduisant sur circuit le rayon de la funeste courbe, sans que le conducteur perde le contrôle. Leurs conclusions sont diamétralement opposées aux premières : elles mettent le serrage du train arrière hors de cause, considérant qu’il n’a pu bouger « en dehors des limites du constructeur », et concédant tout juste un éventuel « microbraquage », d’un angle de l’ordre du tiers de degré. Nous voici donc bien avancés.

Les experts ont fait des pieds et des mains pour venir déposer en personne, ce qui est rare hors assises. Ils concèdent que « les ailes auraient pu un jour se dessouder, constituer une partie saillante et blesser un piéton », comme le train arrière d’ailleurs : « à terme, ça aurait pu rompre ». Mais ils affirment qu’aucun de ces défauts ne peut avoir eu la moindre conséquence « dans ces circonstances précises » : « Aucune voiture ne peut tout simplement résister à un choc à une vitesse cumulée de 200 km/h. » Arnaud, le bricoleur, explique à la barre que, « pour moi, j’ai effectué les travaux correctement » et ajoute : « Ce qui est triste, c’est qu’une personne soit morte, mais je ne me sens pas responsable. » On passe à Franck, le patron. Il a un temps déclaré, sur procès-verbal, que, « si je lui avais dit pour la procédure, ça l’aurait refroidi. Si on devait prévenir le client à chaque fois, on ne vendrait jamais aucun véhicule ». Mais il affirme maintenant avoir clairement informé Vivien (qui a lui aussi changé à plusieurs reprises de version sur ce point) des antécédents de la voiture. L’avocate générale se lance :

— Vous dites que la mention figurait sur le bon de commande et la facture…

— Oui, je n‘avais pas beaucoup de place, et je ne savais pas quoi mettre, alors j’ai marqué « procédure expert ».

— Et pourquoi ne rien avoir précisé sur le certificat de cession ?

— Parce qu’il n’y avait pas d’emplacement.

— Mais rien n’interdit, une fois qu’on a imprimé le document, de prendre sa petite menotte et d’ajouter une mention.

— Je ne savais pas si on avait le droit.

— Je ne pense pas qu’on vous aurait poursuivi pour cela.

Alexandre, l’expert, explique que, « si j’ai signé, pour moi, c’est qu’il n’y avait pas de problème ». Quasiment toutes ses réponses débutent par le même laïus (« Conformément à l’article X de la circulaire Y […] »), ce qui exaspère manifestement le tribunal. Il concède finalement que « le rapport que j’ai transmis à la préfecture était entaché d’erreurs ». « On met au moins “erreurs” au pluriel, vous nous accordez cela ? », demande la présidente à Alexandre, qui concède. Il raconte enfin que « quand les gendarmes m’appellent, je prends le dossier, je vois qu’il manque des pièces, et je panique ».

De son côté, Vivien raconte que, « depuis tout ça, je n’ai plus confiance en moi, j’ai tout le temps l’impression qu’on me trompe. Je veux que ces trois personnes prennent la culpabilité que j’ai sur moi ». L’avocate générale indique pour sa part qu’elle entend solliciter une requalification de l’escroquerie : elle penche pour une tromperie aggravée sur les qualités substantielles de la chose vendue du code de la consommation (art. L. 454-3), même si l’un des trois coprévenus n’a pas vraiment agi comme professionnel. Menaçant de demander trois heures de suspension pour se plonger dans un code, l’un des avocats de la défense tonne : « J’aurais bien aimé qu’on nous en avertisse ! Ça nous met en difficulté, on se retrouve au pied du mur ! » Imperturbable, l’avocate générale rétorque : « Il faut bien que les débats servent à quelque chose ».

