Le bond des dépenses sociales des départements

L’Observation national de l’action sociale publie sa lettre annuelle consacrée aux dépenses sociales et médico-sociales des départements. Malgré le soutien financier de l’État, la crise sanitaire a fait exploser ces dépenses. 

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De la prescription d’une créance à exécution successive après la mort du débiteur

Les problèmes de prescription des créances à exécution successive sont récurrents devant la première chambre civile de la Cour de cassation. La raison de cette abondance du contentieux tient dans la multiplicité des prêts d’argent, notamment pour l’acquisition de biens immobiliers. Or, les prêteurs de deniers attendent parfois jusqu’au dernier moment pour agir, ce qui induit des discussions autour de la prescription extinctive. L’arrêt rendu le 20 octobre 2021 par la première chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence constante de la Haute juridiction permettant ainsi, au fur et à mesure, l’essor d’un régime complet de la créance à exécution successive. Dans cet arrêt, une précision est apportée lorsque l’emprunteur meurt en cours d’exécution du remboursement du prêt.

Rappelons brièvement les faits de l’arrêt commenté. Par acte authentique du 31 octobre 2006, un établissement bancaire octroie deux prêts en devises à une personne physique. Le 7 mai 2015, l’emprunteur décède. Son assureur prend alors en charge une partie du solde restant dû. L’établissement bancaire a, pour le reste des sommes, mis en demeure les héritiers acceptants du de cujus. Toutefois, la demande reste vaine si bien que la banque prononce la déchéance du terme le 5 décembre 2017, soit deux ans après la mort de son cocontractant ; décision qui précède un commandement de payer aux fins de saisie-vente au début de l’année 2018. Les héritiers du débiteurs assignent alors l’établissement bancaire devant le juge de l’exécution pour obtenir la mainlevée de la saisie et voir l’action en paiement prescrite. Le tribunal d’instance d’Auch a rejeté l’exception de prescription soulevée par les héritiers de l’emprunteur. En appel, les juges du fond déclarent la créance prescrite en prenant comme postulat que la mort avait entraîné l’exigibilité du solde restant dû. La prescription avait pu, pour les juges du fond, commencer à courir à partir de la date à laquelle le créancier avait eu connaissance de l’identité des héritiers de son emprunteur, soit le 2 décembre 2015. Le commandement aux fins de saisie-vente était alors postérieur à l’écoulement du délai de prescription de l’article L. 218-2 du code de la consommation selon la cour d’appel d’Agen. Voici donc l’action en recouvrement de la banque prescrite pour les juges du fond. L’établissement bancaire se pourvoit par conséquent en cassation en arguant d’une interprétation erronée de l’exigibilité du solde restant dû, laquelle n’avait pas de lien avec la mort du débiteur.

Dans sa motivation, la Cour de cassation précise « qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l’emprunteur ». La violation de la loi est alors consommée justifiant une cassation de l’arrêt.

Cette décision est l’occasion d’un rappel connu sur la division de la prescription et d’une précision très intéressante en cas de mort de l’emprunteur sur l’exigibilité des sommes restant dues.

Le rappel d’un principe désormais acquis : la division de la prescription

La Cour de cassation rappelle in extenso son attendu de principe sur la question dont la formulation est héritée d’un revirement de jurisprudence important (Civ. 1re, 11 févr. 2016 (quatre arrêts), nos 14-22.938, 14-27.143, 14.28-383 et 14.29-539, D. 2016. 870 image, note M. Lagelée-Heymann image ; ibid. 2305, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; ibid. 2017. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2016. 445 image, obs. G. Valdelièvre image ; RDI 2016. 269, obs. H. Heugas-Darraspen image ; RTD civ. 2016. 364, obs. H. Barbier image ; sur ce point, F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil - Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 1844, n° 1770). L’état antérieur de la question pouvait donner l’impression d’un certain désordre comme le note un auteur dans sa thèse de doctorat (P.-E. Audit, La « naissance » des créances, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèses », vol. 141, 2015, préf. D. Mazeaud, spéc. nos 1 s., p. 1 s.). La solution de 2016 avait alors tranché un vieux problème sur la conception même de l’obligation et notamment des créances à exécution successive : s’agit-il d’une créance unique formant une sorte de continuum (E. Putman, La formation des créances, Aix-en-Provence, thèse, J. Mestre [dir.], 1988, p. 152, n° 138) ou d’une pluralité de créances différenciées (P. Ancel, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD civ. 1999. 771 image). Le revirement de jurisprudence de 2016 se rapproche plutôt de la seconde théorie : la division de la dette implique une pluralité de délais de prescription débutant à retardement avec chaque exigibilité (sur ce point et sur le débat, C. Hélaine, L’extinction partielle des dettes, thèse, Aix-en-Provence, V. Égéa et E. Putman [dir.], 2019, p. 83 s., nos 69 s.). Le solde restant dû, quant à lui, n’est exigible qu’au moment où la banque prononce la déchéance du terme. La solution est désormais acquise en droit positif. 

Le rappel opéré par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté n’est pas le premier, ni probablement le dernier de ces arrêts rappelant plus ou moins utilement l’attendu désormais connu par tous les commentateurs des questions de prescription. Tous les arrêts postérieurs de la Cour de cassation ont rejoint cette ligne directrice (par ex., Civ. 1re, 4 juill. 2019, n° 18-19.135) dont la Haute juridiction ne dévie quasiment jamais. Notons donc utilement que ce n’est pas sur ce point que la cassation intervient. Les juges du fond avaient parfaitement utilisé cette partie de la jurisprudence sur les créances à exécution successive.

La difficulté résidait, en réalité, sur la mort de l’emprunteur et sur l’exigibilité automatique ou non du solde restant dû.

La précision sur l’incidence de la mort du débiteur : du point de départ de la prescription du solde restant dû

Une lecture de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Agen le 30 septembre 2019 nous permet de comprendre la difficulté : le problème se situe dans la motivation de la décision lorsque les juges du fond estiment que « le décès constitue l’évènement qui rend la créance exigible ». Cette formulation prête nécessairement le flanc à la cassation. Au décès de l’emprunteur, la dette continue d’exister d’abord dans la masse successorale puis dans chaque patrimoine des héritiers acceptant la succession. C’était le cas ici puisque deux héritiers, les parents du de cujus, avaient recueilli les droits de leur fils. La dette est donc passée d’un patrimoine à un autre et, avec elle, ses modalités, ici son terme. La déchéance du terme n’a été prononcée que presque deux ans après, le 5 décembre 2017. Le solde restant dû n’était donc pas exigible, en l’état, jusqu’à cette date. Le raisonnement des juges du fond restait intéressant, sans cette erreur sur l’exigibilité du solde restant dû. Citant un arrêt de 2017 (Civ. 1re, 15 mars 2017, n° 15-27.754), la cour d’appel d’Agen avait estimé que le point de départ de la prescription devait être fixé au moment où les héritiers de l’emprunteur étaient connus par l’établissement bancaire.

Quelle aurait été la démarche pertinente selon la Cour de cassation ? De la lecture de l’arrêt, on comprend qu’il fallait procéder en deux étapes. D’une part, attendre que l’établissement bancaire prononce la déchéance du terme pour que l’exigibilité du solde restant dû soit acquise et que sa prescription puisse commencer à courir. C’est ce qui est arrivé le 5 décembre 2017 d’après les faits. À partir de ce moment-là, deux possibilités : soit l’emprunteur connaît l’identité des héritiers et le délai de deux ans peut commencer à courir, soit l’emprunteur ne connait pas les héritiers et le point de départ de la prescription est différé à cette révélation. Il n’était pas contesté que l’emprunteur ait appris l’identité des héritiers par courrier assez rapidement après le décès de l’emprunteur et même avant la déchéance du terme. La question ne posait donc pas difficulté. Les héritiers ne pouvaient donc pas soulever l’irrecevabilité de l’action en recouvrement. La solution rendue, et l’adaptation de celle-ci avec l’interférence de la mort du débiteur, nous paraît par conséquent plutôt originale car il s’agit de l’une des rares solutions se penchant sur le problème précisément.

Dans sa conception classique, le droit des successions organise une continuité du défunt par les héritiers reprenant l’actif comme le passif en fonction de l’orientation de leur option successorale. À partir de ce moment, c’est à l’emprunteur de réagir rapidement en fonction de la date de déchéance du terme pour agir contre les héritiers. La mort du débiteur n’entraîne pas, par conséquent, l’exigibilité de l’intégralité de la dette. En ce sens, la solution est conforme tant au droit des successions qu’à la théorie générale de l’obligation.

De la prescription d’une créance à exécution successive après la mort du débiteur

La Cour de cassation rappelle que la mort de l’emprunteur n’entraîne pas l’exigibilité automatique du capital restant dû. Seule la déchéance du terme peut entraîner cette exigibilité et avec elle le point de départ de la prescription.

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L’Agence de la biomédecine, un modèle original au service de la loi de bioéthique

Découvrir l’intégralité du dossier "La santé" du numéro 2021 de la revue Justice&Cassation.

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La création de l’Agence de la biomédecine s’inscrit dans le mouvement général, particulièrement prononcé dans le secteur de la santé, de créations d’agences ou d’opérateurs auxquels est confiée l’exécution de politiques publiques. L’Agence de la biomédecine (ABM) est issue de l’Établissement français des greffes (EFG), qui avait été institué par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. La création de l’EFG répondait au besoin d’encadrement et d’accompagnement d’une activité de transplantation sensible, très technique et soumise à de fortes tensions du fait de la rareté des organes disponibles au regard de besoins croissants. Comme pour d’autres agences ou opérateurs, si elle répondait ainsi au souhait de disposer d’une expertise dans un domaine très spécialisé, elle intervenait aussi en réponse à des difficultés, qui avaient pu ébranler la confiance de la population avec des conséquences négatives immédiates sur le don d’organes1.

Les résultats obtenus par l’EFG, comme le besoin d’encadrement et d’accompagnement d’autres activités médicales et scientifiques de pointe et tout aussi sensibles, ont conduit à l’extension de son champ de compétences par la création d’une institution profondément originale, l’ABM. Si l’ABM n’est pas forcément l’agence la plus connue, les liens étroits qu’elle entretient avec la loi de bioéthique, et la révision périodique de celle-ci lui assurent une certaine exposition et renforcent sa spécificité.

L’Agence de la biomédecine, un modèle d’agence sanitaire original

L’ABM, une agence sanitaire à part entière

En créant, avec l’EFG, un établissement public national dédié à la transplantation et en en confiant la direction au professeur Didier Houssin, spécialiste des greffes hépatiques pédiatriques et futur directeur général de la santé, il s’agissait de rétablir un climat de confiance, au sein des établissements de santé et parmi la population, essentiel au bon déroulement de cette activité, et d’œuvrer au développement de celle-ci.

La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique a substitué à l’EFG l’Agence de la biomédecine, avec un champ de compétences étendu. D’une part, la nouvelle agence intègre l’Association France greffe de moelle, association créée par le professeur Jean Dausset, immunologue français et prix Nobel de médecine2, et donc la gestion du registre français de donneurs de moelle osseuse3. D’autre part, alors qu’initialement avait été envisagée la création d’une Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaines, il est décidé de regrouper ces activités au sein d’une « Agence du vivant ».

Concrètement, l’ABM a en charge quatre grands domaines :

le prélèvement et la greffe d’organes et tissus ; le prélèvement et la greffe de cellules souches hématopoïétiques – la moelle osseuse ; l’assistance médicale à la procréation ; l’embryologie et la génétique humaines (examen des caractéristiques génétiques, diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire), y compris la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines.

C’est ce qui lui permet de couvrir aujourd’hui toutes les thérapeutiques utilisant des éléments et produits du corps humain, à l’exception du sang. Ces différents champs de compétence ont en commun de faire appel à une expertise pluridisciplinaire de haut niveau, médicale et scientifique, mais aussi juridique et éthique. Ils partagent aussi le fait d’être d’une grande sensibilité, touchant à la vie, à la mort, à l’intime et à l’humanité, dans leur rapport avec la médecine et la science.

Pour accomplir ses missions, l’Agence emploie environ 250 personnes, dont une cinquantaine en région. Il s’agit donc d’une agence à taille humaine, regroupant des femmes et des hommes ayant un sens aigu de leurs missions et de leurs responsabilités. Elle peut également s’appuyer sur la participation à ses travaux et instances de plus de 400 professionnels de santé, scientifiques et représentants des associations, avec des méthodes de travail participatives, tout en gardant à l’esprit les enjeux éthiques, d’équité et de démocratie sanitaire, ainsi que les impératifs de confiance du public et de la sécurité sanitaire.

L’ABM est une agence sanitaire. À ce titre, elle emprunte un certain nombre de caractéristiques communes à cette catégorie, pour autant qu’elle existe en tant que telle, dont la première d’entre elles est, comme il a été déjà dit, l’expertise.

Régie par les dispositions du chapitre 8 du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique4, cet établissement public est placé sous la tutelle du ministère de la Santé (CSP, art. L. 1418-1). En pratique, cette tutelle est exercée par la direction générale de la santé et donne lieu à la signature d’un contrat d’objectifs et de performance pluriannuel, qui s’articule avec des plans ministériels d’action dans les champs couverts par l’ABM, traductions de leur priorité nationale.

L’Agence dispose toutefois d’une grande autonomie. À cet égard, à la suite des autorités administratives indépendantes, son directeur général a été regardé comme ayant qualité pour représenter l’État devant les juridictions administratives dans les contentieux mettant en cause des décisions qu’il prend au nom de l’État (CE 23 déc. 2014, n° 360958, Agence de biomédecine, Lebon image ; AJDA 2015. 377 image ; D. 2015. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image).

En tant qu’agence sanitaire, l’ABM est classiquement chargée d’encadrer, évaluer et accompagner les activités dont elle a la responsabilité. Elle participe à l’élaboration de la réglementation (par exemple en ayant un pouvoir de proposition ou d’avis en matière d’édiction de règles ou recommandations de bonnes pratiques), délivre des autorisations (notamment, pour les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ou les protocoles de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines) et dispose d’une inspection spécialisée (CSP, art. L. 1418-2).

Si l’Agence accueille des fonctionnaires ou des praticiens hospitaliers par la voie du détachement ou de la mise à disposition, elle peut, eu égard à la grande technicité et spécificité de ses missions, recourir à des agents contractuels de droit public. Ceux-ci sont régis par un décret commun à plusieurs agences sanitaires, sorte de statut particulier des agences, le décret n° 2003-224 du 7 mars 2003 fixant les règles applicables aux personnels contractuels de droit public recrutés par certains établissements publics intervenant dans le domaine de la santé publique ou de la sécurité sanitaire.

Enfin, l’ABM appartient à ce qu’on appelle le « système d’agences ». À ce titre, son directeur général est membre de droit du Comité d’animation du système d’agences, le CASA5. L’ABM participe également aux réunions de sécurité sanitaire, qui se tiennent tous les mercredis matins, sous la présidence du directeur général de la santé, pour aborder notamment tous les événements sanitaires ayant un certain retentissement (covid, dengue, zika ou l’impact sanitaire de l’ouragan Irma ou des attentats).

Une institution singulière

La principale originalité de l’ABM réside dans le choix fait en France de regrouper les différentes activités dont elle a la charge au sein d’un même établissement public administratif. Ce modèle est unique, en Europe et dans le monde.

Ce caractère inédit reflète l’attachement français à la bioéthique mais aussi la diversité des approches de ces thématiques et de leur organisation dans le monde, y compris au sein de l’Europe. Ce sont des activités peu encadrées à l’international (des principes directeurs de l’OMS sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules, des déclarations de l’UNESCO sans valeur contraignante). Un des rares textes contraignants est la Convention d’Oviedo, que la France a été autorisée à ratifier par la loi de bioéthique de 2011. Mais cette Convention s’inscrit dans le système du Conseil de l’Europe et n’engage pas des pays aussi majeurs que les États-Unis ou la Chine. Les activités elles-mêmes sont organisées de façon très différente selon les pays6. C’est probablement dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation que les différences d’approche sur le fond et en termes d’organisation sont les plus marquées. Dans ce secteur, la structure qui se rapproche le plus de l’ABM est l’HFEA britannique, qui lui est d’ailleurs antérieure (Human Fertilisation and Embryology Authority).

Au-delà de cette originalité fondatrice, l’ABM se distingue par son positionnement, son fonctionnement et son organisation.

Son interlocuteur ministériel privilégié est la direction générale de la santé mais l’ABM travaille étroitement avec la direction générale de l’offre de soins. En effet, une grande part des activités dont elle a la charge se déroule dans les établissements de santé ou est assurée par les professionnels de santé. Eu égard à l’obligation de mobiliser des services et personnels très différents, une ancienne directrice générale de l’Agence répétait souvent que la greffe est le canari de l’hôpital, car de la même façon que le canari prévenait d’un coup de grisou dans la mine, quand la greffe connaît des difficultés dans un établissement donné, c’est souvent révélateur de problèmes plus structurels.

L’ABM a également des relations de travail nourries avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Non seulement parce qu’elle intervient dans des domaines donnant lieu à de la recherche de pointe (ce qu’elle encourage en finançant des appels d’offre recherche), mais aussi au titre de la délivrance des autorisations de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Ce positionnement particulier est encore plus vrai à l’égard du Parlement. En effet, la loi confie à l’ABM une mission permanente d’information du Parlement (CSP, art. L. 1418-1) et lui fait obligation de lui présenter son rapport annuel (CSP, art. L. 1418-2). Cette mission d’information est prise très au sérieux par le Parlement, ce qui donne lieu à de nombreuses auditions ou demandes d’information. Certains choix stratégiques ont d’ailleurs pu recevoir une impulsion décisive du Parlement, telle la décision de mettre en œuvre, à côté des prélèvements sur les donneurs d’organes en état de mort encéphalique et sur les donneurs vivants de rein, le protocole de prélèvement dit de « Maastricht 3 », sur les personnes décédées d’un arrêt cardiaque contrôlé, dans le cadre de la législation sur la fin de vie.

Une autre originalité de l’ABM se trouve dans ses missions. D’abord, parce qu’elles sont à la frontière du juridique, du scientifique, du médical et de l’éthique et qu’elles obligent à mobiliser des compétences très diverses et des profils qui n’ont pas forcément l’habitude de cohabiter et de travailler ensemble. Ensuite et surtout, parce que si elle assume les missions habituelles d’une agence sanitaire, l’ABM présente deux particularités.

