Dispositif des conclusions d’appel : la fin justifie les moyens

À modifier les règles du jeu en cours de partie, il est à craindre que les parties et leurs avocats n’aient plus envie de jouer. La question de procédure posée à la Cour de cassation comme la solution du reste apparaissaient pourtant simples. Sur appel d’un jugement du conseil de prud’hommes, une chambre sociale de la cour d’appel de Paris relève la caducité de la déclaration d’appel faute pour l’appelant d’avoir récapitulé ses prétentions sous forme de dispositif. Le pourvoi du salarié reprochait à la cour d’avoir énoncé, pour retenir la caducité, que le respect de la diligence impartie par l’article 908 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération de l’article 954 de ce code et que la méconnaissance de ce dernier texte ne pouvait conduire au prononcé d’une caducité. À question intéressante, réponse embarrassante ! La deuxième chambre civile apporte la solution suivante qui, pour être appréhendée, mérite d’être rappelée exhaustivement : « 4. En application de l’article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure.
5. Les conclusions d’appelant exigées par cet article 908 sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel.
6. L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.
7. Selon cet article 954, pris en son alinéa 2, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte de ce texte, dénué d’ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.
8. Il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue.
9. Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
10. Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, D. 2020. 2046 image, note M. Barba image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne image ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet image ; D. avocats 2020. 448 et les obs. image ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, Anne-Isabelle Gregori, Rudy Laher et A. Provansal image ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol image), imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n’entre pas dans le champ du différé d’application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.
11. L’arrêt constate que les conclusions d’appelant, prises dans le délai prévu à l’article 908, comportaient un dispositif se bornant à demander de confirmer pour partie le jugement et pour le surplus, de faire droit à l’ensemble des demandes, de condamner la société à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
12. En l’état de ces constatations, dont il résultait que le dispositif des conclusions de l’appelante, qui procédait par renvoi, ne comportait pas de prétentions déterminant l’objet du litige, c’est à bon droit, sans faire preuve d’un formalisme excessif, que la cour d’appel a prononcé la caducité de la déclaration d’appel.
13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé ».

Les pieds sur terre, commençons par dégager les évidences

La portée de cet arrêt doit être remise dans un contexte, particulier, qui ne ressort ni de cette décision ni du moyen soutenu mais du seul arrêt de la cour d’appel de Paris. Déjà et contrairement aux apparences, il ne s’agissait pas d’un arrêt rendu sur déféré, après que le conseiller de la mise en état a statué, comme on pourrait le penser. C’est la cour d’appel qui, au fond, décida de soulever le moyen de caducité. Le pouvait-elle ? Si l’on se réfère à l’article 914 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, oui car une fin de phrase perdue à l’article 914 du code de procédure civile qui fixe les pouvoirs du conseiller de la mise en état précise que « Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ». Sauf qu’il n’aura pas échappé au lecteur attentif que l’appel avait été formé avant l’entrée en vigueur dudit décret, lecteur qui n’ignore toutefois pas que la Cour de cassation avait déjà consacré une possibilité pour les cours, sans référence donc à l’ordre public et avant 2017, de relever la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions si les parties et le conseiller de la mise en état ne s’en étaient précédemment emparés. Mais que l’on se trouve avant ou après le 1er septembre 2017, l’article 954 précise depuis le 1er janvier 2011 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Or, le dispositif des conclusions de l’appelant, s’il sollicitait la confirmation du jugement en ce que le grief d’insuffisance professionnelle et le licenciement sans cause réelle et sérieuse n’étaient pas établis, mentionnait ensuite et seulement : « faire droit à l’ensemble des demandes ». Face à un tel dispositif, une sanction ne faisait pas de doute tant les cours d’appels, et les différentes chambres de la Cour de cassation dès l’entrée en vigueur des décrets Magendie, ont rappelé cette exigence qui avait valeur d’évidence (Civ. 1re, 24 oct. 2012, n° 11-22.358 ; Civ. 3e, 2 juill. 2014, n° 13-13.738, D. 2014. 1505 image ; Procédures, oct. 2014, obs. H. Croze ; Com. 22 sept. 2015, n° 14-15.588). Mais ce qui étonnera, c’est la nature de cette sanction !

Haute cour, haute voltige

En effet, en pareil cas, la sanction n’est pas la caducité de la déclaration d’appel mais la confirmation du jugement. S’il n’était pas expressément demandé la réformation du jugement (et on sait ce que la deuxième chambre civile en pense pour les actes d’appel postérieurs au 17 septembre 2020 – infra), l’absence de prétentions au dispositif des dernières écritures (outre une demande au titre de l’art. 700 et des dépens) devait conduire la cour, qui n’était donc saisie de rien d’autre, à confirmer le jugement, pas à prononcer une caducité. La définition juridique de la caducité est la sanction de l’absence d’accomplissement d’un acte de procédure dans un délai imparti, comme l’illustrent d’ailleurs parfaitement les articles 902, 905-1, 905-2, 908 ou même 1037-1. Or, en l’espèce, la cour d’appel avait observé que les conclusions – qui contenaient tout de même des prétentions sans déterminer véritablement l’objet du litige – avaient bien été notifiées dans le délai de trois mois imposé à l’appelant pour conclure ce qui laissait augurer, pour avoir dégagé une caducité là où il n’y en avait pas, une censure de l’arrêt par la deuxième chambre civile. Car lorsque les cours confondent les sanctions, la Cour de cassation ne se prive pas de le dire. Elle le fit, on le sait, à l’égard des cours d’appel qui, saisies d’un appel « total », confirmaient à tort le jugement dès lors que la déclaration d’appel ne mentionnait pas les chefs de jugement critiqués pour, évoquant, dégager, par trois fois déjà, la sanction idoine : la cour n’a ni à confirmer ni à infirmer, elle doit dire qu’elle n’est pas saisie puisque c’est l’acte d’appel qui fonde l’effet dévolutif (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; Procédures, n° 4, avr. 2020, obs. H. Croze ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; 25 mars 2021, n° 20-12.037, Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. R. Laffly ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, A.-I. Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image). Le demandeur au pourvoi pouvait donc, sereinement, attendre la solution de la Cour de cassation.

Acrobatie procédurale

Abondant dans le sens de la cour d’appel, la Cour de cassation commence par rappeler que les conclusions attendues sont toutes celles remises au greffe, notifiées dans les délais prévus par l’article 908 et qui déterminent l’objet du litige. C’est la rédaction même d’un article 910-1, issu du décret du 6 mai 2017… qui n’était donc pas applicable. Mais il est exact là aussi que la Cour de cassation avait déjà dégagé cette solution en y ajoutant (ce qui n’est plus vrai depuis) les conclusions qui soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance (Cass., avis, 21 janv. 2013, n° 12-00.016, BICC 1er janv. 2013, p. 8, rapp. De Leiris et obs. Lathoud ; RTD civ. 2015. 199, obs. N. Cayrol image ; JCP 2013. 135, obs. Gerbay). Soit. Plus contestable ensuite, elle ajoute, selon une formule déjà utilisée mais dans un arrêt inédit pour tirer la même sanction de caducité en raison de l’absence cette fois d’une demande de réformation au dispositif (Civ. 2e, 31 janv. 2019, n° 18-10.983, inédit) que « L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954 » (6). Nécessairement, l’adverbe en devient suspect. L’article 908 ne s’apprécie en effet qu’à l’aune de la temporalité (le délai de forclusion de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe) sans référence au contenu des écritures qui est tout l’objet d’un article 954 qui ne s’intéresse pas aux délais pour conclure et ressort, de surcroît, des pouvoirs de la cour statuant au fond. Le propos n’est évidemment pas de contester l’idée d’une sanction ; personne ne songera, en l’état de la procédure d’appel actuelle et des textes, à contester qu’une sanction puisse être prise face à des conclusions remises dans le délai mais qui seraient d’évidence défaillantes (aucun moyen, aucune prétention, aucun dispositif…), ce qui est terriblement gênant, c’est cette sanction, celle de la caducité. L’arrêt ne précise-t-il pas d’ailleurs que « le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel » (7). La cour doit donc confirmer le jugement, pas dire que la déclaration est caduque ! Pourtant, la Haute cour poursuit, par un artifice juridique, en indiquant qu’il « résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue » (8). Or, procéduralement, c’est faux. L’article 954 ne vise aucune sanction de caducité tandis que l’article 908 ne mentionne que le délai de remise et alors même, on l’a vu, que la caducité, en procédure civile d’appel, ne s’intéresse pas à la « qualité » des écritures. Il appartenait à la cour d’appel de Paris, comme le font d’ailleurs toutes les cours d’appel en pareille hypothèse et comme l’a déjà rappelé la Cour de cassation, de confirmer le jugement au regard d’un dispositif qui opérait par renvoi sans la moindre précision de prétention. La deuxième chambre civile sait très bien tout cela, mais fait comme si.

Contorsionnisme juridique

La raison profonde vient ensuite : « Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice » (9). Au cas présent pourtant, le procès était bien allé à son terme puisque la cour d’appel statuait, non pas sur déféré mais au fond tandis que la Cour de cassation, pas une seule fois, ne vise le conseiller de la mise en état ou l’article 914 du code de procédure civile qui liste ses compétences. Alors de deux choses l’une, soit la deuxième chambre civile a entendu juger que la cour, au fond, pouvait retenir la caducité au côté de la confirmation en cas d’omission au dispositif des conclusions des parties (c’est très discutable juridiquement, on l’a vu, mais cela ne change finalement pas grand-chose au résultat), soit il faut comprendre un message subliminal, que l’on voudrait ne pas comprendre. En consacrant la sanction de caducité au regard de conclusions éminemment défaillantes, la Cour de cassation entendrait en réalité donner la possibilité aux conseillers de la mise en état de statuer sur cette problématique. Mais alors pourquoi ne pas le dire, précisément, en usant de la motivation enrichie ? En offrant aux conseillers de la mise en état la possibilité de constater une caducité qui est, effectivement, de leur compétence, la deuxième chambre civile entendrait in fine court-circuiter la cour d’appel et accélérer le prononcé de la sanction. Pour cela, elle n’avait d’autre choix que de lier, artificiellement, la caducité prévue à l’article 908 à un article 954 qui n’entend les prétentions et le dispositif des conclusions que du côté de la cour d’appel.

Afin que les choses, osons le mot, soient claires, la Cour de cassation finit par rappeler que cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Procédures nov. 2020. Comm. 190, R. Laffly), imposant que l’appelant demande, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement, sans possibilité de différé d’application comme elle l’avait expressément précisé le 17 septembre 2020 (10). Il n’y aura pas de cession de rattrapage, et aucun différé d’application au 9 septembre 2021, comme il y en a eu un au 17 septembre 2020, ainsi que l’a encore rappelé, avec force et par deux fois, la Haute cour qui n’hésita pas à convoquer l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme au secours de l’appelant puis de l’intimé qui forme appel incident sans solliciter de demande de réformation dès les premières écritures (Civ. 2e, 20 mai 2021, n° 19-22.316 et 20-13.210, D. 2021. 1217 image, note M. Barba image ; AJ fam. 2021. 317, édito. V. Avena-Robardet image ; ibid. 381, édito. V. Avena-Robardet image ; Procédures. 2021. Comm. 186, R. Laffly ; 1er juill. 2020, n° 20-10.694, D. 2021. 1337 image ; AJ fam. 2021. 505, obs. J. Casey image ; Procédures août-sept. 2021. Comm. 216, R. Laffly). A première vue, l’écart d’une modulation des effets temporels de cette jurisprudence, dont l’usage se fait en haut lieu avec parcimonie, peut s’expliquer. Car si l’arrêt du 17 septembre 2020 avait pu surprendre plus d’un juriste averti en assimilant la réformation ou l’annulation à une prétention au fond qui devait figurer donc au dispositif des premières conclusions, chacun sait, depuis 2011 donc, que le simple oubli d’une prétention au dispositif ne permet pas à la cour de statuer sur celle-ci. À première vue seulement. Parce que si l’intention de la deuxième chambre civile était de contourner ses propres arrêts des 17 septembre 2020, 20 mai 2021 et 1er juillet 2021 qui apparaissaient comme un puissant frein aux décisions de certaines cours frondeuses faisant rétroagir la sanction aux appels antérieurs au 17 septembre 2020 (au premier rang desquelles les conseillers de la mise en état des chambres sociales de la cour de Paris qui retiennent une caducité dès lors que l’appelant n’a pas sollicité de réformation ou d’annulation au dispositif de ses premières écritures), le procédé serait éminemment contestable. En l’état, si une partie précise ses prétentions au dispositif mais omet d’y faire figurer la réformation ou l’annulation, qui est donc une prétention au fond, la cour ne peut que confirmer le jugement si l’appel est postérieur au 17 septembre 2020, mais si aucune précision de prétention ne figure au dispositif, c’est la caducité qui est encourue, prononcée par la cour voire le conseiller de la mise en état, quelle que soit la date de l’appel. Et peut-être aussi la confirmation par la cour… On a connu arrêts plus inspirés.

Où s’arrêtera la prise de pouvoir du conseiller de la mise en état ?

Si c’était une volonté politique plus que juridique, et un gage donné à certains, le risque à venir est bien réel. Car au-delà même de textes qui ne prévoient pas une telle compétence, l’empiètement sur le pouvoir de la cour apparaît dangereux. Où placer en effet le degré de défaillance du dispositif des conclusions au regard de l’effet dévolutif de l’appel ? Lorsque n’apparaîtra, uniquement comme en l’espèce, ni demande de réformation ni indication des prétentions ? Ou bien le conseiller devient-il le juge de la qualité des écritures ? Quid d’une demande de réformation mais avec une indication de demandes globales et non détaillées ? Ou d’une demande omise voire mentionnée par la suite alors que ce pouvoir ne ressort, dans aucun texte, de ceux dévolus au conseiller de la mise en état ainsi que l’explicitait la circulaire du Ministère de la justice du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile : « À l’instar du contentieux lié à la prohibition des prétentions nouvelles en appel, le contentieux à la concentration des prétentions relèvera de la seule cour d’appel et non du conseiller de la mise en état. Il sera relevé à cet égard que l’article 914, qui a trait à la compétence du conseiller de la mise en état, ne fait pas référence à l’article 910-4 ». Ni à l’article 954 on ajoutera. On voit bien qu’en s’intéressant à l’examen de la qualification des prétentions, même face à un dispositif clairement défaillant, le conseiller touche nécessairement à l’effet dévolutif de la cour d’appel. Alors même que la Cour de cassation a, par son avis remarqué (Civ. 2e, avis, 3 juin 2021, n° 21-70.006, Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. R. Laffly), précisément entendu déconnecter la compétence du conseiller de la mise en état des fins de non-recevoir qui touchent l’effet dévolutif de la cour, cet arrêt laisse perplexe et inquiétera selon le sort que lui réservera l’avenir. Ou alors il faut réécrire les articles 542, 561, 562 du code de procédure civile si l’on veut faire du conseiller de la mise en état, définitivement, le couteau suisse de la procédure d’appel… suffisamment aiguisé pour tout trancher. Enfin, loin de la pratique, la fausse bonne idée est bien celle de l’omnipotence d’un conseiller de la mise en état qui devient le juge de tous les moyens de procédure. Devant la complexité de la procédure d’appel, l’augmentation des saisines du conseiller de la mise en état, à charge de déféré bien sûr, a un impact direct et l’effet inverse recherché sur les délais d’audiencement. Lorsque la fin justifie les moyens, le praticien reste sur sa faim si la Cour de cassation elle-même s’affranchit des règles procédurales pour arriver à la sienne. On connaît la célèbre phrase apocryphe de Camus : mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde. Il aurait dû le dire, c’était le penseur de la vérité.

Dispositif des conclusions d’appel : la fin justifie les moyens

Il résulte de la combinaison des articles 908 et 954 du code de procédure civile que la caducité de la déclaration d’appel est encourue lorsque l’appelant n’a pas fait figurer ses prétentions dans le dispositif de ses conclusions dans le délai de trois mois de la remise de ses écritures.

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L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie privée. La notion de vie privée est une notion large qui englobe de multiples aspects de l’identité d’un individu : son nom, son orientation sexuelle, son droit à l’image, mais aussi le secret de ses correspondances, d’ailleurs expressément visé à l’article 8. Mais ce droit fondamental n’est pas absolu et peut être limité par d’autres droits fondamentaux. L’arrêt illustre bien le contrôle de proportionnalité qu’opère régulièrement la Cour européenne entre différents droits fondamentaux, en l’espèce le droit au secret des correspondances et le droit à la preuve.

Les faits, assez complexes, mêlant procédure devant les juridictions civiles et procédure devant les juridictions pénales, seront limités aux éléments essentiels à la compréhension de la décision.

Une femme de nationalité espagnole avait épousé un homme de nationalité portugaise avec lequel elle a eu deux enfants. Pour des raisons professionnelles, la famille partageait son temps entre l’Espagne et le Portugal. La vie conjugale du couple s’étant détériorée, Madame décida de s’installer définitivement en Espagne avec ses deux enfants, et saisit un tribunal espagnol afin d’obtenir la résidence habituelle des enfants, en attendant le divorce. En réponse, le mari saisit un tribunal portugais pour réclamer, dans un premier temps, la fixation provisoire de la résidence habituelle des enfants au Portugal, puis, dans un second temps, le divorce d’avec son épouse. À cette fin, il produisait des messages électroniques échangés entre son épouse et des correspondants masculins sur un site de rencontres occasionnelles, afin d’apporter la preuve de relations extra-conjugales de son épouse. Le mari avait accédé à cette messagerie après avoir tenté plusieurs combinaisons possibles de mots de passe, avant que son épouse lui donne un accès total à la messagerie afin de prouver qu’il ne s’agirait que d’une plaisanterie (pt 24).

La Cour de justice de l’Union européenne trancha dans un premier temps le conflit de compétences en faveur des juridictions espagnoles, premières saisies. Le tribunal espagnol prononça le divorce des époux, accordant à l’épouse la résidence habituelle des enfants et à son mari un droit de visite, sans tenir compte dans sa motivation des messages électroniques échangés. L’affaire aurait pu (aurait du) s’arrêter là.

Mais, parallèlement à la procédure de divorce, l’épouse avait saisi le procureur près les juridictions répressives de Lisbonne d’une plainte contre son mari pour violation du secret des correspondances dans le cadre des procédures de répartition de l’autorité parentale et de divorce. Les juridictions portugaises ont prononcé une ordonnance de non-lieu à l’égard du mari. D’une part, elles ont déduit, du fait que les conjoints avaient, durant leur vie de couple, une certaine liberté d’accéder à la messagerie de l’autre, une autorisation tacite d’accéder au contenu des messages électroniques litigieux, de sorte que les messages électroniques feraient partis du patrimoine moral commun du couple, ce qui impliquait une autorisation tacite de les utiliser « dans le cadre de la relation conjugale et de ses dérivés », donc dans la procédure de divorce et de répartition de l’autorité parentale. D’autre part, pour les juridictions portugaises, l’accès total à la messagerie qu’avait fini par donner l’épouse avait pour conséquence que les messages feraient désormais partie de la vie privée du couple et non de la seule épouse.

C’est dans ces conditions que l’épouse a engagé une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme contre la République portugaise estimant que les juridictions portugaises avaient manqué à leur obligation de garantir son droit au respect de sa vie privée. Il est certain que la responsabilité d’un État peut être engagée s’il a failli à garantir le droit au respect de la vie privée. En d’autres termes, le droit au respect de la vie privée n’a pas seulement un volet négatif – s’abstenir pour un État de s’ingérer dans la vie privée des citoyens – il a aussi un volet positif – adopter des mesures permettant de garantir à chacun le respect de sa vie privée, y compris dans les relations entre individus entre eux (CEDH 5 sept. 2017, Barbulescu c/ Roumanie, n° 61496/08, § 110, AJDA 2017. 1639 image ; ibid. 2018. 150, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2017. 1709, et les obs. image ; ibid. 2018. 138, obs. J.-F. Renucci image ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell image ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; JA 2017, n° 568, p. 40, étude J. Marfisi image ; Dr. soc. 2018. 455, étude B. Dabosville image ; Dalloz IP/IT 2017. 548, obs. E. Derieux image ; 23 sept. 2010, Schüth c/ Allemagne, n° 1620/03, §§ 54 et 57, D. 2011. 1637, chron. J.-P. Marguénaud et J. Mouly image ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta image ; RDT 2011. 45, obs. J. Couard image ; 12 nov. 2013, Söderman c/ Suède, n° 5786/08, § 78 ; 7 févr. 2012, Von Hannover c/ Allemagne (n° 2), nos 40660/08 et 60641/08, § 98, AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen image ; D. 2012. 1040 image, note J.-F. Renucci image ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer image ; Légipresse 2012. 142 et les obs. image ; ibid. 243, comm. G. Loiseau image ; RTD civ. 2012. 279, obs. J.-P. Marguénaud image).

Le non-lieu prononcé par les juridictions portugaises traduisait-il une violation de l’obligation de la République portugaise de garantir le droit au respect des correspondances de l’épouse ? Avait-il été ménagé un juste équilibre entre, d’une part, le droit de l’épouse au respect de sa vie privée et, d’autre part, le droit à la preuve du mari, c’est-à-dire son droit à bénéficier d’une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à son épouse (CEDH 27 oct. 1993, Dombo Beheer BV c/ Pays-Bas, n° 14448/88, § 33, AJDA 1994. 16, chron. J.-F. Flauss image ; 6 oct. 2009, Almeida Santos c/ Portugal, n° 50812/06, § 38 ; 10 oct. 2006, LL c/ France, n° 7508/02, § 40, D. 2006. 2692 image ; RTD civ. 2007. 95, obs. J. Hauser image).

La cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’il n’y avait pas eu violation du droit au secret des correspondances. La Cour européenne estime certes sujettes à caution les conclusions des juridictions portugaises selon lesquelles les messages feraient parties de la vie privée du couple, d’autant que le consentement de l’épouse pour que son mari accède à la totalité des messages était intervenu dans un contexte conflictuel (pt 47). L’existence d’un « patrimoine moral commun du couple » impliquant « une autorisation tacite d’utiliser » la messagerie de son conjoint retenue par les juridictions portugaises n’est donc pas spécialement approuvée par la Cour européenne.

Mais cette dernière ne condamne pas pour autant le Portugal, car elle estime que la production des messages litigieux était pertinente pour apprécier la situation personnelle des conjoints et de la famille (pt 48) et que les messages n’avaient été divulgués que dans le cadre de procédures civiles à la publicité limitée (pt 49). La Cour européenne des droits de l’homme avait déjà retenu une analyse similaire s’agissant de correspondance papier faisant état d’une relation extraconjugale dans le cadre d’une procédure de mesures provisoires dans l’attente d’un divorce, mais elle avait expressément souligné les garanties de la loi belge, à savoir que la personne ne soit pas entrée irrégulièrement en possession des pièces qu’elle produit et que la pièce ne soit pas couverte par le secret professionnel (CEDH 13 mai 2008, NN et TA c/ Belgique, n° 65097/01, D. 2009. 2714, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur image ; RTD civ. 2008. 650, obs. J.-P. Marguénaud image ; JCP 2008. I. 167, obs. Sudre). Elle avait en revanche retenu une solution inverse en refusant la production d’un compte rendu d’opération chirurgicale adressé par le chirurgien au médecin traitant attestant de l’alcoolisme de l’époux dans le cadre d’une procédure de divorce, au motif que des témoignages faisaient déjà état des habitudes alcooliques du conjoint et que des certificats médicaux prouvaient la violence dont l’épouse avait été victime, ce qui justifiait le prononcé d’un divorce aux torts exclusifs sans nécessité de produire un document couvert par le secret médical (CEDH 10 oct. 2006, préc., § 46. V. pour une appréciation inverse admettant la production de documents médicaux concernant la partie adverse au titre du droit à la preuve, Com. 15 mai 2007, n° 06-10.606, D. 2007. 1605 image ; ibid. 2771, obs. A. Lepage, L. Marino et C. Bigot image ; Just. & cass. 2008. 205, Conférence G. Tapie image ; RTD civ. 2007. 637, obs. R. Perrot image ; ibid. 753, obs. J. Hauser image).

La jurisprudence française est conforme à cette approche. D’une part, l’article 259-1 du code civil interdit à un époux, dans le cadre d’une procédure de divorce, de « verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude ». D’autre part, l’articulation du droit à la preuve avec le droit au respect de la vie privée est abordée à travers le prisme d’un rapport de proportionnalité. Il s’agit de trancher un conflit de droits fondamentaux. Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-12.403, Bull. civ. I, n° 48 ; D. 2016. 884 image, note J.-C. Saint-Pau image ; ibid. 2535, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; AJ pénal 2016. 326, obs. D. Aubert image ; RTD civ. 2016. 320, obs. J. Hauser image ; ibid. 371, obs. H. Barbier image ; Soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.058, Bull. à paraître, D. 2020. 2383 image, note C. Golhen image ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane image ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; JA 2021, n° 632, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin image ; Dr. soc. 2021. 14, étude P. Adam image ; RDT 2020. 753, obs. T. Kahn dit Cohen image ; ibid. 764, obs. C. Lhomond image ; Dalloz IP/IT 2021. 56, obs. G. Haas et M. Torelli image ; Légipresse 2020. 528 et les obs. image ; ibid. 2021. 57, étude G. Loiseau image ; Rev. prat. rec. 2021. 31, chron. S. Dorol image ; 9 nov. 2016, n° 15-10.203, D. 2017. 37, obs. N. explicative de la Cour de cassation image, note G. Lardeux image ; ibid. 2018. 259, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès image ; Just. & cass. 2017. 170, rapp. A. David image ; ibid. 170, rapp. A. David image ; ibid. 188, avis H. Liffran image ; ibid. 188, avis H. Liffran image ; Dr. soc. 2017. 89, obs. J. Mouly image ; RDT 2017. 134, obs. B. Géniaut image ; RTD civ. 2017. 96, obs. J. Hauser image). A ainsi été cassé un arrêt ayant refusé de prendre en compte une lettre trouvée par un héritier dans les papiers de son père et établissant une donation, pour atteinte au secret des correspondances, sans rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-14.177, Bull. civ. I, n° 85 ; D. 2012. 1596 image, note G. Lardeux image ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon image ; ibid. 2013. 269, obs. N. Fricero image ; ibid. 457, obs. E. Dreyer image ; RTD civ. 2012. 506, obs. J. Hauser image)

Dans notre espèce, le caractère régulier de l’entrée en possession des messages électroniques semblait discutable, puisqu’avant que son épouse ne donne un accès total à la messagerie, il semble que le mari en avait eu un accès partiel à la suite de plusieurs tentatives de mots de passe. Mais l’accès total à la messagerie, quoiqu’intervenu dans un contexte conflictuel, semble avoir couvert l’irrégularité première. En droit interne, il a à cet égard été jugé que le fait d’avoir profité de l’opportunité d’accéder à la messagerie électronique de l’épouse après son départ du domicile conjugal caractérise certes un manque de délicatesse, mais ne constitue pas une fraude dès lors que le mot de passe n’a pas été obtenu par fraude (Paris, 17 nov. 2016, n° 14/14482, D. 2017. 1082, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau image ; AJ fam. 2017. 67, obs. A. de Guillenchmidt-Guignot image ; Dr. fam. 2017, n° 2, obs. Binet). Il semble donc que si l’accès au mot de passe n’avait été obtenu que par de multiples tentatives de mots de passe possibles, une atteinte au secret des correspondances aurait probablement été retenue.

Divorce : entre le droit à la vie privée et le droit à la preuve

La production par un conjoint de messages électroniques échangés par son épouse sur un site de rencontres dans le cadre d’une procédure de divorce n’est pas attentatoire au droit au respect de la vie privée de l’épouse, dès lors qu’elle n’intervient que dans le cadre de procédures civiles dont l’accès au public est restreint.

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Modification d’exploitation d’un élevage autorisé au titre des installations classées

Le Conseil d’État précise le régime juridique qui conditionne la modification de l’exploitation d’un élevage autorisé au titre des installations classées pour l’environnement.

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Arrêt de travail pour maladie, acquisition et report des congés payés : les méandres de l’interprétation conforme

Interprétant les dispositions conventionnelles applicables aux salariés des organismes de sécurité sociale à la lumière de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, la Cour de cassation décide, d’une part, qu’une salariée en arrêt de travail pendant deux ans peut acquérir des droits à congé payé durant cet arrêt, d’autre part qu’elle est fondée à demander le report des congés dont elle n’a pas bénéficié au terme de l’arrêt de travail.

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Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #2) : le nantissement de compte-titres

Droit antérieur à la réforme

Dans une étude datant de 1995, un auteur a pu estimer que « le nantissement des valeurs mobilières ne représente qu’un aspect de l’éparpillement des techniques de mise en gage et renforce la nécessité d’une réforme d’ensemble du droit des sûretés, pour en faire un outil plus cohérent et mieux adapté aux richesses » (D. Fasquelle, Le nantissement de valeurs mobilières, RTD com. 1995. 1, spéc. n° 74 image). À l’heure de la publication de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il est bon de savoir si les changements apportés au nantissement de compte-titres, à travers l’article 29 de l’ordonnance modifiant l’article L. 211-20 du code monétaire et financier et financier, sont parvenus à cet objectif.

Le nantissement de compte-titres – anciennement dénommé gage de compte d’instrument financier – a pu gagner souplesse et efficacité grâce à la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 (J.-Cl. BCB, v° Nantissement de compte titre, juin 2020, n° 4). L’institution a fait l’objet de plusieurs réformes successives jusqu’à arriver au modèle que nous connaissons aujourd’hui avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192. L’article L. 211-20 du Code monétaire et financier parle d’instruments financiers, changement terminologique plutôt récent et important pour englober tout à la fois les valeurs mobilières classiques et les parts et actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) incluant fonds communs et sociétés d’investissement à capital variable abrégés par la pratique en SICAV (L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, Paris, LGDJ, Droit civil, 2020, 14e éd., n° 537). Sous ce vocabulaire emportant avec lui donc tant les titres financiers que les contrats financiers, le législateur a voulu unifier la dénomination des titres éligibles à un nantissement de compte-titres (Pour une approche antérieure à cette dénomination, v. P. Emy, Le titre financier, thèse, Bordeaux, sous la dir. de B. Saintourens et la recension de la thèse par E. Putman, RTD civ. 2006. 647 image).

Actuellement, le mécanisme fonctionne grâce à une constitution très simple puisqu’il s’agit d’une déclaration signée par le titulaire du compte qui est la suite logique d’un contrat passé entre les parties sur les modalités du nantissement du compte-titres en lui-même (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, Dalloz, coll. « Précis », 7e éd., 2016, p. 630, n° 575). Cette déclaration est exigée à peine de nullité en nécessitant des mentions spécifiques prévues par l’article D. 211-10 du code monétaire et financier. Une solution rendue à propos de la législation antérieure – celle du gage de compte d’instruments financiers – a pu préciser que « la constitution en gage d’un compte d’instruments financiers est réalisée, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée par le titulaire du compte » (Com. 20 juin 2018, n° 17-12.559, D. 2018. 1381 image ; ibid. 1884, obs. P. Crocq image ; AJ contrat 2018. 439, obs. L.-J. Laisney image). En d’autres termes, l’opposabilité du gage d’un compte d’instruments financiers (ou d’un nantissement de compte-titres depuis la nouvelle dénomination issue de l’ordonnance n° 2009-107 du 30 janv. 2009) n’est pas subordonnée à sa notification (sur cette question, S. Chenu, L’efficacité des sûretés réelles conventionnelles dans les financements d’acquisitions à effet de levier, thèse, Université Bretagne Loire, 2018, p. 59, nos 92 s.). La solution est garante d’une efficacité redoutable pour le créancier. L’article L. 211-20 du code monétaire et financier évoque le virement des titres nantis vers un compte spécifiquement dédié au nantissement que l’on appelle le compte spécial. Mais la doctrine s’accorde à dire que cette condition n’est pas exigée sous l’angle de la validité de la sûreté (Rép. civ., v° Nantissement, par P. Crocq, n° 86). C’est d’ailleurs également le cas pour l’inventaire décrit dans la fin du I- de l’article qui dispose que « le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande au teneur de compte, une attestation de nantissement de compte-titres, comportant inventaire des titres financiers et sommes en toute monnaie inscrits en compte nanti à la date de délivrance de cette attestation ». Sur l’assiette du gage, l’article L. 211-20 prévoit encore une certaine souplesse faisant la part-belle à la subrogation réelle et à l’accession en considérant les titres substitués ou ceux qui les complètent comme compris dans l’assiette du nantissement à l’instar des fruits et produits des titres figurant initialement dans le compte et les titres financiers et sommes postérieurement inscrits (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, op. cit. p. 631, n° 675). La réalisation de la sûreté implique une condition essentielle : une mise en demeure du débiteur notifiée au constituant du nantissement quand il n’est pas le débiteur par ailleurs tout comme au teneur du compte quand il n’est pas le créancier nanti. La mise en demeure comprend des mentions exigées à peine de nullité à l’article D. 211-11 du code monétaire et financier. Dans sa thèse, Mme Claire Séjean-Chazal note le caractère tout à fait remarquable de cette disposition expresse alors que le droit commercial est normalement plus souple que le droit commun (C. Séjean-Chazal, La réalisation de la sûreté, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèse », 2019, p. 279, n° 227). Ceci montre l’attention portée par le législateur à la réalisation de la sûreté réelle et aux droits du débiteur défaillant pour que le créancier puisse appréhender le prix de vente ou s’attribuer le bien objet de la sûreté.

Quelles nouveautés sont issues de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ? Avant toute chose, notons que le nantissement de compte-titres reste dans le code monétaire et financier ; ce qui est discuté par une partie de la doctrine depuis 2006 qui souhaitait son inclusion dans le code civil. L’avant-projet présidé par Michel Grimaldi avait, en effet, prévu un plan du Livre IV « Des sûretés » incluant dans son Titre II « Des sûretés réelles » et dans son Chapitre III « Du nantissement », une sous-section III « Du nantissement d’instruments financiers ». La proposition était restée, assez malheureusement, lettre-morte. L’éparpillement reste ici de mise encore à partir du 1er janvier 2022 puisque l’institution est toujours codifiée à l’article L. 211-20 du code monétaire et financier.

Droit issu de la réforme et perspectives

Le droit issu de l’ordonnance n’entend pas bouleverser le nantissement de compte-titres mais il procède à de nombreux changements rendant l’institution encore plus souple et efficace contre quelques crans de sécurité supplémentaires pour le débiteur constituant. À titre liminaire, précisons que même si l’ordonnance nouvelle prévoit que les nantissements ne confèrent pas, en principe, un droit de rétention, le nantissement de comptes-titres conserve un tel droit de rétention car ce dernier est mentionné expressément par l’article L. 211-20 du code monétaire et financier (rapport remis au président de la République, s.-sect. 3 : dispositions relatives au nantissement de meubles incorporels citant, Com. 26 nov. 2013, n° 12-27.390, D. 2014. 1610, obs. P. Crocq image ; RTD civ. 2014. 158, obs. P. Crocq image ; J.-D. Pellier, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 7) : le nantissement de créance, Dalloz actualité, 22 sept. 2021). La précision est importante car la rétention fonde partiellement l’efficacité de cette sûreté (pour une étude de la rétention à la lumière des titres financiers, J.-D. Pellier, Droit de rétention et nantissement de titres financiers, D. 2019. 1846 distinguant l’universalité de fait du compte-titre et le titre lui-même ; sur les titres nantis spécifiquement et la possibilité des blockchain, M. Julienne et S. Praicheux, Réforme du code civil, crise financière, blockchain : où en sont les garanties financières ?, in Réforme du droit des sûretés et activités bancaires, ss dir. de H. Synvet, RD banc. fin. 2018. Dossier 27, art. 32).

Une modification majeure réside dans l’insertion explicite de la possibilité d’exclure les fruits et produits par la convention des parties au nantissement de comptes-titres. Le créancier et le débiteur peuvent donc tout à fait librement faire le choix d’inclure ou non les fruits et produits, ce qui laisse une marge importante à la liberté contractuelle. L’article L. 211-20 nouveau prévoit également, à ce titre, désormais une dualité terminologique plus claire pour distinguer le « compte spécial » (le compte qui fait l’objet du nantissement de compte-titres) et le « compte fruits et produits » (celui spécifiquement dédié pour y inscrire au crédit lesdits fruits et produits des titres). La distinction permet d’éviter des confusions sémantiques qui peuvent conduire à des erreurs dans le maniement de la sûreté notamment au moment de sa réalisation.

La souplesse préside, là-encore, quand le texte mentionne que l’inscription au crédit du compte fruits et produits peut avoir lieu à tout moment. Ceci permet de contrebalancer la dernière phrase l’article L. 211-20, III- nouveau qui prévoit qu’« à défaut d’inscription au crédit d’un compte fruits et produits, à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée, les fruits et produits sont exclus de l’assiette du nantissement » (nous soulignons). Ite missa est : la loi est donc très claire sur la nécessité d’ouverture d’un compte « fruits et produits » spécifique pour que le créancier puisse en bénéficier. C’est l’un des crans de sécurité supplémentaires dont nous parlions précédemment. En pratique, les fruits et produits seront bien souvent dans l’assiette du nantissement pour maximiser l’efficacité de la sûreté.

L’exigence d’unification préside quand la dernière partie de l’article L. 211-20 du code monétaire et financier prend acte de l’abrogation de l’article L. 521-3 du code de commerce (Ord., art. 28). Ceci pouvait créer une interrogation sur la réalisation du gage commercial lequel se distinguait de la réalisation du nantissement de compte-titres. Le projet d’ordonnance notait en commentaire que « la réalisation du nantissement de compte titres portant sur des titres cotés repose sur une simple mise en demeure. Ainsi, dès lors que le gage commercial est supprimé et que les dispositions de l’article L. 521-3 sont reprises au sein de l’article L. 211-20 il ne semble pas justifié de maintenir cette différence. Il y a lieu d’aligner les modalités de réalisation dans un souci de simplification et de cohérence ». Il faut très certainement approuver cette unification qui conduit à reformuler à droit constant le V° de l’article L. 211-20 nouveau, mis à part donc sur l’unification de la notification au lieu d’une « simple signification » actuellement prévue pour le gage commercial par l’article L. 521-3, alinéa 1er, du code de commerce. Des perspectives intéressantes s’ouvrent donc, avec cette réforme, quant à l’objectif d’unité du gage et du nantissement évoqué par M. Fasquelle en 1995 (D. Fasquelle, Le nantissement de valeurs mobilières, préc.). Le texte harmonise d’ailleurs également les délais applicables pour la réalisation de la sûreté selon la qualité du titre qu’il soit ou non admissible à une plateforme de négociation.

Autre ajout textuel explicite important, celui de la possibilité de nantir successivement un même compte-titres qui avait fait l’objet d’un débat doctrinal en raison de l’indivisibilité du droit de rétention (contra pour une « impossibilité implicite », J. Mestre, M. Billiau et E. Putman, Traité de droit civil – Tome 2 : Droit spécial des sûretés réelles, ss la dir. de J. Ghestin, 1996, p. 389, n° 948 ; Pro : L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, op. cit. n° 538 : « rien ne s’oppose à ce que, à l’instar du tiers possesseur en cas d’entiercement, celui-ci exerce cette possession, et le droit de rétention qui en serait la conséquence, pour le compte de plusieurs créanciers »). Le débat est désormais terminé, l’ordonnance tranchant pour la solution la plus souple pour la sûreté. La prise de rang est alors classique, selon la date de la déclaration initiale étudiée précédemment mais les parties peuvent aménager ce point par convention ; ce qui est assurément une bonne chose en laissant donc une place encore importante à la liberté contractuelle.

On notera également, de manière plus ou moins anecdotique la substitution de l’expression de la qualité des titres « négociés sur un marché réglementé » par « admis sur une plateforme de négociation » que nous avions croisée déjà pour la fiducie à titre de garantie (C. Hélaine, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 9) : la fiducie utilisée à titre de garantie, Dalloz actualité, 23 sept. 2021). L’expression nouvelle recoupe, effectivement la sémantique utilisée par le Code monétaire et financier à l’article L. 420-1 qui définit la notion ainsi : « une plateforme de négociation est un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1, un système multilatéral de négociation au sens de l’article L. 424-1 ou un système organisé de négociation au sens de l’article L. 425-1 ». L’harmonisation du vocabulaire poursuit donc sa route et le droit des sûretés n’y fait pas exception.

Conclusion

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 vient à la fois assouplir, clarifier et maintenir les grandes lignes d’une institution appréciée par la pratique. Le nantissement de compte-titre se trouve renforcé d’abord, par un gain de souplesse notamment sur ce que le contrat peut prévoir (par l’exclusion des fruits et produits du nantissement ou par la modification de la prise de rang en cas de nantissements successifs du même compte-titres). Cette souplesse était, à dire vrai, probablement déjà permise malgré des débats doctrinaux mais sa confirmation est fort bienvenue. L’institution se trouve, ensuite, également clarifiée, par exemple grâce à la spécificité terminologique entre compte spécial (le compte nanti) et compte « fruits et produits » qui permettra de savoir rapidement, au moment de la réalisation de la sûreté, si le créancier peut se servir également sur ces accroissements. Enfin, il faut noter que la conservation des grandes lignes de l’institution permettra aux créanciers de continuer à l’utiliser sans heurts, notamment en raison de son efficacité par le droit de rétention. L’avenir nous dira si ces modifications plus ou moins importantes auront conduit à conserver le nantissement de comptes-titres parmi les sûretés de droit spécial particulièrement appréciées par la pratique notamment bancaire et plus généralement du monde des affaires.

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #2) : le nantissement de compte-titres

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel du 16 septembre. Retour sur le nantissement de compte-titres.

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Irrecevabilité des conclusions sur renvoi de cassation ou le péché par omission

Amenée à statuer sur renvoi après cassation, la cour d’appel de Poitiers, pour débouter le déclarant-saisissant de sa demande d’irrecevabilité des conclusions adverses, relève que s’il est constant que les intimés n’ont pas conclu dans le délai de deux mois imposé par l’article 1037-1 du code de procédure civile, « encore faut-il que le président de la chambre soit saisi de cette demande de constat d’irrecevabilité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que la formation de jugement de la cour d’appel ne peut donc se substituer au président de la chambre ». Le moyen du pourvoi tiré de la violation de la lettre même de l’article 1037-1 était tout trouvé, ce qui amena la deuxième chambre civile, au visa de cet article, à casser et annuler en toutes ses dispositions l’arrêt selon la solution la suivante :
« 9. Selon ce texte, les parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation, qui ne respectent pas les délais qui leur sont impartis pour conclure, sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé. Il en résulte qu’en ce cas, les conclusions que ces parties prennent, hors délai, devant la cour d’appel de renvoi sont irrecevables.
10. Par ailleurs, ce texte confère au président de la chambre ou au magistrat désigné par le premier président, le pouvoir de statuer sur la caducité de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation, en cas de dépassement du délai dans lequel doit être notifiée cette déclaration aux parties adverses, et sur l’irrecevabilité des conclusions tardives de l’intervenant, volontaire ou forcé. En revanche, la disposition de ce texte prévoyant que l’affaire est fixée à bref délai, dans les conditions de l’article 905 du code de procédure civile, ne concerne que l’application de cet article, à l’exclusion de celles des dispositions des articles 905-1 et 905-2 conférant à ce magistrat des attributions destinées à sanctionner le respect par les parties des diligences prescrites par ces deux derniers textes. Or la liste des attributions conférées à ce magistrat, qui font exception à la compétence de principe de la formation collégiale de la cour d’appel, est, pour ce motif, limitative.
11. Par conséquent, seule la cour d’appel, à l’exclusion du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, peut prononcer l’irrecevabilité des conclusions des parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation.
12. Pour rejeter la demande de la coopérative tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 6 août 2018 par M. [C] et l’EARL, ainsi que leurs conclusions postérieures, l’arrêt retient que la formation de jugement de la cour d’appel ne peut se substituer au président de la chambre pour constater que les parties auxquelles a été signifiée la déclaration de saisine de la cour de renvoi sont réputées s’en tenir aux prétentions et moyens qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Faute avouée, pas toujours pardonnée

Faiblesses rédactionnelles, erreurs de syntaxe, omissions malheureuses, il ne fait mystère pour personne...

