Compétence de l’ONIAM : rappel du principe de subsidiarité

À l’occasion d’un arrêt rendu le 15 juin 2022, la première chambre civile est venue rappeler que la compétence de l’ONIAM obéit au principe de subsidiarité, lequel implique la possibilité, pour le fonds d’indemnisation, d’exercer un recours subrogatoire contre le responsable du dommage et contre son assureur.

En l’espèce, le 12 janvier 2007, à l’occasion d’une intervention médicale effectuée dans une clinique, une patiente a chuté de la table d’opération, ce qui a entraîné une fracture de vertèbres dorsales avec contusion de la moelle épinière.

Le 21 janvier 2008, la victime a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation de la région Aquitaine (CCI), laquelle a estimé que le dommage résultait d’un défaut de surveillance imputable à l’infirmière panseuse et au médecin anesthésiste exerçant à titre libéral. Dès lors, il appartenait à l’assureur du médecin anesthésiste ainsi qu’à celui de la clinique de faire une offre d’indemnisation. Selon la CCI, la charge de la réparation devait être répartie entre eux pour moitié.

L’assureur du médecin anesthésiste a présenté une offre d’indemnisation à la victime, couvrant la moitié des préjudices, qui a été acceptée. En revanche, l’assureur de la clinique a refusé de faire une telle offre.

Afin de pallier cette carence, l’ONIAM s’est substitué à l’assureur et a indemnisé la victime pour l’autre moitié de son préjudice. Par la suite, l’ONIAM a entendu exercer un recours subrogatoire contre l’assureur de la clinique. Son recours a toutefois été rejeté, de sorte que l’ONIAM a finalement assigné le médecin anesthésiste et son assureur afin d’obtenir le remboursement des sommes versées. La cour d’appel de Pau a rejeté cette demande. Les juges du fond ont considéré que le fonds s’était substitué à l’assureur de la clinique, et non à l’assureur du médecin anesthésiste. Ainsi, l’ONIAM n’était pas fondé à exercer un recours subrogatoire contre le médecin anesthésiste et son assureur.

Dans un arrêt du 15 juin 2022, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond. Au visa des articles L. 1142-1, II, L. 1142-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique, elle rappelle que la compétence de l’ONIAM et l’indemnisation au titre de la solidarité nationale ont un caractère subsidiaire, et admet le recours subrogatoire du fonds contre le médecin anesthésiste et son assureur.

Institué par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l’ONIAM a pour compétence principale l’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CSP, art. L. 1142-22). Cette compétence obéit à une condition préalable négative, qui est l’absence de responsabilité d’un professionnel de santé. La compétence de l’ONIAM est ainsi subsidiaire, dans le sens où la victime ne peut bénéficier du fonds que si aucune responsabilité ne peut être mise en jeu à l’encontre d’un professionnel de santé (M. Bacache-Gibeili, Les obligations. La...

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La neutralisation des clauses de médiation préalable dans le contrat de travail

À l’instar de tout autre droit, l’action peut faire l’objet d’actes juridiques. Parmi ceux-ci figurent des conventions visant à la « suspendre temporairement » (N. Cayrol, Les actes ayant pour objet l’action en justice, thèse, préf. F. Grua [dir.], Economica, 2001, spéc. nos 327 s.). Les clauses contractuelles de conciliation et de médiation préalables en sont une illustration topique : elles subordonnent l’exercice du droit d’action à un préalable amiable contractuellement organisé. Mettant fin à des divergences jurisprudentielles, une chambre mixte de la Cour de cassation proclama en 2003 que « licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent » (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image). Ainsi, la demande en justice non précédée de la mise en œuvre de la clause sera déclarée irrecevable. La force obligatoire du contrat s’impose au juge ; il n’a aucun pouvoir d’appréciation, même s’il ne dispose pas du pouvoir de relever d’office cette irrecevabilité, la fin de non-recevoir n’étant pas d’ordre public et ne concernant pas le défaut d’intérêt, le défaut de qualité ou la chose jugée (C. pr. civ., art. 125).

Il ne faut cependant pas occulter que derrière ce droit technique qu’est l’action en justice se dresse un droit fondamental : celui d’accéder à la justice. Ce droit-là est garanti au plus haut niveau, conventionnel (CEDH 21 févr. 1975, n° 4451/70, Golder c. Royaume-Uni) et constitutionnel (v. par ex. Cons. const. 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC, D. 2006. 2157, chron. C. Castets-Renard image ; ibid. 2878, chron. X. Magnon image ; ibid. 2007. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino image ; RTD civ. 2006. 791, obs. T. Revet image ; ibid. 2007. 80, obs. R. Encinas de Munagorri imageconsid. 11). Les clauses de médiation et de conciliation ne sont pas en soi incompatibles avec le droit d’accès au juge : ce droit n’est pas absolu (par ex. CEDH, gr. ch., 18 févr. 1999, n° 28934/95, Beer et Regan c. Allemagne, § 49) et tolère des formes de renonciation (par ex. CEDH, gr. ch., 17 sept. 2009, n° 10249/03, AJDA 2010. 997, chron. J.-F. Flauss image ; D. 2010. 2732, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail image ; RSC 2010. 234, obs. J.-P. Marguénaud image; Scoppola c. Italie (n° 2), § 135). Il en résulte la possibilité pour un plaideur de renoncer temporairement à l’exercice de l’action par des clauses de suspension telles que les clauses de médiation ou de conciliation. La fermeture du droit au juge n’est, dans ce cas, même pas définitive (v. not. P. Ancel et M. Cottin, L’efficacité procédurale des clauses de conciliation ou de médiation, D. 2003. 1386 image, n° 5).