D’une part, elle exerce des responsabilités opérationnelles. Par exemple, en matière de greffe, elle tient la liste nationale d’attente et le registre national des refus et assure la répartition des greffons. Elle doit à ce titre assurer une continuité de service H24 et 7j/7, accessible sur l’ensemble du territoire et à l’international.
D’autre part, elle a la mission légale de promotion des dons (d’organes, de moelle osseuse et de gamètes). L’inscription dans le modèle français du don éthique, anonyme, gratuit et librement consenti, suppose d’obtenir une adhésion sans faille du grand public et de maintenir sa confiance pour des sujets sensibles mais reposant sur une logique de solidarité. À ce titre, c’est l’ABM qui assure les campagnes nationales de communication sur ces différents dons , en complément des actions menées par les professionnels de santé et les associations.

Enfin, il convient de souligner la particularité tenant à la prise en compte des exigences éthiques, consubstantielle à son existence même.

Par la force des choses, parce que le progrès scientifique doit s’inscrire dans le respect de la dignité humaine, l’éthique irrigue l’ensemble des missions de l’Agence. Cette préoccupation s’est retrouvée dès l’origine dans l’organisation de l’Agence, avec la mise en place d’un organe indépendant et essentiel à son fonctionnement : le conseil d’orientation.

Aux termes de l’article L. 1418-4 du code de la santé publique, ce conseil « veille à la qualité de son expertise médicale et scientifique en prenant en considération des questions éthiques susceptibles d’être soulevées ». Il est composé de membres venant d’horizons différents : parlementaires, membres des juridictions suprêmes, associations, professionnels de santé, représentants des sciences humaines et sociales. C’est en quelque sorte un petit « Comité consultatif national d’éthique » (CCNE), à l’objet spécialisé, qui a pour mission, en intégrant des sensibilités et expériences diverses, d’éclairer le directeur général dans la prise des décisions les plus délicates, comme les autorisations de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, ou de rendre des avis sur des sujets complexes, comme les greffes de visage et d’avant-bras, l’âge de procréer dans l’assistance médicale à la procréation ou les « scores » c’est-à-dire les règles de répartition des greffons8. La présence des parlementaires mérite d’être soulignée car elle permet de faire un lien utile dans la perspective de la révision des lois de bioéthique.

Et c’est d’ailleurs là peut-être la principale particularité de l’ABM, à savoir les liens particulièrement étroits, quasi organiques, qu’elle entretient avec la loi de bioéthique.

L’Agence de la biomédecine et la loi de bioéthique

Une agence créée et régie par la loi de bioéthique et ses révisions

Les questions de bioéthique n’ont évidemment pas attendu les lois de bioéthique pour trouver une traduction législative dans notre droit interne.

C’est ainsi la loi n° 49-890 du 7 juillet 1949, dite « loi Lafay », qui a permis la pratique de la greffe de la cornée grâce à l’aide de donneurs volontaires. De même, le consentement présumé, qui veut que nous soyons tous présumés donneurs d’organes et de tissus sauf si nous avons fait connaître notre refus de notre vivant, est issu de la loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes, dite « loi Caillavet ».

Dans la période récente, des lois plus « ordinaires » peuvent aussi traiter de questions de bioéthique. Ce fut une proposition de loi qui, en 2013, fit passer la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines d’un régime d’interdiction avec dérogations à un régime d’autorisation sous conditions. Ce fut un amendement à la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui a renforcé le principe du consentement présumé en clarifiant les conditions d’expression du refus.

Quoi qu’il en soit, force est de constater que l’ABM est étroitement liée à la loi de bioéthique, certains y voyant même son « bras armé ». Son prédécesseur, l’EFG, avait été créé par les lois de 1994 et l’ABM par celle de 2004. La loi de 2011, comme le projet de loi en discussion, sont l’occasion de discussions sur la gouvernance et les missions de l’ABM. À chaque révision de la loi de bioéthique, l’ABM se retrouve au cœur des débats, situation assez originale s’il en est.

Et c’est cette même législation qui régit non seulement l’agence, mais aussi les secteurs d’activité médicaux et scientifiques qu’elle régule. Chaque révision conduit ainsi à une évolution des règles de fond, qu’il convient d’ailleurs de lire à la lumière des décisions du Conseil constitutionnel. Il revient à l’Agence de veiller à la bonne application de ces règles et à leur déclinaison. À cet égard, certains sujets sont récurrents (don d’organes, par exemple). Mais les préoccupations peuvent changer au cours du temps. Ainsi, la révision de 2011 a donné lieu à des débats nourris sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, auxquels s’ajoutent, pour la révision en cours, l’assistance médicale à la procréation et la génétique.

De ce fait, l’ABM ne peut évidemment pas se désintéresser des révisions de la loi de bioéthique.

Chaque révision constitue un moment très important de notre vie démocratique car les lois de bioéthique intéressent chacun et traduisent un certain état des équilibres sociaux et des sciences, dans le cadre d’une réflexion éthique permanente. C’est ce qui justifie la méthodologie particulière qui a jusqu’ici présidé à la révision des lois de bioéthique, avec notamment l’organisation d’états généraux.

L’Agence apporte sa contribution à cette réflexion collective, mais dans le cadre de son positionnement institutionnel qui peut ne pas être compris de ceux qui voudraient l’attraire dans le débat public. En tant qu’établissement public sous tutelle, elle n’a pas à prendre parti dans les débats de société. Elle apporte son expertise, au gouvernement et au Parlement, ainsi qu’aux autres acteurs institutionnels associés à la réflexion.

Si l’on prend l’exemple de la révision en cours, l’Agence a été amenée à répondre aux demandes d’information du gouvernement et du Parlement ainsi que du CCNE. Elle a participé à de nombreuses auditions, notamment par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques mais aussi par les commissions des Assemblées ou par le groupe de travail constitué au Conseil d’État en vue de l’étude sur le cadrage juridique préalable au réexamen de la loi relative à la bioéthique.

Surtout, pour éclairer les états généraux et nourrir les discussions et débats, l’Agence avait rendu publics trois documents9:

d’une part, un état de l’encadrement juridique international pour donner un éclairage international ; d’autre part, une actualisation du rapport d’information au Parlement et au gouvernement sur l’état des sciences et des connaissances, ouvrage de veille scientifique ; enfin, un bilan d’application de la loi de bioéthique qui, dans chaque champ de compétence de l’Agence, rappelait le cadre juridique applicable, présentait sa mise en œuvre et proposait quelques pistes de réflexion.

Ce dernier rapport avait ainsi fait ressortir trois grands types de situation :

les questions de société, très présentes dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation (extension de son champ au-delà des strictes indications médicales, autoconservation des gamètes en dehors de la préservation de la fertilité, anonymat des donneurs, AMP post mortem, etc.) ; les questions d’ajustement10, du fait de difficultés de mise en œuvre ou en raison de l’évolution des pratiques médicales ; les questions nées de la généralisation de nouvelles technologies, d’évolution voire de rupture dans les sciences, les connaissances et les techniques. Il suffit de penser à l’édition du génome et la révolution issue de la technologie Crispr-Cas911.

Enfin, l’Agence apporte bien évidemment son concours aux ministres, et à leurs services, lors des débats parlementaires.

Une agence confrontée à la « juridictionnalisation » de la loi de bioéthique

La chose contentieuse n’est pas étrangère à l’Agence de la biomédecine.

Elle peut, à de rares occasions, voir sa responsabilité recherchée, parfois au titre de l’EFG, pour des greffes qui se seraient mal passées ou n’auraient pas donné les résultats espérés des patients. Mais dans la chaîne allant du prélèvement à la greffe, l’essentiel, sur le plan médical, se joue à l’hôpital (v. par ex., CE 27 janv. 2010, n° 313568, Hospices civils de Lyon, Centre hospitalier universitaire de Besançon, Lebon image ; AJDA 2010. 180 image ; D. 2011. 2565, obs. A. Laude image ; RFDA 2011. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier image ; RDSS 2010. 501, note J. Peigné image ; RTD eur. 2010. 975, chron. D. Ritleng, J.-P. Kovar et A. Bouveresse image).

Un des domaines d’élection des contentieux intéressant l’Agence, outre quelques autres plus ponctuels, notamment en matière de diagnostic prénatal12, concerne les autorisations relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, dont la sensibilité est évidente. Cette situation préexistait d’ailleurs à la création de l’Agence (v. pour une décision rendue en référé contre une autorisation ministérielle d’importation de cellules, CE 13 nov. 2002, n° 248310, Association Alliance pour les droits de la vie, Lebon image ; AJDA 2002. 1506 image, concl. D. Chauvaux image ; D. 2003. 89 image, note H. Moutouh image). Mais les possibilités de recherche ouvertes depuis la révision de 2004 ont changé la donne et ont justifié l’apport de précisions par le juge, par exemple sur l’obligation de motivation (CE 23 déc. 2014, n° 360958, Agence de biomédecine, Lebon image ; AJDA 2015. 377 image ; D. 2015. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image), ou sur le cadre réglementaire (CE 8 juin 2016, n° 389450, Fondation Jérôme Lejeune).

Ce domaine contentieux a connu un dynamisme prononcé ces derniers temps, notamment depuis une série de jugements de juin 2015, qui, outre la question désormais classique de savoir si la recherche aurait pu être menée sans recourir à des embryons et des cellules souches embryonnaires humaines, interrogeait les conditions du consentement des personnes dont sont issus les embryons. On n’entrera pas ici dans les détails de cette question complexe. On notera seulement que des éclairages importants ont été apportés par le juge (v. par ex., pour le cas des cellules importées, CE 28 juill. 2017, n° 397413, Fondation Jérôme Lejeune ; pour l’application dans le temps des règles de consentement, CE 28 juill. 2017, n° 397419, Fondation Jérôme Lejeune, Lebon image ; AJDA 2017. 2451 image ; pour les modalités de contrôle par l’ABM, CE, avis, 5 juill. 2019, n° 428838, Fondation Jérôme Lejeune (Sté), Lebon image ; AJDA 2019. 2527 image).

Plus remarquable, des dispositions de principe de la loi de bioéthique donnent désormais lieu à des contentieux, nés de demandes souvent personnelles et pouvant arguer des différences de législations à l’étranger.

C’est particulièrement notable dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation, le juge ayant ainsi été amené à examiner des questions délicates et reposant sur des équilibres sensibles. À l’occasion, ceux-ci peuvent être infléchis par la prise en compte du contrôle de conventionnalité européen qui retient une approche casuistique, alors que la loi de bioéthique raisonne selon des normes éthiques générales et impersonnelles.

L’illustration la plus spectaculaire, en tout cas la plus remarquée et la plus commentée, en est donnée par la décision de l’Assemblée du contentieux du 31 mai 201613, par laquelle le Conseil d’État, à propos de la règle d’interdiction des inséminations post mortem, a jugé que cette règle, dans son principe et son abstraction, était compatible avec les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales mais a aussi porté une appréciation concrète, au vu des circonstances particulières invoquées par la requérante, des effets de l’application au cas d’espèce de ces dispositions pour y déceler une éventuelle ingérence disproportionnée. Cette dialectique du contrôle abstrait et concret a fait couler beaucoup d’encre. On observera toutefois qu’elle n’a pas été systématisée (CE 28 déc. 2017, n° 396571, Lebon image ; AJDA 2018. 5 image ; ibid. 497 image, chron. S. Roussel et C. Nicolas image ; D. 2018. 528, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 2019. 505, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2018. 181, obs. J. Houssier image ; ibid. 68, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2018. 86, obs. A.-M. Leroyer image, à propos de la règle de l’anonymat absolu des dons de gamètes). Par ailleurs, en pratique, si la solution dégagée fait peser une exigence particulière sur les professionnels de l’assistance médicale à la procréation, a fortiori dans un contexte souvent dramatique, le cas de l’espèce était assez exceptionnel (une ressortissante d’un pays autorisant cette pratique et souhaitant y retourner pour y vivre). Il n’y a quasiment pas eu d’applications positives depuis, notamment pour les ressortissants français n’entretenant aucun lien avec un autre pays européen que la France14. Cette question, comme il fallait s’y attendre, a été largement débattue à l’occasion de la révision en cours de la loi de bioéthique.

En tout cas, dans la période récente, plusieurs règles de principe, auxquelles doit veiller l’ABM, ont été soumises au contrôle du juge (y compris, le cas échéant, européen). C’est l’exemple, indiqué précédemment, de la règle d’anonymat des donneurs de gamètes. C’est aussi le cas de l’interprétation de la notion d’« âge de procréer », qui conditionne l’accès à l’assistance médicale à la procréation (CE 17 avr. 2019, n° 420468, Lebon image ; AJDA 2019. 901 image ; D. 2019. 944 image ; ibid. 2020. 843, obs. RÉGINE image ; AJ fam. 2019. 309, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2019. 557, obs. A.-M. Leroyer image).

Cette évolution, qui interroge tout autant le rapport entre le législateur et le juge, renforce le rôle de l’ABM dans l’accompagnement des professionnels, peu familiers des prétoires. Le questionnement permanent que cela implique renforce d’ailleurs l’intérêt d’une instance comme le conseil d’orientation, qui permet de mêler tant les expertises scientifiques, juridiques et éthiques que les points de vue.

***

Près de quinze ans après sa création, l’ABM a démontré que son originalité était aussi sa force. Elle a ainsi pu contribuer, en lien avec ses partenaires, à ce que les exigences éthiques prennent toute leur place dans notre système de santé, y compris pour les activités les plus spécialisées et sensibles. Parce qu’elle traite de sujets qui reposent sur des équilibres particuliers et susceptibles d’évoluer, elle doit faire preuve d’anticipation et de capacité d’adaptation, dans le respect de chacun. C’est ainsi que chaque révision de la loi de bioéthique est l’occasion pour elle de se renouveler ; celle en cours n’y fait pas exception.

 

1. Par exemple, l’affaire dite « d’Amiens ». En 1991, un jeune homme était décédé après avoir été renversé par une voiture alors qu’il circulait à vélo. Un prélèvement d’organes avait été réalisé, ce dont les parents avaient été informés, mais ceux-ci avaient découvert que les cornées avaient été également prélevées.
2. On lui doit notamment la découverte du système HLA (Human Leucocyte Antigen), sorte de carte d’identité génétique tissulaire d’un individu, qui va constituer l’un des déterminants de la compatibilité pour une greffe.
3. La greffe de moelle osseuse est le traitement indiqué pour des maladies du sang, par exemple certaines leucémies ou des lymphomes. En théorie, la probabilité que deux individus pris au hasard soient compatibles est d’une chance sur un million (et une chance sur quatre avec un frère ou une sœur). De ce fait, aucun pays n’est autosuffisant. Cette activité repose donc sur l’interconnexion de 73 registres dans le monde.
4. On notera la numérotation particulièrement aisée à retenir qui en découle (1418-XX).
5. V. CSP, art. L. 1411-5-1 et le Décr. n° 2017-1590 du 20 nov. 2017 relatif à la composition et au fonctionnement du Comité d’animation du système d’agences. Placé auprès du ministre chargé de la Santé et présidé par le directeur général de la santé, ce comité assure la coordination de l’exercice des missions des agences intervenant dans le domaine sanitaire et veille à la qualité de leurs interactions et à l’harmonisation de leurs pratiques, dans l’intérêt de la santé publique et de la sécurité sanitaire.
6. V. le rapport de l’ABM sur l’encadrement juridique international dans les différents domaines de la bioéthique, actualisé en 2018 et accessible en ligne.
7. Ce qui peut donner lieu à des recours contentieux (TA Montreuil, 11 mai 2020, Association Juristes pour l’enfance, n° 1811878, à propos de la campagne nationale d’information et de recrutement pour le don d’ovocytes et de spermatozoïdes).
8. Les avis sont en ligne sur le site de l’Agence de la biomédecine.
9. Ces documents sont accessibles sur le site de l’ABM.
10. Par exemple le don croisé d’organes qui peine à se développer alors qu’il constitue une réponse possible pour les patients hyperimmunisés. Il s’agit de permettre à des paires de donneurs/receveurs de rein non compatibles de s’appareiller avec des paires dans la même situation mais compatibles si l’on croise les paires et les individus entre eux. La question posée est celle d’étendre le nombre de paires concernées et de pouvoir amorcer les chaînes, notamment par un donneur décédé, tout en veillant à protéger chacun d’éventuelles pressions ou défections.
11. Cette technologie, souvent qualifiée de « ciseaux moléculaires », permet de modifier de façon ciblée, facile et peu coûteuse l’ADN. Elle vient de valoir le prix Nobel de chimie à la Française Emmanuelle Charpentier et à l’Américaine Jennifer Doudna, qui l’ont découverte.
12. V. par ex., CE 16 déc. 2016, n° 392557, Fondation Jérôme Lejeune, Lebon image ; AJDA 2017. 500 image, à propos des recommandations de bonnes pratiques, ou, CE 17 nov. 2017, n° 401212, Fondation Jérôme Lejeune, AJDA 2018. 428 image ; D. 2018. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell image ; JA 2017, n° 570, p. 11, obs. T. Giraud image ; AJ fam. 2017. 615, obs. A. Dionisi-Peyrusse image, concernant les textes organisant le recueil et la transmission d’informations pour les besoins d’évaluation.
13. CE 31 mai 2016, n° 396848, Lebon avec les concl. image ; AJDA 2016. 1092 image ; ibid. 1398 image, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet image ; D. 2016. 1470, obs. M.-C. de Montecler image ; ibid. 1472, note H. Fulchiron image ; ibid. 1477, note B. Haftel image ; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts image ; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 935, obs. RÉGINE image ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2016. 439, obs. C. Siffrein-Blanc image ; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RFDA 2016. 740, concl. A. Bretonneau image ; ibid. 754, note P. Delvolvé image ; RTD civ. 2016. 578, obs. P. Deumier image ; ibid. 600, obs. J. Hauser image ; ibid. 802, obs. J.-P. Marguénaud image ; ibid. 834, obs. J. Hauser image ; RTD eur. 2017. 319, obs. D. Ritleng image.
14. À l’exception d’une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes, mais contre laquelle les voies de recours n’ont pas été exercées.

 

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L’Agence de la biomédecine, un modèle original au service de la loi de bioéthique

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Enlèvement international d’enfant : conditions du retour

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Ce dernier demande alors le retour des enfants au Portugal, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et du règlement Bruxelles II bis n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Le ministère public agit donc en ce sens à l’encontre de la mère, comme le prévoit l’article 1210-4 du code de procédure civile.

Cette affaire soulève la question des conditions du retour des enfants.

Si l’article 12 de la Convention pose le principe du retour immédiat de l’enfant déplacé ou retenu illicitement, l’article 13 prévoit que « l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit : a) que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour ; ou b) qu’il existe un risque...