Un avocat des parties civiles se lance dans une plaidoirie un peu décalée : « Les Anglo-Saxons disent que “la preuve du cake, c’est qu’on le mange”. Eh bien, la preuve qu’il y avait un problème avec cette voiture, c’est qu’elle est sortie de la route. » Il invoque Coluche : « C’est l’histoire d’un mec qui a perdu ses clés, et les cherche au pied d’un réverbère. Pas parce qu’il les a perdues là, mais parce que c’est le seul endroit éclairé de la rue. Cet “effet réverbère” est un biais méthodologique qui résume bien [le travail des experts], puisqu’ils n’avaient plus ni le train arrière ni la voiture. » La plaidoirie suivante est sur la même ligne : « C’est exactement comme faire une autopsie sur un corps qui n’est pas le bon. »

Avant de requérir sa fameuse requalification, et finalement les mêmes peines qu’en première instance, l’avocate générale consacre plusieurs minutes à déplorer la relaxe, devenue définitive depuis un bail, de Vivien, le conducteur : « J’aurais préféré qu’il y ait un appel du parquet [sur ce volet], mais c’est lui qui a requis la relaxe, pour que la cour ait une vision d’ensemble du dossier. Si vous ne reteniez pas l’homicide involontaire et les blessures involontaires, il n’y aurait [pénalement] plus aucun responsable pour cette mort et ces blessures ! » Un avocat de la défense s’en prend à l’un de ses confrères adverses : « On n’est pas là pour faire exclusivement de l’émotion […]. Il est dans la démagogie, en voulant conforter son client [Vivien] dans l’idée qu’il n’y est pour rien, [ce qui est] faux ! ».

Le suivant prend pour cible l’avocate générale : « On n’est pas là pour condamner quelqu’un parce qu’il faut que quelqu’un soit condamné ! » C’est le conseil d’Alexandre, qui sollicite pour son client une dispense de peine, « pour qu’il puisse redevenir expert. J’ai trouvé des cas avec des centaines et même des milliers de faux, et qui ont pris une interdiction de cinq ans seulement ! » Il insiste sur le fait que, faits après coup, les faux en question n’ont pas servi à remettre la voiture en circulation, et n’ont donc aucun lien de causalité avec l’accident. Le dernier à prendre la parole est l’avocat d’Arnaud, le bricoleur. Après avoir déploré « un gâchis judiciaire », il s’interroge sur le concours de préventions : « L’homicide involontaire et les blessures involontaires ne sont jamais qu’une mise en danger dont le danger s’est réalisé. C’est une infraction non intentionnelle, OK, mais où se trouve l’obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ? » Il ne plaide quasiment que par des questions, notamment sur la tromperie : « Comment [Arnaud] peut-il vouloir tromper une personne dont il ne connaît même pas l’existence ? » Il plaide « une relaxe complète ». Délibéré à six semaines.

« Je veux que ces personnes prennent la culpabilité qui est sur moi »

Sept heures d’audience. Il n’est pas si courant qu’un accident de la route, même mortel, occupe aussi longuement la cour d’appel de Paris. Mais il fallait bien cela pour se pencher sur dix appels principaux ou incidents, un embrouillamini d’expertises et une impasse procédurale.

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Signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile : nouvel arrêté

Par un arrêté du 20 novembre 2020, le ministre de la Justice a signé un arrêté (JUST2030158A) relatif à la signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile. Cet arrêt offre le cadre technique de la signature électronique de ces décisions et pourrait préfigurer celui nécessaire au développement du dossier pénal numérique.

Un grand pas pour la justice civile

Le contexte

L’arrêté du 20 novembre 2020 intervient notamment dans le cadre du règlement (UE) 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et de la décision d’exécution (UE) 2015/1506 de la commission du 8 septembre 2015 établissant les spécifications relatives aux formats des signatures électroniques avancées et des cachets électroniques avancés devant être reconnus par les organismes du secteur public visés à l’article 27, § 5, et à l’article 37, § 5, du règlement 910/2014 précité.

Il est par ailleurs pris au visa des articles 1366 et 1367 du code civil qui prévoient notamment que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier et qui fixe le cadre de l’identification de l’auteur de la signature électronique, de l’article R. 123-5 du code de l’organisation judiciaire relatif à la tenue du registre des délibérations, de l’article 456 du code de procédure civile prévoyant que le jugement peut être établi sur support électronique, ainsi que du décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l’application des articles 9, 10 et 12 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

Le contenu

Le texte prévoit notamment que tout procédé utilisé pour apposer une signature électronique sur les décisions juridictionnelles mentionnées à l’article 456 du code de procédure civile met en œuvre une signature électronique qualifiée au sens du règlement européen 910/2014 susvisé.

