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L’indemnité d’occupation due par le preneur à compter de l’expiration du bail commercial doit être fixée en fonction de la valeur locative sans appliquer la règle du plafonnement du loyer.

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Droit d’auteur et RGPD : le recueil systématique d’adresses IP est licite

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision dans laquelle elle décide, entre autres, que le recueil systématique, par un titulaire de droits, des adresses IP des internautes prenant part à des réseaux de peer-to-peer était conforme au RGPD.

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Les aventures de Tintin et les 55 œuvres de Peppone

Les 55 œuvres de Peppone, parmi lesquelles des bustes et des fusées, constituent des contrefaçons des droits dont sont titulaires respectivement l’ayant droit d’Hergé et la société Moulinsart sur l’œuvre d’Hergé.

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Contentieux des dépendances du domaine public français situées à l’étranger

Le juge administratif est compétent pour connaître des litiges relatifs à un contrat comportant occupation de dépendances du domaine public français situées à l’étranger, alors même que le contrat stipule expressément qu’il est régi par la loi étrangère.

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Violation d’une clause de non-concurrence par un ancien salarié : compétence du juge des référés commercial

Dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés commerciales, pour statuer sur la validité et sur la violation de la clause de non-concurrence souscrite par le salarié de l’une d’elles qui recherche la responsabilité de l’autre pour complicité de la violation de cette clause, le juge des référés commercial, dont la décision présente un caractère provisoire, ne se prononce pas sur le fond.

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Retour sur le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions en matière de crédit à la consommation

On connaît le célèbre triptyque auquel doivent bien souvent satisfaire les sanctions du droit de la consommation au regard de l’Union européenne : celles-ci doivent être effectives, proportionnées et dissuasives (v. à ce sujet, M. Leroux-Campello et C. Dubois in D. Fenouillet [dir.], Droit de la consommation. Droit interne et européen, Dalloz Action, 2020, n° 423.264). Le droit du crédit à la consommation n’échappe pas à cette exigence, l’article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoyant à cet égard que « Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ». Mais l’appréciation de ce triple caractère doit-elle être faite à la lumière de la disposition spécifiquement adoptée afin de transposer cette directive ou faut-il prendre en considération l’ensemble des sanctions du droit national ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 10 juin 2021 (CJUE 10 juin 2021, aff. C‑303/20, JCP 2021. 689, obs. D. Berlin).

Dans le cadre d’un litige relatif à un crédit à la consommation souscrit en Pologne, l’emprunteur reprochait au professionnel de ne pas avoir, avant la conclusion du contrat, vérifié sa situation patrimoniale, dans la mesure où, au cours de l’entretien préalable à la conclusion dudit contrat, aucune question n’avait été posée au sujet de cette situation, pas plus qu’en ce qui concerne le montant des revenus et des dettes de son ménage. Le tribunal d’arrondissement d’Opatów, en Pologne, a considéré que le droit polonais en vigueur ne garantissait pas le respect...

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Retour sur le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions en matière de crédit à la consommation

L’examen du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions prévues par l’article 23 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs, doit être effectué en tenant compte, non seulement de la disposition adoptée spécifiquement, dans le droit national, pour transposer ladite directive, mais également de l’ensemble des dispositions de ce droit, en les interprétant, dans toute la mesure possible, à la lumière du libellé et des objectifs de la même directive.

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Justice climatique : un sursis sous forme d’ultimatum pour le gouvernement

Le Conseil d’État accorde un nouveau sursis au gouvernement dans l’affaire Grande-Synthe en enjoignant au Premier ministre de prendre avant le 31 mars 2022 « toutes mesures utiles » pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre.

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Application dans le temps de la loi Pinel (charges) et fixation judiciaire du loyer

Le statut des baux commerciaux issu du décret du 30 septembre 1953, aujourd’hui codifié aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, a pour finalité de protéger le locataire dans son activité. Afin de renforcer cette protection, les dispositions essentielles du statut sont d’ordre public. Ces dispositions impératives sont visées aux articles L. 145-15, L. 145-16 et L. 145-45 du code de commerce. Néanmoins, dans l’intérêt du locataire, la Cour de cassation a parfois étendu l’ordre public à certaines dispositions du statut non visées par les articles sus-évoqués (v. not. Cass., ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664, D. 2003. 333 image, note S. Becqué-Ickowicz image ; ibid. 2002. 2053, obs. Y. Rouquet image ; AJDI 2002. 525 image, obs. J.-P. Blatter image ; RTD civ. 2003. 85, obs. J. Mestre et B. Fages image). Toujours dans un souci d’accroître la protection du locataire, notamment au regard des évolutions du commerce, le statut des baux commerciaux a connu quelques modifications. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, aux commerces et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel », est venue le compléter, dans le dessein de mieux réguler les rapports locatifs entre bailleur et locataire, en y intégrant entre autres de nouvelles dispositions impératives.

À l’exception de ces dispositions impératives, la liberté contractuelle est très présente dans la conclusion d’un bail commercial, particulièrement dans la fixation du loyer. En effet, les baux commerciaux restent l’effet de la volonté des parties, qui fixent elles-mêmes et librement le contenu ainsi que les limites de leurs engagements, même si le statut reste, tout au moins en partie, régulateur de cette liberté contractuelle dont il jugule les excès ou contrarie l’expression (V. Delaporte, La liberté contractuelle et le statut des baux commerciaux, JCP N 1978. I. 169).

L’arrêt rapporté est l’occasion de revenir sur le contenu d’un bail commercial réunissant dispositions impératives et stipulations contractuelles.

Une société civile immobilière (SCI), propriétaire d’un local situé dans un centre commercial donné à bail, a signifié à son locataire un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er avril 2014.

Le locataire a accepté le principe du renouvellement du bail, mais a contesté le montant du loyer proposé.

La bailleresse a saisi le juge des loyers en fixation judiciaire du loyer minimum garanti.

La cour d’appel de Paris a retenu dans un arrêt du 27 novembre 2019 que la clause du bail commercial, selon laquelle « les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d’un commun accord entre elles » et, « à défaut d’accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative », n’instaurait pas de procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge susceptible de faire l’objet d’une fin de non-recevoir. En effet, les juges du fond ont constaté que la clause se bornait à préciser que le montant du loyer de renouvellement sera fixé judiciairement en l’absence d’accord amiable entre les parties.

Les juges d’appel ont retenu également que « les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l’article 6 du décret du 3 novembre 2014, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication dudit décret, soit le 5 novembre 2014 » et qu’en conséquence, les dispositions impératives issues de la loi Pinel relatives à la répartition des charges « ne s’appliquent pas à un bail renouvelé à compter du 1er avril 2014 ».

Le locataire s’est pourvu en cassation reprochant à la cour d’appel de Paris, dans le premier moyen, d’avoir rejeté la fin de non-recevoir qu’elle a soulevée tenant au non-respect de l’obligation faite par les dispositions de l’article 35 du bail relatif au renouvellement du contrat de bail de rechercher une solution amiable préalable. En effet, l’auteur du pourvoi soutenait que l’article 35 du bail stipulait expressément que les parties devaient rechercher un accord amiable avant la saisine du juge et que l’échange des mémoires intervenus avant la saisine du juge, lequel s’inscrit dans la procédure légale de fixation des loyers, ne constituait aucunement la phase de négociation amiable préalable visée par ladite clause.

La locataire reprochait également à la cour d’appel, dans un troisième moyen, d’avoir rejeté sa demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail contraires à la loi du 18 juin 2014, dite « loi Pinel ». Le locataire soutenait que la loi Pinel « est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 » ; et que le bail ne pouvait être considéré comme renouvelé avant que le loyer ne fût définitivement fixé par les parties ou par le juge. En conséquence, selon l’auteur du pourvoi, les dispositions relatives à la répartition des charges et au coût des travaux issues de la loi Pinel étaient applicables, de sorte que les clauses du bail, contraires à ladite loi, devaient être réputées non écrites.

Pourtant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt du 17 juin 2021, rejette le pourvoi du locataire.

Sur la fin de non-recevoir

La Cour de cassation constate que la cour d’appel a retenu, « sans dénaturation, que l’article 35 du bail commercial, selon lequel “les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé, sera fixé d’un commun accord entre elles” et, “à défaut accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative”, se borne à préciser que le montant du loyer de renouvellement sera fixé judiciairement en l’absence d’accord amiable entre les parties, sans instaurer une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge ».

En matière de renouvellement de bail commercial, le principe du renouvellement et la fixation du loyer du bail renouvelé sont dissociés (Civ. 3e, 20 mai 1992, n° 90-20.291, Rev. loyers 1992. 325, note S. Duplan-Miellet ; 15 mai 1996, Loyers et copr. 1996, n° 96, obs. C. Denizot), de façon telle que l’acceptation peut ne porter que sur le principe du renouvellement (comme en témoigne l’arrêt rapporté), et non sur le montant du nouveau loyer qui pourra être fixé ultérieurement à l’amiable (v. not. C. com., art. L. 145-11) ou, à défaut d’accord, par la voie judiciaire (Civ. 3e, 15 avr. 2021, n° 19-24.231, Dalloz actualité, 7 mai 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; D. 2021. 798 image), ce que prescrivent en l’espèce les stipulations du bail commercial.

Par principe, l’action en fixation du loyer renouvelé ne peut être introduite qu’en l’absence d’accord des parties sur le montant du loyer renouvellement, comme le précisent les dispositions de l’article L. 145-33 du code de commerce. Néanmoins, il n’est pas interdit aux parties d’établir conventionnellement les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé (l’article L. 145-33 n’étant pas d’ordre public), comme en l’espèce, voire d’insérer à cet égard une clause de conciliation préalable, par laquelle les parties ont une obligation de moyens de parvenir à résoudre à l’amiable leur différend, reconnue comme étant valide par la Cour de cassation (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image). Dans l’arrêt rapporté, le loyer de renouvellement est binaire. La convention des parties énonce que le loyer de renouvellement se compose de deux composantes : un loyer de base égal à la valeur locative du local considéré à la date d’effet du renouvellement du bail et un loyer variable complémentaire fixé au taux convenu aux conditions particulières du bail.

S’agissant du loyer de base, la clause du bail stipule que « les parties conviennent que le montant du loyer de base du bail ainsi renouvelé sera fixé d’un commun accord entre elles » et, « à défaut accord amiable, les parties décident dès à présent de demander au juge compétent de fixer le loyer de base en fonction de la valeur locative ». Il ressort explicitement des termes de la clause que les parties sont convenues que le montant du loyer de base du bail renouvelé devait, dans un premier temps, être fixé d’un commun accord entre les parties ; et que ce n’était qu’à défaut d’accord amiable que le montant du loyer de renouvellement serait fixé judiciairement.

La clause, parfaitement claire et précise, n’instaure aucune procédure de conciliation obligatoire préalable dont le non-respect caractériserait une fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 122 ; Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, préc.). La haute juridiction a très justement constaté qu’il n’était pas permis de considérer que la référence dans le bail d’une fixation amiable du loyer de base du bail renouvelé à la valeur locative exigeait le recours à un mode alternatif de règlement des différends avant la saisine du juge. En effet, selon les termes du bail, les parties n’ont pas contractuellement décidé de faire appel à un tiers pour tenter de régler leur différend. Il est vrai qu’en ce sens la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé qu’instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la violation constituait dès lors une fin de non-recevoir, la clause qui stipule que « pour tous les litiges pouvant survenir dans l’application du présent contrat, les parties s’engagent à solliciter l’avis d’un arbitre choisi d’un commun accord avant tout recours à une autre juridiction » (Civ. 3e, 19 mai 2016, n° 15-14.464, Dalloz actualité, 3 juin 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 2377 image, note V. Mazeaud image ; ibid. 2589, obs. T. Clay image ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki image ; ibid. 422, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2016. 621, obs. H. Barbier image). La chambre commerciale, plus sévère, avait jugé, quant à elle, que la clause, selon laquelle, « en cas de litige, les parties s’engagent à trouver un accord amiable avec l’arbitrage de la FEDIMAG. À défaut d’accord amiable, compétence est attribuée au tribunal de commerce de Bobigny nonobstant pluralité de parties », instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable dont le défaut de mise en œuvre constituait une fin de non-recevoir (Com. 30 mai 2018, nos 16-26.403 et 16-27.691, Dalloz actualité, 20 juin 201, obs. M. Kebir ; D. 2018. 1212 image ; AJ contrat 2018. 338, obs. N. Dissaux image ; RTD civ. 2018. 642, obs. H. Barbier image ; Gaz. Pal. 31 juill. 2018, n° 319, p. 52, obs. S. Amrani-Mekki).

Il ressort donc de l’ensemble des décisions rendues en la matière que la qualification de la clause de conciliation obligatoire et préalable repose notamment sur la désignation d’un tiers habilité par les parties à rechercher une solution amiable au différend qui les oppose (V. Mazeaud, art. préc.) ou au moins, selon la chambre commerciale, sur des modalités de désignation prévues (Com. 30 mai 2018, préc. ; 19 juin 2019, n° 17-28.804, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2019. 578, obs. H. Barbier image). Néanmoins, la clause qui prévoit le recours préalable à un conciliateur ne doit pas être « rédigée de manière elliptique, en des termes très généraux au risque d’être qualifiée de “clause de style” n’instituant pas une procédure de conciliation préalable et obligatoire » (Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-13.460, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; AJDI 2019. 919 image).

Dans l’arrêt sous étude, l’article 35 du bail ne peut recevoir la qualification de « clause de conciliation préalable et obligatoire ». En effet, les stipulations du bail ne prévoient pas d’obligation pour les parties de trouver une solution amiable, en se faisant aider par un tiers désigné, avant toute saisine du juge. La clause incitait seulement les parties à un arrangement amiable.

Cependant, il faut admettre que les évolutions en matière de règlement des conflits tendent à l’instauration d’un préalable avant toute saisine du juge. À cet égard, la loi exige de plus en plus des parties qu’elles aient recours à un mode alternatif de règlement des litiges avant de saisir le tribunal ou le juge pour régler leur différend (v. par ex. C. pr. civ., art. 750-1, qui impose une tentative obligatoire de règlement amiable pour les litiges inférieurs à 5 000 € à peine d’irrecevabilité).

Si le rejet de la fin de non-recevoir soulevée par le locataire doit être approuvé en l’espèce, il est cependant permis de penser que la solution aurait été différente si la cour régulatrice avait retenu que la clause du bail devait s’interpréter comme une obligation des parties de recourir à une procédure de conciliation obligatoire. Dans cette hypothèse, le non-respect d’un préalable avant la saisine du juge aurait caractérisé une fin de non-recevoir et la saisine du juge aurait été irrecevable. Les parties auraient alors été contraintes de recourir à une procédure de conciliation obligatoire préalable avant de saisir à nouveau le juge, sous réserve d’une éventuelle prescription.

Il faut donc se montrer particulièrement attentif à l’existence d’une clause relative aux modalités de fixation amiable du loyer du bail renouvelé.

Quoi qu’il en soit, afin de préserver les relations entre bailleur et locataire, il reste préférable pour les parties de tenter une négociation préalable avant toute saisine du juge, et ce même en l’absence de clause de conciliation obligatoire et préalable stipulée dans le bail.

Sur l’application des dispositions de la loi dite « Pinel » au bail renouvelé

Avant la loi Pinel du 18 juin 2014, la répartition des charges et travaux était librement déterminée par les parties dans le contrat de bail, en ce qu’aucun texte ne prévoyait la façon dont les charges, travaux, impôts, taxes et redevances devaient être répartis entre les parties à un bail commercial. Dans un souci de protection du locataire, la loi Pinel a réglementé le domaine des charges locatives et du coût des travaux. Pour ce faire, elle a inséré un nouvel article L. 145-40-2 dans le code de commerce, lequel est d’ordre public. Selon cet article, « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôt, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ». Le décret d’application du 3 novembre 2014 est venu compléter les dispositions de l’article L. 145-40-2 en créant les articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce, lesquels précisent la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent plus être imputés au locataire.

Mais l’application dans le temps de la loi Pinel a suscité de vives interrogations. En effet, certaines dispositions de cette loi étaient applicables immédiatement au 20 juin 2014, date de son entrée en vigueur (par ex. C. com., art. L. 145-40-1), d’autres sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 (par ex. C. com., art. L. 145-40-2), d’autres encore ne sont applicables qu’aux baux conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret du 3 novembre 2014 au journal officiel, soit le 5 novembre 2014. Les dispositions relatives aux charges, travaux, impôts, taxes et redevances font partie de ces dispositions applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014. Il en résulte dès lors que les baux conclus avant cette date et non encore renouvelés sont soumis à l’ancien régime selon lequel le bailleur est en droit de demander le règlement d’une charge imputable au locataire par une clause expresse du bail commercial.

Dans la mesure où les dispositions de la loi Pinel n’ont pas vocation à s’appliquer aux baux conclus ou renouvelés antérieurement à leur entrée en vigueur, il était important que la Cour de cassation identifie les règles issues du dispositif Pinel sur lesquelles portent le litige afin qu’elle puisse rappeler la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et statuer sur la demande du locataire tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail contraires à la loi.

Après avoir identifié que les dispositions contestées étaient celles relatives à la répartition des charges et du coût des travaux, la Cour de cassation a très justement rappelé que les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, et non comme l’a soutenu le locataire aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre.

Dans un bail renouvelé, la date à prendre en compte est la date d’effet du bail renouvelé (C. com., art. L. 145-12) et non la date de signature du bail renouvelé (J.-P. Blatter, Persiste et signe, AJDI 2015. 477 image), lequel souvent peut être signé plusieurs mois après la date de renouvellement mais prend effet rétroactivement, ou la date de fixation définitive du loyer comme semblait le soutenir le locataire, dans la mesure où le nouveau loyer fixé par le juge prendra effet, rétroactivement, à la date d’effet du renouvellement du bail (en ce sens, v. C. com., art. L. 145-57).

Dans l’arrêt du 17 juin 2021 rapporté, le bail a été renouvelé à compter du 1er avril 2014, date qui n’a pas été contestée par les parties. La haute juridiction constate dès lors que la date d’effet du contrat renouvelé est antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce issues de loi du 18 juin 2014, de sorte que les dispositions créées par la loi Pinel et son décret d’application n’ont pas vocation à s’appliquer, et ce même si une procédure de fixation du montant du loyer renouvelé est en cours. La cour d’appel a donc exactement déduit que la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses de transfert de charges et travaux contraires à l’article L. 145-40-2 du code de commerce doit être rejetée.

Application dans le temps de la loi Pinel (charges) et fixation judiciaire du loyer

La demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail renouvelé à compter du 1er avril 2014, en ce qu’elles sont contraires à l’article L. 145-40-2 du code de commerce, doit être rejetée.

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Application dans le temps de la loi Pinel (charges) et fixation judiciaire du loyer

La demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail renouvelé à compter du 1er avril 2014, en ce qu’elles sont contraires à l’article L. 145-40-2 du code de commerce, doit être rejetée.

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Introduites dans le texte par les députés, en accord avec le cabinet du ministre de la Justice, ces dispositions figurent également, à l’identique, à l’article 34 du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (en cours d’examen). Il y a donc peu de doute quant à leur adoption définitive, même si le lobbying des grandes entreprises, plus favorables à la compétence du tribunal de commerce en la matière, parvenait à les faire disparaître d’un des deux textes.

Clarification de la compétence du tribunal

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Devoir de vigilance : la désignation de tribunaux judiciaires dédiés adoptée au Sénat

Lors de l’examen du projet de loi Climat, les sénateurs ont adopté les dispositions introduites par les députés visant à reconnaître la compétence de certains tribunaux judiciaires en matière de contentieux relatifs au devoir de vigilance.