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Irrecevabilité des conclusions sur renvoi de cassation ou le péché par omission

Seule la cour d’appel, à l’exclusion du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, peut prononcer l’irrecevabilité des conclusions des parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation.

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Règlement européen sur les successions internationales : notion de pacte successoral et précision sur les dispositions transitoires

Au cours de l’année 1975, un homme, de nationalité allemande, avait prévu par contrat de transférer à son décès, à titre de donation, en faveur de son fils, de nationalité allemande, et de sa belle-fille de l’époque, de nationalité autrichienne, pour moitié chacun, la propriété d’un terrain situé en Autriche, y compris ce qui au moment du décès y aurait été construit. Ce contrat, soumis expressément au droit autrichien, était toutefois soumis à certaines conditions notamment l’obligation pour le père de construire dans les dix ans une maison bi-familiale, le fait que son fils et sa belle-fille soient encore mariés au moment du décès et que cette dernière soit en vie. Si cette dernière condition n’était pas satisfaite, le contrat prévoyait que le transfert n’aurait lieu qu’au bénéfice du seul fils. L’acte prévoyait également la possibilité d’inscrire le transfert de propriété dans le livre foncier autrichien sur présentation d’un acte officiel de décès et de la preuve que les conditions requises pour l’exécution du transfert de propriété étaient réunies. Lors de la conclusion du contrat, les parties avaient toutes leur résidence en Allemagne.

Le 13 mai 2018, la succession du père a été ouverte devant le tribunal allemand du lieu de sa dernière résidence. Avant ce décès, le fils et son épouse avaient divorcé et cette dernière était même décédée. Le fils a donc demandé l’inscription sur le livre foncier de son droit de propriété relatif au bien immobilier situé en Autriche devant un tribunal autrichien en faisant valoir qu’au moment du décès il était l’unique bénéficiaire du contrat. Les juridictions...

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Règlement européen sur les successions internationales : notion de pacte successoral et précision sur les dispositions transitoires

La Cour de justice de l’Union européenne affine la notion de pacte successoral et apporte une précision sur la disposition transitoire de l’article 83, § 2.

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Réforme du droit des entreprises en difficulté : publication du décret d’application

Le décret n° 2021-1218 du 23 septembre 2021 vient préciser les modalités d’application des dispositions issues de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce.

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Les agents des crèches municipales doivent être vaccinés

Saisi en référé-liberté, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise valide la mise en œuvre, par la commune de Nanterre, de l’obligation vaccinale à l’égard des agents affectés au sein des services et établissements de petite enfance.

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Panneaux photovoltaïques et droit de la consommation : rappels

La Cour de cassation continue de rappeler sa jurisprudence sur les panneaux photovoltaïques à travers les contrats conclus hors établissement, les délais de rétractation et les conséquences sur l’emprunt qui est l’accessoire de l’opération principale de pose des panneaux.

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Panneaux photovoltaïques et droit de la consommation : rappels

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provencele 29 septembre 2021

Civ. 1re, 22 sept. 2021, F-B, n° 19-24.817

Les panneaux photovoltaïques continuent de nourrir avec abondance le contentieux de droit de la consommation tant les particuliers qui les font installer peuvent parfois être déçus de la production effective d’électricité qu’ils peuvent revendre à EDF par raccordement au réseau ERDF. C’est ainsi qu’un certain nombre de déçus engagent des actions en nullité des contrats qui se répercutent nécessairement sur les emprunts qui y sont attachés. Dans d’autres situations, c’est au moment d’une action du prêteur de deniers qu’une demande reconventionnelle de nullité apparaît devant les juridictions. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 septembre 2021 commenté aujourd’hui s’inscrit dans cette seconde optique. Les faits sont classiques : une personne a conclu avec une société un contrat de fourniture et d’installation de douze panneaux photovoltaïques d’une puissance globale de 3 000 Wc financé par un crédit souscrit le même jour auprès d’une société bancaire aux droits de laquelle vient une autre société très connue du grand public. Une fois les panneaux posés, l’emprunteur ne rembourse aucune échéance du prêt conclu. La banque assigne donc en paiement l’acquéreur qui a sollicité reconventionnellement la nullité des contrats conclus hors établissement après avoir mis en cause la société venderesse des panneaux photovoltaïques.

L’affaire mélange un certain nombre de points car l’emprunteur avait soulevé de nombreux moyens devant la juridiction d’appel. Trois points majeurs ont été discutés devant les juges du fond. D’abord, la cour d’appel d’Orléans a refusé de voir dans le bon de commande les insuffisances reprochées par l’acquéreur des panneaux photovoltaïques. Ensuite, la composition collégiale a également refusé la nullité des contrats de vente sur le fondement...

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Panneaux photovoltaïques et droit de la consommation : rappels

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Pas de représentant syndical au CSE si l’entreprise compte moins de cinquante salariés

Il ressort de la combinaison des articles L. 2314-2, L. 2143-3, L. 2143-6 et L. 2143-22 du code du travail que, dans une entreprise n’atteignant pas le seuil de cinquante salariés, une organisation syndicale représentative ne peut disposer de représentant auprès du comité social et économique.

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Offre rejetée pour tardiveté : le candidat doit démontrer avoir accompli les diligences attendues

Si en principe, une offre tardive doit être rejetée, l’acheteur public ne peut le faire que si le candidat n’établit pas qu’il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d’un candidat pour le téléchargement de son offre, ni que le fonctionnement de son équipement informatique était normal. 

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Permis de construire sur un immeuble classé monument historique

La servitude affectant un immeuble classé ou inscrit n’est pas opposable si elle n’est pas annexée au plan local d’urbanisme, sauf au propriétaire de l’immeuble dès lors que celui-ci s’est vu notifier la décision de classement ou d’inscription.

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Conception de la faute intentionnelle : l’âne incendiaire ou l’âme incendiaire ?

Selon l’article L. 113-1 du code des assurances, la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu et n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l’infraction.

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La poursuite de l’uniformisation des sanctions civiles en matière de TEG

La Cour de cassation poursuit son œuvre d’uniformisation des sanctions civiles en matière de taux effectif global (TEG), comme en témoigne l’arrêt rendu par sa première chambre civile le 22 septembre 2021. En l’espèce, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs deux offres de prêts immobiliers, formalisés par actes authentiques les 17 et 23 octobre 2008. Arguant notamment d’un défaut de communication du taux de période du taux effectif global de chacun des contrats, les emprunteurs ont sollicité la nullité des stipulations d’intérêts.

La cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 19 septembre 2019, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 15-24.914, D. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image), a prononcé cette nullité et a substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels, après avoir constaté que les taux de période des TEG des prêts incluant la période d’anticipation n’ont été ni mentionnés ni communiqués aux emprunteurs.

L’affaire ayant à nouveau été portée devant la Cour régulatrice, celle-ci censure l’arrêt douaisien au visa des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l’article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 : les hauts magistrats rappellent tout d’abord le contenu de ces textes et l’existence, sous l’empire du droit normalement applicable à la cause, d’une dualité de sanctions suivant que le défaut de communication du TEG affecte l’offre de crédit (déchéance du droit au intérêts, v. par ex., Civ. 1re, 12 juin 2020, n° 19-12.984 et n° 19-16.401, Dalloz actualité, 26 juin 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1292 image ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen image ; 6 janv. 2021, n° 18-25.865, Dalloz actualité, 19 janv. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 76 image ; RDI 2021. 145, obs. J. Bruttin image ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. V. Valette-Ercole image ; RTD com. 2021. 169, obs. D. Legeais image) ou le contrat lui-même (nullité de la stipulation d’intérêt et substitution à celui-ci de l’intérêt légal, v. par ex., Civ. 1re, 24 juin 1981, n° 80-12.903 ; 15 oct. 2014, n° 13-16.555, D. 2014. 2108, obs. V. Avena-Robardet image ; ibid. 2015. 2145, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; RTD com. 2014. 835, obs. D. Legeais image). Ils rappellent également que ces sanctions ne sont encourues que dans l’hypothèse où l’écart entre le taux communiqué à l’emprunteur et le taux réel est supérieur à la décimale (concernant l’offre, v. par ex., Civ. 1re, 5 févr. 2020, n° 19-11.939, Dalloz actualité, 21 févr. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 279 image ; RDI 2020. 298, obs. H. Heugas-Darraspen image ; AJ contrat 2020. 145, obs. J. Lasserre Capdeville image ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. V. Valette-Ercole image ; RTD civ. 2020. 459, obs. N. Cayrol image ; RTD com. 2020. 435, obs. D. Legeais image. Concernant le contrat, v. par ex., Civ. 1re, 25 janv. 2017, n° 15-24.607, D. 2017. 293 image ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2017. 449 image, obs. J. Moreau, O. Poindron et B. Wertenschlag image ; RTD com. 2017. 152, obs. D. Legeais image ; Com. 18 mai 2017, n° 16-11.147, D. 2017. 1958 image, note G. Cattalano-Cloarec image ; AJDI 2017. 601 image, obs. J. Moreau image ; AJ contrat 2017. 336, obs. J. Martinet image).

Puis, la Cour fait état de l’évolution du droit en la matière : « pour les contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur » (pt 7). Elle ajoute, ensuite, que « Pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, le régime des sanctions a été uniformisé et il a été jugé qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287 P, D. 2020. 1440 image ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre image ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier image ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2021. 223 image, obs. J. Moreau image ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen image ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger image ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais image) » (pt 8). La première chambre civile rappelle alors qu’« Il avait également été jugé que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans le contrat de prêt ou un document relatif à celui-ci était sanctionné par la nullité de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (Civ. 1re, 1er juin 2016, n° 15-15.813, RTD com. 2016. 825, obs. D. Legeais image ; 7 mars 2019, n° 18-11.617 ; 27 mars 2019, n° 18-11.448) » (pt 9). C’est précisément ce courant jurisprudentiel qui est brisé dans le présent arrêt et ce, au nom de l’uniformisation des sanctions civiles en matière de TEG : « Pour les motifs exposés au point 8 et dans la suite de l’arrêt précité du 10 juin 2020, il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 susvisé » (pt 10). À l’aune de cet objectif d’uniformisation, l’arrêt des juges du fond, en ce qu’il avait prononcé la nullité des stipulations d’intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers et substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels sans constater un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale, ne pouvait donc qu’être cassé : « En statuant ainsi, alors que n’était nullement allégué un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale et qu’est seule encourue la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 12).

L’arrêt sous commentaire est une excellente synthèse de l’actuelle position prétorienne à l’égard des sanctions civiles en matière de TEG, qui est en réalité dictée par la volonté de tarir le contentieux dans ce domaine (v. à ce sujet, P. Métais et E. Valette, Le contentieux du TEG : état des lieux d’un contentieux évolutif à l’aube de la réforme, JCP 2019. 122) et de répondre aux objectifs du droit l’Union européenne, qui impose, en matière de crédit comme en d’autres domaines, des « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » (on retrouve en effet une telle exigence au sein de nombreuses directives, dont la dir. 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avr. 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs [art. 23] et la dir. 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 févr. 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel [art. 38]. La récente dir. 2019/2161/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 nov. 2019, dite « Omnibus », prévoit également cette exigence et met en exergue un certain nombre de critères devant être pris en considération à cet égard. V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Regard sur la directive dite Omnibus 2019/2161/UE du 27 novembre 2019, RDC 2020/2, n° 9. Sur l’appréciation de ce triple caractère, v. CJUE 10 juin 2021, aff. C-303/20, Dalloz actualité, 2 juill. 2021, obs. J.-D. Pellier). Il n’en demeure pas moins que la solution adoptée revient à faire une application anticipée de l’ordonnance du 17 juillet 2019 (sur laquelle, v. G. Biardeaud, Succès en trompe-l’œil pour les banques, D. 2019. 1613 image ; F. Clapiès, TEG : une clarification attendue du régime des sanctions civiles, RLDA oct. 2019, p. 20 ; X. Delpech, Un nouveau régime de sanctions en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, AJ Contrat 2019. 361 image ; J. Lasserre Capdeville, L’adoption d’une sanction unique aux manquements liés au TEG/TAEG, JCP E 12 sept 2019. Act. 574 ; M. Latina, La sanction civile du TAEG est unifiée, L’essentiel Droit des contrats, oct. 2019, p. 2 ; P. Métais et E. Valette, La réforme du TEG adoptée : la déchéance du droit aux intérêts du prêteur proportionnée au préjudice… RLDC oct. 2019, p. 9 ; V. Prevesianos, Une ordonnance fixe les sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, Dalloz actualité, 30 juill. 2019), n’en déplaise à la Cour de cassation (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, D. 2020. 1440 image ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre image ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier image ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2021. 223 image, obs. J. Moreau image ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen image ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger image ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais image ; v. égal., Civ. 1re, 10 juin 2020, avis n° 15004, D. 2020. 1410, point de vue G. Biardeaud image ; ibid. 2085, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2020. 446, obs. J. Bruttin image). Ce faisant, comme nous l’avions déjà souligné, elle applique (sans le dire) le principe de la rétroactivité in mitius en matière civile alors que ce principe est traditionnellement cantonné à la matière répressive en vertu de l’article 112-1, alinéa 3, du code pénal (en faveur d’une telle application, v. P.-Y. Gautier, Pour la rétroactivité in mitius en matière civile, in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen J. Héron, LGDJ, 2009, p. 235).

En outre, et corrélativement, elle consacre une hypothèse de déchéance sans texte, ce qui est remarquable dans la mesure où elle y est en principe hostile (v. par ex., en matière de regroupement de crédits, Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565, Dalloz actualité, 24 janv. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 68 image ; AJDI 2019. 632 image, obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron image ; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy image ; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville image ; v. égal., en matière de surendettement, Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160, D. 2020. 484 image ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. M. Draillard, Rudy Laher, A. Provansal, O. Salati et E. Jullien image ; JCP E 11 juin 2020. 1227, note J.-D. Pellier). Il est vrai, cependant, que la solution présente le mérite de la cohérence, la Cour de cassation poursuivant son œuvre d’uniformisation, comme elle le déclare elle-même (v. égal., Com. 24 mars 2021, n° 19-14.307, Dalloz actualité, 8 avr. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 692 image ; AJDI 2021. 456 image ; RTD civ. 2021. 404, obs. H. Barbier image).

La poursuite de l’uniformisation des sanctions civiles en matière de TEG

La première chambre civile de la Cour de cassation considère qu’il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions en matière de TEG et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans un contrat de crédit immobilier est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation.

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La première chambre civile de la Cour de cassation considère qu’il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions en matière de TEG et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans un contrat de crédit immobilier est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation.

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Formalisme de l’appel d’un jugement sur la compétence : entre rigorisme et souplesse…

La deuxième chambre de la Cour de cassation a effectué sa rentrée 2021 le 9 septembre. Parmi les arrêts de ce jour, l’un est dû au formalisme électronique de l’appel particulier en matière de compétence, alors que nous sommes en procédure avec représentation obligatoire : si ce formalisme très rigoureux, voire rigoriste, n’est pas respecté, l’appel est irrecevable… à moins d’une régularisation, que la Cour de cassation admet heureusement.

Une société intente un procès à une autre devant un tribunal de commerce, puis assigne en intervention forcée une troisième société, qui conteste tant sa mise en cause que la compétence du tribunal. Le jugement n’accueille ni la fin de non-recevoir, ni le déclinatoire de sa compétence.

La société appelée en intervention interjette appel du jugement statuant sur la compétence.

La cour d’appel déclare ce recours irrecevable. Elle constate que l’appel est interjeté le 11 septembre 2019 et que, le même jour, des conclusions d’appel relatives à l’incompétence du tribunal de commerce de Paris sont remises. Pour autant elle affirme qu’aucune conclusion sur la motivation n’a été jointe à la déclaration d’appel.

L’appelante se pourvoit en cassation, par deux moyens, le premier divisé en deux branches. Elle rappelle que, selon l’article 85 du code de procédure civile, la déclaration d’appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Elle reproche aux juges du second degré une violation de ce texte et de l’article 4 du même code (première branche du premier moyen), un manque de base légale au regard du texte (seconde branche du premier moyen) et à nouveau une violation de ce texte mais aussi de l’article 126 du même code (second moyen).

En substance, selon le premier moyen, la société avait remis des conclusions relatives à l’incompétence du tribunal de commerce le même jour que la déclaration d’appel : cela est attesté par les mentions du message adressé, également le même jour, via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) par le conseil de la société à la cour d’appel de Paris ; dès lors, il y avait bien motivation de la déclaration d’appel par jonction des conclusions. Selon le second moyen, « le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l’expiration du délai d’appel, d’une nouvelle déclaration d’appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d’appel » ; or ici, les « conclusions, à supposer qu’elles n’aient pas été jointes à la déclaration d’appel, étaient de nature à régulariser l’absence de motivation de la déclaration d’appel dès lors qu’elles avaient été déposées devant la cour d’appel avant l’expiration du délai d’appel ».

La Cour de cassation rejette le premier moyen mais casse sur le second : il n’y avait pas jonction des conclusions à la déclaration d’appel, faute de respecter le formalisme électronique pour ce faire, mais il y avait bien régularisation par le dépôt de conclusions avec la motivation dans le délai d’appel.

Le règlement des incidents de compétence a été profondément réformé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile (pris pour l’application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et entré en vigueur le 1er septembre 2017 ; C. pr. civ., art. 83 s. Sur la question, v. L. Mayer, Le nouvel appel du jugement sur la compétence, Gaz. Pal. 25 juill. 2017, p. 71, n° 1 ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., LexisNexis, 2018, nos 521 s., spéc. n° 530 s. ; D. d’Ambra, Droit et pratique de l’appel, 4e éd., Dalloz Référence, 2021/2022, nos 234.00 s. ; P. Gerbay et N. Gerbay, Guide du procès civil en appel 2021/2022, LexisNexis, 2020, nos 92 s. ; C. Lhermitte, Procédures d’appel 2020/2021, Dalloz Delmas express, 2020, nos 1701 s. ; J. Pellerin, La réforme de la procédure d’appel : nouveautés et vigilance !, Gaz. Pal. 23 mai 2017, p. 13 ; C. Laporte, Appel du jugement sur la compétence : un nouveau jour fixe imposé, Procédures 2017. Étude 29.

Le contredit, supprimé par le décret n° 2017-891, a été remplacé par un appel particulier, dont le champ d’application correspond à peu près à celui du contredit, mais qui est élargi : cet appel particulier doit être interjeté pour contester les jugements qui statuent exclusivement sur la compétence. L’appel ordinaire, de son côté, permet la critique des jugements qui statuent sur la compétence et le fond. Rappelons que la Cour de cassation a dû rendre plusieurs arrêts pour affirmer la généralité de l’appel particulier contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige (Civ. 2e, 11 juill. 2019, n° 18-23.617 et 19-70.012, Dalloz actualité, 16 juill. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 1499 image ; ibid. 1792, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1380, obs. A. Leborgne image ; Gaz. Pal. 5 nov. 2019, p. 53, obs. N. Hoffschir ; JCP 2019. 942, obs. N. Gerbay ; 2 juill. 2020, n° 19-11.624, Dalloz actualité, 1er sept. 2020, obs. C. Bléry ; D. 2020. 1471 image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; Gaz. Pal. 3 nov. 2020, p. 60, obs. M. Guez).

Quant à la procédure de l’appel particulier, elle consiste soit en un jour fixe imposé lorsque la représentation est obligatoire, soit en une fixation prioritaire lorsque la représentation n’est pas obligatoire. Il ne faisait aucun doute ici que le jour fixe imposé devait être emprunté.