Il s’appuie sur un dispositif de création de signature qualifiée et de certificat qualifié reposant sur l’identification de l’agent sécurisée par la combinaison d’un dispositif d’identification strictement personnel et d’un mot de passe.

Ainsi, la signature électronique contient l’identification du signataire, un jeton d’horodatage garantissant l’intégrité du document et la date de signature et un certificat de signature électronique qualifié et valide, délivré par le ministère de la Justice. Par ailleurs, la signature électronique de la décision juridictionnelle contient la liste des certificats révoqués de l’autorité de certification qui a émis le certificat électronique identifiant le signataire. Cette signature électronique de la décision juridictionnelle garantit que toute modification ultérieure du document est détectable et la signature effectuée sur la base d’un certificat dont la révocation a été demandée est nulle même si la publication de ce certificat sur la liste des certificats révoqués n’est pas encore intervenue.

L’arrêté prévoit que les formats de signature reconnus sont ceux mentionnés en annexe de la décision d’exécution 2015/1506 de la Commission susvisée respectant les exigences des articles 1er et 2 de cette décision.

Enfin, le texte indique que la décision juridictionnelle signée électroniquement est conservée dans un minutier électronique placé sous la responsabilité du directeur du greffe pendant les durées d’utilisation comme archives courantes et de conservation comme archives intermédiaires prévues à l’article R. 212-13 du code du patrimoine. Pendant ces durées, ce minutier garantit l’accessibilité, la lisibilité, l’intégrité, la sécurité et la confidentialité des décisions juridictionnelles signées électroniquement.

Il est prévu que, dans un délai maximum de trois ans à compter de sa signature, la décision juridictionnelle signée électroniquement est transférée automatiquement dans un système d’archivage électronique sécurisé. Celui-ci permet d’étendre la fiabilité des signatures électroniques qualifiées au-delà de la période de validité technologique par les quatre moyens suivants :

• l’identification de chaque décision juridictionnelle signée électroniquement par une empreinte électronique, garantissant que toute modification ultérieure de la pièce à laquelle elle est attachée soit détectable ;

• la traçabilité des opérations de consultation, de versement, de migration, d’effacement et d’extraction ;

• la traçabilité des opérations de migration requises pour assurer la lisibilité dans le temps de la décision juridictionnelle sous format numérique, afin de prouver qu’elles ne constituent pas une altération de son contenu ou de sa forme. Après la migration, le système d’archivage électronique génère une nouvelle empreinte électronique de la décision juridictionnelle sous format numérique ;

• la conservation des empreintes et des traces générées en application des alinéas précédents aussi longtemps que la décision juridictionnelle sous format numérique à laquelle elles se rattachent et dans des conditions ne permettant pas leur modification.

Une étape importante de la digitalisation de la justice

Cet arrêté constitue une étape importante dans la digitalisation de la justice civile. En effet, ce processus de signature électronique permet l’édition de décisions civiles (tribunaux judiciaires, conseils de prud’hommes et cour d’appel, à l’exclusion à l’heure actuelle des tribunaux de commerce, qui disposent d’une autonomie certaine) sans qu’il soit nécessaire de les imprimer, de les signer manuellement puis de les numériser pour notification et archivage.

Il fait écho à l’arrêté du 18 octobre 2013 relatif à la signature électronique des décisions de justice rendues en matière civile par la Cour de cassation (le premier arrêt signé électroniquement date du 13 octobre 2013) et à l’arrêté du 9 avril 2019 relatif à la signature électronique des décisions rendues par les tribunaux de commerce (v. Y. Broussole, Les principales dispositions de l’arrêté du 9 avril 2019 relatif à la signature électronique des décisions rendues par les tribunaux de commerce, LPA 20 sept. 2019, n° 147, p. 12).

Ce processus engendrera donc nécessairement des gains de temps, mais également de lisibilité en regard de la mise en œuvre de l’open data. Il doit également permettre de simplifier les formalités de notification et pour les avocats de gestion du courrier et de leurs archives.