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Il faut étendre la lutte contre les algues vertes

La Cour des comptes a procédé à l’évaluation de la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, sur la période 2010-2019. 

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Compétence pour fixer la redevance due pour occupation provisoire du domaine public

En l’absence de dispositions particulières applicables à l’occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, une commune peut légalement, en sa qualité de gestionnaire du domaine public, faire usage de sa compétence générale pour fixer le tarif de la redevance due en contrepartie d’une telle occupation, juge le Conseil d’État.

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Compétence pour fixer la redevance due pour occupation provisoire du domaine public

En l’absence de dispositions particulières applicables à l’occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, une commune peut légalement, en sa qualité de gestionnaire du domaine public, faire usage de sa compétence générale pour fixer le tarif de la redevance due en contrepartie d’une telle occupation, juge le Conseil d’État.

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Chronique CEDH : la Cour encadre l’interception en masse des communications

1. Covid-19 : le confinement général n’était pas une privation de liberté au sens de l’aricle 5, § 1er, de la Convention européenne

La jurisprudence covid de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est enrichie, avec la décision Terhes c. Roumanie du 20 mai 2021 (req. n° 49933/10), d’une pièce importante qui n’a peut-être pas l’éclat auquel on aurait pu s’attendre. Il s’agit, en effet, d’une simple décision d’irrecevabilité de la requête d’un député roumain alléguant que la mesure de confinement général qu’il avait dû lui aussi subir du 14 avril au 14 mai 2020 avait constitué une privation de liberté contraire aux exigences de l’article 5, § 1er, de la Convention européenne. La CEDH, constatant qu’en Roumanie, comme en France à la même époque, le confiné pouvait se rendre à différents endroits au moment de la journée où cela était nécessaire et n’était l’objet d’aucune surveillance individuelle de la part des autorités, a refusé d’assimiler le confinement à une assignation à résidence. Dès lors, il ne s’agissait pas d’une privation de liberté qui est la seule à entrer dans le champ d’application de l’article 5, § 1er. Ainsi, on voit se confirmer l’hypothèse, que laissait clairement entrevoir les arrêts de grande chambre Z.A. c. Russie (req. n° 61411/15, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; RTD civ. 2020. 329, obs. J.-P. Marguénaud image) et Ilias Ahmed c. Hongrie (req. n° 47287/15, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; RTD civ. 2020. 329, obs. J.-P. Marguénaud image) du 21 novembre 2019 relatifs à la situation des étrangers dans les zones de transit, suivant laquelle l’article qui consacre le droit à la liberté et à la sûreté, n’est pas le bon instrument conventionnel pour contrecarrer les conséquences du confinement sanitaire. D’autres pistes restent cependant à explorer : celle de l’article 8 consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale et surtout celle de l’article 2 du protocole n° 4 garantissant le droit des personnes se trouvant en situation régulière sur le territoire d’un État d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence que, au grand étonnement de la Cour européenne, le requérant n’avait pas invoqué en l’espèce.

2. L’encadrement de l’interception en masse des communications

Face à la sophistication et au développement des capacités technologiques qui accroissent fortement le volume des communications transitant par internet dans le monde entier et qui accentuent chaque jour un peu plus les menaces de terrorisme international et de criminalité transfrontalière, la surveillance stratégique de masse des communications revêt pour les États une importance déterminante pour la protection de la société démocratique.Cette interception en masse des communications qui se distingue des interceptions ciblées en ce qu’elles sont utilisées non pas dans le cadre d’une enquête pénale interne mais au titre du renseignement extérieur, autrement dit des services secrets, pour détecter de nouvelles menaces provenant d’acteurs connus ou inconnus, recèle à l’évidence un potentiel considérable d’abus susceptibles de porter atteinte au droit des individus au respect de leur vie privée. Dans un premier temps, les États ont obtenu de la Cour de Strasbourg, qui tente de conjurer ces abus spécifiques, de leur laisser en la matière une marge d’appréciation que commanderait la gravité des enjeux. La décision Weber et Saravia c. Allemagne du 29 juin 2006 (req. n° 54934/00) et l’arrêt Liberty c. Royaume-Uni du 1er juillet 2008 (req. n° 58243/00) sont particulièrement représentatifs de cette approche favorable aux États qui subordonne les interceptions en masse des communications à six garanties minimales. Or, constatant qu’à l’évidence, il n’est pas aisé d’appliquer à un régime d’interception en masse les deux premières des six « garanties minimales », à savoir la nature des infractions susceptibles de donner lieu à un mandat d’interception et la définition des catégories de personnes dont les communications sont susceptibles d’être interceptées, la Cour a ressenti la nécessité de préciser l’approche à adopter dans les affaires relatives à l’interception en masse. Elle l’a fait par deux arrêts de grande chambre du 25 mai Big Brother Watch c. Royaume-Uni (req. n° 58170/13, Dalloz actualité, 28 mai 2021, obs. M.-C. de Montecler ; D. 2018. 1916, obs. S. Lavric image ; ibid. 2019. 151, obs. J.-F. Renucci image ; ibid. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski image ; AJ pénal 2018. 529, obs. A. Taleb-Karlsson image) et Centrum För Rättvisa c. Suède (n° 35252/08). Ils doivent être tenus pour les plus importants de la série mai-juin 2021 eu égard, tout d’abord, à la gravité et à l’ampleur des enjeux de la question qu’ils abordent et surtout parce qu’ils témoignent idéalement des efforts constants de la Cour de Strasbourg pour adapter la protection des droits de l’homme aux évolutions technologiques. En l’occurrence, elle tente d’y parvenir en justifiant des constats de violation de l’article 8 par cette affirmation majeure : afin de réduire autant que possible le risque d’abus du pouvoir d’interception en masse, le processus doit être encadré par des « garanties de bout en bout », c’est-à-dire qu’au niveau national, la nécessité et la proportionnalité des mesures prises devraient être appréciées à chaque étape du processus, que les activités d’interception en masse devraient être soumises à l’autorisation d’une autorité indépendante dès le départ – dès la définition de l’objet et de l’étendue de l’opération – et que les opérations devraient faire l’objet d’une supervision et d’un contrôle indépendant opéré a posteriori. Ces facteurs étant, de l’avis de la Cour, des garanties fondamentales, qui constituent la pierre angulaire de tout régime d’interception en masse conforme aux exigences de l’article 8 (§ 350 de l’arrêt Big Brother Watch et § 264 de l’arrêt Centrum). L’arrêt Big Brother Watch, qui constitue, en quelque sorte, l’épilogue européen des révélations par Edward Snowden, en 2013, sur les méthodes d’interception de masse utilisées par le service britannique de renseignement électronique, vérifie également au regard des exigences de l’article 8, les opérations de réception de renseignements provenant de services étrangers.

3. Clarification des principes généraux applicables aux violences domestiques

2021 sera peut-être l’année du renforcement de la protection des personnes vulnérables et plus particulièrement de celle des enfants. On se souvient sans doute de l’importance de l’arrêt de grande chambre X et autres c. Belgique du 2 février qui mobilise la Convention de Lazarotte sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Cette fois, un autre arrêt de grande chambre, Kurt c. Autriche du 15 juin (req. n° 62903/15), a accordé un intérêt soutenu aux violences domestiques, qui ne sont pas seulement d’ordre sexuel, dont ils sont les premières victimes. Dans la mesure où elles font peser les plus graves menaces sur leur droit à la vie, elles relèvent des principes généraux dégagés depuis longtemps par l’arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998 (req. n° 23452/94, RSC 1999. 384, obs. R. Koering-Joulin image ; RTD civ. 1999. 498, obs. J.-P. Marguénaud image) pour déterminer, au regard de l’article 2 de la Convention, l’ampleur et le contenu de l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection des personnes dont la vie est menacée qui pèse sur l’État. Pour que pareille obligation positive entre en jeu, il doit être établi, selon ce qu’il est convenu d’appeler le « critère Osman », que les autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment qu’il existait un risque réel et immédiat pour la vie d’un individu donné du fait des actes criminels d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour parer ce risque. Or, pour la première fois, la Cour de Strasbourg a estimé dans l’arrêt Kurt qu’il était devenu nécessaire de clarifier ce qu’implique la prise en compte du contexte particulier et de la dynamique des violences domestiques sous l’angle du critère Osman et plus particulièrement au regard du standard de l’immédiateté sur lequel il repose. Ses réflexions interprétatives n’ont pas conduit à dresser, en l’espèce, un constat de violation de l’article 2. Elles n’en ont pas moins débouché sur d’importantes précisions qu’elle a tenu à résumer de cette manière : les autorités doivent apporter une réponse immédiate aux allégations de violences domestiques ; elles doivent rechercher s’il existe un risque réel et immédiat pour la vie de la ou des victimes qui ont été identifiées et elles doivent pour cela mener une évaluation du risque qui soit autonome, proactive et exhaustive ; elles doivent apprécier le caractère réel et immédiat du risque en tenant dûment compte du contexte particulier qui est celui des affaires de violences domestiques ; s’il ressort de l’évaluation du risque qu’il existe un risque réel et immédiat pour la vie d’autrui, l’obligation de prendre des mesures opérationnelles préventives entre en jeu pour les autorités. Ces mesures doivent alors être adéquates et proportionnées au niveau de risque décelé.

4. Lutte contre les peines et les traitements inhumains ou dégradants

La Cour de Strasbourg étoffe ou consolide régulièrement sa jurisprudence qui mobilise l’article 3 pour lutter contre les formes les plus brutales et les plus insidieuses de traitements inhumains ou dégradants. Ainsi, au cours des cinquième et sixième mois de l’année 2021, elle l’a utilisé pour stigmatiser des États qui n’avaient pas protégé une fille contre les violences sexuelles exercées par son père (22 juin 2021, R.B. c. Estonie, n° 22597/16) ; qui s’étaient révélés incapables de fournir à un condamné des soins adaptés à sa déficience mentale légère (11 mai 2021, req. n° 7373/17, Epure c. Roumanie) ; qui se préparaient à procéder à une extradition sans examen préalable de la santé d’un condamné victime d’un accident vasculaire cérébral (n° 59687/17, Khachaturov c. Arménie) ; qui avaient prononcé des condamnations à des peines perpétuelles sans possibilité de libération conditionnelle (17 juin 2021, req. n° 39734/15, Sandor Varga c. Hongrie). On remarquera aussi, sans grande surprise, une nouvelle application de l’article 3 dans un cas de brutalités policières (Ilevi et Ganvhevi c. Bulgarie du 8 juin, n° 69154/11 et 69163/11). Une place particulière doit être accordée à l’arrêt Adzhigitova c. Russie du 22 juin (req. n° 40165/07) relatif à une opération militaire qui a aussi donné lieu à un constat de violation rarissime de l’article 38 de la Convention parce que les autorités russes n’avaient pas fourni à la Cour toutes les facilités nécessaires pour mener une enquête efficace sur les circonstances de l’affaire.

5. La mise en balance du droit à l’oubli et du droit à la liberté d’expression

Avec les fulgurants développements de la numérisation est venue s’ajouter au rôle principal de la presse une fonction accessoire qui consiste à constituer des archives à partir d’informations déjà publiées et à les mettre à la disposition du public sur internet. Ces archives numériques constituent une source d’autant plus précieuse pour l’enseignement et les recherches historiques qu’elles sont immédiatement accessibles au public et généralement gratuites. C’est ce que la Cour de Strasbourg reconnaît depuis son arrêt Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni du 11 mars 2009 (req. n° 3002/03). La mise à disposition du public des archives numériques de la presse expose évidemment de nombreux condamnés à un risque perpétuel de confrontation avec un passé qu’ils ont le plus grand intérêt à oublier et à faire oublier pour pouvoir se réinsérer après avoir payé leur dette envers la société ou un créancier particulier. Aussi en appelle-t-on à la reconnaissance et à la protection d’un droit à l’oubli numérique, également appelé droit à l’effacement, nouvel aspect du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour, qui a pris l’habitude de fournir des critères pour guider vers la meilleure manière de résoudre de tels conflits de droits (v. 7 février 2012, Von Hannover n° 2 c. Allemagne, req. n° 40660/08, Dalloz actualité, 23 févr. 2012, obs. S. Lavric ; AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2012. 1040 image, note J.-F. Renucci image ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer image ; Légipresse 2012. 142 et les obs. image ; ibid. 243, comm. G. Loiseau image ; RTD civ. 2012. 279, obs. J.-P. Marguénaud image), n’a fait aucune difficulté pour admettre qu’il fallait également chercher à concilier le droit à la liberté d’expression avec cette nouvelle ramification du droit au respect de la vie privée. Seulement, par son arrêt M.L. et W.W. c. Allemagne du 28 juin 2018 (req. n° 60798/10, D. 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski image ; AJ pénal 2018. 462, note L. François image ; Dalloz IP/IT 2018. 704, obs. E. Derieux image ; RSC 2018. 735, obs. J.-P. Marguénaud image), elle avait pu donner l’impression de vouloir étouffer le droit à l’oubli dans l’œuf en refusant, en toute indifférence aux difficultés de réinsertion des condamnés qui ont purgé leur peine, de constater une violation du droit au respect de la vie privée de deux demi-frères à qui l’on avait refusé l’anonymisation des données continuant de faire apparaître qu’ils étaient les assassins d’un acteur célèbre. Le retour à un véritable l’équilibre semble avoir été réalisé par un arrêt Hurbain c. Belgique du 22 juin (req. n° 57292/16) suivant lequel la condamnation du plus grand quotidien belge à anonymiser, au non du droit à l’oubli, l’identité d’un condamné réhabilité ne violait pas le droit à la liberté d’expression. La Cour a d’ailleurs eu à cœur de clarifier la question en précisant expressément que la conclusion à laquelle elle était parvenue en l’espèce ne saurait être interprétée comme impliquant une obligation pour les médias de vérifier leurs archives de manière systématique et permanente : sans préjudice de leur devoir de respecter la vie privée lors de la publication initiale d’un article, il s’agit pour eux, en ce qui concerne l’archivage de l’article, de procéder à une vérification et donc à une mise en balance des droits en jeu seulement en cas de demande expresse à cet effet.

6. Le printemps du principe de non-discrimination

Depuis le début de l’année 2021, d’importantes applications du principe de non-discrimination procédant à de courageuses combinaisons de l’article 14 avec d’autres articles de la Convention ont été remarquées. Au cours de la période mai-juin, d’autres sont venues s’ajouter pour aider à balayer encore quelques archaïsmes et à repousser quelques phobies. Il s’agit de l’arrêt Yocheva et Ganeva c. Bulgarie du 11 mai (req. n° 18592/15) qui vient au soutien d’un certain type de famille monoparentale en stigmatisant les autorités nationales pour avoir opéré une discrimination à l’égard des familles dans lesquelles l’un des parents est inconnu en décidant qu’une formule prévoyant le versement d’allocations aux familles dans lesquelles il y a un seul parent vivant visait exclusivement celles dans lesquelles un parent est décédé.

Il s’agit aussi de l’arrêt Association ACCEPT c. Roumanie du 1er juin 2021 (n° 19237/16) où la Cour européenne dresse un double constat de violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 et avec l’article 11 parce que les autorités n’avaient pas empêché l’invasion par l’extrême droite d’une salle de cinéma où était projeté un film gay.

L’avancée la plus marquante du principe de non-discrimination aura cependant été réalisée par un arrêt où, dans un souci d’économiser son temps et des moyens, la CEDH ne s’est pas donné la peine d’examiner la question d’une violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 tellement les raisons de dresser un constat de violation du seul article 8 étaient flagrantes. Dans l’arrêt J.L. c. Italie du 27 mai (n° 5671/16), elle a en effet dû déplorer que, pour acquitter sept hommes poursuivis pour violences sexuelles commises en réunion, des juges se soient permis des commentaires sur la vie privée de la plaignante qui véhiculent des préjugés sur le rôle de la femme dans la société italienne et qui sont susceptibles de faire obstacle à une protection effective des droits des victimes de violence de genre. Elle saisit opportunément cette étonnante occasion pour affirmer qu’il est essentiel que les autorités judiciaires évitent de reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice, de minimiser les violences contre le genre et d’exposer les femmes, par l’utilisation de propos culpabilisants et moralisateurs, à une victimisation secondaire. Ce n’est pas la première fois, en 2021, que la CEDH s’appuie sur ce concept dont il faudra suivre attentivement les développements de la carrière jurisprudentielle naissante.

7. Confirmation de l’importance du contentieux relatif au droit à la liberté d’expression

Dans chaque chronique bimestrielle, il faut réserver un paragraphe au contentieux de la liberté d’expression qui n’est probablement pas le plus abondant mais qui, porté par les développements technologiques et les habitudes qui se prennent sur les réseaux sociaux est, actuellement, le plus significatif. Pour la période mai-juin 2021 on relève à nouveau des arrêts qui rappellent le caractère relatif du droit garanti par l’article 10. C’est ainsi que les arrêts Kilin c. Russie du 11 mai (req. n° 10271/12) et Milosavljevic c. Serbie du 25 mai (n° 57574/14) ont respectivement refusé d’en assurer le bénéfice à un requérant condamné en raison d’appels au racisme et au nazisme sur un réseau social en ligne très populaire et à un journaliste coupable d’avoir publié un article insinuant qu’un policier finalement acquitté avait violé une jeune fille rom.

Les arrêts qui constatent des violations du droit à la liberté d’expression des journalistes (11 mai 2021, req. n° 44561/11, Rid et Zao c. Russie ; 18 mai 2021, req. n° 42201/17, Ögreten et Kannat c. Turquie ; 8 juin 2021, n° 48329/19, Bulac c. Turquie) ; de parlementaires (4 mai 2021, req. n° 68136, Kerestecioglu Demir c. Turquie) ; de militants politiques (22 juin 2021, req. n° 5869/17, Erkizia Almandoz c. Espagne) ou de simples employés se laissant aller à « liker » certains contenus de Facebook (15 juin 2021, req. n° 35786/19, Melike c. Turquie), sont cependant les plus nombreux. En raison de leur portée plus générale, on attirera surtout l’attention sur l’arrêt Akdeniz et autres c. Turquie du 4 mai (req. n° 41139/15), rendu à la requête d’une journaliste et de deux universitaires et utilisateurs populaires des plateformes des médias sociaux, qui stigmatise une injonction provisoire ordonnée par les juridictions nationales interdisant la diffusion et la publication par tous moyens de communication d’ informations relatives à une enquête parlementaire ; l’arrêt OOO Informatsionoye Agentstvo c. Russie du 18 mai (req. n° 43351/12) qui prend des allures d’arrêt quasi pilote pour encourager la réforme de la législation des médias de façon à leur assurer la liberté et l’indépendance pendant les campagnes électorales et l’arrêt Ömur Cagdas Ersoy c. Turquie du 15 juin (req. n° 19165/15) soulignant avec une particulière insistance que l’esprit de la Convention est d’élargir la liberté d’expression pour faciliter la critique des responsables politiques.