Cela étant, il n’est pas neutre de déclarer irrecevable la demande en justice d’un justiciable au seul motif qu’une clause imposant un préalable de médiation ou de conciliation n’a pas été respectée. La sanction est particulièrement énergique. Elle peut être invoquée en tout état de cause, même pour la première fois en appel (Com. 24 juin 2020, n° 18-15.249, D. 2020. 2484, obs. T. Clay image ; ibid. 2021. 718, obs. N. Ferrier image ; RTD civ. 2020. 869, obs. H. Barbier image), donc bien après le commencement du procès. La jurisprudence n’admet pas l’idée qu’en acceptant le débat sur le fond, le défendeur a renoncé à se prévaloir de cette fin de non-recevoir (pourtant suggérée par une doctrine autorisée, not. R. Perrot, Clause de conciliation préalable, RTD civ. 2003. 349 image). De surcroît, lorsque l’adversaire se prévaut de la fin de non-recevoir, le demandeur n’a pas d’échappatoire : la mise en œuvre de la clause de médiation ou de conciliation en cours d’instance ne régularise pas la situation puisque la clause imposait le préalable amiable avant la saisine du juge (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19.684 P, Dalloz actualité, 6 janv. 2015, obs. M. Kebir ; D. 2015. 298, obs. C. de presse image, note C. Boillot image ; ibid. 287, obs. N. Fricero image ; RDI 2015. 177, obs. K. De la Asuncion Planes image ; AJCA 2015. 128, obs. K. de la Asuncion Planes image ; D. avocats 2015. 122, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2015. 131, obs. H. Barbier image ; ibid. 187, obs. P. Théry image). Or, et c’est là le risque, lorsqu’elle est prononcée, l’irrecevabilité prive la demande en justice de son effet interruptif de prescription (C. civ., art. 2243 ; Com. 26 janv. 2016, n° 14-17.952 P, Dalloz actualité, 15 fév. 2016, obs. F. Mélin; Cormier c/ Mandataires judiciaires associés, D. 2016. 310 image ; Civ. 2e, 21 mars 2019, n° 17-10.663 P, Dalloz actualité, 8 avr. 2019, obs. R. Laffly; D. 2019. 648 image). C’est dire que la sanction retenue, pour légitime qu’elle soit (L. Cadiet, L’effet processuel des clauses de médiation, RDC 2003. 182) peut conduire à une suppression totale du droit d’accès au juge !

En raison des dangers que la clause ainsi sanctionnée fait peser sur l’effectivité de ce droit fondamental, celle-ci doit faire l’objet d’une attention particulière. La jurisprudence veille, de manière générale, à ce que la clause témoigne d’une renonciation temporaire non équivoque à l’action, à défaut de quoi l’irrecevabilité serait une ingérence injustifiée dans le droit au juge. Pour reprendre les termes de l’arrêt de 2003, seule la « clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge » donne lieu à sanction. Encore faut-il déplorer les divergences jurisprudentielles concernant cette qualification. Quand la chambre commerciale exige de la clause qu’elle comporte des « conditions particulières de mise en œuvre » (Com., 29 avr. 2014, no 12-27.004 P, Medissimo (Sté) c/ CGI France (Sté), D. 2014. 1044 image ; ibid. 2541, obs. T. Clay image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; AJCA 2014. 176, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2014. 655, obs. H. Barbier image), la troisième chambre civile ne définit pas de critère et s’en remet à l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 3e, 19 mai 2016, no 15-14.464 P, Dalloz actualité, 3 juin 2016, obs. M. Kebir; D. 2016. 2377 image, note V. Mazeaud image ; ibid. 2589, obs. T. Clay image ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki image ; ibid. 422, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2016. 621, obs. H. Barbier image). Le départ entre la clause purement indicative (se contentant « de prôner, de manière incantatoire, la recherche d’une solution amiable entre les parties », v. J. Mestre, « Clause de conciliation et de médiation », in F. Buy et al., Les principales clauses des contrats d’affaires, 2e éd., 2019, LGDJ, coll. « Les Intégrales », p. 139-149, spéc. n° 296, p. 146) et celle instituant une véritable procédure amiable préalable ne s’en trouve pas facilitée. Tout au plus la clause de médiation ou de conciliation imprécise ou ambiguë pourra-t-elle être requalifiée en clause de style et privée de sa force obligatoire (Civ. 3e, 11 juill. 2019, n° 18-13.460, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; AJDI 2019. 919 image), sans que la prévisibilité des solutions soit assurée (sur l’analyse de la jurisprudence, v. not. L. Veyre, La clause de conciliation : un régime à perfectionner !, D. 2020. 1046 image ; V. Lasserre, Les effets des clauses de conciliation ou de médiation, JCP 2021. 271). De manière spécifique, la clause est neutralisée lorsque le droit au juge se fait prégnant (en cas d’urgence) ou lorsque la renonciation provisoire peut être présumée équivoque.

C’est à ce mouvement que pourrait être rattaché l’avis rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 14 juin 2022. En l’espèce, la Cour de cassation a été saisie d’une demande d’avis formée par la cour d’appel de Colmar ainsi formulée : « la convention instituant un préliminaire obligatoire de médiation s’impose-t-elle au juge du fond dès lors que les parties l’invoquent et doit-elle en conséquence entraîner l’irrecevabilité d’une demande formée sans que la procédure de médiation ait été mise en œuvre ? » La Cour de cassation répond par la négative en se fondant sur l’article L. 1411-1 du code du travail qui définit l’office du conseil de prud’hommes, lequel « règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient » et « juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti ». La chambre sociale en déduit « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend ».

Cette réponse peut étonner dans la mesure où elle n’est pas parfaitement ajustée à la question. Alors que la question posée visait la saisine de tout juge du fond, la Cour de cassation s’appuie dans sa réponse sur la seule procédure prud’homale. Il est vrai que la compétence du conseil de prud’hommes a vocation à épuiser le champ des relations individuelles nouées entre l’employeur et le salarié à l’occasion du contrat de travail (C. trav., art. L. 1411-1). L’avis ne donne pas de précision sur le sort de la clause dans le cadre d’un litige qui ne serait pas soumis au conseil de prud’hommes (par exemple, en matière d’accidents du travail, v. Soc. 30 sept. 2010, n° 09-41.451 P, Dalloz actualité, 21 oct. 2010, obs. L. Perrin ; CPAM de Saint-Etienne c/ Chanut (Mme), D. 2010. 2372 image). La chambre sociale a déjà admis le jeu de la sanction de la clause de conciliation dans un litige opposant un syndicat et un employeur au titre de l’application d’une convention collective (Soc. 4 nov. 2020, n° 19-13.922).