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Enlèvement international d’enfant : conditions du retour

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Notification du jugement prud’homal : mention du périmètre territorial d’intervention des défenseurs syndicaux

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Retour sur la définition de la clause d’exclusion de garantie

Une clause qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque constitue une clause d’exclusion de garantie.

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[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique, Episode 2 : l’intelligence artificielle fait son entrée

par Orianne Merger, Rédactrice en chef du Dictionnaire Permanent Santé, Bioéthique, Biotechnologies, Editions législativesle 26 octobre 2021

Dans ce deuxième épisode, Margo Bernelin, chargée de recherche au CNRS et membre du laboratoire Droit et changement social de l’université de Nantes, revient sur l’article 17 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 qui introduit dans le droit de la bioéthique la question de l’intelligence artificielle dans le domaine médical.

Ecouter le podcast

Sur la réforme de la loi bioéthique, v. déjà notre dossier « Réforme de la loi de bioéthique ».

Webinaire du 10 décembre sur la nouvelle loi de bioéthique: s’inscrire.

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[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique, Episode 2 : l’intelligence artificielle fait son entrée

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Six mois pile après que le Conseil d’État lui avait enjoint de revoir la règlementation sur la conservation des données par les opérateurs de communications électroniques (CE, ass., 21 avr. 2021, n° 393099, French Data Network, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2021. 828 ; ibid. 1194 , chron. C. Malverti et C. Beaufils ; D. 2021.

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Accès aux œuvres culturelles : l’essentiel est validé

Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l’essentiel de la loi qui crée la nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique aux pouvoirs élargis.

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Logiciel : condamnation à trois millions d’euros pour contrefaçon

Le 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné l’éditeur ACSEP, son fondateur et des salariés pour contrefaçon de logiciel. La sanction s’élève à plus de trois millions d’euros et est assortie d’une astreinte sur la cessation de toute reproduction et utilisation du logiciel.

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Adaptation au droit de l’Union européenne par la loi du 8 octobre 2021 : aspects de droit des sociétés et de droit financier

Si la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances – dite « DDADUE 2021 » – comporte d’importants volets de droit des transports et de droit de l’environnement, elle s’intéresse également au droit des sociétés cotées et au droit financier.

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Licéité d’une clause incluant l’indemnité de congés payés dans la rémunération variable

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Renforcement de la lutte contre la corruption : la proposition de loi Gauvain déposée

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Secret de l’avocat : colère des avocats, étonnement des parlementaires

L’article 3 du projet de loi confiance sur le secret de l’avocat, adopté par la commission mixte paritaire, suscite l’ire des représentants d’avocats. Des réactions vives, qui étonnent au Parlement. L’étude finale du texte aura lieu le 16 novembre.

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Nullité du forfait jours en cas d’insuffisance des modalités de suivi de la charge de travail

La convention ou l’accord collectif instituant le régime du forfait jours doit prévoir les garanties assurant un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. À défaut, les conventions de forfaits peuvent encourir la nullité.

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Suspension des arrêtés autorisant les chasses traditionnelles

C’est tout sauf une surprise. Le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu les huit arrêtés du 12 octobre par lesquels le gouvernement avait tenté d’autoriser  à nouveau des méthodes de chasse traditionnelles aux oiseaux jugées contraires au droit européen par le Palais-Royal en août dernier.

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Le dépôt d’une marque n’est pas un acte de contrefaçon

Dans deux arrêts qui rompent avec sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a décidé que le seul dépôt d’une marque ne peut constituer un acte de contrefaçon. En effet, un dépôt n’est pas une utilisation dans la vie des affaires et ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque.

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Clause de pollution, délivrance conforme et garantie des vices cachés

Doit être censuré l’arrêt jugeant que le vendeur n’a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme, alors que la clause de pollution n’a pas été reprise dans l’acte de vente et que l’inconstructibilité du terrain constitue non un défaut de conformité, mais un vice caché de la chose vendue.

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Où expédier la notification du recours en matière d’urbanisme ?

La notification du recours en matière d’urbanisme à la société bénéficiaire de l’autorisation contestée est considérée comme régulière si elle est envoyée à l’adresse figurant sur l’acte attaqué ou au siège social.

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Nature des dépenses intégrées au calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Une quote-part des dépenses des services et directions transversaux de la collectivité peut être prise en compte dans les dépenses de fonctionnement du service de collecte et de traitement des ordures ménagères.

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Petite pause automnale

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause la semaine du 1er novembre.

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L’impossible action directe en assurance de non-représentation des fonds

M. Mariani, un administrateur judiciaire défaillant, fait à nouveau couler beaucoup d’encre (par ex. multi, L. Leroux, Aix : sept ans de prison pour Guy Mariani. L’ex-administrateur judiciaire est reconnu coupable du détournement de sommes colossales, La Provence.com, 9 sept. 2011) depuis quelques mois, les suites de ses pratiques « professionnelles » et financières venant de faire l’objet d’une énième décision devant la Cour de cassation. Après l’arrêt de la deuxième chambre civile du 17 décembre 2020 qui portait déjà sur les conséquences de certains de ses détournements de fonds avec d’autres sociétés – pour des sommes importantes (20 215 996 francs ou 3 081 908,72 € dans cette affaire) –, et sur une question technique de l’assurance pour compte souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 image ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image), est dernièrement tombé, pour des fonds « disparus » dans le cadre de mandats distincts, un autre arrêt le concernant, du 14 octobre 2021, et qui pose désormais la question du jeu de l’action directe dans cette assurance de non-représentation des fonds (n° 19-24.728).

En l’espèce, à l’origine de cette dernière affaire, l’administrateur judiciaire a été désigné par jugement du 4 octobre 1998 en qualité de commissaire à l’exécution d’une mesure de concordat concernant deux sociétés, placées en règlement judiciaire. L’administrateur judiciaire a été mis en examen par un juge d’instruction. L’administrateur provisoire (M. Gillibert) de l’étude Mariani a déclaré le 5 novembre 1998 à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) un sinistre résultant de la non-représentation de fonds pour un montant provisoire. La Caisse de garantie a ensuite régularisé une déclaration de sinistre globale auprès de la société Axa courtage, son assureur de première ligne, et de la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz, son assureur de seconde ligne.

Une expertise a été ordonnée en référé en vue de déterminer la nature et l’étendue des prélèvements effectués par l’administrateur judiciaire concernant notamment les sociétés placées en règlement judiciaire. Les 13 et 15 mai 2015, l’administrateur provisoire désigné en qualité de commissaire à l’exécution du concordat desdites sociétés, a assigné, ès qualités, la Caisse de garantie et la société Allianz en garantie de la non-représentation des fonds exigibles de M. Mariani. Le 11 mars 2016, la société Gillibert et associés, ès qualités, est intervenue à l’instance aux lieu et place de M. Gillibert (l’administrateur provisoire).

Les fondements légaux de la solution

Par un arrêt en date du 24 septembre 2019, la cour d’appel condamne la société d’assurance à verser à la société de l’administrateur provisoire ès qualités la somme de 1 089 174,75 €. La cour d’appel juge que la société d’assurance est tenue dans les termes et limites de la police d’assurance n° 65 062 682 au titre de la non-représentation de fonds imputable à l’administrateur judiciaire défaillant. L’arrêt rappelle les dispositions de l’article L. 814-4 du code de commerce instituant l’obligation pour chaque administrateur judiciaire ainsi que pour chaque mandataire judiciaire inscrit sur les listes de s’assurer contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l’exercice de leurs mandats (Paris, 24 sept. 2019).

L’article L. 814-3 du code de commerce et l’objet de l’assurance

L’arrêt d’appel ajoute que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie a vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions et que bien que l’action dirigée contre elle soit soumise à un régime probatoire plus favorable puisque sa garantie joue sur la seule justification de la non-représentation des fonds en application du 6e alinéa de l’article L. 814-3 du code de commerce, il n’en demeure pas moins que l’action de la société Gillibert ès qualités s’analyse en une action directe de la victime contre l’assureur. L’arrêt en déduit que, compte tenu de l’objet de la police d’assurance en cause, l’irrecevabilité soulevée par la société d’assurance concernant l’action directe de la société Gillibert doit être écartée, cette faculté étant expressément prévue par l’article L. 124-3 du code des assurances (Paris, 24 sept. 2019).

La société d’assurance de seconde ligne réalise un pourvoi en cassation aux termes duquel elle soutient que « que l’action directe ne peut être exercée qu’à l’encontre de l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage ; que la non-représentation des fonds à un créancier, au sens de l’article L. 814-3 du code de commerce, doit être garantie par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, laquelle peut s’assurer jusqu’à hauteur de 80 % contre ce risque ; que cette assurance s’analyse en une assurance de dommages et non une assurance de responsabilité ; que seule la Caisse de garantie peut en bénéficier ; qu’en l’espèce, la société Allianz faisait valoir que la société Gillibert ès qualités ne disposait d’aucune action directe à son encontre au titre de la non-représentation de fonds imputable à M. Mariani, dès lors que l’assurance de non-représentation sur le fondement de laquelle la société demandait sa condamnation était une assurance de dommages souscrite par la Caisse de garantie, et non une assurance de responsabilité ; qu’en décidant que l’action de la société Gillibert s’analysait en une action directe de la victime contre l’assureur et que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie avait vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions, peu important le régime probatoire de cette action, ce dont elle a déduit que cette action était recevable, la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances ».

Par un arrêt rendu le 14 octobre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation suit la demanderesse au pourvoi et censure la cour d’appel au visa de l’article L. 814-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à la cause, et de l’article L. 124-3 du code des assurances.

L’article L. 124-3 du code des assurances et l’action directe en assurance de responsabilité civile

La Cour de cassation rappelle qu’« aux termes du premier texte, une caisse dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants a pour objet de garantir le remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus ou gérés par chaque administrateur judiciaire et par chaque mandataire judiciaire inscrits sur les listes, à l’occasion des opérations dont ils sont chargés à raison de leurs fonctions. La garantie de la caisse joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l’article 2298 du code civil et sur la seule justification de l’exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire inscrits sur les listes. La caisse est tenue de s’assurer contre les risques résultant pour elle de l’application du code de commerce » (Civ. 2e, 14 oct. 2020, n° 19-24.728 F-P, pt 7).

Il en résulte, selon la Haute juridiction, que l’assurance ainsi souscrite par la Caisse de garantie est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants (pt 8). En effet, pour le parallélisme des formes, les agréments administratifs des entreprises d’assurance se font par branche. Selon l’article R. 321-1 du code des assurances, la branche 13 est celle de la responsabilité civile générale, la branche 15 porte sur la caution et la branche 16 est relative aux pertes pécuniaires diverses.

La Cour de cassation ajoute qu’aux termes du second texte, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (pt 9).

Les magistrats du Quai de l’horloge en concluent que la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances en statuant comme elle l’avait fait, alors que « l’assurance souscrite pour elle-même par la Caisse de garantie au titre de sa garantie de non-représentation des fonds, contrairement à celle souscrite par son intermédiaire par ses cotisants en application de l’article L. 814-4 du code de commerce, n’est pas une assurance de responsabilité et n’ouvre pas, dès lors, aux créanciers auxquels des fonds n’ont pas été représentés une action directe contre l’assureur de la Caisse de garantie » (pt 12). Pour déterminer le jeu de l’action directe, la distinction des contrats à objet différent, et de l’assuré, est ainsi primordiale.

L’explication de la solution

La jurisprudence « a, depuis longtemps, reconnu une action directe au profit des victimes contre l’assureur du responsable (Civ. 14 juin 1926, S. 1927. I. 57, note L. Josserand), et ce en dépit de l’absence de tout fondement légal. Il s’agit du droit donné à la victime d’agir directement contre l’assureur du responsable de son préjudice (C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, n° 843). L’action directe a été consacrée par la loi du 17 décembre 2007, venant compléter l’article L. 124-3 du code des assurances d’un nouvel alinéa : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Celui-ci donne aux victimes un droit propre doté de la force de l’ordre public » (Y. Avril et A. Cayol, Les aspects processuels en assurance de responsabilité, in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 274).

L’action directe non étendue aux assurances de choses

Il est vrai que classiquement, l’unique terrain de jeu de l’action directe de la victime contre l’assureur est celui de l’assurance de responsabilité civile (pour une analyse approfondie, v. D. Noguéro, Aspects de l’action directe en droit français des assurances de responsabilité, in Dimensiones y desafíos del seguro de responsabilidad civil, éd. Thomson Reuters, Civitas, Espagne, Abel B. Veiga Copo [dir.], Miguel Martínez Muñoz [coord.], 2021, Capítulo 24, p. 703). Si l’action directe est réservée à la victime (ou à ses héritiers après son décès) et aux personnes subrogées dans ses droits, elle peut parfaitement être exercée, par exemple, par le liquidateur d’une société. La Cour de cassation a ainsi jugé, dernièrement, qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l’assureur en exerçant contre ce dernier une action directe. En effet, « comme le souligne la chambre commerciale, le liquidateur avait, en l’espèce, « agi en qualité d’organe de chacune des procédures et en représentation de l’intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte » (R. Bigot et A. Cayol, Paiement de l’insuffisance d’actif : action directe du liquidateur contre l’assureur du dirigeant, sous Com. 10 mars 2021, nos 19-12.825 et 19-17.066 F-P, Dalloz actualité, 2 avr. 2021).

Au contraire, une telle action – dont les contours suscitent un contentieux important (v. la première partie relative à l’actualité de l’action directe, R. Bigot et A. Cayol [dir.], Chronique de droit des assurances, Lexbase, Hebdo édition privée n° 874 du 22 juill. 2021) – n’est pas ouverte aux autres assurances de dommages, celles dites de biens ou de choses. En d’autres termes, les assurances de choses ne permettent pas l’action directe du tiers lésé (Civ. 1re, 7 juill. 1993, RGAT 1994. 91, note A. Favre-Rochex). Ainsi, par exemple, l’assurance dommages ouvrage n’est pas éligible à un tel mécanisme (Civ. 3e, 8 juill. 2014, n° 13-18.763 ; comp. Civ. 3e, 10 févr. 2009, n° 07-21.170 ; Civ. 1re, 13 nov. 1996, n° 94-10.031, D. 1996. 265 image).

Dans l’affaire jugée le 14 octobre 2021, « l’action directe de l’administrateur judiciaire en tant que tiers lésé aurait sans doute eu plus de chance d’aboutir s’il avait revendiqué la mise en œuvre à son profit de l’assurance de responsabilité civile souscrite en application de l’article L. 814-4 du code de commerce » (J. Landel, L’action directe du tiers lésé n’est admise qu’en assurance de responsabilité civile, Éditions Législatives, 20 oct. 2021). La doctrine considère par ailleurs qu’« il n’est pas impossible qu’à l’occasion d’un sinistre, une personne puisse agir contre l’assureur en une double qualité : celle d’assuré pour compte (assurance de chose souscrite à son profit) et celle de tiers lésé (assurance de responsabilité souscrite par l’auteur du dommage) » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36).

À plus forte raison, la question demeurait ouverte pour la forme particulière d’assurances collectives de dommages auxquelles appartiennent les assurances de détournement de fonds dont bénéficient les justiciables et la clientèle des différentes grandes professions du droit (R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, avant-propos H. Slim, préf. David Noguéro, Defrénois, coll. « Doctorat & Notariat », tome 53, 2014, nos 58 s.).

Le doute levé pour l’assurance de non-représentation des fonds souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires

La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires a pour rôle de garantir la représentation des fonds gérés par chacun de ces professionnels du droit inscrits sur les listes nationales. À cet effet, elle est tenue de souscrire les assurances nécessaires (C. com., art. L. 814-3 ; mod. par ord. n° 2019-964 du 18 sept. 2019) – dites aussi de non-représentation des fonds (NRF) – prenant la forme d’assurances pour le compte de qui il appartiendra ou de procéder, aux termes d’un dispositif légal de solidarité interne, à des appels de fonds auprès de ces auxiliaires de justice qui abonderont pour régler la défaillance de leur confrère (H. Slim, Les garanties d’indemnisation, in La responsabilité liée aux activités juridiques, Bruylant, 2016, p. 191 s., spéc. n° 23). Articulé avec l’article L. 814-4 du code de commerce, il revient encore à la Caisse de garantie de souscrire un contrat d’assurance collective responsabilité civile – à adhésion obligatoire – pour couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que tous ces professionnels qui y cotisent encourent dans l’exercice de leurs mandats (H. Slim, La responsabilité professionnelle des administrateurs et liquidateurs judiciaires, Litec, LexisNexis, 2002, p. 3 s.) avec, selon l’article R. 814-23 du même code, « une garantie minimale de 800 000 € par sinistre et par an pour chaque personne assurée » (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 image ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier image).

L’assurance de non-représentation des fonds correspond à une figure d’assurance spéciale, principalement assimilée à une assurance pour compte (S. Cabrillac, Les garanties financières professionnelles, préf. P. Pétel, th. Litec, 2000, nos 411 s. ; Contra pour un cautionnement, P. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, préf. M. Grimaldi, th. Paris II, éd. Panthéon Assas, 2005, p. 190, n° 225 ; ou une garantie indemnitaire, I. Riassetto, Réflexions sur la nature juridique des garanties professionnelles, LPA 16 déc. 1996, p. 4 s.). Dans la pratique, l’assurance de non-représentation des fonds est parfois nommée « assurance insolvabilité » ou « assurance de responsabilité pécuniaire », cette dernière dénomination pouvant créer une certaine confusion pour le jeu de l’action directe.

Mais la Caisse de garantie, dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants (C. com., art. L. 814-3) est bien la souscriptrice de l’assurance collective pour le compte de qui il appartiendra. Ce mécanisme contractuel donnera la qualité d’assuré pour compte à toute victime potentielle d’un des membres de la profession défaillant ou son représentant (en l’espèce l’administrateur provisoire ès qualité). À ce titre, cette assurance est fondée sur une stipulation pour autrui (comp. pour les avocats, R. Bigot et M.-J. Loyer-Lemercier, Les conditions de l’assurance de non-représentation des fonds par l’avocat, sous Civ. 1re, 8 sept. 2021, n° 19-25.760, Lexbase avocats n° 318 du 7 oct. 2021). Rappelons en effet que l’assurance peut être « contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause ». Ainsi, « l’assuré pour compte peut être connu au moment de la souscription. Il peut être ou non nominativement désigné. Mais il est tout aussi possible, comme le signale l’article L. 112-1 du code des assurances, de prendre une assurance pour le compte d’une personne dont l’intérêt d’assurance n’existe pas à l’instant de la souscription. Il suffit que l’on rende déterminable cet intérêt et, en conséquence, l’assuré pour compte. […] C’est lors de la mise en jeu de la garantie que l’on constatera que tel intérêt d’assurance est atteint par le sinistre. De façon générale, on parle d’assurance « pour le compte de qui il appartiendra » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36). En d’autres termes, « si le contrat d’assurance est ordinairement conclu, à son profit, par la personne qui se trouve exposée au risque, de sorte que celle-ci cumule les qualités de souscripteur et d’assuré, la police peut également être contractée « pour le compte de qui il appartiendra », comme l’admet l’article L. 112-1 du code des assurances, les parties convenant alors d’attribuer la qualité d’assuré à un tiers au contrat » (M. Asselain, Assurance pour le compte de qui il appartiendra. – Modalités, Assurance - Droit des assurances – Chronique par P.-G. Marly, M. Asselain et M. Leroy, JCP E n° 43-44, 22 oct. 2020, 1413, n° 1).