8. L’intensification de l’influence des droits de l’homme sur le droit du sport

Comme on le sait, le mouvement sportif est très attaché à la construction d’un ordre juridique à part, reposant sur la lex sportiva jalousement appliquée par des instances qui n’entendent rendre de comptes à personne, pas même aux juges des droits de l’homme. Jusqu’ici, il avait à peu près réussi à échapper à l’emprise des droits de l’homme substantiels. En revanche, depuis les arrêts Mutu et Pechstein c. Suisse du 2 octobre 2018 (req. nos 40575/10 et 67474/10, Dalloz actualité, 16 oct. 2018, obs. N. Nalepa ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay image ; RTD civ. 2018. 850, obs. J.-P. Marguénaud image) qui ont admis que la responsabilité de l’État où le tribunal arbitral du sport a son siège peut être engagée lorsqu’il en approuve formellement ou tacitement les décisions, il est rapidement rattrapé par les droits procéduraux. La mutation procédurale s’est considérablement amplifiée avec l’arrêt Ali Riza et autres c. Turquie du 28 janvier 2020 (req. n° 30226/10). Il s’agit, en effet, d’un arrêt pilote par lequel la Cour européenne détectant un problème systémique touchant le règlement des litiges dans le milieu du football en Turquie indique à l’État, sur le fondement de l’article 46 de la Convention européenne, qu’il doit prendre des mesures visant à assurer l’indépendance structurelle de la commission d’arbitrage. Or les conséquences de cet arrêt viennent d’être prolongées par trois autres arrêts rendus le 18 mai contre la Turquie : Sedat Dogan (req. n° 48909/14) ; Naki (req. n° 48924/14) ; Ibrahim Tomak (req. n° 54540/16). Ils ne se sont pas contentés de constater de nouvelles violations de l’article 6, § 1er, parce que l’indépendance de la commission d’arbitrage n’était toujours pas assurée. Ils ont aussi et surtout saisi l’occasion offerte par ce dysfonctionnement récurrent pour constater des violations d’un droit substantiel de l’homme sportif, en l’occurrence le droit à la liberté d’expression entravé par des sanctions infligées en raison de messages diffusés sur internet par un arbitre et des joueurs, notamment, dans un cas, pour rendre hommage à Nelson Mandela.

9. Contentieux électoral

L’article 3 du Protocole n° 1 qui consacre le droit à des élections libres n’est pas celui qui réclame le plus souvent l’attention de la Cour. Il ne faut donc pas négliger la décision et les deux arrêts qu’elle vient de lui consacrer. La décision Galan c. Italie (req. n° 63772/16) et l’arrêt Miniscalo c. Italie (req. n° 55093/13) du 17 juin 2021, qui refusent d’en dresser des constats de violation dans des affaires de déchéance de mandats et d’interdiction de se présenter à des élections, sont surtout remarquables parce qu’elles ont permis à la Cour d’affirmer que de telles sanctions ne sont pas des peines au sens de l’article 7 lequel n’ est par conséquent d’aucun secours quand elles sont rétroactives. Quant à l’arrêt Caamano Valle c. Espagne du 11 mai (req. n° 43564/12), il se livre à un inhabituel rappel des principes d’interprétation de la Convention pour mieux pouvoir décider que la privation du droit de vote imposée à une femme handicapée mentale était proportionnée et conforme à l’article 3 du Protocole n° 1. Il y aurait donc des tendances régressives dans le travail interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme…

10. Les arrêts régressifs

L’arrêt de grande chambre Denis et Irvine c. Belgique du 1er juin (req. n° 62819/17, Dalloz actualité, 18 juin 2021, obs. H. Diaz) a admis qu’il n’y avait pas de violations de l’article 5, § 1er, et 5, § 4, dans des cas de refus de mettre en liberté des aliénés internés dans un hôpital psychiatrique parce que leurs troubles mentaux persistaient. Or la légalité du maintien de la mesure privative de liberté pouvait faire question dans la mesure où il avait été décidé sans tenir compte de deux conditions supplémentaires ajoutée par la loi depuis la décision initiale d’internement. Autrement dit, selon une interprétation large qui sert le mieux les objectifs de la Convention et qui est généralement adoptée par la Cour, le constat de la persistance des troubles mentaux aurait pu ne pas suffire pour justifier le maintien de l’internement au regard de l’article 5. En retenant une interprétation stricte dénoncée par plusieurs juges dissidents, la Cour semble donc s’être engagée sur une voie régressive parce que la plus hostile au droit à la liberté.

La même tendance régressive se retrouve, au regard de l’article 10, dans l’arrêt Halet c. Luxembourg du 11 mai 2021 (n° 21884/18, Dalloz actualité, 21 mai 2021, obs. S. Lavric ; D. 2021. 960, et les obs. image) qui, dans la célèbre affaire Luxleaks, retient une approche restrictive de la protection des lanceurs d’alerte auxquels l’arrêt de grande chambre Guja c. Moldova (n° 14277/04, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss image) du 12 février 2008 et Heinisch c. Allemagne (req. n° 28274/08) du 21 juillet 2011 avaient pu laisser entrevoir de meilleures chances de succès.

11. Prolongements de sillons jurisprudentiels

Dans ce paragraphe qui sert un peu de camion-balai, on fera entrer les arrêts M.K. c. Luxembourg (req. n° 51746/18) et Valdis Fjölnisdotir c. Islande (req. n° 71552/17, Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. A. Panet ; AJ fam. 2021. 320, obs. A. Dionisi-Peyrusse image) du 18 mai 2021 concluant respectivement à des non-violations de l’article 8 dans une affaire de placement sous curatelle et de refus de reconnaître un couple d’homosexuelles comme les parents d’un enfant né par GPA ; l’arrêt Jessica Marchi c. Italie du 27 mai 2021 (req. n° 54978/17) adoptant la même solution dans un cas de placement d’un enfant accueilli provisoirement ; l’arrêt Nechay c. Russie du 25 mai 2021 (req. n° 40639/17) qui, lui, constate une violation de l’article 8 parce que les contacts entre un père et sa fille avaient été limités à dix heures par an ; l’arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 juin 2021 constatant une violation du droit au respect de la vie privée d’une assistante sociale appelée comme témoin parce que le juge avait proféré contre elle des accusations de faute professionnelle ; l’arrêt Atima limited c. Ukraine du 20 mai 2021 (req. n° 56714/11) ; l’arrêt Bisar Ayhan c. Turquie du 18 mai (req. n° 42329/12) constatant que le droit à la vie avait été violé au cours d’opérations militaires et le troublant arrêt du 29 juin A.O. Falun Dafa c. Moldova (req. n° 29458/15) concluant aux violations des articles 9 et 11 dans une affaire de dissolution d’une organisation dont le symbole rappelait une croix gammée.

Pour mieux en faire ressortir leur originalité, on évoquera en conclusion l’arrêt Norwegian Confederation of Trade Unions c. Norvège du 10 juin (req. n° 45487) considérant qu’il n’y avait pas de violation de l’article 11 dans une affaire où le boycott d’une compagnie maritime qui employait des dockers en dehors de la convention collective avait été déclaré illégal et l’arrêt Stetsov c. Ukraine du 11 mai (req. n° 5170/15) constatant une violation de l’article 2 du Protocole n° 4 qui consacre la liberté de circulation en raison d’une interdiction de quitter le territoire jusqu’au paiement intégral d’une dette contractuelle.

Effet de la subrogation légale entre l’assureur, le FGTI et la victime

Un individu a été victime, le 26 octobre 2004, d’une agression. Sa mère avait souscrit un contrat d’assurance garantissant, à elle et ses enfants majeurs à charge, la prise en charge d’accidents.

La victime, représentée par sa mère, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) aux fins d’expertise et indemnisation. Un accord entre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) et la victime a été trouvé et a été homologué par la Commission. Ce dernier a fixé l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 503 294,44 €.

La victime a, ensuite, assigné l’assureur pour que le juge ordonne la tenue d’une expertise visant à lui permettre d’obtenir une provision de 10 000 €.

À la suite du décès de la victime et de son représentant légal, le frère de la victime a assigné l’assureur en intervention forcée à l’instance d’appel.

La cour d’appel a confirmé le jugement du 9 décembre 2013 qui donnait acte au FGTI de ce qu’il avait déjà versé la somme 503 294,44 € et condamnait l’assureur à payer à la victime une provision de 10 000 €. Les juges du fond ont surtout confirmé la décision de première instance en ce qu’elle jugeait que l’indemnisation accordée par le FGTI à la victime ne faisait pas obstacle aux demandes dirigées par cette dernière représentée par sa mère contre l’assureur.

L’assureur forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation dont seul le premier moyen est reproduit dans la décision.

Dans la première branche du moyen, l’assureur fait valoir que l’accord intervenu entre le FGTI et la victime – et homologué par la CIVI – privait la victime de tout intérêt et qualité à agir contre l’assureur. Ce dernier explique que le FGTI avait déjà indemnisé la victime et avait été subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité dans ses droits et actions contre les personnes tenues d’assurer la réparation totale ou partielle du préjudice souffert. Dit autrement, la subrogation qui s’est opérée rendait, selon l’assureur, sans effet et sans intérêt la formation d’une action nouvelle de la part du subrogeant.

Dans la deuxième branche du moyen, l’assureur remet en cause le raisonnement de la cour d’appel selon lequel l’indemnisation par le FGTI et celle demandée en application du contrat d’assurance ne reposaient pas sur les mêmes fondements si bien que l’homologation obtenue auprès de la CIVI n’avait pas autorité de la chose jugée dans les rapports entre la victime et l’assureur. Selon ce dernier, ce raisonnement est inopérant, car la subrogation légale a un effet translatif et prive donc de jure la possibilité pour la victime d’intenter une nouvelle action.

Dans la troisième branche du moyen, l’assureur explique que l’action en répétition offerte par l’article 706-11 du code de procédure pénale au bénéfice du FGTI à l’encontre de la CIVI ne concerne que le cas dans lequel la victime a déjà obtenu le paiement de son indemnité par le FGTI et qu’elle obtient, auprès d’un autre organisme, une seconde indemnité relative au chef de préjudice ayant déjà fait l’objet d’une indemnisation. L’assureur tentait de montrer qu’il ne s’agissait pas de ce cas-là mais d’une nouvelle action du subrogeant – la victime – à l’encontre de l’assureur et non, comme cela aurait dû être une action du subrogé – le FGTI –, à l’encontre du tiers débiteur.

La question posée à la Cour de cassation consistait à déterminer si la victime était fondée à intenter une nouvelle action à l’encontre de son assureur pour obtenir une indemnisation dont le principe a déjà été validé par le FGTI et l’accord, homologué par la CIVI.

L’enjeu de la question consistait ainsi à déterminer s’il était possible, pour l’ayant droit, de solliciter auprès de son assureur une indemnisation supplémentaire alors qu’une convention est intervenue concernant un préjudice déjà réparé.

La Cour de cassation effectue un contrôle lourd de l’arrêt d’appel et juge le moyen mal fondé. Elle rappelle, tout d’abord, que le régime de responsabilité des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale est un régime autonome répondant à des règles qui lui sont propres. Elle juge ensuite que la cour d’appel a exactement retenu que la victime avait eu le droit d’agir contre son assureur nonobstant sa qualité de subrogeant. Il en résulte que le FGTI aura la possibilité de demander à la CIVI que la victime rembourse les sommes déjà versées.

Le plus souvent, lorsqu’une personne est victime d’un dommage, et que les conditions de l’article 706-3 du code de procédure pénale sont remplies, elle obtient réparation auprès du FGTI. Le FGTI est alors subrogé, en application de l’article 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits de la victime, ce qui lui permet d’être titulaire d’un recours envers le responsable ou envers toute personne tenue à un titre quelconque d’en assurer la réparation.

Ici, la victime a obtenu réparation de son préjudice à hauteur de 503 294,44 € à la suite d’un accord intervenu entre l’ayant droit de la victime et la FGTI, accord homologué par la CIVI. Puisqu’il s’agit d’un accord, il est possible que l’indemnisation n’ait pas été complète même si elle censée être totale (v. C. pr. pén., art. 706-3 ; v. aussi, R. Bigot, Les sommes déductibles du versement par le FGTI, note ss Civ. 2e, 7 mars 2019, n° 17-27.139, Dalloz actualité, 27 mars 2019). La question se posait donc de savoir si, sur le fondement contractuel, l’ayant droit avait la possibilité de demander des sommes supplémentaires, en l’occurrence, une provision de 10 000 €.

Il est vrai qu’en matière de subrogation, le subrogeant se trouve désintéressé par le paiement qui lui a été octroyé. L’ayant droit de la victime a déjà obtenu une somme de la part du FGTI et cette somme faisait l’objet d’un accord homologué par la CIVI. Il est donc légitime de se demander ce qui fondait l’ayant droit à demander une provision de 10 000 € à l’encontre de l’assureur. Puisque le FGTI est subrogé dans ses droits, il deviendrait titulaire de son action et de tous ses accessoires (Civ. 1re, 29 oct. 2002, n° 00-12.703, D. 2003. 1092 image, obs. V. Avena-Robardet image ; RDI 2003. 340, obs. H. Heugas-Darraspen image), ce qui aurait pour effet de désintéresser la victime ou son ayant droit. Pour répondre, la Cour de cassation fait bien la distinction entre le fondement contractuel, d’une part, matérialisé par le contrat d’assurance et ses spécificités, et le régime de l’article 706-3 du code de procédure pénale, d’autre part, qui est un régime autonome de responsabilité pour lequel elle rappelle régulièrement qu’il répond à des règles qui lui sont propres (Civ. 2e, 18 juin 1986, n° 84-17.283, Bull. civ. II, n° 93 ; 1er juill. 1992, n° 91-19.918, Bull. civ. II., n° 181 ; RCA 1992. Comm. 407 ; Dr. pénal 1992. Comm. 247, note A. Maron ; 13 oct. 1993, n° 91-21.540, Bull. civ. II, n° 285 ; RCA 1994. Comm. 7 ; 8 déc. 1993, Bull. civ. II, n° 359 ; RCA 1994. Comm. 47 ; Dr. pénal 1994. Comm. 77, note A. Maron ; jur. cités in H. Groutel, J.-Cl., fasc. 20, n° 88).

Dès lors, deux situations peuvent se présenter : si le FGTI est mis en cause dans l’action de l’ayant droit à l’encontre de l’assureur, le Fonds bénéficiera d’une action subrogatoire à l’encontre de la victime pour récupérer les sommes versées afin que cette dernière ne bénéficie pas d’une double indemnisation.

Dans le deuxième cas de figure, si le FGTI n’est pas mis en cause dans l’action de l’ayant droit à l’encontre de l’assureur, le Fonds bénéficiera d’une action en répétition, sur le fondement de l’article 706-10 du code de procédure pénale, qui lui permettra là encore de récupérer les sommes déjà versées à la victime.

Ainsi, les premiers juges ont considéré que le recours contractuel de la victime ne constituait pas une atteinte au principe de réparation sans perte ni profit, car la loi a justement prévu un recours spécifique – l’action en répétition de l’indemnité –, qui permet au FGTI d’obtenir le remboursement de toutes les sommes qui auraient éventuellement déjà été versées. S’il s’agit d’un surplus d’indemnisation, la victime peut la conserver, mais s’il s’agit d’une demande d’indemnisation qui correspond à une somme déjà allouée, le FGTI pourra la récupérer.

Il faut aussi rappeler que le FGTI n’agit pas à titre subsidiaire ce qui justifie que la victime puisse s’adresser à l’un quelconque de ses débiteurs pour demander une indemnisation sans que l’un d’entre eux soit privilégié (Civ. 2e, 23 juin 1993, n° 91-19.791, Bull. civ. II, n° 224 ; 6 nov. 1996, n° 94-17.970, Bull. civ. II, n° 243 ; D. 1996. 268 image ; RCA 1997. Chron. 1, obs H. Groutel). Ainsi, le FGTI ne peut renvoyer la demande de la victime ou de son ayant droit sous prétexte qu’il existe un autre débiteur.

Même quand le FGTI exerce son recours subrogatoire sur le fondement de l’article 706-11 du code de procédure pénale, la victime ou son ayant droit est en mesure de saisir le juge pour obtenir une indemnité complémentaire. Cela s’explique par le fait que les deux modes de réparation sont strictement autonomes. La question de l’intérêt et de la qualité à agir n’était pas un obstacle car la Cour de cassation juge que « l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action et que l’existence du préjudice invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès » (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-19.827 ; Civ. 1re, 27 nov. 2019, n° 18-21.535). Appliqué en l’espèce, cela signifie que la victime avait intérêt à agir sur le fondement contractuel, la question de la double indemnisation du préjudice ne pouvant se poser que dans un second temps et il appartiendra alors au FGTI de justifier de l’opportunité de son recours.

C’est aussi l’autonomie du régime, rappelée dans l’incipit de l’attendu de l’arrêt commenté, qui justifie l’exclusion des règles de l’ancien article 1251, 3e, du code civil sur la subrogation et son effet translatif. Le FGTI est un fonds visant à garantir à tous le droit à une indemnisation au nom de la solidarité nationale. À cet égard, il n’est pas tenu avec l’assureur du payement de la dette et n’a pas la qualité de coobligé à une dette commune.

Chronique CEDH : la Cour encadre l’interception en masse des communications

Comme on pouvait s’y attendre, les mois de mai et juin 2021 ont permis à la Cour européenne des droits de l’homme de développer sa jurisprudence covid-19. Cependant, la période aura été davantage marquée par d’importants arrêts relatifs à l’interception en masse des communications, aux violences domestiques, aux traitements inhumains ou dégradants au droit à l’oubli, à la discrimination et comme toujours, à la liberté d’expression. D’intéressantes incursions en droit du sport ou en droit électoral. La Cour de Strasbourg a continué à creuser des sillons jurisprudentiels auxquels font écho des arrêts que l’on pourrait qualifier de régressifs.

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Chronique CEDH : la Cour encadre l’interception en masse des communications

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Effet de la subrogation légale entre l’assureur, le FGTI et la victime

Une victime dont le principe de l’indemnisation a été accordé sur le fondement de l’article 706-3 du code de procédure pénale a le droit de demander un surplus d’indemnisation à son assureur sans que cela fasse obstacle au régime de la subrogation légale.

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Procédure disciplinaire : la connaissance des fautes par le supérieur hiérarchique compte

Lorsque la date de connaissance par l’employeur des faits fautifs limite son pouvoir disciplinaire, l’employeur s’entend également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire du pouvoir disciplinaire.

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Le Baiser de Brancusi ne bougera pas

La sculpture réalisée par Constantin Brancusi, achetée dans le but d’être scellée sur la tombe de Tatiana Rachewskaïa au cimetière du Montparnasse à Paris, constitue un monument funéraire indivisible.

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Le Baiser de Brancusi ne bougera pas

La sculpture réalisée par Constantin Brancusi, achetée dans le but d’être scellée sur la tombe de Tatiana Rachewskaïa au cimetière du Montparnasse à Paris, constitue un monument funéraire indivisible.

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Le Baiser de Brancusi ne bougera pas

Le groupe sculpté Le Baiser de Constantin Brancusi et son socle formant une stèle constituent, avec la tombe, un « immeuble par nature » au sens de la loi, ce qui permet à l’État de l’inscrire aux monuments historiques sans recueillir l’accord de ses propriétaires.

Tania Rachewskaïa est née en 1887 en Russie puis a émigré en France où elle poursuivait des études de médecine. Elle s’est suicidée le 5 décembre 1910, à l’âge de vingt-trois ans, par amour, dit-on, pour son professeur et amant. Elle a été inhumée dans le cimetière du Montparnasse dans une concession funéraire acquise à titre perpétuel par son père. Son professeur était un ami du sculpteur Constantin Brancusi et, à son initiative ou par son intermédiaire, a été installé sur la tombe de la jeune femme un groupe sculpté, Le Baiser. Les descendants de la défunte ont fait valoir leurs droits sur la concession perpétuelle en 2005 et entrepris des démarches pour déposer et exporter la sculpture. L’État s’y est opposé en élevant Le Baiser au rang de...