Il appartenait à l’appelant de se conformer aux articles 84 et 85, plus exactement à leurs dispositions applicables en procédure avec représentation obligatoire :
- l’appelant devait donc saisir, dans le délai d’appel (soit quinze jours à compter de la notification du jugement par le greffe), le premier président en vue d’être autorisé à assigner à jour fixe ; ceci à peine de caducité de la déclaration d’appel » (art. 84). Notons que, compte tenu de sa date, que l’autorisation d’assigner à jour fixe a nécessairement été requise par voie papier, puisque la Cour de cassation jugeait – de manière peu heureuse – qu’il s’agit d’une procédure autonome, non régie par les arrêtés techniques alors en vigueur, dont celui du 30 mars 2011 (procédure avec représentation obligatoire) et donc exclue de la communication par voie électronique (Civ. 2e, 6 juill. 2017, n° 17-01.695 F-P+B, D. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; Gaz. Pal. 31 oct. 2017, p. 61, obs. C. Bléry ; Dalloz actualité, 20 juill. 2017, obs. M. Kebir ; 6 sept. 2018, n° 17-20.047 F-P+B, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; JCP 2018. 1174, obs. N. Gerbay ; 7 déc. 2017, n° 16-19.336 F-P+B+I, Dalloz actualité, 14 déc. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2542 image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne image ; Gaz. Pal. 15 mai 2018, p. 77, obs. N. Hoffschir. Adde C. Bléry et J.-P. Teboul, Numérique et échanges procéduraux, in Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 7 s., n° 12 ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, op. cit., n° 491 »). Cela a été le cas jusqu’au 31 août 2020. Puis, à partir du 1er septembre 2020, l’arrêté du 20 mai 2020 a « ouvert les tuyaux » devant le premier président : plus exactement, le plaideur a eu la faculté (et non l’obligation malgré un texte manquant de netteté) d’emprunter le RPVA pour cette procédure (C. Bléry, Arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel : entre espoir et déception…, Dalloz actualité, 2 juin 2020) ;
- l’appelant devait aussi respecter l’article 85, qui prévoit que, outre les mentions de l’article 901, « la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ».

Précisons que, étant en procédure avec représentation obligatoire par avocat, l’article 930-1 du code de procédure civile imposait la remise de la déclaration d’appel et des conclusions au greffe par RPVA. Ce que l’appelant avait respecté : il avait adressé, d’une part, la déclaration d’appel par voie électronique, et d’autre part, les conclusions contenant la motivation : les deux envois étant effectué le même jour. C’est la motivation qui faisait difficulté ici.

Première question : adresser par voie électronique la déclaration d’appel et les conclusions visées à l’article 85 le même jour pouvait-il être analysé comme la jonction évoquée par ledit article ?

Pour l’appelant, la réponse était positive… mais pas pour la cour d’appel, approuvée en cela par la Cour de cassation. En effet, « l’article 6 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire par avocat devant les cours d’appel, alors applicable, dispose que lorsqu’un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données ». La jonction juridique de l’article 85 (et d’autres textes du code de procédure civile) a une traduction informatique. Le droit et l’informatique impliquent d’ailleurs une action concrète – celle de joindre – qui va au-delà de la concomitance des envois. Si la CPVE, c’est « de la procédure civile avant tout » (C. Bléry et J.-P. Teboul, JCP 2012. 1189), elle passe par un formalisme informatique résultat de la démarche d’équivalence suivie pour le titre XXI du livre I du code de procédure civile (la CPVE, version 1). En fait, l’annonce de la jonction des conclusions à venir aurait dû être faite dans le champ informatique (RPVA) de la déclaration d’appel et les conclusions elles-mêmes adressées en pièce jointe par le même envoi RPVA.

En outre, ici faisait défaut la preuve de la remise d’un tel message, prétendument adressé via le RPVA, par le conseil de la société appelante. Celui-ci n’aurait pas produit d’avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l’article 748-3 du code de procédure civile. Or, on sait que, si « avec l’avis de réception, tout est bon ! », sans cet avis, l’avocat doit se faire du souci (la Cour de cassation a rendu divers arrêts en ce sens, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile. Droits interne et de l’Union européenne 2021/2022, S. Guinchard [dir.], Dalloz Action, 10e éd., 2020, n° 273.112 et les réf.) : l’arrêt est une nouvelle illustration de cette jurisprudence. C’est assez logique si les conclusions n’ont pas été adressées en pièce jointe à la déclaration d’appel…

L’arrêté du 30 mars 2011 est aujourd’hui abrogé, mais l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 précité reproduit la règle posée à l’article 6 visé par notre arrêt pour la jonction. Il faut donc la retenir tant qu’il sera techniquement difficile de motiver directement dans la déclaration d’appel… faute de place suffisante dans le RPVA pour ce faire (v. J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, op. cit., n° 533 : « l’avocat ne parait ainsi pas pouvoir se dispenser de prendre des conclusions qu’il joindra au message électronique transmettant sa déclaration d’appel, ne serait-ce qu’en raison du fait que l’état des arrêtés techniques et du développement des outils de communication présidant aux transmissions ente avocats et cour d’appel interdisant l’inclusion, dans le corps de la déclaration d’appel d’une motivation détaillée » – l’auteur renvoie en note à la circulaire NOR JUSC1721995, du 4 août 2017. Dans le même sens, C. Lhermitte, Procédures d’appel, op. cit., n° 1712 : « l’alternative n’existe pas et en pratique, la partie appelante devra opter pour les conclusions jointes à la déclaration d’appel »).

Si la Cour de cassation n’a pas admis la jonction en l’état des textes (et ne l’admettrait pas davantage sous l’empire du nouvel arrêté technique), elle a, heureusement, a été plus souple et offert une autre « planche de salut » à l’appelant : il s’agit là de la réitération d’une jurisprudence récente.

Seconde question : adresser les conclusions visées à l’article 85 avant l’expiration du délai d’appel pouvait-il être analysé comme une régularisation de la déclaration d’appel ?

La société considérait que c’était bien le cas, de même que la Cour de cassation. La deuxième chambre civile reproche dès lors à la cour d’appel de ne pas avoir recherché « si les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 11 septembre 2019 pour la société Yingli, qui étaient visées dans l’arrêt, ne comportaient pas la motivation de l’appel formé par une déclaration du même jour » : elle casse l’arrêt d’appel pour manque de base légale au regard des articles 85 et 126 du code de procédure civile.

La Cour de cassation réaffirme ici une solution de bon sens (C. Lhermitte, Procédures d’appel, op. cit., n° 1715), récemment posée (Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-17.630 F-P+B+I, Dalloz actualité, 5 nov. 2020, obs. C. Lhermitte) et déjà reprise, en ce qu’elle est conforme à l’article 6, § 1, de la Conv. EDH (Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-12.257 F-P+B+I, Dalloz actualité, 20 janv. 2021, obs. G. Sansone ; D. 2021. 25 image ; ibid. 543, obs. N. Fricero image). La seule question qui se posait pour sa mise en œuvre était de savoir si les conclusions étaient bien motivées conformément aux exigences de l’article 85. Ce que la cour d’appel contestait… ou n’avait pas vérifié, de sorte qu’elle doit « revoir sa copie »…

Ce qu’il faut retenir :

l’appel sur la compétence peut décidément être régularisé quand la motivation exigée à l’article 85 fait défaut… la motivation fait défaut si des conclusions ne sont pas jointes à la déclaration d’appel « muette » ; or l’envoi concomitant des deux actes ne vaut pas respect du formalisme informatique, issu de l’arrêté technique applicable hier ou aujourd’hui ; sans l’avis de réception de l’article 743-3, rien ne va ! 

Formalisme de l’appel d’un jugement sur la compétence : entre rigorisme et souplesse…

Lorsqu’un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données. Le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat, par le dépôt au greffe, avant l’expiration du délai d’appel, d’une nouvelle déclaration d’appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d’appel.

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L’arrêt de la première chambre civile du 15 septembre 2021 retiendra l’attention des praticiens du droit du divorce.

Pour bien appréhender sa portée, il est impératif, d’une part, de préciser qu’il a été prononcé en application du droit antérieur à la réforme du divorce opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et par les textes postérieurs. Il faut, d’autre part, noter que l’affaire était également soumise aux dispositions de la convention franco-tunisienne relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972.

En l’espèce, un époux, ayant les nationalités française et tunisienne, avait saisi en 2010 un juge tunisien d’une demande en divorce. Le divorce avait été prononcé en 2012, par une décision tunisienne devenue irrévocable.

Parallèlement, l’épouse, également française et tunisienne, avait saisi en France un juge aux affaires familiales en 2011 d’une requête en divorce. La difficulté tenant à l’existence d’une procédure engagée en Tunisie avait alors été soulevée par l’époux, par la voie d’une exception de litispendance. L’ordonnance de non-conciliation avait toutefois écarté cette exception ; et l’époux n’avait pas exercé de recours. Le divorce avait ensuite été prononcé.

Devant la cour d’appel, l’époux a tenté de se prévaloir à nouveau de la procédure tunisienne, en opposant à la demande en divorce l’existence du jugement de divorce tunisien, qui bénéficiait à ce stade de l’autorité de chose jugée en Tunisie.

Le débat s’est alors focalisé sur la portée de deux textes, à savoir :

l’article 15 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972, selon lequel en matière civile ou commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l’autre État s’il est satisfait à différentes conditions et en particulier à la condition que la décision ne soit pas contraire à une décision judiciaire rendue dans l’État requis et y ayant l’autorité de la chose jugée ; l’ancien article 1110 du code de procédure civile (dans sa rédaction antérieure au décr. n° 2019-1380 du 17 déc. 2019), qui dispose, à propos de la tentative de conciliation en matière de divorce, qu’« au jour indiqué, le juge statue d’abord, s’il y a lieu, sur la compétence. Il rappelle aux époux les dispositions de l’article 252-4 du code civil ; il procède ensuite à la tentative de conciliation selon les prescriptions des articles 252-1 à 253 du même code (…) ».

Dans ce cadre, la cour d’appel a considéré que par l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales n’avait statué qu’à propos de la conciliation, sans préjuger de la compétence en ce qui concerne l’instance au divorce au fond. Elle en a déduit que le jugement tunisien de divorce pouvait être reconnu en France, ce qui conduisait à juger irrecevable la requête de l’épouse devant le juge français.

La décision d’appel est toutefois cassée par l’arrêt du 15 septembre 2021, qui s’appuie sur le principe reproduit en tête de ces observations et dont il faut déduire que le juge qui statue sur le fond du divorce est lié par la teneur de l’ordonnance de non-conciliation ayant statué sur la litispendance.

Cette cassation s’explique aisément au regard de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.

Il faut en effet rappeler que selon le droit du divorce antérieur à la réforme, le juge aux affaires familiales pouvait statuer, dans l’ordonnance de non-conciliation, sur une fin de non-recevoir tiré de l’existence d’un jugement de divorce déjà prononcé à l’étranger (Civ. 1re, 10 mai 2007, n° 06-12.476, D. 2007. 1432 image ; ibid. 2327, chron. P. Chauvin et C. Creton image ; ibid. 2008. 1507, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2007. 433, obs. A. Boiché image ; JCP 2007. Act. 242, obs. A. Devers ; ibid. 2007. IV. 2192 ; v. égal. approuvant cette solution, M. Farge, I. Rein-Lescastereyres et R. Nato-Kalfane, in P. Murat [dir.], Droit de la famille 2020-2021, Dalloz Action, n° 511-222) et qu’il pouvait donc connaître d’une exception de litispendance.

Or, sur ce point, la Cour de cassation a déjà approuvé une cour d’appel ayant constaté que l’exception de litispendance soulevée lors de l’audience de conciliation avait été rejetée par une décision définitive d’en avoir déduit que ce rejet faisait obstacle à ce que cette exception soit à nouveau soulevée devant le juge du fond (Civ. 1re, 19 sept. 2007, n° 06-14.506, Dr. fam. 2008. Comm. 114, note M. Farge ; Defrénois 2008. 572, note J. Massip).

La Cour a également retenu – dans une affaire proche de celle jugée le 15 septembre 2021 – que lorsque le juge aux affaires familiales a déclaré le juge français compétent pour connaître du divorce par une décision passée en force de chose jugée, la cour d’appel ne peut plus accueillir une exception de litispendance (Civ. 1re, 12 juill. 2017, n° 16-22.158, D. 2017. 1529 image ; ibid. 2018. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; JCP 9 oct. 2017. 1052, note E. Fongaro ; Dr. fam. mars 2018. Comm. 78, obs. M. Farge).

Si la solution consacrée par l’arrêt du 15 septembre 2021 n’est pas surprenante au regard de cette jurisprudence, elle sera sans doute critiquée. Une partie de la doctrine internationaliste s’est en effet prononcée, à propos de cette difficulté, en faveur de la solution opposée, au motif qu’« il semble qu’en raison de son “caractère provisoire”, la décision du juge conciliateur sur la régularité de la décision étrangère ne lie pas le juge saisi au fond » (J.-Cl. Divorce, v° Divorce prononcé en France, Introduction, Compétence des tribunaux français, Particularités de l’instance, par H. Gaudemet-Tallon, fasc. 420, n° 111). Néanmoins, sans doute faut-il considérer que cette solution, qui a été qualifiée de bon sens (J. Massip, note préc.), s’explique avant tout par une volonté d’efficacité procédurale, en faisant en sorte qu’une fois réglée par l’ordonnance de non-conciliation, la question de la litispendance et donc de la compétence sorte définitivement du champ des débats.

Divorce : ordonnance de non-conciliation et litispendance internationale

« L’exception de litispendance ne peut être invoquée que devant le juge aux affaires familiales avant toute tentative de conciliation. La décision rendue de ce chef est revêtue de l’autorité de chose jugée et l’appel est immédiatement recevable, même si l’ordonnance rendue ne met pas fin à l’instance ».

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ICC au 2[SUP]e[/SUP] trimestre 2021 : hausse de 3,88 % sur un an

L’indice du coût de la construction (ICC) du deuxième trimestre 2021, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 249, 24 sept. 2021) s’élève à 1 821, soit une hausse de 3,88 % sur un an, de 7,18 % sur trois ans et de 9,30 % sur neuf ans.

Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

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Loyers commerciaux au 2[SUP]e[/SUP] trimestre 2021 : hausse de l’ILC et de l’ILAT

Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).

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C’est un peu court, jeune homme, mais c’est pour la bonne cause !

Le 25 mars 2019, une partie fait appel devant la cour d’appel de Lyon.

S’agissant de l’appel d’une ordonnance de référé, l’appel suit de droit le régime du circuit court, et un avis de fixation intervient le 1er avril 2019, soit quelques jours après l’inscription de l’appel.

L’appelant omet de signifier la déclaration d’appel aux intimés défaillants dans le délai de dix jours de l’avis de fixation, ce qu’il ne fait que tardivement, le 30 avril 2019.

Les intimés, qui ont constitué avocat et conclu dans leur délai, saisissent le président de la chambre qui constate la caducité par ordonnance en application de l’article 905-1 du code de procédure civile. Sa décision est confirmée, sur déféré, par arrêt de la cour d’appel de Lyon du 7 novembre 2019.

L’appelant se pourvoit en cassation, arguant que la sanction de la caducité le prive de son droit de former appel, ce qui constitue une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.

Le pourvoi est rejeté.

Dix jours, un délai prévisible et suffisant

Pour l’appelant, un des arguments consistait à soutenir que le délai de dix jours pour signifier l’acte d’appel à l’intimé défaillant était imprévisible et trop court.

Et il est exact que si le délai est connu, à savoir dix jours, son point de départ reste la grande inconnue dans ce type de procédure lorsqu’une partie forme appel. En effet, ce point de départ dépend d’un avis de fixation qui peut intervenir quelques jours après la déclaration d’appel comme il peut intervenir plusieurs mois après. Et ce délai de dix jours – qui au demeurant comprend au moins deux jours chômés – est particulièrement court, et ce d’autant qu’il n’existe aucune règle pour cet avis de fixation, qui peut être remis à l’avocat alors que ce dernier est absent pour quelques jours du cabinet, voire en congés. Et on pense alors aux fixations du mois d’août, même s’il peut exister des usages permettant d’éviter des fixations en période estivale.

Et il faut, dans ce délai, que l’huissier puisse signifier l’acte, mais pas trop rapidement non plus pour qui veut éviter les émoluments dits d’urgence de l’article A. 444-12 du code de commerce.

Cet argument, qui pourtant s’entend, est néanmoins balayé par la Cour de cassation.

Pour la Haute juridiction, dans les matières relevant du circuit court, il faut aller vite, et c’est cette « exigence de célérité » qui justifie cette réglementation dont la cour de cassation rappelle qu’elle relève de la marge d’appréciation des États.

En l’espèce, soulignons que l’avis de fixation était intervenu quelques jours seulement après l’inscription de l’appel, ce qui mérite d’être salué.

Mais il n’en va pas toujours ainsi, et il faut parfois attendre plusieurs semaines avant d’obtenir cet avis, pour une audience qui se tiendra de longs mois après.

Et alors, l’argument tenant à la célérité devient un peu plus difficile à entendre.

Car la réalité est celle-là, à savoir des cours d’appel qui sont dans l’impossibilité de traiter dans un vrai bref délai les appels relevant pourtant du circuit court.

En outre, l’argument de la célérité est-il présent lorsque l’affaire revient après cassation, alors que, aux termes de l’article 1037-1 du code de procédure civile, c’est le même délai de dix jours que l’auteur de la déclaration de saisine doit respecter pour signifier la déclaration de saisine aux parties non représentées. Dans ces procédures de renvoi de cassation, qui ne sont pas des procédures à bref délai, et ne concernent pas des affaires urgentes par nature, le délai de dix jours n’est pas imposé pour des raisons de célérité. Un délai d’un mois, comme en circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état, aurait tout aussi bien pu être envisagé.

Il résulte de cela que le rejet au motif de l’exigence de célérité ne convaincra pas nécessairement.

L’avocat, professionnel du droit

Nous aurions pu attendre la Cour de cassation sur un autre terrain, sur lequel elle se déplace de manière assez régulière depuis peu, lorsque lui est opposé l’article 6, § 1, de la Convention.

D’ailleurs, cet argument n’est-il pas invoqué à demi-mot, ou à tout le moins de manière moins abrupte ?

La Cour de cassation, pour appuyer son rejet, rappelle que le droit d’accès au juge est garanti, à charge pour la partie, qui n’est pas seule, puisqu’elle agit par l’intermédiaire de son avocat, de faire preuve de vigilance.

Et ce n’est pas la partie elle-même, qui doit faire montre de vigilance, mais son représentant,
car la procédure est avec représentation obligatoire.

La Cour de cassation n’a pas usé des termes que l’on retrouve désormais dans ses arrêts pour justifier les sanctions, lourdes de conséquences, propres à la procédure d’appel.

Elle se contente de rappeler l’existence d’un avocat, mais sans le qualifier de « professionnel du droit », ou de « professionnel averti » ou « professionnel avisé », comme elle le qualifie désormais de manière habituelle (« professionnel avisé », Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-18.150, D. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; ibid. 555, obs. N. Fricero image ; 21 févr. 2019, n° 17-28.285 P, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 4 juin 2020, n° 18-23.248 P, D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 2 juill. 2020, n° 19-11.624 P, D. 2020. 1471 image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 25 mars 2021, n° 18-23.299 P, RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 20 mai 2021, n° 19-19.258 P ; « professionnel averti », Civ. 2e, 7 juin 2018, n° 17-14.694, D. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; 9 janv. 2020, n° 18-24.513 P, D. 2020. 88 image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; Rev. prat. rec. 2020. 8, chron. O. Salati image ; « professionnel du droit », Civ. 2e, 4 juin 2020, n° 19-24.598 P, D. 2020. 1235 image ; ibid. 2198, chron. N. Touati, C. Bohnert, E. de Leiris et N. Palle image).

La procédure d’appel est certes lourde et complexe, mais la partie a l’obligation d’être représentée d’un professionnel pour qui la procédure d’appel est dénuée d’ambiguïté. C’est tout au moins ce qu’affirme la Cour de cassation, la réalité étant à nuancer, les avocats ayant davantage l’impression d’être en terrain miné dès l’instant où ils entrent dans l’arène.

Cette formule de la Cour de cassation n’est pas gratuite, mais répond à un objectif bien précis, à savoir rappeler que le principe de proportionnalité est respecté, et que nonobstant des règles compliquées en appel, et des sanctions lourdes, la partie a tout de même accès au juge et a droit à un procès équitable.

C’est de cette manière que la Cour de cassation a considéré que l’avocat ne pouvait se méprendre sur son délai pour signifier l’acte d’appel à réception de l’avis du greffe (Civ. 2e, 7 juin 2018, n° 17-14.694, préc.), sur son obligation d’avoir à conclure en qualité d’intimé, à peine d’irrecevabilité, dans le délai de l’article 909 (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-18.150, préc.), sur le délai pour déférer à la cour d’appel une ordonnance de mise en état (Civ. 2e, 21 févr. 2019, n° 17-28.285 P, préc.), sur l’obligation de remettre au greffe l’assignation à jour fixe par voie électronique à peine de caducité (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-24.513 P, préc.), sur l’absence d’augmentation des délais en raison de la distance pour déférer une ordonnance de mise en état (Civ. 2e, 4 juin 2020, n° 18-23.248 P, préc.), sur l’obligation de signifier la déclaration d’appel en circuit court lorsque la partie bénéficie de l’aide juridictionnelle (Civ. 2e, 4 juin 2020, n° 19-24.598 P, préc.), sur l’obligation de procéder selon la procédure à jour fixe pour faire appel d’un jugement statuant en matière d’exception d’incompétence (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-11.624, préc.), sur l’obligation de procéder selon la procédure à jour fixe lorsque le jugement d’incompétence a été rendu par un juge de la mise en état (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-11.624 P, préc.), sur l’obligation de remettre l’assignation au greffe de la cour d’appel, à peine de caducité, dans les procédures à jour fixe (Civ. 2e, 20 mai 2021, n° 19-19.258 P, préc.).

Mais cela suppose une représentation de la partie par cet avocat, professionnel.

D’ailleurs, le même jour, la Cour de cassation écartait purement et simplement une application trop stricte de l’alinéa 1er de l’article 562, concernant la dévolution opérée par l’acte d’appel, dans une procédure d’appel sans représentation obligatoire. La Cour de cassation estimait alors qu’en application de l’article 6, § 1, de la Convention, et du droit d’accès au juge, il ne pouvait être exigé de la partie la même charge procédurale, quant aux chefs critiqués mentionnés dans l’acte d’appel, dans les procédures avec et sans représentation obligatoire (Civ. 2e, 9 sept. 2021, n° 20-13.662 FS-B+R, D. 2021. 1680 image - voire aussi pour une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge au motif que les parties n’étaient pas tenues de constituer un avocat, Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 18-23.299 P, préc.).