Il s’appuie sur un dispositif d’authentification de la signature électronique normalisé au niveau européen permettant également de favoriser la sécurité et la fiabilité des décisions et leur reconnaissance mutuelle notamment au sein de l’Union européenne en vertu de l’article 81 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il faut toutefois tenir compte du fait que la mise en œuvre juridictionnelle effective de cet arrêté nécessitera encore un certain temps. En effet, à l’instar de la situation dans les tribunaux de commerce, qui devraient pouvoir appliquer ce dispositif dans le courant du premier semestre 2021, un temps d’adaptation technique et pratique s’avérant nécessaire pour traduire sur le plan opérationnel l’ensemble des mesures arrêtées selon un schéma directeur bien structuré dans son principe. Souhaitons que la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel puisse intervenir à bref délai.

Un horizon pour la justice pénale ?

Ce dispositif peut naturellement préfigurer sa mise en œuvre en matière pénale dans le cadre du dossier pénal numérique tel que prévu par le décret n° 2020-767 du 23 juin 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « dossier pénal numérique ».

Ce décret permet une transition du dossier pénal numérique par voie de dématérialisation, en cours, à une procédure exclusivement numérique permettant l’édition des actes de procédure sous une forme exclusivement numérique.

En effet, ce chantier majeur que nous appelons de nos vœux de longue date (T. Cassuto, La signature électronique en matière pénale : révolution en suspens ou rendez-vous manqué ?,  AJ pénal 2017. 490 image) avance sur un autre rythme compte tenu notamment des contraintes liées à la protection des données personnelles. Ainsi, il peut être souligné que le décret du 23 juin a été pris au visa du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 dit RGPD et de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 qui l’accompagne relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données.

Ce décret, pris après les avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en date du 12 mars 2020 et du comité technique spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires en date du 15 mai 2020 instaure donc le cadre général du contenant futur des procédures pénales.

Certains pays se sont déjà dotés de tels outils et il ne saurait être contesté qu’un tel dossier pénal numérique présente de très nombreux intérêts tant pour les professionnels de la justice (T. Cassuto, Objectiver la preuve grâce au numérique, Revue justice actualités n° 21, juin 2019, p. 134) que pour les justiciables.

Il doit permettre d’alléger les tâches de traitement des procédures, notamment de manutention, d’améliorer la qualité des procédures, la conservation de la qualité des preuves, notamment des images recueillies, et par conséquent leur efficacité et leur célérité. En effet, en libérant des énergies et des ressources, il permet d’envisager un traitement accéléré des procédures dans un environnement plus sûr, singulièrement dans le contexte sanitaire que nous connaissons.

Au-delà, il pourrait permettre de favoriser le traitement de situation complexe nécessitant par exemple des recoupements d’informations (meurtres en série, activités d’organisations terroristes protéiformes, délinquance financière et traitement des avoirs criminels, etc.).

Il demeure que l’architecture du dossier pénal numérique doit encore être complétée afin de garantir l’interopérabilité des services, la sécurité des procédures et l’authentification des actes. À cet égard, le recours à un procédé d’authentification et de certification robuste des signatures concourra certainement à renforcer la nécessité de disposer d’un niveau de sécurité des plus élevés outre celle d’une protection de l’intégrité de l’ensemble de la procédure.

Ainsi, les progrès réalisés en matière civile doivent servir d’accélérateur de la modernisation de la procédure pénale numérique qui appelle à être parachevée au plus vite afin d’assurer sa mise en œuvre effective au plus vite.

Vers une accélération de la digitalisation des systèmes et de leur interopérabilité dans le cadre de la coopération judiciaire européenne

L’accélération nécessaire de la modernisation électronique des procédures civiles et pénales pourrait être favorisée par le cadre général européen appelé à se développer notamment sous l’impulsion de la Commission européenne. En effet, le 27 mai 2020, dans sa communication L’heure de l’Europe : réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération (COM[2020]456 final), la Commission soulignait l’importance de la digitalisation de la justice comme source d’amélioration de l’accès à la justice et le fonctionnement de l’environnement des entreprises.