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Le droit d’accès à l’information est méconnu si celle-ci est insincère, inexacte ou insuffisante

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie dans le cadre du recours de plusieurs associations de protection de l’environnement contre le projet de construction d’un centre de stockage de produits radioactifs sur le site de Bure, juge que le rejet par le juge judiciaire de la requête pour défaut d’intérêt à agir de l’une des associations constitue une restriction disproportionnée au droit d’accès au tribunal. En revanche, le rejet au fond des demandes des cinq autres associations ne méconnaît pas l’article 10 (droit à l’information) de la Convention européenne des droits de l’homme.

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Pas d’usucapion pour la servitude d’écoulement des eaux usées

La servitude d’écoulement des eaux usées a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription.

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Pas d’usucapion pour la servitude d’écoulement des eaux usées

Le propriétaire d’un immeuble traversé par des canalisations des eaux usées au profit d’un autre immeuble avait assigné son voisin pour leur suppression. La cour d’appel avait rejeté cette demande, estimant que la servitude d’écoulement des eaux usées, qui s’exerçait au moyen de ces canalisations, avait été acquise par la prescription trentenaire. Un pourvoi en cassation fut formé contre cet arrêt, soutenant qu’« une servitude d’écoulement des eaux usées […] a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription ». La question posée était donc celle de savoir si la servitude d’écoulement des eaux usées a un caractère discontinu.

La Cour de cassation répond par l’affirmative : « la servitude d’écoulement des eaux usées, dont l’exercice exige le fait de l’homme et ne peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription ».

Réaffirmation d’une solution constante

Il s’agit d’une simple réaffirmation d’une solution constante sur la servitude d’écoulement des eaux usées : cette servitude a un caractère discontinu, ce qui s’oppose à son acquisition par prescription (Civ. 3e, 8 déc. 2004, n° 03-17.225, Bull. civ. III, n° 234 ; RDI 2005. 213, obs. E. Gavin-Millan-Oosterlynck image ; 15 févr. 1995, n° 93-13.093, Bull. civ. III, n° 54 ; 9 juin 2015, n° 14-11.400, D. 2015. 1863, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin image ; AJDI 2015. 628 image ; 2 mai 2012, n° 11-18.455 ; 29 avr. 2002, n° 00-15.629). Le fait que les canalisations servent à évacuer les eaux usées et les eaux de pluie est indifférent (Civ. 3e, 21 juin 2000, n° 97-22.064, Bull. civ. III, n° 127 ; D. 2000. 207 image ; 21 janv. 2021, n° 19-16.993, AJDI 2021. 304 image ; RTD civ. 2021. 445, obs. W. Dross image ; 10 nov. 2009, n° 08-20.446, RDI 2010. 206, obs. E. Gavin-Millan-Oosterlynck image).

Cette réaffirmation est l’occasion de rappeler quelques distinctions à faire, car la lettre de l’article 688 du code civil peut causer au moins trois confusions.

Distinction entre la servitude et l’ouvrage constituant son moyen d’exercice

La lettre de ce texte peut d’abord entraîner la confusion entre la servitude elle-même et l’ouvrage par lequel elle peut se manifester et s’exercer. Les exemples qu’il donne facilitent cette confusion. Si, comme l’affirme l’article 688 du code civil, les conduites d’eau et les égouts sont des servitudes continues, la tentation est grande de confondre la servitude d’écoulement des eaux usées avec les canalisations qui peuvent la manifester et qui lui servent de moyen d’exercice. C’est ce qu’ont fait les juges du fond en l’espèce.

Or la servitude est « une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire » (C. civ., art. 637). La servitude d’écoulement des eaux usées consiste donc, pour le fonds servant à subir l’écoulement des eaux usées provenant du fonds voisin, et corrélativement, pour le fonds dominant à faire écouler ses eaux usées par le fonds...

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Pas d’usucapion pour la servitude d’écoulement des eaux usées

La servitude d’écoulement des eaux usées a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription.

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Presse : conventionnalité de la condamnation d’un journal à anonymiser un article archivé

Dans une édition de 1994, le quotidien belge Le Soir publia un article qui relatait un accident de voiture ayant causé la mort de deux personnes et blessé trois autres et qui mentionnait le nom complet du conducteur responsable. Ce dernier fut poursuivi et condamné pour ces faits en 2000, il purgea sa peine puis bénéficia d’une décision de réhabilitation en 2006. En 2008, le journal mit en ligne une version électronique de ses archives, accessibles gratuitement. En 2010, le conducteur demanda au journal la suppression de l’article mentionnant son nom, du moins son anonymisation. Le journal refusa de procéder à la suppression de l’article mais demanda à Google de déréférencer celui-ci pour qu’il n’apparaisse plus dans les listes de résultats du moteur de recherche. En 2012, le conducteur assigna en justice l’éditeur du journal pour obtenir l’anonymisation de l’article litigieux, qu’il obtint des juridictions civiles belges. S’estimant victime d’une atteinte à la liberté d’expression, l’éditeur saisit la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête fondée sur la violation de l’article 10 de la Convention.

Constatant une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de l’éditeur, la Cour de Strasbourg recherche si celle-ci était bien prévue par la loi, motivée par un but légitime et nécessaire dans une société démocratique, conformément aux conditions de légitimation d’une atteinte à ce droit prévues au paragraphe 2 de l’article 10.

Sur la légalité de l’ingérence, le requérant soutenait que sa condamnation, fondée sur l’article 1282 du code civil belge, qui constitue le droit commun de la responsabilité civile, n’était pas prévisible. La Cour juge au contraire que l’interprétation qui a été faite par les juridictions nationales des dispositions relatives à la protection de la vie privée pour conclure à une atteinte au droit à l’oubli par la reproduction numérique d’un article ancien n’a été ni arbitraire ni manifestement déraisonnable. Rappelant qu’elle a déjà, dans d’autres affaires mettant en jeu l’article 10, considéré comme une base légale suffisamment prévisible une disposition constituant le droit commun de la responsabilité civile (pour l’art. 1382, C. civ. belge, v. not. CEDH 24 févr. 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique, n° 19983/92, Rec. CEDH 1997‑I ; AJDA 1998. 37, chron. J.-F. Flauss image ; RSC 1998. 389, obs. R. Koering-Joulin image), elle conclut que l’ingérence était bien prévue par la loi.

L’existence d’un but légitime était évidente et non contestée puisqu’était en cause la protection de la réputation et des droits d’autrui (ici le droit au respect de la vie privée), telle que visée à l’article 10, § 2.

Sur la nécessité de l’ingérence, la Cour devait arbitrer la mise en balance entre, d’une part, le droit du requérant de communiquer des informations au public et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée de la personne nommément visée dans l’article. Plusieurs critères trouvaient à s’appliquer, conformément à la jurisprudence européenne : la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée et l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le mode d’obtention des informations et leur véracité, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi que la gravité de la mesure imposée (v. not. CEDH, gr. ch., 7 févr. 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, n° 39954/08, Dalloz actualité, 23 févr. 2012, obs. S. Lavric ; Légipresse 2012. 143 et les obs. image ; ibid. 243, comm. G. Loiseau image ; Constitutions 2012. 645, obs. D. de Bellescize image ; RTD civ. 2012. 279, obs. J.-P. Marguénaud image ; gr. ch., 10 nov. 2015, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France, n° 40454/07, Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. J. Gaté ; AJDA 2016. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2016. 116, et les obs. image, note J.-F. Renucci image ; Constitutions 2016. 476, chron. D. de Bellescize image ; RTD civ. 2016. 81, obs. J. Hauser image ; ibid. 297, obs. J.-P. Marguénaud image ; gr. ch., 29 mars 2016, Bédat c. Suisse, n° 56925/08, Légipresse 2016. 206 et les obs. image ; RSC 2016. 592, obs. J.-P. Marguénaud image) ; ainsi que plusieurs principes : la nécessité de caractériser un besoin social impérieux à la restriction à la liberté d’expression, ce qui suppose des motifs pertinents et suffisants de la part des juridictions nationales et une atteinte proportionnée au but légitime poursuivi (CEDH 26 avr. 1979, Sunday Times c. Royaume-Uni [n° 1], n° 6538/74, série A n° 30). En sachant qu’il appartient d’abord aux juridictions nationales d’opérer la mise en balance, la Cour ne substituant son avis à celui de ces dernières qu’en cas de « raisons sérieuses ». Soulignant la spécificité de la mise à disposition d’archives numériques sur internet, qui contribue à la préservation et à l’accessibilité de l’actualité et des informations et constitue une source précieuse pour l’enseignement et les recherches historiques (CEDH 10 mars 2009, Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni (nos 1 et 2), nos 3002/03 et 23676/03 ; 19 oct. 2017, Fuchsmann c. Allemagne, n° 71233/13, Dalloz actualité, 3 nov. 2017, obs. S. Lavric ; ibid. 9 nov. 2017, obs. T. Soudain ; 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, nos 60798/10 et 65599/10, D. 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski image ; AJ pénal 2018. 462, note L. François image ; Dalloz IP/IT 2018. 704, obs. E. Derieux image ; RSC 2018. 735, obs. J.-P. Marguénaud image), elle précise néanmoins que le droit de maintenir des archives en ligne à la disposition du public n’est pas absolu et qu’il doit lui-même être mis en balance avec les autres droits en présence.

Appliquant ces éléments d’appréciation, la Cour estime à six voix contre une qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 dans les circonstances de l’espèce. Les motifs avancés par les juridictions nationales, tenant principalement à l’importance particulière du préjudice subi par l’intéressé du fait de la mise en ligne de l’article quatorze ans après sa première publication et au caractère mesuré de l’anonymisation prescrite au regard de la liberté d’informer (l’anonymisation ne portant pas atteinte à l’intégrité des archives), lui paraissent pertinents et suffisants. Elle valide ainsi la mise en balance opérée par ces dernières et la protection conférée en l’espèce au droit à l’oubli d’une personne qui a été impliquée dans un fait d’actualité par le passé, tout en précisant que la présente solution n’implique pas une obligation générale pour les médias de vérifier systématiquement leurs archives (qui s’inscrirait à contre-courant de la jurisprudence européenne en matière de droit à l’oubli numérique) mais celle de « procéder à une vérification et donc à une mise en balance des droits en jeu […] en cas de demande expresse à cet effet » (§ 134). La solution consacre donc une possible reconnaissance du droit à l’oubli numérique dans de telles circonstances dès lors que l’écoulement du temps a fait disparaître la contribution à un débat d’intérêt général et que l’intéressé (dépourvu de toute notoriété et toujours resté à l’écart des médias) en a fait la demande expresse (évoquant l’émergence d’un tel critère, v. AJ pénal 2018. 462, obs. L. François image, à propos de l’arrêt M.L. et W.W. c. Allemagne, préc.).

Presse : conventionnalité de la condamnation d’un journal à anonymiser un article archivé

Les juridictions belges pouvaient, sans enfreindre l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, condamner un journal à anonymiser un article d’archives qui mentionnait le nom d’une personne condamnée qui avait bénéficié d’une réhabilitation.

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Droit du producteur de vidéogrammes sur les [I]rushes[/I]

Le producteur de vidéogrammes est titulaire du droit d’autoriser la reproduction, la mise à la disposition ou la communication au public des épreuves de tournage non montées dont il a eu l’initiative et la responsabilité de la première fixation.

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La médiation devant la Cour de cassation, pourquoi pas ?

Peu à peu, par la loi Justice du 21e siècle du 18 novembre 2016, la loi de programmation pour la réforme de la Justice du 23 mars 2019, et tout récemment le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire1, le législateur installe profondément et durablement les modes amiables de règlements des différends dans le paysage juridique et judiciaire français.

À l’automne dernier, le groupe de travail « médiation devant la Cour de cassation », composé de magistrats du siège, de magistrats du parquet général, de la directrice de greffe de la Cour de cassation ainsi que de l’Ordre des avocats aux Conseils, était installé afin de réfléchir à l’opportunité et à la faisabilité de développer la médiation devant la Cour de cassation. Cette question n’est en effet dépourvue d’intérêt ni pratique ni théorique.
La médiation, qui se développe désormais depuis une quinzaine d’années aux côtés d’autres modes de règlements amiables des litiges, est un outil permettant au juge d’assurer sa mission de conciliation des parties, dans un contexte de judiciarisation croissante de la société.

L’intérêt de mettre en place une mesure de médiation au stade de la cassation est évident dans la mesure où un pourvoi en cassation s’inscrit dans un temps judiciaire long qui peut conduire à une forme de lassitude des parties, à plus forte raison dans la perspective d’une éventuelle cassation avec renvoi de l’affaire devant le juge du fond. En outre, les contradictions possibles entre les motifs du jugement et ceux de l’arrêt d’appel peuvent être source de confusion dans l’esprit du justiciable, qui pourra souhaiter se tourner vers une autre voie de règlement de son litige.

Le groupe de travail, prenant ainsi la mesure de la pertinence de la mise en œuvre de la médiation devant la Cour de cassation, a cherché à répondre à plusieurs questions pratiques pour en faire une mesure applicable, efficace et attractive.

Il est ainsi apparu, assez naturellement, qu’à droit constant, la médiation pouvait être mise en œuvre au stade de la cassation. Néanmoins, les réflexions menées ont conduit à considérer, que sur certains points, des réformes de nature réglementaire étaient souhaitables, voire nécessaires afin de rendre la médiation devant la Cour de cassation efficace et pérenne.

La possibilité de recourir à la médiation au stade du pourvoi en cassation

De prime abord, il peut sembler que la Cour de cassation n’est pas la juridiction au sein de laquelle il est possible de proposer la médiation. La Cour de cassation juge en effet en droit et veille à l’harmonisation de la jurisprudence sur l’ensemble du territoire afin d’assurer une égale application de la loi. Le magistrat a certes pour rôle premier de trancher un litige mais aussi d’apaiser les relations sociales et de contribuer ainsi au vivre-ensemble. Or, parfois, trancher un litige n’est pas vecteur de paix sociale, quand la médiation entre les parties permet de rétablir un dialogue jusqu’alors rompu.

Aucune définition de la médiation n’est donnée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, qui a consacré la médiation. L’article 22 de ladite loi, concernant l’ensemble des juridictions, dispose que « le juge peut désigner un médiateur judiciaire pour procéder à une médiation en tout état de la procédure, y compris en référé ». La jurisprudence, quant à elle, a présenté la médiation comme « une modalité d’application de l’article 21 du nouveau code de procédure civile tendant au règlement amiable des litiges »2. Or, cet article 21, selon lequel « il entre dans la mission du juge de concilier les parties », figure parmi le Livre Ier du code de procédure civile, relatif aux dispositions communes à toutes les juridictions, de sorte que cet article est applicable à la Cour de cassation.

Selon Madame Natalie Fricero, professeure de droit privé et sciences criminelles à l’université de Nice-Côte d’Azur, entendue par le groupe de travail, la désignation d’un médiateur suppose d’apprécier l’opportunité d’une situation et, par conséquent, de procéder à un examen factuel. Or, l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire dispose que la Cour de cassation peut « statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ». Ainsi, la nécessité de procéder à un examen factuel pour apprécier l’opportunité de recourir à la médiation ne constitue pas un obstacle.

Aucune disposition ne restreint le recours à la médiation à la première instance, de sorte que le développement de la médiation au stade de la cassation semble envisageable à droit constant. Toutefois, l’ensemble des membres du groupe de travail ont estimé opportun d’affirmer dans les textes la possibilité de recourir à la médiation à ce stade afin de normaliser et pérenniser le recours à ce mode de règlement amiable devant la Cour de cassation.

Si le recours à la médiation est possible devant la Cour de cassation, les spécificités de la procédure devant la Haute juridiction supposent d’examiner les modalités de mise en œuvre d’un tel mode de règlement des différends à ce stade.

La médiation devant la Cour de cassation : comment ?

Le développement de la médiation au stade du pourvoi en cassation suppose de prendre en considération les spécificités de la procédure devant la Haute juridiction. La Cour de cassation se distingue en de nombreux points des juridictions du fond, d’abord parce que le juge de cassation statue en droit, mais également parce que les avocats qui plaident devant elle sont les avocats aux Conseil d’État et à la Cour de cassation, regroupés au sein d’un ordre spécifique, et disposant de la qualité d’officier ministériel. Ces spécificités inhérentes à la Cour de cassation invitent à penser les modalités propres à la mise en œuvre de la médiation devant la Cour de cassation. Ce sont ainsi les questions relatives aux litiges susceptibles de faire l’objet d’une médiation, aux acteurs de la médiation, mais encore aux délais de la médiation proposée au stade de la cassation qui ont été abordées par le groupe de réflexion.

Quels litiges ?

Il est évident que tous les litiges ne peuvent faire l’objet d’une médiation et ce plus encore que la Cour de cassation dispose, en statuant, d’un véritable pouvoir créateur. Ainsi, il est certain que la médiation ne peut être mise en place que dans un litige au sein duquel elle a une chance d’aboutir, sans priver la Cour de l’opportunité de se prononcer sur une question de droit présentant un caractère nouveau ou sérieux, pour laquelle la décision à intervenir est susceptible de revêtir une véritable portée normative. Trois méthodes d’identification des litiges ont été présentées par le groupe de travail : l’identification des litiges par matière – certaines matières étant propices à la médiation, telles que le droit social, le droit commercial ou encore le droit des contrats, quand d’autres en sont exclues, notamment celles relevant de l’ordre public, comme le droit pénal et certains pans du droit de la famille –, par critères (ex : risque élevé de cassation) ou encore selon le circuit procédural emprunté (circuit court ou intermédiaire)3. Quelque soit le critère choisi, le groupe du travail a souligné tout l’intérêt de préserver la souplesse dans le processus de médiation, condition indispensable de son succès.

Cette identification de l’affaire propice à la médiation peut être effectuée par une diversité d’acteurs, qui, en raison de la connaissance qu’ils ont des dossiers, sont particulièrement qualifiés pour repérer les affaires susceptibles d’être soumises à une médiation. Ainsi, les conseillers pré-orientateurs4, les conseillers rapporteurs, le parquet général ainsi que les avocats aux Conseils peuvent proposer cette mesure.

Le groupe de travail a également abordé la question de la désignation du médiateur.

En ce sens, la décision ordonnant ou renouvelant la médiation étant une mesure d’administration judiciaire, le rapport propose que le président de la formation à laquelle l’affaire est distribuée soit compétent pour ordonner la médiation.

Quel médiateur ?

Un soin tout particulier devra bien sûr être apporté dans le choix du médiateur. À ce titre, les avocats aux Conseils apparaissent tels des candidats privilégiés à la fonction de médiateur. Par le regard neuf qu’ils portent sur l’affaire, ils disposent du recul suffisant pour accompagner les parties dans le cadre d’une médiation. En outre, ils sont à la fois avocats et officiers ministériels, de sorte qu’ils présentent l’avantage de fournir des garanties fortes en matière de déontologie.