En définitive, le critère de distinction pour l’action directe tient donc davantage dans l’objet du contrat que son éventuel titulaire. 

L’impossible action directe en assurance de non-représentation des fonds

L’assurance souscrite au titre de l’article L. 814-3 du code de commerce par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants. Cette assurance n’est pas ouverte à l’action directe à l’encontre de l’assureur.

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L’impossible action directe en assurance de non-représentation des fonds

L’assurance souscrite au titre de l’article L. 814-3 du code de commerce par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants. Cette assurance n’est pas ouverte à l’action directe à l’encontre de l’assureur.

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Les avocats protestent et l’audience passe !

Le mouvement de grève d’un barreau permet-il de juger un individu qui ne bénéficie pas de l’assistance d’un avocat alors qu’il a pourtant demander à être assisté d’un conseil ?

Telle était la question à laquelle a répondu la première chambre civile dans un arrêt du 13 octobre 2021.

Alors qu’un individu avait été placé en rétention administrative, en exécution d’un arrêté d’expulsion, il avait saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contester la décision de placement en rétention, ce à quoi le préfet avait riposté en demandant de prolongation de la mesure. Appel de l’ordonnance avait été interjeté devant le premier président de la cour d’appel de Paris, lequel devait statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine, en application des articles L. 552-9 et R. 552-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (jusqu’à son abrogation du décr. n° 2020-1734 du 16 déc. 2020).

Malheureusement, au jour de l’audience, le barreau parisien avait décidé d’un mouvement de grève, si bien que, malgré toutes les demandes de la personne retenue, aucun avocat n’a pu lui être trouvé. Parce qu’un jugement devait être rendu dans un délai bref, le premier président a néanmoins statué sur le fond et ordonné la prolongation de la durée de rétention. Sa décision n’a pas manqué d’être contestée par la personne retenue qui a formé un pourvoi en cassation. Elle faisait valoir devant la Haute juridiction qu’aucune circonstance insurmontable à l’assistance d’un avocat n’était caractérisée en l’espèce, alors que le délai dont disposait le premier président pour se prononcer n’expirait que le lendemain du jour où il avait entendu les parties à 12h45 ; en somme, sans contester le fait qu’un mouvement de grève du barreau puisse parfois constituer une circonstance insurmontable, le pourvoi reprochait au premier président de ne pas avoir attendu quelques heures de plus, heures qui auraient peut-être permis au retenu de bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Le pourvoi est cependant rejeté par la première chambre civile de la Cour de cassation qui raisonne en deux temps. D’une part, elle souligne qu’ayant relevé l’existence d’un mouvement de grève du barreau et que la procédure répondait à un bref délai, le premier président en avait déduit « à bon droit » qu’il existait un « obstacle insurmontable à l’assistance d’un conseil ». D’autre part, parce qu’aucun renvoi à une audience ultérieure ne lui était demandé, le premier président n’avait pas à s’interroger spontanément sur l’opportunité ou la possibilité d’un tel renvoi.

La procédure d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention relative au placement en rétention et à la prolongation de la durée de rétention est animée d’un souci de célérité : l’appel doit en principe être exercé dans les vingt-quatre heures du prononcé de l’ordonnance (CESEDA, art. R. 552-12) et le premier président de la cour d’appel (ou son délégué) doit statuer au fond dans les quarante-huit heures de sa saisine (CESEDA, art. L. 552-9 et R. 552-15). À l’expiration de ce délai de quarante-huit heures, qui n’est susceptible ni de suspension ni d’interruption, le premier président est dessaisi de plein droit (Civ. 1re, 5 nov. 2014, n° 13-23.063, inédit). La Cour de cassation entend appliquer strictement ce délai puisque, contre l’avis de son avocat général, elle a jugé que devait être dessaisi le premier président alors même que le délai n’avait expiré qu’en raison du comportement de l’avocat du retenu qui, selon le magistrat, avait fait en sorte que le délai de quarante-huit heures expire sans qu’une décision puisse être rendue (Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-12.367, Bull. civ. I, n° 191 ; D. 2010. 2550 image, avis D. Sarcelet image ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image).

Quarante-huit heures ! Voilà un délai extrêmement bref pour permettre d’assurer sainement le jeu du principe du contradictoire !

Certes, ce délai n’est susceptible ni d’interruption ni de suspension, si bien que le premier président excéderait ses pouvoirs si, de sa propre initiative, il radiait l’affaire du rôle parce que la personne retenue ne s’est pas présentée (Civ. 2e, 23 janv. 2003, n° 01-50.022, Bull. civ. II, n° 12 ; 29 nov. 2001, n° 00-50.099, Bull. civ. II, n° 178). Pour autant, dans ce délai de quarante-huit heures, le magistrat est parfois tenu de convoquer à nouveau la personne retenue qui n’a pu se présenter à la date et à l’heure de l’audience. La Cour de cassation l’a expressément jugé dans un cas où l’intéressé avait demandé à être entendu, mais n’avait pu se présenter malgré les instructions données au centre de rétention (Civ. 1re, 20 juin 2006, n° 05-18.776, Bull. civ. I, n° 320) et dans une hypothèse, assez similaire, où la personne était demeurée retenue au tribunal administratif (pour une durée dont le magistrat n’avait pu avoir connaissance), ce qui l’avait empêchée de se présenter à l’audience prévue (Civ. 1re, 2 déc. 2015, n° 14-26.835, Bull. civ. I, n° 304 ; D. 2015. 2564 image ; ibid. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image).

De ces quelques arrêts pouvait naître l’idée que le juge doit au mieux maitriser le délai de quarante-huit heures dont il dispose pour assurer le respect du principe du contradictoire, si bien qu’en cas de grève du barreau, il aurait dû tenter de renvoyer l’audience pour permettre à un éventuel avocat d’assister la personne retenue. C’est dans cette voie que s’était engagé le pourvoi en s’appuyant notamment l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (sans doute car l’art. 6, § 1, est inapplicable litiges concernant l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, Civ. 1re, 17 oct. 2019, n° 18-24.043, à paraître au Bulletin ; D. 2019. 2041 image ; ibid. 2020. 298, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot image). La Cour de cassation n’a cependant pas fait droit à l’argumentation du pourvoi : selon elle, le mouvement de grève du barreau constituait une circonstance insurmontable à l’assistance d’un conseil dès lors que le juge devait statuer dans un délai bref, ce qui avait déjà été jugé, en des termes presque identiques, en matière d’hospitalisation sans consentement (Civ. 1re, 13 sept. 2017, n° 16-22.819, Bull. civ. I, n° 190 ; D. 2017. 1837 image ; D. avocats 2017. 362, obs. G. Royer image ; v. égal. à propos du mouvement de grève des avocats et l’existence d’une circonstance insurmontable, Crim. 9 févr. 2016, n° 15-84.277, Bull. crim. n° 33). Il y a d’ailleurs lieu d’observer qu’un raisonnement analogue a été tenu par de nombreuses juridictions du fond (Paris, 25 janv. 2020, n° 20/00413 ; Aix-en-Provence, 15 janv. 2020, n° 20/00047), parfois même en dépit des demandes de renvoi formulées par un représentant du bâtonnier (Toulouse, 30 janv. 2020, n° 20/00086).

Certes, ce n’est pas la même chose de ne pas entendre la personne retenue, qui en a fait pourtant la demande, parce qu’elle est précisément… retenue par un (autre) service administratif et de lui refuser un conseil car l’ordre des avocats est en plein mouvement de grève. On ne peut ici mieux faire que de reprendre la formule d’une déléguée du premier président de la cour d’appel de Rouen : « ce mouvement collectif, non imputable à l’autorité judiciaire ni à l’Administration, ne peut faire échec à l’application de la loi sur les étrangers qui impose au juge de statuer dans des délais qui ne permettent pas le renvoi à une date ultérieure » (Rouen, 18 févr. 2020, n° 20/00840).

On pourrait cependant opposer à ce point de vue que l’avocat est également un auxiliaire de justice et son assistance paraît fondamentale s’agissant d’une personne étrangère qui, au-delà de l’éventuelle barrière de la langue (compensée par un interprète), ignore largement les méandres de la procédure française et n’est donc pas toujours en mesure de « présenter ses arguments de manière adéquate et satisfaisante » pour reprendre les termes du fameux arrêt Airey c/ Irlande (CEDH 9 oct. 1979, n° 6289/73, Airey c/ Irlande, n° 24, même si l’art. 6, § 1, n’est pas applicable en notre matière).

Mais il n’est pas certain qu’il existe une meilleure voie si l’on souhaite à tout prix que le juge statue dans le délai de quarante-huit heures. Certes, le juge peut toujours renvoyer l’examen de l’affaire à une audience devant se dérouler juste avant que le délai de quarante-huit heures expire… La Cour de cassation suggère même dans son arrêt qu’il puisse être saisi d’une demande en ce sens ; même si on peut douter que le retenu, sans l’assistance d’un conseil puisse formuler une telle demande, rien n’interdit au juge de l’inviter à y procéder. De là à imposer systématiquement que le juge renvoie toutes les affaires pendantes à l’extrême limite du délai de quarante-huit heures pour le cas où la grève aurait pris fin, il y a un pas qu’il ne faut sans doute pas franchir. Car cela reviendrait finalement à exiger des juridictions qu’elles statuent en quelques heures (voire demi-heures) sur ces demandes, ce qui pourrait nuire à ce que la justice soit correctement rendue (y compris au détriment de la personne retenue). C’est en réalité le délai de quarante-huit heures qu’il conviendrait d’assouplir, mais la refonte récente du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’en pas été l’occasion (CESEDA, art. R. 743-19)…

Quoi qu’il en soit, il convient de relever que la Cour de cassation a pris le soin de relever qu’il devait en l’espèce être statué dans un délai bref : c’est cette nécessité combinée au mouvement de grève du barreau qui justifie de retenir l’existence d’une circonstance insurmontable permettant d’écarter la demande d’être assisté d’un avocat. Cette solution a bien évidemment vocation à être transposée aux autres affaires où la loi exige du juge qu’il statue dans un délai très bref, ce qui soulève bien évidemment le problème de fixer un curseur adéquat (quelques jours, quelques semaines)… Elle pourrait éventuellement être étendue aux cas où factuellement une intervention urgente du juge s’impose à la condition toutefois que le juge motive cette urgence (on songe ici à des affaires instruites en référé, par exemple, lorsqu’il est demandé au juge de faire cesser un trouble manifestement illicite). En revanche, écarter le droit à l’assistance d’un avocat dans les affaires « courantes » ne serait pas justifié ; en ce cas, le respect des droits de la défense imposerait d’ordonner un renvoi d’audience…

Les avocats protestent et l’audience passe !

Parce qu’un mouvement de grève sévissait dans le barreau parisien et que, en matière d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant la prolongation d’une mesure de rétention, le premier président doit statuer dans un délai bref, la Cour de cassation a admis qu’était ainsi caractérisée une circonstance insurmontable à l’assistance d’un conseil.

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Circulaire du 4 octobre 2021 : Episode 2 - Le cadre des échanges d’informations entre l’administration fiscale et le parquet

Le 4 octobre 2021, la Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une « circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale », publiée dès le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Un texte qui s’inscrit dans un contexte global de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

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Petite brique apportée au Portail du justiciable : deux nouveaux arrêtés

Deux arrêtés du 21 octobre 2021 constituent une « nouvelle étape dans le cheminement à petits pas de la dématérialisation des procédures » et dans le déploiement du Portail du justiciable. Celui-ci est régi par l’article 748-8 du code de procédure civile, issu du décret du 3 mai 2019, dont l’alinéa 4 appelle un arrêté technique (pour l’historique récent et dense de l’art. 748-8 c. pr. civ. ; v. C. Bléry et J.-P. Teboul, Dématérialisation des procédures : saisine d’une juridiction par le Portail du justiciable, Dalloz actualité, 5 mars 2020 ; Adde C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, Nouveau décret de procédure civile : quelques briques pour une juridiction plateforme, Dalloz actualité, 24 mai 2019 ; Communication par voie électronique : publication d’un décret, D. 2019. 1058 image ; C. Bléry, Portail du justiciable : complexité juridique mais faible avancée technique, Dalloz actualité, 17 juill. 2019). Manifestation de la plateformisation de la justice (sur cette dynamique, S. Amrani-Mekki, Les plateformes de résolution en ligne des différend, in X. Delpech, L’émergence d’un droit des plateformes, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2021, p. 189 s. ; T. Douville, Le juge en ligne, in J.-P. Clavier, L’algorithmisation de la justice, Larcier, 2020, p. 123 s. ; plus généralement, F. G’sell, Justice numérique, Dalloz, 2021), il a pour fonction de mettre en relation les justiciables et les juridictions…

Selon une méthode désormais rodée – même si elle ne facilite pas la lecture –, ce sont deux arrêtés qui ont été adoptés le 21 octobre 2021 : l’un est « relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via le “Portail du justiciable” », l’autre autorise « la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Portail du justiciable” ». Le premier seul est de la procédure civile – de la communication par voie électronique (CPVE) –, le second précise les contours du traitement de données mis en œuvre à partir du Portail du justiciable (il décrit les données pouvant être collectées, les finalités du traitement, la durée de conservation des données…). Ce qui est plus surprenant, sur le plan légistique, c’est que ces deux arrêtés abrogent leurs prédécesseurs des 6 (CPVE) et 28 (traitement de données) mai 2019, déjà consolidés par deux arrêtés (CPVE et traitement) du 18 février 2020. Or, contrairement aux arrêtés de 2020 qui constituaient une vraie réforme des arrêtés de 2019, les arrêtés de 2021 relèvent, à de rares exceptions, du toilettage : en effet, le contenu des textes consolidés est repris presque à la lettre par ceux qui les abrogent. Les deux arrêtés du 21 octobre sont déjà applicables, depuis le 25 octobre, lendemain de leur publication au Journal officiel.

Notons par ailleurs, qu’un autre arrêté concernant un traitement de données avait été adopté cet été (JO 9 juill.), sans « jumeau CPVE », à savoir l’arrêté du 25 juin 2021 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Portalis contentieux prud’homal ». Il préparait l’ouverture du Portail au contentieux prud’homal, qui n’est pas encore à l’ordre du jour, sous réserve de quelques expérimentations…

Rappelons que l’article 748-8, dans sa rédaction issue du décret du 3 mai 2019 précité, a constitué une première mise en œuvre concrète de la CPVE version 2, en faisant entrer le Portail du justiciable dans le code de procédure civile et que l’article 748-3, modifié par le même décret, a accueilli la notion de « plateforme d’échanges dématérialisés »

Le Portail du justiciable permet au justiciable, depuis le 21 février 2020, d’adresser des requêtes par voie électronique à certaines juridictions civiles. Ce justiciable pouvait déjà, depuis 2019, bénéficier de la communication des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles et des avis, convocations et récépissés émis par le greffe, ainsi que de la consultation de son dossier. Depuis 2020, le portail autorise « des flux sortants de la juridiction à destination du justiciable » et « accueille le flux entrant des actes de saisine, que sont les requêtes, soit le flux allant du justiciable vers la juridiction » (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.).

En 2019, mais surtout 2020, « les arrêtés techniques qui mettent en œuvre cette avancée suscit[aient] interrogations et étonnements de la part du processualiste »… (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.). Toutes les questions et hésitations d’alors ne sont pas dissipés par les nouveaux arrêtés. Nous nous intéresserons ici aux évolutions.

Notons que les arrêtés de 2020 prenaient leurs fondements, non seulement dans les dispositions du titre XXI du livre Ier du code de procédure civile, mais aussi dans des articles du code de procédure pénale (dont C. pr. pén., art. 801-1, 803-1, D. 589…), sans que des dispositions techniques régissent concrètement la question. C’est désormais chose faite : les nouveaux arrêtés visent désormais expressément les procédures civile et pénale, renvoient aux articles pertinents des codes de procédure civile et pénale. Le périmètre du Portail du justiciable se trouve fortement étendu, par cette évolution notable. Ainsi, les avis, convocations ou documents adressés par l’autorité judiciaire en matière pénale par tout moyen ou par lettre recommandés peuvent l’être par voie électronique sous réserve du consentement préalable de la personne concernée et du respect de certaines exigences techniques (C. pr. pén., art. 803-1). Remarquons que, si le consentement est une garantie classique contre l’« illectronisme », il est possible de douter qu’elle soit suffisante.

Alors que le Portail du justiciable avait été défini comme « une application fondée sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles utilisant le réseau internet » (Arr. 6 mai 2019, art. 1er, inchangé en 2020), il est désormais qualifié de « service » : c’est un « service fondé sur une communication par voie électronique des informations relatives à l’état d’avancement des procédures civiles et pénales utilisant le réseau internet » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er)… Ce changement porte-t-il à conséquence ? La question se pose d’autant plus que l’article 8 du même arrêté continue à parler d’« application »… et qu’aucun texte ne définit la notion de juridiction plateforme (v. déjà, C. Bléry, T. Douville et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 24 mai 2019, préc.). Il aurait été cohérent de parler de « téléservice », expression qui désigne un « système d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches ou formalités administratives » (Ord. n° 2005-1516 du 8 déc. 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, art. 1, II, 4°), ici des démarches et des formalités judiciaires. Par ailleurs, le Portail est aussi qualifié de « système d’information fondé sur les procédés techniques d’envoi automatisé de données et d’éditions » (Arr. 6 mai 2019, art. 2, inchangé en 2020 ; Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 2) ou encore « un traitement automatisé de données à caractère personnel » (Arr. 28 mai 2019, art. 1er, inchangé en 2020 ; Arr. 21 oct. 2021 [traitement], art. 1er).

