Le locataire doit informer le bailleur de l’apparition de vices en cours de bail

Sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier.

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Clause d’indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité et clauses abusives

La chambre commerciale vient préciser qu’une commune agissant pour régler les affaires de sa compétence ne peut pas se prévaloir de la protection des clauses abusives puisqu’il ne s’agit pas d’un non-professionnel. Il n’existe, en outre, aucune règle générale interdisant les clauses d’indexation du taux d’intérêt excluant la réciprocité.

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Dans la famille « demande d’infirmation dans le dispositif des conclusions », après la confirmation, je voudrais… la caducité

En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation ou l’annulation. À défaut, la cour d’appel confirme le jugement. Toutefois, le conseiller de la mise en état, d’office ou à la demande d’une partie, ou la cour d’appel, d’office, a aussi la faculté de prononcer la caducité de la déclaration d’appel.

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Perquisition fiscale : appréciation souple du lien entre les pièces saisies et les présomptions de fraude

L’absence de lien entre les pièces saisies par l’administration fiscale et les présomptions de fraude, objet de l’autorisation de visite et de saisies accordée par le juge de la liberté et de la détention, qui doit être appréciée à la date de la saisie, ne peut se déduire du seul défaut d’utilisation ou d’exploitation ultérieure de ces pièces par l’administration contre le contribuable visé par ladite autorisation.

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Compétence internationale des juridictions françaises en matière de responsabilité parentale et d’obligation alimentaire

Lorsque la résidence habituelle d’un enfant est située en France, les juridictions françaises, même dans le cas où elles ne seraient pas compétentes pour statuer sur le divorce du couple, sont compétentes pour statuer sur la responsabilité parentale et les demandes alimentaires qui en sont l’accessoire.

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Le soutien au terrorisme peut faire perdre la qualité de réfugié

La Cour nationale du droit d’asile saisie d’un litige sur la perte du statut de réfugié n’a pas à se prononcer sur la qualité de réfugié de l’intéressé, sauf si l’OFPRA la saisit de conclusions contestant cette qualité.

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Information et participation du public aux projets ayant une incidence sur l’environnement

Par deux arrêts, le Conseil d’État donne la portée de plusieurs dispositions relatives à l’information et à la participation des citoyens aux décisions en matière d’environnement.

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Focus sur la titularité des droits d’auteur d’une œuvre photographique

Les demandes de l’ayant droit d’un photographe de plateau sont rejetées, car il existe un doute sérieux quant à la paternité de la photographie revendiquée représentant un portrait du chanteur Tino Rossi, lors du tournage du film Les lumières de Paris intervenu dans les années 1930.

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Chronique d’arbitrage : l’art de l’esquive en matière de corruption

Plus de sept ans après le dernier important arrêt de la Cour de cassation en matière de corruption (Civ. 1re, 12 févr. 2014, n° 10-17.076, Schneider, D. 2014. 490 image ; ibid. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2541, obs. T. Clay image ; JCP 2014. 782, note D. Mouralis ; ibid. 777, concl. P. Chevalier ; Procédures 2014, n° 4, comm. 107, p. 22, note L. Weiller ; Rev. arb. 2014. 389, note D. Vidal), celle-ci laisse passer une occasion d’affirmer sa doctrine, là où celle de la cour d’appel de Paris a considérablement évolué. Pour autant, l’arrêt Alstom (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769) est loin d’être dénué d’intérêt. Il faudra encore attendre un peu – quelques semaines peut-être – pour en savoir plus. Au-delà de cette décision, plusieurs arrêts méritent l’attention du lecteur. Les arrêts Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834) et Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625) portent sur les questions de compétence fondée sur un traité bilatéral d’investissements. Elles sont de nature à rassurer les praticiens inquiets depuis plusieurs mois de la position française en la matière. À propos de l’obligation de révélation, c’est l’arrêt National Highway Authority (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071) qui suscitera l’intérêt, en contribuant à fixer (lentement) le régime sur cette question. Bref, de beaux arrêts qui réjouiront les observateurs. Néanmoins, la présente livraison ne pouvait être trop belle et est gâchée par une nouvelle intervention de la Cour de justice (CJUE, 26 oct. 2021, aff. C-109/20, PL Holdings).

I. L’arrêt Alstom

La saga Alstom est connue des spécialistes de l’arbitrage, tant elle a été commentée et est au cœur d’une évolution jurisprudentielle cruciale.

La société française Alstom transport et la société anglaise Alstom Network (Alstom) ont conclu plusieurs contrats de consultant avec la société chinoise de Hong Kong Alexander Brothers. Alstom a remporté auprès du ministère chinois des Chemins de fer tous les appels d’offres en vue desquels les contrats de consultant avaient été signés, mais elle a refusé de payer le solde des commissions dû pour deux de ces contrats et de verser tout paiement pour un troisième, prétextant un risque pénal pour des versements qui servaient peut-être à corrompre des agents publics. La société Alexander Brothers a introduit une procédure d’arbitrage devant la Chambre de commerce internationale (CCI). Une sentence condamnant Alstom à payer, sur le fondement du droit suisse applicable, le solde des commissions dues au titre de deux contrats a été rendue à Genève.

Saisie d’une demande d’exequatur, la cour d’appel de Paris a répondu en deux arrêts successifs et a refusé l’exequatur (Paris, 28 mai 2019, n° 16/11182, Alstom (2nd arrêt), Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; ibid. 2435, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2019. 850, note E. Gaillard ; 10 avr. 2018, n° 16/11182, Alstom (1er arrêt), D. 2018. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard ; Cah. arb. 2018. 465, note A. Pinna). Elle a identifié une méthodologie du contrôle des allégations de corruption de l’ordre public international.

Pour mémoire, en voici les principaux traits. Premièrement, l’intensité du contrôle ne nécessite plus une violation flagrante de l’ordre public international, le contrôle étant réalisé en droit et en fait sur tous les éléments. Deuxièmement, la mauvaise foi ne fait pas obstacle à la discussion d’un argument relatif à la corruption, pas plus que le défaut de présentation du moyen devant le tribunal arbitral. Troisièmement, la reconnaissance ou l’exécution de la sentence ne doit pas avoir pour effet de permettre l’exécution d’un contrat de corruption. Quatrièmement, peu importe si les faits ont été pénalement qualifiés ou non par une juridiction pénale. Cinquièmement, c’est à travers un faisceau d’indices (des red flags à la française) et le caractère suffisamment grave, précis et concordant de ceux-ci que porte la discussion. L’arrêt du 10 avril 2018 donne une liste exhaustive des indices susceptibles de retenir l’attention.

Tous les ingrédients étaient réunis pour que la Cour de cassation rende une solution de principe – un grand arrêt – d’autant qu’elle était saisie d’un pourvoi de près de cinquante pages, articulé en trois moyens de trois, huit et une branches. C’est donc avec un certain étonnement, pour ne pas dire une légère déception, que la décision livrée est un pur arrêt d’espèce, rendue en formation restreinte présidée par le conseiller doyen (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769). La montagne a-t-elle accouché d’une souris ?

Pour le savoir, il convient de s’intéresser aux motifs de la cassation. Elle est prononcée au visa d’un principe : « vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ». C’est une cassation pour dénaturation qui est prononcée (M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier et J. Buk Lament, La technique de cassation, 9e éd., Dalloz, coll. « Méthodes du droit », 2018, p. 230). La dénaturation peut porter sur un contrat, sur les preuves, ou encore sur les conclusions. En l’espèce, elle concerne la transcription de l’audience arbitrale (le transcript). Pour l’essentiel, il était considéré par la cour d’appel que la gérante du consultant avait refusé de répondre aux questions posées lors des débats. À l’inverse, le transcript fait état de diverses réponses.

Que peut-on tirer d’une telle décision ? Rien, en apparence. Les spécialistes de la procédure de cassation soulignent que « les arrêts sanctionnant une telle dénaturation, purement “disciplinaire”, ne présentent strictement aucun intérêt sur plan du fond du droit » (M.-N. Jobard-Bachellier et al., op. cit., p. 125).

Pour autant, on peut constater que les transcripts sont élevés au rang des éléments susceptibles de faire l’objet d’un contrôle de la dénaturation. Le constat est loin d’être dénué d’intérêt. Comme éléments de preuves, il est loin d’être anormal qu’ils fassent l’objet d’un tel contrôle. Reste qu’ils sont établis au moment du procès arbitral. D’un point de vue chronologique, ils ne datent donc pas de l’époque des faits de corruption, mais de l’instance arbitrale à l’occasion de laquelle ces faits sont discutés. De plus, il n’existe aucun formalisme relatif aux transcripts. Rien n’impose d’y recourir et, lorsqu’il en est décidé autrement, aucune forme n’est prédéfinie. Il en résulte une diversité de pratique, aussi bien sur le support de l’enregistrement (audio ou écrit) que sur l’exhaustivité de la retranscription (en particulier à l’écrit ; l’audio soulève plutôt des difficultés quant au caractère audible de l’enregistrement). En conséquence, les praticiens doivent prendre conscience de l’importance de cet élément : d’une part, en étant vigilant au moment de sa constitution (en soulignant certains points à l’audience et en faisant une relecture attentive du transcript ensuite) ; d’autre part, en s’intéressant de façon sérieuse à la plus-value de cette retranscription dans le cadre du recours. Rien que pour cela, l’arrêt mérite d’être signalé.

Cela dit, l’arrêt soulève une question qui est, de notre point de vue, beaucoup plus sérieuse. Dans la présente affaire, on ne connaît pas la taille précise du transcript, mais il atteint au moins les 180 pages en version anglaise (et 130 en version française). Pour le dire simplement, c’est long. La Cour de cassation pose un véritable défi à la cour d’appel : comment réaliser son office face à des dossiers volumineux et complexes sans commettre une dénaturation ?

Le problème ne doit pas être sous-estimé. D’un côté se trouvent les parties au litige et le dossier qui les oppose. Chacune des parties est représentée par les meilleurs cabinets d’avocats, au sein desquels des dizaines de personnes peuvent travailler sur un même dossier. À l’occasion de l’arbitrage, des mémoires volumineux ont été produits, des wagons de pièces ont été échangés, des audiences-fleuves ont eu lieu. Tout ce qui a été dit et/ou produit à l’occasion de l’instance arbitrale et l’est à nouveau à l’occasion du recours peut faire l’objet d’une dénaturation. Très concrètement, il n’y a aucune raison, lorsque la cour d’appel est conduite à se prononcer sur des faits de corruption, que le débat soit moins riche devant elle qu’il ne l’a été devant le tribunal arbitral. Pourquoi les parties s’en priveraient-elles alors que, disons-le clairement, la cour rejuge cette question de fond ? Ainsi, les parties se présentent devant le juge français avec un dossier dont elles maîtrisent toutes les subtilités. De l’autre côté se trouve la cour d’appel de Paris. En dépit de ses moyens pharaoniques, elle ne dispose que de trois juges (dans sa formation internationale) et d’une poignée de juristes-assistants pour faire face à la masse des recours.

C’est un combat à armes inégales qui se profile sur les questions de corruption. D’un côté, la cour d’appel, aux moyens humains insuffisants pour faire face à de tels dossiers et sur laquelle pèse l’épée de Damoclès de la dénaturation. De l’autre, des parties disposant d’une batterie de conseils connaissant parfaitement le dossier (notamment lorsqu’elles l’ont suivi pendant l’arbitrage) et en mesure de passer le temps qu’il faut pour identifier la moindre dénaturation.

Au final, dans cet arrêt de la Cour de cassation, c’est bien la souris qui a accouché d’une montagne.

Disons-le d’emblée : il nous semble qu’en l’état actuel de ses moyens et au regard du nombre de dossiers dans lesquels figurent des problématiques de corruption (ou autres infractions, en particulier blanchiment), la cour d’appel de Paris n’est pas outillée pour répondre aux attentes de la Cour de cassation.

Reste à savoir s’il est possible de trouver une voie pour ne pas renoncer à son contrôle sans imploser face à l’afflux de dossiers. Une piste mérite d’être explorée. De plus en plus d’arbitres prennent très au sérieux les allégations de corruption et réalisent un examen minutieux des circonstances avant de rendre une décision longuement réfléchie. À notre avis, il ne serait pas interdit, au regard de la nature du recours contre les sentences, de partir du raisonnement de l’arbitre. Le premier travail du juge ne serait donc pas de s’intéresser directement aux allégations de corruption pour se faire sa propre opinion, mais d’examiner le travail de l’arbitre. Dès lors, de deux choses l’une : soit la décision de l’arbitre a été rendue à la suite d’un débat riche et d’une motivation solide ; soit le travail est insuffisant ou inexistant (notamment, car le moyen n’avait pas été invoqué). Dans la première hypothèse, le juge ne réaliserait pas de contrôle, considérant que celui de l’arbitre est suffisant. Dans la seconde, le juge reprendrait l’examen complet des allégations, selon les critères de la jurisprudence Alstom et sous le contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation.

Une telle solution présente plusieurs avantages. D’abord, il faut rappeler que nous ne sommes pas ici dans le domaine de la certitude, mais dans celui des incertitudes et des indices. Rien n’est blanc ou noir et la décision de l’arbitre ou du juge sera toujours sujette au doute. Ensuite, il s’agit de faire confiance à celui qui a passé du temps pour éplucher un dossier. À cet égard, l’arbitre est supérieur au juge étatique, les moyens de l’un et de l’autre étant sans comparaison. Or la doctrine a pu regarder d’un œil inquiet certaines décisions étatiques sur ces questions, à l’occasion desquelles la motivation semblait un peu légère. Enfin, une telle solution rétablit l’équilibre entre les sentences sanctionnant la corruption et celles écartant la corruption. En effet, à l’heure actuelle, les premières ne sont jamais réexaminées, là où les secondes le sont systématiquement. Il y a un déséquilibre : dans un cas (les allégations sont retenues), il suffit de gagner une fois (devant l’arbitre ou le juge) pour que la décision soit définitive ; dans l’autre (les allégations sont rejetées), il convient de l’emporter deux fois (devant l’arbitre et devant le juge) pour que la décision soit définitive. En s’intéressant au travail de l’arbitre, on rapproche le traitement des sentences, quelle que soit la solution, tout en conservant une soupape de sécurité pour les cas problématiques.

Naturellement, on pourra dire qu’un tel recul de l’office du juge emporte le risque d’une intégration dans l’ordre juridique français de sentences qui pourraient ignorer des faits de corruption. On répondra néanmoins qu’une décision rendue trop hâtivement et emportant annulation ou refus d’exequatur d’une sentence au motif que des soupçons de corruption existent est un déni de justice, qui est lui aussi une atteinte à l’ordre public international. Sur ces questions très sensibles, le moins que l’on doive aux parties est un procès sérieux et complet, pas une décision au doigt mouillé. En l’occurrence, ce sont les arbitres, plus que la cour d’appel de Paris, qui sont en mesure de le connaître.

Il n’est d’ailleurs pas indifférent de constater que, dans l’arrêt Aboukhalil, la cour d’appel de Paris adopte une démarche relativement proche de celle qui vient d’être proposée (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Pour examiner un grief portant sur la contrariété à l’ordre public international d’une sentence arbitrale en raison d’une opération de complicité d’enrichissement illicite et de blanchiment, la cour revient longuement sur le raisonnement retenu par le tribunal arbitral (§ 107 s.). La cour ne se limite pas à son propre examen des griefs ; elle reprend à son compte la motivation du tribunal arbitral sans la démentir. Pour écarter le moyen tiré de la violation de l’ordre public international, elle retient l’existence d’éléments « précis et concordants » de l’absence d’infraction pénale (§ 119) et, à l’inverse, refuse d’examiner un à un tous les éléments présentés par le requérant (§ 120). D’un point de vue méthodologique, il en résulte que la cour trace une voie intermédiaire entre un examen de novo des allégations de blanchiment et une absence totale de contrôle. Elle préfère se fonder sur le raisonnement du tribunal arbitral tout en ajoutant des éléments qu’elle juge pertinents. L’arrêt Global Voice s’inscrit également dans cette logique (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531, § 87 s.). La cour achève son raisonnement par une formule très révélatrice et qui, de notre point de vue, doit être suivie : « Il ressort ainsi tant du contrôle auquel le tribunal arbitral s’est livré, comme il lui incombait à juste titre de le faire, que de l’analyse de chacun des indices pris séparément et dans leur ensemble, que les agissements allégués ne caractérisent pas des indices graves, précis et concordants susceptibles de conduire à une annulation de la sentence pour méconnaissance de l’ordre public international ». C’est une voie qui paraît viable au regard des exigences désormais posées par la Cour de cassation dans l’arrêt Alstom.

On dira un mot supplémentaire sur l’arrêt Global Voice (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531), au cours duquel des allégations de corruption étaient soumises au juge. La cour opère une distinction intéressante, et potentiellement fructueuse pour les praticiens. Elle estime que les preuves rapportées concernent un avenant au contrat et constate que le tribunal arbitral n’a prononcé aucune condamnation sur le fondement de celui-ci. La solution est importante, car elle invite à ne pas retenir une approche globale de la corruption, mais une approche fine. Tel un chirurgien, il est possible d’extraire les cellules cancéreuses afin de préserver les cellules saines. Ce faisant, un tribunal arbitral peut donner effet à des obligations qui ne sont pas touchées par la corruption ! Par ailleurs, la cour rejette les allégations résiduelles de corruption (celles touchant les obligations dont l’exécution est ordonnée par la sentence). Si elle considère que les indices apportés sont insuffisants, elle retient, une nouvelle fois, un indice négatif dans l’absence de poursuites pénales des faits par les autorités publiques (v. égal. Paris, 25 mai 2021, n° 18/27648, Cengiz, Dalloz actualité, 18 juin 2021, obs. J. Jourdan-Marques).

II. La clause compromissoire

L’articulation entre les articles 2061 du code civil et L. 721-3 du code de commerce est loin d’être évidente. Il n’est pas rare de partir du principe que le second constitue une disposition anecdotique dont on pourrait se dispenser. Deux raisons expliquent ce désintérêt. Premièrement, l’article 2061 du code civil pose un principe général de validité de la clause compromissoire. Il paraît donc inutile de le réaffirmer en matière commerciale, là où il devrait poser le moins de difficultés. Deuxièmement, l’article L. 721-3 du code de commerce n’a pas vocation à s’appliquer en matière internationale, bien que cela n’ait jamais été, à notre connaissance, jugé. C’est la logique de l’arrêt Dalico.

Pour autant, on aurait tort de penser qu’il faut se désintéresser de l’article L. 721-3 du code de commerce. Rappelons que la Cour de cassation a jugé que cet article « prévoit des dispositions particulières qui figurent au nombre de celles visées par l’article 2061 du code civil » (Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 13-11.568, D. 2015. 56 image, note B. Dondero image ; ibid. 2014. 2541, obs. T. Clay image ; AJCA 2015. 74, obs. M. Boucaron-Nardetto image ; RTD com. 2016. 66, obs. E. Loquin image ; JCP 2014. 2011, obs. B. Le Bars ; Gaz. Pal. 2014, n° 335, p. 18, obs. B. Dondero ; BMIS 2014, n° 12, p. 685, J.-J. Barbieri ; RLDC 2015, n° 122, p. 17, C. Le Gallou ; Procédures 2015, n° 2, p. 29, L. Weiller ; JCP E 2015, n° 16, p. 28, note M. Caffin-Moi). Autrement dit, les dispositions du code de commerce sont des règles spéciales dérogeant à celles du code civil. C’est en suivant cette logique que l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés a opéré une modification de l’article L. 721-3 du code de commerce (J.-D. Pellier, Réforme du droit des sûretés [Saison 2, épisode 1] : le cautionnement [dispositions générales], Dalloz actualité, 20 sept. 2021). Partant du principe que l’article 2061 du code civil est sans effet, il a été ajouté au dernier alinéa de l’article L. 721-3 du code de commerce une nouvelle exception : « lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci ». Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et ne sera applicable, conformément à l’article 37, II, de l’ordonnance, qu’aux cautionnements conclus à partir de cette date. Cette disposition bénéficiera aux cautionnements internes. En revanche, elle ne devrait pas être étendue aux cautionnements internationaux (sauf à y voir une règle impérative du droit français).

Cette question est complexifiée par l’irruption du principe de compétence-compétence, comme dans une affaire récente (Paris, 14 sept. 2021, n° 21/03556). La clause figure dans une convention de participation ayant pour objet l’acquisition de parts sociales de plusieurs sociétés, dont une commerciale faisant l’objet d’une prise de contrôle. Une partie prétend ne pas avoir contracté à titre professionnel. Elle se prévaut de l’ancien article 2061 du code civil pour faire valoir la nullité de la clause. L’autre considère que, s’agissant d’un acte de commerce, l’article L. 721-3 du code de commerce prime. La cour juge, dans la droite ligne de l’arrêt du 22 octobre 2014, que le second est un texte spécial, alors que le premier est un texte général. En conséquence, la commercialité de l’acte est susceptible de faire échec à l’absence d’activité professionnelle d’un des contractants.

Une fois que cela est dit, il faut bien admettre que l’on est embêté pour déterminer si la cour peut examiner la qualification d’acte de commerce. Répondre positivement revient à accepter une entorse au principe de compétence-compétence. Répondre négativement emporte un risque de voir des parties se prévaloir de façon opportuniste de la commercialité de la convention dans l’espoir de renvoyer à un tribunal arbitral. À peu de choses près, la question se pose de façon identique à propos du critère de l’exercice d’une activité professionnelle : le juge peut-il réaliser cette qualification ? Dans ce deuxième cas de figure, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos de retraités, que ceux-ci n’exerçaient « plus aucune activité professionnelle, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que les contrats n’ont pas été conclus en raison d’une activité professionnelle au sens de l’article 2061 du code civil, de sorte que la clause compromissoire était nulle et de nul effet » (Civ. 1re, 29 févr. 2012, n° 11-12.782, Dalloz actualité, 6 mars 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 1312, obs. X. Delpech image, note A.-C. Rouaud image ; ibid. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2012. 359, note M. de Fontmichel ; JCP 2012. Act. 310, obs. J. Béguin ; JCP E 2012. 1314, note J. Monéger ; ibid. 2012. 1498, obs. J. Ortscheidt ; Procédures 2012, n° 4, p. 21, obs. L. Weiller ; LPA 2012, n° 102, p. 11, note V. Legrand ; ibid. n° 135, p. 7, note A.-S. Courdier-Cuisinier ; ibid. n° 187, p. 14, note E. Faivre). Elle n’a pas hésité à se départir du principe de compétence-compétence pour déclarer la clause nulle.