Au regard de cette jurisprudence, et d’un article 6, § 1, qu’elle écarte davantage qu’elle ne l’accueille, cet arrêt ne crée pas la surprise. Même s’il est bien de nourrir quelques espoirs, il était tout de même peu probable que la Cour de cassation aménage le circuit court pour, par exemple, prolonger le délai de signification à un mois de l’avis de fixation.

La procédure d’appel avec représentation obligatoire est complexe et manifestement, elle le restera, à charge pour la partie de faire preuve de vigilance dans son affaire… et de croiser les doigts, on ne sait jamais…

[Tribune] Des mots, toujours des mots (1 000), mais pas de moyens…

En préconisant « la structuration des écritures des avocats » par l’insertion, avant le dispositif, d’une synthèse des moyens invoqués dans la discussion, une note de la Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS), du 27 août dernier, a suscité l’émoi de la profession. Celle-ci s’est focalisée sur la limitation de la taille de cette synthèse à un maximum de 10 % des conclusions dans la limite de 1 000 mots.

Des interrogations pratiques et substantielles

On le comprend tant cette proposition interroge. Des interrogations pratiques d’abord : faudra-t-il tenir compte des seuls mots de la discussion ou de l’acte dans son ensemble pour apprécier la taille des écritures ? Comment faire pour les contentieux complexes où ce cadre risque de se révéler insuffisant ? Comment sélectionner ce qui mérite de figurer dans la synthèse ? Des interrogations plus substantielles, ensuite et surtout : cette obligation ne fait-t-elle pas figure de nouvel analgésique destiné à calmer l’engorgement pathologique et chronique du rôle des juridictions ? Depuis plusieurs années, la médication employée pour combattre ce mal consiste à offrir au juge la faculté d’évacuer certaines affaires sans statuer au fond, pour motifs de pure forme. Ainsi, les articles 758 et 954 du code de procédure civile imposent, depuis les décrets n° 2017-891 et n° 2017-892 du 6 mai 2017, d’énoncer ses prétentions sous forme de dispositif et d’invoquer l’ensemble des moyens dans la discussion, sans quoi la juridiction n’en est pas saisie. La proposition de la DACS vient, sous la même sanction, ajouter l’obligation de rédiger une synthèse des moyens invoqués prenant la forme d’une liste numérotée, accentuant encore la prévalence de la forme sur le fond.

Le remède pour soigner le mal est pourtant connu de tous et depuis longtemps : il faut des moyens humains et matériels. Les mesures déployées se contentent néanmoins d’en attaquer les symptômes par l’accroissement des obligations des avocats, dont les écritures trop longues, mal organisées, peu maniables seraient la cause première d’une affection bien plus endogène. Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas de nier les bénéfices qui résulteraient d’une meilleure structuration des conclusions, mais de souligner qu’elle ne doit pas cacher l’effet recherché : simplifier et alléger le travail du juge pour accélérer le cours de la justice. Ceci, puisque l’hypothèse d’une absence de synthèse – à laquelle on doit rattacher la synthèse incomplète ou erronée – serait investie de conséquences procédurales radicales, le juge étant dispensé d’avoir à statuer sur les moyens de fait ou de droit dont il ne serait pas saisi.

Des conséquences procédurales radicales

Le cœur du problème réside dans la sanction de ce nouveau formalisme. Sur ce point, la DACS estime inopportun de prévoir une irrecevabilité spécifique et considère que la difficulté est suffisamment adressée par le fait que la juridiction ne sera pas saisie des moyens non ou mal repris dans la synthèse. Cette solution, qui est déjà appliquée aux prétentions qui ne sont pas récapitulées dans le dispositif des conclusions, consiste à édicter une sanction qui ne dit pas son nom, alors qu’elle est radicale. En effet, lorsqu’une juridiction n’est pas saisie des prétentions d’une partie, cette dernière n’a pas le droit d’être entendue sur le fond de celles-ci. Il faudrait donc admettre que ces prétentions sont irrecevables (C. pr. civ., art. 30). Ce n’est pourtant pas l’analyse retenue par la Cour de cassation qui a estimé que, si la cour d’appel n’était pas saisie des chefs du dispositif non mentionnés dans la déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 562), cela n’emportait pour autant pas fin de non-recevoir (Cass. avis 20 déc. 2017, n° 17-70.036 P, D. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean image). La nature procédurale de la sanction apparaît donc incertaine. Elle est pourtant essentielle notamment pour pouvoir rédiger correctement le dispositif de ses écritures. Cette problématique sera inéluctablement transposée à la rédaction de la synthèse soumise à un régime identique. Et que dire de l’attitude du contradicteur désireux de critiquer cette synthèse ? S’il ne peut invoquer une fin de non-recevoir, il sera contraint de suggérer au juge, par une périphrase, qu’il n’est pas saisi de tel ou tel moyen ; ce qui va à l’encontre de l’objectif poursuivi. La nouvelle étape franchie dans la « structuration des écritures » renforce ainsi la place donnée à cette sanction, consistant à permettre au juge de ne pas statuer lorsque les conclusions d’avocat ne respectent pas un standard. Les modalités formelles de présentation des écritures des représentants ad litem sont progressivement érigées en condition pour qu’une décision soit rendue sur les demandes des parties. Le transfert progressif sur l’avocat de charges qui relèvent de l’office du juge, permet à ce dernier de faire l’économie de dire le droit. Voici une entreprise qui se fait au détriment du justiciable.

La sanction de la structuration des écritures doit également être mise en relation avec l’existence d’un recours : quelles contestations les parties pourront-elles soulever lorsque le juge ne s’est pas considéré saisi de leurs moyens au motif qu’ils n’étaient pas – ou qu’ils étaient mal – repris dans la synthèse ? A priori si le juge est valablement saisi d’une prétention sans pouvoir examiner les moyens censés la justifier, il devra la rejeter, sauf à relever d’office le moyen litigieux sur le fondement de l’article 12 du code de procédure civile. Si le juge n’use pas du pouvoir que lui confère ce texte et déboute le plaideur, celui-ci n’aura d’autre choix que d’interjeter appel, ce qui lui permettra d’invoquer ce moyen, nécessairement nouveau, faute d’avoir été examiné en première instance (C. pr. civ., art. 563). La création d’un nouveau cas de défaut de saisine du juge risque d’entraîner un effet secondaire regrettable : l’augmentation mécanique du nombre des appels formés par des justiciables désireux d’être entendus sur leurs moyens. Si cette situation devait se produire en cause d’appel, il ne resterait que le pourvoi en cassation. Sauf à admettre que les moyens non repris dans la synthèse donneraient lieu à fin de non-recevoir, ce qui aurait pour conséquence, selon le cas, de les faire entrer dans le champ de compétence du juge ou du conseiller de la mise en état et d’ouvrir la voie de l’appel ou du déféré à l’encontre de l’ordonnance.

Cette obligation de synthétiser les moyens ne concernera que les conclusions rédigées par un avocat. Il n’est donc pas prévu de modifier l’article 446-2, alinéa 3, du code de procédure civile qui s’applique lorsque, dans une procédure orale, les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit sans être assistées ou représentées par un mandataire ad litem.

Une utilité douteuse pour la bonne administration de la justice

Enfin, on l’a dit : structurer les actes du procès est une nécessité. À ce titre, « la structuration des conclusions d’avocats », qui sont des actes de procédure, est une bonne idée. On peut toutefois s’interroger sur l’utilité de l’insertion d’un résumé de la discussion dans les conclusions pour mieux structurer l’acte. Le but de cette synthèse paraît plus de simplifier l’activité de juger, dès lors que le juge pourra être tenté de s’y référer exclusivement, plutôt que de permettre une meilleure organisation des écritures. Imposer un plan aurait eu une vertu plus structurante. Derrière la notion de « structuration » se cache le spectre de la simplification du contentieux.

Mais il y a pire, tant il est difficile d’accepter qu’in fine ce soit le justiciable qui pâtisse de la radicalité de la sanction. Ceci d’autant plus qu’elle n’était ni nécessaire, ni souhaitable, dès lors que les avocats sont enclins à respecter le formalisme prévu par le code alors même qu’il n’est assorti d’aucune sanction. On en voudra pour preuve l’exigence d’un bordereau récapitulatif des pièces annexé à l’assignation (C. pr. civ., art. 56) qui, jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme du 11 décembre 2019, n’était pas prévu à peine de nullité. Néanmoins, en dépit de l’absence de sanction, l’hypothèse d’une assignation sans bordereau de pièces demeurait marginale. On regrette la tendance à sanctionner les bonnes pratiques judiciaires sur le terrain du fond, qui n’engendre aucun bénéfice et pénalise les justiciables. Il est dommage que les solutions mises en œuvre pour traiter le mal dont souffre le procès civil en viennent à affecter les parties.

En revanche, la proposition tendant à la mise en place d’un dossier et d’un bordereau de pièces uniques pour un litige donné, similaire à ce qui existe en droit administratif (CJA, art. R. 412-2), est intéressante et de nature à apporter de réels bénéfices. La prise en charge des pièces dans le procès civil peut être améliorée. Chaque partie numérote elle-même les pièces visées dans ses conclusions, qui ne sont remises à la juridiction, en version papier principalement, qu’au moment du dépôt du dossier de plaidoirie. Aussi, un dossier unique à disposition du juge et des parties comportant une nomenclature harmonisée, constant en première instance et en appel, constituerait une avancée indéniable. Toutefois, il est à craindre que les outils numériques à disposition des juridictions et des auxiliaires de justice ne permettent pas, en l’état, d’atteindre cet objectif. Dès lors, la mise en œuvre de cette proposition suppose des investissements dont il est à craindre qu’ils ne soient réalisés dans un avenir proche. On le voit, la question des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ne permettra jamais de s’affranchir du débat relatif aux moyens de la Justice. 

[Tribune] Des mots, toujours des mots (1 000), mais pas de moyens…

Une note de la Direction des affaires civiles et du Sceau, du 27 août 2021 propose de structurer les écritures des avocats par l’intégration d’une synthèse limitée et standardisée des moyens invoqués dans la discussion.

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Règlement européen sur les successions : utiles précisions sur la faculté offerte à une juridiction de décliner sa compétence

Le règlement (IE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, dit règlement successions, autorise toute personne à choisir sa loi nationale pour régir sa succession (art. 22 du règl. [UE] n° 650/2012). Cette règle de conflit de lois est désormais bien connue des praticiens. Le sont peut-être moins les règles de conflit de juridictions qui en dépendent. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 septembre 2021 apporte d’intéressantes précisions à ces dernières.

En principe, l’article 4 du règlement attribue compétence aux juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. Mais cette règle de compétence générale souffre de plusieurs tempéraments, notamment lorsque le défunt a choisi sa loi nationale pour régir sa succession. Au titre de ces aménagements, figure notamment l’article 6, a), du règlement, qui précise que, lorsque le défunt a choisi sa loi nationale pour régir sa succession, les juridictions de l’État de résidence habituelle du défunt, en principe compétentes en vertu de l’article 4, peuvent, à la demande de l’une des parties, décliner leur compétence si elles estiment que les juridictions de l’État de nationalité du défunt sont mieux placées pour statuer sur la succession compte tenu notamment de la résidence habituelle des parties et de la localisation des biens. Et l’article 7 a) complète cette disposition en attribuant compétence aux juridictions nationales du défunt dans l’hypothèse où les juridictions de résidence habituelle du défunt, préalablement saisies, auraient décliné leur compétence en vertu de l’article 6. Cette disposition a notamment pour objet de permettre d’aligner la compétence juridictionnelle sur la loi applicable et d’éviter toutes les difficultés inhérentes à l’application d’un droit étranger (consid. 27 et CJUE 21 juin 2018, Oberle, aff. C-20/17, pts 50 et 52, D. 2018. 1383 image ; ibid. 2384, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier image ; AJ fam. 2018. 554, obs. C. Gossart image ; ibid. 372 et les obs. image ; Rev. crit. DIP 2018. 850, note L. Perreau-Saussine image ; RTD eur. 2018. 845, obs. V. Egéa image).

En l’espèce, un homme de nationalité allemande est décédé le 9 mars 2017. Il avait, préalablement le 14 juin 1990, rédigé un testament en langue allemande désignant son épouse comme unique héritière. L’épouse a alors saisi une juridiction allemande en délivrance d’un certificat d’hérédité national et d’un certificat successoral européen. Pour la compréhension de la procédure, il faut ici rappeler qu’à la différence de la France, ce sont en Allemagne les juridictions qui sont compétentes pour délivrer un certificat d’hérédité ou un certificat successoral européen. Le frère du défunt a contesté la compétence des juridictions allemandes pour trancher le litige successoral au motif que, au moment du décès, le défunt avait sa résidence en Espagne et que le testament ne contenait pas un choix exprès en faveur de la loi allemande. Parallèlement à la procédure allemande, le tribunal de première instance espagnol, saisi par l’épouse, a décidé de « renoncer à rendre une décision » jugeant les juridictions allemandes mieux placées pour statuer sur la succession au regard de la résidence habituelle de l’épouse et « du lieu de situation de la partie substantielle de la succession ». L’épouse a alors formé une nouvelle demande de certificat d’hérédité national et de certificat successoral européen devant les juridictions allemandes en se prévalant de la décision de la juridiction espagnole. C’est dans ces conditions que la juridiction allemande saisie a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.

Sur la forme du déclinatoire de compétence

La première question portait sur la forme du déclinatoire de compétence. Doit-il être exprès ou peut-il être déduit implicitement de la décision étrangère ? En effet, la juridiction espagnole n’avait pas littéralement décliné sa compétence, mais « déclaré renoncer à rendre une décision ». À cette première question, la Cour de justice a répondu qu’il n’est pas nécessaire que le déclinatoire soit exprès. Il suffit que l’intention de décliner la compétence ressorte sans équivoque de la décision rendue par les juridictions de résidence habituelle du défunt. Le texte du règlement européen n’impose en effet aucune forme particulière. La cour de justice en déduit donc naturellement qu’un déclinatoire exprès n’est pas nécessaire, dès lors qu’il ressort sans équivoque de la décision que la juridiction saisie entend bien se dessaisir en faveur des juridictions nationales (pt 34).

Sur le rôle des juridictions nationales en cas de déclinatoire de compétence des juridictions de résidence habituelle

La deuxième question abordait le rôle des juridictions nationales en cas de déclinatoire de compétence des juridictions de résidence habituelle. Doivent-elles vérifier le bien-fondé de ce déclinatoire ou sont-elles liées par la décision étrangère avec pour conséquence l’obligation de se reconnaître compétentes ? Il est certain que la possibilité de décliner sa compétence est subordonnée, aux termes de l’article 6, à trois conditions : 1° une demande de l’une des parties ; 2° un choix de loi nationale par le défunt et 3° que les juridictions nationales soient mieux placées pour connaître du litige compte tenu notamment de la résidence habituelle des parties et de la localisation des biens. La Cour de justice de l’Union européenne estime que la juridiction saisie à la suite d’un déclinatoire de compétence n’est pas habilitée à contrôler si les conditions du déclinatoire sont réunies. Le seul fait que les juridictions de résidence habituelle déclinent leur compétence suffit à rendre compétentes les juridictions nationales du défunt (v. déjà, A. Bonomi et P. Wautelet, Le droit européen des successions. Commentaire du Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, 2e éd., Bruylant, 2016, ss art. 6, § 20, p. 220). Cette solution paraît raisonnable pour éviter un conflit négatif de compétence pouvant conduire à un déni de justice (pt 48). Par ailleurs, le principe de reconnaissance de plein droit des décisions rendues dans un autre État membre, posé par le règlement, interdit, en dehors des motifs limitatifs de non reconnaissance, tout réexamen du bien-fondé d’une décision d’un autre État membre. Or, c’est bien ce qu’il adviendrait en cas de vérification du bien-fondé du déclinatoire (comp. pour un raisonnement similaire en application du règl. n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », CJUE 15 nov. 2012, aff. C-456/11, Gothaer Allgemeine Versicherung, pt 41, D. 2013. 1503, obs. F. Jault-Seseke image ; ibid. 2293, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; Rev. crit. DIP 2013. 686, note M. Nioche image).

Sur l’absence de choix exprès effectué par le défunt

La troisième, et dernière question, était liée à la circonstance qu’en l’espèce, aucun choix de loi exprès n’avait été opéré par le défunt. Le choix de loi était présumé par le jeu d’une disposition transitoire dont l’importance n’a pas suffisamment été soulignée. Selon l’article 83, § 4, dès lors que le défunt a, avant l’entrée en application du règlement le 17 août 2015, pris un acte de planification successorale (testament, donation entre époux de biens à venir, etc.) conformément à sa loi nationale, cette loi est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession. L’article 83, § 4, pose donc une présomption de professio juris dès lors que le défunt a pris une « disposition à cause de mort » en contemplation de sa loi nationale, c’est-à-dire au regard des dispositions substantielles de sa loi nationale. La finalité de l’article 83, § 4, est de ne pas déjouer les légitimes prévisions, par exemple d’un testateur, en remettant en cause son testament par l’application d’une autre loi que sa loi nationale, sachant qu’il ne pouvait pas, avant le règlement successions, savoir qu’il lui était possible de désigner sa loi nationale (v. aussi, A. Bonomi et P. Wautelet évoquant des mécanismes « fondés sur l’idée qu’il importe de préserver les attentes légitimes des justiciables, op. cit., ss art. 83, § 6, p. 963). La Cour de justice considère que l’article 6 a) ou 7 a) trouvent à s’appliquer aussi bien en cas de choix de loi par le défunt qu’en cas de présomption de choix de loi résultant de l’existence d’une disposition d’anticipation successorale antérieure au 17 août 2015. Cette solution mérite approbation. La solution inverse aurait en effet contrarié l’objectif des articles 6 et 7, à savoir assurer le parallélisme entre la juridiction compétente et la loi applicable.

Règlement européen sur les successions : utiles précisions sur la faculté offerte à une juridiction de décliner sa compétence

La Cour de justice de l’Union européenne apporte trois utiles précisions à la possibilité offerte par le règlement successions pour les juridictions de l’État membre de résidence habituelle du défunt de décliner leur compétence en faveur des juridictions de l’État membre de nationalité du défunt.

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Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #3) : les garanties grevant le fonds de commerce

Des difficultés persistantes

Par sûretés grevant le fonds de commerce, il faut entendre le privilège du vendeur de ce fonds et le nantissement dudit fonds. Malgré une volonté de clarification du droit positif, ces sûretés ont été les oubliées de la grande réforme intervenue à l’occasion de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés. En effet, ni l’une ni l’autre ont été directement touchées par le nouveau texte. Cependant, leurs régimes et leur efficacité subissent tout de même quelques incidences des règles nouvelles. En effet, le régime spécial du nantissement sur fonds de commerce est source de difficultés pratiques en raison de l’absence d’harmonisation (R. Dammann, La réforme des sûretés mobilières : une occasion manquée, D. 2006. 1298 image), notamment s’agissant de la possibilité ou non de conclure un pacte commissoire et celle de nantir un fonds futur (A. Reygrobellet, Fonds de commerce, Dalloz Action, 2012, nos 73.22 et 73.39). Par ailleurs, l’efficacité de ces sûretés est critiquée par la doctrine alors qu’elles sont fréquemment utilisées – du moins le nantissement – par les entreprises pour garantir leurs financements (M.-P. Dumont-Lefrand et H. Kenfack [dir.] et alii, Droit et pratique des baux commerciaux 2021/2022, 6e éd., Dalloz Action, 2020, n° 783.08). Concernant le droit de préférence reconnu au vendeur du fonds, sa portée réduite lui est reprochée : dans la mesure où le législateur protège les intérêts des créanciers chirographaires de l’acquéreur, le code de commerce dérogeant au principe d’indivisibilité du droit commun des sûretés en vertu duquel toute sûreté garantit la totalité de la dette, il y a un fractionnement du privilège en trois parties (marchandises, matériel, éléments incorporels) et surtout, le paiement des acomptes s’impute chronologiquement sur les marchandises, puis le matériel et, enfin, les éléments incorporels, ce qui implique que la garantie effective dont dispose le vendeur ne s’exerce quasiment jamais sur la totalité de la créance impayée du prix de vente (ibid., n° 783.06 ; A. Reygrobellet, Fonds de commerce, op. cit., n° 71.21 ; S. Rezek, Réflexion sur l’unité du privilège de vendeur de fonds de commerce, JCP N juill. 2011, n° 29, étude 1224 ; S. Rezek, Vingt raisons de réformer la vente des fonds de commerce, JCP N sept. 2006, n° 39, étude 1311). Quant au nantissement, de nombreux griefs sont formulés à son encontre. Au-delà de la complexité de son mode de constitution et son rang relativement médiocre (P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, RD banc. fin. juill. 2008, n° 4, étude 13), il ne permet généralement pas au créancier d’être désintéressé de façon satisfaisante dans la mesure où celui-ci ne peut ni se prévaloir d’un droit de rétention même fictif ni demander l’attribution judiciaire ni en conséquence insérer dans le contrat de nantissement un pacte commissoire et la vente forcée du fonds n’est pas d’un grand secours dans le sens où ledit fonds a généralement perdu une grande partie de sa valeur (A. Reygrobellet, Fonds de commerce, op. cit., n° 71.22 ; M.-P. Dumont-Lefrand et H. Kenfack [dir.] et alii, Droit et pratique des baux commerciaux 2021/2022, op. cit., n° 783.07 ; P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, art. préc.). Qui plus est, l’étroitesse de son assiette est également décriée par certains auteurs, ceux-ci estimant incongrues les restrictions opérées par l’article L. 142-2 du code de commerce qui énumère certains éléments du fonds de commerce alors que « l’universalité de la notion de fonds de commerce ouvrait des perspectives intéressantes » (P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, préc. ; S. Rezek, Vingt raisons de réformer la vente des fonds de commerce, préc.). Voilà bien des doléances que le législateur de 2006 aurait dû entendre, mais il n’en fût rien. Par l’ordonnance de réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021, le législateur est venu impacter les deux garanties en modifiant les dispositions relatives au fonds de commerce dans le code de commerce, mais cela est-il bien suffisant ? Alors que les objectifs poursuivis par la réforme réunissaient la sécurité juridique, le renforcement de l’efficacité du droit des sûretés avec un maintien d’un niveau de protection satisfaisant des constituants et des garants ainsi que le renforcement de l’attractivité du droit français, notamment sur le plan économique, on constate que les changements apportés sont essentiellement superficiels, ce qui, certes, offre une simplification et une meilleure lisibilité des certaines règles en cause, mais ne s’attaque pas aux problèmes d’efficacité et d’attractivité économique en profondeur.