Sans changement, le Portail concerne les justiciables des juridictions judiciaires à l’exclusion de ceux des tribunaux de commerce (disposant de leur propre « tribunal digital », v. C. Bléry et T. Douville, Dalloz actualité, 19 avr. 2019) et de la Cour de cassation – le système étant aussi accessible aux greffes. Une amélioration est apportée qui vient de la liste actualisée et précisée des justiciables en question, à savoir ceux du « tribunal judiciaire [et non plus TGI] ou, le cas échéant, de l’une de ses chambres de proximité, d’un tribunal paritaire des baux ruraux, d’un conseil de prud’hommes, ou d’une cour d’appel » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er).

Une autre modification terminologique concerne les flux entrants puisqu’il est désormais précisé que « le “Portail du justiciable” permet également au justiciable de saisir la justice via la requête numérique » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 1er) : c’est plus précis qu’« adresser une requête à une juridiction », mais ne change rien quant aux actes de procédure que le justiciable peut effectuer grâce à la plateforme. L’article 5 continue d’ailleurs à énoncer sans changement que « le justiciable qui adresse sa requête via le “Portail du justiciable” doit accepter les conditions générales d’utilisation ». En fait, ces requêtes numériques sont loin de concerner toutes les matières, le développement se faisant de manière progressive : aujourd’hui, et sans changement avec les nouveaux arrêtés, la saisine en ligne est limitée à la possibilité de se constituer partie civile, d’adresser une requête au juge des tutelles en cours de mesure de protection par le majeur protégé, une requête au juge des tutelles en cours de mesure de protection par le représentant légal ou une requête au juge aux affaires familiales (L’accès au droit). Nul doute qu’il va s’élargir rapidement. On peut penser aux requêtes en matière de petits litiges, devant le conseil de prud’hommes…

En revanche, tout ce qui était prévu par les arrêtés de 2019 consolidés en 2020, pour les utilités et le fonctionnement du Portail, est reconduit (C. Bléry et J.-P. Teboul, Dalloz actualité, 5 mars 2020, préc.) : ainsi il permet par ex., « la consultation à distance par le justiciable de l’état d’avancement de son affaire judiciaire sur un portail personnel et sécurisé ou l’accès, grâce à une transmission sécurisée sur le portail, à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures, tels que des avis, des convocations et des récépissés… » (A. 21 oct. 2021 [traitement de données], art. 1er)…

Arrêté « CPVE »

Les conditions d’inscription, d’acceptation… ne sont pas modifiées pour ce qui est des flux sortants (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 6 et 7). Tout au plus est-il précisé que les courriels, adressés via le Portail du justiciable, « les notifications de mise à jour relatives à l’état d’avancement de la procédure le concernant », sont des « messages automatiques dont les contenus sont de portée générique » (Arr. 21 oct. 2021 [CPVE], art. 8).

Comme déjà dit, « le “Portail du justiciable” permet au justiciable de saisir la justice via la requête numérique » (Arr. 21 oct. 2021, art. 1er). L’alinéa 4 précise toujours ce qu’est cette requête : elle « est composée des informations saisies par le justiciable ainsi que des pièces qu’il souhaite joindre à sa demande » ; l’alinéa 5, quant à lui, en précise les suites : « la réception de la requête génère automatiquement un avis électronique de réception à destination du justiciable. Cet avis contient la date de la saisine, le numéro de la saisine ainsi que la juridiction saisie. Il tient lieu de visa par le greffe au sens de l’article 769 du code de procédure civile ». En 2020, nous nous demandions s’il n’aurait pas été plus cohérent de mentionner le régime général de l’article 748-3, qui a posé le principe d’équivalence pour toutes les juridictions et toutes les procédures (sous réserve qu’un arrêté technique permette la CPVE) – plutôt que l’article 769 spécifique au tribunal judiciaire. C’est pourtant toujours l’article 769 qui est mentionné…

Arrêté « traitement de données »

De son côté, l’arrêté « traitement » vise de nouvelles données. Dans « les catégories d’informations et de données à caractère personnel (qui ne sont plus communes à toutes les procédures) enregistrées dans le traitement », figurent « le statut de la requête : brouillon, échec, envoyée, réceptionnée enregistrée » ou « le numéro de dossier judiciaire, le numéro d’identification permettant la connexion à l’espace personnel » à la place du « numéro d’affaire PORTALIS [et du] le numéro de dossier ». Il est vrai que, en 2020, l’alinéa 4 de l’article 1er de l’arrêté CPVE suscitait une interrogation : il visait le numéro de saisine, alors que l’article 2 de l’arrêté « traitement automatisé » consolidé distinguait « le numéro d’affaire Portalis » et « le numéro de dossier »… Un vocabulaire plus précis nous semblait infiniment souhaitable… le vocabulaire a changé : il n’est pas forcément plus précis.

Surtout les coordonnées plus développées et précises de davantage de personnes sont énumérées.

En revanche « les personnes ou catégories de personnes qui peuvent directement accéder aux données enregistrées dans le traitement » demeurent en l’état : outre les justiciables et les agents du greffe « individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe », « les magistrats, individuellement désignés et dûment habilités par le directeur de greffe » (art. 3). En 2020, nous nous demandions comment serait reçu cet article 3 ? Quoi qu’il en ait été, la règle est reconduite…

Par ailleurs, la durée de conservation des données relatives aux requêtes, prévue depuis 2020, diffère de celle relative aux flux sortants, est maintenue (art. 4), ce qui s’explique par la différence de finalités poursuivies.

Enfin l’article 5 de l’arrêté « traitement automatisé de données » s’attache aux droits des personnes concernées en distinguant les flux sortants et entrants. Pour les flux sortants, le droit d’accès s’exerce à travers l’espace personnel sécurisé du justiciable. Le droit de rectification est écarté conformément aux exigences de l’article 23 du RGPD afin de « garantir les procédures judiciaires » ; l’objectif est d’éviter toute modification des données.

Une exception est prévue concernant l’identité et les coordonnées du justiciable, ce droit devant s’exercer auprès du greffe de la juridiction en charge de l’affaire. Pour les flux entrants, les droits précités s’exercent jusqu’à l’envoi de la requête numérique puis sont écartés ; il peut sembler étonnant que le droit d’accès ne soit pas maintenu à travers l’espace personnel sécurisé du justiciable, comme le droit de rectification par l’intermédiaire du greffe de la juridiction. Les autres droits des personnes concernées (limitation, opposition, effacement) sont écartés. Un régime spécifique s’applique par ailleurs aux autres personnes concernées par une requête que celui qui l’a introduite et pour les autres personnes concernées par une consultation à distance de l’état d’avancement d’une affaire.

En définitive, ces deux arrêtés étendent le périmètre du Portail du justiciable aux procédures pénales tout en conservant la même architecture d’ensemble. Il reste à espérer l’avènement de dispositions générales consacrées à la procédure numérique afin d’éviter la combinaison délicate des dispositions des codes de procédure civile et pénale et des arrêtés techniques et concernant les traitements de données. La légistique à petits pas est troublante, peu rassurante et très lisible, pour celui qui doit appliquer des règles mouvantes…

Petite brique apportée au Portail du justiciable : deux nouveaux arrêtés

Le Portail du justiciable est prévu par l’article 748-8 du code de procédure civile, issu du décret du 3 mai 2019. Ce texte appelle un arrêté technique. Depuis son entrée en vigueur, ce sont plusieurs arrêtés qui ont été pris : un arrêté « CPVE » du 6 mai 2019 et un autre « traitement automatisé » du 28 mai 2019 ; l’un et l’autre ont été modifiés par deux arrêtés du 18 février 2020. Les deux arrêtés consolidés ont été abrogés par deux arrêtés du 21 octobre 2021, qui les remplacent, sans bouleversement des règles posées, depuis le 25 octobre 2021.

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Vers un renvoi préjudiciel pour mieux dessiner l’office du juge en droit de la consommation

Par deux avis rendus le même jour à propos de deux affaires similaires et pendantes devant la Cour d’appel de Paris, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu s’interroger sur les contours de l’office du juge en droit de la consommation. À titre liminaire, notons l’originalité : au lieu de répondre directement aux questions posées, la Cour de cassation est d’avis de renvoyer les interrogations à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par le jeu de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En ce sens, la procédure d’avis de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire peut avoir des limites notamment quand il est question d’interprétation uniforme de la norme d’origine communautaire. Les deux affaires devant la Cour d’appel de Paris partagent les mêmes traits caractéristiques. Une société consent des prêts personnels remboursables par mensualités le 7 janvier 2011 à une première personne physique (première affaire) ainsi qu’à un couple le 5 novembre 2011 (seconde affaire). La société assigne en paiement les emprunteurs défaillants après des mensualités impayées. En première instance, le juge soulève d’office le moyen visant à annuler le contrat sur le fondement de l’article L. 312-25 du code de la consommation car les fonds auraient été versés moins de sept jours après l’acceptation du prêt. Dans les deux cas, la société de financement interjette appel en arguant que seul le consommateur peut soulever la disposition protectrice prise en vertu d’un ordre public de protection. Elle faisait également valoir la prescription quinquennale de cette demande en vertu de l’article L. 110-4 du code de commerce. Le 14 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a indiqué qu’elle comptait solliciter l’avis de la Cour de cassation. Après avoir recueilli les observations des parties, ainsi que l’avis favorable du ministère public, les juges du fond rappellent le principe selon lequel « en application de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation ». C’est dans ce contexte qu’interviennent les deux avis rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 21 octobre 2021.

Pour plus de clarté, voici les deux questions posées par la Cour d’appel de Paris sur le fondement de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire :

« Question n° 1 : Au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et de la lecture par la Cour de justice de l’Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d’un ordre public économique européen, le juge peut-il soulever d’office la nullité d’un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation, au-delà de l’expiration du délai quinquennal de prescription opposable à une partie ? »

« Question n° 2 : Au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, 4 et 5 du code de procédure civile et de la lecture par la Cour de justice de l’Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d’un ordre public économique européen, le juge peut-il prononcer la nullité d’un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation, en l’absence de toute demande d’annulation émanant de l’une des parties ? »

La réponse est commune aux deux avis, la Cour de cassation considérant que « les questions doivent être soumises par la juridiction saisie du litige à la Cour de justice de l’Union européenne en application de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Il convient ainsi de revenir non seulement sur la confrontation des droits applicables mais également sur l’opportunité du renvoi préjudiciel que pourra réaliser la Cour d’appel de Paris.

Sur la confrontation entre le droit interne et le droit de l’Union

La Cour de cassation commence par rappeler les dispositions en vigueur, permettant utilement de positionner le problème des deux avis dont elle est saisie. La discussion se porte sur une question relative à l’office du juge en matière de nullité d’un contrat de prêt. C’est ainsi que la Cour de cassation rappelle l’article 14 de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 qui institue le délai de rétractation (art. 14) et sa sanction qui doit être « effective, proportionnée et dissuasive » (art. 23). On sait que la jurisprudence interprète de manière très sévère la combinaison de ces deux textes notamment en imposant au juge de relever d’office ce contrôle de l’information du consommateur (CJUE 21 avr. 2016, Radlinger et Radlingerova, aff. C-377/14, cité par les deux avis, n° 4, D. 2016. 1744 image, note H. Aubry image ; ibid. 2017. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). Mais c’est surtout le rappel de l’arrêt du 5 mars 2020 qui explique le doute qui a probablement nourri la Cour d’appel de Paris et qui justifie certainement la transmission de ces questions pour avis à la Cour de cassation (CJUE 5 mars 2020, OPR Finance s.r.o, aff. C-679/18, D. 2020. 537 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. V. Valette-Ercole image ; ibid. 35, chron. K. De La Asuncion Planes image). En décidant que les mesures protectrices du droit de la consommation doivent être relevées d’office, la CJUE a probablement ouvert une brèche qui sera difficile à contenir sur les pouvoirs d’office du juge. On aurait d’ailleurs pu à ce stade, imaginer une question préjudicielle posée directement, sans passer par la procédure d’avis. Sur le droit national, la Cour de cassation rappelle logiquement les dispositions applicables à la matière transposant la directive précitée en citant par conséquent l’article L. 311-17 ancien puis L. 311-4 devenu L. 312-25 du code de la consommation sur le délai de sept jours rendant impossible toute délivrance des fonds par le prêteur de deniers.

On notera le passage fort procédural du paragraphe 12 (pour l’avis n° 21-70.015) et du paragraphe 11 (pour l’avis n° 21-70.016) qui insiste sur les principes gouvernant la procédure civile en droit français : conduite du procès, principe-dispositif, principe du contradictoire et incidence des moyens relevés d’office qui doivent être présentés aux parties au préalable pour recueillir leurs observations. Cette difficulté concernant les moyens relevés d’office a d’ailleurs fait l’objet d’un arrêt récent publié au très sélectif Rapport annuel de la Cour de cassation que nous avons commenté dans ces colonnes il y a peu (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758 FS-B+R, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine). Tout ceci résulte de la lecture très extensive, au moins depuis l’arrêt Pannon (CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, D. 2009. 2312 image, note G. Poissonnier image ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero image ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais image), de l’office du juge en matière de droit de la consommation (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 474, n° 591). À ce titre, on ne peut que comprendre les juges du fond qui n’hésitent plus à relever d’office les moyens protecteurs en droit de la consommation à la suite de cet enchevêtrement d’arrêts.

Comme le note M. Pellier, il existe une « spécificité du processus contractuel en matière de crédit à la consommation » (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 341, n° 187), spécificité que partage le droit de la consommation dans sa conception de l’office du juge. Le renvoi préjudiciel vise à peut-être clarifier les données du problème en cas de prescription par voie d’action.

Sur l’opportunité d’un renvoi préjudiciel

D’une manière originale, la Cour de cassation ne répond pas aux questions posées par la demande d’avis et opte pour une réponse plus prudente en conseillant un renvoi préjudiciel. Pour en motiver l’intérêt, la Haute juridiction précise qu’en vertu du principe d’effectivité « l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union ne saurait être rendu impossible en pratique ou excessivement difficile par des dispositions nationales et qu’un tel délai n’est pas susceptible de faire obstacle aux pouvoirs conférés au juge afin de protéger le consommateur » (nous soulignons). Voici un semblant de réponse qui pourrait aboutir à justifier la position du premier juge qui s’est affranchi de la prescription de l’action qu’aurait pu utiliser le consommateur dans l’affaire qui lui était soumise. Mais, il faut bien l’avouer, ceci implique de réduire la prescription à peu de choses et à conférer aux moyens soulevés d’office une portée bien plus importante, dépassant encore les jurisprudences récentes sur le sujet. Faut-il franchir ce cap ? Nous pouvons en douter.

L’opportunité d’un renvoi préjudiciel peut interroger, également. N’est-ce pas là ajouter un segment judiciaire supplémentaire pour les plaideurs, lesquels sont pris dans un procès au long cours ayant débuté en 2017 pour un prêt impayé ? N’aurait-il pas été plus simple pour la Cour de cassation de poser directement la question préjudicielle ? Sur le plan du droit, rien ne semble empêcher dans l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire d’opérer de la sorte mais la solution aurait été inédite. La position retenue – celle de laisser la Cour d’appel de Paris renvoyer elle-même la question – a pour mérite de ne pas prendre de risque en laissant faire les juges du fond encore saisis. Le résultat reste, toutefois, assez similaire puisqu’aucune réponse tranchée n’est apportée pour l’heure ni dans l’avis n° 21-70.015, ni dans l’avis n° 21-70.016, en conseillant d’opérer un renvoi préjudiciel. À ce titre, notons le vocabulaire employé en utilisant l’expression « doivent être soumises » (un impératif) et non « devraient être soumises » (un conseil) comme on aurait pu s’y attendre dans une procédure d’avis.

À la différence des avis de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, les arrêts répondant à un renvoi préjudiciel ont une portée plus rigide liant les juridictions nationales par leur interprétation des textes de l’Union. Quelle solution attendre en cas de renvoi effectif devant la CJUE des questions posées ? La réponse est difficile. La Cour de cassation cite à juste titre l’arrêt Asturcom (CJCE 6 oct. 2009, aff. C-40/08, D. 2009. 2548 image ; ibid. 2959, obs. T. Clay image ; ibid. 2010. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron image ; ibid. 695, chron. C. Aubert de Vincelles image) qui précise que les délais de prescription ne rendent pas impossibles l’exercice des droits conférés par « l’ordre juridique communautaire ». Ceci pourrait signer une réponse négative aux deux questions posées en empêchant le juge de soulever d’office le moyen prescrit pour le consommateur. Toutefois, la prudence ordonne la nuance : la Cour de justice opte pour une lecture extensive de l’office du juge en droit de la consommation rendant la solution complexe à prévoir. Affaire à suivre.  

Vers un renvoi préjudiciel pour mieux dessiner l’office du juge en droit de la consommation

Par deux avis rendus le 21 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation répond à deux questions posées par la Cour d’appel de Paris par l’opportunité d’un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne.

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Affaire [I]Bygmalion[/I] (1/2) : réflexions portant sur l’application du principe [I]non bis in idem[/I]

Par jugement rendu le 30 septembre 2021, le Tribunal correctionnel de Paris a, dans le cadre de l’affaire Bygmalion, déclaré l’ancien président de la République coupable de financement illégal de campagne. Si les juges parisiens ont refusé de faire application du principe non bis in idem à l’égard de l’ancien chef d’État, ils l’ont en revanche appliqué à l’égard de certains autres prévenus poursuivis au titre de plusieurs autres délits d’affaires. L’ensemble des prévenus ont été condamnés pénalement à diverses peines d’emprisonnement aménagées, pour leur partie ferme, en bracelet électronique.

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Précisions sur la mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil

Si l’indivision doit couvrir les frais qu’un indivisaire a exposé personnellement pour la conservation du bien indivis, elle n’est pas comptable de la part de l’assurance habitation qui couvre les dommages subis personnellement par le titulaire du contrat. De même, lorsque l’assurance prend en charge le remboursement des emprunts, le titulaire du contrat d’assurance ne saurait demander à l’indivision le bénéfice de l’article 815-13.

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Précisions sur la mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil

par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Université de Montpellierle 7 novembre 2021

Civ. 1re, 20 oct. 2021, FS-B, n° 20-11.921

Les opérations de partage sont toujours un moment délicat où les dissensions latentes entre les indivisaires ont toutes les chances d’éclater au grand jour. C’est malheureusement ce qui est arrivé dans cette affaire, donnant l’occasion à la Cour de cassation de préciser les modalités de mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil.