C’est cette logique que suit la cour d’appel : elle tranche la question de la commercialité de la convention pour décider de renvoyer à l’arbitrage. Ainsi, à ce stade, la jurisprudence s’émancipe du principe de compétence-compétence pour vérifier le caractère professionnel de l’activité ou le caractère commercial de l’acte. Il n’est pas sûr qu’il faille s’en émouvoir.

La question que l’on pourrait néanmoins se poser est de savoir s’il serait possible de traiter ces deux questions différemment : accepter la vérification de l’activité professionnelle, mais refuser de contrôler la commercialité. À notre avis, non. En effet, réaliser une telle distinction inciterait les parties à invoquer la commercialité pour échapper au contrôle du juge sur l’activité professionnelle (le juge serait obligé de renvoyer à l’arbitre en cas de doute sur la commercialité, alors que l’absence d’activité professionnelle est établie). Ce ne serait pas satisfaisant. La vérification par le juge que l’on est bien en présence d’un acte de commerce est une condition à la bonne mise en œuvre de l’article 2061. Mais alors, un nouveau doute surgit. La solution de la Cour de cassation du 22 octobre 2014 a été rendue à une époque où 2061 et L. 721-3 du code de commerce portaient, l’un et l’autre, sur la validité de la clause compromissoire. Désormais, l’article 2061, alinéa 2, ne concerne plus la validité de la clause, mais son opposabilité. Question distincte, donc. Dès lors, l’article L. 721-3 du code de commerce doit-il être considéré comme dérogatoire à l’alinéa 2 de l’article 2061 du code civil ? Rien n’est moins sûr, d’autant que le nouvel article 2061 ne contient pas la réserve des « dispositions législatives particulières ». À ce titre, l’ordonnance du 15 septembre pourra être utilisée comme argument pour convaincre du fait que le rapport du général au spécial persiste. Mais était-ce une bonne idée ? Ne faudrait-il pas, une bonne fois pour toutes, abroger l’article L. 721-3 du code de commerce ?

III. Le principe compétence-compétence

Les décisions rendues en matière de principe compétence-compétence sont toujours aussi nombreuses. Les lecteurs assidus de cette chronique savent que le principe fait l’objet d’une appréciation variable selon les juridictions saisies. Difficile de savoir si celle-ci s’explique par une méconnaissance du droit de l’arbitrage ou un refus conscient d’en faire application.

Le principe est fixé à l’article 1448 du code de procédure civile qui, en présence d’une clause compromissoire, interdit au juge judiciaire de connaître de sa compétence ou de celle de l’arbitre, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste. La clé réside dans le mot « manifeste », qui fait l’objet d’un assaisonnement local. Deux arrêts de la cour d’appel de Paris montrent comment être bon élève. Dans le premier, la cour constate que le demandeur revendique sa qualité d’assuré même s’il n’est pas signataire du contrat d’assurance. Cela suffit à renvoyer les parties à l’arbitrage pour permettre à l’arbitre de se prononcer sur sa compétence (Paris, 21 sept. 2021, n° 21/01271). Simple. Dans le deuxième, l’action concernait une rupture brutale des relations commerciales établies. La cour constate que la clause vise un litige « découlant ou en relation avec la commande » et estime qu’un simple examen prima facie ne permet pas de dire si elle est manifestement inapplicable. En conséquence, elle renvoie aux arbitres (Paris, 29 sept. 2021, n° 20/18243). Basique.

Un troisième arrêt apporte des réponses à des questions un peu plus complexes (Paris, 20 oct. 2021, n° 21/06054). D’une part, il rappelle qu’en présence d’un ensemble contractuel indivisible où figurent des clauses différentes (voire des absences de clause), il convient tout de même de renvoyer à l’arbitrage. D’autre part, il rejette l’argument de l’impécuniosité des parties et la prétendue violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme au motif qu’« il revient aux acteurs de l’arbitrage d’écarter tout risque de déni de justice en permettant l’accès du justiciable au tribunal arbitral, quels que soient ses moyens financiers ». L’impécuniosité n’est donc toujours pas une situation permettant d’éviter un renvoi devant les arbitres (sur le contrôle au stade du recours contre la sentence, v. infra).

À l’inverse, d’autres juridictions adoptent des interprétations plus libres du principe de compétence-compétence. C’est le cas de celle qui, en présence de deux pactes d’associés, considère que la clause contenue dans l’un est manifestement inapplicable aux litiges impliquant le second (Aix-en-Provence, 23 sept. 2021, n° 21/01407). Pour motiver sa décision, la cour passe par une longue démonstration qui devrait, à elle seule, suffire à établir que l’inapplicabilité de la clause est tout sauf manifeste. Quand bien même la cour a peut-être raison sur le fond, d’autant que le deuxième pacte contient une clause attributive de juridiction, la priorité revient au tribunal arbitral, auquel il est nécessaire de renvoyer.

C’est encore le cas dans une décision de la cour d’appel de Lyon (Lyon, 14 oct. 2021, n° 21/01459). La clause compromissoire figure dans un contrat entre un entrepreneur principal et un sous-traitant. D’abord, la cour estime qu’« en présence de clauses contradictoires, il appartient au juge de rechercher l’intention commune des parties par application de l’article 1188 du code civil », alors que cette vérification revient en priorité aux arbitres. Ensuite, pour écarter la clause figurant dans le contrat de sous-traitance, elle se fonde sur la loi n° 75-1334 du 13 décembre 1975, relative à la sous-traitance. Elle explique que, parce qu’il existe une action directe contre le maître d’ouvrage – un tiers au contrat et au litige – la clause compromissoire figurant dans le contrat de sous-traitance doit être écartée (le lecteur pourra relire deux fois la phrase, qui ne contient aucune erreur). Elle ajoute que la sentence arbitrale qui serait rendue sur le litige entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant serait inopposable au maître de l’ouvrage, ce qui est tout simplement faux. Un tel arrêt illustre une fois de plus la méconnaissance du droit de l’arbitrage au-delà de certaines juridictions spécialisées.

IV. Les recours contre les sentences arbitrales

A. Aspects procéduraux du recours

1. L’internationalité de l’arbitrage

Depuis quelque temps, nous avons fait part à nos lecteurs du recul progressif de l’internationalité au profit d’une « internité » de l’arbitrage (v. notre comm. sur l’arrêt Aurier, Paris, 8 juin 2021, n° 19/02245, Dalloz actualité, 17 sept. 2021). La tendance se confirme avec l’arrêt Léa Nature (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/05842), rendu par la formation interne de la 5-16. Le caractère interne d’un contrat de cession d’action était contesté. Pour l’établir, la cour retient que « le contrat du 10 janvier 2014 porte sur la cession d’actions de la société de droit français, Alpha Nutrition, ayant son siège dans la commune de La Seauve-sur-Semene, à une autre société de droit français, le groupe Léa Nature, ayant son siège à Perigny. L’opération économique s’est donc dénouée uniquement en France ». Jusque-là, le raisonnement est rigoureux. Il y a toutefois un bémol. Les défendeurs au recours, qui sont les cédants dans le contrat de cession, ont fait valoir qu’ils résident en Espagne et que les chèques y ont été encaissés. La cour tient cet élément pour indifférent. Elle précise que peu importe « que les cédants soient de nationalité espagnole et domiciliés en Espagne et peu important que les chèques, émis en France et tirés sur une banque française, aient été encaissés en Espagne ». Il faut bien admettre que c’est pousser très loin de reflux de l’internationalité du litige que de considérer que dans un contrat, la situation de l’un des cocontractants est indifférente à la détermination du caractère interne ou international de l’arbitrage. Dans une conception classique de l’internationalité, le fait pour l’une des parties au contrat de recevoir son paiement dans un État étranger ne devrait laisser aucun doute sur la solution. Comment, à défaut, caractériser le fameux mouvement de flux et de reflux au-dessus des frontières ? Il est sans doute temps de remettre cette question à plat !

2. Les conséquences de l’annulation d’une sentence interne

Lorsqu’une sentence arbitrale rendue dans un arbitrage interne est annulée, l’article 1493 du code de procédure civile prévoit que la cour « statue sur le fond dans les limites de la mission de l’arbitre, sauf volonté contraire des parties ». Le plus souvent, à défaut de précision dans les conclusions, elle renvoie les parties à une audience ultérieure afin de préciser leur volonté. Dans l’affaire Oc’Via 2 (Paris, 26 oct. 2021, n° 19/07103, [formation interne], le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours), après avoir annulé la sentence, la cour précise que « les parties sont donc invitées à indiquer à la cour si elles entendent, notamment, rechercher une solution transactionnelle au litige, demander la désignation d’un médiateur ou saisir un tribunal arbitral. À défaut, la cour statuera sur le fond ». La formule est nouvelle et illustre une préférence manifeste de la cour à ce que le litige soit résolu autrement que par ses soins. Elle n’est guère étonnante et s’inscrit dans une tendance lourde de la justice étatique à inciter les parties à résoudre les différends hors les murs du tribunal.

3. La mention des irrecevabilités dans le dispositif des conclusions

Nous avions déjà eu l’occasion d’alerter les praticiens sur un danger à l’occasion de l’arrêt Dommo (Paris, 25 févr. 2020, Dommo, nos 19/07575 et 19/15816 à 19/15819, Dalloz actualité, 27 avr. 2020, obs. C. Debourg ; ibid., 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image ; JCP 2020. 870, note M. de Fontmichel ; Rev. arb. 2020. 501, note L. Jaeger ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller) : il appartient aux parties de dissocier dans le dispositif de leurs conclusions les moyens tirés de l’irrecevabilité du grief de ceux tirés de son mal-fondé (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071). Cette obligation résulte de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile. À défaut, les moyens sont irrecevables. En arbitrage, cela impose de faire apparaître de façon distincte au sein du dispositif ce qui relève d’une renonciation à se prévaloir du grief et ce qui relève du fond.

B. Aspects substantiels du recours

1. La compétence

a. La compétence fondée sur un traité bilatéral d’investissements (TBI)

Cela fait plusieurs années que Paris est désigné comme siège pour des arbitrages en matière d’investissements. Ce choix est une récompense pour le droit français et sa jurisprudence, régulièrement loués pour leurs qualités. Pourtant, les nuages n’ont cessé de s’accumuler au-dessus de la place parisienne. La faute, d’une part, à des choix malvenus, notamment celui de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Komstroy (CJUE 2 sept. 2021, aff. C-741/19, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; JCP 2021. 1849, note M. Barba et C. Nourissat). La faute, d’autre part, à des analyses parfois abruptes et, par conséquent, discutables, conduisant à des annulations de sentences. Il n’en fallait pas plus pour que l’on s’inquiète pour un droit français qui, subitement, toussotait.

Il est trop tôt pour dire si cet épisode est un mauvais souvenir. Reste que, par deux décisions, la cour d’appel rassure et met du baume aux cœurs des défendeurs de Paris comme siège de l’arbitrage. Les arrêts Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834) et Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625) sont donc importants à ce titre. Ils le sont, d’abord, parce qu’ils ne remettent pas en cause la compétence du tribunal arbitral, ce qui est naturellement un motif de satisfaction. Ils le sont surtout car, d’un point de vue méthodologique, le raisonnement de la cour semble arriver à maturation. C’est évidemment de cela que l’on se réjouira. En effet, il ne s’agit pas de plaider pour une faveur aveugle à l’arbitrage. Il s’agit en revanche de prôner un contrôle à la hauteur de l’enjeu. C’est ce vers quoi l’on semble désormais tendre.

D’un point de vue méthodologique, la grande idée de la cour est que le contrôle de la compétence fondée sur un TBI doit être identique au contrôle de la compétence fondée sur une clause compromissoire stipulée dans un contrat. Il s’agit là de la concrétisation d’une idée que l’on voit déjà depuis longtemps dans les arrêts, selon laquelle « il n’en va pas différemment lorsque les arbitres sont saisis sur le fondement d’un traité » (§ 22 de l’arrêt Nurol). Il en résulte que, comme en matière commerciale, l’examen de la compétence est « plein », c’est-à-dire que le juge recherche en droit et en faits tous les éléments permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage (§ 21 de l’arrêt Aboukhalil et § 22 de l’arrêt Nurol). Sont ainsi étendues à l’arbitrage d’investissements les jurisprudences Plateau des pyramides (Paris, 12 juill. 1984, Égypte c. SPP, Rev. arb. 1986. 75 ; JDI 1985. 129, note B. Goldman ; Civ. 1re, 6 janv. 1987, SPP c. Égypte, Rev. arb. 1987. 469, note P. Leboulanger ; JDI 1987. 638, note B. Goldman) et Abela (Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 08-20.563, Abela, Dalloz actualité, 18 oct. 2010, obs. X. Delpech ; D. 2010. 2441, obs. X. Delpech image ; ibid. 2933, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2011. 85, note F. Jault-Seseke image ; Rev. arb. 2010. 813, note F.-X. Train ; JCP 2010. 1028, note P. Chevalier ; ibid. 1286, obs. J. Ortscheidt ; Gaz. Pal. 8 févr. 2011. 14, obs. D. Bensaude). Dans la même logique, la cour accepte d’examiner les moyens nouveaux pour contester la compétence du tribunal arbitral (§ 39 de l’arrêt Aboukhalil), sur le fondement de la jurisprudence Schooner (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-15.396, Schooner, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2456 image ; ibid. 2021. 1832, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; Procédures 2021, n° 2, p. 24, obs. L. Weiller ; Rev. arb. 2021. 419, note P. Duprey et M. Le Duc). Malgré tout le mal que l’on continue de penser de cette jurisprudence, la solution est cohérente.

Toutefois, l’essentiel d’un point de vue méthodologique n’est pas là. Il se situe dans la transposition des jurisprudences Gosset-Hecht-Dalico à l’arbitrage d’investissements. Si cette évolution était déjà perceptible, le virage est désormais acté.

La première idée est celle de l’autonomie matérielle de la clause compromissoire. Dans la lignée de la jurisprudence Gosset, la cour juge que, « lorsque la clause d’arbitrage résulte d’un traité bilatéral d’investissements, l’offre permanente d’arbitre est autonome et indépendante de la validité de l’opération qui a donné naissance à l’investissement ou qui la soutient » (§ 55 de l’arrêt Aboukhalil et § 57 de l’arrêt Nurol). La transposition n’est évidemment pas parfaite, mais il s’agit bien de ne pas contaminer la compétence arbitrale par un vice qui affecterait non pas le contrat mais l’investissement.

La deuxième idée est celle de l’autonomie juridique de la clause compromissoire. Dans l’arrêt Nurol, la cour juge « qu’un investissement doit être réalisé en respectant les lois et règlements de l’État hôte, et non que l’investissement doit être défini par les lois et règlements de l’État hôte. La volonté des parties est bien de soumettre l’investissement à une exigence de légalité et non de conformité » (§ 76 de l’arrêt Nurol). La cour soustrait largement la définition de l’investissement aux lois étatiques, ce qui s’inscrit dans la logique des jurisprudences Hecht et Galakis.

La troisième idée, la plus fondamentale, est celle qui convient de rechercher la commune volonté des parties, laquelle est appréciée au regard de l’ensemble des dispositions du traité (§ 25 de l’arrêt Aboukhalil et § 53 de l’arrêt Nurol). C’est, cette fois, la logique de l’arrêt Dalico. L’examen réalisé conduit à vérifier la compétence du tribunal arbitral selon le triptyque champ d’application ratione materiae, ratione personae et ratione temporis. Ainsi, le contrôle de la compétence du tribunal arbitral en matière d’arbitrage d’investissement est une question de fait, qui suppose de s’atteler à l’analyse du traité. La précision peut paraître inutile. Elle ne l’est en réalité pas du tout. La conséquence est de ne pas figer les solutions, qui peuvent varier selon la rédaction des traités. Les solutions posées par les arrêts ne sont donc pas universelles, la cour précisant par exemple dans l’arrêt Aboukhalil qu’elle vaut « contrairement à d’autres instruments internationaux » (§ 37). Cette démarche doit être saluée : il existe plusieurs modèles de traités et plusieurs générations de traités. Le juge doit prendre la mesure de cette diversité, comme il l’a prise depuis longtemps concernant les clauses compromissoires. Cette analyse factuelle est guidée par un principe directeur : le souci de ne pas ajouter de conditions à celles prévues par le traité (par ex. § 37 ou § 43 de l’arrêt Aboukhalil).

La quatrième idée, la plus novatrice, se trouve dans l’arrêt Aboukhalil. Si la cour cite abondamment le TBI, elle prend également la peine de reproduire, à plusieurs reprises, certains passages de la sentence arbitrale (§ 28, § 34, § 50). Dans ce dernier paragraphe, c’est même le tribunal arbitral qui a la parole en dernier. La symbolique est forte. Elle est d’autant plus remarquable que la cour d’appel utilise la formule « a pu », ce qui, dans le langage de la Cour de cassation, renvoie à un contrôle léger. Cette façon de faire est nouvelle, en ce que le juge du recours réalise le plus souvent son examen de la compétence en toute indifférence pour le raisonnement du tribunal arbitral. Elle est bienvenue. En effet, même si le contrôle porte sur la compétence et non sur la sentence, rien n’interdit d’examiner la motivation des arbitres et, le cas échéant, de la suivre si elle est convaincante. Dans des domaines aussi riches que le droit des investissements, avec une multitude de traités et une diversité des sentences, il est dommage que le juge étatique se prive de la motivation des arbitres pour trancher la question de la compétence. Ce sillon mérite d’être creusé (v. not. J. Jourdan-Marques, Faut-il consolider Dalico ? Réflexion sur les règles matérielles relatives à la compétence arbitrale, Rev. arb., à paraître). L’arrêt Nurol, antérieur dans le temps, ne suit pas cette logique. En revanche, la cour y vise un de ses précédents arrêts rendus contre le défendeur et constate que l’État n’avait pas formulé le même moyen relatif à l’absence d’entrée en vigueur du traité bilatéral d’investissement (§ 39). Même si ce passage de la motivation peut être considéré comme surabondant, il est tout de même exceptionnel de voir la cour se prévaloir d’une sorte d’autorité positive de chose jugée de ses propres décisions. Elle est à tout le moins discutable, dès lors qu’elle interdit à une partie de faire évoluer son argumentation.

Une fois ce cadre établi, le débat peut rebondir sur une deuxième problématique. Il convient de se demander ce qui, au sein du traité, est un critère de compétence et, à l’inverse, ce qui doit être considéré comme extérieur à la compétence.

D’une part, il peut y avoir des hésitations entre la recevabilité et la compétence (personne n’a oublié la saga Rusoro, v. Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-11.551, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2021. 704 image ; JCP 2021. 1214, obs. P. Giraud). Dans l’arrêt Aboukhalil, la cour d’appel considère – et c’est logique – que les questions relatives à la faculté d’un binational de se fonder sur un traité d’investissements (ici, un Franco-Sénégalais agissant contre le Sénégal sur le fondement d’un traité conclu avec la France) sont des questions de compétence et pas de recevabilité (§ 22).

D’autre part, il peut y avoir des hésitations entre la compétence et le fond. C’est le cas sur la question de la légalité et de la licéité de l’investissement. S’agit-il d’une question de compétence, pouvant faire l’objet d’un contrôle par la cour d’appel ou d’une question de fond ? Dans un épisode précédent (Paris, 25 mai 2021, n° 18/27648, Cengiz, préc.), la cour avait tranché en faveur de la seconde branche et refusé d’exercer son contrôle. Les arrêts Aboukhalil et Nurol consolident cette solution tout en faisant évoluer le périmètre de l’intervention. La cour réitère l’existence d’une distinction entre licéité et légalité de l’investissement. La licéité de l’investissement est la plus facile à cerner : elle concerne d’éventuelles allégations de corruption. Elle est discutée dans l’arrêt Nurol. L’illégalité de l’investissement est plus floue. Elle vise le respect d’un certain nombre de conditions pour réaliser l’investissement. On retrouve ce moyen dans l’arrêt Aboukhalil. À ce stade jurisprudentiel, on peine à identifier l’intérêt de cette distinction. Elle présente d’ailleurs un risque de confusion. Par exemple, dans l’arrêt Nurol, alors que la question de la licéité est examinée, la cour laisse échapper une mention sur l’investissement « illégal » (§ 56 de l’arrêt Nurol). Le principal inconvénient est de se faire des nœuds au cerveau pour une distinction qui, au niveau du régime, n’emporte aucune conséquence.

En effet, sur les questions de régime, la cour fait évoluer son appréciation. Dans l’arrêt Cengiz, la légalité et la licéité échappaient à un contrôle sur le fondement de la compétence. Le régime n’était toutefois pas parfaitement identique, la légalité pouvant être vérifiée en présence d’une gravité particulière. Ce n’est plus le cas avec les arrêts Aboukhalil et Nurol.