Par ailleurs, le raisonnement présenté par la Cour est original. Les raisons invoquées par l’avis peuvent être discutées, ce qui laisse entrevoir d’autres interprétations du résultat pragmatique auquel il aboutit.

La raison invoquée par l’avis : une clause respectée dans la procédure prud’homale

Pour la chambre sociale, la procédure de conciliation préliminaire et obligatoire instaurée dans le procès prud’homal constituerait une sorte de mode d’exécution de la clause de médiation préalable. En d’autres termes, la saisine directe du juge prud’homal, qui a un office de conciliation, respecterait les prévisions de la clause.

Le même raisonnement avait été tenu à propos d’une clause de conciliation dans un arrêt de 2012 (Soc. 5 déc. 2012, n° 11-20.004 P, Dalloz actualité, 8 janv. 2013, obs. B. Ines; Médica France (Sté), D. 2012. 2969 image ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz image ; ibid. 2936, obs. T. Clay image ; Just. & cass. 2013. 178, rapp. C. Corbel image ; ibid. 186, avis P. Lalande image ; Dr. soc. 2013. 178, obs. D. Boulmier image ; ibid. 576, chron. S. Tournaux image ; RDT 2013. 124, obs. E. Serverin image ; RTD civ. 2013. 171, obs. R. Perrot image). On lisait avant même cet arrêt dans la doctrine travailliste que « l’existence d’une phase obligatoire de conciliation dans la procédure prud’homale, autant que le caractère d’ordre public de la compétence de la juridiction paritaire, privent [la règle générale dégagée par l’arrêt de chambre mixte de 2003] de pertinence pour les litiges qui relèvent de cette compétence » (J. Pélissier et a., Les grands arrêts du droit du travail, 4e éd., Dalloz, 2008, p. 114).

L’avis sous commentaire réaffirme la solution et l’étend à la clause de médiation. Cette extension intervient dans un contexte renouvelé. Entre-temps les modes amiables se sont normalisés devant la juridiction prud’homale. La loi du 6 août 2015 a notamment abrogé l’article 24 de la loi du 8 février 1995 qui prévoyait que les dispositions relatives à la médiation « ne s’appliquent à la médiation conventionnelle intervenant dans les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail que lorsque ces différends sont transfrontaliers ». Plusieurs auteurs pensaient que la solution de 2012 serait abandonnée (v. par ex. T. Lahalle, La baisse du contentieux prud’homal, JCP S 2018. 1386 ; A. Bugada, État des lieux des réformes de la justice prud’homale et questions d’actualités, JCP S 2016. 1283 ; sur le développement de la médiation, v. R. Chiss, Libres et brefs propos sur la médiation, JCP S 2019. 1165).

Surtout, il nous semble que, plus encore pour la clause de médiation que pour la clause de conciliation, le raisonnement de la Cour se fonde sur deux présupposés discutables. Il s’agit, d’une part, de l’idée d’équivalence entre une procédure de conciliation devant le conseil de prud’hommes et une médiation conventionnelle et, d’autre part, de l’idée de redondance que représenterait le cumul de ces deux procédures amiables.

Équivalence ?

D’une part, pour approuver pleinement le raisonnement de la Cour, il faudrait considérer qu’il existe une équivalence entre la procédure de conciliation judiciaire devant le conseil de prud’hommes et une médiation conventionnelle. Cela se discute à deux égards : concernant la distinction entre médiation et conciliation et concernant plus spécifiquement celle de la médiation conventionnelle et de la conciliation judiciaire par le juge.

D’abord, une médiation équivaut-elle à une conciliation ?

Concédons que la médiation et la conciliation peinent à être véritablement distinguées en raison d’un flou terminologique que le droit contemporain entretient toujours. De manière générale, dans le langage courant (qui peut servir de référence pour des parties qui stipulent une clause), la conciliation est un terme vague qui n’implique pas forcément l’intervention d’un tiers (la conciliation informelle entre les parties a toujours existé). La médiation implique, quant à elle, l’intervention d’un tiers médiateur, même dans le langage courant. De ce point de vue, les clauses de conciliation et de médiation sont d’une extrême diversité : elles peuvent ou non imposer la présence d’un tiers (W. Dross, Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, v° Médiation, p. 483 s., spéc. p. 484). De manière plus spécifique, dans le livre V du code de procédure civile auquel renvoie le code du travail (C. trav., art. R. 1471-1), tant la conciliation conventionnelle que la médiation conventionnelle impliquent l’intervention d’un tiers. Toutefois, la définition est commune aux deux modes amiables, étant appréhendés tous deux comme une déclinaison de la notion européenne de médiation telle que définie par la directive européenne 2008/52/CE du 21 mai 2008 (C. pr. civ., art. 1530 : « La médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s’entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée, de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence »). La confusion résulte aussi du fait qu’historiquement, la médiation est née devant les prétoires dans le creuset de la conciliation. La Cour de cassation a jugé en 1993 que la médiation était une modalité de la conciliation par le juge (Civ. 2e, 16 juin 1993, n° 91-15.332 P).

Il n’en reste pas moins que la distinction existe, notamment depuis la loi du 8 février 1995 et le décret du 22 juillet 1996 qui ont institutionnalisé la médiation. La médiation implique que le tiers cherche à « confronter [les] points de vue » des parties et permettre à celles-ci « de trouver une solution » (C. pr. civ., art. 131-1), méthodologie que n’implique pas nécessairement la conciliation. À ce titre, Carbonnier qualifiait la médiation de « conciliation en plus moderne mais surtout en plus dynamique » (Droit civil, t. 1, 2e éd., 2017, PUF, n° 89). Par ailleurs, le conseil de prud’hommes qui exerce son office de conciliation peut ordonner une médiation, tant devant le bureau de conciliation et d’orientation que devant le bureau de jugement (C. trav., art. R. 1471-2), ce qui suggère bien que les deux modes amiables ne sont pas identiques.