Le choix des médiateurs ne peut être le fruit du hasard, aussi le rapport a-t-il proposé de suivre le modèle qui a été celui des cours d’appel, formulant ainsi une proposition de décret relatif à la liste des médiateurs devant la Cour de cassation. En tout état de cause, le rapport retient une condition qui devrait être satisfaite par les médiateurs devant la Cour de cassation, celle de la nécessité de justifier d’une inscription sur une liste dressée par une cour d’appel depuis au moins trois ans. Cette proposition permettrait de favoriser la constitution d’une liste comprenant des médiateurs locaux sur l’ensemble du territoire, géographiquement proches des parties.
La question des délais a également été source de riches débats. Alors que certaines procédures peuvent s’étendre sur dix ans, il ne s’agissait évidemment pas d’augmenter le temps judiciaire. Une attention singulière a dès lors été portée sur la détermination du moment idoine pour proposer la médiation mise en œuvre au stade du pourvoi en cassation. À ce titre, le dépôt des mémoires, ampliatif et en défense est considéré comme éminemment opportun. Ce n’est en effet qu’après avoir déposé les mémoires que les avocats aux Conseils sont à même à prendre position sur le risque de cassation et partant sur l’opportunité de recourir à une médiation. C’est ainsi parfaitement éclairées et conseillées que les parties accepteront de soumettre l’affaire à la médiation.

Le délai s’écoulant entre le dépôt des mémoires et l’audience se révèle de plus suffisamment long pour mettre en œuvre une médiation – d’une durée moyenne de 6,9 mois5 – sans entrainer de retard dans le traitement de l’affaire ni empêcher le pourvoi de poursuivre le circuit de procédure classique. La mesure ne présente ainsi pas l’inconvénient de rallonger la procédure, et permet au justiciable d’envisager sereinement d’y recourir. En outre, il demeurera toujours possible de recourir à la médiation en cas de cassation avec renvoi devant une juridiction du fond, laquelle est invitée à rappeler aux parties la possibilité de régler amiablement le différend qui les oppose, lorsque les circonstances s’y prêtent.

Enfin, la réflexion menée sur la mise en œuvre de la « médiation à la Cour de cassation » a été l’opportunité de proposer à la chancellerie de compléter les dispositions réglementaires relatives à la médiation. Aussi, il apparait nécessaire de clarifier le régime applicable à la médiation. En ce sens, une proposition est émise, visant à préciser que la consignation de la provision – inhérente à la médiation – s’effectue entre les mains du médiateur ou au greffe de la régie. Semblablement, il est proposé de spécifier le point de départ de la durée de la mission de médiation, à savoir de le fixer au jour où le médiateur est informé par le greffe de la consignation ou au jour où la provision est consignée entre ses mains, selon les circonstances de dépôt de ladite consignation. Encore, il est judicieux, dans un même objectif de clarification, de réaffirmer la possibilité qu’ont les parties, quel que soit le stade de la procédure auquel il est fait recours à la médiation, de se faire assister par un avocat ou toute personne habilitée à les représenter devant la juridiction ayant désigné un médiateur. Une dernière proposition est exposée, relative à l’homologation par le juge de l’accord intervenu entre les parties. Si cette homologation a expressément vocation à rendre exécutoire l’accord conclu au terme de la médiation, elle constitue également, de fait, un instrument de contrôle de non-contrariété à l’ordre public d’un tel accord. C’est ce rôle que le groupe de travail propose de clarifier et d’inscrire dans le marbre de la loi.

La volonté du groupe de travail « médiation devant la Cour de cassation » aura été d’inscrire la Cour de cassation dans la dynamique de promotion de la médiation que connaissent déjà les juridictions du fond, en en structurant le procédure, sans la rigidifier, au risque de s’éloigner de ce qui la caractérise en premier lieu : la souplesse. Formons le vœu que les propositions pratiques et concrètes formulées par le groupe de travail assurent un développement pérenne de la médiation au niveau de la cassation et participe ainsi à la promotion des modes amiables de règlement des différends. 

 

1. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un Conseil national de la médiation, chargé notamment de rendre des avis dans le domaine de la médiation et de proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l’améliorer.
2. Civ. 2e, 16 juin 1993, n° 91-15.332.
3. L. Garnerie, Pourvois : la Cour de cassation se dote de trois circuits de traitement, Gaz. Pal. 21 juill. 2021, n° 383g3, p. 7
4. Les conseillers pré-orientateurs ont pour mission, au sein de chaque chambre, d’orienter les dossiers vers l’un des trois circuits (court, intermédiaire ou approfondi), avant leur distribution au conseiller rapporteur.
5. A. Bascoulergue et P. Charrier, « Étudier la prescription de la médiation judiciaire », La médiation – expériences, évaluations et perspectives, Actes du colloque organisé par la Mission de recherche Droit et Justice, 5 juill. 2018, p.22. 

La médiation devant la Cour de cassation, pourquoi pas ?

La médiation dispose, au stade du pourvoi en cassation, d’un formidable potentiel. Possible en l’état actuel des dispositions législatives et réglementaires, ses modalités de mise en œuvre requièrent néanmoins d’être adaptées aux spécificités de la procédure érigée devant la Haute juridiction.

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Prescription d’un indu de rémunération

La prescription biennale de la récupération d’un indu sur la rémunération d’un agent public est interrompue par toute action en justice, quel qu’en soit l’auteur.

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Précisions sur le régime du transfert du contrat de travail

Une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Le transfert de contrat au sens de l’article L. 1224-1 s’opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d’assurer la direction de cette entité.

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Illégalité de la procédure de déclassification préalable des archives « secret-défense »

En subordonnant la communication des archives « secret-défense » à leur déclassification préalable, après l’expiration des délais de cinquante ou cent ans, l’instruction générale interministérielle n° 1300 est contraire aux dispositions de l’article L. 213-2 du code du patrimoine, juge le Conseil d’État.

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Absence de notification des offres de l’expropriant avant la saisine du juge

La fin de non-recevoir tirée de l’absence de notification des offres de l’expropriant à l’exproprié préalablement à la saisine de la juridiction n’est pas d’ordre public et ne peut être présentée pour la première fois devant la Cour de cassation.

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La CJUE précise la notion de communication au public pour les plateformes en ligne

Dans un arrêt attendu, la Cour de justice de l’Union européenne précise que les exploitants de plateformes de partage de contenus en ligne telles que Youtube n’effectuent eux-mêmes pas de communication au public, à moins de contribuer de façon délibérée à donner au public accès à des contenus illicites.

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Les indemnités de licenciement sont des substituts de salaires qui entrent en communauté

La règle, ici rappelée au visa des articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du code civil, est désormais bien établie : « il résulte de ces textes que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l’exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier ».

La solution est aisée à comprendre : sous le régime de la communauté légale, les gains et salaires sont réputés communs, et ce dès leur origine (Civ. 1re, 8 févr. 1978, n° 75-15.731, Guichaux, D. 1978. 238, obs. D. Martin ; RTD civ. 1979. 592, obs. R. Nerson et J. Rubellin-Devichi ; JCP N 1981. II. 114, obs. H. Thuillier ; Defrénois 1978. 879, obs. G. Champenois). Ce qui, sans confondre règles de « qualification » et règles de « pouvoir », n’empêche pas que chaque époux en ait la libre disposition (C. civ., art. 223) ; du moins jusqu’à ce que ces gains et salaires se transforment en économies soumises à la cogestion (Civ. 1re, 20 nov. 2019, n° 16-15.867, D. 2019. 2246 image ; ibid. 2020. 1205, obs. M. Bacache, D. Noguéro et P. Pierre image ; ibid. 2206, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier image ; AJ fam. 2020. 193, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2020. 173, obs. M. Nicod image ; JCP 2020. Doctr. 11, obs. N. Peterka ; JCP N 2020, n° 7-8, 1054, obs. C. Hélaine ; Dr. fam. 2020. Comm. 27, obs. A. Tani. Déjà, Civ. 1re, 29 févr. 1984, n° 82-15.712, JCP 1985. II. 20443, obs. R. Le Guidec ; D. 1984. 601, obs. D. Martin ; Defrénois 1984. 1074, obs. G. Champenois ; RTD civ. 1985. 721, obs. J. Rubellin-Devichi).

Puisque les gains et salaires sont communs, toutes les sommes qui constituent des substituts à ces salaires, traitements ou toutes formes de revenus sont, elles aussi, communes ; par application d’un mécanisme subrogatoire (F. Terré et P. Simler, Régimes matrimoniaux et statut patrimonial des couples non mariés, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, spéc. n° 280). Tel est le cas des indemnités allouées au titre d’une assurance perte d’emploi (Civ. 1re, 3 févr. 2010, n° 08-21.054, D. 2010. 504 image ; ibid. 2392, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2010. 139, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2010. 611, obs. B. Vareille image ; ibid. 612, obs. B. Vareille image ; Dr. fam. 2010. Comm. 43, obs. B. Beignier), d’une prestation versée au titre d’une prévoyance retraite obligatoire (Civ. 1re, 3 mars 2010, n° 08-15.832, D. 2010. 766 image ; ibid. 2392, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2010. 241, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2010. 806, obs. B. Vareille image ; JCP 2010. 487, obs. A. Tisserand-Martin), d’une indemnité octroyée pour rupture d’un CDD (Paris, 17 sept. 1998, JCP 1999. II. 10031, obs. M.-C. Psaume), des sommes perçues en réparation d’une incapacité temporaire ou permanente de travail (Civ. 1re, 5 avr. 2005, n° 02-13.402, D. 2005. 1247 image ; ibid. 2114, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2005. 279, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2005. 819, obs. B. Vareille image ; JCP 2005. 163, obs. P. Simler ; Defrénois 2005. 1517, obs. G. Champenois ; 23 oct. 1990, n° 89-14.448, JCP N 1991. II. 61, obs. P. Simler ; Agen, 22 févr. 1994, JCP 1995. I. 3821, obs. P. Simler) ou encore de celles perçues en compensation d’une baisse des commissionnements (Civ. 1re, 17 avr. 2019, n° 18-15.486, D. 2019. 1695 image, note B. Chaffois image ; ibid. 2020. 901, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; AJ fam. 2019. 347, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2019. 643, obs. M. Nicod image ; Dr. fam. 2019. Comm. 128, obs. S. Torricelli-Chrifi)…

En revanche, demeurent propres les indemnités exclusivement attachées à la personne de l’époux qui en est créancier. Il en va ainsi des dommages-intérêts alloués en réparation d’un préjudice corporel ou moral (Civ. 1re, 12 mai 1981, n° 80-10.125, Defrénois 1981. 1314, obs. G. Champenois ; 28 févr. 2006, n° 03-11.767, D. 2006. 882 image ; ibid. 2066, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2006. 293, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2006. 364, obs. B. Vareille image, P. Hilt ; LPA 9 oct. 2006, obs. G. Yildirim) ou des indemnités d’assurance réparant une atteinte à l’intégrité physique (Civ. 1re, 17 nov. 2010, n° 09-72.316, D. 2010. 2836 image ; ibid. 2011. 1926, obs. H. Groutel image ; ibid. 2624, obs. C. Bourdaire-Mignot, V. Brémond, M. Nicod et J. Revel image ; AJ fam. 2011. 112, obs. P. Hilt image ; Defrénois 2011. 380, obs. G. Champenois ; JCP 2011. 340, obs. P. Pierre ; Dr. fam. 2011. Comm. 8, obs. B. Beignier ; 26 sept. 2007, n° 06-13.827, D. 2007. 2612 image ; AJ fam. 2007. 437, obs. P. Hilt image ; 6 juin 1990, n° 87-19.492, Defrénois 1991. 36, obs. X. Savatier).

Partant, il faut soigneusement distinguer les indemnités réparant un « préjudice professionnel » de celles réparant un « préjudice personnel » : les premières sont communes (elles compensent la perte d’emploi et se substituent aux revenus du travail) ; les secondes restent propres (elles réparent un préjudice corporel ou moral et sont exclusivement attachées à la personne de l’époux...

Les indemnités de licenciement sont des substituts de salaires qui entrent en communauté

Il résulte des articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du code civil que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l’exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier. En rappelant que les indemnités de licenciement, en ce qu’elles visent à compenser la perte d’un emploi, accroissent activement la masse commune, l’arrêt témoigne d’une rassurante stabilité jurisprudentielle sur ce point.

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Affaire des prêts libellés en francs suisses et prescription

On connaît la célèbre affaire des prêts libellés en francs suisses (Helvet immo), à propos de laquelle la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie et a rendu une solution favorable aux consommateurs (v. CJUE 10 juin 2021, aff. C-609/19, Dalloz actualité, 25 juin 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 1181 image ; JCP 2021. 689, obs. D. Berlin ; LEDC juill. 2021, n° 200f2, p. 1, obs. G. Cattalano : « L’article 3, paragraphe l, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, lequel peut augmenter de manière significative à la suite des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, l’allongement de la durée de ce contrat et l’augmentation du montant des mensualités, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses »). Dans un arrêt du même jour (CJUE 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19, D. 2021. 1181 image ; JCP 2021. 689, obs. D. Berlin ; LEDC juill. 2021, n° 200f2, p. 1, obs. G. Cattalano), la Cour de Luxembourg, tout en adoptant la même solution, nous livre également d’utiles précisions en ce qui concerne la prescription. Il lui était demandé de se prononcer sur le point de savoir si la directive 93/13, lue à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur ou aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives au sens de cette directive, à un délai de prescription de cinq ans qui commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt. À cette double question, les juges européens apportent une réponse très favorable aux consommateurs : « L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur :

– aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription ;

– aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive. »

L’intérêt de cette solution est double : en premier lieu, elle permet de prendre conscience que l’action en constatation du caractère abusif d’une clause n’obéit à aucun délai de prescription (v. déjà CJUE 9 juill. 2020, aff. C-698/18 et C-699/18, Dalloz actualité, 3 sept. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1456 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ contrat 2020. 449, obs. V. Legrand image). À cet égard, le droit français est fondamentalement conforme à la jurisprudence européenne, la première chambre civile de la Cour de cassation ayant jugé que « c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s’analysait pas en une demande en nullité, de sorte qu’elle n’était pas soumise à la prescription quinquennale » (Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 image, note A. Etienney-de Sainte Marie image ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry image ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki image ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais image ; ibid. 465, obs. D. Legeais image ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau image ; v. égal. Com. 8 avr. 2021, n° 19-17.997, pt 27 : « La demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite, qui ne s’analyse pas en une demande d’annulation, n’est pas soumise à la prescription. » ; comp. Civ. 3e, 4 févr. 2016, n° 14-29.347, ayant considéré qu’une cour d’appel avait retenu à bon droit qu’une clause abusive « devait être déclarée nulle et de nul effet », Dalloz actualité, 14 févr. 2016, obs. F. Garcia ; D. 2016. 639 image, note C.-M. Péglion-Zika image ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki image ; ibid. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2016. 623 image, obs. F. Cohet image ; RDI 2016. 290, obs. B. Boubli image ; AJCA 2016. 200, obs. S. Carval image). Se trouve ainsi reconnue la spécificité du réputé non écrit, conformément aux vœux d’une éminente doctrine (S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, préf. Y. Lequette, Economica, 2006 ; J. Kullmann, Remarques sur les clauses réputées non écrites, D. 1993. 59 image ; comp. H. Barbier, L’action en réputé non écrit est-elle imprescriptible ?, RTD civ. 2019. 334 image). On observera toutefois qu’il serait préférable de raisonner en termes de nullité, car le réputé non écrit présuppose qu’une action en justice n’est pas une nécessité (même si la considération est quelque peu théorique). Or il est délicat de se passer d’une appréciation judiciaire en matière de clauses abusives, du moins pour les clauses ne figurant pas sur la liste noire prévue par l’article R. 212-1 du code de la consommation (v. à ce sujet C.-L. Péglion-Zika, La notion de clause abusive. Étude de droit de la consommation, préf. L. Leveneur, 2018, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », nos 339 s.). C’est donc seulement en présence d’une telle clause qu’il est possible d’évincer l’appréciation du juge (v., en ce sens, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, n° 112). Une action en nullité devrait donc être nécessaire (celle-ci est d’ailleurs incontournable dans le cadre d’une action collective, v. C. consom., art. L. 621-8). Mais il conviendrait de la déclarer imprescriptible en matière de clauses abusives afin de se conformer au droit de l’Union européenne (comme c’est le cas, par exemple, le droit roumain, v. CJUE 9 juill. 2020, aff. C-698/18 et C-699/18, Dalloz actualité, 3 sept. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1456 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ contrat 2020. 449, obs. V. Legrand image).

En second lieu, si la demande tendant à la constatation du caractère abusif d’une clause n’est pas soumise à une quelconque prescription, il n’en va pas de même de l’action en restitution des sommes versées en exécution d’une telle clause. Mais il est alors nécessaire de consacrer un point de départ suffisamment protecteur des intérêts du consommateur, ce qui suppose qu’il ne soit pas fixé à la date de l’acceptation de l’offre de prêt (v. déjà CJUE 9 juill. 2020, aff. C-698/18 et C-699/18, D. 2020. 1456 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJ contrat 2020. 449, obs. V. Legrand image). À cet égard, le droit français pourrait ne pas être en accord avec cette solution dans la mesure où l’article 2224 du Code civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Il ne faudrait pas qu’un juge considère que le consommateur aurait dû connaître le caractère abusif de la clause dès la conclusion du contrat…

Affaire des prêts libellés en francs suisses et prescription

La CJUE, dans le cadre de l’affaire des prêts libellés en francs suisses, apporte d’utiles précisions relatives à la prescription, tant pour l’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause (qui échappe à la prescription) que pour celle aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de telles clauses abusives (dont le point de départ doit être fixé dans un sens favorable au consommateur).

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Affaire des prêts libellés en francs suisses et prescription

La CJUE, dans le cadre de l’affaire des prêts libellés en francs suisses, apporte d’utiles précisions relatives à la prescription, tant pour l’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause (qui échappe à la prescription) que pour celle aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de telles clauses abusives (dont le point de départ doit être fixé dans un sens favorable au consommateur).

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Affaire des prêts libellés en francs suisses et prescription

La CJUE, dans le cadre de l’affaire des prêts libellés en francs suisses, apporte d’utiles précisions relatives à la prescription, tant pour l’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause (qui échappe à la prescription) que pour celle aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de telles clauses abusives (dont le point de départ doit être fixé dans un sens favorable au consommateur).

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Inopposabilité au salarié d’enregistrements issus d’une vidéosurveillance continue

Les enregistrements obtenus à partir d’une surveillance sont inopposables au salarié dès lors que le dispositif est attentatoire à sa vie privée et disproportionné au but recherché de sécurité des personnes et des biens. Tel est le cas d’une surveillance vidéo constante d’un salarié qui exerce seul son activité en cuisine.

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Cassation du chef du dispositif concernant la fixation du préjudice total

« Pendant longtemps, la détermination de la portée de la cassation qui avait été prononcée a été une question particulièrement délicate. Certains arrêts de cassation ne précisaient pas, dans leur dispositif quelle était l’étendue de celle-ci ou les chefs de dispositif concernés. Et, lorsqu’ils le faisaient, la Cour de cassation refusait de s’en tenir à une conception purement formelle et jugeait parfois que l’annulation d’une décision, si généraux et absolus que soient les termes dans lesquels elle a été prononcée, était limitée à la portée du moyen qui lui avait servi de base et laissait subsister comme passées en force de chose jugée toutes les autres parties de la décision qui n’avaient pas été attaquées par le pourvoi » (Rép. pr. civ., v° Pourvoi en cassation, par J. et L. Boré, n° 903 ; v. égal. sur le sujet J. Voulet, L’étendue de la cassation matière civile, JCP 1997. I. 2877).

Bien que les règles soient plus claires depuis quelques années, juge du fond et juges du droit ne sont pas toujours d’accord sur la portée et l’étendue de la cassation, ce que montre l’arrêt du 17 juin 2021.