Dans l’arrêt Aboukhalil, la cour énonce que les conditions d’application temporelle, personnelle et matérielle du traité « ne doivent pas conduire à priver l’exercice par le tribunal arbitral de son pouvoir juridictionnel et ainsi faire dépendre la compétence du tribunal ni de la recevabilité des demandes portées devant lui, ni de l’examen du bénéfice effectif de la protection substantielle à l’investissement litigieux, dont l’appréciation dépend uniquement d’une analyse au fond du litige » (§ 53). La précision est doublement importante : d’une part, elle signifie que, par principe, l’exigence de légalité n’est pas une condition de la compétence de l’arbitre ; d’autre part, quand bien même le traité laisse penser qu’il s’agit d’une question de compétence, il faudrait y voir une question de fond. La cour se dit prête à ignorer la formulation claire et précise d’un traité pour ne pas contrôler l’exigence de légalité de l’investissement sur le fondement de la compétence. Elle conclut que, « sous couvert d’un contrôle de la compétence, le juge de l’annulation ne peut, se substituer à l’arbitre pour apprécier la validité ou la régularité de l’investissement litigieux, qui ne relève que du seul fond du litige et non de l’appréciation de la compétence du tribunal arbitral pour en connaître » (§ 54). En définitive, contrairement à l’arrêt Cengiz, la cour écarte définitivement du champ du contrôle de la compétence les questions relatives à la légalité (§ 80 de l’arrêt Cengiz), laissant au tribunal arbitral les mains libres sur ces questions.

Le raisonnement de l’arrêt Nurol sur la licéité est, quant à lui, un quasi-copier-coller de l’arrêt Cengiz (comp. § 52 s. de Nurol et § 42 s. de Cengiz). Toutefois, la cour ajoute un nouveau paragraphe à sa motivation (§ 55) : « S’agissant de l’allégation de corruption au visa de l’article 1520, 1°, du code de procédure civile sur la compétence du tribunal arbitral dont la cour est saisie, le contrôle opéré par le juge de l’annulation sur ce moyen ne saurait priver les parties en amont et avant toute décision des arbitres sur le fond, du droit de soumettre leur litige à l’arbitrage, sauf si le vice allégué porte sur la seule compétence du tribunal arbitral lui-même, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ». L’essentiel ici concerne la réserve formulée. Elle semble devoir être interprétée comme l’hypothèse d’un grief de corruption concernant directement la compétence du tribunal. La formule est sibylline, mais il pourrait s’agir d’une hypothèse où le consentement à l’arbitrage de l’État a été obtenu à la suite d’un acte de corruption (v. égal. § 63 de la décision).

b. Les règles matérielles relatives à la compétence

La spécificité du droit français en matière de contrôle de la compétence tient à l’existence de règles matérielles. L’un des résultats de cette méthode est l’exclusion des lois nationales, françaises ou étrangères. C’est ce que rappelle la cour dans une affaire Global Voice (Paris, 7 sept. 2021, n° 19/17531). Alors que le contrat contient une clause compromissoire institutionnelle, le requérant prétend que celle-ci doit céder devant une des dispositions de son code des marchés publics qui prévoit un arbitrage ad hoc. Le moyen n’avait aucune chance de prospérer. Pour l’écarter, la cour rappelle le principe bien connu selon lequel, « en vertu d’une règle matérielle du droit international de l’arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et son existence et son efficacité s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ». Examinant tout de même l’hypothèse du choix exprès des parties de faire régir la clause compromissoire par une loi nationale (laquelle résulte de la jurisprudence Uni-Kod, v. Civ. 1re, 30 mars 2004, n° 01-14.311, RTD com. 2004. 443, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2005. 959, note C. Seraglini ; JCP 2004. II. 10132, note G. Chabot ; S. Bollée, Quelques remarques sur la pérennité [relative] de la jurisprudence Dalico et la portée de l’article IX de la Convention européenne de Genève. À propos de l’arrêt Sté Uni-kod c. Sté Ouralkali, JDI 2006. 126), la cour souligne que la désignation d’une loi applicable au contrat n’est pas suffisante pour déroger à la règle matérielle. En conséquence, elle confirme l’applicabilité de la clause au litige et la compétence du tribunal arbitral constitué sous l’égide de la CCI.

Le plus souvent, la règle matérielle invite le tribunal arbitral et la cour d’appel à rechercher la volonté des parties, ce qui revient à examiner la clause compromissoire. C’était le cas dans un arrêt Freudenberger (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/23063). À titre liminaire, la cour précise que « le juge de l’annulation n’étant pas le juge de révision de la sentence, il ne lui appartient pas d’infirmer ou de confirmer les motifs de la sentence rendue sur cette question, mais d’apprécier au regard de la volonté des parties et de la convention d’arbitrage si le tribunal était compétent ». La formule n’est pas courante (v. toutefois Paris, 23 mars 2021, n° 18/05756, DS Construction, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques). En elle-même, elle n’est pas étonnante, la cour ayant toujours adopté, en matière de contrôle de la compétence, une approche indépendante de celle du tribunal arbitral. En l’espèce, la clause prévoyait que « les litiges seront réglés par la chambre arbitrale de Paris selon les règles ISF ». La difficulté est née de la perte de l’affiliation ISF par la CAIP. Il était donc nécessaire d’interpréter la clause pour savoir si la volonté des parties était de privilégier une institution ou des règles. Pour valider la sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral constitué sous l’égide de la CAIP, la cour retient que la clause ne vise pas spécifiquement les règles de procédure ISF, alors que le choix de la CAIP est explicite. Dès lors, elle fait prévaloir le choix de l’institution sur celui des règles.

Les règles matérielles du droit français de l’arbitrage ne se limitent pas à celle issue de l’arrêt Dalico. Il faut également compter sur des règles matérielles spéciales, indépendantes de la volonté des parties. Parmi elles, on trouve celle de l’extension de la clause compromissoire. Dans l’arrêt Global Voice, la question se pose à l’égard d’un État. La cour énonce « qu’une clause compromissoire insérée dans un contrat international est dotée d’une validité et d’une efficacité propres qui commandent d’en étendre l’application à une personne qui, bien que non expressément mentionnée comme “partie” au contrat dans lequel la clause d’arbitrage est incluse, est, selon la volonté commune des parties et les circonstances de la cause, directement impliquée dans l’exécution du contrat et intéressée aux bénéfices de ce contrat ». La formule est nouvelle. À première vue, elle ne fait que confirmer le principe d’extension de la clause aux parties impliquées dans l’exécution d’un contrat. Néanmoins, si l’on examine attentivement les critères posés, on remarque que la formule retenue renforce le flou entourant, depuis quelques années, la question de l’extension de la clause. Récemment, on avait pu signaler que trois règles cohabitaient (J. Jourdan-Marques, Chronique d’arbitrage : où va le contrôle étatique de l’arbitrage international ?, Dalloz actualité, 30 avr. 2021). La première, la plus exigeante, requiert de la part du tiers la connaissance et l’acceptation de la clause, fût-elle présumée (Paris, 23 juin 2020, n° 17/22943, Kout Food Group, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image ; Cah. Arb. 2020. 61, note P. Rosher ; Rev. arb. 2020. 701, note E. Gaillard ; JDI 2021. 153, note J.-B. Racine). La deuxième, intermédiaire, requiert simplement la connaissance, mais pas l’acceptation de la clause (Paris, 26 nov. 2019, n° 18/20873, Axa France IARD, Dalloz actualité, 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; 26 févr. 2013, n° 11/17961, Rev. arb. 2014. 82, note P. Duprey et C. Fouchard). La troisième, la plus libérale, ne fait référence, comme dans le présent arrêt, ni à la connaissance ni à l’acceptation (Civ. 1re, 27 mars 2007, n° 04-20.842, D. 2007. 2077, obs. X. Delpech image, note S. Bollée image ; ibid. 2008. 180, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2007. 798, note F. Jault-Seseke image ; RTD civ. 2008. 541, obs. P. Théry image ; RTD com. 2007. 677, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2007. 785, note J. El-Ahdab ; JDI 2007. 968, note C. Legros ; LPA 2007, n° 192, note F. Parsy ; JCP 2007. II. 10118, note C. Golhen ; ibid. I. 168, § 11, obs. C. Seraglini ; ibid. I. 200, § 11, obs. Y.-M. Serinet ; LPA 2007, n° 160, note A. Malan ; Gaz. Pal. 21-22 nov. 2007. 6, note F.-X. Train ; CCC 2007. 166, note L. Leveneur). La règle de Global Voice ne s’inscrit dans aucune de ces hypothèses. Elle renvoie à des critères comme la « volonté commune des parties » ou encore l’intéressement aux « bénéfices de ce contrat ». On finit par avoir le sentiment que c’est un syllogisme régressif qui guide la jurisprudence en cette matière. Ce n’est pas la règle matérielle qui détermine l’extension de la clause d’arbitrage après examen des faits, mais ce sont les faits qui déterminent la construction d’une règle matérielle après avoir acquis la conviction que la clause devait être étendue. Une telle solution est acceptable tant qu’elle ne vient pas prendre à revers un tribunal arbitral qui aurait suivi une des quatre règles matérielles posées par la jurisprudence, mais n’aurait pas su anticiper celle tirée au sort par le juge du recours.

Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour que le nombre de règles matérielles soit fini. C’est une nouvelle qui émerge avec l’arrêt Monster Energy Company (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254). La question portait sur un devoir précontractuel d’information, fondé notamment sur l’article 1112-1 du code civil. La cour rejette cette disposition pour des raisons de droit transitoire, le contrat étant antérieur à la l’ordonnance du 10 février 2016. Reste qu’elle écarte implicitement le principe, en énonçant qu’« en matière d’arbitrage international cependant ce devoir repose sur chacune des parties à qui il incombe de s’informer sur les modalités de l’arbitrage étant en outre observé que le consentement à une convention d’arbitrage emporte nécessairement renonciation à soumettre un litige à une justice étatique ». Ce faisant, la cour pose une véritable règle matérielle (négative), dérogatoire au droit interne, excluant un quelconque devoir d’information à propos de la clause compromissoire.

c. L’impécuniosité des parties

L’arrêt Monster Energy Company (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254) apporte des informations complémentaires sur la validité de la clause compromissoire en présence d’une partie prétendument impécunieuse (v. égal. M. de Fontmichel, L’équilibre contractuel des clauses relatives au litige, JCP 2019. Doctr. 583). Elle précise un raisonnement déjà entamé avec l’arrêt Subway (v. dernièrement Paris, 2 juin 2020, n° 17/18900, Dalloz actualité, 29 juill. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2421, cours de droit de la concurrence Yves Serra (CDED Y. S.EA n° 4216) image ; ibid. 2484, obs. T. Clay image). D’abord, elle juge que « l’accès à la justice, en ce qu’il permet de garantir l’effectivité des droits, relève de l’ordre public international. Dès lors, une convention d’arbitrage qui ferait obstacle à cet accès, serait contraire à l’ordre public international et donc nulle ». D’un point de vue théorique, la solution est fondamentale, puisqu’il s’agit d’une des rares exceptions à la validité de la clause compromissoire fondée sur « l’ordre public international ». Il y a bien une place pour contester la validité d’une clause compromissoire sur le fondement de l’accès au juge, étant rappelé que celle-ci doit se faire prioritairement devant l’arbitre puis devant le juge du recours. Ensuite, la cour distingue le principe du recours à l’arbitrage, qui n’est pas suffisant pour constituer une telle atteinte, en dépit de la renonciation à la gratuité de la justice, de ses modalités. Ce sont dans les modalités que l’atteinte à l’accès au juge peut être identifiée. À cet égard, la cour prend en considération non seulement la connaissance des frais de l’arbitrage, mais aussi l’absence de preuves du requérant de son incapacité à en faire l’avance. Il est donc certain qu’un plaideur ne peut se dispenser d’apporter des éléments de preuve de son impécuniosité s’il veut remettre en cause la clause. Enfin, la cour écarte l’argument fondé sur les frais d’avocats mis à sa charge par l’arbitre, au motif que « le litige au fond […] n’est pas de nature à emporter la nullité de la convention d’arbitrage ».

2. La constitution du tribunal arbitral

a. L’obligation de révélation

On commence à y voir plus clair dans la jurisprudence en matière d’obligation de révélation, ce qui n’est jamais une mauvaise chose. Après la révolution de l’arrêt Vidatel (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, Dalloz actualité, 22 févr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; JCP 2021. Doctr. 696, obs. P. Giraud), les choses se stabilisent et les arrêts successifs corrigent les scories de cette première décision. L’arrêt National Highway Authority (ci-après, NHA) (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071) apporte des précisions qui devraient clore certains débats. Reste qu’il n’est pas totalement dépourvu, lui aussi, d’ambiguïtés.

Premièrement, il est désormais établi que les règlements d’arbitrage constituent des sources précieuses pour déterminer l’étendue de l’obligation de révélation. La solution avait été confirmée par l’arrêt Fiorilla (Paris, 12 juill. 2021, n° 19/11413, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques), alors que l’arrêt LERCO n’y faisait aucunement référence (Paris, 23 févr. 2021, n° 18/03068, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay image ; JCP 2021. Doctr. 696, obs. P. Giraud). Pour autant, l’arrêt NHA n’est que modérément clair. Il retient qu’« afin de mieux apprécier le champ de son obligation, l’arbitre peut notamment se référer aux recommandations émises en cette matière par ce centre d’arbitrage ». L’hypothèse d’une simple faculté, plutôt que d’une obligation, est déroutante. La cour ajoute d’ailleurs que, s’agissant de la Note aux parties de la CCI, celle-ci contient des « circonstances qui doivent particulièrement être considérées ». Cette fois, il s’agit d’une obligation de prise en considération, sorte d’intermédiaire entre la faculté et l’obligation. Bref, on peine à savoir si les règles relatives à la révélation prévues par un règlement d’arbitrage sont obligatoires ou facultatives. L’enjeu est pourtant énorme : répondre positivement permet de passer immédiatement à la deuxième étape – la caractérisation du doute raisonnable – alors qu’une réponse négative peut conduire le débat à s’éterniser autour de la question de savoir si l’arbitre devait révéler. Il l’est d’autant plus lorsque le règlement d’arbitrage prévoit, comme dans l’arrêt Fiorilla avec le règlement FINRA, un questionnaire destiné aux arbitres : doivent-ils y répondre ou peuvent-ils s’en dispenser ? La confusion est encore accrue par le fait que, dans l’arrêt NHA, l’arbitre avait signé sa déclaration d’indépendance le 11 juin 2015, soit avant la publication de la Note aux parties qui date de 2016 ! Comment l’arbitre aurait-il pu apprécier le champ de son obligation de révélation en s’appuyant sur une note qui n’était pas encore publiée ? Faut-il y voir une explication au simple caractère facultatif de la note, alors qu’elle deviendrait obligatoire pour les arbitrages postérieurs ? Dans l’arrêt LERCO, nous avions en tout cas émis l’hypothèse que le silence de la cour sur la note s’expliquait par l’antériorité de la révélation à la publication de la note. Ici, ce n’est pas le cas et il faut bien avouer que l’on finit un peu perdu. La seule chose qui est certaine, c’est qu’il est désormais établi que les règlements d’arbitrage ont un rôle à jouer dans la détermination des faits à révéler par les arbitres.

Deuxièmement, la cour confirme, après le doute laissé par l’arrêt Vidatel, qu’un défaut de révélation n’est pas suffisant, même en présence d’une obligation prévue par un règlement. On en revient donc à la solution classique, connue depuis l’arrêt Neoelectra (Civ. 1re, 10 oct. 2012, n° 11-20.299, Sté Neoelectra Group c. Sté Tecso, Dalloz actualité, 19 oct. 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 2458, obs. X. Delpech image ; ibid. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2013. 678, note C. Chalas image ; RTD com. 2013. 481, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2013. 129, note C. Jarrosson ; JCP 2012. Act. 1127, obs. M. Henry ; ibid. 2012. Doctr. 1268, note B. Le Bars ; ibid. 2012. Doctr. 1354, § 1er, obs. C. Seraglini ; Procédures 2012. Comm. 354, note L. Weiller). La cour juge que « la non-révélation par l’arbitre de l’une de ces circonstances ne suffit pas à constituer un défaut d’indépendance ou d’impartialité. Encore faut-il que les éléments non révélés soient de nature à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre ». La formule figurait déjà, presque à l’identique, dans les arrêts Fiorilla, LERCO et Dommo (25 févr. 2020, nos 19/07575 et 19/15816 à 19/15819, Dalloz actualité, 27 avr. 2020, obs. C. Debourg ; ibid., 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay ; JCP 2020. 870, note M. de Fontmichel ; Rev. arb. 2020. 501, note L. Jaeger ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller). Elle confirme, là encore dans la ligne de ces arrêts, le caractère structurant de la distinction entre les liens directs et indirects au stade de l’établissement du doute raisonnable : « ce doute raisonnable doit résulter d’un potentiel conflit d’intérêts dans la personne de l’arbitre, qui peut être soit direct, parce qu’il concerne un lien avec une partie, soit indirect, parce qu’il vise un lien d’un arbitre avec un tiers intéressé à l’arbitrage ». Ainsi, en distinguant le lien direct du lien indirect, la cour indique que, par principe, les premiers sont plus graves que les seconds. À propos des seconds, la cour ajoute une formule nouvelle, selon laquelle, « lorsque le potentiel conflit d’intérêts est seulement indirect, l’appréciation du doute raisonnable dépendra notamment de l’intensité et la proximité du lien entre l’arbitre, le tiers intéressé et l’une des parties à l’arbitrage ».

Si l’on fait le bilan, l’arrêt Vidatel doit être considéré comme une sorte de ballon d’essai jurisprudentiel. Neuf mois plus tard, les règles prévues par les règlements d’arbitrage sont définitivement élevées au rang de source de l’obligation de révélation, bien que leur valeur exacte demeure incertaine. En revanche, la seule violation de ce qui est prévu par le règlement n’est pas suffisante pour emporter l’annulation de la sentence, ce qui conduit à maintenir une solution qui existe depuis une décennie. Pour établir ce doute raisonnable, la distinction entre les liens directs et les liens indirects prend de l’épaisseur, même s’il est à peu près sûr qu’elle n’a pas révélé tous ses mystères. Pour le praticien, il est, à l’heure actuelle, indispensable de jongler avec les arrêts Dommo, Vidatel, LERCO, Fiorilla et NHA pour tenter d’y voir plus clair dans le droit positif.

Nous n’évoquerons pas le fond de l’arrêt. Le débat ne se situe même pas sur le défaut de révélation de l’arbitre, puisqu’il n’est pas établi (mais les faits sont confus) qu’il existait un lien entre le tiers et les parties au litige. Dès lors, il n’y a logiquement pas lieu à révélation.

b. L’impartialité du tribunal arbitral

À côté de l’inépuisable débat sur l’obligation de révélation, il existe des hypothèses où l’impartialité du tribunal arbitral est discutée, en particulier lorsqu’un comportement permet d’en douter. La partialité est néanmoins délicate à établir. L’arrêt Aboukhalil le montre une fois encore (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Lorsque les comportements stigmatisés se sont déroulés pendant l’instance, il convient immédiatement de solliciter la récusation de l’arbitre, sous peine d’y renoncer. Il en va autrement lorsque la partialité ressort de la sentence arbitrale. Toutefois, encore faut-il, comme en matière de révélation, que les éléments figurant dans la sentence créent « dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur son impartialité ». Il faut, pour cela, identifier des éléments précis sans qu’il soit nécessaire de contrôler la motivation de la sentence arbitrale. C’est malheureusement souvent le cas, les parties incitant le juge étatique à réviser la sentence au fond. Dans une telle hypothèse, le recours est, comme en l’espèce, rejeté.

C’est également le cas dans l’arrêt NHA (Paris, 14 sept. 2021, n° 19/16071). La cour rappelle que « l’indépendance s’apprécie objectivement au regard de facteurs précis et vérifiables externes à l’arbitre et l’impartialité suppose l’absence de préjugés ou de parti pris susceptibles d’affecter le jugement des arbitres ». Elle ajoute, dans une formule particulièrement pédagogique, que, « si un doute raisonnable sur l’impartialité de l’arbitre peut le cas échéant résulter de la sentence elle-même, encore faut-il, dès lors que le contenu de la motivation de la sentence arbitrale échappe au contrôle du juge de l’annulation, que ce doute soit fondé sur des éléments précis et objectifs quant à la structure de la sentence ou ses termes mêmes, qui laisseraient supposer que l’attitude de l’arbitre a été partiale ou à tout le moins seraient de nature à donner le sentiment qu’elle l’a été. Une sentence qui tranche en faveur d’une partie au détriment d’une autre contient nécessairement des éléments d’appréciation sur les faits qui sont utiles à la motivation, sans pour autant refléter une quelconque partialité. L’arbitre peut décider de s’appuyer sur des pièces ou des témoignages au détriment d’autres pièces ou témoignages et retenir l’argumentation de l’une des parties plutôt que de l’autre ». Si la distinction est clairement posée, il est certain que la tentation est grande pour les parties de faire passer la motivation des arbitres jugeant en leur défaveur pour le révélateur d’une partialité. C’est donc à la cour de faire la part des choses, ce qu’elle fait parfaitement jusqu’à maintenant. Les arbitres peuvent en être rassurés.

3. Le respect par le tribunal arbitral de sa mission

Un tribunal arbitral peut-il faire référence à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans une sentence d’investissements, au titre du traitement juste et équitable, alors que le TBI n’y fait pas référence ? Telle était l’une des questions posées dans l’arrêt Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625). Le TBI fait référence aux « principes du droit international ». Si la cour d’appel constate que les références faites par le tribunal arbitral à la Convention européenne des droits de l’homme sont essentiellement illustratives et surabondantes, elle apporte néanmoins une précision intéressante. Elle juge que, « bien que non directement applicable au présent litige, la Convention européenne et la jurisprudence de la [CEDH] contribuent à l’émergence des standards de protection en droit international et participent ainsi à l’élaboration des principes du droit international auxquels fait référence le TBI précité. Le fait que la République du Sénégal n’ait pas ratifié la Convention européenne n’interdisait donc pas au tribunal arbitral de faire référence à ce texte dans sa sentence pour se livrer à une appréciation du contenu du standard du traitement juste et équitable à la lumière des principes du droit international, voire même à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dès lors qu’il ne s’appuie pas précisément et exclusivement sur ce texte pour caractériser la violation de l’engagement pris par la RS, mais uniquement sur les “principes du droit international” et l’article 4 du TBI ». Ainsi, la cour ouvre la voie à l’utilisation par les tribunaux arbitraux de la Convention européenne des droits de l’homme, indépendamment d’un quelconque engagement de l’État, au titre des principes du droit international.