Des apports superficiels

Parmi les améliorations issues de l’ordonnance, on relate d’abord la simplification de certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce. Alors que certaines dispositions relatives à la publicité de ce nantissement complexifiaient inutilement les formalités d’inscription et fragilisaient la sécurité de cette garantie (Rapport au président de la République, sept. 2021, texte n° 18 ; Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés), le nécessaire a été fait avec la modification du second alinéa de l’article L. 142-3 du code de commerce, et la suppression du premier alinéa de l’article L. 142-4 du même code. Ainsi, le défaut d’inscription du nantissement dans le délai préfix n’est plus sanctionné par la nullité, mais par l’inopposabilité de l’acte. Il en va de même pour le défaut d’inscription à l’Institut national de la propriété industrielle qui se voit frappé d’inopposabilité selon la nouvelle formule de l’article L. 143-17, alinéa premier. La même substitution de sanctions (de la nullité par l’inopposabilité) est adoptée pour les défauts d’inscription du privilège du vendeur du fonds de commerce avec la reformulation des articles L. 141-6, alinéa premier et L. 143-17, alinéa premier. On recense également des remaniements terminologiques puisqu’il n’est plus question de « créancier gagiste » mais de « créancier nanti » ou de « créancier inscrit ». De la même manière, les deux sûretés ne sont plus qualifiées de « gages », mais par leur propre appellation. Cela est plutôt bienvenu pour dissiper les éventuelles confusions. Enfin, en vue de clarifier les règles de classement entre créanciers inscrits sur l’entier fonds et ceux inscrits sur un seul élément du fonds, en cas de vente de ce dernier, un nouvel article L. 143-15-1 fait son entrée dans le code de commerce, prévoyant que l’ordre sera fonction de l’antériorité de la date de l’inscription, sans autre distinction. De même, une réorganisation de l’articulation de l’article L. 143-3 est opérée qui précise la procédure par laquelle le juge est saisi d’une demande de vente du fonds en cas de poursuite de saisie-vente à l’encontre de son propriétaire.

Pour le reste, il échet d’admettre que les codificateurs n’ont pas dissout les problématiques de fond intéressant par exemple l’unification de l’assiette du privilège du vendeur de fonds de commerce. Le travail de juriste n’est donc toujours pas facilité sur ce point puisqu’il continuera à effectuer le choix de l’imputation des paiements (S. Rezek, Réflexion sur l’unité du privilège de vendeur de fonds de commerce, préc.). Le droit de préférence de ce privilège n’est pas non plus renforcé dans la mesure où il ne subsiste pas sur le prix de revente de l’ensemble du fonds jusqu’à extinction totale de la dette garantie par le privilège (ibid.). Rien n’est prévu aussi pour corriger l’incohérence du droit de suite en cas de revente du fonds grevé. Le droit de suite est accordé au créancier inscrit uniquement lors de la revente du fonds de commerce dans son universalité alors que le droit de préférence ne lui est réservé que sur les seuls éléments sur lesquels subsiste le privilège de vendeur de fonds de commerce par suite de l’imputation d’ordre public des paiements à terme ou des mensualités bancaires, ce qui est paradoxal (ibid.). Pourtant, l’ordonnance de réforme aurait pu être l’opportunité de cette unification pour simplifier la constitution et l’exercice de ce privilège et améliorer la protection du créancier inscrit sans pour autant léser le débiteur propriétaire du fonds grevé. En outre, le silence est gardé à l’égard des incertitudes inhérentes au nantissement du fonds de commerce en formation, tout comme à propos de la possibilité ou non de conclure un pacte commissoire. S’agissant encore de l’assiette du nantissement du fonds de commerce, aucune innovation n’est envisagée. Cet état des lieux sommaire ne laisse donc pas présager de grands chamboulements.

Des perspectives circonscrites

Ces deux sûretés ne ressortent pas vraiment grandies de cette nouvelle réforme. Et on songe presque à une seconde occasion manquée du législateur (après celle de 2006) de s’attaquer au régime des garanties affectant le fonds de commerce. Si on reconnaît bien volontiers que ces deux garanties demeurent utilisées par la pratique, souvent couplées, et qu’elles présentent une certaine attractivité notamment pour les bailleurs de fonds engagés dans les financements de projet , il reste qu’eu égard aux objectifs défendus par la réforme et à l’utilité des sûretés, qui n’est autre que de gérer le risque d’insolvabilité de son partenaire, ou tout au moins de renforcer ses chances de paiement en aménageant des mécanismes propices à développer la confiance en son débiteur, quelques améliorations auraient probablement mérité de voir le jour. Les perspectives d’avenir du privilège du vendeur et du nantissement de fonds de commerce semblent ainsi circonscrites.

 

 

Sur l’ordonnance « Réforme du droit des sûretés », Dalloz actualité a également publié :

• Réforme du droit des sûretés : saison 2, par Jean-Denis Pellier le 17 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 1) : le cautionnement (dispositions générales), par Jean-Denis Pellier le 20 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 20 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 3) : les effets du cautionnement, par Jean-Denis Pellier le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 4) : l’extinction du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 21 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 5) : les privilèges mobiliers, par Cédric Hélaine le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 6) : le gage, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 7) : le nantissement de créance, par Jean-Denis Pellier le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 8) : la réserve de propriété, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 9) : la fiducie utilisée à titre de garantie, par Cédric Hélaine le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 10) : la cession de créance de droit commun à titre de garantie, par Jean-Denis Pellier le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 11) : la cession de somme d’argent à titre de garantie, par Claire-Anne Michel le 24 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode final) : les sûretés réelles immobilières, par Cédric Hélaine le 24 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #1) : le code des procédures civiles d’exécution amendé, par Jean-Denis Pellier le 27 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #2) : le nantissement de compte-titres, par Cédric Hélaine le 28 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #3) : les garanties grevant le fonds de commerce

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a été publiée au Journal officiel du 16 septembre. Analyse sommaire des dispositions spécifiques au privilège du vendeur de fonds de commerce et au nantissement du fonds de commerce.

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Adaptation de la garantie légale de conformité pour les biens et les contenus et services numériques

L’adaptation du code de la consommation aux impératifs de la modernité est un objectif si ce n’est fondamental, au moins nécessaire pour la mise en jeu de la protection du consommateur notamment en droit de l’Union européenne (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Dépincé, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Précis », 10e éd., 2020, sur la construction européenne, p. 47, nos 43 s.). L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 sur la garantie légale de conformité vient à la fois moderniser et adapter les règles existantes pour tenir compte de cet objectif. Rappelons que cette ordonnance est la suite logique de la transposition de la directive (UE) 2019/770 sur les contrats de fourniture de contenus numériques ou de services numériques (v. J.-D. Pellier, Le droit de la consommation à l’ère du numérique, RDC 2019, n° 4, p. 86 s.) ainsi que de la directive (UE) 2019/771 concernant les contrats de vente de biens. L’ordonnance a été prise sur le fondement de la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020. Le Rapport remis au Président de la République indique que cette transposition obéit à « un souci de modernisation du cadre juridique de la protection des consommateurs, tenant compte de l’accroissement des ventes de produits connectés (tels que « l’internet des objets »), ainsi que de la fourniture de contenus et services numériques sous différentes formes ». Les nouvelles règles concernant la garantie légale de conformité s’appliquent aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2022 ainsi qu’aux contenus et services numériques fournis à compter de cette date. Cette étape finale permettra aux directives précédemment citées de déployer tous leurs effets en droit positif et d’assurer une protection plus importante du consommateur à une époque où le numérique est omniprésent. Le parcours reste toutefois semé d’obstacles. Les dispositions introduites sont d’une certaine complexité et il faudra composer avec quelques doutes sur le sens de certaines dispositions jusqu’à des interprétations jurisprudentielles prochaines. Ceci n’empêche pas le texte d’être plutôt bien mené et respectueux, dans l’ensemble, des directives transposées avec quelques mois de retard sur la date initialement convenue (à savoir le 1er juill. 2021 avant la pandémie de covid-19).

Nous étudierons les traits caractéristiques de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 afin de les examiner et de percevoir les changements majeurs en droit positif. À titre préliminaire, notons immédiatement que plusieurs dispositions sont touchées de manière incidentes par les modifications opérées par l’ordonnance. Ainsi en est-il particulièrement de l’article liminaire du code de la consommation dont nous verrons que sa refonte peut laisser perplexe certains auteurs. Les principaux changements opérés par l’ordonnance sont sur le volet de la vente de biens et sur le volet de la fourniture de contenus et de services numériques, lequel dépend étroitement du précédent. Tel est le plan de notre étude.

Une modification substantielle de l’article liminaire

L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 vient, en premier lieu, bousculer l’architecture de l’article liminaire du Code de la consommation. Le mot « bousculer » est employé à dessein puisqu’on assiste à une certaine hypertrophie de cet article liminaire avec l’ordonnance nouvelle. On sait que les définitions données avant le 1er octobre 2021 n’étaient pas forcément entièrement satisfaisantes (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Cours », p. 19, n°11). L’ordonnance du 14 mars 2016 ratifiée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 a pu apporter toutefois un éclairage intéressant en proposant un article unifiant trois définitions fondamentales à la matière pour l’application des règles du code de la consommation. La définition du professionnel, absente dans un premier temps, a pu à ce titre clarifier quelques discussions doctrinales en posant de nouvelles questions qui ne sont pas réglées par l’ordonnance n° 2021-1247 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Précis », p. 4, nos 3 s.). 

Désormais, l’article liminaire du Code de la consommation accueille dix nouveaux venus au rang des définitions apportées : le producteur, les biens comportant des éléments numériques, le contenu numérique, le service numérique, le support durable, la fonctionnalité, la compatibilité, l’interopérabilité, la durabilité et les données à caractère personnel. Il reste assez intéressant de voir la technique à l’œuvre : la définition donnée de ces termes à l’orée du Code de la consommation donne un tempo bien différent de celui du Code civil, par exemple. On sait que certains juristes ont pu s’interroger sur l’utilité et le risque de définir dans la loi (G. Cornu, Les définitions dans la loi, Mélanges dédiés au doyen Jean Vincent, Dalloz LexisNexis, 1981, § 1er à la fois un « trésor de définitions » et § 36 « dogmatique, elle est plus rigide »). Les définitions introduites dans l’ordonnance n° 2021-1247 multiplient, probablement un peu trop, les délimitations légales pour mieux encadrer les transpositions des deux directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771. Mais il n’en reste pas moins que l’article perd probablement un peu en clarté au profit d’une délimitation certaine des notions évoquées par l’ordonnance (v. en ce sens, J.-D. Pellier, La dénaturation de l’article liminaire du code de la consommation (à propos de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques), à paraitre au Recueil).

Quoiqu’il en soit, l’ordonnance vient donc modifier de manière importante le cadre de l’article liminaire du Code de la consommation afin de procéder à des renvois réguliers pour mieux cerner les notions introduites, notamment sous l’angle des éléments numériques que sous-tend la transposition de la directive (UE) 2019/770.

Outre ce changement d’architecture de l’article liminaire, c’est bien évidemment la garantie légale de conformité qui occupe la place centrale de l’ordonnance éponyme. 

La métamorphose de la garantie légale de conformité

Comme le note le compte-rendu du Conseil des ministres du 29 septembre 2021, « la garantie légale de conformité couvre désormais également les produits numériques tels qu’un abonnement à une chaîne numérique ou l’achat d’un jeu vidéo en ligne. Elle est également applicable aux relations contractuelles des consommateurs avec les opérateurs de réseaux sociaux ».

L’ordonnance entend séparer dans deux sections distinctes la garantie légale de conformité pour la vente de biens (art. L. 217-1 à L. 217-32) et pour la fourniture des contenus et services numériques (art. L. 224-25-1 à L. 224-25-32) tous deux frappés du sceau de l’ordre public (art. L. 219-1 et L. 224-25-32) afin d’éviter tout contournement par le contrat ; ce qui réduirait la protection à une peau de chagrin (en ce sens, v. l’art. 22 de la dir. (UE) 2019/770 qui permet bien évidemment d’aller au-delà de la protection offerte par le législateur).

Une constante quel que soit le type de contrat envisagé doit immédiatement attirer l’attention. Les dispositions concernées sont applicables aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs mais aussi aux contrats conclus entre professionnels et non professionnels (C. consom., nouvel art. L. 217-32 pour la vente de biens et nouvel art. L. 224-25-31 pour la fourniture de contenus numériques ou de services numériques). C’est une modification substantielle qui élargit la protection à de nouveaux horizons, de manière fort bienvenue puisque le non-professionnel est, peu ou prou, dans une situation comparable à celui du consommateur dans le cadre de la vente de biens ou de fournitures de contenus numériques puisque, par définition, n’agissant pas à des fins professionnels (v. art. liminaire).

Afin de dissuader toute pratique des professionnels faisant obstacle à l’application des règles introduites, l’ordonnance cite une myriade de sanctions civiles (C. consom., art. L. 241-5 à L. 241-7 pour la vente de biens ; art. L. 242-18-1 à L. 242-18-3 pour la fourniture de contenus numériques) et de sanctions administratives (C. consom., art. L. 241-8 à L. 241-15 pour la vente de biens ; art. L. 242-18-4 à L. 242-18-9 pour la fourniture de contenus numériques) afin d’assurer au texte une application raisonnée et, par l’effet comminatoire, empêcher toute inapplication à titre préventif.

Est ajouté un article L. 112-4-1 ainsi libellé : « lorsque le contrat de vente de biens ou le contrat de fourniture de contenus numériques ou de services numériques ne prévoit pas le paiement d’un prix, le professionnel précise la nature de l’avantage procuré par le consommateur au sens des articles L. 217-1 et L. 224-25-2 ». L’addition permet un gain de clarté pour les consommateurs qui sauront à quoi s’en tenir quand un contrat de vente ou de fournitures est offert sans le paiement d’un prix, ce qui se distingue assez souvent d’une complète gratuité par ailleurs puisque parfois des données personnelles peuvent être récoltées par le professionnel.

Afin de mieux cerner les nouveautés, nous diviserons le propos en deux sous-parties. Le texte utilise un modèle, celui de la vente de biens pour parachever la protection en adaptant celui-ci aux fournitures de contenus numériques et de services numériques.

Le modèle de la protection : la vente de biens

En ce qui concerne le domaine de la garantie légale de conformité, l’ordonnance n° 2021-1247 vient réécrire de manière substantielle l’article L. 217-2 du code de la consommation afin de procéder à des exclusions déjà présentes dans la loi (biens vendus par autorité de justice et enchères publiques) et pour expressément exclure les contrats de vente d’animaux. Sur ce point, le Rapport remis au président de la République vient rappeler que des dispositions spécifiques du Code rural sont applicables à ces derniers contrats (p. 2, par renvoi en réalité aux dispositions des vices cachés à certaines conditions).

Les recours demeurent les mêmes qu’auparavant en cas de défaut de conformité : la réparation ou le remplacement du bien comme solution de principe (sans frais, évidemment) avec un délai maximum pour le professionnel de trente jours. Si ceci n’est pas possible, le consommateur obtient la réduction du prix ou la résolution du contrat comme par le passé. La durée de cette garantie reste de deux ans à compter de la délivrance du bien (art. L. 217-3). 

Se créent souvent des discussions autour de ce qu’est la conformité du produit. L’article L. 217-4 issu de l’ordonnance vient, sans réelle surprise, faire référence à la conformité au contrat et l’article L. 217-5 donne des critères de conformité que l’ordonnance liste de manière in abstracto comme l’usage habituellement attendu d’un bien de même type ou la conformité à un échantillon ou à un modèle. Il faudra, bien souvent, préférer l’approche contractuelle car les critères objectifs peuvent laisser perplexes tant il sera difficile pour le consommateur d’y faire référence utilement.

La présomption d’antériorité survit également à l’ordonnance n° 2021-1247 à l’article L. 217-7 lequel subit une réécriture assez importante, par ailleurs, pour y inclure le cas où la vente de biens comporte des éléments numériques prévoyant une fourniture continue de contenus. Notons que pour les biens d’occasion, le délai passe de six actuellement à douze mois au 1er janvier 2022 (art. L. 217-7, al. 2 nouv.).

La construction d’un régime de la garantie légale de conformité pour les contenus numériques et les services numériques s’adosse à ce régime en l’adaptant ponctuellement dans une section dédiée.

Le parachèvement de la protection à travers la fourniture de contenus et services numériques

Sur les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, deux définitions (celles de l’environnement numérique et de l’intégration) sont données à l’article L. 224-25-1 nouveau, ce qui renforce l’idée selon laquelle les définitions se sont multipliées dans le Code de la consommation afin de respecter au mieux le champ des transpositions notamment de la directive (UE) 2019/770 (sur ce point, v. J.-D. Pellier, Le droit de la consommation à l’ère du numérique, préc., spéc. n° 6).

La garantie légale de conformité applicable aux contenus numériques et aux services numériques ressemble peu ou prou à celle que nous connaissons pour la vente de biens. On y retrouve les traits caractéristiques de l’attente contractuelle avec la conformité du contenu au contrat conclu (C. consom., art. L. 224-25-12 nouv.). Les remèdes offerts par la directive (UE) 2019/770 aux problèmes de conformité se retrouvent aux articles L. 224-25-17 et suivants opérant comme pour la vente de biens pour un choix hiérarchisé. En premier lieu, il s’agit de la mise en conformité du contenu numérique, si possible. En second lieu, le consommateur peut obtenir la réduction du prix ou la résolution du contrat. Cette structure hiérarchisée se déduit des articles L. 224-25-18 à L. 224-25-23 nouveaux du Code de la consommation. On notera l’application possible de l’exception d’inexécution de l’article 1219 du Code civil : le consommateur peut suspendre le paiement de tout ou partie du prix jusqu’à ce que le professionnel ait satisfait aux obligations qui lui incombent dans la mise en conformité du contenu. Voici un renvoi au droit commun fort intéressant montrant que le droit de la consommation reste du droit spécial des contrats.

Le délai retenu est celui de deux ans à partir de la fourniture. Quand le service est fourni de manière continue, le professionnel est tenu des défauts apparaissant au cours de la période de fourniture, ceci n’étant que l’adaptation du délai précédent au type particulier de fourniture pendant un temps précis. La règle permet de prendre acte de manière dynamique des abonnements continus de type abonnement à un cloud (de sauvegarde de données, par exemple) ou de streaming. La présomption d’antériorité est d’une année à compter de la fourniture du service (C. consom., art. L. 224-25-16-I nouv.), là où elle est de deux ans à compter de la délivrance du bien comme nous l’avons étudié précédemment. La présomption est simple, le professionnel peut rapporter la preuve contraire s’il y parvient.

L’ordonnance n° 2021-1247 fait une place de choix aux mises à jour des contenus numériques, à travers les articles L. 224-25-24 nouveaux du code de la consommation avec, une fois de plus, une définition de ce qu’est une mise à jour dont le critère est le maintien, l’adaptation ou l’évolution des fonctionnalités ou des services numériques souscrits. Le consommateur dispose d’un droit à l’information de la disponibilité de ces mises à jour ainsi qu’à leur réception sur le produit concerné. Le Rapport remis au président de la République (p. 3) rappelle, à ce titre, que l’ordonnance reprend les innovations de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 sur la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Ceci se traduit par l’ajout d’une information du consommateur sur la durée des fournitures de mise à jour. L’ajout est important, par exemple, pour les logiciels systèmes qui cessent peu à peu d’être mis à jour quand une nouvelle version payante est disponible.

Conclusion

Voici donc une ordonnance qui entend accompagner le Code de la consommation dans une société du tout-numérique qui évite le gaspillage par ailleurs (v. par ex., l’extension automatique de six mois de la garantie légale en cas de réparation, art. L. 217-3 nouv.). Certains regretteront des définitions à foison et des règles trop nombreuses, parfois qualifiées de peu digestes par la doctrine. Mais le contenu final est une transposition assez fidèle des directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771 qui permettent une protection intéressante du consommateur. Le modèle de la vente de biens est tantôt calqué, tantôt adaptée pour éviter des écueils notamment sur les spécificités du numérique et la volatilité de son contenu. Ce premier pas doit être accueilli avec bienveillance et des adaptations se feront au fur et à mesure, notamment en premier lieu avec une loi de ratification.

Adaptation de la garantie légale de conformité pour les biens et les contenus et services numériques

L’ordonnance n° 2021-1247 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques a été publiée au Journal officiel du 30 septembre. Elle modifie plusieurs dispositions du code de la consommation afin de transposer les directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771.