Ensuite, une médiation conventionnelle équivaut-elle à une conciliation menée directement par le juge prud’homal ? On peut en douter, à deux titres.

Premièrement, le préliminaire de conciliation devant le conseil est partie intégrante d’une procédure judiciaire déjà introduite. Il fait suite au dépôt d’une requête, acte introductif d’instance (C. trav., art. R. 1452-1) et à la convocation du défendeur (C. trav., art. R. 1452-4). Les hostilités sont, pour ainsi dire, déjà engagées. L’esprit est très différent de celui qui anime une médiation ou une conciliation hors du prétoire, avant toute instance. En outre, le décalage existe également entre la conciliation judiciaire et l’intention contractuelle qui préside à l’insertion d’une clause de médiation ou de conciliation, lesquelles sont l’expression d’une conception du contrat « relationnalisé » renforçant la confiance entre contractants par la chance donnée au règlement déjudiciarisé (H. Kassoul, L’après-contrat, thèse, Y. Strickler (dir.), 2018, spéc. nos 367 et 388). Il est vrai cependant que le droit du travail n’est pas très réceptif à ce paradigme, étant précisé de surcroît que ce qui précède le procès en la matière est souvent réglementé (comme la procédure de licenciement) et peut rendre complexe la mise en œuvre d’une phase amiable (M. Keller, note ss Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image ; Dr. soc. 2003. 890).

Deuxièmement, l’office des juges conciliateurs n’est pas dédié à la conciliation : ils concilient mais peuvent aussi prendre des mesures provisoires (C. trav., art. R. 1454-14). Les parties ne sont pas forcément présentes en personne puisqu’elles peuvent être représentées (C. trav., art. R. 1453-1). Par ailleurs, pour la Cour de cassation, les conseillers doivent vérifier que les parties sont informées de leurs droits respectifs à peine d’excès de pouvoir (Soc. 24 mai 2006, n° 04-45.877 P, RDT 2006. 192, obs. E. Serverin image). Cet office n’est pas celui d’un médiateur conventionnel. La divergence est d’autant plus forte que désormais, la pratique de la conciliation par le conseil de prud’hommes ménage une certaine place à la conciliation forfaitaire, selon un barème établi (C. trav., art. L. 1235-1 et D. 1235-21) qui n’a de conciliation que le nom. On ajoutera que dans les faits, la conciliation prud’homale remplit mal sa fonction de conciliation… Un rapport sénatorial (A. Canayer et a. [commission des affaires sociales et commission des lois], « La justice prud’homale au milieu du gué », rapport d’information n° 653, 10 juill. 2019) relevait que « les conditions de la conciliation prud’homale ne sont pas réunies » avec un taux d’affaires résolues par voie de conciliation « en moyenne de 8 % en 2018, variant de 0 à 26 % d’un CPH à l’autre ». Les rapporteurs relevaient, par contraste que « la conciliation est opérée en partie en dehors du CPH » et que « les conseillers prud’hommes ne disposent pas de formation spécifique à ce mode de règlement des différends » estimant – de manière insuffisamment renseignée – à 13 % en 2018 le taux de résolution amiable hors du conseil de prud’hommes.

Toutes ces raisons incitent à ne pas tenir pour équivalente une conciliation par le juge prud’homal et la mise en œuvre d’une clause de médiation préalable à toute instance.

Redondance ?

D’autre part, le raisonnement de la Cour présuppose que la mise en œuvre de la clause de médiation ferait double emploi avec la procédure de conciliation instaurée devant le conseil de prud’hommes. Il est vrai que la succession de préliminaires de conciliation ou de médiation ne favorise pas le délai raisonnable de jugement et peut s’avérer contre-productive (v. M. Keller, note ss Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, préc.). Cette redondance était visée par la Cour de cassation elle-même dans un commentaire de l’arrêt du 5 décembre 2012 (Mensuel du droit du travail, n° 38, déc. 2012, p. 31-32). Ce présupposé n’emporte pas la conviction sur le plan purement juridique.

D’abord, de manière générale, la loi ne rechigne pas à imposer des formalités amiables conventionnelles avant une procédure judiciaire de conciliation. Il en va ainsi devant le tribunal judiciaire : la demande de tentative préalable de conciliation peut être subordonnée à la mise en œuvre d’un mode amiable conventionnel préalable (C. pr. civ., art. 750-1 et 827). Le droit du travail n’est pas épargné par cette logique. La loi a mis fin à l’inéligibilité de la matière prud’homale à la procédure participative. Une fois le litige né, les parties assistées de leurs avocats ont donc la possibilité de conclure une convention qui les oblige à négocier de bonne foi un accord (C. civ., art. 2062) sans pouvoir recourir au juge tant que cette convention est en vigueur (C. civ., art. 2065). Lorsque la procédure échoue, il n’est prévu aucune dispense de conciliation devant le conseil de prud’hommes, et ce alors qu’une telle dispense existe dans les autres matières (C. civ., art. 2066, al. 3). C’est dire que le législateur n’est pas opposé à une succession de phases conciliatoires dans le contentieux du travail. Le cumul étant toléré par le législateur, on aurait pu penser qu’il devait l’être a fortiori lorsque les parties sont convenues de s’imposer ce préalable supplémentaire.

Ensuite, de manière plus particulière, toute affaire soumise au conseil de prud’hommes n’implique pas la saisine du bureau de conciliation et d’orientation. Spécialement, lorsque l’affaire a trait à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée d’un contrat de travail à durée déterminée (C. trav., art. L. 1245-41) ou d’une mission d’intérim (C. trav., art. 1251-41) ou à la requalification d’une prise d’acte de la rupture (C. trav., art. L. 1451-1), c’est directement le bureau de jugement qui est saisi. Faudrait-il en conclure que la clause devrait être exécutée lorsque de telles demandes sont formulées ? Le doute est permis, car en théorie, même les bureaux de jugement ont mission de concilier : le texte cité à l’appui de l’avis est relatif à la mission de conciliation du conseil de prud’hommes lui-même (qui dérive de l’office général de conciliation du juge, v. C. pr. civ., art. 21). Il n’en demeure pas moins que cette conciliation est laissée à la discrétion du bureau de jugement. Il ne s’agit pas, dans cette hypothèse, d’une « procédure de conciliation préliminaire et obligatoire » telle que visée dans l’avis pour justifier la solution (v. déjà A. Bugada, « Inopposabilité de la clause de conciliation préalable insérée au contrat de travail », Procédures 2013, n° 106).