Un arrêt Oc’Via 2 soulève quant à lui des questions relatives au respect de sa mission par le tribunal arbitral (Paris, 26 oct. 2021, n° 19/07103, [formation interne], le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours). En l’espèce, dans le cadre d’un litige relatif au paiement d’une facture relative à des livraisons de certaines matières premières, l’arbitre a calculé l’indemnisation en fonction d’un prix de 4,28 € au lieu des 4,26 € le mètre cube. Dérisoire pour une annulation de la sentence ? Pas selon la cour d’appel, qui annule logiquement la sentence. Il est parfaitement établi que le tribunal arbitral est tenu, dans l’exercice de sa mission, par les demandes des parties. Le dépassement de ces prétentions suffit à entraîner l’annulation de la sentence.

La même sentence est annulée sur un autre motif. Il était établi qu’un certain nombre de paiements avaient déjà été réalisés. Pourtant, l’arbitre a calculé une somme globale, sans déduire un quelconque paiement déjà réalisé. Dans sa sentence, il s’est contenté de juger que le débiteur était condamné à « 5 597 816,52 € HT duquel il faut déduire les sommes correspondant aux quantités déjà facturées et les acomptes déjà encaissés et auquel il faut ajouter la TGAP et la TVA ». Autrement dit, les parties doivent ressortir leur calculette pour connaître le montant réel de la condamnation. L’annulation sur le fondement de l’ultra petita est à nouveau justifiée, la cour soulignant que l’arbitre ne précise pas « le montant effectif de la condamnation ».

4. Le respect du contradictoire

Dans une affaire, l’arbitre unique est confronté à l’absence d’une partie à une audience (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071). La partie invoque une violation du contradictoire, justifiant son absence par l’impossibilité matérielle de se rendre à l’audience. Après avoir constaté que les échanges entre avocats et l’arbitre ainsi que les raisons de l’absence de report sont longuement retracés dans la sentence et constaté que l’arbitre a fait ce qu’il a pu pour compenser l’absence de la partie à l’occasion de l’audition des témoins, la cour d’appel rejette le moyen. Ce faisant, elle confirme la possibilité pour les arbitres d’outrepasser l’absence d’une partie à l’audience et de favoriser le déroulement de l’instance arbitrale.

5. L’ordre public international

a. La renonciation à se prévaloir d’une contrariété à l’ordre public international

L’ordre public procédural est susceptible de renonciation. C’est ce que la cour rappelle par deux arrêts successifs, à propos du principe de l’égalité des armes. Dans le premier (Paris, 12 oct. 2021, n° 20/02301, Tasyapi), il est établi que, faute d’avoir élevé une quelconque protestation pendant l’instance, les parties ont renoncé à se prévaloir d’une violation de la contraction (C. pr. civ., art. 1520, 4°) et de l’égalité des armes (C. pr. civ., art. 1520, 5°). Une solution parfaitement identique est retenue dans la seconde décision (Paris, 19 oct. 2021, n° 19/23071, Heliotrop), qui énonce que « ce texte ne vise pas les seules irrégularités procédurales mais tous les griefs qui constituent des cas d’ouverture du recours en annulation des sentences, en ce compris le principe d’égalité des armes qui relève de l’ordre public international de protection, à l’exception des moyens tirés de ce que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence violerait l’ordre public international de fond ».

b. La conformité à l’ordre public international d’une sentence sur la compétence

Une sentence sur la compétence peut-elle être contraire à l’ordre public international ? La question n’est pas anecdotique, dès lors qu’il est fréquent que, à la suite d’une bifurcation, une sentence partielle sur la compétence soit rendue. C’est à cette question originale à laquelle répond l’arrêt Nurol (Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834). La cour juge que « s’agissant d’une sentence statuant uniquement sur la compétence, et non sur le fond, le contrôle du juge porte uniquement sur les conséquences que l’exécution de cette sentence pourrait avoir au regard de la conception française de l’ordre public international lié à l’exercice de ladite compétence, c’est-à-dire la tenue du tribunal arbitral pour trancher le litige au fond opposant les parties » (§ 104). Or, s’agissant d’allégations de corruption, celles-ci relèvent du fond et non de la compétence. Il en résulte que celles-ci doivent être examinées par le tribunal arbitral à l’occasion de l’examen du fond du litige. Il en va du respect de la priorité de l’arbitre pour trancher le litige. La solution est donc bienvenue.

c. Les lois de police

Il faut compter sur une nouvelle loi de police en arbitrage international (Paris, 19 oct. 2021, n° 18/01254, Monster Energy Company). Il s’agit de l’article 5 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, dite loi Lurel, ayant donné lieu à la création de l’article L. 420-2-1 du code de commerce. Celui-ci prohibe, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane et Mayotte) et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises. La cour juge que « cette disposition, qui participe de la sauvegarde d’une organisation économique et sociale pour un secteur de l’activité économique d’un pays, constitue ainsi une loi de police française, dont l’ignorance par un tribunal arbitral est susceptible de faire obstacle à l’exequatur de la sentence si celle-ci heurte de manière manifeste, effective et concrète l’ordre public international ». La qualification est peu contestable, d’autant qu’elle vise à préserver le marché et non les intérêts des contractants.

Cela dit, la mise en œuvre de la loi de police est teintée de volontarisme. En effet, la cour énonce qu’il y a violation à l’ordre public international lorsque « le tribunal arbitral statue sans mettre en œuvre une loi de police française, en ignorant ainsi son applicabilité même au litige alors que le respect d’une telle loi est considéré comme crucial pour la sauvegarde des intérêts publics du pays tels que son organisation politique, sociale ou économique ». La cour s’écarte de la logique habituelle du contrôle de l’ordre public international, qui impose de ne pas s’intéresser à l’application de la règle, mais de vérifier si le résultat est ou non contraire à l’ordre public international. Or on peut se demander si, en dépit de l’absence d’application de la loi de police par le tribunal arbitral, la sentence est véritablement contraire à l’ordre public international. L’article L. 420-2-1 du code de commerce sanctionne les contrats contraires à son énoncé par une nullité. Le tribunal arbitral saisi du litige avait « jugé valide la résiliation du contrat ». Autrement dit, on parle d’un contrat dont le tribunal arbitral a confirmé qu’il ne produira plus d’effets. En revanche, aucune condamnation n’a été prononcée sur le fondement du contrat. Dès lors, on peut se demander si une résiliation plutôt qu’une nullité entraîne véritablement une contrariété à l’ordre public international. Naturellement, les effets ne sont pas identiques, notamment en ce qui concerne la rétroactivité de l’anéantissement du contrat. On aurait toutefois aimé que la cour explicite en quoi le choix d’une sanction par rapport à l’autre viole l’ordre public international. On n’est pas loin de penser – et à dire vrai on pourrait le comprendre – que la raison de cette décision ne se situe pas dans la résiliation du contrat, mais dans la répartition des frais. L’arbitre a condamné le défendeur non comparant à la somme de 5 200 $ de frais d’arbitrage et… 133 000 $ de frais d’avocats. Pour une sentence dont le seul intérêt est d’acter une résiliation en l’absence du défendeur, il est vrai que l’addition paraît salée.

V. Arbitrage et droit de l’Union européenne

Comme trop souvent, l’Union européenne vient gâcher les nuits paisibles de l’arbitragiste (CJUE 26 oct. 2021, aff. C-109/20, PL Holdings). Il est manifeste que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, depuis longtemps, quitté le rivage de la rigueur juridique pour s’aventurer dans les eaux troubles de l’opportunisme juridique. Elle poursuit un objectif simple : lutter, quoi qu’il en compte, contre l’arbitrage d’investissement intraeuropéen. En ce domaine, la fin justifie les moyens (de droit).

L’affaire est entendue depuis l’arrêt Achmea (CJUE 6 mars 2018, aff. C-284/16, Dalloz actualité, 4 avr. 2018, obs. F. Mélin ; AJDA 2018. 1026, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2018. 2005 image, note Veronika Korom image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2018. 616, note E. Gaillard image ; RTD eur. 2018. 597, étude J. Cazala image ; ibid. 649, obs. Alan Hervé image ; ibid. 2019. 464, obs. L. Coutron image ; Rev. arb. 2018. 424, note S. Lemaire ; Procédures 2018. Comm. 143, obs. C. Nourissat ; JDI 2018. 903, note Y. Nouvel ; JDI 2019. 271, note B. Rémy ; GAJUE, à paraître, note M. Barba) et a été fermement rappelée dans l’affaire Komstroy (CJUE 2 sept. 2021, aff. C-741/19, Komstroy, préc.) : l’arbitrage est inapproprié pour la résolution des différends intraeuropéens relatifs aux investissements. Quoi de neuf sous le soleil ?

Pour le comprendre, il faut s’attarder un peu sur les faits. L’action est intentée par PL Holdings contre la République de Pologne, sur le fondement d’un TBI contenant une convention d’arbitrage. Toutefois, la spécificité de cette affaire vient de la discussion autour de l’acceptation par la Pologne d’une convention d’arbitrage ad hoc. L’idée est que, conformément au droit suédois, PL Holdings aurait, par sa demande d’arbitrage, présenté une offre d’arbitrage qui aurait été tacitement acceptée en omettant de la contester dans les délais.

La question du consentement de la Pologne à cette offre d’arbitrage est évidemment discutée. Sur ce point, la cour bute sur sa propre jurisprudence, qui lui interdit d’examiner la réalité de ce consentement. Elle souligne qu’« il appartient à la seule juridiction de renvoi d’apprécier, au préalable, tous les éléments de fait entourant la situation en cause au principal afin d’établir l’existence éventuelle de la volonté de la République de Pologne, que cette dernière conteste, d’accepter l’offre d’arbitrage de PL Holdings » (§ 40). Elle n’hésite toutefois pas à donner un avis tranché sur la question en signalant plus ou moins subtilement à la cour de renvoi qu’une réponse négative s’impose.

Consciente des limites de ses prérogatives, elle s’intéresse également au fond de la question : quid de la validité d’une convention d’arbitrage ad hoc pour connaître d’un litige d’investissements ?

La réponse n’étonnera personne : la clause est nulle, aussi nulle que celle figurant dans le traité. La CJUE s’en explique longuement. Elle juge notamment que « permettre à un État membre, qui est partie à un litige susceptible de porter sur l’application et l’interprétation du droit de l’Union, de soumettre ce litige à un organisme arbitral ayant les mêmes caractéristiques que celui prévu par une clause d’arbitrage nulle contenue dans un accord international tel que celui visé au point 44 du présent arrêt, par la conclusion d’une convention d’arbitrage ad hoc de même contenu que cette clause, entraînerait en réalité un contournement des obligations découlant pour cet État membre des traités et, tout particulièrement, de l’article 4, § 3, du Traité de l’Union européenne (TUE) ainsi que des articles 267 et 344 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tels qu’interprétés dans l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea » (§ 47). Il faut bien admettre que, d’un point de vue téléologique, la solution coule de source.

Le problème, comme depuis le début de cette saga, réside dans la motivation. Plutôt de se limiter à poser un principe simple d’inarbitrabilité des litiges d’investissements, la Cour essaie de fonder sa solution en droit. C’est à ce stade que le raisonnement juridique devient un habillage désordonné et incohérent d’une solution politique.

La Cour de justice de l’Union européenne se heurte à une double difficulté dans cette affaire. D’une part, contrairement aux situations précédentes, la convention d’arbitrage discutée n’est pas conclue entre États membres, mais entre un État membre et une personne privée. D’autre part, la convention d’arbitrage ne figure pas dans un traité, mais dans une convention ad hoc. Or ces deux différences changent tout et rendent impossible la transposition de l’arrêt Achmea. Ils rapprochent la situation d’espèce d’un banal arbitrage commercial. À l’époque, la Cour avait jugé qu’« une procédure d’arbitrage, telle que celle visée à l’article 8 du TBI, se distingue d’une procédure d’arbitrage commercial. En effet, alors que la seconde trouve son origine dans l’autonomie de la volonté des parties en cause, la première résulte d’un traité, par lequel des États membres consentent à soustraire à la compétence de leurs propres juridictions et, partant, au système de voies de recours juridictionnel que l’article 19, § 1, 2nd alinéa, du TUE leur impose d’établir dans les domaines couverts par le droit de l’Union » (§ 55 de l’arrêt Achmea). Autant dire que la convention d’arbitrage conclue entre PL Holdings et la Pologne n’entre aucunement dans celles stigmatisées par Achmea, mais justement dans celles supposément préservées.

Naturellement, la CJUE ne s’en laisse pas compter et rivalise d’ingéniosité pour contourner l’obstacle. Certains développements nécessitent d’être bien assis sur sa chaise avant d’être lus. Elle explique que sa solution est « confirmé[e] par […] l’accord portant extinction des traités bilatéraux d’investissement […]. Cette règle est applicable mutatis mutandis à une situation dans laquelle la procédure d’arbitrage originellement initiée sur le fondement d’une clause d’arbitrage nulle du fait de sa non-conformité au droit de l’Union est poursuivie sur le fondement d’une convention d’arbitrage ad hoc conclue par les parties conformément au droit national applicable et dont le contenu serait identique à celui de cette clause » (§ 53). Ainsi, l’accord portant extinction des TBI n’entraînerait pas seulement un anéantissement rétroactif des conventions d’arbitrage y figurant, mais également de toute convention d’arbitrage ad hoc antérieure. Le raisonnement, en termes de conflit de lois dans le temps, est acrobatique. Toutefois, le pompon sur la Garonne reste l’incursion dans le droit des obligations pour justifier la solution : « toute tentative d’un État membre de remédier à la nullité d’une clause d’arbitrage au moyen d’un contrat avec un investisseur d’un autre État membre irait à l’encontre de l’obligation du premier État membre de contester la validité de la clause d’arbitrage et serait ainsi susceptible d’entacher d’illégalité la cause même de ce contrat dès lors qu’elle serait contraire aux dispositions et principes fondamentaux régissant l’ordre juridique de l’Union » (§ 54). On renonce à comprendre.

En réalité, encore une fois, l’hostilité de la Cour de justice à l’arbitrage d’investissements intraeuropéen est une chose entendue. On peut la désapprouver ou en contester les fondements. Pour autant, elle est claire. Ce qui est immensément problématique reste la motivation qui la sous-tend. Pour une raison simple : d’une part, elle n’offre aucune sécurité juridique, puisque la Cour n’hésite pas à balayer la précédente au profit d’une nouvelle, au gré des espèces ; d’autre part, car cette motivation est une bombe à fragmentation. En effet, elle fragilise l’arbitrage bien au-delà du droit des investissements. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le paragraphe 49 : « l’approche juridique envisagée par PL Holdings [si elle était retenue] pourrait être adoptée dans une multitude de litiges susceptibles de concerner l’application et l’interprétation du droit de l’Union, portant ainsi atteinte de manière répétée à l’autonomie de ce droit ». On le voit, ce n’est pas seulement l’arbitrage d’investissements qui est concerné. C’est potentiellement tout arbitrage avec une personne publique, voire tout arbitrage entre personnes privées nécessitant l’application du droit européen. Rien ne garantit que les digues posées par la Cour de justice, notamment l’exclusion de l’arbitrage commercial, ne sont pas de simples vannes susceptibles d’être ouvertes à chaque instant.

On finira par mentionner une décision du Tribunal de l’Union européenne (TUE, 22 sept. 2021, aff. T-639/14) dans laquelle le Tribunal retient la qualification de « tribunal étatique » à un tribunal arbitral, malgré son origine manifestement conventionnelle (§ 150 s.). Il ne s’agit pas, loin de là, d’une décision de principe, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une clé pour retrouver un équilibre entre l’arbitrage et le droit de l’Union européenne.

Chronique d’arbitrage : l’art de l’esquive en matière de corruption

L’arrêt Alstom de la Cour de cassation est-il un grand arrêt, alors qu’il est destiné à une publicité restreinte (F-D), qu’il casse l’arrêt d’appel pour un motif disciplinaire et qu’il ne tranche pas les questions essentielles relatives à l’ordre public international ? Peut-être, car la solution est importante, pas tant par la règle de droit posée que par les conséquences de la cassation.

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Signification de conclusions à une adresse erronée : on connaît la chanson

Maux bleus

C’était une histoire d’incompréhension. Mais avec cet arrêt de principe capital, la Cour de cassation devrait mettre un terme aux tourments infinis qui agitaient depuis des années les cours d’appel sur la sanction encourue en cas de signification de conclusions, dans le délai imposé par les textes, mais à une adresse erronée. La société Le Bateau Lavoir relève appel d’une ordonnance du juge-commissaire d’un tribunal de commerce ayant statué sur une déclaration de créance. L’appelante signifie sa déclaration d’appel et ses conclusions à l’intimé non constitué, dans les délais imposés, à domicile élu mais à une adresse erronée. Celui-ci soulève la caducité de la déclaration d’appel faute de signification régulière. La cour d’appel de Caen, statuant sur déféré, ayant jugé caduque la déclaration d’appel, la société appelante forme un pourvoi motif pris que l’irrégularité d’un acte ne peut être sanctionnée qu’au titre des irrégularités de fond au sens de l’article 117 du code de procédure civile ou des irrégularités de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile, sans pouvoir l’être au titre de l’inexistence de l’acte ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles susvisés tandis que l’erreur sur l’adresse du destinataire est une nullité de forme nécessitant la démonstration d’un grief. La deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt et dégage la solution suivante :

« Vu les articles 114 et 911 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé dans le délai imparti par l’article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme affectant cette notification, qu’en cas d’annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l’invoque, du grief que lui a causé l’irrégularité.

6. Pour déclarer caduque la déclaration d’appel, l’arrêt retient que la signification d’un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de signification tant de la déclaration d’appel que des conclusions subséquentes avant l’expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas à rechercher si l’irrégularité a causé ou non un grief à l’intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes.

7. En statuant ainsi, alors que les actes de la procédure, signifiés à une adresse erronée, étaient affectés d’un vice de forme susceptible d’entraîner leur nullité sur la démonstration, par Christophe X, du grief qu’il lui causait, la cour d’appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d’appel sans que les actes de signification aient été annulés dans les conditions prévues par l’article 114 du code de procédure civile, a violé les textes susvisés ».

J’lai pas touchée

Quelle est la sanction encourue lorsqu’une partie ne parvient pas à toucher la partie adverse pour lui dénoncer ses écritures alors même que l’acte d’huissier a été dressé dans le délai imparti prévu à peine de caducité par le code de procédure civile ? En confrontant nullité et caducité tout en répondant à la problématique de signification de conclusions à une adresse erronée mais dans le délai imposé par l’article 911 du code de procédure civile, la deuxième chambre apporte une solution majeure. Cet arrêt, publié, rendu sous le sceau des articles 114 et 911 du code de procédure civile et qui commence par dégager une solution générale, à portée de principe. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais la deuxième chambre civile n’avait apporté de réponse à une question aussi basique. Publié mais inédit !

Si les statistiques observent les situations passées et les probabilités postulent pour l’avenir, on constate que les cours restent indécises et parfaitement divisées sur la sanction encourue en pareil cas. Parfaitement divisées. Car d’un point de vue statistique, c’est-à-dire au regard des situations déjà jugées, on constate que c’était du « 50/50 » quant à la solution adoptée. Pour certaines cours, comme la cour de Caen, la signification à une adresse erronée, même faite dans le délai imposé, entraîne la caducité de la déclaration d’appel, tandis que les autres examinent l’acte sous l’angle des seules nullités. On ne s’étonnera donc pas que, d’un point de vue des probabilités, c’est-à-dire au regard des risques pour l’avenir qu’une caducité soit prononcée, on retrouve le même pourcentage, la caducité était tantôt écartée, tantôt prononcée, avec un parfait équilibre. Et dans tous les cas, une probabilité de voir son appel déclaré caduc selon un aléa, judiciaire, dont on ne pouvait se satisfaire.

Quel était l’enjeu ? Pour la première moitié des cours d’appel, le fait d’avoir accompli la diligence imposée (signification de la déclaration d’appel ou des conclusions) dans le délai requis n’était pas suffisant, encore fallait-il que la signification ait été valablement effectuée ; pour d’autres, les diligences de l’huissier instrumentaire relatées au procès-verbal de signification, bien qu’insuffisantes ou imparfaites, ne permettaient pas d’entraîner une caducité, ex abrupto, puisque le délai de signification prévu à peine de caducité avait bien été interrompu. En toute hypothèse, encore fallait-il en passer par le prononcé de la nullité du procès-verbal, nécessairement sur justification d’un grief s’agissant d’un vice de forme, pour que la caducité s’ensuive, dans certains cas. Et c’est cette dernière voie médiane que choisit la deuxième chambre civile.

Comme un interdit

Le premier enseignement est déjà que la Cour de cassation n’a nulle intention de faire revivre la théorie de l’inexistence des actes, ravivée pourtant par la cour de Caen qui avait bravé l’interdit en estimant « que la signification d’un acte à une adresse inexacte correspond à une absence de signification tant de la déclaration d’appel que des conclusions subséquentes avant l’expiration des délais imposés par les articles 908 et 911 du code de procédure civile ». Qu’on se le dise, la théorie de l’inexistence des actes est bien enterrée, et pas par cet arrêt qui prend soin de l’écarter mais par le célèbre arrêt – pas tant que ça finalement – de la chambre mixte de 2006 (Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026, D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes image ; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot image). Elle ne sera pas réanimée.