En l’espèce, le conducteur d’une motocyclette a été blessé, le 9 juin 2010, lors d’une collision avec un autre véhicule. Après expertise, l’assureur du conducteur de l’autre véhicule l’a assigné pour que son droit à indemnisation soit limité en raison de ses fautes. Le conducteur victime a sollicité l’indemnisation intégrale de son préjudice.

Un arrêt d’appel du 23 mai 2017 avait jugé que ce dernier avait commis une faute de nature à limiter son droit à indemnisation et avait fixé son préjudice total en fonction. Il a été cassé par un arrêt de cassation rendu le 13 septembre 2018 (Civ. 2e, 13 sept. 2018, n° 17-22.427).

Devant la cour d’appel de renvoi, la victime avait sollicité que son indemnisation soit fixée, pour tous ses postes de préjudice, à des sommes supérieures à celles retenues par le jugement. L’assureur du conducteur avait fait valoir que la cassation n’ayant porté que sur le poste de tierce personne temporaire, il n’y avait pas lieu de discuter à nouveau les autres postes.

La cour d’appel de renvoi, par un premier arrêt partiellement avant dire droit du 19 septembre 2019, a fixé le montant de l’indemnisation de la victime de ce seul chef, en ordonnant, s’agissant de la fixation du préjudice global de la victime et des demandes de condamnations, la réouverture des débats pour que les parties s’expliquent sur une erreur matérielle affectant l’arrêt du 23 mai 2017. La cour d’appel avait toutefois précisé, dans ses motifs, qu’il lui appartenait de ne juger que la demande relative à l’indemnisation du poste de préjudice d’assistance temporaire par une tierce personne, dès lors que tous les chefs de jugement supplémentaires avaient été définitivement jugés en l’absence de cassation, et énonçant, dans son dispositif, qu’elle statuait dans les limites de la cassation.

Par un second arrêt rendu le 30 juin 2020, la cour d’appel de renvoi a fixé le préjudice total de la victime ainsi que la part d’indemnité lui revenant, après imputation de la créance du tiers payeur et celle incombant à l’assureur, et condamné ce dernier à une certaine somme, sans examiner, dans ses motifs, l’ensemble des chefs de préjudice invoqués par la victime.

La victime a formé un pourvoi contre ces deux arrêts. Elle reprochait à la cour d’appel de renvoi...

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Cassation du chef du dispositif concernant la fixation du préjudice total

Il résulte des textes du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises dans l’état où elles se trouvaient avant la décision censurée et l’affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

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Les taux d’incarcération continuent de baisser légèrement en Europe

Depuis 2013, le nombre de détenus pour 100 000 habitants baisse légèrement en Europe, selon les statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (SPACE) sur les populations carcérales pour 2020, publiées en avril 2021.

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Le Bénin, le Sénégal et le Ghana ne sont plus des pays d’origine sûrs

Le Conseil d’État a annulé le maintien de l’inscription du Bénin, du Sénégal et du Ghana sur la liste des pays d’origine sûrs.

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Règlement intérieur : modifications sur injonction de l’inspecteur du travail

Les modifications d’un règlement intérieur, valablement soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, n’impliquent pas une nouvelle consultation lorsqu’elles résultent uniquement des injonctions de l’inspection du travail.

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Mettre de l’ordre dans les pouvoirs d’enquête des administrations

Le Conseil d’État recommande d’harmoniser et de simplifier les pouvoirs d’enquête des administrations pour, à la fois, davantage d’efficacité et de meilleures garanties pour les personnes contrôlées.

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Refus d’un EPIC de renouveler un contrat d’occupation du domaine public

Le juge administratif est compétent en cas de litige portant sur le refus de renouvellement d’un contrat comportant autorisation d’occupation du domaine public opposé par un établissement public industriel et commercial (EPIC).

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Refus d’un EPIC de renouveler un contrat d’occupation du domaine public

Le juge administratif est compétent en cas de litige portant sur le refus de renouvellement d’un contrat comportant autorisation d’occupation du domaine public opposé par un établissement public industriel et commercial (EPIC).

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Réinscription sur la liste des experts judiciaires : question de procédure civile

Une personne demande sa réinscription sur la liste des experts judiciaires d’une cour d’appel.

L’assemblée générale des magistrats du siège de cette cour rejette sa demande, en considération de faits contraires à l’honneur et à la probité.

La décision de cette assemblée est annulée par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 6 juin 2019 (pourvoi n° 19-60.065), aux motifs que les faits imputés à l’expert ne constituent pas en eux-mêmes des faits contraires à l’honneur et à la probité et que l’assemblée a dès lors commis une erreur manifeste d’appréciation (sur cet arrêt, v. O. Salati et P. Matet, in T. Moussa [dir.], Droit de l’expertise, Dalloz Action, 2021-2022, n° 122.12). Rappelons en effet que l’article R. 411-5 du code de l’organisation judiciaire dispose que « la Cour de cassation connaît des recours formés contre les décisions prises par les autorités chargées de l’établissement des listes d’experts […] » et que l’article 20 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires précise quant à lui que « les décisions d’inscription ou de réinscription et de refus d’inscription ou de réinscription prises par l’autorité chargée de l’établissement des listes ainsi que les décisions de retrait prises par le premier président de la cour d’appel ou le premier président de la Cour de cassation peuvent donner lieu à un recours devant la Cour de cassation ».

Par la suite, la même assemblée générale des magistrats rejette de nouveau la demande de réinscription de l’expert, en s’appuyant sur les mêmes faits que ceux qui avaient motivé la première décision de rejet.

Saisie d’un autre recours, la deuxième chambre civile annule la seconde décision de l’assemblée générale. Son arrêt du 17 juin 2021 est prononcé au visa, notamment, de l’article 1355 du code civil, selon lequel « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

L’arrêt énonce que l’autorité de chose jugée qui, en vertu de cet article 1355, s’attache à l’arrêt par lequel la Cour de cassation, statuant sur le recours formé « contre une décision prise en matière d’inscription ou de réinscription d’un expert judiciaire par l’autorité chargée de l’établissement des listes, annule cette décision pour erreur manifeste d’appréciation, fait obstacle à ce que, en l’absence de modification de la situation de droit ou de fait, cette autorité reprenne la même décision pour un motif identique à celui qui a ainsi été censuré ».

Pour bien percevoir la portée de cette solution, qui est énoncée, semble-t-il, pour la première fois, il est utile d’effectuer deux précisions.

D’une part, le recours en annulation dont la Cour de cassation connaît en ce domaine est organisé par des textes spéciaux et a donc une nature originale par rapport au mécanisme habituel de la cassation. En outre, lorsqu’elle dresse la liste des experts judiciaires, l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel intervient comme autorité administrative (Civ. 2e, 27 mai 2021, n° 21-60.013, Dalloz actualité, 9 juin 2021, obs. F. Mélin), ce qui conduit à dire que l’on est en réalité en présence d’un recours pouvant être assimilé à un recours pour excès de pouvoir (J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz Action, 2015-2016, n° 24.101).

D’autre part, dans le domaine de l’inscription et de la réinscription sur les listes d’experts, la Cour de cassation exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (pour des illustrations, v. Civ. 2e, 10 avr. 2014, n° 14-60.004, Gaz. Pal. 28 juin 2014, p. 9, note M. Richeveaux ; 25 juin 2015, n° 15-60.088, Dalloz actualité 7 juill. 2015, obs. F. Mélin ; 2 juin 2016, n° 15-60.308, LPA 11 juill. 2016, p. 21, note M. Richeveaux ; v., pour une présentation plus générale, D. Cholet, in S. Guinchard [dir.], Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2021-2022, n° 452.252).

Ces particularités expliquent la solution énoncée par l’arrêt du 17 juin 2021, qui recourt de manière inhabituelle à la notion d’autorité de la chose jugée à propos d’une décision de la Cour de cassation. Si, en présence d’un pourvoi en cassation classique, la juridiction de renvoi est libre de son appréciation, l’objectif est ici à l’évidence que l’assemblée générale se plie à l’appréciation de l’arrêt de la Cour, afin d’éviter qu’une simple demande d’inscription ou de réinscription sur une liste d’experts ne conduise à un long contentieux.

Cet arrêt ne manquera pas de retenir l’attention des processualistes, qui s’interrogent sur la liste des décisions susceptibles de bénéficier de l’autorité de la chose jugée (L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani Mekki, Théorie générale du procès, 2e éd., PUF, 2013, nos 266 s.) et qui trouveront, avec cette hypothèse très spécifique, une illustration nouvelle.

Réinscription sur la liste des experts judiciaires : question de procédure civile

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la portée d’un arrêt annulant une décision d’une assemblée générale des magistrats du siège d’une cour d’appel à la suite du refus de réinscription d’un expert.

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Un contrat conclu entre deux personnes privées est en principe un contrat de droit privé

L’insertion dans un contrat de droit privé d’une clause dont la méconnaissance est sanctionnée d’une pénalité applicable au profit d’une personne publique ne rend pas ledit contrat administratif.

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Du champ d’application de la prescription biennale en faveur du consommateur

Si une personne agit à des fins commerciales, elle ne peut pas se prévaloir du bénéfice de la prescription abrégée de l’article L. 218-2 du code de la consommation. En restreignant la notion de consommateur à la définition de l’article liminaire du code de la consommation, la Cour de cassation opte pour un régime raisonné et équilibré de cette prescription de droit spécial.

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Du champ d’application de la prescription biennale en faveur du consommateur

Le droit de la consommation déroge au droit commun de la prescription en prévoyant que l’action des professionnels envers les consommateurs pour les biens ou services qu’ils fournissent se prescrit par deux ans sur le fondement de l’article L. 218-2 du code de la consommation issu de la loi du 17 juin 2008 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p.  681, n° 639). Voici une forte asymétrie caractéristique du droit de la consommation puisque le consommateur dispose du délai de droit commun de l’article 2224 du code civil pour agir contre le professionnel, soit cinq ans (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », p. 164, n° 124). Mais ce raccourcissement du délai ne joue pas pour des personnes qui agiraient dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et ce eu égard à l’article liminaire du code de la consommation. C’est précisément ce que vient rappeler la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 30 juin 2021. Les faits trouvent comme support des honoraires d’architecte datant du 14 avril 2011 et du 28 septembre de la même année, dans le cadre d’un projet de construction immobilière. Sur une somme totale de 139 214 €, seuls 11 786,58 € ont été payés. Les relances successives de l’architecte envers son client sont ensuite, en effet, restées vaines. Le 12 novembre 2015, l’architecte assigne donc son client qui lui oppose la prescription de deux ans en application de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation. Le tribunal de grande instance d’Évreux déclare irrecevable car prescrite l’action du professionnel. L’architecte interjette appel mais la cour d’appel de Rouen confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et notamment eu égard à la prescription de l’action : si une instance en référé avait interrompu celle-ci, le délai de deux ans était toutefois écoulé depuis 2011. C’est dans cette optique que l’architecte se...

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Du champ d’application de la prescription biennale en faveur du consommateur

Si une personne agit à des fins commerciales, elle ne peut pas se prévaloir du bénéfice de la prescription abrégée de l’article L. 218-2 du code de la consommation. En restreignant la notion de consommateur à la définition de l’article liminaire du code de la consommation, la Cour de cassation opte pour un régime raisonné et équilibré de cette prescription de droit spécial.

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Contrôle des raisons objectives justifiant la non-réalisation de logements sociaux

Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l’existence de « raisons objectives » justifiant un aménagement des obligations qui pèsent sur une commune en matière de réalisation de logements sociaux.

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Carte de paiement délivrée par un opérateur non bancaire : conséquence du vol de la carte

Lorsque, par exception, un opérateur n’appartenant pas à la catégorie des prestataires de services de paiement est en droit de fournir des services de paiement, en l’occurrence une carte de paiement et les moyens de son utilisation, l’utilisateur n’est pas protégé par les règles applicables aux instruments de paiement en cas de vol de ladite carte.

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Refus de réinscription sur la liste des experts : observations du candidat

Par deux arrêts du 17 juin 2021, la Cour de cassation précise les conditions d’application du principe de la contradiction dans la procédure de réinscription des experts.

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Refus de réinscription sur la liste des experts : observations du candidat

Les demandes d’inscription ou de réinscription sur les listes des experts dressées par les cours d’appel génèrent un certain contentieux (v. réc., Civ. 2e, 27 mai 2021, n° 21-60.013, Dalloz actualité, 9 juin 2021, obs. F. Mélin). Deux arrêts du 17 juin 2021 fournissent des précisions en ce domaine.

Dans les deux cas, un expert avait demandé sa réinscription et s’était vu opposer un refus de la part de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour, dans les conditions définies par les articles 10 et suivants du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires. Rappelons que les demandes de réinscription sont envoyées avant le 1er mars de chaque année au procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel le candidat exerce son activité professionnelle ou possède sa résidence (art. 10) ; que le procureur instruit la demande de réinscription et transmet la candidature à une commission composée de différentes magistrats du siège et du parquet, de membres des juridictions commerciales et conseils de prud’hommes, et d’experts (art. 11 et 12) ; que cette commission examine la situation de chaque candidat, qu’elle peut...

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Contrats conclus hors établissement et droit de la consommation : QPC non renvoyée

La Cour de cassation refuse de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de l’article L. 221-3 du code de la consommation. La Haute juridiction rappelle que le principe de clarté de la loi ne peut pas être invoqué à l’appui d’un tel contrôle a posteriori.

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Contrats conclus hors établissement et droit de la consommation : QPC non renvoyée

La Cour de cassation a l’occasion de statuer sur un contentieux assez abondant autour de la notion des contrats conclus hors établissement, notion qui a été préférée au démarchage depuis la loi du 17 mars 2014 transposant la directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 621, n° 577). C’est dans ce contexte qu’a été posée une question prioritaire de constitutionnalité autour de l’article L. 221-3 du code de la consommation. Cet article prévoit que les règles relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entrent pas dans le champ de l’activité du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés ne dépasse pas cinq. Dans son ouvrage, M. Pellier indique au sujet de cette disposition qu’elle est « l’une des illustrations de l’idée selon laquelle la protection prévue par le code de la consommation ne s’adresse pas exclusivement aux consommateurs, ce qui contribue à troubler un peu plus encore le domaine du droit de la consommation » (J-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 177, n° 133). La disposition concernée suit une logique, en effet, particulière puisqu’elle vient inclure des opérations qui ne devraient pas relever du code de la consommation. Le point posant difficulté réside dans la détermination de la sphère de l’activité principale du professionnel, nécessairement sujette à interprétation. C’est précisément sur ce point que la question prioritaire de constitutionnalité a tenté de jouer.

Les faits ayant donné lieu à cette question sont très classiques. Une ergothérapeute conclut hors établissement deux contrats de licence d’exploitation et de location financière d’un site internet pour une durée de quarante-huit mois. L’ergothérapeute ne peut pas utiliser son droit de rétractation, les sociétés lui refusant. Par acte introductif d’instance du 9 juin 2020, ce dernier assigne ses deux cocontractants en nullité des contrats devant le tribunal judiciaire de Lille. Au cours de la procédure, l’une des deux sociétés décide de poser une question prioritaire de constitutionnalité qui sera transmise à la Cour de cassation par le tribunal judiciaire.

Voici le sujet de la question pour...

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Contrats conclus hors établissement et droit de la consommation : QPC non renvoyée

La Cour de cassation refuse de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de l’article L. 221-3 du code de la consommation. La Haute juridiction rappelle que le principe de clarté de la loi ne peut pas être invoqué à l’appui d’un tel contrôle a posteriori.

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Saisine de la juridiction de renvoi : une déclaration de saisine sinon rien

Le 31 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bobigny prononce la clôture de la liquidation judiciaire d’une société. Opposition est formée contre ce jugement par la société et son gérant.

À cette occasion, une requête en récusation de trois juges du tribunal est formée par la société et le gérant, avec demande de renvoi devant une autre juridiction.

Cette requête est rejetée par le premier président de la cour d’appel.

Sur pourvoi, l’ordonnance présidentielle est cassée (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.836), avec renvoi devant le premier président de la cour d’appel de Versailles.

Le 22 janvier 2020, la société et son gérant déposent à nouveau une requête en récusation et demandent de renvoi devant la juridiction de renvoi, sans régulariser une déclaration de saisine. Sur cette requête, le 10 mars 2020, le premier président rend une ordonnance rejetant la demande de récusation et de renvoi.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, en relevant d’office le moyen tiré de l’absence de saisine valable de la juridiction de renvoi, les parties ayant déposé une requête sans avoir régularisé une déclaration de saisine.

Une déclaration de saisine en tout état de cause au greffe de la juridiction de renvoi…

Aux termes de l’article 1032 du code procédure civile, qui concerne les dispositions particulières aux juridictions de renvoi après cassation, « la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction ».

Cette disposition s’applique en tout état de cause, quelle que soit la juridiction de renvoi, qu’elle soit de première instance ou d’appel.

Et il n’est pas davantage distingué, si le renvoi est fait devant une cour d’appel, si la procédure est avec ou sans représentation obligatoire, écrite ou orale, si elle relevait du circuit ordinaire avec ou sans désignation d’un conseiller de la mise en état, de la procédure à jour fixe ou même d’une procédure sur renvoi de cassation.

En tout état de cause, et sauf disposition contraire, la partie qui a intérêt à saisir la juridiction devant laquelle la Cour de cassation a renvoyé après cassation devra nécessairement procéder par une déclaration de saisine qui constitue l’unique acte de saisine pour toutes juridictions.

En revanche, cette déclaration de saisine pourra avoir un contenu différent puisque l’article 1033 prévoit que « la déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ».

De même, les modalités de remise de l’acte pourront être différentes, la communication électronique s’imposant lorsque la représentation est obligatoire devant la cour d’appel (C. pr. civ., art. 930-1), et étant (désormais) facultative si la représentation est sans représentation obligatoire.

Peu importe en conséquence que la décision cassée émane d’une juridiction devant laquelle il n’y a pas de représentation obligatoire, comme c’était le cas en l’espèce s’agissant du premier président.

Dès lors qu’il n’existe pas de textes dérogatoires en matière de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, la juridiction de renvoi, qui en l’espèce est le premier président, devait en tout état de cause être saisie par une déclaration de saisine et seulement par une déclaration de saisine.

C’est déjà en ce sens que la Cour de cassation s’était prononcée en matière électorale (Civ. 2e, 23 mai 2001, n° 01-60.516 P, D. 2001. 1848 image), de sorte que cet arrêt ne fait que confirmer la solution déjà donnée.

Il s’agit d’un opportun rappel.

La Cour de cassation fait preuve d’une exigence formelle, et il est tentant de rapprocher cet arrêt d’un précédent arrêt pour lequel la Cour de cassation avait fait preuve de plus de souplesse (Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-11.266 P, Dalloz actualité, 21 nov. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2157 image ; Procédures 2018, n° 2, note Croze ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, p. 46, obs. C. Bléry).

Mais la différence dans cette dernière espèce est que l’avocat, même s’il avait effectué un acte très curieux, avait tout de même eu la volonté de saisir la cour d’appel de renvoi.

Rien de tel ici. Les demandeurs ne se sont même pas posé la question de la saisine de la juridiction, ont estimé n’avoir aucune formalité particulière à effectuer pour saisir la juridiction de renvoi et se sont contentés de remettre leur requête au premier président.

… même s’il s’agit de saisir le premier président

En l’espèce, la Cour de cassation avait cassé une ordonnance du premier président et renvoyé les parties devant le premier président de la cour d’appel de Versailles.

Il appartenait donc à la société et à son gérant non de saisir la cour d’appel de Versailles, puis de remettre une requête au premier président, mais de remettre l’acte de saisine au greffe du premier président.