En cet état, il est difficile de souscrire à l’analyse qui voudrait que la clause de médiation préalable soit satisfaite par la saisine du juge.

Le résultat énoncé par l’avis : une clause n’empêchant pas la saisine directe du juge

L’avis énonce qu’« une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend ». La justification invoquée, suivant laquelle une telle clause est réputée satisfaite avec l’introduction de l’instance prud’homale n’emportant pas l’adhésion, il convient de considérer plutôt que la solution neutralise la sanction procédurale de la clause de médiation dans un contexte où elle aurait pu avoir vocation à jouer. Cette orientation est d’autant plus fondée que le contentieux du contrat de travail relève en grande majorité du conseil de prud’hommes. Quelles raisons justifient une telle neutralisation ? La thèse de l’illicéité de la clause doit être écartée : la Cour ne répute pas non écrite la clause. Celle-ci étant simplement privée de sa sanction procédurale, elle apparaît plus vraisemblablement comme frappée d’inopposabilité dans le contrat de travail.

Licéité

Le droit au juge revêt une importance singulière dans la relation de travail. S’il en va ainsi, ce n’est pas tant parce que le contrat de travail intéresse l’ordre public (ce qui n’a jamais été un obstacle à la mise en place d’un mode amiable, v. v. not. X. Lagarde, « Esquisse d’un régime juridique des clauses de conciliation », RDC 2003, n° RDCO2003-1-051, p. 189) mais plutôt parce qu’il est un contrat d’adhésion (même si la définition légale du contrat d’adhésion rebat les cartes, v. G. Loiseau et A. Martinon, Le contrat de travail est-il (encore) un contrat d’adhésion ?, Cah. soc. janv. 2018, n° 122f0, p. 3). Cette configuration contractuelle fait présumer l’équivoque dans la renonciation temporaire au droit au juge (not. J. Icard, Le juge et les modes conventionnels de règlement des litiges du travail, Dr. soc. 2017. 33 image, spéc. I A 1 ; D. Boulmier, Contentieux individuels de travail et conciliation/médiation : état des lieux (dégradé !), Dr. soc. 2012. 121 image ; Clause contractuelle de conciliation préalable à la saisine du juge, Dr. soc. 2013. 178 image).

Dans certains contrats d’adhésion, la clause de médiation ou de conciliation préalable est frappée d’illicéité. Ainsi en va-t-il dans les contrats de consommation. Depuis la transposition de la directive n° 2013/11/UE du 21 mai 2013 par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge » (C. consom., art. L. 612-4). Quant aux clauses rédigées antérieurement à l’entrée en vigueur de ce texte, elles sont présumées abusives en ce qu’elles sont susceptibles de « supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur » (C. consom., art. R. 212-2, 10°). La Cour de cassation le juge de manière constante (Civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-16.197, D. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image; Civ. 3e, 19 janv. 2022, n° 21-11.095, Dalloz actualité, 15 fév. 2022, obs. F. Garcia ; D. 2022. 928 image, note J.-D. Pellier image ; ibid. 625, obs. N. Fricero image ; AJDI 2022. 321, point de vue F. de La Vaissière image ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. B. Gorchs-Gelzer image) même si l’on peut regretter l’« empilement normatif qui obscurcit le régime applicable à ce type de clauses » (H. Kassoul, Clause de conciliation préalable et droit de la consommation : espérons une clarification, LEDC mars 2022, n° DCO200r8 ; adde J.-D. Pellier, Retour sur la clause de conciliation préalable dans les rapports de consommation, D. 2022. 928 image) dans la mesure où l’ancien régime tolère la preuve contraire tandis que le régime nouveau interdit purement la clause. Il n’en reste pas moins que l’objectif est clairement celui de la neutralisation des clauses de médiation et de conciliation préalable dans le contrat de consommation en tant qu’elles créent une contrainte sur le consommateur. Une clause s’imposant au professionnel ne serait pas éradiquée.

Le contrat de travail se rapproche du contrat de consommation. Comme le consommateur, le salarié est une partie faible. Le dispositif de lutte contre les clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil peine à se développer en droit du travail (encore qu’il ne soit pas exclu, v. E. Dockès, G. Auzero et D. Baugard, Droit du travail, 35e éd., 2021, Dalloz, coll. « Précis », n° 680, p. 883 ; sur l’idée de soumettre les clauses de conciliation à ce dispositif, v. A. Bugada, « Sept incitations à la médiation en droit du travail », in A. Leborgne [dir.], La médiation civile : alternative ou étape du procès, PUAM, 2018, p. 193 s., spéc. p. 200). Le code du travail comporte d’ailleurs une disposition précisant que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (C. trav., art. L. 1121-1). La « liberté fondamentale d’agir en justice » est bien évidemment protégée à ce titre, comme en atteste la jurisprudence relative à la nullité des mesures de licenciement intervenues en rétorsion à l’exercice d’une action en justice par le salarié (v. Soc. 21 sept. 2016, n° 15-10.263 ; 9 oct. 2019, n°17-24.773 P, D. 2019. 1998 image ; RDT 2019. 801, obs. F. Guiomard image ; 4 nov. 2020, n° 19-12.367 P, Dalloz actualité, déc. 2020, obs. C. Couëdel ; D. 2020. 2175 image ; ibid. 2021. 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane image ; Dr. soc. 2020. 1046, obs. J. Mouly image) de même que les textes qui défendent la compétence d’ordre public du conseil de prud’hommes (interdiction de la clause attributive de compétence [C. trav., art. L. 1411-4 et L. 1221-5]). Cette disposition pourrait donc fonder un principe d’interdiction de la clause de médiation ou de conciliation préalable en ce qu’elle complexifie l’accès à la justice pour le salarié, dans le même esprit que la législation consumériste.