Aussi, lorsque la cour de Caen estime qu’il n’y a donc « pas à rechercher si l’irrégularité a causé ou non un grief à l’intimé dès lors que la sanction, à savoir la caducité, est encourue au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes », c’est précisément la solution inverse qui est consacrée. C’est là le deuxième enseignement : face à un procès-verbal de signification de conclusions dressé par application de l’article 911, l’intimé qui souhaite s’emparer de l’irrégularité doit démontrer un grief. Depuis 2006, on sait que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond expressément visées à l’article 117 du code de procédure civile. En l’espèce, les juges d’appel avaient relevé que le numéro du domicile élu était le 21 et non le 2, l’adresse exacte figurant d’ailleurs sur diverses pièces de première instance, et que si l’huissier avait indiqué que le requis était absent, que le domicile était encore confirmé par une voisine, l’intimé démontrait que l’acte d’huissier était affecté d’une erreur d’adresse. La caducité devait ainsi être prononcée « au titre non pas d’un vice de forme mais de l’absence de signification des actes ».

La position de la cour procédait d’une triple erreur. Déjà parce qu’il n’y a pas, on l’a vu, d’acte inexistant ou, selon l’expression qu’elle a choisie, « absent ». Dès lors qu’un acte est délivré, signifié ou notifié, il existe. Il peut être imparfait, perfectible ou inutile, mais il existe. Encore parce qu’en attaquant le contenu de l’acte – ici l’erreur d’adresse – c’est bien la nullité de forme qui était en débat conformément à l’alinéa 2 de l’article 114. Enfin, et l’on ne cessera de le répéter, parce que la caducité est, justement, l’absence de réalisation d’une charge procédurale imposée par la loi dans un délai précis tandis qu’il était constant que l’appelant avait conclu dans le délai de l’article 908 et signifié ses conclusions dans le délai de l’article 911. Cette appréciation de la caducité, depuis le temps, devrait d’autant plus être maîtrisée que la procédure d’appel ne manque pas d’exemples avec les délais de signification des déclarations d’appel ou de saisine, de conclusions, dans les procédures ordinaires classiques, à bref délai ou sur renvoi après cassation. La portée de l’arrêt est à ce point majeure que l’on peut d’ailleurs extrapoler en affirmant qu’il en serait de même en cas de signification de la déclaration d’appel à une adresse contestée par l’intimé. Dans cette dernière hypothèse, il faudra aussi en passer par la nullité, à cette nuance près que le grief (s’agissant d’une obligation procédurale quasiment inutile puisqu’elle précède l’obligation de signification des conclusions à l’intimé non constitué) sera beaucoup plus difficile à démontrer puisque seule la dénonciation des conclusions emporte un délai pour répondre à peine d’irrecevabilité.

Dolce vita

Si cet arrêt devrait permettre de mettre fin à l’aléa judiciaire selon que l’on se trouve, au sein d’une même cour, devant tel conseiller de la mise en état ou telle formation de déféré, les avocats, eux, n’en ont pas encore terminé avec l’aléa, juridique cette fois. En mathématique comme en procédure civile, l’aléa revient finalement à une gestion du risque où l’insouciance n’annonce pas toujours la belle vie. S’agissant d’une nullité de forme, et non de fond, l’avocat de l’intimé devra bien évidemment veiller à la soulever in limine litis puisqu’il aura la charge de la preuve que l’erreur d’adresse est constitutive d’un grief. À défaut, le moyen serait irrecevable, ce qui l’obligera à prendre l’initiative dès sa constitution et avant la notification des conclusions au fond quand bien même l’exception de procédure y serait déjà soulevée. Aussi, par application de l’article 789 du code de procédure civile, l’exception devra, toujours à peine d’irrecevabilité, être soulevée non seulement avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 74) mais par des conclusions d’incident, distinctes de celles du fond, qui saisissent spécialement le conseiller de la mise en état. La règle vaut d’ailleurs en première instance (Civ. 2e, 12 mai 2016, nos 14-25.054 et 14-28.086, Dalloz actualité, 30 mai 2016, obs. M. Kebir ; D. 2016. 1290 image, note C. Bléry image ; ibid. 1886, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, O. Becuwe et N. Touati image ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero image ; Gaz. Pal., n° 29, 30 août 2016, obs. S. Amrani-Mekki) comme devant la cour d’appel (Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-22.609, Dalloz actualité, 27 janv. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2021. 129, obs. S. Thouret image ; Procédures, mars 2021, comm. 58, obs. R. Laffly). Ce sera le chemin à prendre en procédure classique, mais en cas de fixation à bref délai, il faudra soulever la nullité de forme… au fond. En effet, dans ce cas-là, le conseiller de la mise en état n’existe pas (la théorie de l’inexistence est cette fois bien actée) et le président ou le magistrat désigné n’a pas le pouvoir de statuer sur les nullités par application de l’article 905-2 in fine du code de procédure civile. L’avocat de l’intimé ne devra pas oublier non plus que, bien que l’exception de procédure de nullité ressorte des moyens de défense comme figurant au titre V du code de procédure civile (« Les moyens de défense. Articles 71 à 126), elle s’analyse encore en une prétention qui impose qu’elle soit mentionnée au dispositif des conclusions par application de l’article 954 du même code (Civ. 2e, 30 sept. 2021, n° 19-12.244, Dalloz actualité, 21 oct. 2021, obs. C. Lhermitte ; Rev. prat. rec. 2021. 5, chron. E. Jullien et C. Simon image). À défaut, le juge ne sera pas saisi de l’exception de procédure. Restera à démontrer le grief, et parmi toutes les nullités de forme (c’est-à-dire toutes celles qui ne sont pas de fond !), c’est d’ailleurs presque toujours l’adresse qui constitue l’éventuel grief. Celui-ci sera plus aisément constitué si l’intimé est hors délai pour conclure. L’avocat de l’appelant pourra toujours le combattre et, pourquoi pas, rappeler que ce n’est pas parce que l’intimé est hors délai pour conclure que l’appelant triomphe devant la cour…

L’enfer commence avec L

Et la caducité, que reste-t-il de la sanction de caducité ? Si la nullité s’impose, la menace de la caducité n’est jamais très loin. À regarder de plus près, la Cour de cassation n’écarte pas définitivement la caducité, elle pose l’enchaînement du raisonnement qui doit être celui du juge. En premier l’examen du grief allégué, en deuxième le prononcé éventuel de la nullité, en troisième la possibilité d’une caducité. Mais la nullité doit-elle entraîner, automatiquement, la caducité ? La Cour de cassation, cette fois, ne donne pas les clés du raisonnement. Plutôt que la caducité, la voie de la sagesse, elle aussi nécessairement médiane, pourrait (devrait) conduire à estimer que le délai de l’intimé n’a tout simplement pas couru. C’est d’ailleurs la solution jurisprudentielle en cas de recours hors délai lorsque l’acte de notification d’un jugement à une partie n’est pas conforme aux conditions posées par l’article 680 du code de procédure civile. Et elle aurait l’immense mérite de préserver les intérêts de l’appelant comme de l’intimé. Juridiquement, elle aurait aussi l’avantage de revenir à l’essence d’une caducité qui implique l’absence de diligence dans le délai imparti alors que, par hypothèse, la nullité vient ici sanctionner un acte qui a nécessairement été réalisé en temps et heure. Car si l’acte n’a pas été accompli dans le délai, point de débat sur la nullité, seule la caducité est prononcée. Et c’est la caducité de la déclaration d’appel. On connaît la musique : le dossier s’achèvera là.

Succès fou

Si le raisonnement s’arrête en chemin, la réflexion doit faire son œuvre et l’émergence, toute nouvelle, de l’idée d’une tentative interruptive du délai mériterait de servir de guide tellement elle serait revigorante. En se plaçant du côté de la tentative, accomplie dans le délai de forclusion imparti, la Cour de cassation a, dans un arrêt de section rendu au visa de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, estimé pour la première fois que la tentative d’assignation destinée à saisir la cour d’appel, délivrée par acte d’huissier de justice à une personne décédée, interrompait le délai pour agir en révision dès lors qu’il n’était pas établi que le demandeur avait connaissance du décès (Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 19-15.611, Dalloz actualité, 7 avril 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 702 image ; Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, Anne-Isabelle Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image ; JCP 2021. 637, obs. A. Danet ; Procédures juin 2021, comm. 159, obs. R. Laffly). Se trouvait ainsi consacrée l’interruption du délai par la simple tentative de délivrance de l’acte, dans le délai du recours, alors même que l’assignation n’avait pu être remise au destinataire décédé et qu’un procès-verbal de difficulté était dressé. À cette occasion, nous formions le vœu qu’une telle jurisprudence puisse être transposée aux délais de forclusion d’appel qui ne sont ni des demandes en justice ni des actes de saisine de la juridiction, c’est-à-dire précisément les délais de signification des déclarations d’appel et de conclusions qui rythment la procédure devant la Cour. De multiples raisons militent pour une telle approche, à commencer par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dès lors que la caducité de la déclaration d’appel impacte le droit d’accès au juge. Plus trivialement encore au regard de délais souvent très courts (dix jours pour que la signification de l’acte d’appel touche l’intimé non constitué à peine de caducité…) et bien souvent insuffisants pour que l’avocat et l’huissier qu’il mandate accomplissent les recherches nécessaires pour connaître l’exacte adresse de l’intimé. Procès-verbal de difficulté, procès-verbal de recherches infructueuses, signification à adresse erronée, etc., la tentative faite dans les délais devrait être interruptive du délai imparti. Et, à l’instar de la solution donnée par l’arrêt du 25 mars 2021, le critère de « connaissance » de l’adresse exacte par le requérant devrait servir de marqueur pour retenir, ou non, la caducité. Les tentatives pour trouver l’adresse de l’intimé ne sont jamais interruptives si aucun acte n’est dressé dans le délai imposé tandis que l’accomplissement de l’acte dans le délai requis devrait pouvoir écarter la sanction de caducité. Alors, au risque d’être un peu insistant et redondant, souvenons-nous que la caducité de la déclaration d’appel sanctionne le défaut d’une diligence dans un délai imposé par la loi. Et que commencer par s’interroger sur la nullité du même acte, c’est déjà reconnaître qu’il a été établi dans le délai imposé. Le succès procédural passe par là : si ce n’est la chanson, on devrait toujours connaître la sanction.

Signification de conclusions à une adresse erronée : on connaît la chanson

La caducité de la déclaration d’appel, faute de signification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé, ne peut être encourue, en raison d’une irrégularité de forme, qu’en cas d’annulation de cet acte, sur la démonstration, par celui qui l’invoque, du grief que lui a causé l’irrégularité.

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Lanceurs d’alerte, feu vert unanime des députés

Les propositions de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été adoptées à l’Assemblée nationale à l’unanimité mercredi 17 novembre.

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La validité d’un contrat administratif conditionnée à un contrôle de qualification juridique des faits

Les faits constitutifs d’un vice de consentement pouvant affecter la validité d’un contrat font l’objet d’un contrôle de qualification juridique des faits par le juge administratif.

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Une loi de protection des animaux domestiques et sauvages

Interdiction de la vente des chiens et chats dans les animaleries, fin des spectacles d’animaux sauvages dans les cirques, renforcement des sanctions pour les sévices infligés aux animaux… La proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale a été définitivement adoptée.

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L’action en reconnaissance de droits devant le juge administratif

Dans un avis contentieux, le Conseil d’État encadre le régime, devant le juge administratif, de l’action en reconnaissance de droits, introduite par la loi Justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016. 

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Saisie-appréhension : recours contre l’ordonnance du JEX portant injonction de délivrer ou de restituer

par Guillaume Payan, Professeur de droit privé, Université de Toulonle 22 novembre 2021

Civ. 2e, 4 nov. 2021, F-B, n° 19-22.832

La saisie-appréhension (C. pr. exéc., art. L. 222-1 et art. R. 222-1 s.) est une mesure d’exécution forcée consistant en une (re)prise de possession d’un bien meuble corporel que le débiteur est tenu de livrer ou de restituer au créancier en vertu d’un titre exécutoire. Contrairement à la saisie immobilière ou à la saisie-attribution, elle ne donne pas lieu à un important contentieux. Tout arrêt de la Cour de cassation y afférent doit donc retenir l’attention, à l’image de celui prononcé par la deuxième chambre civile, le 4 novembre 2021.

En l’espèce, il était plus précisément question d’une procédure d’appréhension sur injonction du juge de l’exécution, telle que régie par les articles R. 222-11 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. Ce dispositif réglementaire permet à une personne, non encore titulaire d’un titre exécutoire, de présenter une requête – au juge de l’exécution du lieu où demeure le (présumé) débiteur – à fin d’injonction d’avoir à délivrer ou à restituer un bien meuble déterminé. À peine d’irrecevabilité, cette requête doit contenir la désignation de ce bien, accompagnée des documents susceptibles de justifier la demande. Une fois prononcée par le juge de l’exécution, l’ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer est signifiée à la...

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Saisie-appréhension : recours contre l’ordonnance du JEX portant injonction de délivrer ou de restituer

Dans le cadre de la procédure de saisie-appréhension, une fois revêtue de la formule exécutoire, l’ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer, qui produit tous les effets d’un jugement contradictoire en dernier ressort, n’est pas susceptible de rétractation, mais peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation pour contester la régularité de la délivrance de la formule exécutoire.

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Google Shopping : le Tribunal de l’Union sonne le glas d’une ère d’outrance numérique

Le Tribunal de l’Union européenne a rendu, le 10 novembre 2021, l’une des décisions les plus structurantes de notre temps dans l’affaire dite Google Shopping. Au-delà du fait qu’il s’agit de la première décision par laquelle la voix des juges de l’Union se fait pleinement entendre sur les nouvelles formes de comportements abusifs observables dans l’économie numérique, l’arrêt est d’une profondeur, d’une modernité et d’une richesse exceptionnelles tant sur le fond du droit de la concurrence, que du point de vue du droit communautaire général et de la technique procédurale.

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Circulaire du 4 octobre 2021 : Épisode 4 - L’implication des agents de l’administration fiscale dans l’enquête en matière d’infractions fiscales

Le 4 octobre 2021, la Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une « circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale », publiée dès le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Un texte qui s’inscrit dans un contexte global de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

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Actualité d’automne du droit des entreprises en difficulté

Cet article dresse un panorama des principaux évènements de ce début d’automne 2021 en droit des entreprises en difficulté. Outre la présentation des jurisprudences les plus significatives en la matière, il évoque brièvement quelques enjeux de deux textes législatifs d’importance : l’ordonnance du 15 septembre 2021 sur les sûretés et celle, du même jour, réformant le livre VI du code de commerce.

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ONIAM : le refus de l’offre définitive ne rend pas caduque l’offre provisionnelle acceptée

À la suite de la pose d’une prothèse du genou, un patient a présenté un descellement tibial accompagné de phénomènes inflammatoires importants entraînant une ablation de la prothèse, remplacée par une nouvelle. Se plaignant de douleurs persistantes et d’une réduction de son périmètre de marche, il a saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux.

L’expertise médicale a révélé que le dommage subi ouvrait droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique.

Le 12 septembre 2012, la victime a accepté une offre d’indemnisation provisionnelle de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de son déficit fonctionnel temporaire. Elle a finalement refusé l’offre d’indemnisation définitive que l’Office lui a présenté le 16 février 2016 et l’a assigné en indemnisation. 

La cour d’appel saisie a rejeté sa demande au motif que le refus par la victime de l’offre d’indemnisation définitive présentée par l’ONIAM le 16 février 2016 rendait l’offre provisionnelle du 17 août 2012 caduque et inopposable à l’Office.

La victime s’est donc pourvue en cassation. Elle souligne, d’une part, que l’acceptation de l’offre d’indemnisation provisionnelle adressée à la victime en application de l’article L. 1142-17 du code de la santé publique vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil. En tant que contrat, cette transaction lie l’ONIAM et lui est opposable, peu important que l’offre d’indemnisation définitive présentée postérieurement par l’office ait été acceptée ou refusée. Elle ajoute, d’autre part, qu’en tant que transaction, l’offre d’indemnisation provisionnelle acceptée a autorité de la chose jugée entre les parties quant au droit à indemnisation de la victime, lequel ne peut plus être remis en cause dans le cadre d’un contentieux relatif à l’indemnisation du préjudice définitif. 

Il résulte de la confrontation des motifs de l’arrêt d’appel et de l’argumentation du demandeur au pourvoi deux questions auxquelles la Cour de cassation était invitée à répondre :

l’acception de l’offre provisionnelle forme-t-elle une transaction revêtue de l’autorité de la chose jugée quant à la reconnaissance du droit à indemnisation de la victime malgré le refus de l’offre définitive ? le refus de l’offre définitive rend-il caduque l’offre provisoire acceptée offrant la possibilité à l’ONIAM de contester devant le juge le droit à...

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ONIAM : le refus de l’offre définitive ne rend pas caduque l’offre provisionnelle acceptée

Le refus d’une offre d’indemnisation définitive faite à la victime par l’ONIAM ne rend pas caduque l’offre provisionnelle acceptée, laquelle donne naissance à une transaction ayant force obligatoire et autorité de la chose jugée. 

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L’Assemblée nationale examinera une proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire

800 000 à 1 million d’élèves seraient victimes de harcèlement chaque année… un contexte qui a conduit le député Erwan Balanant a déposé une proposition de loi sur le harcèlement scolaire, qui sera examinée le 1er décembre dans le cadre d’une procédure accélérée, et qui devrait recevoir le soutien du gouvernement.

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Sanction de 400 000 € par la CNIL : un train de retard pour la RATP !

La RATP, en charge du fonctionnement d’une partie des transports publics parisiens, a mis en place en son sein des procédures d’avancement de carrière. Dans ce contexte, le traitement d’informations sur le nombre de jours de grève par agent est jugé excessif au regard de principe de minimisation des données (entre autres manquements).

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Un nouvel outil dans la boîte du juge de l’excès de pouvoir

Le juge de l’excès de pouvoir peut désormais prononcer, si les parties ont présenté des conclusions en ce sens, l’abrogation d’un acte réglementaire qu’un changement dans les circonstances de droit ou de fait a rendu illégal en cours d’instance.

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De l’inutilité de la notification de la déchéance du terme

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provencele 23 novembre 2021

Civ. 1re, 10 nov. 2021, FS-B, n° 19-24.386

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation ici commenté traite d’une question originale : faut-il notifier la déchéance du terme après une mise en demeure restée infructueuse elle-même déjà notifiée ? On sait qu’en droit de la consommation, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu renvoyer plusieurs questions à titre préjudiciel à la fin du printemps dernier (Civ. 1re, 16 juin 2021, n° 20-12.154, Dalloz actualité, 23 juin 2021, obs C. Hélaine ; D. 2021. 1619 image, note A. Etienney-de Sainte Marie image) sur des thématiques proches recoupant la notion de clauses abusives. La difficulté de l’arrêt rendu le 10 novembre 2021 repose ainsi sur une question qui n’est pas tranchée par les textes mais qui intéressera les praticiens du monde de recouvrement tant la solution donnée s’inscrit dans la pure logique des dispositions antérieures ou postérieures à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Les faits sont classiques en la matière : un prêt immobilier est octroyé à une société civile immobilière par acte notarié du 13 octobre 2006. Par acte sous seing privé, trois personnes physiques se sont portées cautions solidaires du prêt souscrit. Le 12 mars 2009, l’établissement bancaire met en demeure la société débitrice et les cautions d’exécuter leur engagement dans un délai de quinze jours, sans quoi la déchéance du terme serait prononcée. La créance est ensuite cédée à un fonds de titrisation. Le fonds cessionnaire réitère la mise en demeure le 22 avril 2014 et assigne les cautions en paiement du solde restant dû impayé depuis cinq ans. Le tribunal de grande instance de Laon rejette la demande de la banque qui interjette ainsi appel. La cour d’appel d’Amiens par adoption de motifs indique, « nonobstant les termes du contrat excluant, en cas de non-paiement d’une échéance, la nécessité d’une mise en demeure préalable à l’exigibilité de toutes les sommes dues au titre du prêt, la banque a procédé à une mise en demeure, et qu’à défaut de régularisation dans le délai imparti, elle n’a pu se trouver dispensée de notifier aux emprunteurs la déchéance du terme ». Le fonds de titrisation se pourvoit en...

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De l’inutilité de la notification de la déchéance du terme

La première chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que, lorsque le débiteur a été mis en demeure d’exécuter et qu’il a été informé qu’à défaut d’exécution la déchéance du terme interviendrait, il n’est pas nécessaire de procéder à une seconde notification de la déchéance du terme elle-même.

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Bigamie et divorce en France

Un ressortissant libyen se marie une première fois en Libye. Il se marie une seconde fois dans ce même pays, avec une ressortissante libyenne.

Cette dernière forme par la suite une requête en divorce en France.

Cette requête est déclarée irrecevable par les juges du fond aux motifs que, l’époux ayant contracté deux mariages en Libye et la loi française ne reconnaissant pas la bigamie, le second mariage n’avait pas d’existence légale et ne pouvait donc pas être dissout par une juridiction française.

La décision d’appel est évidemment cassée par l’arrêt de la première chambre civile du 17 novembre 2021, car la position des juges du fond reposait sur une erreur d’appréciation.

L’article 147 du code civil dispose certes qu’« on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ». Il s’agit là d’un principe classique du droit français, qui pose un empêchement absolu à mariage (V. Égéa, Droit de la famille, 3e éd., LexisNexis, 2020, n° 98) et interdit toute célébration d’un mariage bigamique en France (P. Malaurie et H. Fulchiron, Droit de la famille, 6e éd., LGDJ, 2018, n° 219). Un mariage célébré en France en violation de ce principe serait atteint d’une nullité absolue (F. Terré, C. Goldie-Genicon et D. Fenouillet, La famille, 9e éd., Dalloz, 2018, n° 137). Et tout mariage contracté en...

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Bigamie et divorce en France

La première chambre civile se penche sur le sort d’une requête en divorce formée en France par une épouse d’un ressortissant étranger bigame.

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Sanctions contre un établissement de crédit pour non-respect des plafonds réglementaires de frais bancaires

La Commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a prononcé un blâme et une sanction pécuniaire d’un montant de 3 millions d’euros à l’encontre d’un établissement de paiement pour divers manquements, notamment pour non-respect des dispositions applicables en matière de plafonnement des frais de rejet de chèques et de prélèvements.