Un couple en concubinage décide d’acheter un immeuble en indivision, chacun pour moitié. Pour financer ce bien, ils souscrivent deux emprunts solidairement ainsi qu’une assurance qui garantissant, en cas d’invalidité, le remboursement de la totalité du prêt restant dû. Le couple se sépare et l’ex-concubin jouit un temps de ce bien. Alors que le bien indivis est vendu et que les ex-concubins en sont à liquider l’indivision, des difficultés surviennent quant à certains aspects financiers. Trois points étaient critiqués par le requérant. Le premier point de contestation tenait à la question de la prise en charge de l’assurance du bien indivis. Monsieur qui s’est acquitté seul des échéances de l’assurance entre janvier 2008 et juin 2014 sollicite leur remboursement au titre de l’article 815-13 du code civil. Il rappelle qu’il s’agit de dépenses de conservation et qu’à ce titre, elles doivent peser sur l’indivision. À l’inverse, le juge aux affaires avait admis l’imputation de ces sommes au passif de l’indivision que sous réserve de la déduction de la part couvrant personnellement l’intéressé. Cette distinction est alors contestée par le requérant. Le deuxième point soulevé par le requérant visait la question du non-paiement d’une partie des mensualités de remboursement d’emprunt par son ex-concubine. En effet, pendant une année...

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Précisions sur la mise en œuvre de l’article 815-13 du code civil

Si l’indivision doit couvrir les frais qu’un indivisaire a exposé personnellement pour la conservation du bien indivis, elle n’est pas comptable de la part de l’assurance habitation qui couvre les dommages subis personnellement par le titulaire du contrat. De même, lorsque l’assurance prend en charge le remboursement des emprunts, le titulaire du contrat d’assurance ne saurait demander à l’indivision le bénéfice de l’article 815-13.

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Une loi pour réparer une blessure de l’Histoire

Les anciens harkis et leurs familles pourront bénéficier d’une indemnisation au titre des conditions d’accueil indignes auxquelles ils ont été soumis à leur arrivée en métropole après la guerre d’Algérie.

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Inexécution d’une VEFA : pourvoi pour contrariété de décisions

Le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigé contre toutes les parties concernées par les deux décisions attaquées susceptibles d’être annulées. Il est donc irrecevable lorsqu’il est dirigé contre le garant d’achèvement mais pas contre les acquéreurs ayant bénéficié de la condamnation prononcée à l’encontre de ce dernier.

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Mesures réglementaires sur la gouvernance des sociétés d’assurance mutuelles

Un décret du 29 octobre 2021, procède, outre à la pérennisation de certaines mesures prises pendant la crise du covid, à la simplification des modes de fonctionnement des instances de gouvernance (conseil d’administration et assemblées générales) des sociétés d’assurance mutuelles.

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Pas de contestation possible pour les salariés d’une décision unilatérale de perte de la qualité d’établissement distinct

La contestation de la décision unilatérale de l’employeur décidant de la perte de qualité d’établissement distinct n’est ouverte devant l’autorité administrative qu’aux seules organisations syndicales, représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise. Les salariés ne sont pas recevables à exercer une telle action.

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Articulation des compétences du juge des enfants et du juge aux affaires familiales : revirement de jurisprudence

Parce qu’ils interviennent tous deux dans la sphère familiale, le juge des enfants et le juge aux affaires familiales ont des compétences qui, entrant en concurrence, peuvent parfois s’entrecroiser. La notion de danger auquel est exposé le mineur (C. civ., art. 375), qui est classiquement présentée comme un critère de distinction entre ces deux juridictions, ne règle pas toujours la difficulté.

Dans cet arrêt du 20 octobre 2021, aux enjeux pratiques considérables et donc assez largement diffusé (FS-B+R ; v. la présentation de l’arrêt dans la lettre de la première chambre civile du 4 octobre 2021), la première chambre civile adopte une solution qu’elle qualifie elle-même de revirement de jurisprudence en ce qu’elle modifie la répartition du contentieux jusqu’ici adoptée.

Les faits d’espèce étaient des plus classiques : un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce et fixé la résidence de l’enfant au domicile de son père, accordant à sa mère un droit de visite et d’hébergement. Quelques mois plus tard, un juge des enfants a ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice de l’enfant et, par jugement ultérieur, a confié ce dernier à son père en accordant à sa mère un droit de visite médiatisé jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales. En appel, le jugement a été infirmé au motif que seul le juge aux affaires familiales pouvait statuer sur le droit de visite et d’hébergement de la mère.

Un pourvoi en cassation a été formé. Il posait la question suivante : lorsque, postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales sur la résidence de l’enfant, le juge des enfants qui constate une situation de danger pour l’enfant peut-il décider de placer ce dernier chez le parent qui bénéficie déjà de la résidence habituelle ? Cette question en entraîne nécessairement une autre, plus générale, qui consiste à savoir si le juge des enfants est compétent pour modifier les droits de visite et d’hébergement fixés par le juges aux affaires familiales.

La Cour de cassation répond à cet argument de façon à la fois complète et pédagogue.

Elle commence par énoncer les dispositions de l’article 375-3 du code civil qui prévoit que « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier, notamment à l’autre parent (1°) ». Le texte ajoute : « toutefois, lorsqu’une demande en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu’une demande en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l’article 373-3, à qui l’enfant devra être confié (…) ».

La Haute juridiction poursuit en énonçant qu’ aux termes de l’article 375-7, alinéa 4, du même code, s’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Le juge en fixe les modalités et peut, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits, ou de l’un d’eux, est provisoirement suspendu. Il peut également, par décision spécialement motivée, imposer que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers qu’il désigne lorsque l’enfant est confié à une personne ou qui est désigné par l’établissement ou le service auquel l’enfant est confié.

Elle mentionne ensuite sa jurisprudence antérieure selon laquelle lorsqu’un fait de nature à entraîner un danger pour l’enfant s’était révélé ou était survenu postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales ayant fixé la résidence habituelle de celui-ci chez l’un des parents et organisé le droit de visite et d’hébergement de l’autre, le juge des enfants, compétent pour tout ce qui concernait l’assistance éducative, pouvait, à ce titre, modifier les modalités d’exercice de ce droit, alors même qu’aucune mesure de placement n’était ordonnée (Civ. 1re, 26 janv. 1994, n° 91-05.083, Bull. civ. I, n° 32 ; D. 1994. 278 image, note M. Huyette image ; RDSS 1995. 179, note F. Monéger image ; 10 juill. 1996, n° 95-05.027, Bull. civ. I, n° 313 ; D. 1996. 205 image ; RTD civ. 1997. 410, obs. J. Hauser image). Ce faisant, le juge des enfants pouvait intervenir sur le « terrain » du juge aux affaires familiales en l’absence de placement de l’enfant. Elle rappelle cependant la limite à ce principe, celui de l’urgence puisqu’en pareil cas, le juge aux affaires familiales peut être saisi en qualité de juge des référés, par les parents ou le ministère public, sur le fondement de l’article 373-2-8 du code civil, en vue d’une modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale.

La Cour régulatrice explique par ailleurs qu’en conférant un pouvoir concurrent au juge des enfants, quand l’intervention de celui-ci, provisoire, est par principe limitée aux hypothèses où la modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale est insuffisante à mettre fin à une situation de danger, la solution retenue jusqu’alors a favorisé les risques d’instrumentalisation de ce juge par les parties (v. sur ce point, M. Huyette, D. 1994. 278 image). De quels risques s’agit-il ? Sans doute l’arrêt évoque-t-il la tentation, pour certaines parties, de solliciter l’intervention du juge des enfants sur la question de la résidence de l’enfant en appréhendant cette juridiction comme une sorte de voie de secours pour la partie insatisfaite d’une décision rendue par le juge aux affaires familiales.

La Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence sur ce point, en limitant, sur le fondement de l’article 375-7 du code civil, la compétence du juge des enfants, s’agissant de la détermination de la résidence du mineur et du droit de visite et d’hébergement, à l’existence d’une décision de placement ordonnée en application de l’article 375-3 du même code. Ainsi, il a été jugé, en premier lieu, qu’il résulte des articles L. 312-1 et L. 531-3 du code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006, et des articles 373-2-6, 373-2-8, 373-4 et 375-1 du code civil que la compétence du juge des enfants est limitée, en matière civile, aux mesures d’assistance éducative et que le juge aux affaires familiales est seul compétent pour statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la résidence de l’enfant, de sorte qu’en cas de non-lieu à assistance éducative, le juge des enfants ne peut remettre l’enfant qu’au parent chez lequel la résidence a été fixée par le juge aux affaires familiales (Civ. 1re, 14 nov. 2007, n° 06-18.104, Bull. civ. I, n° 358 ; D. 2009. 53, obs. M. Douchy-Oudot image ; RTD civ. 2008. 289, obs. J. Hauser image). En second lieu, il a été jugé que le juge aux affaires familiales est compétent pour fixer, dans l’intérêt de l’enfant, les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, sauf à ce que juge des enfants ait ordonné un placement sur le fondement de l’article 375-3 du code civil (Civ. 1re, 9 juin 2010, n° 09-13.390, Bull. civ. I, n° 130 ; D. 2010. 2343 image, note M. Huyette image ; ibid. 2092, chron. N. Auroy et C. Creton image ; ibid. 2011. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire image ; AJ fam. 2010. 325, obs. E. Durand image ; RTD civ. 2010. 546, obs. J. Hauser image).

La Haute juridiction en conclut qu’il apparaît nécessaire de revenir sur la jurisprudence antérieure et de dire qu’il résulte de la combinaison des articles 375-3 et 375-7, alinéa 4, du code civil que, lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales qu’à deux conditions :

s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile ; si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.

C’est donc à raison que la cour d’appel a estimé, d’une part, que, le juge aux affaires familiales ayant fixé, lors du jugement de divorce, la résidence habituelle de l’enfant au domicile de son père, le juge des enfants n’avait pas le pouvoir de lui confier l’enfant, l’article 375-3 du code civil, ne visant que « l’autre parent » et, d’autre part, qu’en l’absence de mesure de placement conforme aux dispositions légales, le juge des enfants n’avait pas davantage le pouvoir de statuer sur le droit de visite et d’hébergement du parent chez lequel l’enfant ne résidait pas de manière habituelle. Il s’en déduit que seul le juge aux affaires familiales pouvait en l’occurrence modifier le droit de visite et d’hébergement de la mère de l’enfant.

La solution a le mérite de respecter la lettre des textes cités, en particulier l’article 375-7 du code civil qui conditionne la fixation, par le juge des enfants, du droit de visite et d’hébergement à une mesure de placement. De façon plus générale, la Cour de cassation livre ainsi une solution claire permettant d’appréhender de façon lisible les compétences respectives du juge des enfants et du juge aux affaires familiales s’agissant d’un sujet pour lequel les cours d’appels et les juges de première instance, des enfants notamment, se montraient relativement divisées. En opérant une nette distinction entre les compétences de chacun, la décision rapportée montre que les compétences de ces deux juges ne sont pas concurrentes mais complémentaires.

Articulation des compétences du juge des enfants et du juge aux affaires familiales : revirement de jurisprudence

Lorsqu’un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l’enfant et fixé le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d’hébergement décidé par le juge aux affaires familiales que s’il existe une décision de placement de l’enfant au sens de l’article 375-3 du code civil, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l’enfant chez le parent qui dispose déjà d’une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l’enfant à son domicile, et si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.

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Chronique CEDH : la lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

La montée en régime des mesures provisoires

Destinées à assurer l’effectivité du droit de recours individuel consacré par l’article 34 de la Convention en demandant, dès le début de la procédure européenne, à l’État défendeur de s’abstenir de prendre des décisions graves et irréversibles qui rendraient purement virtuelle une éventuelle victoire du requérant, les mesures provisoires ont été déployées par les instances strasbourgeoises sans le moindre support conventionnel. Aussi la Cour a-t-elle attendu son arrêt de grande chambre Mamatkulov et Askarov c/ Turquie du 4 février 2005 pour affirmer qu’elles avaient un caractère obligatoire et que leur non-respect exposait l’État qui en est le destinataire à un constat de violation de l’article 34. À partir de ce moment là, on a pu observer un risque de dérive vers une utilisation des mesures provisoires pour conférer au recours individuel un caractère suspensif de substitution. La Cour, par l’intermédiaire de son président Jean-Paul Costa avait donc dû alerter sur l’impérieuse nécessité de ne pas l’encombrer de demandes de mesures provisoires pour tout et n’importe quoi. Le rappel à l’ordre semble avoir porté ses fruits et les mesures provisoires pourraient avoir trouvé leur place pour aider à répondre aux situations dont la gravité et l’urgence sont mises en évidence, spécialement par la presse. Toujours est-il que dans le communiqué de presse de l’actuelle greffière Marialena Tsirli, les décisions de la Cour en matière de mesures provisoires sont de plus en plus souvent signalées. Ainsi, pour la période allant du 1er septembre au 31 octobre 2021, apprend-on que la crise afghane survenue au cœur du mois d’août 2021 a conduit la Cour à tenter d’en maîtriser les dramatiques prolongements européens, d’une part, en demandant à la Lituanie et à la Lettonie de ne pas renvoyer vers le Belarus des réfugiés afghans qui auraient réussi à s’introduire sur leurs territoires, puis à décider de ne pas prolonger cette mesure provisoire après avoir reçu l’assurance qu’aucune expulsion n’interviendrait sans examen préalable de la demande d’asile et, d’autre part, à indiquer puis à proroger une mesure provisoire demandant à la Pologne de fournir de la nourriture, de l’eau , des vêtements et des soins médicaux adéquats à trente-deux ressortissants afghans immobilisés depuis sept semaines dans un campement de fortune situé à la frontière avec le Bélarus.

On relèvera aussi que, comme elle l’avait fait quelques semaines plus tôt dans une affaire française, la Cour a repoussé des demandes de mesures provisoires tendant à suspendre l’application de la loi grecque imposant une obligation vaccinale au personnel de santé pour lutter contre la covid-19. Cette solution contribue à illustrer une autre tendance remarquable de la période septembre-octobre .

Le contentieux covid-19 entre vitesse et précipitation

Consciente, comme son président Robert Spano dès le début de la crise sanitaire, de ce qu’il ne serait pas acceptable qu’elle traîna en longueur sur un sujet aussi grave, la Cour ne manque pas une occasion de faire savoir qu’elle va aussi vite qu’elle peut pour trancher les graves questions d’atteintes aux droits de l’homme que les exigences de la lutte contre la covid-19 soulèvent. Ainsi a-t-on appris le 7 octobre que la déjà célèbre affaire Thevenon (n° 46061/21) relative à l’obligation vaccinale des sapeurs pompiers avait été communiquée au gouvernement français qui devra répondre avant le 27 janvier 2022 à cinq questions qui devraient préparer une prochaine décision sur la recevabilité. Il arrive cependant que d’intrépides requérants tentent de l’entraîner dans une logique de précipitation. On l’a déjà observé à travers les demandes de mesures provisoires. On l’a surtout remarqué dans la curieuse affaire Zambrano c/ France (n° 41994/21) relative au passe sanitaire, où la requête a été déclarée irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes et aussi parce qu’elle était abusive, son objectif crânement affirmé étant de saturer la Cour pour obtenir un rapport de force favorable afin d’obliger les États abasourdis à abandonner leur politique vaccinale…

La lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

Pendant l’été 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a poursuivi ses efforts pour lutter, sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, contre les abus sexuels exercés sur des mineurs. Ainsi, par un arrêt A.P c/ République de Moldova du 26 octobre (n° 41086/12) a-t-elle constaté une violation du volet procédural de cet article parce que les autorités n’avaient pas mené une enquête effective et approfondie sur les allégations de viol et d’agression sexuelle subis par un enfant de cinq ans. Cette solution est remarquable et, à certains égards, discutable, parce que l’auteur des faits invoqués était lui même un enfant de douze ans qui n’avait pas atteint l’âge de la responsabilité pénale.

Au moment où, en France, le rapport Sauvé révélait l’ampleur insoupçonnée des violences sexuelles dans l’Église catholique entre 1950 et 2020, la Cour s’est montré moins audacieuse pour aborder cette grave dérive structurelle. Dans l’affaire M.L c/ Slovaquie du 14 octobre (n° 34159/17), la mise en balance du droit au respect de la vie privée et du droit à la liberté d’expression, l’a conduite à faire prévaloir le droit à l’oubli de la mère d’un prêtre suicidé face à la publication d’articles de presse rappelant qu’il avait été condamné pour avoir abusé de garçons mineurs. Cette solution favorable à une mère qui n’avait aucunement contribué à étouffer le scandale des pratiques sexuelles des représentants de l’Église catholique ne traduit pas une volonté de baisser les bras face à la gravité de la question. Il en va autrement dans l’affaire J.C c/ Belgique du 12 octobre (n° 11625/17, Dalloz actualité, 27 oct. 2021, obs. E. Delacoure). En l’espèce, vingt-quatre justiciables avaient collectivement introduit devant les juridictions belges une demande en indemnisation contre la Saint-Siège à raison des dommages causés par la manière structurellement déficiente avec laquelle l’Église catholique aurait fait face au problème des abus sexuels exercés en son sein. Les juridictions belges ayant considéré que, compte tenu de l’immunité de juridiction dont jouissait le Saint-Siège, elles n’avaient pas compétence pour statuer, les 24 déboutés se sont plaints à Strasbourg d’une violation de leur droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6, § 1er, de la Convention européenne. Or la Cour, appelée pour la première fois à se prononcer sur l’immunité du Saint-Siège, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de constater une violation de ce texte dans la mesure où la solution retenue par les juges belges ne s’était pas écartée des principes de droit international généralement reconnus en la matière. Eu égard à la gravité des enjeux, il n’eût peut-être pas été tout à fait déplacé de s’écarter un peu des principes dont relève l’immunité d’un État qui, avec le Bélarus est d’ailleurs le seul État d’Europe à n’être pas partie à la Convention.

Les assassinats politiques et le suicide des personnes privées de liberté

Le droit à la vie étant le roi des droits, la Cour lui accorde, malheureusement a posteriori, une protection courageuse ainsi qu’en témoigne l’arrêt Carter du 21 septembre (n° 20914/07) qui n’a pas hésité à proclamer la responsabilité de la Russie dans l’empoisonnement au polonium 210 de l’espion transfuge A. Litvinenko à Londres en 2006. Elle a aussi dressé des constats de violation de l’article 2 dans des cas de suicides de militaires (arrêts Boychenko c/ Russie du 12 octobre, n° 8663/08 et Khabirov c/ Russie, n° 69450/10, où seul un manquement au volet procédural de cet article a été relevé) ou de malades internés dans un hôpital psychiatrique public (Raznatovic c/ Monténégro du 2 septembre, n° 14742/18).