En effet, à aucun moment la cour d’appel n’avait eu à connaître de cette affaire, étant rappelé à cet égard que le premier président n’est pas la cour d’appel. C’est d’ailleurs parce que le premier président est une juridiction à distinguer de la cour d’appel que la Cour de cassation avait refusé de lui étendre la communication électronique, la Cour de cassation considérant que l’arrêté technique du 5 mai 2010 ne s’appliquait qu’aux cours d’appel, à l’exclusion du premier président (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-20.047, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; 7 déc. 2017, n° 16-19.336 P, Bull. civ. II, n° 227 ; Dalloz actualité, 14 déc. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2542 image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne image). Et ce n’est que depuis le 1er septembre 2020, et l’arrêté du 20 mai 2020 (arr. du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, JO 21 mai 2020), que cette communication électronique a été étendue à cette juridiction qu’est le premier président.

En l’espèce, surtout, le premier président avait été saisi dans le cadre d’une demande de récusation à l’occasion de la procédure d’opposition, devant le tribunal de commerce, contre le jugement ordonnant la clôture de la liquidation.

L’instance devant le premier juge est toujours en cours, dans l’attente de ce qui devait être décidé par le premier président sur la demande de récusation.

En conséquence, c’est une déclaration de saisine du premier président qui devait être régularisée.

Notons cependant que si la cour d’appel et le premier président de la cour d’appel sont des juridictions distinctes, les articles 966 et suivants situés dans le chapitre « le greffe » ne font pas de distinction quant à eux. Et le greffe dont il est question aux articles 966 et suivants est autant celui de la cour d’appel que celui du premier président.

En pratique, donc, la déclaration de saisine sera remise au même greffe, mais l’acte de saisine devra indiquer la juridiction de renvoi, à savoir le premier président.

Saisine de la juridiction de renvoi : une déclaration de saisine sinon rien

En l’absence de dérogation expresse en matière de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, les dispositions de l’article 1032 sont applicables en la matière, de sorte que le premier président, désigné juridiction de renvoi, est saisi par déclaration effectuée au greffe de cette juridiction par la partie la plus diligente. En l’absence de toute déclaration de saisine au greffe, la juridiction de renvoi n’a pas été valablement saisie.

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Le Conseil d’État annule l’arrêté fixant le nombre d’étudiants de première année commune aux études de santé autorisés à passer en deuxième année. Il impose à quinze universités d’ouvrir de nouvelles places.

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Les députés ont adopté, le 13 juillet, dans le texte de la commission mixte paritaire le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Les sénateurs voteront le 21 juillet.

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Oralité classique et amiable préalable obligatoire : des précisions

Un arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la deuxième chambre civile permet de revenir sur deux questions qui ont déjà occupé la Cour de cassation : l’une est assez « traditionnelle », puisqu’elle a trait à l’oralité « classique » que l’arrêt précise encore davantage ; l’autre est « émergente », qui a suscité un arrêt le 15 avril 2021 (Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 20-14.106, Dalloz actualité, 10 mai 2021, obs. C. Bléry)… et en suscitera d’autres, malheureusement, mais sans surprise.

La décision est rendue à propos d’un tribunal et d’une procédure aujourd’hui disparus, la réforme Belloubet (loi, ordonnance et décret) ayant supprimé le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance, fusionnés en tribunal judiciaire, et les actes introductifs d’instance autres que l’assignation et la requête, au 1er janvier 2020 ; la déclaration au greffe était une formule procédurale utilisable pour introduire l’instance devant le tribunal d’instance, à côté, notamment de l’assignation (à toutes fins), lorsque le montant de la demande n’excédait pas 4 000 € (v. C. pr. civ., art. 843, issu du décret n° 2010-1165, 1er oct. 2010 et abrogé par le décret n° 20219-1333, 11 déc. 2019). Cependant, les enseignements de l’arrêt du 1er juillet sont, eux, bien vivants, car transposables en droit positif.

L’affaire oppose une cliente à une entreprise de déménagement. À la suite d’échanges et démarches, restés vains, la cliente saisit un tribunal d’instance par déclaration au greffe du 27 juin 2018, de diverses demandes en paiement, d’un montant total inférieur à 4 000 €, dirigées contre le déménageur.

Des demandes de renvoi sont formulées et accordées par le tribunal. Puis les parties déposent un dossier à l’audience du 20 septembre 2019. Dans ses écritures, la demanderesse fait valoir diverses tentatives de résolutions amiables et offre de les prouver.

Le tribunal d’instance de Lyon rend un jugement, en dernier ressort, le 19 novembre 2019. Il constate que les parties ont déposé à l’audience des dossiers contenant leurs écritures respectives, mais il rejette les demandes. Plus précisément, il les déclare irrecevables pour deux raisons : d’une part, parce que les demandes ont été formulées par écrit par la demanderesse (dans le dossier remis lors de l’audience), « mais non soutenues oralement » ; d’autre part, car les demandes formulées la demanderesse, par déclaration au greffe, l’ont été « sans justification de diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ». Il estime donc que tant l’article 446-1 du code de procédure civile, qui régit les procédures orales, que l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, imposant une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf exception, n’ont pas été respectés.

La cliente se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse le jugement en toutes ses dispositions. Pour ce faire, elle relève d’office un moyen : après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, elle fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code et reproche au tribunal d’instance une violation de l’article 446-1, alinéa 1er, du code de procédure civile. Puis, elle suit le pourvoi (quatrième branche du moyen) : elle juge que le tribunal d’instance n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 4 de la loi J21.

Oralité classique

Si la procédure orale s’attire des louanges (elle faciliterait la conciliation, serait plus simple, etc.), elle a des inconvénients tout aussi réels : elle comporte des dangers, elle tend des pièges, comme la difficulté de vérifier le respect du principe du contradictoire ; elle emporte surtout la pesante obligation de principe d’être présent à l’audience, c’est-à-dire en pratique à toutes les audiences (C. Bléry et J.-P. Teboul, « D’un principe de présence à une libre dispense de présentation ou les évolutions en cours de l’oralité », in Quarantième anniversaire du Code de procédure civile (1975-2015), Éd. Panthéon-Assas, 2016, p. 109 ; E. de Leiris, « Les métamorphoses des procédures orales. Le décret du 1er octobre 2010 », in C. Bléry et L. Raschel [dir.], Les métamorphoses de la procédure civile, colloque Caen, Gaz. Pal. 31 juill. 2014, p. 24 ; J.-L. Gillet, « Faut-il sauver l’oralité ? », in Justices et droit du procès. Mélanges en l’honneur de S. Guinchard, Dalloz, 2010, p. 709 s., n° 1 ; C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « , », 2020, nos 956 s.).

En effet, traditionnellement, l’oralité implique l’obligation pour le plaideur ou son représentant d’être physiquement présent à l’audience afin de présenter oralement ses prétentions et ses moyens ou, au moins, de se référer aux prétentions et aux moyens qu’il aurait formulés par écrit : c’est l’oralité classique. Le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale a, en partie, changé la donne. À côté de l’oralité classique, la réforme de 2010 a institué une oralité moderne en conférant une valeur autonome aux écrits et a dispensé les parties, sous certaines conditions, de se présenter à l’audience – les questions de la dispense de présentation et du régime juridique de l’écrit étant liées. Les règles relatives à l’oralité, surtout moderne, ont par la suite été modifiées à plusieurs reprises (C. Bléry, Un juge civil toujours plus lointain… ? Réflexions sur la dispense de présentation et la procédure sans audience, Dalloz actualité, dossier, 22 déc. 2020).

Cependant, le principe de présence a été maintenu en 2010 et affirmé à l’article 446-1, alinéa 1er : « les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien ». L’article 446-1, alinéa 1er, a repris l’autre aspect du principe de l’oralité classique, selon lequel « elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal ». Ces principes ont toujours suscité de la jurisprudence.

Par exemple, il a été jugé que :

• les parties doivent être présentes à l’audience… même si l’unique convocation à celle-ci a eu lieu deux ans et demi avant, « aucune disposition du code de procédure civile ne prévoyant un délai maximum entre la convocation et la date de l’audience » (Civ. 2e, 9 juill. 2015, n° 14-15.209, Dalloz actualité, 4 sept. 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 1548 image ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle image ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero image) ;

• une juridiction (d’exception) devant laquelle la procédure est orale n’est pas saisie des prétentions et moyens exposés dans des écrits. Malgré le caractère traditionnel de la règle, la Cour de cassation ne cesse de le rappeler (v. par ex. Civ. 2e, 17 oct. 2013, n° 12-26.046 P, D. 2013. 2472 image ; Gaz. Pal. 8-10 déc. 2013, p. 26, obs. C. Bléry ; 15 mai 2014, n° 12-27.035, Dalloz actualité, 26 mai 2014, obs. F. Melin ; D. 2014. 1158 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2015. 938, obs. N. Cayrol image ; JCP 2014. 840, obs. C. Bléry et J.-P. Teboul ; ou, récemment, 21 mars 2019, n° 17-27.805 P ; 24 juin 2021, n° 20-12.430 NP…) ;

• se référer aux écrits n’implique pas de reprendre oralement la totalité des demandes exposées dans ces écrits (Civ. 1re, 13 mai 2015, n° 14-14.904 P, Dalloz actualité, 5 juin 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 1569, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy image ; ibid. 2016. 449, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2015. 410, obs. T. Verheyde image ; RTD civ. 2015. 587, obs. J. Hauser image ; ibid. 938, obs. N. Cayrol image ; et déjà Soc. 17 juill. 1997, n° 96-44.672 P : l’avocat « n’était pas tenu de développer ses conclusions déposées à la barre »), ce que semblent cependant contredire d’autres arrêts, à la formulation plus discutable, mais inédits (v. par ex. Com. 10 mars 2015, n° 13-26.443 ; Civ. 2e, 19 nov. 2015, n° 14-22.916 : « en procédure orale, hors les cas visés au second alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile, le juge n’est tenu de répondre qu’aux moyens et prétentions présentés à l’audience […] » ; adde J. Héron, Droit judiciaire privé, par T. Le Bars et K. Salhi, Lextenso, 7e éd., 2019, n° 639 : « à notre sens, un simple renvoi général à ses conclusions devrait suffire, sauf au juge à demander des explications orales plus détaillées ») ;

• il y a également toute une construction jurisprudentielle sur la valeur des écrits qui ne contiennent pas de prétentions et moyens : c’est ainsi, par exemple, que des écritures transmises au greffe ont pu interrompre immédiatement une prescription ou qu’une exception de procédure a pu être valablement soulevée oralement par une partie à l’audience alors que des écritures sur le fond avaient été déposées antérieurement au greffe par cette même partie (C. Bléry et J.-P. Teboul, « D’un principe de présence à une libre dispense de présentation », op. cit. ; C. Gentili, L’écrit des parties dans la procédure orale, Procédures 2007. Étude 24 ; adde C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, op. cit., n° 960).

L’arrêt du 1er juillet 2021 s’inscrit donc dans cette jurisprudence relative à l’oralité classique. Il apporte une précision sur la notion de « référence aux écrits » : « en l’absence de formalisme particulier pour se référer à des écritures, satisfait aux prévisions de ce texte, la partie qui, hors le cas d’un refus opposé par le tribunal, dépose un dossier comportant ses écritures au cours d’une audience des débats à laquelle elle est présente ou représentée ». La Cour de cassation pose donc un principe : déposer un dossier au cours de l’audience des débats vaut présence et référence aux écritures ; c’est logique puisque le plaideur ou son représentant est bel et bien sur place et s’il dépose le dossier, cela veut dire qu’il entend faire usage de son contenu – prétentions et moyens. Elle assortit cette règle de bon sens de deux limites : premièrement, si une règle spéciale prévoit un formalisme tout aussi spécial, il faut alors le respecter – ce n’est que l’application de specialia generalibus derogant ; deuxièmement, si la juridiction a refusé le dépôt de dossier, alors passer outre au refus exposerait à priver de valeur le dépôt du dossier et donc le contenu du dossier. De fait, l’article 440 du code de procédure civile confère au président le pouvoir de diriger les débats.

L’hypothèse n’est pas d’école puisqu’elle a donné lieu à un arrêt (Civ. 2e, 15 mai 2014, n° 12-27.035, préc.) assez sévère. Sur appel d’un jugement d’un tribunal des affaires de sécurité sociale, le conseil de l’appelant s’était présenté à l’audience de la cour, avait attendu l’appel des causes et, sitôt cet appel effectué, avait souhaité déposer son dossier, ce que la cour lui avait refusé ; malgré ce refus, il avait remis son dossier au greffier et quitté les lieux avant que l’affaire ne soit appelée pour plaider. La Cour de cassation avait rejeté le pourvoi au motif que : « attendu, d’une part, que selon les articles 440 et 446-3 du code de procédure civile, le président dirige les débats et peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige ; que, d’autre part, la procédure sans représentation obligatoire applicable au contentieux général de la sécurité sociale étant orale, seules les conclusions écrites, réitérées verbalement à l’audience des débats, saisissent valablement le juge ». La Cour de cassation rejetait ainsi l’argument selon lequel la simple présence en début d’audience suffirait à assurer le respect du principe de l’oralité et affirmait que seule la réitération verbale des écrits à l’audience des débats saisit le juge, sous la réserve d’une éventuelle dispense par ce dernier de soutien oral lors des débats. La même chambre réaffirme donc la règle posée en 2014, sous forme de limite à la solution énoncée en 2021…

L’arrêt du 1er juillet 2021 apporte finalement une précision bienvenue, sur la compréhension de l’article 446-1, alinéa 1er, in fine, sans révolutionner la matière. Cela aurait dû « aller sans le dire », mais l’arrêt atteste que parfois « ça va mieux en le disant ». Il statue également sur la question émergente du « MARD préalable obligatoire ».

MARD préalable obligatoire

Comme l’arrêt du 15 avril 2021 précité, l’arrêt du 1er juillet « est intéressant en ce qu’il se prononce sur la notion récente de “démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige” » (Dalloz actualité, 10 mai 2021, obs. C. Bléry, préc.), spécialement sur la preuve de ces démarches.

Après avoir prévu un système incitatif et inefficace, le législateur a en effet prévu un système plus coercitif. « La loi J21 n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle […] a instauré une véritable sanction dans son article 4, à savoir une fin de non-recevoir que le juge pouvait prononcer d’office. L’hypothèse visée était assez limitée, celle d’une procédure introduite par déclaration au greffe du tribunal d’instance, non précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf trois exceptions (rappelées par la Cour de cassation dans notre arrêt) : « 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ; 2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ; 3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime » (Dalloz actualité, 10 mai 2021, préc.).

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (art. 3, II) a repris le système mais en élargissant les cas de recours à l’amiable qui peuvent être entrepris au choix des parties et en modifiant quelque peu les exceptions (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, op. cit., nos 1600 et 1601 ; Dalloz actualité, 10 mai 2021, préc.). Il est complété par l’article 750-1 du code de procédure civile, qui ne concerne actuellement que des cas relevant de la procédure orale ordinaire (et non de la procédure écrite) devant le tribunal judiciaire.

Or le cas de dispense en cause dans l’arrêt du 1er juillet 2021, comme dans celui du 15 avril 2021 (2°), n’est plus mentionné en l’état dans l’article 4 de la loi J21 modifié par la loi Belloubet ; il ne l’est pas davantage dans l’article 750-1 du code de procédure civile issu du décret Belloubet. Pour autant, on peut penser que l’ancien 2° se « coule » dans le nouveau 3° de l’article 4 de la loi et de l’article 750-1 : ce 3° dispose ainsi que « si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ». Il faut cependant pour ce faire considérer que l’existence de « pourparlers » antérieurs et vains constitue un motif légitime (Dalloz actualité, 10 mai 2021, préc., et les réf.).

L’arrêt du 1er juillet 2021 nous conforte dans l’idée qu’il faut admettre cette interprétation (qui nous semble être de bon sens : « MARD sur MARD ne vaut ! ») et que l’analyse de la Cour de cassation n’est pas déjà seulement de l’histoire du droit.

Le tribunal d’instance avait (mal) jugé « qu’en l’espèce, Mme D… opère un dépôt de dossier qui ne contient pas la preuve d’un respect du formalisme requis, que le moyen noté dans ses écritures, de ce qu’elle aurait été empêchée de recourir à un médiateur par le comportement de son contradicteur, étant inopérant sur le respect de cette obligation légale opposable à toute saisine du tribunal réalisée par voie de déclaration au greffe, la demanderesse ne faisant état, dans ses écritures, que d’un « médiateur de la consommation », qu’en conséquence, il appert que les demandes formulées par Mme D…, par déclaration au greffe, sans justification de diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, sont irrecevables ». L’arrêt apporte donc une précision, à savoir que la preuve des diligences n’a pas à respecter un formalisme particulier.

Comme en avril, il faut constater – et c’est heureux pour les justiciables à défaut de l’être pour les juges – que les juges doivent analyser concrètement les éléments apportés par le demandeur, les examiner pour vérifier si le demandeur justifie de démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, sans s’abriter derrière un formalisme (lequel ?) non prévu aux textes… tâche qui prend évidemment du temps, que l’« on » espérait économiser en instituant des obstacles à la saisine du juge. Ces indications données par la haute juridiction nous semblent transposables au 3° de l’article 4 de la loi J21, tel qu’issu de la loi Belloubet…

Au risque de nous répéter, nous terminerons en constatant une nouvelle fois (Dalloz actualité, 10 mai 2021, préc.) qu’« à l’image des nombreuses décisions relatives aux clauses de conciliation ou médiation préalable obligatoire, l’arrêt illustre le paradoxe de l’évolution de notre procédure : les plaideurs sont de plus en plus obligés de recourir aux modes amiables de résolution des différends (MARD, sur lesquels, v. not. N. Fricero et al., Le guide des modes amiables de résolution des différends, 3e éd., LexisNexis, 2017) préalablement à la saisine d’un juge ; or l’« amiable » devient lui-même objet de contentieux, car ses contours ne sont pas nets et qu’il faut donc les définir ». Il y a fort à (tristement) parier que plus d’un arrêt sera nécessaire pour les définir…

Rapport [I]Cour de cassation 2030[/I] : une question de légitimité

Le site de la Cour de cassation présente son dernier rapport en date comme « la concrétisation de la volonté de la première présidente et du procureur général d’organiser une large réflexion sur l’avenir de la Cour de cassation ». Pari réussi pour la haute juridiction qui livre un texte long de 93 pages, plusieurs vidéos explicatives, un résumé schématique et plusieurs articles explicatifs de la méthode employée en amont avec 223 pages d’annexes diverses. Le rapport proposé présente une densité riche et extrêmement nourrie même si certaines propositions resteront peut-être à l’état de projet seulement, eu égard à des questions budgétaires dont l’arbitrage échappe parfois à la Cour de cassation. Il faut constater que l’élaboration du rapport a été plutôt rapide puisque la commission de réflexion a été installée par madame la première présidente Chantal Arens et monsieur le procureur général François Molins le 6 juillet 2020. La lettre de mission prévoyait une remise du rapport en septembre 2021. Le résultat définitif sera, finalement, en avance de deux mois sur la date prévue. La commission était présidée par monsieur André Potocki, magistrat honoraire à la Cour de cassation ayant eu des fonctions au tribunal de première instance de l’Union européenne et de juge élu au titre de la France à la Cour européenne des droits de l’homme. Le but de ce travail était de mener une réflexion prospective tournée vers un objectif, celui de repenser « l’identité et le positionnement de la Cour de cassation, dans son environnement juridique, institutionnel et international » d’après le site de la haute juridiction. Trente-sept propositions ont été formulées et il conviendra aux chefs de la Cour de savoir lesquelles nécessiteront ou non des réformes en fonction du budget alloué au ministère de la Justice, notamment. Du point de vue méthodologique, le travail est remarquable tant les entretiens pluridisciplinaires ont été multipliés. La composition de la commission témoigne de cet effort méthodologique grâce à sa pluralité de magistrats, d’universitaires et d’avocats.