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De la proportionnalité de la mise en œuvre de la garantie d’éviction

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler que l’obligation de non-concurrence issue de la garantie d’éviction d’une cession d’actions doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.

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Acquisition de la nationalité française : preuve de l’état civil du déclarant

Un ressortissant sénégalais a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française, en soutenant qu’il dispose d’une possession d’état de Français. L’article 21-13 du code civil dispose en effet que « peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d’une façon constante, de la possession d’état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration ».

La question de l’appréciation de la fiabilité de son état civil se posa. Nul ne peut en effet se voir reconnaître la nationalité française s’il ne justifie pas d’une identité certaine, attestée par des actes d’état civil fiables au sens de l’article 47 du code civil. Cet article dispose que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » (notons que « celle-ci est appréciée au regard de la loi française », selon la rédaction de l’art....

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Acquisition de la nationalité française : preuve de l’état civil du déclarant

Lorsqu’un acte de naissance a été dressé à l’étranger en application d’un jugement, celui qui s’en prévaut en France dans le cadre d’une déclaration acquisitive de nationalité française doit produire à la fois l’acte de naissance et le jugement étrangers.

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Mieux protéger les gardés à vue contre le covid-19

Le juge des référés du Conseil d’État rappelle à l’État sa responsabilité en matière sanitaires vis-à-vis des personnes placées en garde à vue et ordonne, en conséquence, au ministre de l’intérieur de mettre en place de mesures d’hygiène et d’information. 

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Concurrence déloyale : recevabilité de l’attestation d’un « client mystère »

Ces dernières années, l’image des opticiens a été écornée par la révélation de pratiques frauduleuses consistant à obtenir un meilleur remboursement des mutuelles au profit des clients par l’augmentation artificielle du prix des verres et la diminution corrélative du prix des montures (lesquelles sont moins bien remboursées).

C’est dans ce contexte qu’un syndicat, l’Union des opticiens (ci-après l’UDO), a fait appel à des clients mystère qui ont été invités à vérifier les modalités de facturation de plusieurs entreprises du secteur. Deux entreprises, la société Naggabo à Lyon et IMD Optic à Paris, ont été épinglées à la suite de témoignages de ces faux clients pour avoir accepté de reporter le prix des montures sur le prix des verres. L’UDO a alors agi contre chacune de ces sociétés en sollicitant la cessation de ces pratiques déloyales et le paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Les actions menées respectivement devant les juridictions commerciales lyonnaises et parisiennes ont toutes été finalement rejetées, en sorte que l’UDO, devenu le rassemblement des opticiens de France (ci-après le ROF), a porté ces affaires devant la haute juridiction.

Le débat porte sur la recevabilité des attestations effectuées par des clients mystère dans le cadre d’une action en concurrence déloyale. Plus précisément encore, la question de la loyauté du procédé probatoire est posée. Pour la cour d’appel de Paris (Paris, 18 févr. 2020) comme pour la cour d’appel de Lyon (Lyon, 12 mars 2020), les attestations litigieuses constituent des preuves déloyales au sens de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où elles ont été obtenues par « un stratagème caractérisé par le recours à un tiers au statut non défini pour une mise en scène ». En l’espèce, les auteurs des attestations ont effectivement perçu une rémunération de la part d’une société « spécialisée dans le recrutement de ce genre de prestataires » sollicitée par le syndicat afin de participer à un scénario préétabli selon lequel ils devaient se rendre dans certains points de vente, munis d’une fausse prescription pour une monture de lunettes de vue alors qu’ils n’en avaient point besoin (pt 4).

Dans les deux pourvois, le moyen invoqué reproche aux juges du fond d’avoir déduit de la seule rémunération des clients mystère par le syndicat le défaut de loyauté (première branche), d’avoir retenu la déloyauté alors même que les clients fictifs n’ont pas provoqué la commission de l’infraction (deuxième branche) et d’avoir écarté la recevabilité de cette preuve alors qu’elle constitue le seul moyen de démontrer l’existence de l’infraction (troisième branche de pourvoi n° 20-14.669 et quatrième branche de pourvoi n° 20-14.670).

La Cour de cassation, qui écarte le dernier argument aux motifs que les juges du fond n’ont pas été sollicités afin de vérifier l’absence d’alternative à la preuve litigieuse, rejette les pourvois aux motifs que « le syndicat a eu recours à un stratagème consistant à faire appel aux services de tiers rémunérés pour une mise en scène de nature à faire douter de la neutralité de leur comportement à l’égard » de la société défenderesse, en sorte que la juridiction d’appel « a pu déduire que les attestations, ainsi que les devis et factures qui les accompagnaient, avaient été obtenus de manière déloyale et étaient donc irrecevables ».

La solution de la Cour de cassation s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence civile qui érige la loyauté dans l’administration de la preuve au rang de principe autonome (v. Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.667, Dalloz actualité, 12 janv. 2011, obs. E. Chevrier). En application de ce principe, les enregistrements clandestins d’une conversation téléphonique (Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-17.875, Just. & cass. 2014. 133, rapp. D. Pimoulle image), y compris dans le contentieux des pratiques anticoncurrentielles (Cass., ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.667, préc.), ont été considérés comme des procédés déloyaux. De même, toutes les preuves qui sont obtenues par la ruse à l’issue d’un stratagème au détriment de l’une des parties sont écartées en droit social comme en droit commercial. Ainsi, les opérations menées par l’employeur qui dépêche un huissier ou d’autres salariés, lesquels ne déclinent ni leurs identités ni le but de leurs visites sur le lieu de travail du salarié, sont contraires au principe de loyauté (par ex. l’envoi, par l’intermédiaire d’un huissier, de faux clients qui règlent en espèce pour démontrer le vol du salarié, v. Soc. 18 mars 2008, n° 06-40.852, D. 2008. 993 image ; ibid. 2306, obs. M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, C. Dupouey-Dehan, B. Lardy-Pélissier, J. Pélissier et B. Reynès image ; ibid. 2820, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur image ; Dr. soc. 2008. 610, obs. C. Radé image).

En droit commercial, la question du stratagème se pose souvent à propos de clients envoyés par un concurrent pour démontrer une faute de déloyauté. Le procédé probatoire est considéré comme une manœuvre déloyale dès lors que le client est fictif (Com. 18 nov. 2008, n° 07-13.365, D. 2009. 2714, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur image : signature d’un bon de commande pour l’achat d’un véhicule vendu en violation d’une exclusivité suivi d’un refus d’achat). Ont également été rétractées des ordonnances autorisant des huissiers, sans avoir à décliner leurs identités, à accompagner de faux clients pour constater des actes de concurrence déloyale aux motifs que « les mesures ordonnées reposaient sur l’utilisation d’un stratagème consistant à recourir aux services de tiers, au statut non défini, pour une mise en scène dont l’huissier instrumentaire était chargé de rapporter le déroulement et le résultat, et que ce dernier était autorisé à demeurer dans la clandestinité lors de l’accomplissement de sa mission » (Civ. 2e, 26 sept. 2013, n° 12-23.387, D. 2014. 2478, obs. J.-D. Bretzner, A. Aynès et I. Darret-Courgeon image ; Just. & cass. 2014. 121, rapp. E. Alt image ; v. égal. Com. 6 déc. 2016, n° 15-18.088 : dans cet arrêt, les attestations établies en exécution de la mission de l’huissier sur ordonnance de référé finalement rétractée sont également jugées irrecevables, « faute d’avoir été loyalement obtenues »).

Dans les arrêts commentés, en l’absence d’huissier, seule la recevabilité des attestations est débattue, mais la motivation des décisions précitées est reprise in extenso par la chambre commerciale car se pose toujours la question de l’usage d’un stratagème. En l’espèce, la visite de faux clients, prétextant avoir besoin de lunettes, munis d’une ordonnance fictive et rémunérés dans le cadre de cette « mise en scène », constitue effectivement des circonstances de nature à faire douter de leur neutralité. Aussi faut-il comprendre que si le recours aux clients mystère à des fins probatoires n’est pas interdit en soi, ces clients ne doivent toutefois pas être fictifs. C’est en tout cas ce qu’invite à penser une espèce analogue à propos de laquelle une cour d’appel a retenu des attestations émanant de clients mystère dans la mesure où ils ont « effectué de réels achats, en présentant des ordonnances médicales dont la fausseté n’est pas alléguée, achats qui ont mis au jour des pratiques de factures insincères visant à une prise en charge faussée par l’assurance maladie ou les mutuelles du coût des verres et montures de lunettes » (Com. 27 janv. 2021, n° 18-14.774 : extrait de la motivation des juges du fond étant précisé que le débat ne portait pas sur la loyauté des attestations produites).

Autrement dit, un petit espoir est laissé à celui qui souhaite prouver un acte de concurrence déloyale en recourant aux clients mystère : la fraude devra être incidemment constatée par un client mystère qui n’aura pas été spécialement dépêché dans l’entreprise pour la mettre à nue et qui aura réellement besoin du produit vendu par l’entreprise… À bon entendeur !

Concurrence déloyale : recevabilité de l’attestation d’un « client mystère »

Si le recours au client mystère afin de démontrer un acte de concurrence déloyale n’est pas interdit en soi, cette technique ne doit pas dissimuler un stratagème mettant en doute la neutralité de l’auteur de l’attestation.

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Beau fixe pour la procédure à jour fixe, quand la nullité s’impose sur la caducité

Le liquidateur judiciaire d’une société assigne une partie devant le juge de l’exécution afin que soit ordonnée la vente forcée d’un bien et fixée sa créance. La défenderesse est déboutée de sa contestation et le jugement d’orientation ordonne donc la vente forcée de l’immeuble. Le 3 mai 2019, la défenderesse relève appel du jugement d’orientation et est autorisée à assigner à jour fixe à l’audience du 6 novembre 2019. Selon arrêt du 28 novembre 2019, la cour d’appel de Paris déclare caduque la déclaration d’appel au motif que la copie de l’assignation qui lui avait été remise par voie électronique avant la date de l’audience était incomplète. Devant la Cour de cassation, la demanderesse au pourvoi arguait qu’en procédure à jour fixe, « seule l’absence de remise d’une copie de l’assignation au greffe de la cour d’appel par voie électronique avant la date fixée pour l’audience était sanctionnée par la caducité de la déclaration d’appel ». Au visa de l’article 922 du code de procédure civile, la deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu et renvoie les parties devant la même cour autrement composée, après avoir estimé que, « selon ce texte, dans la procédure d’appel à jour fixe, la cour d’appel est saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l’audience, faute de quoi la déclaration d’appel est caduque. Or, pour constater la caducité de l’appel, l’arrêt [d’appel] retient que [l’appelante] a remis au greffe avant la date de l’audience une copie incomplète de l’assignation à jour fixe délivrée le 29 mai 2019 en ce qu’elle ne comprend, outre la page mentionnant les modalités de sa signification à l’intimée, que les trois premières pages sur les sept que compte cet acte. Il ajoute que cette copie ne comprend notamment pas le dispositif de l’assignation. Il relève, en outre, que la copie remise au greffe de la cour d’appel étant incomplète, celle-ci n’est pas valablement saisie. En statuant ainsi, alors que l’assignation remise au greffe était affectée d’un vice de forme susceptible d’entraîner sa nullité sur la démonstration d’un grief par l’intimée, la cour d’appel, qui ne pouvait ainsi prononcer la caducité de la déclaration d’appel sans constater, le cas échéant, au préalable, la nullité de cet acte, a violé [l’article 922] ».

Climat tempéré par les règles de procédure civile

Les exigences de la procédure à jour fixe, qu’elle soit obligatoire comme en matière d’appel d’un jugement d’orientation conformément à l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution (« L’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril ») ou facultative sur démonstration d’un péril par application de l’article 917 du code de procédure civile, ne doivent pas faire oublier les règles fondamentales de procédure civile. On observera déjà que la cour d’appel avait balayé l’argumentation de l’appelante selon laquelle la caducité était une sanction disproportionnée au regard du droit d’accès au juge prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, moyen repris au soutien du pourvoi mais auquel la Cour de cassation ne prêta pas d’égard. Car la question ne se trouvait pas là, mais bien du côté des règles élémentaires de procédure civile. Et lorsque la nullité de forme s’impose sur la caducité, la sanction est beaucoup plus tempérée car elle repose sur la démonstration, souvent difficile, d’un grief. Mais ce n’est pas chose habituelle.

Rigueur et frimas du jour fixe

Forte précipitation. Si la cour d’appel est partie bille en tête sur la caducité, sans passer par la case nullité, c’est peut-être qu’en procédure à jour fixe, on est désormais habitué à ce que les sanctions pleuvent. Et pas du côté des nullités de forme. En la matière, irrecevabilité et caducité se disputent la sanction. Sans désir d’exhaustivité, la liste pourrait donner le vertige.

Sur appel d’un jugement d’orientation, l’absence de dépôt d’une requête à jour fixe ou bien des conclusions sur le fond et des pièces dans le délai de huit jours conduit à l’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 19 mars 2015, nos 14-14.926 et 14-15.150, Dalloz actualité, 3 avr. 2015, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 742 image ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle image ; RTD civ. 2015. 461, obs. N. Cayrol image ; 7 avr. 2016, n° 15-11.042, Dalloz actualité, 6 mai 2016, obs. M. Kebir ; D. 2017. 1388, obs. A. Leborgne image). L’irrecevabilité est encourue aussi si les conclusions ne sont pas jointes à la requête (Civ. 2e, 7 avr. 2016, n° 15-11.042, préc.). Si l’appel contre le jugement d’orientation est, à peine d’irrecevabilité, formé selon la procédure à jour fixe, l’appel est aussi irrecevable si une copie de la requête n’est pas jointe à l’assignation (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-21.833, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. R. Laffly ; D. 2018. 1920 image ; ibid. 2019. 1306, obs. A. Leborgne image). Et en cette matière, le lien d’indivisibilité qui existe entre tous les créanciers est tel qu’il oblige l’appelant à former son recours contre toutes les parties à l’instance à peine d’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 21 févr. 2019, n° 17-31.350, Dalloz actualité, 21 mars 2019, obs....

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Beau fixe pour la procédure à jour fixe, quand la nullité s’impose sur la caducité

En procédure à jour fixe, l’assignation incomplète remise au greffe avant l’audience est affectée d’un vice de forme de sorte que la cour d’appel ne peut prononcer la caducité de la déclaration d’appel sans constater, le cas échéant et au préalable, sa nullité sur démonstration d’un grief.

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Les députés modifient la loi pour lutter contre la contrefaçon

Suite à leur rapport sur la contrefaçon, les députés Christophe Blanchet et Pierre-Yves Bournazel ont déposé une proposition de loi pour mettre en musique leurs propositions. Le texte sera débattu ce jeudi en séance. Largement réécrit en commission, il contient plusieurs propositions liées à la contrefaçon, allant du blocage de site internet, à l’amende forfaitaire délictuelle.

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Le contrôle du juge sur les décisions du préfet autorisant une personne à s’engager dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle relève du plein contentieux.

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La BDES et le régime transitoire des ordonnances de 2017

Sauf accord conclu pendant la période transitoire en application de l’article 8 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et tant que n’a pas été mis en place au sein de l’entreprise un comité social et économique, il ne peut être exigé de l’employeur de mettre à disposition la base de données économiques et sociales telle que réorganisée et completée par ladite ordonnance. 

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Nationalité par filiation : quand le parent doit-il être français ?

L’article 18 du code civil dispose qu’« est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ». Il s’agit là d’un cas classique d’attribution de la nationalité française. Sa mise en œuvre ne soulève pas de difficultés particulières lorsque le parent considéré a toujours été de nationalité française. En revanche, lorsque tel n’est pas le cas, notamment lorsque le parent a été naturalisé français, une interrogation surgit, à laquelle l’arrêt de la première chambre civile du 17 novembre 2021 apporte une réponse.

Dans cette affaire, un homme avait été naturalisé français en 2011. Le lien de filiation à l’égard de ses deux enfants mineurs, nés à l’étranger en 2000 et en 2007, avait quant à lui été...

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Nationalité par filiation : quand le parent doit-il être français ?

La nationalité du ou des parents à prendre en considération pour l’attribution de la nationalité en raison de la naissance d’un parent français est celle que ce parent avait au jour de la naissance de l’enfant, peu important sa nationalité au jour de l’établissement de la filiation.

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À défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit

Le bail verbal portant sur un logement à usage d’habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en SCI familiale ou en indivision, l’est pour une durée au moins égale à trois ans, et en absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par périodes triennales.

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Va-t-on vers un droit constitutionnel de s’opposer à la chasse sur ses terres ?

Le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative au droit pour un propriétaire de s’opposer à la chasse sur ses terrains au nom de sa liberté de conscience.

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Un décret du 16 novembre 2021 institue une aide relative aux loyers ou redevances et charges de certains commerces de détails et services interdits d’accueil du public afin de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19.

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La Cour de cassation imperméable à la clause d’exclusion « défauts d’étanchéité »

Le contrat d’assurance de responsabilité décennale souscrit en application de la délibération du 1er décembre 1983 de l’Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie ne peut pas exclure d’autres dommages que ceux résultant, au moins en partie, d’une des causes limitativement énumérées en son article 6. La clause excluant les désordres résultant de défauts d’étanchéité doit ainsi être réputée non écrite.

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RSA subordonné au droit au séjour : le Conseil d’État distingue

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Précisions sur le sort indemnitaire du licenciement en cas de clause de reprise conventionnelle

Le salarié licencié en méconnaissance du dispositif de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959 relatif à la poursuite du contrat de travail peut, à son choix, demander au repreneur la reprise de son contrat de travail, le licenciement étant alors privé d’effet, ou demander à l’entrepreneur sortant qui a pris l’initiative de la rupture du contrat la réparation du préjudice en résultant.

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Loi Sécurité globale 2 : le contenu du compromis Assemblée-Sénat

Lors de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs se sont entendus sur un texte de compromis sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Sur la responsabilité pénale (dispositions « Sarah Halimi »), le texte conserve les deux approches. Des compromis ont également été trouvés sur l’usage des drones et des caméras.

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Copie privée : la directive Infosoc sans effet direct sur Copie France

La société de collection de la rémunération pour copie privée Copie France, puisqu’elle n’est pas une entité paraétatique, n’est pas soumise à l’effet direct vertical des directives européennes. Elle n’a donc pas à rembourser les redevances perçues en méconnaissance de la directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 (« Infosoc »).

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Martinique : derrière le choix du drapeau, l’équilibre interne des pouvoirs

Au mois de mai 2019, le président de la collectivité territoriale de Martinique instituait un drapeau et un hymne « ayant vocation à représenter la Martinique à l’occasion de manifestations culturelles et sportives internationales ». Cette décision unilatérale fit l’objet de diverses contestations tant au regard de la procédure de sélection, maîtrisée par le seul président de l’exécutif territorial, que du choix de l’emblème, rejeté par les partisans de symboles historiques.

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Le juge et l’instance prud’homale en cours lors de l’ouverture d’une procédure collective

Les instances prud’homales en cours à la date du jugement d’ouverture d’une procédure collective bénéficient d’un traitement différent des autres instances en cours. En effet, faute d’interruption, ces dernières sont poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés. Par conséquent, le juge saisi d’une demande en paiement d’une créance salariale avant le jugement d’ouverture doit, après celui-ci, se prononcer d’office sur l’existence et le montant des créances alléguées. Il ne peut donc pas déclarer la demande irrecevable sous prétexte qu’elle ne tendrait pas à la fixation de la créance au passif.

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Le juge et l’instance prud’homale en cours lors de l’ouverture d’une procédure collective

En règle générale, l’ouverture d’une procédure collective déclenche l’application d’un certain nombre de règles contraignantes pour les créanciers de l’entreprise en difficulté. Parmi ces dernières, nous retrouvons celles gouvernant le régime des instances en cours à l’ouverture de la procédure collective. S’il fallait résumer ce corps de règles, nous pourrions dire qu’il s’agit de faire en sorte que la reprise de l’instance – interrompue en raison du jugement d’ouverture – respecte les exigences du droit des entreprises en difficulté. Ainsi, la reprise de l’instance en cours est-elle subordonnée à la réunion de deux conditions : le créancier doit déclarer sa créance à la procédure collective et mettre en cause les organes de la procédure (C. com., art. L. 622-22 et R. 622-20). Déjà source d’un abondant contentieux (v. dernièrement Com. 20 oct. 2021, n° 20-13.829 P, Dalloz actualité, 17 nov. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 1917 image), ce principe général connaît, de surcroît, une exception importante : les instances prud’homales en cours au jour du jugement d’ouverture ne sont pas interrompues, mais sont « simplement » poursuivies après la mise en cause des organes de la procédure (C. com., art. L. 625-3).

L’arrêt ici rapporté conduit à s’interroger sur la portée de cette dernière règle et plus particulièrement sur le rôle du juge face à une instance prud’homale en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.

En l’espèce, un salarié d’une société – licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement – saisit la juridiction prud’homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur. Le conseil de prud’hommes accède à sa demande, le 1er septembre 2017, et condamne la société à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture. L’employeur interjette appel de cette décision le 6 octobre 2017, mais fait l’objet, un mois plus tard, le 9 novembre 2017, de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

Estimant tirer la juste conséquence de l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel déclare les demandes en paiement du salarié irrecevables. Pour les juges du fond, le prononcé de la liquidation judiciaire imposait au salarié de réclamer la fixation de sa créance au passif, à l’exclusion de toute condamnation visant la personne morale.

Le salarié forme un pourvoi en cassation et la haute juridiction casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 625-3 du...

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Le juge et les opérations de police judiciaire

Le Conseil d’État considère que l’action fondée sur la responsabilité même sans faute de l’État en raison du préjudice résultant d’une opération de police judiciaire relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

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L’interdiction de retour ne peut pas à elle seule fonder une mesure de rétention

La Cour de cassation juge illégale une mesure de rétention fondée sur la seule interdiction de retour, et ce alors que l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’a pas été exécutée.