Encadrement conventionnel des moyens sécuritaires coercitifs

Même si depuis son arrêt de Grande chambre Austin c/ Royaume-Uni du 15 mars 2012 qui a admis la technique policière du kettling, la Cour de Strasbourg est très compréhensive à l’égard des techniques déployées par les agents de la force publique pour faire face à des menaces d’atteintes à la sécurité publique toujours plus radicales, elle n’est pas prête à tout admettre en matière sécuritaire. Ainsi, par l’arrêt Kuchta et Metel c/ Pologne du 2 septembre (n° 76813/16) a-t-elle considéré qu’une arrestation musclée avec usage de gaz lacrymogènes avait constitué une violation des volets substantiel et procédural de l’article 3 qui prohibe les traitements inhumains et dégradants. En outre, dans son arrêt Syrianos c/ Grèce du 7 octobre (n° 49529/12) elle a jugé qu’infliger des sanctions disciplinaires à un détenu parce qu’il avait refusé de subir des fouilles corporelles ne répondait pas à un besoin social impérieux et constituait donc une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée reconnu par l’article 8 de la Convention.

L’adaptation du droit à la liberté d’expression aux réalités de l’ère numérique

Il est devenu de la dernière des banalités de dénoncer les atteintes inédites aux autres droits de l’homme et aux valeurs des sociétés démocratiques que propage le droit à la liberté d’expression lorsqu’il mobilise internet et l’outil numérique. La Cour de Strasbourg, quant à elle, s’efforce de trouver le point d’équilibre entre ces données contradictoires et fortement évolutives. Ainsi dans un arrêt Sanchez c/ France d 2 septembre (n° 45581/15), a-t-elle considéré que l’État défendeur n’avait pas violé l’article 10 en condamnant un homme politique à 3 000 € d’amende parce qu’il n’avait pas supprimé assez vite de son site public Facebook des commentaires appelant à la haine. En outre, par un arrêt Volodina du 14 septembre (n° 40419/19) elle a condamné la Russie pour violation de l’article 8 parce qu’elle n’avait pas protégé la victime de violences domestiques contre la cyberviolence de son partenaire. En revanche, l’arrêt M.P. c/ Portugal du 7 septembre (n° 27516/14, AJ fam. 2021. 565, obs. M. Saulier image) a cru devoir estimer que, au cours d’une procédure de divorce et de partage de l’autorité parentale, un mari avait pu produire des messages électroniques échangés par son épouse sur un site de rencontres occasionnelles sans que le droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances de l’intéressée ait été atteint de manière disproportionnée. Il n’est pas tout à fait certain que cet encouragement à l’espionnage électronique familial soit de bon aloi.

Extension du droit à la liberté d’expression et limites du droit à l’humour

Comme d’habitude, on relève pour la période septembre-octobre 2021 un fort contingent d’arrêts qui constatent des violations de l’article 10 et qui continuent à marquer le soutien de la Cour de Strasbourg à la liberté d’expression des opposants politiques Dareskizb Ltd c/ Arménie du 21 septembre (n° 61737/08, relatif à l’interdiction de publier un journal pendant l’état d’urgence) ; Hazanov et Majidli c/ Azerbaïdjan du 7 octobre (n° 9626/14, se rapportant à la distribution dans les stations de métro de tracts antigouvernementaux) ; Association des journalistes d’investigation c/ République de Moldova du 12 octobre (n° 4358/19, stigmatisant une condamnation pour diffamation consécutive à la publication d’un article dénonçant le financement d’une campagne présidentielle) ; Vedat Sorli c/ Turquie du 19 octobre (n° 42048/19, adoptant la même position à l’égard d’une peine d’emprisonnement avec sursis pour insulte au chef de l’État). On accordera une attention particulière à deux arrêts confirmant avec éclat que dans les cas les plus graves, la protection du droit à la liberté à la liberté d’expression ne se fait pas ou pas seulement sur le fondement de l’article 10 : ST et Y.B c/ Russie du 19 octobre (n° 40125/20) constatant une violation de l’article 3 en raison des traitements inhumains infligés à l’animateur d’une chaîne d’opposition au cours d’une détention irrégulière et Miroslava Todorava c/ Bulgarie  du 19 octobre (n° 40072/13) qui pour mieux souligner la gravité des poursuites disciplinaires et des sanctions infligées à la Présidente de l’Union des juges de Bulgarie combine l’article 10 et l’article 18 lequel, sous l’intitulé « Limitation de l’usage des restrictions aux droits » est une arme contre les risques de détournement par les États du droit de la Convention vers des fins opposées à celles auxquelles elle est destinée. On ajoutera ici, même s’il se conclut par un constat de violation de l’article 11 l’arrêt Barseghyan c/ Arménie du 21 septembre (n° 17804/09) relatif à l’interdiction de tenir une réunion politique au lendemain de l’instauration de l’état d’urgence.

Le plus original des arrêts marquant une extension du droit à la liberté d’expression se situe au cœur d’un débat de plus en plus soutenu sur une délicate question de société. Il s’agit de l’arrêt Ringier Axel Springer c/ Slovaquie du 23 septembre (n° 26826/16) estimant qu’une peine d’amende infligée à un journaliste pour avoir diffusé l’interview d’un chanteur célèbre se disant favorable à la légalisation de la marijuana était disproportionnée au regard des exigences de l’article 10. Pour justifier sa solution la Cour fait observer que le journaliste n’avait pas l’intention de faire l’apologie de cette substance et, surtout, que son émission portait sur une question d’actualité et avait contribué à un débat d’intérêt public.

Comme elle le fait régulièrement, la Cour a saisi quelques occasions de rappeler que l’exercice du droit à la liberté d’expression comporte aussi des devoirs et des responsabilités. Ainsi, par son arrêt Staniszewski c/ Pologne du 14 octobre (n° 20422/15), elle a estimé que la condamnation du rédacteur en chef d’un bulletin mensuel gratuit pour avoir publié des affirmations inexactes sur un candidat à des élections locales n’avait pas enfreint l’article 10. Dans le même ordre d’idées, elle a surtout rendu un arrêt Z.B. c/ France du 2 septembre (n° 46883/15) qui est probablement un des plus importants de la période septembre-octobre 2021. En l’espèce, une personne avait eu l’idée bizarre d’offrir à son neveu de trois ans qui s’était fait une joie de le porter à l’école maternelle un tee-shirt où figurait les inscriptions « je suis une bombe » et « Jihad, né le 11 septembre ». Surpris d’avoir été condamné pour apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, ce tonton flingueur d’un nouveau style est allé s’en plaindre devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant une méconnaissance de son droit à l’humour. Il lui a été sèchement répondu, dans le contexte des attentats terroristes qui ont frappé la France, que le discours humoristique ou les formes d’expression qui cultivent l’humour sont protégés par l’article 10 y compris quand ils se traduisent par la transgression ou la provocation, mais que le droit à l’humour ne permet pas tout et que quiconque se prévaut de la liberté d’expression assume des devoirs et des responsabilités. Or, en l’occurrence, les inscriptions litigieuses ne pouvaient s’entendre comme constitutives d’une simple plaisanterie. Autrement dit pour la Cour européenne des droits de l’homme, on peut rire et faire rire de tout mais à condition de ne faire que rire…

L’accompagnement des transformations du droit de la famille et des personnes

La Cour européenne des droits de l’homme s’est à nouveau prononcée sur des questions de droit de la famille relatives à l’existence du lien de filiation (Lavanchy c/ Suisse du 19 octobre, n° 69997/17, estimant que le rejet d’une action en contestation de filiation, introduite sans motif valable après l’expiration du délai de prescription, ne violait pas le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8) ou sur les difficultés d’établissement des contacts entre le père et l’enfant (v. not. Anagnostakis c/ Grèce du 23 septembre, n° 46075/16, suivant lequel des retards dans la fixation des modalités de visite d’un père à son fils entraînent une violation du droit au respect de la vie familiale). L’organisation de ce que, à Strasbourg, on appelle toujours la garde de l’enfant, soulève elle aussi son lot de difficultés européennes. L’une d’entre elles a été résolue par un arrêt X. c/ Pologne du 16 septembre (n° 20741/10) qui reflète parfaitement les évolutions sociétales en dressant un constat de violation de l’article 8 avec l’article 14 porteur du principe de non discrimination dans une affaire où la garde de son plus jeune enfant avait été retirée à la mère principalement en raison de son orientation sexuelle et ses relations avec une autre femme. Le principe de non discrimination a également fait sentir son influence dévastatrice de la tradition patriarcale en droit des personnes dans un arrêt Léon Madrid c/ Espagne du 26 octobre (n° 30306/13) où il a été décidé que, en cas de désaccord entre les parents, l’attribution automatique à l’enfant du nom du père suivi de celui de la mère manquait de justifications objectives et raisonnables. Cette solution fait rétrospectivement ressortir l’opportunité du choix du législateur français du 17 mai 2013 de s’en remettre, en pareille hypothèse, à l’ordre alphabétique (C. civ., art. 321-21, al. 1er).

Incursion en droit du travail forcé

Il n’est pas tout à fait à exclure que le monde du travail intérimaire cache parfois des réalités sordides. Un arrêt Zoletic c/ Azerbaïdjan du 7 octobre (n° 20116/12) lève peut-être un coin du voile. Il a en effet estimé que la façon dont avaient été traités trente-trois ressortissants de Bosnie-Herzégovine recrutés en qualité de travailleurs intérimaires dans le secteur de la construction en Azerbaïdjan aurait justifié une enquête dont le défaut est constitutif d’une violation de l’article 4, § 2, qui prohibe le travail forcé. Les conditions économiques et sociales sont, à l’évidence, très contrastées des limites les plus orientales du Conseil de l’Europe à ses rives atlantiques. On ne peut pourtant pas exclure qu’une enquête sur les conditions de travail des intérimaires jugée nécessaire là-bas dans une affaire donnée puisse apparaître pertinente ici dans telle ou telle autre.

Avancées en droit des contrats

Il est advenu quelquefois, par exemple avec l’arrêt Zolotas c/ Grèce n° 2 du 29 janvier 2013 qui fait fraterniser la Cour européenne et le solidarisme contractuel, que la Cour européenne des droits de l’homme rende des arrêts importants pour le droit des contrats. Cependant, à l’évidence, ce n’est pas son domaine de prédilection. Aussi faut-il souligner que, au cours de la période considérée, elle s’ y est à nouveau intéressée. Elle l’a fait, de manière un peu surprenante en France où la contrainte par corps en matière civile appartient depuis belle lurette à l’histoire du droit, par un arrêt Moldoveanu c/ République de Moldova du 14 septembre (n° 53660/15) en constatant de violation de l’article 5, § 1er, garantissant le droit à la liberté et à la sûreté parce qu’une personne qui n’avait pas remboursé la dette dont elle était tenue envers un particulier avait été placée en détention provisoire. Elle l’a fait surtout par deux arrêts du 7 octobre rendus contre Malte qui marquent sa volonté d’exercer son influence pour empêcher que ne se créent ou ne se perpétuent de trop graves déséquilibres contractuels. Il s’agit des arrêts Bartolo Parnis (n° 49738) et Galfa (n° 28712/19). Dans les deux affaires les biens des requérants avaient été assujettis à une loi qui leur imposait de continuer à les louer pour un loyer d’un montant très bas et qui les empêchait d’obtenir un rétablissement adéquat de leur situation. Sans même se référer au principe de proportionnalité, la Cour a dressé un constat de violation de l’article 1er du Protocole n° 1 qui consacre le droit au respect des biens séparément et en combinaison avec l’article 13 qui consacre le droit à un recours effectif.

Escapade en droit des groupements

En dépit de son célèbre arrêt Sovtransavto Holding c/ Ukraine du 25 juillet 2002 suivant lequel les actions des sociétés commerciales relèvent de la protection contre les atteintes à la substance du droit de propriété, la Cour s’avance encore moins souvent sur le terrain du droit des sociétés que sur celui du droits des contrats. Avec son arrêt Pintar c/ Slovénie du 14 septembre (n°49969/14) elle s’est cependant enhardie à dresser un constat de violation de l’article 1 du Protocole n° 1 dans une affaire où les mesures imposées par la Banque centrale aux grandes banques slovènes avaient entraîné l’annulation sans indemnisation des titres de milliers d’actionnaires et d’obligataires. On relèvera aussi un important arrêt Democracy eand Human Rights Resource Centre et Mustafayev c/ Azerbaïdjan du 14 octobre (n° 74288/14) se rapportant au droit des associations qui constate des violations de l’article 1er du Protocole n° 1, de l’article 2 du Protocole n° 4 relatif à la liberté de circulation et de l’article 18 parce que le gel des comptes bancaires et des interdictions de voyager visaient à paralyser le travail d’une ONG de défense des droits de l’homme.

Protection soutenue de la propriété immobilière

Au cours de l’été 2021, le verdissement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne s’est pas beaucoup amplifié. À peine peut-on signaler dans ce sens un arrêt Kapa c/ Pologne 14 octobre (n° 75031/13) estimant que des perturbations par des années de circulation intense due à un projet d’autoroute avaient porté atteinte au droit au respect de la vie privée des riverains. La période a plutôt été marquée, au contraire, par des arrêts qui ont énergiquement protégés les propriétaires fonciers contre des mesures destinées à protéger l’environnement. Ainsi un arrêt Berzins c/ Lettonie du 21 septembre (n° 73105/12) a-t-il jugé que trois requérants empêchés d’accéder à leur parcelle de terrain parce que des décisions administratives avaient désigné leur propriété comme une zone d’eau protégée avaient été victimes d’une violation du droit au respect des biens. Surtout , par un arrêt Saksoburggotski et Chrobok c/ Bulgarie du 7 septembre (n° 38948/10), la Cour, poursuivant son œuvre de soutien aux familles royales déchues engagée dans l’affaire Ex-Roi de Grèce c/ Grèce du 23 novembre 2000, a jugé que le moratoire sur l’utilisation commerciale des terres forestières de l’Ex-Roi de Bulgarie Simeon II avait violé ses droits conventionnels.

Droit de vote

Le droit de vote , découlant de l’article 3 du Protocole n° 1 consacrant le droit à des élections libres, a donné lieu à deux arrêts qui ont pourtant été principalement rendus sur le fondement du Protocole n° 12 généralisant le principe de non discrimination. Il s’agit de l’arrêt Toplak et Mrak c/ Slovénie du 26 octobre (n° 34591/19) qui adopte des solutions contrastées selon le type d’élections auxquelles auxquelles des personnes atteintes de dystrophie musculaire n’avaient pas pu participer faute d’aménagements adaptés à leur état et de l’important arrêt Selygeneko c/ Ukraine du 21 octobre (n° 24919/16) qui stigmatise le refus du droit de vote à des élections locales opposé aux réfugiés des zones de conflit en Ukraine.

Lutte contre le formalisme excessif

Il n’est généralement pas possible de rendre compte des nombreux arrêts qui appliquent l’article 6, § 1er, consacrant le tentaculaire droit à un procès équitable. Cette fois, il convient de faire état de l’arrêt Bara et Kola c/ Albanie du 12 octobre (n° 43391/18) qui dresse un constat de violation de ce texte en raison du manque de célérité de deux procédures dans un contexte de réformes judiciaires et de l’arrêt Brus c/ Belgique du 14 septembre (n° 18779/15) qui aboutit à la même conclusion en plaçant à nouveau et avec insistance la question du droit à l’assistance d’un avocat sous l’influence de la notion d’équité globale de la procédure pénale dégagée dans son arrêt de grande chambre Beuze c/ Belgique du 9 novembre 2018. Il importe surtout de relever une forte concentration de solutions qui dénoncent le formalisme excessif des procédures internes. Ainsi l’arrêt Willems et Gorjon c/ Belgique du 21 septembre (n° 73105/12) a-t-il dénoncé le caractère disproportionné de la déclaration d’irrecevabilité de pourvois en cassation pour la seule raison que l’attestation de formation en cassation du représentant des demandeurs n’apparaissait pas dans les pièces du dossier. Quant à l’arrêt Foyer Assurances S.A c/ Luxembourg du 12 octobre (n° 32245/18), il stigmatise l’approche trop formaliste qui a conduit à prononcer l’irrecevabilité d’un moyen unique de cassation parce que le pourvoi n’avait pas précisé lequel des trois articles du code civil visés avait été violé par la cour d’appel. Dans le même esprit, l’arrêt Laçi c/ Albanie du 19 octobre (n° 28142/17) a jugé qu’était constitutif d’une restriction injustifié au droit d’accès à un tribunal découlant de l’article 6, § 1er, le refus d’examiner le bien-fondé d’une demande parce que le droit de timbre n’avait pas été payé et l’arrêt Dylus c/ Pologne du 23 septembre (n° 46075/16) a constaté une violation du droit d’accès à un tribunal en raison du rejet d’un pourvoi en cassation que le demandeur, avocat de profession, avait rédigé lui-même alors qu’il aurait dû l’être par son propre avocat. 

Chronique CEDH : la lutte contre les abus sexuels exercés sur des mineurs entre audace et résignation

La périodicité bimestrielle adoptée pour cette chronique d’actualité de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg amène à constater que la période septembre/octobre 2021 se caractérise par l’absence, pour la première fois depuis le début de l’année, d’arrêts rendus en grande chambre. Cette particularité est, à n’en pas douter, purement conjoncturelle. Il en est une seconde qui, elle, promet d’être structurelle : il s’agit de la montée en régime des décisions relatives aux mesures provisoires qui sont tout à fait d’actualité mais ne correspondent peut-être pas exactement à une jurisprudence. Pour ce qui est de l’actualité jurisprudentielle proprement dite, elles est riche d’enseignements se rapportant à des questions aussi graves et aussi diverses que la covid-19 ; les abus sexuels sur mineurs ; les assassinats politiques et le suicide des personnes privées de liberté ; les mesures sécuritaires coercitives ; l’adaptation du droit à la liberté d’expression à la communication numérique ; les limites du droit à l’humour ; l’influence attendue de la CEDH sur le droit des personnes et de la famille ; celle plus originale sur le droit du travail, le droit des contrats, le droit des groupements, le droit de la propriété immobilière, le droit de vote ou le formalisme procédural excessif.

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Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?