Afin de revenir sur ce rapport, nous examinerons successivement les trois axes majeurs du document : l’adhésion, l’expertise et la communication de la Cour de cassation.

Renforcer l’adhésion : l’intérêt d’un auditoire élargi

La première partie du rapport décrit un monde sous tensions et notamment la réduction des espaces de débat démocratique (p. 24), la densification des sources du droit, notamment supralégislatives (p. 26), et la multiplication des méthodologies possibles (p. 31). Or cette première partie, vierge de toute recommandation, pose les jalons qui permettront de formuler plusieurs propositions importantes dans la suite du rapport destinées à augmenter l’adhésion du public à la Cour de cassation. Mais de quel public parle-t-on ? De la lecture de la page 46, on comprend que le public visé n’est pas seulement celui des juristes mais de l’ensemble des justiciables. Ceci se confirme par l’usage de l’expression « l’auditoire universel », formule chère aux théoriciens du droit grâce aux travaux de Chaïm Perelman. Ainsi, sur des affaires dites « phares » serait organisé un débat exceptionnel. Celui-ci prendrait le nom de « procédure interactive ouverte » dans un but de renforcement de la légitimité de la Cour de cassation pour des affaires particulièrement médiatisées. Ainsi seraient filmées et diffusées les séances préparatoires publiques et les audiences de ces affaires emblématiques. La difficulté se concentrera ici surtout sur l’isolement des pourvois pertinents pour ces procédures interactives mais également sur l’accompagnement et les explications nécessaires pour qu’un justiciable puisse se saisir de la retransmission.

Autre grande proposition, peut-être l’une des plus originales, la possibilité d’intégrer une opinion minoritaire ou séparée, exportation à la française des célèbres opinions dissidentes anglo-saxonnes. Mais quelques originalités sont proposées pour éviter un caractère disruptif : l’opinion minoritaire ou séparée serait rendue anonyme et sa publicité ne serait possible qu’avec l’accord de la majorité. On sait que les opinions dissidentes sont au cœur d’une vaste discussion qui oppose la doctrine, les uns défendant l’intérêt de telles opinions (J.-P. Ancel, « Une opinion dissidente », in La création du droit jurisprudentiel. Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, Dalloz, p. 1 s.), les autres refusant plus ou moins catégoriquement leur introduction (J. Boré et L. Boré, Rép. pr. civ, v° Pourvoi en cassation, n° 737 : « il nous semble pourtant préférable que les magistrats de la Cour consacrent leur temps à motiver les décisions de celle-ci plutôt qu’à en dire du mal ». Dans son audition pour l’élaboration du rapport commenté, M. Alain Supiot a indiqué qu’il était favorable à l’expression des opinions dissidentes (p. 193 de l’annexe du rapport). Le document final avance à pas feutrés sur la question tant il faudra ménager les intérêts en présence.

L’élargissement de l’auditoire vise également à renforcer les liens avec le monde de la recherche (p. 49). Le rapport souhaite solliciter plus régulièrement aux fins d’expertise ou d’organisation des universitaires en s’appuyant notamment sur des réseaux interdisciplinaires. On ne peut que louer une telle volonté afin que des réflexions prospectives puissent être menées, par exemple en termes de revirement de jurisprudence. Ce lien entre magistrats et universitaires permettrait notamment de mieux concevoir la fonction normative de la Cour dont on sait qu’elle est de plus en plus exprimée dans les arrêts récents (Cass., ass. plén., 2 avr. 2021, n° 19-18.814, Dalloz actualité, 9 avr. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 1164, et les obs. image, note B. Haftel image ; AJ fam. 2021. 312, obs. J. Houssier image). L’ensemble a pour but d’augmenter la légitimité répondant ainsi au « monde sous tensions » mis en exergue page 20 du rapport, dans sa première partie. Ceci existe déjà, à dire vrai, notamment à travers la mission de recherche Droit et Justice qui sera, au 1er janvier 2022, englobée par un futur groupement d’intérêt public la mêlant avec l’institut des hautes études sur la justice. Le but serait ainsi de parachever davantage que d’innover entièrement.

Cette adhésion renforcée se traduit également par une expertise accrue.

Renforcer l’expertise de la Cour de cassation : l’exigence du collectif

La plaquette de présentation du rapport parle, à ce sujet, d’une « démarche d’intelligence collective ». Cette expertise passe, d’une part, par un dialogue des juges accru et, d’autre part, par des pistes visant à créer de nouvelles dynamiques autour des magistrats de la Cour de cassation.

Un dialogue des juges renforcé

On comprend aisément que le fameux dialogue des juges est au cœur du débat. Il faut noter l’importance de la sémantique : le vocable « dialogue » apparaît cinquante fois dans le rapport commenté. Ceci montre très clairement la volonté de ses rédacteurs de replacer la Cour de cassation non dans une seule position d’autorité mais dans un véritable lieu de discussion afin de rendre la meilleure décision possible pour chaque pourvoi. Pas moins d’une dizaine de propositions sont ancrées dans cette troisième partie du rapport dont on peut en résumer les principaux apports en deux temps concernant le dialogue des juges.

• D’une part, le rapport entend proposer une meilleure structure du dialogue international. La discussion est, en effet, devenue importante avec les questions préjudicielles qui occupent une actualité récurrente. Mais sur ce point, on note que le rapport ne verse pas dans une originalité extrême, les propositions restant générales : meilleure synthèse des positions de la Cour de cassation avant une question préjudicielle, promotion du dialogue proactif, etc. Une proposition particulière se démarque toutefois, page 54 du rapport, la possibilité pour des juges étrangers de siéger avec voix consultative. L’idée paraît séduisante mais elle semble délicate à mettre en œuvre, les difficultés méthodologiques du droit comparé rendant l’avis de magistrats étrangers parfois complexe à mettre en musique avec une solution seulement conforme au droit positif français. Il faudra également déterminer, par le biais de traités multilatéraux, les conditions pour que les juges puissent siéger sereinement même avec seulement une voix consultative.

• D’autre part, le rapport examine le dialogue interne des juges. On comprend que sur ce plan les difficultés se sont accumulées ces dernières années notamment avec un accroissement des pourvois et des solutions rendues brouillant parfois les lignes directrices de la Cour de cassation. Le rapport entend ainsi renforcer les échanges entre juridictions (p. 55) et notamment permettre une possibilité d’alternance entre les fonctions à la Cour de cassation et au sein des juridictions du fond (proposition n° 16). C’est une idée extrêmement intéressante quand on sait que les magistrats ayant des fonctions à la haute juridiction ne restent souvent qu’un temps limité à la Cour de cassation en début de carrière (en tant que conseillers référendaires) avant de revenir en fin de carrière en tant que conseillers (p. 65 du rapport). La solution envisagée risque d’être difficile à moduler et il faudra probablement attendre une réforme d’ampleur pour concrétiser ce vœu fort intéressant. Dans ce contexte, il faut noter le caractère plus aisé à mettre en place des réunions de travail annuelles entre chaque chambre de la Cour et des magistrats de cours d’appel (proposition n° 15) qui permettraient d’assurer une harmonisation plus simple de la jurisprudence. Les propositions visant à améliorer les moyens informatiques et à créer un « service central de documentation judiciaire » concourent également à cet objectif essentiel de communication entre les juges du fond et de cassation. On note également une volonté d’accroître les compétences du Tribunal des conflits pour « éviter les divergences de jurisprudence » (J.-M. Pastor, Quelle Cour de cassation demain ?, AJDA 2021. 1420 image). Mais ici, encore faut-il rappeler que le rapport invite à une réforme d’ampleur du Tribunal des conflits notamment sur sa composition (p. 55). Les discussions doivent être également accentuées, selon le document, entre le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.

Des réflexions autour de la mise en œuvre du droit

La démarche collective s’inscrit également dans la possibilité de constituer autour des magistrats une véritable équipe. Ceci s’illustre par l’idée d’un recrutement assez important de « juristes-assistants de haut niveau », soit de docteurs en droit ayant une expertise des matières du contentieux concerné selon la chambre de leur affectation. Bien évidemment, le recrutement de juristes assistants dont le rôle est de prêter main-forte aux magistrats ne peut remplacer des postes supplémentaires de fonctionnaires, mais là n’est pas la question. Le but reste surtout d’assurer « un vivier de compétences » (p. 66) permettant, sous le contrôle des auditeurs (c’est-à-dire les magistrats de la Cour chargés des travaux de recherche et d’aide à la décision) et sous l’autorité de la première présidente, de recentrer le magistrat sur son rôle juridictionnel. Il faudra déterminer si les budgets de l’État permettent de tels recrutements de contractuels de catégorie A à haut niveau d’expertise, puisque c’est le public de docteurs en droit qui est visé pour ces postes. L’annexe 1.12 (p. 64 des annexes du rapport) décrit plusieurs pistes possibles et indique le potentiel « exceptionnel » de ce travail d’équipe autour du magistrat.

On notera que la Cour de cassation hésite toujours à publier de manière systématique les documents entourant l’élaboration d’un arrêt, c’est-à-dire le rapport du conseiller rapporteur et l’avis de l’avocat général. Timide avancée, la proposition n° 22 invite à « rendre progressivement plus fréquente » leur publication. Ce serait, en effet, un outil particulièrement intéressant pour mieux comprendre les décisions de la Cour. Même hésitation latente autour du parquet général lequel fait l’objet de l’un des plus longs développements pour une seule recommandation formulée de manière très générale – la proposition n° 20 – mentionnant la reconnaissance de son apport et la nécessité d’adapter ses tâches et son mode de fonctionnement. Le rapport préconise une spécialisation plus poussée du parquet général qui a déjà débuté (p. 63 du rapport). Le chantier est ici très vaste et cette proposition sera nécessairement un des fils d’Ariane des réformes successives tant son importance est capitale.

Madame la première présidente a noté le grand intérêt qu’elle porte à la gestion de l’urgence à la Cour de cassation et notamment aux développements à ce sujet en fin de rapport (v. la vidéo de remise du rapport de juillet 2021). Le document témoigne de l’hésitation du rapport à proposer la possibilité d’une nouvelle voie de recours qui ressemblerait au référé liberté de l’ordre administratif « qu’on pourrait appeler “pourvoi liberté” ou “référé de cassation” ». Mais la proposition n’a pas été formulée eu égard aux difficultés pratiques insurmontables en l’état actuel des choses (diversité des rapports de droit, nombre de décisions, détermination des parties à l’instance). Sur l’urgence, il faudra donc se contenter d’une proposition générale pour appréhender cette gestion particulière. Le but reste évidemment de permettre au justiciable d’obtenir plus rapidement une décision définitive ; ce qui passe également par l’utilisation plus importante des cassations sans renvoi quand plus rien ne reste à juger (c’est par exemple le cas très fréquemment dans le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte). Ceci assurerait que le pourvoi en cassation « soit pleinement une voie d’achèvement » (proposition n° 17 ; S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 1023, n° 1407).

À l’expertise renforcée répond une communication améliorée pour maintenir le lien avec le justiciable.

Renforcer la communication de la Cour : la modernité de la justice

Une quatrième partie – substantiellement plus courte que la troisième – invite à rendre la Cour de cassation « visible, intelligible, accessible ». Ce rythme ternaire s’oriente évidemment vers la communication de la haute juridiction. Pour ce faire, la commission propose un meilleur dialogue avec les journalistes et une découverte par les justiciables de la Cour en tant qu’institution. La proposition 36 envisage une « web TV » qui parachèverait les efforts de publicité des colloques de la Cour de cassation déjà retransmis. On retrouve le leitmotiv de l’open data qui constitue un défi selon le paragraphe 3.3.6 du rapport avec notamment une réflexion sur l’intelligence artificielle dont le document met en garde sur « la rigidité de la jurisprudence, le profilage des juges, les tentatives peu sérieuses d’anticipation des décisions » (p. 76). Ce profilage intrigue évidemment mais il conviendra alors de se référer à des travaux faisant autorité en la matière en croisant les points de vue pour déterminer la réalité de ces dangers parfois illusoires (pour une étude d’ampleur, v. S. Mérabet, Vers un droit de l’intelligence artificielle, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèses », 2020, préf. H. Barbier, spéc. p. 311, n° 328).

On retrouve sur le point de la communication des propositions qui sont la continuité des trois premières parties. Aux affaires-phares retransmises sur le site internet de la Cour de cassation, on retrouverait une « stratégie proactive de communication ». Tout ceci fait écho à la fonction de porte-parole de la Cour de cassation, rôle qui serait confié à un magistrat doté de « compétences, d’appétences pour la communication, spécialement formé à cette fin » (p. 86 du rapport). Cette proposition forte aiderait évidemment à accentuer la communication de la Cour par une voix représentant l’institution. Mais on retrouve la difficulté à laquelle chacun pensera naturellement, celle des moyens alloués. Tout ceci doit s’accompagner d’un « accroissement très substantiel des moyens dévolus à la communication », ce qui nécessitera là encore des arbitrages pécuniaires inévitables…

Conclusion

La densité exceptionnelle du rapport pourrait être l’occasion – et sera sans doute le prélude – d’études détaillées de la doctrine sur chaque proposition. Mais il faut bien avouer que l’analyse rapide que nous venons de mener doit faire ressortir plusieurs propositions-phares : les opinions minoritaires, un meilleur dialogue des juges, un rôle du parquet général adapté à son apport important, l’urgence mieux maîtrisée à travers des circuits nouveaux, etc. Il ne reste plus qu’à savoir quelles propositions seront immédiatement mises en place mais s’ouvre alors un nouveau chapitre, celui des concessions et des discussions en fonction des deniers disponibles pour améliorer le mode de fonctionnement de la Cour. Tout ceci se fera sur du court, du moyen et du long terme entre 2020 et 2030 à la veille des états généraux de la justice. En ce sens, ce rapport est une véritable fenêtre sur le monde judiciaire de demain.

Oralité classique et amiable préalable obligatoire : des précisions

En l’absence de formalisme particulier pour se référer à des écritures, la partie qui, hors le cas d’un refus opposé par le tribunal, dépose un dossier comportant ses écritures au cours d’une audience des débats à laquelle elle est présente ou représentée. Le tribunal doit répondre aux écritures du demandeur évoquant des tentatives de résolutions amiables.

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Rapport [I]Cour de cassation 2030[/I] : une question de légitimité

Opinion minoritaire, procédure interactive ouverte, dialogue accru des juges, intelligence collective de la Cour… Le rapport Cour de cassation 2030 ne manque pas de propositions. Dalloz actualité propose de revenir sur ce document de référence pour le monde judiciaire de demain.

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Loi protection de l’enfance : les apports des députés

Placement des enfants

Les députés ont fait avancer le texte sur plusieurs points. L’hébergement d’enfants à l’hôtel, possibilité souvent utilisée pour les mineurs non accompagnés, a été source de nombreuses dérives. Cette possibilité sera limitée à deux mois, pour répondre à des situations d’urgence. Les députés ont prévu qu’un décret fixera des normes minimales de prise en charge.

L’article 2 ter du projet de loi prévoit qu’en cas de placement, les fratries ne seront plus séparées, sauf si l’intérêt d’un enfant le commande une autre solution.

L’article premier sur la remise d’une enfant à un membre de sa famille ou à un tiers a été complété, pour garantir, dans ce cas, un accompagnement systématique et permettre un dispositif de visite médiatisée. Par ailleurs, par amendement gouvernemental, l’allocation de rentrée scolaire sera directement versée aux parents en cas de mesure de placement à domicile.

Les députés se sont également penchés sur le cas des jeunes majeurs, anciennement placés. À la suite de leur sortie des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance, de très nombreux jeunes sont dans des « situations très précaires ». Un amendement gouvernemental imposera dorénavant une prise en chargé des majeurs de moins de 21 ans, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité et « [qu’ils] éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants ». Cette prise en charge se fera à titre temporaire et sera en plus du dispositif « garantie jeunes ». Par ailleurs, les jeunes majeurs sortant du dispositif de protection de l’enfance feront partie des publics prioritaires pour bénéficier d’un logement social.

Décisions judiciaires

Le texte prévoit qu’en matière d’assistance éducative, le juge des enfants pourra demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement lorsque son intérêt l’exige.

Le nouvel article 3 bis A vise à favoriser l’échange d’information entre services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires.

Un parent privé de l’exercice de l’autorité parentale par une décision judiciaire ne recouvrera plus automatiquement ce droit en raison du décès de l’autre parent. Contre l’avis du gouvernement, un amendement adopté prévoit que la formation collégiale en matière d’assistance éducative devra être composée de trois juges des enfants.

Organisation de la protection de l’enfance

Les missions du nouveau « Groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles » ont été précisées.

Les centres de « planification et éducation familiale » seront renommés en centres « de santé sexuelle et reproductive », une dénomination jugée moins infantilisante. Les sages-femmes pourront les diriger. Le rôle des PMI en soutien à la parentalité se voit reconnu. Les infirmières puéricultrices pourront prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement.

Un amendement permettra d’expérimenter la création de « maison de l’enfant et de la famille », pour regrouper différents professionnels.

Mineurs non accompagnés

Sur le contrôle des mineurs isolés, le texte a peu évolué. Toutefois, si la minorité a été constatée, il ne sera plus possible qu’un autre département la réévalue.

À noter, les dispositions pour imposer les prises d’empreinte des gardés à vue avaient été retirées en dernière minute de l’avant-projet de loi. Elles seront intégrées avec plusieurs dispositions sécuritaires dans un nouveau projet de loi Sécurité, qui sera fin juillet en conseil des ministres, avec des dispositions sur les drones et l’irresponsabilité pénale.

Loi protection de l’enfance : les apports des députés

L’Assemblée nationale a adopté jeudi dernier en première lecture, à l’unanimité, le projet de loi relatif à la protection des enfants. Par rapport au projet de loi initial, les députés ont adopté plusieurs dispositions pour mieux protéger les enfants placés et les jeunes majeurs.

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Retour sur la notion de tâche incombant personnellement au mandataire judiciaire

L’article L. 812-1 du code de commerce prévoit notamment qu’un mandataire judiciaire peut confier à un tiers une partie des tâches qui lui incombent personnellement à condition que cette « délégation » soit utile au bon déroulement de la procédure collective et qu’elle ait obtenu l’accord du président du tribunal. Pour la Cour de cassation, en donnant à un avocat la mission de le représenter en justice, un liquidateur ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l’exécution de son mandat au sens du texte précité. En revanche, la conclusion d’un avenant de résiliation d’un bail constitue quant à elle une tâche incombant personnellement au liquidateur soumise aux dispositions de l’article L. 812-1 lorsqu’elle a été exécutée par un tiers.

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Application du statut protecteur à la fin du CDD du conseiller du salarié

Lorsque le contrat à durée déterminée du conseiller du salarié arrive à son terme, la cessation dudit contrat suppose, à peine de nullité, l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, peu important que le code du travail ne le prévoie plus depuis la recodification opérée en 2008.

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Motifs de retrait de l’agrément d’un assistant maternel

La seule existence d’une perquisition administrative non spontanément portée à la connaissance de l’administration n’est pas suffisante pour qualifier un manquement aux obligations de déclaration et de notification justifiant le retrait de l’agrément d’une assistante maternelle.

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