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Usage de la vidéosurveillance et licéité des moyens de preuve

L’enregistrement issu d’un dispositif de vidéosurveillance destiné concurremment à la protection des biens et des personnes dans les locaux de l’entreprise et au contrôle et à la surveillance de l’activité des salariés constitue un moyen de preuve illicite dès lors que l’employeur n’a pas informé les salariés et consulté les représentants du personnel quant à la finalité de contrôle de l’activité salariée.

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Précisions sur le champ d’application de l’article L. 1142-1 du code de santé publique

Lors d’un scanner pratiqué par un médecin radiologue (exerçant à titre libéral et individuel) sur son patient, ce dernier contracte une infection nosocomiale. Le médecin exerçait son art au sein de la société Imagerie nouvelle de la Haute-Corse (INHC), structure organisée en société à responsabilité limitée (SARL) dans laquelle il avait la qualité d’associé. Il partageait l’immeuble avec trois autres médecins avec qui il s’était aussi associé dans une société civile de moyens (SCM). L’immeuble dans lequel se trouvaient les deux locaux des sociétés susmentionnées abritait, en sus, la polyclinique Maymard.

Le patient a assigné en responsabilité le praticien, la société INHC et la CPAM de la Haute-Corse pour obtenir réparation de ses préjudices.

La procédure est longue car l’affaire a déjà fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation. Il est déjà nécessaire, à ce stade, de préciser que ne sont jamais remises en question la réalité du préjudice ni son origine. Il est plutôt question de déterminer quelles responsabilités peuvent être engagées. Dans son arrêt du 12 septembre 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la juridiction inférieure au visa de l’article 16 du code de procédure civile par suite d’un pourvoi formé par la clinique et son assureur.

L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Cette dernière décide, dans son arrêt du 12 septembre 2019, que la société INHC est soumise aux dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique en tant qu’établissement indépendant vis-à-vis de la clinique Maymard. Elle ajoute que la société INHC ne justifie d’aucune cause étrangère susceptible de l’exonérer de sa responsabilité.

La société INHC forme alors un pourvoi composé d’un moyen unique divisé en sept branches dont seules la deuxième et la sixième sont intégralement reproduites. Dans la seconde branche de l’unique moyen, la société reproche aux juges d’Aix-en-Provence de l’avoir qualifiée d’établissement de santé et donc de l’avoir rendue éligible aux dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique alors qu’elle avait pourtant reconnu qu’elle n’était qu’une société dont l’objet social se limitait à « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de tout matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d’exploitation de polyclinique ».

Dans la sixième branche du moyen, la société INHC reproche aux juges du fond de ne pas avoir reconnu sa dépendance à l’égard de la clinique Maymard ce qui justifierait, selon elle, que ce soit cette dernière qui doive être responsable du préjudice causé au patient.

Il se posait donc la question de savoir si la société INHC, société à responsabilité limitée, dont l’objet social se limite à « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de tout matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d’exploitation de polyclinique » peut être considérée comme un « établissement » au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. Il était aussi question de la dépendance de ce service de scanner assuré par la société INHC avec une clinique, les deux partageant le même immeuble et ayant mis en place un planning de garde et d’astreintes commun.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Elle juge que la société INHC qui est une SARL constituée par des médecins pour exercer leur art et qui a comme objet social « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de tout matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d’exploitation de polyclinique » ne peut être considérée comme un « établissement » au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

La Cour de cassation reproche ensuite à la cour d’appel de ne pas avoir recherché s’il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties une certaine dépendance de la société INHC à l’égard de la clinique.

L’enjeu de la décision est double. Il réside dans la nature de la responsabilité, de plein droit ou non, et dans la recherche d’un établissement responsable. Le critère qui permet d’engager la responsabilité est double aussi. Il s’établit par la méconnaissance de la SARL de sa qualité d’établissement et par la reconnaissance de cette SARL comme service d’un établissement de santé.

Le double enjeu de la décision

L’enjeu de la décision est double car, en cas d’infection nosocomiale, la responsabilité des établissements est de plein droit. Pour être sûre d’être indemnisée, la victime devait donc impliquer un établissement. À la nature de la responsabilité succédera donc la nécessité de rechercher un établissement responsable.

La nature de la responsabilité

L’article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui pose la responsabilité des professionnels et des établissements de santé, fait une distinction fondamentale entre les premiers et les seconds. En effet, d’après ce texte, la victime d’une infection nosocomiale devra prouver la faute des professionnels de santé en cas de préjudice subi au cours d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. En revanche, les établissements, services et organismes dans lesquels sont diligentés des actes de prévention, de diagnostic et de soins sont eux responsables de plein droit à moins qu’ils ne parviennent à prouver l’existence d’une cause étrangère. Le premier enjeu se trouve donc dans les modalités d’application du régime de la loi du 4 mars 2002. Il peut être plus ou moins sévère, ou même ne pas s’appliquer en fonction de la qualité de celui chez qui sont dispensés les soins.

La nécessité de rechercher un « établissement » responsable

Le second enjeu se situe dans l’interprétation de la loi et du terme imprécis, employé par le législateur : « établissement » (CSP, art. L. 1142-1, I, al. 2 : « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère »). Il était précisément, ici, question de déterminer si la société INHC pouvait être qualifiée d’établissement, au sens de ce texte, ce qui permettrait de retenir sa responsabilité de plein droit. L’enjeu est donc, là encore, majeur pour la victime qui sera exonérée du fardeau de la preuve. Cette faveur n’est pas anecdotique tant l’on sait à quel point il peut être difficile, voire impossible, de démontrer qu’un professionnel de santé a commis une faute qui est en lien de causalité avec une infection nosocomiale. Cet enjeu prend de l’ampleur quand on sait que cette décision peut faire jurisprudence. En décidant qu’une SARL n’est pas un établissement, au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, la Cour de cassation limite le champ d’application de la loi et invite les juges du fond à bien distinguer à l’avenir entre les établissements qui « mettent en œuvre une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’organiser la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l’iatrogénie » (v. arrêt, n° 6) et les sociétés professionnelles qui « permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l’exercice commun de ces professions » (ibid.).

Le double critère d’engagement de la responsabilité

Il est probable que la responsabilité retombera finalement sur la clinique. Pour en arriver là, il fallait méconnaître le statut d’établissement à la SARL en montrant que son objet social était incompatible avec une politique de qualité et de sécurité des soins et reconnaître que la SARL constituait un service dépendant de la clinique. Le critère d’engagement de la responsabilité se caractérise à travers l’objet social de la SARL et non l’acte qui y est pratiqué et par sa dépendance à la clinique.

De l’objet social à l’acte de soin

Le caractère décisif de l’objet social de la SARL

Pour censurer les juges du fond qui avaient considéré que la société INHC était bien un établissement au sens de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, la Cour de cassation fait référence au livre 3 de la deuxième partie du code de la santé publique relatif aux établissements, services et organismes. On y trouve, par exemple, les organismes de planification, d’éducation et de conseil familial (CSP, art. L. 2311-1 s.). Les juges du droit se réfèrent aussi au premier livre de la sixième partie (de la partie législative) sur les établissements de santé. Ils citent, particulièrement, les articles L. 6111-2 et suivants afin de dégager un critère permettant de trier les établissements qui sont concernés par la loi de responsabilité. Ainsi, les établissements de santé qui mettent en œuvre une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et qui organisent la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l’iatrogénie (v. arrêt, n° 6) peuvent être considérés comme des établissements. A contrario, les sociétés professionnelles qui permettent la fourniture de certains moyens aux professions médicales ou l’exercice commun de ces professions (ibid.) ne peuvent être considérées comme telles. La cour d’appel a donc violé, selon la Cour de cassation, l’article L. 1142-1 du code de la santé publique en considérant qu’une SARL dont l’objet social n’était que « l’exploitation, l’achat, la vente et la location de tout matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie ainsi que de tout matériel d’exploitation de polyclinique » était bien un établissement. L’absence de précision, sans doute volontaire, de l’article L. 1142-1 sur les établissements concernés invite à ce genre de décisions. Il est vrai, toutefois, que les sociétés professionnelles ne sont pas visées dans les deuxième et sixième parties puisqu’elles se trouvent dans le livre premier de la quatrième partie du code de la santé publique. Dans cette partie, ces sociétés professionnelles sont soumises à un régime à part qui justifie peut-être qu’elles ne puissent, en sus, tomber sous l’empire de l’article L. 1142-1.

La Cour de cassation s’est d’ailleurs déjà prononcée à deux reprises concernant, non pas une SARL, mais une société civile de moyens (SCM) (Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-17.072, D. 2012. 1957 image ; RTD civ. 2012. 733, obs. P. Jourdain image ; RCA 2012, n° 276, note Hocquet-Berg ; 12 oct. 2016, n° 15-16.894, Dalloz actualité, 25 oct. 2016, obs. N. Kilgus ; D. 2016. 2166 image ; RCA 2016. Alerte 4, obs. L. Bloch ; v. aussi D. 2016. 1064, note F. Viala et J.-P. Vauthier image). Dans les deux décisions, la qualité d’établissement n’a pas été reconnue en raison de leurs objets sociaux.

L’objet plutôt que l’acte

Le raisonnement de la cour d’appel s’appuyait sur la nature de l’acte passé au sein de la société. Elle relevait que la victime était venue passer un scanner, ce qui constituait un acte de diagnostic relevant des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. Pour rappel, en dehors de cas d’infections nosocomiales, le texte prévoit dans son premier alinéa que les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les juges du fond tentaient ainsi vainement de rapprocher la nature de l’acte opérée avec l’objet de la mission confiée à la société pour justifier de l’engagement de la responsabilité de la SARL. La Cour de cassation s’en tient donc à sa jurisprudence. Il suffit de constater que l’objet social de la société ne poursuit pas une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, et de vérifier concrètement que ce n’est pas le cas, pour exclure sa qualité d’établissement. Elle étend toutefois sa jurisprudence aux SARL qui sont des sociétés d’exercice libéral (v. CSP, art. R. 4113-1 à R. 4113-5).

La forme autant que l’objet

C’est aussi la forme sociale de la société qui semble rédhibitoire pour lui permettre de revêtir la qualité d’établissement. La société à responsabilité limitée est généralement constituée pour exercer une activité commerciale et effectuer des actes de commerce ce que ne sont pas les actes de soins. Ici, les médecins ont opté pour cette forme de société afin d’acquérir ensemble un scanner, dont le coût est trop important pour une seule personne, et l’exploiter pour en tirer des revenus. Pourtant, ce sont bien dans les locaux de la SARL que le patient a contracté l’infection. Par ailleurs, les médecins prévoyaient bien « d’exploiter le scanner », ce qui peut faire référence à sa location mais aussi à la réalisation d’actes de diagnostics, facilités par la présence d’une clinique dans le même immeuble. Puisque les juges du droit n’ont pas été convaincus par cette analyse, il apparaissait nécessaire de rattacher la SARL à un établissement dans lequel sont pratiqués des actes de prévention, de diagnostic ou de soins. Sans cela, une victime d’infection nosocomiale pourrait être privée de toute indemnisation si l’importance de son préjudice ne la rend pas éligible à la solidarité nationale. C’est précisément l’objet de la sixième branche du moyen.

La dépendance de la SARL envers la clinique

Une indépendance d’apparence

Pour s’exonérer de sa responsabilité, la société INHC tentait de montrer qu’elle constituait un service de la clinique se situant dans le même immeuble et que c’est donc cette dernière qui devait assumer la responsabilité du préjudice subi par la victime. Les juges du fond insistaient sur l’indépendance de la société vis-à-vis de la clinique (locaux propres, circuits d’approvisionnement des dispositifs médicaux propres, personnel de nettoyage propre, protocoles d’asepsie et matériel de radiologie propre). Ils arguaient aussi de l’absence d’exclusivité entre la clinique et la société INHC. Ainsi, les praticiens de la clinique pouvaient conseiller à leurs patients d’aller effectuer leur scanner dans un tout autre lieu que celui de la clinique. Ce raisonnement n’a pas, là encore, convaincu la Cour de cassation, qui reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché, alors que cela lui a été demandé « s’il ne résultait pas du protocole conclu entre les parties pour le fonctionnement du service du scanner que la société était tenue d’assurer la permanence des soins des patients hospitalisés ou consultants à la clinique, par la mise en place, sous son contrôle, d’un planning de gardes et d’astreintes des radiologues et manipulateurs et constituait à ce titre le service de scanner de l’établissement de santé ». C’est ainsi que le lien de dépendance est caractérisé, parce que la société INHC était tenue d’assurer la permanence des soins des patients de la clinique par un planning de gardes et d’astreintes. Plus important encore, dans son point n° 11, la Cour de cassation formule un attendu de principe (si l’expression est encore possible) selon lequel « la responsabilité de plein droit des établissements de santé s’étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie ». Elle laisse ainsi peu de marge à la cour d’appel de renvoi, fortement incitée à reconnaître la responsabilité de la clinique dans sa prochaine décision.

Opportunité ou réalité

La reconnaissance, par la Cour de cassation, de la SARL comme service de la clinique devra permettre à la victime d’obtenir réparation devant la cour d’appel de renvoi sans que cette dernière ait à prouver la faute de quiconque. La clinique, en sa qualité d’établissement de santé, devra répondre des dommages causés sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 1142-1 du code de la santé publique. Pour caractériser ce lien de dépendance, les juges doivent utiliser le contenu des conventions liant les sociétés avec les cliniques. S’il apparaît qu’une société dépend suffisamment de la clinique avec laquelle elle est liée pour accepter d’assurer un ensemble de contrôles et de soins des patients, c’est qu’elle constitue certainement un service de celle-ci. Il reste le cas dans lequel un patient aurait effectué son scanner au sein d’une société professionnelle à la demande d’un établissement totalement étranger à la clinique et y aurait contracté une infection. Dans ce cas, les juges pourront-ils aller jusqu’à reconnaître la responsabilité de l’établissement alors qu’il est certain que l’infection a été contractée au sein des locaux de la société ?

Il faut le dire sans ambages, la Cour de cassation a eu raison de trancher ainsi. Elle eût dit le contraire que des esprits chagrins auraient aussitôt fait de remarquer le caractère artificiel de la qualité d’établissement de la SARL. Certains feront sans doute aussi valoir qu’il pourrait devenir tentant pour les médecins de se constituer en SARL ou en SCM afin d’éviter d’être qualifiés d’établissement et donc d’échapper à toute responsabilité. Cela apparaît peu probable car, si des médecins tentaient de faire cela, il n’y a pas de doute que cela serait soulevé devant les juges du fond et sanctionné. La décision est aussi peut-être la bonne, car il est question de déterminer qui va payer plutôt que de chercher à savoir qui est responsable (le mot est utilisé sciemment).

Précisions sur le champ d’application de l’article L. 1142-1 du code de santé publique

Une SARL n’est pas un « établissement » au sens de l’article L. 1142-1 du code de santé publique. La Cour de cassation juge que la responsabilité de plein droit des établissements de santé s’étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie.

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Immunité des États étrangers : abandon de la jurisprudence [I]Eurodif[/I]

Les éléments de fait qui sont à la base de l’affaire jugée par la première chambre civile le 3 novembre 2021 sont très simples à présenter.
Une société qui est l’émanation de l’État irakien a été condamnée par un jugement d’un tribunal néerlandais à payer diverses sommes à une banque ayant son siège aux États-Unis.
Alors que ce jugement devait obtenir l’exequatur en France, cette banque y a fait pratiquer une saisie conservatoire de créances, convertie par la suite en saisie-attribution.
La société irakienne débitrice a alors contesté cette saisie, mais les juges d’appel ont validé l’acte de conversion.

Le cadre général

Pour bien apprécier la portée de l’arrêt, il est nécessaire de s’arrêter sur quelques aspects particuliers de l’évolution du droit des immunités, droit qui est, il est vrai, critiqué par certains auteurs qui lui reprochent notamment de porter atteinte au droit au procès équitable et de conduire à des dénis de justice (P. Delebecque, J.-M. Jacquet et L. Usunier, Droit du commerce international, 4e éd., Dalloz, 2021, n° 977).

Du point de vue de sa source, le droit des immunités est classiquement rattaché au droit international public, même si les formulations retenues varient. La jurisprudence se réfère aux règles de droit international public gouvernant les relations entre États (Civ. 1re, 20 oct. 1987, n° 85-18.608, Rev. crit. DIP 1988. 727, note P. Mayer), aux principes du droit international régissant les immunités des États étrangers (Civ. 1re, 6 juill. 2000, n° 98-19.068, D. 2000. 209 image ; ibid. 2001. 2139, chron. J. Moury image ; RTD com. 2001. 409, obs. E. Loquin image), à la coutume internationale (Crim. 13 mars 2001, n° 00-87.215, D. 2001. 2631, et les obs. image, note J.-F. Roulot image ; ibid. 2355, obs. M.-H. Gozzi image ; RSC 2003. 894, obs. M. Massé image ; RTD civ. 2001. 699, obs. N. Molfessis image), à une règle coutumière du droit public international (CE 14 oct. 2011, n° 329788, Lebon avec les conclusions image ; AJDA 2011. 1980 image ; ibid. 2482 image, note C. Broyelle image ; RFDA 2012. 46, concl. C. Roger-Lacan image ; ibid. 2013. 417, chron. C. Santulli image) ou au droit international coutumier (Civ. 1re, 3 févr. 2021, n° 19-10.669, Dalloz actualité, 2 mars 2021, obs. F. Mélin ; D. 2019. 1891 image ; ibid. 2020. 1970, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; RTD civ. 2019. 927, obs. P. Théry image).

La Convention des Nations unies du 2 décembre 2004

Même si le droit des immunités trouve son fondement dans le droit international public, il n’en demeure pas moins que chaque État définit traditionnellement son régime. Néanmoins, l’élaboration de la Convention des Nations unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens du 2 décembre 2004 constitue une évolution notable.

Certes, cette Convention n’est pas encore entrée en vigueur. Son importance est néanmoins dès à présent très grande car elle exprime, dans une certaine mesure, le droit international coutumier.

La Cour européenne des droits de l’homme l’a énoncé à propos de son article 11 relatif aux contrats de travail (CEDH 23 mars 2010, n° 15869/02, pt 66, AJDA 2010. 2362, chron. J.-F. Flauss image ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre image) et a précisé que cet article 11 s’applique au titre du droit international coutumier, même lorsque l’État concerné n’a pas ratifié cette Convention, dès lors qu’il ne s’y est pas non plus opposé (CEDH 29 juin 2011, n° 34869/05, pt 57, Dalloz actualité, 1er sept. 2011, obs. C. Demunck ; D. 2011. 1831, et les obs. image ; ibid. 2434, obs. L. d’Avout et S. Bollée image).

La jurisprudence de la Cour de cassation se situe dans la ligne de cette jurisprudence.

Elle a ainsi également jugé, à propos de ce même article 11, que les dispositions de la Convention peuvent refléter le droit international coutumier (Civ. 1re, 28 mars 2013, n° 10-25.938, à propos de l’article 11 égal., Dalloz actualité, 16 avr. 2013, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2013. 1728 image, note D. Martel image ; ibid. 1574, obs. A. Leborgne image ; ibid. 2293, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; Just. & cass. 2015. 115, étude P. Chevalier image ; Rev. crit. DIP 2013. 671, note H. Muir Watt image ; RTD civ. 2013. 437, obs. R. Perrot image ; ibid. 2014. 319, obs. L. Usunier image).

Et l’arrêt du 3 novembre 2021 reprend cette démarche, cette fois à propos de l’article 19 de cette Convention.

Cet article 19 dispose à propos de l’immunité des États à l’égard des mesures de contrainte postérieures au jugement qu’« aucune mesure de contrainte postérieure au jugement, telle que saisie, saisie-arrêt ou saisie-exécution, ne peut être prise contre des biens d’un État en relation avec une procédure intentée devant un tribunal d’un autre État excepté si et dans la mesure où : a) L’État a expressément consenti à l’application de telles mesures dans les termes indiqués : i) Par un accord international ; ii) Par une convention d’arbitrage ou un contrat écrit ; ou iii) Par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite faite après la survenance du différend entre les parties ; ou b) L’État a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure ; ou c) Il a été établi que les biens sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et sont situés sur le territoire de l’État du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée ».

La loi Sapin II

Il est important de relever que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II », relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a intégré au code des procédures civiles d’exécution des dispositions relatives aux mesures conservatoires ou aux mesures d’exécution forcée visant un bien appartenant à un État étranger, à savoir les articles L. 111-1-2 et L. 111-1-3.

Le premier de ces articles énonce notamment que « des mesures conservatoires ou des mesures d’exécution forcée visant un bien appartenant à un État étranger ne peuvent être autorisées par le juge que si l’une des conditions suivantes est remplie : 1° L’État concerné a expressément consenti à l’application d’une telle mesure ; 2° L’État concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de la procédure ; 3° Lorsqu’un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l’État concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée ».

La proximité de ce 3° avec la formulation de l’article 19, c), de la Convention est évidente.

Il est à noter qu’un arrêt du 10 janvier 2018 s’est référé à ces dispositions issues de la loi Sapin II – qui n’étaient pourtant pas applicables en l’espèce compte tenu des principes régissant l’application de la loi dans le temps – en combinaison avec le droit international coutumier (n° 16-22.494, Dalloz actualité, 24 janv. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 541 image, note B. Haftel image ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau image ; Rev. crit. DIP 2018. 315, note D. Alland image ; RTD civ. 2018. 353, obs. L. Usunier et P. Deumier image ; ibid. 474, obs. P. Théry image).

L’apport de l’arrêt

L’arrêt du 3 novembre 2021 se réfère quant à lui au « droit international coutumier, tel que reflété par l’article 19 de la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 ». Il ne se réfère pas aux articles L. 111-1-2 et L. 111-1-3, qui n’étaient pas applicables ratione temporis, mais la proximité de ces articles avec l’article 19 de la Convention permet de considérer que la solution aurait été la même s’ils avaient été applicables.