Ce n’est pourtant pas dans cette voie que s’engage l’avis commenté. Plusieurs arrêts pouvaient pourtant être interprétés comme une forme de neutralisation sans nuance de la clause de conciliation lorsque celle-ci était insérée dans une convention collective. La Cour de cassation a jugé que « la tentative de conciliation prévue par la convention collective ne saurait faire échec aux règles de droit commun ni constituer un préliminaire de conciliation » (Soc. 8 déc. 1965 P, D. 1966. Somm. 48) puis que « les juges du fond ont estimé à juste titre que l’obligation faite aux parties par l’article 105 de la convention collective du notariat de saisir l’organisme paritaire de conciliation créé par celle-ci ne pouvait priver X… du droit de porter de façon immédiate devant la juridiction prud’homale le litige l’opposant à son employeur à l’occasion du contrat de travail, conformément à l’article 81 du décret n° 58-1292 du 22 décembre 1958 » (Soc. 18 juin 1970, n° 69-40.331 P). Cette jurisprudence s’est maintenue (Soc. 26 janv. 1994, n° 91-40.464 P : « la création d’organismes conventionnels chargés de régler les différends nés à l’occasion du contrat de travail, ou même de procéder à la conciliation des parties, ne saurait faire obstacle à la saisine directe de la juridiction prud’homale par les intéressés » ; Soc. 6 févr. 2001, n° 98-42.679).

La doctrine rattache encore parfois ces solutions à la compétence d’ordre public et exclusive du conseil de prud’hommes (v. not. E. Dockès, G. Auzero et D. Baugard, op. cit., n° 113). Il s’agit d’éviter toute concurrence entre la justice prud’homale et des systèmes de justice privée qui peuvent se développer en prenant appui sur le terreau de la médiation préalable (T. Grumbach et E. Séverin, Dans l’air du temps de la marchandisation de la justice : la mise en concurrence du juge prud’homal avec les services de justice privée, in Faut-il renforcer les modes alternatifs de résolution des litiges entre employeurs et salariés ?, RDT 2010. 205 image). Pourtant, dans la pureté des principes, si les règles de compétence permettent de déterminer devant quelle juridiction l’action doit être exercée, elles n’ont pas vocation à faire obstacle à la conclusion d’actes juridiques relatifs à l’action (sauf à interdire tout accord et donc toute transaction en droit du travail). On comprend ainsi pourquoi l’argumentation de la chambre sociale a évolué et n’est pas identique selon qu’elle neutralise la clause compromissoire (qui pose un problème de répartition des compétences entre le juge étatique et l’arbitre) ou la clause de conciliation ou de médiation (v. ainsi, RDC 2013. 1010, obs. C. Pelletier). Cela présuppose la validité de la clause (Gaz. Pal. 9 mars 2013, n° 121w3, obs. S. Amrani-Mekki).

L’avis commenté révèle que la chambre sociale n’a toujours pas entendu rompre avec le principe de licéité de la clause de médiation ou de conciliation en droit du travail. Il faut l’en approuver : ce qui pose un problème est moins la clause en elle-même que la sanction – potentiellement violente – qui lui est attachée en cas de violation.

Inopposabilité

Dès lors que l’on admet que la clause n’est pas satisfaite par la saisine directe du juge prud’homal et qu’elle n’est pas non plus tenue pour illicite, on est conduit à considérer que le résultat pragmatique de l’avis est de priver de sanction procédurale la clause de médiation. Il s’agit d’une forme de neutralisation entendue comme la « privation d’effets qui fait qu’un acte non annulé est cependant inopposable » (G. Cornu [dir.], Vocabulaire juridique, v° Neutralisation, 14e éd., PUF, coll. « Quadrige », 2022). On peut donc suggérer l’idée d’inopposabilité de la clause de médiation (v. déjà, en ce sens, A. Bugada, Inopposabilité de la clause de conciliation préalable insérée au contrat de travail, Procédures 2013, n° 106 ; RDC 2013, n° RDCO2013-3-036, p. 1010, obs. C. Pelletier). L’inopposabilité est classiquement une sanction par laquelle un tiers se retrouve fondé à ignorer un acte, mais dans un sens large, l’inopposabilité peut aussi concerner les parties. L’adjectif inopposable « se dit relativement à une personne, d’un acte ou d’un droit dont cette personne est fondée à ignorer ou à faire écarter les effets » (G. Cornu [dir.], Vocabulaire juridique, v° Inopposable). C’est par exemple en ce sens que l’article 2061 du code civil précise à propos de la clause compromissoire que « lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée ». La sanction traduit en réalité l’inefficacité d’une clause qui n’est pas nulle (G. François, L’inefficacité des clauses de conciliation précontentieuse insérées dans le contrat de travail, JCP E 2013. 1127 ; T. Clay, L’arbitrage des conflits du travail, BJT févr. 2019, n° 111d6, p. 35).

D’abord, l’inopposabilité de la clause apparaît être une solution opportune. Elle l’est au regard du contexte contractuel, qui fait douter de la réalité de la volonté non équivoque du salarié de consentir à suspendre son droit d’action en cas de litige. Elle l’est au regard du contexte processuel. En droit du travail, une fin de non-recevoir peut avoir des effets dévastateurs tant les délais de prescription sont réduits et les délais de jugement longs. La sanction est donc ici menaçante pour le droit au juge. Surtout, l’inopposabilité est une sanction équilibrée du point de vue de la politique des modes amiables : elle ne dissuade pas les parties d’insérer la clause ni d’envisager volontairement la médiation avant tout procès. Il ne s’agit pas d’un frein porté au développement des modes amiables en la matière mais d’une limite apportée à leur développement à marche forcée. Comme l’avait écrit Perrot, il y a là un « solide bon sens » (R. Perrot, Clause de conciliation préalable : sa portée en matière prud’homale, RTD civ. 2013. 171 image).