Sur cette base, le 30 juillet 2020 (Feuille de route – Ares[2020]4029305), la Commission avait arrêté une feuille de route mettant en évidence la problématique de procédure judiciaire essentiellement papier et utilisant des modes de transmission affectant l’accès à la justice au préjudice des citoyens et des entreprises, et ce d’autant plus dans un environnement dégradé du fait de la crise sanitaire (v. The 2020 EU Justice scoreboard). Il est souligné en particulier les réticences au changement. Dans cette feuille de route, il est mis en évidence que la digitalisation de la justice est une condition importante pour améliorer la qualité des systèmes judiciaires en matière civile et pénale, notamment dans un contexte de criminalité transnational, ainsi qu’a pu le constater Europol.

La Commission a ainsi lancé une consultation devant conduire à l’adoption d’une communication sur la digitalisation de la justice qui devrait être présentée le 2 décembre 2020 dont l’objectif annoncé est notamment d’accélérer la digitalisation des systèmes et leur interopérabilité dans le cadre de la coopération judiciaire qui constitue la base juridique de l’action de l’Union européenne.

Il peut être souligné que la Commission saisit l’opportunité de cette démarche pour intégrer les avancées de l’intelligence artificielle (IA) et de la blockchain dont la mise en œuvre raisonnée pourrait apporter des solutions utiles. En effet, il dessine progressivement un consensus sur l’intérêt de l’IA comme outil susceptible de contribuer au fonctionnement de la justice, non certes en vue d’une autonomisation de la prise de décision, mais dans l’assistance à son élaboration (nonobstant sa mise en œuvre effective dans les cabinets d’avocat au moyen d’outils dédiés). Ces évolutions pourront bénéficier de la promotion d’un encadrement juridique de l’IA par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

Signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile : nouvel arrêté

Un arrêté du 20 novembre 2020 relatif à la signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile a été publié au Journal officiel du 22 novembre.

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Licenciement concomitant à l’action en justice du salarié : la délicate question du régime probatoire

Le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celui-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

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Action contre un copropriétaire : détermination du juge compétent dans l’Union

La Cour de justice de l’Union européenne se penche, en application du règlement Bruxelles I bis, sur les difficultés procédurales liées à la mise en œuvre d’une action engagée par un copropriétaire d’un bien situé dans un État membre contre un autre copropriétaire localisé dans un État membre différent.

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Action contre un copropriétaire : détermination du juge compétent dans l’Union

La Cour de justice de l’Union européenne se penche, en application du règlement Bruxelles I bis, sur les difficultés procédurales liées à la mise en œuvre d’une action engagée par un copropriétaire d’un bien situé dans un État membre contre un autre copropriétaire localisé dans un État membre différent.

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Action contre un copropriétaire : détermination du juge compétent dans l’Union

Une société établie au Royaume-Uni est propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété situé en Autriche. Elle loue cet appartement à des vacanciers.

Un autre copropriétaire conteste devant un juge autrichien la possibilité de ce type de location, qui serait selon lui contraire à l’affectation de l’immeuble.

La compétence du juge est contestée. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est alors saisie de deux questions préjudicielles qui lui permettent de se prononcer sur les règles de compétence applicables dans une telle situation. Son arrêt du 11 novembre 2020, rédigé dans un style clair et concis et qui emporte la conviction, envisage deux qualifications, selon que l’on considère qu’il s’agit d’une action en matière de droits réels immobiliers ou d’une action contractuelle.

1. La première qualification résulte des dispositions de l’article 24, point 1, du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale : en matière de droits réels immobiliers (et de baux d’immeubles), sont seules compétentes les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé, sans considération de domicile des parties.

La jurisprudence est régulièrement appelée à se prononcer sur la portée de ces dispositions. Il est ainsi acquis que cette compétence englobe non pas l’ensemble des actions qui concernent des droits réels immobiliers, mais seulement celles qui, tout à la fois, entrent dans le champ d’application de ce règlement et tendent, d’une part, à déterminer...

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