Pour répondre à certaines des branches des deux moyens du pourvoi, l’arrêt énonce en substance (nous prenons ici la liberté de rassembler en une seule phrase les deux règles complémentaires qu’il pose en réponse aux deux moyens) que, selon le droit international coutumier, tel que reflété par l’article 19 de la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, à défaut de renonciation à l’immunité d’exécution, ou d’affectation des biens saisis à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de cette procédure, les biens d’un État étranger ou de ses émanations ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée, en vertu d’un jugement ou d’une sentence arbitrale, que s’il est établi que ces biens, situés sur le territoire de l’État du for, sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés autrement qu’à des fins de service public non commerciales et ont un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.

L’apport de cet arrêt est important car il met un terme à la jurisprudence Eurodif.

On sait que celle-ci avait énoncé que l’immunité d’exécution dont jouit l’État étranger est de principe, qu’elle peut toutefois être exceptionnellement écartée et qu’il en est ainsi lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice (Civ. 1re, 14 mars 1984, Eurodif, n° 82-12.462, D. 1984. 629, rapport Fabre et note Robert ; Rev. crit. 1984. 648, note J.-M. Bischoff ; JDI 1984. 598, note B. Oppetit ; JCP 1984. II. 20205, concl. Gulphe, note H. Synvet ; Rev. arb. 1985. 69, note G. Couchez).

Cette jurisprudence faisait ainsi un lien entre le bien litigieux et l’activité économique ou commerciale qui donnait lieu à la demande, ce qui réduisait la possibilité d’écarter l’immunité d’exécution.

Dans l’affaire jugée le 3 novembre 2021, le demandeur au pourvoi, au détriment duquel la saisie avait été pratiquée, critiquait la décision d’appel en ce qu’elle n’avait précisément pas appliqué ce critère.

Or cette perspective n’est plus celle retenue par la Convention du 2 décembre 2004 ni par la loi Sapin II, qui retiennent un autre critère : celui du lien entre le bien et l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.

L’arrêt tire ainsi les conséquences de l’évolution conventionnelle et législative du droit des immunités, ce que la doctrine avait anticipé en relevant que la perspective de la jurisprudence Eurodif avait été abandonnée par ces textes (J.-Cl. Droit international, v° Immunités internationales, par I. Prezas, fasc. 409-50, spéc. n° 63). L’arrêt approuve ainsi la cour d’appel d’avoir énoncé qu’il résulte du droit international coutumier, tel que reflété par la Convention, qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’ils soient saisissables, que les biens de l’émanation d’un État aient un lien avec la demande en justice, mais que ceux-ci doivent avoir un lien avec l’entité contre laquelle la procédure est intentée.

Immunité des États étrangers : abandon de la jurisprudence [I]Eurodif[/I]

Par un arrêt du 3 novembre 2021, la Cour de cassation précise le régime de l’immunité d’exécution des États étrangers, en se référant à la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 et en mettant un terme à la jurisprudence Eurodif.

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La réponse à cette question paraît évidente, alors que l’article R. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d’un avocat ». Encore faut-il cependant admettre qu’une telle demande constitue bien une demande incidente ou une contestation… C’est sur cette difficulté qu’est revenue la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 novembre 2021.

Les faits étaient assez classiques. Un établissement bancaire avait procédé à la saisie d’un bien immobilier. À l’audience d’orientation, le juge de l’exécution avait ordonné la vente forcée du bien et fixé une date d’audience conformément aux dispositions de l’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution. Au jour indiqué, il appartenait en conséquence au créancier poursuivant (ou à un autre créancier subrogé dans les poursuites) de solliciter la vente puisqu’à défaut le juge de l’exécution ne peut que constater la caducité du commandement de payer valant saisie (C. pr. exéc., art. R. 322-27). Le créancier poursuivant a cependant déposé des conclusions, qui ne comportaient aucune signature, tendant au report de la date d’audience d’adjudication. Le juge de l’exécution n’a tiré aucune conséquence de ce défaut de signature et a jugé que la date de l’audience devait être reportée. La cour d’appel n’a cependant pas partagé cette manière de voir les choses. Estimant que les conclusions, parce qu’elles n’étaient pas signées, étaient entachées d’une irrégularité de fond, elle en a déduit qu’elles étaient nulles ; les effets de l’acte étant dès lors rétroactivement anéantis (Civ. 2e, 19 févr. 2015, n° 14-10.622 P, Dalloz actualité, 13 mars 2015, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2015. 495 image ; ibid. 1791, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, D. Chauchis et N. Palle image ; AJDI 2015. 457 image, obs. F. de La Vaissière image), le juge de l’exécution n’avait pas pu être saisi de la demande tendant au report de la date d’audience et, faute pour le créancier d’avoir sollicité la vente au jour de l’audience initialement fixé, aurait dû constater la caducité du commandement de payer valant saisie en application de l’article R. 322-27 du code des procédures...

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En un peu plus d’une décennie, la problématique de l’insaisissabilité des immeubles d’un entrepreneur sous procédure collective est devenue un incontournable du droit des entreprises en difficulté. Chacune des décisions rendues en ce domaine est scrutée et retient l’attention des praticiens et de la doctrine (v. réc., Com. 10 mars 2021, n° 19-21.971, à paraître ; Dalloz actualité, 6 avr. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 573 image ; ibid. 1736, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli image).

L’arrêt ici rapporté n’échappe pas à la règle et son apport dépasse même les frontières du droit de la faillite.

En l’espèce, le 19 novembre 2013, un entrepreneur individuel a déclaré insaisissables ses droits sur une maison d’habitation lui appartenant ainsi qu’à son épouse commune en bien. Cette déclaration a été publiée le 28 novembre 2013 au service de la publicité foncière et le 23 juin 2014 au répertoire des métiers. Malheureusement, le 9 février 2015, l’entrepreneur a fait publier, au même répertoire, la cessation de son activité professionnelle. Le 30 juin 2015, une procédure de liquidation judiciaire était ouverte à son encontre. Or, le débiteur ayant opposé au liquidateur les dispositions de la Déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI), le mandataire l’a assigné en inopposabilité de celle-ci. Las, l’arrêt d’appel confirme l’opposabilité de la DNI au liquidateur et ce dernier forme un pourvoi en cassation.

Astucieuse, l’argumentation du mandataire reposait sur une interprétation littérale de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

Ce texte prévoyait notamment que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale (…) ». Partant, la radiation du débiteur du répertoire des métiers, intervenue antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, aurait entraîné la cessation des effets de la DNI, puisque formellement, le débiteur n’avait plus la qualité « d’entrepreneur » entendue comme étant une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel. Par conséquent, l’insaisissabilité de l’immeuble ayant cessé en raison de la perte de la qualité d’entrepreneur, le bien pouvait être appréhendé par le liquidateur afin d’être réalisé dans l’intérêt collectif des créanciers.

Au-delà de la technique, le pourvoi posait surtout la question inédite de l’opposabilité d’une DNI à une liquidation judiciaire ouverte postérieurement à la cessation de l’activité professionnelle de l’entrepreneur.

Las pour le liquidateur, la Cour de cassation ne souscrit pas à son analyse et rejette le pourvoi.

Pour la Haute juridiction, la DNI, peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Dès lors, les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration.

L’arrêt sous...

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L’efficacité d’une DNI perdure après la cessation de l’activité professionnelle !

Selon la Cour de cassation, les effets d’une déclaration notariée d’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers, auxquels elle est opposable, ne sont pas éteints. Par conséquent, sauf renonciation du déclarant, la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration.

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Parution du décret « vente de logements HLM et mise en copropriété »

Un décret du 26 novembre 2021 précise les modalités d’application des dispositions de l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété.

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Circulaire du 4 octobre 2021 : Épisode 5 - Modalités d’extension des poursuites pénales aux délits connexes, coauteurs et complices en matière de fraude fiscale

Le 4 octobre 2021, la Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une « circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale », publiée dès le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Un texte qui s’inscrit dans un contexte global de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

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Quelle autonomie de la notion d’autorité de la chose jugée ? : droit de l’Union [I]versus[/I] droit français

Dans un arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation revient une fois de plus sur l’autorité de la chose jugée, dans des conditions cependant inhabituelles puisqu’elle ne casse ni ne rejette, mais qu’elle pose elle-même des questions et sursoit à statuer afin de renvoyer quatre questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Elle se demande si la conception européenne de l’autorité de la chose jugée doit s’appliquer telle quelle dans les États membres et notamment en France. La question était donc relativement simple : en vertu de quel droit s’apprécie l’autorité de la chose jugée d’un jugement étranger invoqué en France ?

La réponse est beaucoup moins évidente… et celle fournie par la CJUE pourrait conduire à une certaine remise en cause de la jurisprudence Cesareo, ou plus exactement de la jurisprudence qui impose la concentration des moyens aux plaideurs.

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt oppose une société luxembourgeoise, la société Récamier, à l’un de ses anciens administrateurs, sans doute français. La société a d’abord agi devant les juridictions luxembourgeoises, puis devant les juridictions françaises, à propos de ce même litige : tant au Luxembourg qu’en France, la société a réclamé à son ancien administrateur le paiement de sommes en invoquant des détournements d’actifs commis par celui-ci dans l’exercice de ses fonctions.

La chronologie est complexe, incluant un premier pourvoi et un renvoi après cassation (la cour d’appel de Versailles avait, dans un premier temps, modifié l’objet de la demande). L’arrêt du 17 novembre 2021 est donc rendu sur second pourvoi de la société.

Il faut retenir que, par un arrêt du 11 janvier 2012, la cour d’appel de Luxembourg a rejeté la demande en paiement comme étant « irrecevable » et « mal fondée » (sic) – en réalité mal fondée : elle a considéré que, les fautes alléguées étant celles d’un administrateur dans l’exercice de son mandat, la responsabilité recherchée était de nature contractuelle et que, dès lors, la demande qui était expressément fondée sur la responsabilité quasi délictuelle devait être déclarée « irrecevable » (la Cour de cassation ajoute que c’est « par application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle » : il faut faire abstraction de ce morceau de phrase, puisqu’il correspond aux motifs de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, ayant été cassé à la suite du premier pourvoi).

À la suite de cet arrêt, le 24 février 2012, la société Récamier a donc assigné son adversaire en France, à savoir devant le tribunal de commerce de Nanterre. Elle a réclamé le paiement des mêmes sommes, en raison des mêmes faits, sur le fondement des dispositions du droit luxembourgeois relatives à la responsabilité contractuelle. L’ancien administrateur a soulevé devant la juridiction française une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée de la décision luxembourgeoise.

Après un premier appel, un premier pourvoi et un renvoi devant la cour d’appel de Versailles, cette cour a rendu un arrêt le 4 juin 2019. La cour d’appel a déclaré irrecevable l’action de la société Récamier, aux motifs que l’autorité de chose jugée par les juridictions luxembourgeoises devait s’apprécier au regard de la loi française de procédure, selon laquelle il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci (règle dite de concentration des moyens). Elle en a déduit que les parties, leurs qualités et la chose demandée étant identiques dans l’instance ayant abouti à l’arrêt de la cour de Luxembourg et dans la présente instance et la demande indemnitaire étant fondée sur la même cause, à savoir les détournements d’actifs reprochés à l’administrateur, la société Récamier ne pouvait être admise à invoquer un fondement juridique différent de celui qu’elle s’était abstenue de soulever en temps utile.

La société Récamier s’est pourvue en cassation. Pour elle, l’autorité de chose jugée de la décision luxembourgeoise ne doit pas être appréciée au regard du droit français mais doit l’être, soit au regard d’une interprétation autonome de cette notion en droit de l’Union, soit au regard du droit luxembourgeois. À l’inverse, le défendeur au pourvoi considère que la notion doit être appréciée selon les règles françaises, chaque État ayant une compétence exclusive en matière de droit processuel. L’avocat général conclut principalement à l’application du droit luxembourgeois et subsidiairement à un renvoi préjudiciel.

C’est cette dernière position que choisit la première chambre civile. Après avoir rappelé le « cadre du litige », à savoir les articles 33 du règlement « Bruxelles I », 480 du code de procédure civile, 1355 du code civil et la jurisprudence Cesareo, elle renvoie à la Cour de justice de l’Union européenne quatre questions et sursoit à statuer jusqu’à la décision de celle-ci.

Les questions sont les suivantes :

1°/ L’article 33, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence...

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Quelle autonomie de la notion d’autorité de la chose jugée ? : droit de l’Union [I]versus[/I] droit français

La Cour de cassation se demande si la définition autonome de l’autorité de la chose jugée concerne l’ensemble des conditions et des effets de celle-ci ou si une part doit être réservée à la loi de la juridiction saisie et/ou à la loi de la juridiction qui a rendu la décision.

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Responsabilité sans faute de l’État dans la mort de Rémi Fraisse

Plus de sept ans après le décès de Rémi Fraisse, le tribunal administratif de Toulouse accepte d’indemniser le préjudice de sa famille en application du régime de responsabilité du fait d’attroupement.

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Adoption définitive du budget de la sécurité sociale pour 2022

Encore marqué par la crise sanitaire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, porte un certain nombre de mesures en faveur du grand âge.

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Qualification de travaux de terrassement

Ne constituent pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil des travaux de terrassement et d’aménagement d’un terrain qui n’incorporent pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction, alors que la viabilisation a été effectuée par une autre entreprise et que le glissement de terrain s’est produit avant la réalisation de tout ouvrage. 

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La « tribune des 3000 » mobilise les magistrats

Diffusée mardi dernier, une tribune publiée par Le Monde montre le profond malaise que vivent actuellement les magistrats et les greffiers. La Chancellerie tente d’y répondre. Parallèlement les syndicats s’organisent.

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La « tribune des 3000 » mobilise les magistrats

Écrite en réaction au suicide d’une jeune magistrate, la tribune publiée par Le Monde évoque la souffrance du monde judiciaire, face à la surcharge de travail et la perte de sens : « L’importante discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien fait perdre le sens à notre métier et crée une grande souffrance. […] nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre tout et comptabilise tout. » Dimanche soir, elle avait été signée par 4 744 magistrats, 436 auditeurs de justice et 945 greffiers. Soit plus de la moitié des magistrats.

Si la magistrature est loin d’être un corps calme, cette mobilisation reste très importante. Pour Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, elle témoigne des effets de la charge de travail qui pèse sur les personnels, le manque de moyen, et la perte de sens. « Cette perte de sens est liée avec un productivisme, imposé par les dernières réformes : juge unique, médiation préalable obligatoire, échanges écrits, multiplication des visioconférences pour éviter des extractions. Au-delà des moyens, la tribune évoque des choses plus essentiels sur le sens de nos fonctions aujourd’hui ».

Céline Parisot, président de l’Union syndicale des magistrats, va dans le même sens : « Il y a une prise de conscience en juridiction que les choses sont allées trop loin et que nous avons accepté de travailler dans des situations indignes pour les personnels, comme pour les justiciables. Nous ne pouvons rendre une justice de qualité dans des conditions aussi dégradées. »

La critique persistante du manque de moyens

Cette mobilisation arrive alors qu’Éric Dupond-Moretti vient de faire voter sa loi et qu’il se félicite d’une nouvelle hausse du budget de 8 % (P. Januel, Dalloz actualité, 11 oct. 2021). Les magistrats modèrent cette hausse : le programme justice judiciaire n’augmentera que de 3,5 %, et seuls 50 postes de magistrats et 47 de greffiers seront ouverts. Si la vacance a diminué, sur le terrain, il reste des postes non-pourvus, notamment chez les greffiers. Pour Cyril Papon, secrétaire générale de la CGT des Chancelleries et services judiciaires, « il y a une autosatisfaction sur l’augmentation du budget – le doublé budgétaire – alors qu’on ne ressent pas d’amélioration au quotidien. Le décalage entre le discours et la réalité de terrain est très fort ».

À la Chancellerie, on assume le choix de n’avoir priorisé des recrutements de personnels non permanents. Selon l’entourage du ministre, « il faut 31 mois pour former un magistrat, 18 pour former un greffier. Face à l’urgence, les efforts sur les effectifs ont été mis sur l’équipe autour des magistrats, avec le recrutement de 2 100 personnes en moins d’un an et des retours très positifs de la part des juridictions. »

Mais pour les magistrats, cet effort reste insuffisant par rapport aux besoins. Le caractère précaire et temporaire des personnels est souvent regretté. Par ailleurs, pour Céline Parisot : « les personnels recrutés pour la justice pénale de proximité, l’ont été pour des missions supplémentaires, notamment les violences intrafamiliales ».

Autre critique récurrente : le retard informatique. Si les matériels sont arrivés dans les juridictions, les applications sont souvent obsolètes. Les grands projets informatiques n’ont pas encore abouti et la justice paye aujourd’hui le retard accumulé depuis quinze ans.

Les magistrats demandent un rattrapage sur les postes. Pour Katia Dubreuil, « Il y a un refus de la Chancellerie depuis dix ans d’avancer sur le référentiel de la charge de travail des magistrats. Aucun ministre n’a voulu aboutir, car cela reviendrait à constater le manque de poste. » Dans l’entourage d’Éric Dupond-Moretti, on indique : « Le ministre, qui a obtenu des augmentations budgétaires historiques pour 2021 et 2022, a toujours dit qu’il reste encore beaucoup à faire et qu’il a d’abord fallu réparer les urgences. Mais c’est aux États généraux de dire notamment quel sera le bon chiffre de magistrats. »

Une mobilisation en plein États généraux de la justice

La mobilisation autour de cette tribune arrive où les relations entre le ministre et les syndicats de magistrats sont exécrables. Elle heurte aussi le processus des États généraux de la justice (P. Januel, Dalloz actualité, 19 oct. 2021). Pour l’instant les magistrats ne se sont pas emparés du processus lancé par le président de la République, à la demande des hauts magistrats de la Cour de cassation. Pour Katia Dubreuil, « il y a un rejet unanime sur ce vers quoi tendent les États généraux. Les questionnaires montrent que la Chancellerie reste dans la même logique : déjudiciarisation, barémisation, plaider-coupable en matière criminelle, … »

Pour la Chancellerie, « le ministre reste à l’écoute, il a d’ailleurs reçu les représentants des conférences lundi, les syndicats de greffiers mardi et doit prochainement revoir le groupe des trente », qui représente les signataires de la tribune. Parallèlement, l’intersyndicale s’organise et elle s’est retrouvée hier. L’un des projets était de solliciter les juridictions, afin de les interroger sur les manques de personnels.

Une loi pour réduire l’empreinte environnementale du numérique

La loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite loi REEN, contient toute une panoplie de mesures destinées à garantir le développement en France d’un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux.

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Élections professionnelles : le cadre dirigeant, un électeur comme les autres ?

En privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du CSE, au seul motif qu’ils disposent d’une délégation écrite d’autorité ou d’un tel pouvoir de représentation, les dispositions de l’article L. 2314-18 (interprétées par la Cour de cassation) porte une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs.

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Mesure d’instruction préventive : absence de nécessité d’établir de bien-fondé de la prétention susceptible d’être soulevée au fond

La Cour de cassation rappelle que le prononcé d’une mesure d’instruction préventive ne suppose pas d’établir le bien-fondé de la prétention susceptible d’être soulevée au fond. La chose paraît assez opportune au regard non seulement de l’office du juge des référés ou des requêtes, mais également de la nécessité de ne pas conditionner trop strictement le prononcé de mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

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Mesure d’instruction préventive : absence de nécessité d’établir de bien-fondé de la prétention susceptible d’être soulevée au fond

Celui qui demande au juge d’ordonner une mesure d’instruction préventive, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, doit-il établir le bien-fondé de la prétention qu’il pourrait faire valoir au fond ?

La réponse à cette question ne ressort pas explicitement de l’article 145 du code de procédure civile. Certes, ce texte, qui concentre à lui seul l’essentiel du régime des mesures d’instruction préventives, prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » (l’italique est ajouté). L’emploi du conditionnel tout autant que de l’article indéfini « un » laissent entendre que « le procès n’est pas certain » (P. Théry, L’article 145 du nouveau code de procédure civile, Rev. jur. du Centre-Ouest 1988. 210, spéc. n° 4). Si le procès n’est pas certain, le litige peut vraisemblablement n’être que potentiel et il paraît bien délicat d’exiger d’une partie qu’elle prouve le succès de ses prétentions futures lorsqu’elle agit sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. C’est ce qu’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 novembre 2021.

Les faits n’appellent pas de longs commentaires. Parce qu’elle se plaignait de la poursuite de la production et de la fabrication de certains biens, en violation d’un protocole d’accord, une société a saisi sur requête le président d’un tribunal de commerce aux fins qu’il désigne un huissier de justice pour effectuer diverses missions. Le président y a fait droit, mais la cour d’appel a rétracté les ordonnances dès lors qu’il n’était pas établi que les produits fabriqués étaient véritablement entrés dans le champ contractuel si bien que la société requérante n’établissait aucun motif légitime. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a cependant censuré l’arrêt rendu dès lors que « l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée ».

Cet arrêt révèle l’équilibre subtil auquel tente de parvenir la jurisprudence : s’il n’est pas permis d’en demander trop au requérant sous peine de réduire à néant l’intérêt du dispositif prévu par l’article 145 du code de procédure civile, il ne faut pas non plus qu’une mesure d’instruction soit ordonnée sans qu’aucune condition ne soit requise....

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Dernière ligne droite pour la réforme de la haute fonction publique

Au 1er janvier, l’École nationale d’administration laisse la place à l’Institut national du service public et le corps des administrateurs de l’État remplace celui des administrateurs civils.

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Le Conseil constitutionnel valide le dispositif « anti Coyote »

Saisi par la société Coyote, le Conseil constitutionnel ne censure qu’à la marge les dispositions permettant l’interdiction, lors de contrôles routiers, de l’exploitation de services d’aide à la conduite ou à la navigation.

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