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Un mémoire de réclamation doit comporter l’énoncé d’un différend et les chefs de la contestation

Le Conseil d’État précise que le mémoire du titulaire d’un marché public de travaux ne peut être considéré comme une réclamation que si d’une part, il comporte l’énoncé d’un différend et si d’autre part, il expose les chefs de la contestation de façon précise et détaillée. 

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Moyens de contestation d’un plan local d’urbanisme approuvé

Ni le moyen tiré de la méconnaissance des formalités de publicité conditionnant l’entrée en vigueur de la délibération prescrivant le plan local d’urbanisme (PLU) ni celui tiré de la méconnaissance des dispositions d’une zone de protection du patrimoine ne sont invocables contre un PLU approuvé.

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Douce et légère brise de clémence sur la procédure d’appel sans représentation obligatoire

Dans plusieurs litiges opposant l’URSSAF, pour des redressements, les personnes redressées ont saisi la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

En application de l’article R.142-11 du code de la sécurité sociale, « la procédure d’appel est sans représentation obligatoire ». En conséquence, comme le prévoit l’article 933 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit préciser les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement.

Or, dans les déclarations d’appel formées, il était seulement indiqué que les appels tendaient « à l’annulation ou à tout le moins à la réformation de la décision déféré », sans préciser les chefs critiqués.

L’URSSAF s’était emparée de ce point de procédure pour soutenir qu’en application de l’article 562, la cour d’appel n’était saisie d’aucun moyen en l’absence d’effet dévolutif de l’acte d’appel.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêts du 20 décembre 2019, n’avait pas entendu l’argument, et avait statué au fond et annulé les redressements. À noter, qu’entre temps, la cour d’appel d’Aix-en-Provence était revenue sur cette jurisprudence clémente, pour considérer que de telles déclarations n’opéraient pas dévolution (v. not. Aix-en-Provence, ch. 4-8, 28 mai 2021, n° 20/10558 ; 23 juill. 2021, n° 20/12372  ; 9 avr. 2021, n° 20/07972).

L’URSSAF s’est pourvue en cassation, invoquant l’absence d’effet dévolutif.

Le moyen est rejeté par la Cour de cassation, qui donne à l’article 562 une portée différente selon que la procédure est avec ou sans représentation obligatoire.

Une dévolution à géométrie variable

Alors que l’appel était sans représentation obligatoire, la Cour de cassation, pour justifier sa position, rappelle l’état du droit dans les procédures avec représentation obligatoire.

Ce rappel présente l’avantage de souligner que cet arrêt n’est pas un revirement quant à la portée de l’article 562.

Et c’est par un long développement que la Cour de cassation reprend sa jurisprudence récente et bien établie concernant les chefs critiqués, dans les procédures avec représentation obligatoire. Ces « chefs expressément critiqués » doivent apparaître dans l’acte d’appel, faute de quoi la dévolution n’opère pas et la cour d’appel n’est alors saisie d’aucun litige (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; 25 mars 2021, n° 20-12.037 P, Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, Anne-Isabelle Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; JCP 2020. 1170, note Herman ; Gaz. Pal. 3 nov. 2020, p. 61 note Hoffschir ; ibid. 6 oct. 2020, p. 24, note Fertier).

Nous pourrions considérer que cela est acquis, mais la pratique nous montre que de nombreuses déclarations d’appel restent très discutables à cet égard, ce qui justifie cet opportun rappel.

Et pour justifier cette lecture clémente de l’article 562, la Cour de cassation souligne que lorsque les parties doivent être représentées, elles le sont par un « professionnel du droit » (Civ. 2e , 4 juin 2020, n° 19-24.598 P, D. 2020. 1235 image ; ibid. 2198, chron. N. Touati, C. Bohnert, E. de Leiris et N. Palle image), aussi qualifié de « professionnel averti » ou de « professionnel avisé » (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-18.150, D. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; ibid. 555, obs. N. Fricero image ; 21 févr. 2019, n° 17-28.285 P, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 4 juin 2020, n° 18-23.248 P, D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 2 juill. 2020, n° 19-11.624 P, D. 2020. 1471 image ; RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 25 mars 2021, n° 18-23.299 P, RTD civ. 2021. 482, obs. N. Cayrol image ; 20 mai 2021, n° 19-19.258 P). Et ce professionnel qu’est l’avocat connaît les « règles (qui) sont dépourvues d’ambiguïté » pour lui.

Il est vrai que cette affirmation est sujette à discussion, et mériterait d’être relativisée, lorsque l’on voit que la procédure d’appel reste tout de même la hantise de la profession d’avocat, et sa complexité provoque l’ire des avocats tombés dans l’un de ses pièges.

Mais dans les procédures sans représentation obligatoire, dans lesquelles cette représentation est seulement possible, rien de tel.

Pour la Cour de cassation, il importe de donner aux parties la possibilité d’accéder au juge de manière effective, et donc d’accomplir pour ce faire les actes de la procédure d’appel leur permettant d’être jugé.

Pour que cet objectif soit rempli, et puisque les parties peuvent se défendre seules sans l’assistance d’un professionnel du droit, la « charge procédurale » ne doit pas être « excessive », et il faut donc un formalisme allégé.

C’est, pour la Haute juridiction, l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et son droit à l’accès au juge, qui permet ce régime de faveur qui n’est toutefois pas exempte de critique.

Une résurrection de l’ancien article 562 dans les procédures sans représentation obligatoire ?

La solution adoptée par la Cour de cassation est tout de même assez radicale.

En effet, il est considéré que dès lors que la partie n’a pas l’obligation d’être représentée par un professionnel du droit, alors, la dévolution opère pour le tout en l’absence des chefs critiqués.

Il s’agit ni plus ni moins que de faire revivre l’alinéa 2 de l’ancien article 562 selon lequel « la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs », et de balayer la version née du décret du 6 mai 2017.

Mais nous pouvons nous interroger si la Cour de cassation entend également faire revivre son premier alinéa, et considérer en conséquence que « l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ».

Il en résulterait que si l’appelant mentionne des chefs, la dévolution serait limité à ces chefs, et les demandes dépassant cette dévolution ne seraient pas examinées, et qu’en l’absence de chefs, la dévolution serait totale.

Nous ignorons quelle portée la Cour de cassation entend donner à cette jurisprudence. Mais ce retour total à « l’avant 2017 » n’est certainement pas opportun, et pourrait être regardé comme un formalisme excessif, privant l’appel de son droit à l’accès au juge.

En conséquence, il faudrait retenir que la mention des chefs critiqués dans la déclaration d’appel dans les procédures sans représentation obligatoire serait purement esthétique, sans la moindre conséquence sur la dévolution opérée par l’acte d’appel. Cette obligation, sans sanction, serait un peu comme l’obligation de mentionner les chefs expressément critiqués dans la déclaration de saisine après cassation, laquelle obligation n’a aucune conséquence sur la saisine de la cour (Civ. 2e, 14 janv. 2021, n° 19-14.293 P, Dalloz actualité, 29 janv. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; JCP 2021. 176, note Herman), et ne pouvant être sanctionnée que sur justification d’un grief impossible à démontrer en pratique (Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-20.416 P).

La Cour de cassation ne pouvait-elle pas adopter une position médiane, peut-être davantage en cohérence avec la raison pour laquelle la charge procédurale a été écartée ?

En effet, c’est l’absence d’un professionnel du droit qui a motivé cette jurisprudence.

Mais si cette représentation n’est pas obligatoire, elle est toutefois permise.

Dans un tel cas, dès lors que l’appelant a fait le choix d’être représenté par un avocat, ce dernier, qui connaît les arcanes procédurales, n’a aucune raison valable pour ne pas y satisfaire.

La clémence à l’égard de ce professionnel averti, qui a omis les chefs critiqués dans son acte d’appel, est-elle davantage admissible selon que la partie avait ou non l’obligation de recourir à ses services ?

Cela n’est tout de même pas très cohérent.

Mais la Cour de cassation n’opère pas un telle distinction, et nous ignorons si en l’espèce les appelants avaient pris soin de se faire représenter par un avocat.

Il n’aurait pas été absurde de faire une telle distinction, qui au demeurant existe déjà par ailleurs.

En effet, l’article 446-2, qui permet de mettre de l’écrit dans les procédures orales, impose un formalisme particulier pour les conclusions lorsque toutes les parties sont assistés ou représentés par un avocat, faisant de ces écritures des conclusions équivalentes à celles de l’article 954 dont nous connaissons l’exigence et les conséquences en cas de manquement.

Même une position plus rigoureuse que celle dont la Cour de cassation a fait preuve n’aurait pas immanquablement donné lieu à une hécatombe procédurale.

Si l’acte d’appel sans chef n’avait pas opéré dévolution, il n’en demeure pas moins que si l’on s’en tient aux avis de 2017 (Civ. 2e, 20 déc. 2017, nos 17019, 17020 et 17021 P, Dalloz actualité, 12 janv. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 18 image ; ibid. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean image ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, p. 34 ; JCP 2018. 173, note Gerbay), cette irrégularité pouvait être corrigée dans le délai pour présenter ses prétentions, qui en matière orale correspondrait à l’audience. Ainsi, l’appelant qui se verrait opposer une absence de dévolution avait une relative marge de manœuvre pour réitérer son acte d’appel, et ce même après le délai d’appel compte tenu de l’effet interruptif de l’article 2241 du code civil (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Bull. civ. II, n° 215 ; D. 2014. 2118 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; 1er juin 2017, n° 16-14.300 P, Bull civ. II, n° 116 ; D. 2017. 1196 image ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image).

L’absence des mentions des chefs critiqués n’aurait donc pas eu, en tout état de cause, les mêmes conséquences en procédure sans représentation obligatoire.

Mais ce n’est pas la position retenue par la Cour de cassation, qui a peut-être voulu faire au plus simple.

Les avocats ne se plaindront pas de cette clémence, ni les justiciables qui de toute manière seront restés à l’écart de cette problématique procédurale.

Ceux qui, en revanche, verront cette jurisprudence d’un très mauvais œil sont les cours d’appel, et notamment les chambres sociales des cours d’appel de Paris, Nancy, Versailles, Aix-en-Provence, Bordeaux, Rennes, qui, à trop vouloir écouter le chant des sirènes, se sont laissés imprudemment piéger par cette séduisante échappatoire. Un rapide coup d’œil sur les bases de données laisse à penser que ce n’est pas moins de 200 décisions qui, potentiellement, seraient concernées par cette jurisprudence, et qui dont sont susceptibles d’être cassées. Reste que de nombreux arrêts sont peut-être irrévocables à ce jour, sans qu’un pourvoi en cassation n’ait été envisagé ou formé. Quoiqu’il en soit, le retour après cassation promet d’être quelque peu douloureux…

L’infraction d’autoblanchiment n’est pas contraire au droit de l’UE

La 4e directive (UE) 2015/849 ne s’oppose pas à ce que l’auteur de l’activité criminelle qui a généré les capitaux blanchis puisse également être l’auteur de l’infraction de blanchiment de capitaux.

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Douce et légère brise de clémence sur la procédure d’appel sans représentation obligatoire

Si, lorsque la procédure d’appel est avec représentation obligatoire, la déclaration d’appel doit mentionner les chefs expressément critiqués, faute de quoi la dévolution n’opère pas, il n’en est pas de même en procédure d’appel sans représentation obligatoire, pour laquelle les charges procédurales doivent être allégées de manière à permettre aux parties d’accomplir les actes de la procédure d’appel. En conséquence, la déclaration d’appel, en procédure sans représentation obligatoire, qui ne mentionne pas les chefs critiqués opère en tout état de cause dévolution pour l’ensemble des chefs du jugement.

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Engagement de la masse commune et cautionnement des époux

La communauté réduite aux acquêts est un régime matrimonial nuancé où le créancier doit composer avec des règles protectrices de la masse commune qui viennent limiter le principe d’engagement des biens communs de l’article 1413 du code civil au stade de l’obligation à la dette (P. Malaurie, L. Aynès et N. Peterka, Droit des régimes matrimoniaux, 8e éd., Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », nos 512 s.). C’est ainsi que l’article 1415 vient restreindre le gage des créanciers d’un cautionnement ou d’un emprunt pour un époux agissant seul. En pareille situation, seule la masse propre de l’époux caution ou emprunteur ainsi que ses revenus peuvent être saisis, le reste de la masse commune étant mise à l’abri par le législateur. Pour pouvoir saisir les biens communs, le créancier doit avoir recueilli le « consentement exprès » de l’autre époux, ce qui n’est pas chose aisée. La jurisprudence a pu interpréter très largement cet article afin de maximiser la protection offerte à l’époux n’ayant pas consenti le cautionnement (F. Terré et P. Simler, Droit des régimes matrimoniaux, Dalloz, coll. « Précis », 2019, 8e éd., p. 429, n° 403). L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 29 septembre 2021 vient poser un nouveau jalon dans l’approche de l’article 1415 du code civil quand les cautionnements des époux communs en biens ont été recueillis dans le même acte mais que l’un d’entre-eux est annulé.

Les faits sont classiques : un établissement bancaire a consenti à une société un prêt d’un montant de 175 000 € remboursable sur 84 mensualités. Le prêt est garanti par un acte unique du 30 janvier 2013 dans lequel des époux mariés sous la communauté réduite aux acquêts – dirigeants de ladite société – se sont rendus cautions solidaires de l’engagement souscrit. La banque consent, par la suite, un nouveau prêt à l’automne 2013 à la même société. La seconde opération est garantie par un nouveau cautionnement solidaire des époux dirigeants.

L’emprunteur est mis en liquidation judiciaire si bien que le créancier assigne les cautions solidaires. Les époux opposent la disproportion de l’engagement et la nullité du cautionnement de l’époux car celui-ci n’avait pas rédigé la mention manuscrite prévue par l’article L. 341-2 du code de la consommation, applicable au litige. Seule la mention manuscrite de son épouse apparaissait sur l’acte de cautionnement qu’il avait signé le 30 janvier 2013.

En cause d’appel, une discussion se noue autour de l’article 1415 du code civil après la nullité prononcée de l’engagement de l’époux pour défaut de mention manuscrite. La banque pensait pouvoir contourner la restriction du gage des créanciers en se servant de l’engagement de l’épouse signé, en bas de document, par son conjoint. La cour d’appel de Colmar précise que « l’acte de cautionnement du 30 janvier 2013 est de nul effet en ce qui concerne un quelconque engagement de M. X., il ne saurait être tiré de la présence de sa signature dans les conditions précitées sur le document qui valide le cautionnement de son épouse, qu’il a expressément accepté un tel cautionnement ». Ainsi, la masse commune ne pouvait pas être saisie. Seuls les biens propres et les revenus de l’épouse étaient saisissables.

C’est sur ce point précisément que toute la discussion porte pour le demandeur au pourvoi incident, à savoir la banque prêteuse de deniers. Nous ne reviendrons pas sur le pourvoi principal des cautions qui s’attardait sur un moyen n’ayant pas entraîné une décision spécialement motivée car n’étant pas de nature à entraîner la cassation (il s’agissait de la disproportion manifeste de l’engagement).

La Cour de cassation rejette le pourvoi incident de la banque : la seule signature de l’autre époux ne suffit pas à valoir consentement exprès au sens de l’article 1415 du code civil. La masse commune est donc à l’abri dans cette situation. Il s’agit d’une lecture exigeante qui implique, avant d’en comprendre la portée et les limites, de rappeler l’importance de la nullité de l’engagement de l’un des époux faisant que la situation ne correspond plus à un cautionnement simultané mais à un cautionnement de l’un des époux seulement.

L’importance de la nullité de l’engagement de l’un des époux

L’argumentation du demandeur au pourvoi incident était simple : si la signature de l’époux ne pouvait valoir cautionnement pour son propre engagement en raison de la nullité prononcée, elle était toutefois suffisante pour démontrer un consentement exprès au sens de l’article 1415 du code civil pour le cautionnement de son conjoint.

Il faut ici comprendre qu’il n’y avait qu’un seul acte de cautionnement pour la garantie prise le 30 janvier 2013 dans lequel les époux se portaient cautions solidaires du premier emprunt. Il n’existait donc pas deux actes séparés de cautionnement de chacun des époux. La différence est importante car on sait que dans cette situation où les actes sont distincts, la Cour de cassation veille à un consentement exprès de chaque époux pour engager la communauté conformément à l’article 1415 du code civil (Civ. 1re, 8 mars 2005, n° 01-12.734, D. 2005. 1048 image ; AJ fam. 2005. 238, obs. P. Hilt image). Par jeu de miroir, la Haute juridiction a pu préciser pour un même acte réunissant les deux cautionnements que « ces derniers (les époux) se sont engagés en termes identiques sur le même acte de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette ; qu’ayant ainsi fait ressortir qu’ils s’étaient engagés simultanément, la cour d’appel en a exactement déduit que l’article 1415 du code civil n’avait pas vocation à s’appliquer » (Com. 5 févr. 2013, n° 11-18.644, D. 2013. 1253, obs. V. Avena-Robardet image, note A. Molière image ; ibid. 1706, obs. P. Crocq image ; AJ fam. 2013. 187, obs. P. Hilt image ; Rev. sociétés 2013. 507, note I. Dauriac image). Ce régime de la simultanéité a pu conduire certains auteurs à critiquer la solution retenue (M. Mignot, Le cautionnement unique des époux hors du champ d’application de l’article 1415 du code civil, Gaz. Pal. 7 mars 2013).

Quelle particularité alors pour l’arrêt rendu le 29 septembre 2021 qui prône la solution inverse ? L’engagement de l’un des époux avait été annulé par la cour d’appel de Colmar car ce dernier n’avait pas reporté la mention manuscrite de l’article L. 341-2 du code de la consommation. Par conséquent, exit le cautionnement souscrit par chacun des époux puisque celui-ci ne respectait pas le formalisme exigé en la matière (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2021, p. 223, n° 171). C’est précisément sur ce point que la nuance porte car si la nullité n’avait pas été prononcée, l’article 1415 du code civil n’aurait pas trouvé application ; chacun des époux ayant été partie à la sûreté personnelle dans le même acte. Il n’y a donc pas ici cautionnement simultané des deux époux mais un seul cautionnement, de l’épouse en l’espèce.

L’article 1415 du code civil retrouve alors tout son empire puisque seul un époux s’est porté caution : la nullité de l’engagement de l’autre implique de faire comme s’il n’avait jamais été garant ; retour au statu quo ante oblige.

Un retour à une application exigeante de l’article 1415 du code civil

La chambre commerciale opte pour une motivation lapidaire mais néanmoins efficace selon laquelle « lorsque les cautionnements d’époux communs en biens ont été recueillis au sein du même acte pour garantir la même dette et que l’un des cautionnements est annulé, la seule signature au pied de cet engagement ne vaut pas consentement exprès au cautionnement de l’autre conjoint, emportant engagement des biens communs en application de l’article 1415 du code civil » (nous soulignons). En somme, une simple signature n’est pas le « consentement exprès » dont parle la lettre de l’article 1415 du code civil. C’est un retour à une solution exigeante en terme probatoire.

Qu’aurait-il fallu de plus, alors ? Un arrêt rendu en 2017 (Com. 17 mai 2017, n° 15-24.184 et n° 15-24.187) avait pu préciser dans le même contexte d’une nullité de l’engagement de l’autre époux que la signature accompagnée de la mention « lu et approuvé. Bon pour caution solidaire du montant du prêt en principal augmenté des intérêts au taux conventionnel stipulé à l’article modalités, commissions, frais et accessoires » était un consentement exprès au sens de l’article 1415 du code civil. On connaît la portée probatoire quasi-nulle des mentions « lu et approuvé » mais rien n’empêche le juge d’en tirer des conclusions sur le consentement à l’acte et donc sur l’engagement des biens communs qui en résulte.

Tout reste donc dépendant d’une appréciation très fine pour déterminer si, malgré la nullité, le consentement exprès a été donné ou non. Une certitude toutefois : on ne peut pas se servir de la partie de l’acte annulé (le consentement du conjoint n’ayant pas recopié la mention manuscrite) pour justifier que ce dernier a voulu donner son consentement exprès. Ce serait une solution de facilité qui méconnaîtrait la portée de la nullité qui consiste à faire comme si cette partie de l’acte n’avait jamais existé. L’article 1415 du code civil retrouve sa fonction de cran de sécurité pour protéger la communauté en pareille situation à travers la recherche d’un consentement exprès.

En revenant donc à ce qui est explicitement dans l’acte, la seule signature ne suffit pas. La solution est exigeante voire sévère pour le créancier qui a obtenu une sûreté qu’il pensait particulièrement efficace. L’arrêt commenté n’est donc pas un revirement de jurisprudence mais une simple nuance à la construction opérée par la Cour de cassation en cas de nullité de l’un des cautionnements recueillis au sein du même acte. Gare donc au consentement exprès qui nécessite une clause à lui seul !

Engagement de la masse commune et cautionnement des époux

Lorsque les cautionnements d’époux communs en biens ont été donnés simultanément dans un même acte et que l’un d’eux est annulé, la signature de l’époux au pied de l’engagement valide de son conjoint ne remplit pas la condition posée par l’article 1415 du code civil pour engager la masse commune.

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La loi allemande ratifiant l’accord sur la Juridiction unifiée du brevet a finalement été promulguée. Il ne manque plus que deux États pour que le Protocole d’application provisoire entre en vigueur et que les préparatifs pour la juridiction soient initiés. La juridiction et le brevet unitaire pourraient être opérationnels fin 2022.

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Par décision du 7 mai 2021, le Conseil national des barreaux redéfinit dans le RIN l’encadrement de l’exercice à titre accessoire de l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances par un avocat au regard de l’identification du client, de la rémunération de la mission et du respect de la réglementation applicable à cette activité prévue par le code des assurances.