Ensuite, l’inopposabilité ouvre des perspectives. La formulation de la chambre sociale laisse penser que tant le salarié que l’employeur ont la possibilité de saisir le juge en dépit de la clause. Mais l’inopposabilité tolère une application distributive. Or, en opportunité, on peut se demander si la clause ne devrait pas être déclarée opposable à l’employeur qui est supposé la partie forte au contrat. De fait, à l’analyse, la jurisprudence se révèle moins récalcitrante à donner effet à des clauses de préalable amiable lorsque celles-ci ont vocation à bénéficier au salarié. Il en va ainsi de la charte du football professionnel, ayant valeur de convention collective, qui prévoit que lorsque l’employeur envisage la rupture du contrat de travail d’un éducateur professionnel en raison d’un manquement de ce dernier à ses obligations, le litige doit être porté devant la commission juridique qui convoque immédiatement les parties et tente de les concilier. Le non-respect de cette clause par l’employeur n’est pas neutre puisque la Cour de cassation y voit une « garantie de fond » pour le salarié qui rend irrégulière la rupture du contrat de travail (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-18.783P, Dalloz actualité, 16 oct. 2012, obs. C. Fleuriot ; D. 2013. 527, obs. Centre de droit et d’économie du sport image ; RDT 2012. 694, obs. F. Mandin image ; v. aussi, sur le domaine d’application, 29 janv. 2020, n° 17-20.163 P, Dalloz actualité, 25 fév. 2020, obs. L. de Montvalon ; D. 2020. 287 image ; ibid. 2021. 388, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) image ; Dr. soc. 2020. 278, obs. J. Mouly image).

La neutralisation des clauses de médiation préalable dans le contrat de travail

En raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend.

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La nullité d’un acte de procédure et son appréciation

Dans un arrêt rendu le 9 juin 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation précise les modalités d’appréciation de la nullité des actes de procédure. Dans les faits, la société Victor Heinrich a commandé à la société Dam, l’étude et la réalisation d’un moule permettant la fabrication en série de lampadaires avec réflecteurs aluminisés. La société Dam a alors fait appel à trois sous-traitants. Finalement, la production de pièces conformes à la commande n’a pas été possible et la société Victor Heinrich n’a pas été en mesure d’honorer ses commandes. Des expertises judiciaires ont été ordonnées, et une seconde société, la société Heinrich Éclairage est intervenue volontairement à l’instance. C’est alors que la société Dam, deux de ses sous-traitants et leurs assureurs respectifs ont été assignés en responsabilité par… la société Victor Heinrich Éclairage. Les défendeurs soulèvent une exception de nullité entachant les assignations délivrées au nom d’une société qui n’est ni la société Victor Heinrich, ni la société Heinrich Éclairage. Le juge de la mise en état rejette cette exception de procédure. Appel est interjeté et la cour d’appel déclare toutes les assignations délivrées par la société Victor Heinrich Éclairage nulles pour irrégularité de fond en raison de l’inexistence légale de la société Victor Heinrich Éclairage. La société Heinrich Éclairage forme un pourvoi en cassation. Elle prétend que la régularité des assignations devait être appréciée au jour de leur délivrance, sans pouvoir s’appuyer sur des écritures ultérieures. En outre, elle reproche à la cour d’appel de s’être fondée sur les moyens soulevés en première instance, violant le principe selon lequel, la cour d’appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens énoncés dans les dernières conclusions d’appel des parties. La deuxième chambre civile devait alors se prononcer sur les modalités d’appréciation de la nullité des actes de procédure. Elle affirme que « Si la nullité d’un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte » (§ 10). La formule d’apparence limpide ne se comprend pleinement qu’à la lumière du régime des nullités.

L’incident rappel de la dichotomie des nullités des actes de procédure
Quand aucune personne morale n’existe sous une raison sociale, c’est qu’il s’agit soit d’une erreur de dénomination, soit d’un problème d’existence de ladite personne. En l’espèce, la première hypothèse semblait acquise, mais c’est pourtant l’irrégularité de fond que les juges ont retenu.

La mise à l’écart de l’apparente erreur de dénomination

Cette espèce impliquant deux sociétés ayant des noms commerciaux proches (Victor Heinrich et Heinrich Éclairage), il semblait évident que l’assignation délivrée par la société Victor Heinrich Éclairage résultait d’une erreur de dénomination. Or, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’erreur de dénomination « ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entrainer la nullité́ de l’acte que sur justification d’un grief » (Civ. 2e, 4 févr. 2021, n° 20-10.685, Dalloz actualité, 22 févr. 2021, obs. Maugain ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; Rev. prat. rec. 2021. 7, chron. D. Cholet, O. Cousin, E. Jullien et R. Laher image, de l’erreur relative à la dénomination d’une partie dans un acte de procédure). C’est sans doute faute de grief que le juge de la mise en état a rejeté l’exception de nullité. Quant à la cour d’appel qui infirme la décision de première instance, elle ne nie pas l’existence d’une dénomination erronée. Seulement, l’arrêt retient que « cette assignation n’est pas seulement affectée d’un seul vice de forme ».

La retenue de l’inexistence de la personne morale distincte

Ce n’est pas la même chose d’être mal dénommé et de ne pas être. Une personne juridique qui n’existe pas, ou plus, n’a pas la capacité d’agir en justice. C’est une irrégularité de fond qui affecte la validité de ses actes (C. pr. civ., art. 117). En l’espèce, la cour d’appel a pu constater qu’au-delà de la maladresse rédactionnelle affectant l’assignation, la société Victor Heinrich et la société Heinrich Éclairage avaient adopté, dans leurs conclusions de première instance, des positions procédurales qui ne laissaient aucun doute quant au fait que ni l’une ni l’autre n’était la société à l’origine des assignations. La première d’entre elles y est présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich Éclairage. La seconde, intervenue volontairement, y allègue explicitement agir distinctement de la société Victor Heinrich Éclairage. Il est alors évident que « l’assignation, selon la propre présentation des intéressées, a été délivrée au nom d’une société distincte ». Mais cette dernière n’existe pas. Les assignations sont donc frappées de nullité pour irrégularité de fond. Cette nullité qui ne nécessite pas la démonstration d’un grief et sanctionne plus sûrement des parties qui ont fait preuve de négligence.