Après une année de discussions, le Sénat apporte à la proposition de loi plus d’une trentaine d’amendements destinés à conserver les seules mesures jugées « utiles à l’amélioration du processus d’adoption », et refuse corrélativement « une réécriture globale [du] code de l’action sociale et des familles » (M. Jourda, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (n° 50), Sénat, 13 oct. 2021, p. 7), considérée, comme le reste de la proposition, comme « inconsistante » et « confuse » (M. Jourda, op. cit., p. 73). À lire la proposition de loi modifiée, ce sont donc plusieurs pans essentiels de la réforme qui s’effacent, que l’on pense à l’abaissement de l’âge et de la durée de communauté de vie pour adopter, à l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans, à l’édification d’un droit commun du consentement à l’adoption (interne et internationale), ou encore à la refonte du statut des pupilles de l’État. Signe de ces suppressions en cascade, la proposition de loi « visant à réformer l’adoption » est finalement rebaptisée par le Sénat en proposition de loi « relative à l’adoption » (amendement n° COM-58) : les mots ne trompent pas ! Aussi, entre confirmations et inflexions, voici donc un bref panorama de la proposition de loi modifiée, à la veille de sa discussion devant la Commission mixte paritaire.

Les confirmations

Parmi les dispositions de la proposition de loi confirmées par le Sénat, toutes poursuivent un même objectif énoncé dans le rapport de la sénatrice Jourda : répondre aux « enjeux importants et identifiés depuis des années » comme problématiques en matière d’adoption, à savoir diverses évolutions en matière filiative, l’obligation de formation préalable des membres du conseil de famille (M. Jourda, op. cit., p. 37 s.), l’amélioration de la préparation et de la détection des familles susceptibles d’accueillir des enfants à besoins spécifiques, et la sécurisation du statut des pupilles de l’État (M. Jourda, op. cit., p. 56 s.).

Volet civil

Du côté du Code civil, plusieurs dispositions ressortent ainsi indemnes de leur lecture devant le Sénat, telles la réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil relatif aux effets de l’adoption simple, celle des articles liés à l’ouverture de l’adoption aux couples de partenaires et de concubins (C. civ., art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 356, 357, 360, 363, 365, 366 et 370-3), celle de l’article 348-6 relatif au consentement de l’adopté à sa propre adoption, de l’article 351 relatif aux effets du placement, de l’article 357 relatif au changement de prénom de l’adopté, outre celle de l’article 411 relatif à la vacance de la tutelle.

Réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil

Pour débuter, les sénateurs laissent d’abord sauve la réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil, destinée à insister sur l’originalité de l’adoption simple vis-à-vis de l’adoption plénière, par l’affirmation expresse de l’établissement d’un nouveau lien de filiation entre l’adopté et l’adoptant, s’additionnant, le cas échéant, au lien de filiation préexistant du premier (art. 1er). Accordant à cette réécriture « le mérite de clarifier les effets propres à l’adoption simple », la Commission des lois l’adopte donc sans modification (M. Jourda, op. cit., p. 13.).

Ouverture de l’adoption aux partenaires et aux concubins

Dans le même sens, l’ensemble des dispositions ouvrant l’adoption aux partenaires et aux concubins est, nous l’avons dit, confirmé (art. 2), et ce afin d’assurer le plein effet de la réforme sur ce point, considéré par les sénateurs comme « en cohérence avec l’évolution du droit de la filiation » (amendement n° COM-25 rect.). Davantage, ces derniers perfectionnent même les termes de l’article 370-3, dont la rédaction initiale avait suscité le débat (amendement n° 53). Ainsi la nouvelle règle de conflit de lois contenue dans ce texte apparaît-elle à la fois plus nette et plus unitaire que la précédente, en énonçant désormais que « les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi du for […] ». La règle de conflit de lois propre aux couples mariés est donc étendue aux couples non-mariés, aux détriments certes de l’article 515-7-1 du code civil, propre aux partenaires pacsés, mais au profit de l’unité de la matière tout entière. On regrettera simplement, s’agissant de ces règles d’élargissement de l’adoption aux partenaires et aux concubins, l’absence d’une prohibition générale du Pacs entre l’enfant adopté et le conjoint ou le partenaire de l’adoptant, laquelle aurait pu être ajoutée à l’article 366 du code civil, par esprit de cohérence avec la prohibition du mariage formulée par ce même texte entre ces mêmes protagonistes.

Adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Différemment, si les dispositions relatives au consentement de l’adopté à sa propre adoption ressortent confirmées de leur lecture devant le Sénat, cette confirmation emprunte le chemin d’une renumérotation d’article (art. 8). Ainsi, là où la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale prévoyait de compléter l’article 348-6 par un nouvel alinéa autorisant l’adoption d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé, sans leur consentement et sous réserve qu’ils soient hors d’état de consentir personnellement à leur adoption, le texte voté par le Sénat déplace cet alinéa dans un nouvel article distinct (C. civ., art. 348-7), afin de dissocier les cas de refus de consentement énoncés à l’article 348-6, de ceux d’absence de consentement issus de la nouvelle disposition (amendement n° COM-42). On observera d’ailleurs, à ce propos, que le Sénat ne répond pas expressément aux interrogations de la doctrine portant sur « l’avis » formulé par le représentant légal ou le protecteur de l’adopté à l’occasion de l’adoption, à savoir si cet avis se substituera ou non à leur consentement, la portée du texte pouvant pourtant en être radicalement modifiée (v. cependant : amendement n° COM-42).

Placement en vue de l’adoption

En suivant encore l’ordre du code civil, l’article 351 ressort lui aussi presque indemne de sa relecture, les sénateurs se limitant ici à une réécriture partielle du texte, d’ailleurs tout à fait opportune (art. 5). En ce sens, là où l’ancienne version proposait de préciser que le placement « débute par » la remise effective de l’enfant aux futurs adoptants, la nouvelle version lui préfère les termes « prend effet à la date de » (sur une suggestion des magistrats de la Cour de cassation auditionnés à cette occasion, à l’origine d’une série d’améliorations du texte ; M. Jourda, op. cit., p. 25.), tandis que là où l’ancienne version ajoutait que « les futurs adoptants peuvent réaliser les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant », la nouvelle version ajoute que « les futurs adoptants accomplissent les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption », termes à la fois plus exacts, plus précis et plus circonscrits. Plus exacts, d’abord, en ce que des actes « s’accomplissent » plus qu’ils ne se « réalisent » (amendement n° COM-37) ; plus précis, ensuite, dans la mesure où les actes usuels sont ici limités à la surveillance et à l’éducation de l’enfant (amendement n° COM-38 ; amendement n° 12), là où ils auraient pu porter sur d’autres des missions relevant de l’autorité parentale, et notamment sur la protection de la santé de l’enfant, semble-t-il écartée de cette nouvelle rédaction (arg. C. civ., art. 373-1, al. 2) ; plus circonscrits, enfin, puisque par esprit de rigueur, la nouvelle rédaction limite la temporalité de ces actes à la durée du placement, soit à la période s’étendant de la remise de l’enfant à la décision d’adoption. On notera en revanche qu’à l’inverse de la proposition de loi des députés, les sénateurs abandonnent l’extension de la procédure de placement de l’adoption plénière à l’adoption simple, relevant à la suite d’une partie de la doctrine l’utilité douteuse d’une telle extension, dans un contexte où « 97 % des adoptions simples [étaient] intrafamiliales en 2018, et 87,9 % [concernaient] des personnes majeures qui [n’avaient] pas même vocation à résider – donc à être « placées » – chez leurs futurs adoptants » (amendement n° COM-39).

Consentement de l’enfant à son changement de prénom

En poursuivant la lecture, la proposition de loi discutée confirme aussi la nouvelle rédaction de l’article 357 du code civil, proposée par l’Assemblée nationale et relative au changement de prénom de l’enfant adopté (art. 9). Ce texte, destiné à « harmoniser les conditions d’âge relatives aux changements [de prénom de l’enfant] entre les procédures de droit commun [des] articles 60 et 311-23 du code civil, et celles propres à l’adoption » (M. Limon, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption (n° 3161), Assemblée nationale, 23 nov. 2020, p. 42), impose en effet, avant comme après son passage devant le Sénat, le consentement de l’enfant adopté de plus de treize ans à son changement de prénom, et non du seul enfant adopté majeur. En revanche, là où la Chambre basse avait décidé d’exiger ce même consentement en cas de changement de nom de l’enfant adopté en la forme simple de plus de treize ans, la chambre haute abandonne cette exigence, estimant que cela « reviendrait à nier [sa] nouvelle filiation et ne [ferait] pas du tout consensus » (amendement n° COM-43), ce dont on pourra débattre.

Tutelles vacantes

Pour finir, les sénateurs laissent enfin sauve la réécriture de l’article 411 du code civil relatif à la vacance de la tutelle, en corrigeant uniquement quelques petites erreurs de rédaction présentes dans la version initiale du texte (art. 17).

Volet action sociale

Du côté du code de l’action sociale et des familles, en revanche, si la reprise des dispositions de la proposition de loi de l’Assemblée est plus nuancée (le Sénat privilégiant ici la gomme au crayon), plusieurs textes en ressortent cependant indemnes, en tout ou en partie.

Agrément

Relativement aux finalités de l’agrément, d’abord, les sénateurs confirment celles formulées par les députés (amendement n° 51 rect. ter), en les insérant toutefois dans un nouvel alinéa de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, là où la chambre basse l’avait élevé en principe directeur d’une section lui étant alors dédiée (art. 10). Ainsi le nouvel article L. 225-2, alinéa 2, disposerait-il désormais, avec une force normative discutable, que « l’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre aux besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs de ces enfants ».

Autres confirmations

Parallèlement, plusieurs propositions sont confirmées par les sénateurs, mais réinsérées au gré des dispositions du code de l’action sociale et des familles, dans le dessein de répondre aux problématiques récurrentes de la matière sans réécrire l’ensemble du code (art. 10, 11, 12, 14 et 15) : l’organisation de réunions d’information au bénéfice des personnes agréées (CASF, art. L. 225-8 prop. initiale, art. L. 225-2, al. 5 prop. modifiée), l’obligation de suivi d’une préparation portant sur les dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption (CASF, art. L. 225-3 prop. initiale, art. L. 225-3, al. 2 prop. modifiée), la possibilité pour le président du conseil départemental de « faire appel à des associations pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue d’adoption des enfants à besoins spécifiques » (CASF, art. L. 225-10-1-1 prop. initiale, art. L. 225-1 dernier al. prop. modifiée), la réalisation d’un bilan médical, psychologique et social des enfants admis en qualité de pupille de l’État (CASF, (CASF, art. L. 224-2 propr. initiale, art. L. 225-1, al. 1er prop. modifiée), l’information des pupilles de l’État des décisions les concernant (CASF, art. L. 224-8-7 prop. initiale, art. L. 224-1-1 prop. modifiée), toutes ces propositions sont reprises pour l’essentiel par le Sénat, tout comme l’assouplissement des règles applicables au congé d’adoption (art. 17 bis), jugé favorable à « une prise effective » de ce congé et à « une meilleure répartition [de celui-ci] entre les parents » (M. Jourda, op. cit., p. 70.).

Cependant, dénonçant sur d’autres points « des prises de position dogmatiques » contraires à l’intérêt de l’enfant (M. Jourda, op. cit., p. 9 s.), plusieurs pans essentiels de la proposition de loi de l’Assemblée sont purement et simplement enterrés par le Sénat.

Les inflexions

Parmi les inflexions à relever, les plus symboliques sont assurément liées aux conditions d’accès à l’adoption, tenant à la durée de vie commune et à l’âge des adoptants, à l’écart d’âge entre les adoptants et les adoptés, mais aussi à l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans, au consentement des parents à l’adoption de leur enfant, à la rétroactivité de la loi et, surtout, à la refonte du statut des pupilles de l’État.

Volet civil

Du côté du code civil, nous l’avons dit, plusieurs des conditions d’accès à l’adoption ressortent profondément altérées de leur passage devant le Sénat.

Condition de communauté de vie des couples d’adoptants

S’agissant de la durée de vie commune des membres des couples adoptant (art. 2), les sénateurs enterrent d’abord et sans sourciller la réduction du délai minimum de communauté de vie de duex à un an, en revenant à l’état du droit positif, c’est-à-dire à deux ans. Sur ce point, les sénateurs plaident en effet pour le maintien de ce délai en le considérant comme « important pour s’assurer de la stabilité du couple, notamment si l’un de ses membres ou les deux ont moins de 26 ans, et de leur engagement commun envers un enfant en attente d’une famille » (amendement n° COM-1 rect).

Conditions d’âge et écart d’âge entre les adoptants et les adoptés

Similairement, la condition d’âge pour adopter est ramenée de vingt-six ans minimum à ving-huit ans, conformément au droit positif (art. 2). Considérant cette fois-ci que la pertinence de l’abaissement de l’âge légal pour adopter ne serait « soutenue par aucune statistique prouvant une proportion significative d’adoptants de 28 ans », les sénateurs l’écartent sans détour (amendement n° COM-1 rect. ; amendement n° COM-25 rect.). À l’opposé, la condition d’écart d’âge entre les adoptants et les adoptés fait son grand retour dans le code civil, là où les députés l’avaient étrangement reléguée dans le code de l’action sociale et des familles (amendement n° COM-35). L’article 344 se voit ainsi enrichi d’un nouvel alinéa 2, qui disposerait désormais que « l’écart d’âge entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’il se propose d’adopter ne doit pas excéder cinquante ans », cette condition n’étant « pas exigée en cas d’adoption de l’enfant du conjoint ». Simultanément, le Sénat supprime enfin l’article 6 de la proposition de loi initiale relatif à la prohibition des adoptions emportant une « confusion des générations », en « considérant plus opportun de laisser au juge le soin d’apprécier l’intérêt de l’enfant au cas par cas, plutôt que d’établir une règle qui ne pourrait souffrir d’exception » (amendement n° COM-40) (Adde M. Jourda, op. cit., p. 27 s., ce dont on pourra certainement discuter.

Adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans

S’agissant de l’adoption plénière des enfants âgés de plus de quinze ans, le Sénat renverse là encore la vapeur. En effet, présentée par le rapport de la députée Limon comme une mesure de faveur envers ce public, la proposition de loi avait notamment allongé le délai durant lequel l’adoption plénière pouvait être sollicitée (des 20 ans aux 21 ans de l’enfant), et ajouté la possibilité pour les juges de prononcer une adoption plénière en dehors des situations visées à l’article 345 du code civil, « en cas de motif grave » (art. 4). Or, regrettant l’absence de plus amples précisions données par l’Assemblée pour justifier sa proposition, et s’interrogeant « sur l’intérêt de l’enfant, au seuil de sa majorité voire au-delà, de voir sa filiation d’origine, avec laquelle il peut s’être construit pendant toute son enfance, purement et simplement effacée », les sénateurs suppriment cette disposition, avançant de surcroît des « risques de détournement de l’adoption à des fins successorales ou d’acquisition de la nationalité française » (amendement n° COM-36).

Consentement des parents à l’adoption de leur enfant

Se saisissant encore de leur gomme, les sénateurs reviennent ensuite sur la proposition d’édification d’un droit commun du consentement à l’adoption (interne et internationale), sur lequel s’était positionnée la proposition de loi initiale (art. 7). Certes, comme le relèvent les sénateurs, la formulation de l’alinéa 1er de l’article 348-3 pouvait être critiquée en ce qu’elle risquait d’introduire certaines incohérences en droit interne comme en droit international (amendement n° COM-41 ; amendement n° COM-4). Mais l’effort d’édification d’un droit commun, louable en son principe, aurait peut-être pu inciter les sénateurs à corriger ce texte, plutôt qu’à le supprimer purement et simplement.

Rétroactivité de la loi en cas de PMA réalisée à l’étranger

Dernier point civil discuté par les sénateurs, la disposition transitoire sur l’assistance médicale à la procréation prévue par l’article 9 bis de la proposition de loi est elle aussi supprimée. Estimant en effet cette disposition comme « inacceptable », en ce qu’elle reviendrait « à se passer du consentement de la mère qui a accouché dans des conditions trop floues », en ce qu’elle « pourrait concerner des situations très anciennes puisqu’aucun délai n’est prévu pour la réalisation de l’AMP », et en ce qu’elle irait à l’encontre de l’avis du « Conseil national de la protection de l’enfance s’y [étant fermement opposé] au motif "qu’elle poursuit un autre but que l’intérêt supérieur de l’enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaitre un droit sur l’enfant" », le Sénat l’efface définitivement de la proposition (amendement n° COM-44).

Volet action sociale

Du côté du code de l’action sociale et des familles, enfin, le Sénat privilégie ici encore la gomme au crayon, en tirant un trait sur le vaste chantier de refonte du statut des pupilles de l’État et sur l’essentiel des dispositions de la proposition de loi y afférant (art. 11 à 15), dénonçant tour à tour le « faible apport normatif » de la proposition (M. Jourda, op. cit., p. 56 et p. 75 s.), l’absence de consensus sur plusieurs de ses points (Notamment sur la composition du conseil de famille des pupilles de l’État ; M. Jourda, op. cit., p. 62), l’inaboutissement de plusieurs autres (Notamment sur la procédure de recours contre les décisions de ce conseil de famille ; M. Jourda, op. cit., p. 64), outre la dangerosité de certaines de ses dispositions (Spécialement sur le consentement des parents à l’adoption de leur enfant ; M. Jourda, op. cit., p. 58 s.).

En somme, le Sénat procède donc à une importante réduction des ambitions de la proposition de loi de l’Assemblée nationale, au profit d’une réforme plus mesurée et, à plusieurs titres, substantiellement améliorée. Mais les députés accepteront-ils ce sévère coup de rabot asséné à leur proposition, ou feront-ils de cette tentative de réécriture un simple coup d’épée dans l’eau (ce dont avait été accusé, par une doctrine des plus autorisées, le Rapport Limon-Imbert, P. Salvage-Gerest, Le rapport Limon-Imbert sur l’adoption : un coup d’épée dans l’eau ?, AJ fam. 2020. 350 image) ? Dans l’intérêt de l’adoption, formulons le vœu qu’une solution de compromis soit trouvée par la Commission mixte paritaire, en perfectionnant encore le texte soumis à ses débats… dans la précipitation (ibid.)… 

Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?

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Éloges funèbres de la possibilité de rétractation anticipée

Le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

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Allocation temporaire d’invalidité : pas de déduction sans versement

Aux termes de l’article 706-9 du code de procédure pénale, pour déduire une prestation à laquelle a droit la victime d’un accident de service de l’indemnité versée par le FGTI, celle-ci doit avoir été demandée et perçue.

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Rejet par ordonnance du recours contre une décision de l’OFPRA

Lorsqu’un recours formé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause sa décision, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) peut le rejeter sans attendre la production d’observations complémentaires annoncées par le requérant.

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