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Les constructions et plantations réalisées sur le terrain d’autrui sont, en vertu de l’accession par incorporation, acquises par le propriétaire du sol (Civ. 3e, 27 mars 2002, n° 00-18.201, RDI 2002. 384, obs. M. Bruschi image) – et ce, en principe, immédiatement (rappelons qu’en présence d’un contrat de bail, le jeu de l’accession est différé au terme de ce dernier, Civ. 1re, 1er déc. 1964, Bull. civ. n° 535, pour des constructions ; Civ. 3e, 23 nov. 2017, n° 16-16.815, pour des plantations, D. 2018. 781 image, note F. Roussel image ; RTD civ. 2018. 436, obs. W. Dross image).

L’article 555, alinéa 1, du code civil règle la question de l’indemnisation du tiers (voir, sur cette question, A. Cayol, Le droit des biens en tableaux, 1re éd., Ellipses, 2019, p. 288). Le propriétaire du sol peut décider, soit de conserver la propriété des constructions et plantations réalisées par le tiers, soit d’obliger ce dernier à les enlever. Dans le premier cas, le propriétaire du terrain est tenu, à son choix, de lui rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, ou le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions ou plantations (C. civ., art. 555, al. 3). Dans le second cas, la destruction a lieu aux frais du tiers (C. civ., art. 555, al. 2).

Un tel choix n’est, toutefois, offert au propriétaire du sol que si le tiers est de mauvaise foi. « Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits », le propriétaire ne pourra pas en exiger la suppression (C. civ., art. 555, al. 4). Il s’agit alors d’une forme d’acquisition forcée de la propriété. En vertu de l’article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée :...

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Assurance de groupe et modalités d’information de l’assuré sur les garanties

Une lettre se bornant à faire état d’une acceptation de l’adhésion sollicitée avec une surprime pour le risque décès n’est pas de nature à informer précisément l’assuré du refus de l’assureur de garantir désormais les risques de perte totale et irréversible d’autonomie et d’incapacité totale de travail.

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Devoir de vigilance : le Sénat plaide finalement pour la compétence du tribunal de commerce de Paris

Dans le cadre de l’examen du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire », les sénateurs ont fait part de leur désaccord avec la position adoptée par les députés en première lecture. Le texte a donc été amendé afin de rendre compétent le tribunal de commerce de Paris pour connaître des litiges relatifs au devoir de vigilance.

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L’État condamné à indemniser un département qui a dû pallier sa carence

La cour administrative d’appel de Lyon a condamné l’État à indemniser le département du Puy-de-Dôme, à hauteur de plus de 1,2 M€, en raison d’une carence avérée et prolongée de l’État, c’est-à-dire lorsque la prise en charge par le département de l’hébergement d’une famille en graves difficultés a duré plus d’un mois.

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Réformes des sûretés et des entreprises en difficulté : consolidation des textes

Les éditions Dalloz mettent à la disposition de ses lecteurs, les textes consolidés des réformes des sûretés et des entreprises en difficulté.

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Réformes des sûretés et des entreprises en difficulté : consolidation des textes

Le 16 septembre 2021, sont parues au Journal officiel deux ordonnances très attendues.

La première, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, rend plus cohérent le droit applicable aux sûretés – éclaté précédemment entre plusieurs codes – tout en rénovant ou abrogeant certains dispositifs considérés comme obsolètes.

La seconde, l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, réforme les dispositions relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés, tout en transposant la directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 dite « Restructuration et insolvabilité ». Elle s’accompagne de son décret d’application du 23 septembre 2021.

L’entrée en vigueur de ces réformes étant prévues le 1er janvier 2022 pour les sûretés et le 1er octobre 2021 pour le livre VI du code de commerce, nous avons choisi de mettre à la disposition des utilisateurs des codes civil et de commerce Dalloz une version consolidée des articles du code civil et du code de commerce impactés par ces textes.

Le fascicule de consolidation des éditions Dalloz est alors le complément idéal de ces deux codes, permettant de comparer anciennes et nouvelles dispositions. Le lecteur dispose ainsi de la version complète du nouveau livre IV du code civil, étant précisé que pour chaque article, il est mentionné s’il est nouveau, inchangé, modifié ou déplacé, afin de se référer ensuite aux enrichissements présents dans le code civil Dalloz. Une table des matières et une table alphabétique le complètent.

Pour un commentaire de la réforme des sûretés, v. notre dossier, sous la direction de Jean-Denis Pellier, Professeur à l’Université de Rouen, Codirecteur du Master 2 Droit privé général : partie I et partie II. Et, dans le prolongement de ce dossier, vous pouvez vous inscrire ici au colloque Dalloz formation sur la réforme.

Pour un commentaire de la réforme des entreprises en difficultés, v. notre dossier rédigé par Karine Lemercier, Maître de conférences à l’Université du Maine et François Mercier, Administrateur Judiciaire, 2M&associés. Et, dans le prolongement de ce dossier, vous pouvez vous inscrire ici à la formation Elegia Formation.

Innovation et avocats : le temps de faire !

Dans son projet d’accompagner et d’animer le débat au sein de la communauté des avocats, le Comité Stratégique Avocats Lefebvre Dalloz a présenté officiellement son livre blanc « Innovation et avocats : le temps de faire ! », lors d’une soirée de remise, le mercredi 6 octobre, au cabinet De Gaulle Fleurance. Premier d’une longue série de travaux à venir sur la profession d’avocat et son évolution, ce livre blanc offre un décryptage des principaux enjeux et problématiques entourant la question de l’innovation, ainsi que des propositions concrètes pour favoriser son développement et un ensemble de témoignages de ceux qui vivent l’innovation.

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Sécurité sociale : en finir avec les dispositifs dérogatoires mis en place pendant la crise sanitaire

« Ce n’est pas un rapport d’austérité, mais un rapport de transformation », a estimé le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, à l’occasion de la présentation du Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, le 5 octobre. 

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Sécurité sociale : en finir avec les dispositifs dérogatoires mis en place pendant la crise sanitaire

« Ce n’est pas un rapport d’austérité, mais un rapport de transformation », a estimé le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, à l’occasion de la présentation du Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, le 5 octobre. 

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La nouvelle loi contre le piratage audiovisuel adoptée

Le projet de la loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique a été définitivement adopté le 29 septembre 2021. Présentation d’une nouvelle loi qui entend lutter contre les nombreuses contrefaçons présentes sur internet et ainsi défendre la création culturelle.

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De la motivation des arrêtés en cas d’hospitalisation d’office

L’hospitalisation sans consentement continue de nourrir avec abondance le contentieux de la première chambre civile de la Cour de cassation. Nous avions pointé il y a quelques jours la nécessité rappelée de la démonstration d’une atteinte aux droits pour obtenir la mainlevée de la mesure (Civ. 1re, 15 sept. 2021 F-B, n° 20-15.610, Dalloz actualité, 27 sept. 2021, obs. C. Hélaine). Cette fois-ci, c’est le cas spécifique du danger imminent pour la sûreté des personnes qui sert de toile de fond pour cet arrêt rendu par la première chambre civile le 29 septembre 2021 et publié au Bulletin. Les faits sont tout à fait classiques. Le maire d’une commune décide le 27 mai 2014 de certaines mesures provisoires concernant un individu, sur le fondement de l’article L. 3213-2 du code de la santé publique, prenant la forme d’une hospitalisation au sein de l’établissement Alsace Nord. Le lendemain, le représentant de l’État prend une décision d’admission en soins psychiatriques sous contrainte sous la forme d’une hospitalisation complète. Le 2 juin, la mesure est renouvelée. L’hospitalisation prend fin le 20 juin suivant. Plusieurs membres de la famille de la personne hospitalisée ont, par la suite, assigné en responsabilité, la commune, l’État et l’établissement public de santé sur le fondement de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique en raison de plusieurs irrégularités commises selon eux dans la procédure d’admission et de maintien dans l’établissement concerné.

En cause d’appel, plusieurs points font encore difficulté. Sur la demande d’annulation des arrêtés préfectoraux, la cour d’appel de Paris déboute la famille de l’intéressé puisque ces derniers étaient suffisamment motivés pour justifier de la mesure prise. L’arrêt d’appel relève également que les observations de l’intéressé avaient été recueillies en dépit de son opposition aux soins prodigués sans...

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De la motivation des arrêtés en cas d’hospitalisation d’office

La Cour de cassation vient rappeler quelques constantes de l’hospitalisation d’office sur la motivation des arrêtés et notamment sur l’importance de s’approprier le contenu des certificats médicaux justifiant la mesure envisagée.

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Les entreprises peuvent désormais conclure un CDD doctoral

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a créé un nouveau CDD « contrat doctoral de droit privé » permettant aux entreprises de recruter un doctorant. Le décret d’application en précisant les modalités vient enfin d’être publié.

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Consensus autour des bibliothèques

Adoptée à l’unanimité par le Sénat il y a quelques mois (AJDA 2021. 1178 ), la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique semble destinée à faire consensus. Elle a en effet recueilli également la totalité des voix des députés.

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Question préjudicielle, mode d’emploi de la jurisprudence [I]Cilfit[/I]

Réaffirmant les dérogations à l’obligation de renvoi préjudiciel, posées par l’arrêt Cilfit de 1982, la cour de justice de l’Union européenne impose que, si la juridiction ne saisit pas la Cour d’une question préjudicielle, les motifs de la décision indiquent celui des trois motifs permettant de s’affranchir de cette obligation.

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Distinctivité de la marque « vente-privee » : fin de la saga judiciaire ?

Malgré la persévérance sans faille de la société Showroomprive.com pour faire annuler la marque « vente-privee » de la société alors éponyme, la cour d’appel de Paris donne raison à la société Vente-privee.com (devenue Veepee) dans une décision du 17 septembre 2021.

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Rejet des prétentions de son adversaire en première instance : quelle portée en appel ?

Celui qui se borne en première instance à soulever la péremption de l’instance peut-il solliciter le rejet au fond des prétentions de son adversaire en appel et invoquer à cette fin tout moyen utile ? C’est à cette question que répond l’arrêt du 9  septembre 2021 sous commentaire.

Les faits de l’affaire soumise à la Haute juridiction étaient d’une grande banalité. Alors qu’une caisse primaire d’assurance maladie avait reconnu le caractère professionnel d’une infection contractée par un salarié, la société de travaux qui l’employait avait saisi feu les juridictions de la sécurité sociale afin que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui soit déclarée inopposable. La caisse s’était bornée à soulever la péremption de l’instance et, sûre de son bon droit, n’avait pas même sollicité à titre subsidiaire le rejet des prétentions de l’employeur. Mal lui en a pris puisque le moyen tiré de la péremption a fait long feu et le tribunal a déclaré inopposable à la société de travaux la décision de prise en charge de la maladie professionnelle. La caisse a alors interjeté appel et, changeant son fusil d’épaule, a sollicité le rejet des prétentions au fond de son adversaire en invoquant divers moyens. La cour d’appel a cependant excipé l’article 563 du code de procédure civile pour déclarer irrecevable le tout : parce que la caisse n’avait pas demandé au premier juge qu’il rejette les demandes de l’employeur, elle ne pouvait soulever aucun moyen au soutien de cette prétention qui, étant nouvelle, était irrecevable. La nasse procédurale s’était ainsi refermée sur la caisse, qui n’avait d’autres alternatives pour en sortir que de former un pourvoi en cassation.

Et la Cour de cassation a partiellement donné raison à la caisse en censurant l’arrêt rendu par la cour d’appel. Certes, la caisse n’ayant pas sollicité en première instance le rejet des prétentions de son adversaire, elle ne pouvait aucunement avancer de nouveaux moyens au soutien de cette « prétention » en appel en se fondant sur l’article 563 du code de procédure civile. Mais, parce que la demande tendant au rejet des prétentions de l’employeur tendait à « faire écarter les prétentions adverses », elle était recevable (et les moyens qui la soutenaient également) en cause d’appel sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile. La caisse s’en tire finalement à bon compte !

Demander le rejet d’une prétention c’est formuler une prétention !

Demander le rejet d’une prétention, c’est déjà formuler une prétention ! Tel est le premier enseignement de l’arrêt commenté. Ce postulat admis, le reste du raisonnement en découle. Dès lors, à lire l’article 563 du code de procédure civile, que c’est uniquement pour justifier en appel les prétentions soumises au premier juge qu’une partie peut invoquer de nouveaux moyens, elle ne peut soulever aucun moyen destiné au rejet de la demande de son adversaire si elle n’a pas déjà sollicité ce rejet en première instance !

La Cour de cassation avait d’ailleurs déjà considéré que la partie qui, en appel, sollicite le rejet de la prétention de son adversaire élève lui-même une prétention pour en déduire qu’elle avait l’obligation de l’indiquer dans le dispositif de ses conclusions (C. pr. civ., art. 954) : elle a ainsi jugé qu’une cour d’appel n’est saisie d’aucune prétention lorsque l’appelant ne sollicite pas, dans le dispositif de ses conclusions, le rejet des prétentions formulées par son adversaire auxquelles avait fait droit le premier juge (Civ. 2e, 16 nov. 2017, n° 16-21.885, inédit) ou encore que le moyen tiré du défaut d’information de la caution, « qui ne vient qu’au soutien de la prétention tendant à voire rejeter la demande en paiement de la banque, n’a pas à être énoncé au dispositif des conclusions de la caution » (Com. 5 mai 2021, n° 19-22.688, inédit).

Mais, même s’il n’est donc pas totalement neuf, le postulat selon lequel demander le rejet des prétentions de son adversaire est déjà une prétention doit-il sérieusement être admis ?

Le code de procédure civile est bâti sur l’opposition entre les demandes et les moyens de défense.

Mise à part, peut-être, celle résultant de l’exercice d’une action déclaratoire, toute demande en justice contient une prétention. Qu’elle soit assimilée au résultat social ou économique que son auteur entend déduire en justice (H. Motulsky, Le rôle respectif du juge et des parties dans l’allégation des faits, in Les écrits. Études et notes de procédure civile, préf. G. Bolard, Dalloz, 2009, p. 38, n° 12) ou à l’effet juridique attaché à une règle de droit que l’auteur de la demande entend voir mise en œuvre à son profit (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., LGDJ, 2019, n° 116), la prétention peut (voire doit) être soutenue par un certain nombre de moyens qui constituent autant de raisonnements, articulés en fait et en droit, destinés à démontrer que les différentes conditions d’application d’une (ou de la) règle sont bien réunies. Vraisemblablement, c’est en ayant à l’esprit cet aspect substantiel de la prétention que les auteurs du code de procédure civile ont rédigé l’article 4 du code de procédure civile indiquant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». À la lecture de ce texte, on est assez enclin à admettre qu’à défaut de toute demande reconventionnelle, le juge n’est saisi que de la prétention contenue dans la demande initiale (L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 11e éd., LexisNexis, 2020, n° 499).

Les rédacteurs du code de procédure civile se sont cependant penchés sur les seuls moyens de défense, ce qui laisse dans l’ombre un point important : ces moyens soutiennent-ils, à l’instar des demandes, des prétentions ? La lecture de l’article 4 du code de procédure civile permet d’en douter alors que le juge peut d’office soulever certains moyens de défense pour en déduire par exemple l’irrecevabilité d’une demande. Pourtant, la mise en échec d’une demande passe bien souvent, comme les demandes, par le déclenchement de l’effet juridique d’une règle ; en somme, les moyens de défense, ou tout du moins certains d’entre eux, ne sont pas exclusifs de la formulation de ce qui s’apparente bien à une prétention (v. sur ce point, J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, op. cit., n° 140). Lorsqu’est soulevée une fin de non-recevoir ou une exception de procédure, le moyen tend à une fin (l’irrecevabilité de la demande, la nullité d’un acte de procédure…) qui peut être assimilée à une prétention ; ce qui la dissocie d’une demande est que l’avantage dont tire profit le défendeur est parfois purement procédural (C. Bléry, L’efficacité substantielle des jugements civils, LGDJ, 2000, J. Héron [dir.], préf. P. Mayer, nos 363 s.). En faisant abstraction de ce dernier point, il est ainsi possible d’admettre, comme semble d’ailleurs le faire la Cour de cassation, qu’une partie soulève une prétention, qu’elle doit comme telle faire figurer dans le dispositif de ses écritures adressées à la cour d’appel, lorsqu’elle prétend que la demande ou le recours formé par son adversaire est irrecevable (Civ. 1re, 9 juin 2021, n° 19-10.550 P ; Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-25.929 ; Soc. 2 déc. 2020, n° 19-20.546).

Il n’y a alors plus qu’un pas pour considérer que solliciter le rejet d’une prétention revient à élever une prétention. Solus et Perrot semblaient d’ailleurs le faire lorsqu’ils écrivaient à propos du défendeur que, « dans la mesure où il résiste à la demande de son adversaire, il émet la prétention que celle-ci soit rejetée » (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t 3, Procédure de première instance, Sirey, 1991, n° 64). Cette dernière analyse peut être discutée dans la mesure où celui qui sollicite le rejet de la prétention de son adversaire ne sollicite pas du juge qu’il fasse jouer l’effet juridique d’une règle ; le jugement qui rejette effectivement au fond une prétention n’emporte aucun effet substantiel ou procédural (C. Bléry, L’efficacité substantielle des jugements civils, op. cit., nos 105 s.).

Les parties peuvent soumettre de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses

Mais ce que la Cour de cassation écarte d’une main, elle l’admet de l’autre ! Car, sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, elle rappelle que « les parties peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ». La caisse avait ainsi pu solliciter le rejet des prétentions de son adversaire pour la première fois en appel.

Cette solution, qui s’appuie sur la lettre de l’article 564 du code de procédure civile, implique que les « prétentions adverses » sont non seulement celles élevées en cause d’appel, mais également toutes celles sur lesquelles les premiers juges ont statué (v. déjà, Civ. 3e, 3 avr. 1997, n° 95-14.998, Bull. civ. III, n° 76 ; AJDI 1997. 771 image, obs. D. Talon image). Dès lors, la caisse pouvait pour la première fois en appel demander le rejet des prétentions formulées par son adversaire en première instance.

Cette solution permet de rappeler que celui qui omet de solliciter le rejet des prétentions de son adversaire en première instance n’acquiesce pas à ses demandes pour autant. L’acquiescement résulte d’une volonté claire et dénuée d’équivoque du défendeur de renoncer à son action (Civ. 2e, 25 mai 1994, n° 93-10.881, Bull. civ. II, n° 134 ; D. 1995. 107 image, obs. N. Fricero image ; Civ. 3e, 23 oct. 1991, n° 89-18.458, Bull. civ. III, n° 244) ; celui qui a exprimé cette volonté est liée par celle-ci, si bien qu’il est alors irrecevable à interjeter appel de la décision qui constate son acquiescement pour discuter à nouveau du fond devant la cour d’appel (Civ. 2e, 14 déc. 2006, n° 05-22.057, inédit ; 5 mars 1986, n° 84-16.754, Bull. civ. II, n° 30). Or, celui qui omet de solliciter le rejet des prétentions de son adversaire en première instance ne manifeste nullement une telle volonté, l’absence de contestation ne suffisant pas à caractériser un acquiescement (Civ. 2e, 16 déc. 2004, n° 03-12.642, Bull. civ. II, n° 525 ; D. 2005. 311, et les obs. image) ; c’est la raison pour laquelle il peut encore en appel demander le rejet des prétentions de son adversaire…

Rejet des prétentions de son adversaire en première instance : quelle portée en appel ?

Demander le rejet des prétentions de l’adversaire constitue-t-il déjà une prétention ? La Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question en interdisant à celui qui a omis de solliciter le rejet des prétentions de son adversaire en première appel de se prévaloir d’un moyen nouveau au soutien de cette « prétention » en cause d’appel (C. pr. civ., art. 563).

Toutefois, rien ne lui interdit de solliciter pour la première fois le rejet des prétentions de son adversaire en appel dès lors que l’article 564 du code de procédure civile permet aux parties de soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.

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Lettre d’observation : précisions autour de la procédure disciplinaire

L’employeur est tenu de convoquer le salarié pour chaque sanction envisagée lorsque des dispositions d’une convention collective, instituant une garantie de fond, subordonnent le licenciement d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures.

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Exclusion de la renonciation tacite lorsque le contrat impose des formalités

Lorsqu’une clause fixe les modalités selon lesquelles la renonciation à un droit peut intervenir, cette renonciation ne peut résulter que du respect du formalisme prévu.

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Exclusion de la renonciation tacite lorsque le contrat impose des formalités

Acte abdicatif, irrévocable et unilatéral, la renonciation repose sur l’unique volonté du titulaire du droit abandonné (Rép. civ., v° Renonciation, par D. Houtcieff). Sauf disposition légale ou conventionnelle particulière, aucune formalité n’est imposée (Com. 1er juill. 2008, n° 07-17.786, D. 2008. 2079 image ; AJ fam. 2008. 434, obs. V. A.-R. image). Toutefois, en raison de la gravité des effets, cette volonté doit être certaine et éclairée. C’est pourquoi, si les juges admettent la renonciation tacite, celle-ci doit résulter d’actes non équivoques, incompatibles avec la prérogative abdiquée, effectués en toute connaissance de cause. Ainsi, il a été récemment jugé que l’envoi d’une offre de renouvellement au locataire vaut renonciation du bailleur de se prévaloir de la résolution du bail (Civ. 3e, 21 janv. 2021, n° 19-24.466, AJDI 2021. 281 image ; Loyers et copr. 2021. Comm. 58, obs. J. Monèger) ; que le fait de poursuivre l’exécution du contrat après avoir renvoyé un bon d’annulation vaut renonciation tacite à la faculté de rétractation (Civ. 1re,...

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Retrait d’une subvention à une personne publique

La décision par laquelle l’administration décide de procéder au retrait d’une subvention doit être précédée d’une procédure contradictoire, même si le bénéficiaire est une collectivité publique.

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