Qu’à cela ne tienne. La société Heinrich Éclairage, demanderesse au pourvoi, va alors s’appuyer sur le droit de la preuve pour tenter de faire échec à la nullité des assignations.

La précision des modalités d’appréciation de la nullité d’un acte de procédure
Devant l’évidence de l’irrégularité de fond, la société Heinrich Éclairage – qui ne soulève le vice de forme qu’à titre subsidiaire – s’appuie sur un principe jurisprudentiel bien établi pour lier le moment où doit être appréciée la nullité d’un acte de procédure et la date des éléments de preuve qui peuvent être utilisés. La Cour de cassation balaie l’amalgame dans une réponse qui doit être précisée.

La distinction entre moment et fondements de l’appréciation de la nullité d’un acte de procédure

L’article 121 du code de procédure civile prévoit que la nullité pour irrégularité de fond « ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », à condition que la nullité soit susceptible d’être couverte. Or la Cour de cassation énonce depuis longtemps que le défaut de capacité dû au défaut d’existence ne peut être régularisé. Ainsi n’est pas régularisable l’assignation délivrée par une société en participation (Civ. 2e, 26 mars 1997, n° 94-15.528), par une société en formation (Com. 30 nov. 1999, n° 97-14.595, Progressif (Sté) c/ Ugo (Sté), D. 2000. 627 image, note E. Lamazerolles image ; ibid. 37, obs. M. B. image ; Rev. sociétés 2000. 512, note M. Beaubrun image ; RTD com. 2000. 368, obs. C. Champaud et D. Danet image ; et Civ. 2e, 4 mars 2021, n° 19-22.829, Dalloz actualité, 17 mars 2021, obs. G. Maugain ; Rev. sociétés 2022. 180, note V. Thomas image) ou encore par une société ayant disparu dans une fusion-absorption (Civ. 2e, 27 sept. 2012, n° 11-22.278, Rev. sociétés 2013. 30, obs. S. Prévost image0). Partant de là, la demanderesse au pourvoi affirme que les conditions de validité de fond d’une assignation non susceptible de régularisation doivent être appréciée au jour de sa délivrance et non au vu des écritures ultérieures. Mais ce raccourci n’a pas trompé la Cour de cassation. Si la nullité d’un acte de procédure insusceptible de régularisation doit être appréciée à la date de ce dernier, la date des éléments de preuve sur lesquels fonder cette appréciation n’a en revanche aucune importance. Ce qui importe c’est que ces éléments prouvent la nullité ou non existant à la date de l’appréciation de la validité de l’acte. En l’espèce, les conclusions de première instance, reprises en partie par les dernières conclusions d’appel de la société Heinrich Éclairage – le principe énoncé à l’article 954 était sauf – prouvaient qu’au moment de l’assignation, la société Victor Heinrich Éclairage était une société distincte, dépourvue d’existence. La non reprise par la Cour de cassation de l’adjectif « ultérieurs » montre sa volonté de se départir d’une appréciation temporelle des éléments de preuve. En lui préférant l’adjectif « extérieurs », elle insiste sur la distinction entre moment et fondements de l’appréciation de la nullité de l’acte de procédure.

De la distinction à la dissociation

Cette distinction est-elle suffisante ? Une lecture un peu rapide du paragraphe 10 pourrait laisser penser qu’il existe toutefois une corrélation entre les deux. Le caractère automatique de l’appréciation de la nullité d’un acte de procédure à la date de ce dernier entraine la faculté de se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à ce acte. Il n’en est rien. Tout d’abord, la nullité d’un acte de procédure ne s’apprécie pas toujours à la date de ce dernier. L’article 121 du code de procédure civile énonce que « la nullité [tenant à une irrégularité de fond] ne sera pas prononcée que si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Ainsi, pour toutes les nullités fondées sur des irrégularité de fond autre que l’inexistence, c’est au moment où le juge statue qu’il faut se placer. Pour l nullités pour vice de forme, elle doit être appréciée soit à la date de la forclusion, soit à la date où le juge statue (C. pr. civ., art. 115). Dans tous les cas, l’appréciation de la nullité de l’acte de procédure peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte. Par exemple, un jugement peut permettre d’apprécier la validité d’un acte de procédure du point de vue du pouvoir ad agendum du représentant de la partie. Moment et fondements de l’appréciation de la nullité de l’acte de procédure doivent être dissociés. La réponse de la Cour de cassation doit être comprise de la manière suivante : même dans l’hypothèse où la nullité d’un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cela n’empêche pas que cette appréciation puisse se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte.

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Le règlement Bruxelles I bis, n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, énonce que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont en principe attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre (art. 4, § 1).

Toutefois, en matière délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (art. 7, § 2).

Ce principe donne lieu à une jurisprudence abondante. La Cour de justice a, notamment, été appelée à se prononcer en cas de préjudice financier. Elle a alors jugé que les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action, notamment lorsque ce dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions. Toutefois, ce critère ne saurait être, à lui seul, qualifié de « point de rattachement pertinent » (CJUE 28 janv. 2015, aff. C-375/13, Dalloz actualité, 19 févr. 2015, obs. F. Mélin  Kolassa c/ Barclays Bank plc (Sté), D. 2015. 770 image, note L. d’Avout image ; ibid. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke image ; ibid. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; Rev. crit. DIP 2015. 921, note O. Boskovic image ; RTD eur. 2015. 374, obs. E. Guinchard image). C’est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l’affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d’un préjudice purement financier qu’un tel préjudice pourrait, d’une manière justifiée, permettre au demandeur d’introduire l’action devant cette juridiction (CJUE 16 juin 2016, aff. C-12/15, Dalloz actualité, 6 juil. 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016....

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Pas d’héritiers pour les gamètes conservés

L’affaire est connue. Un jeune homme décède le 13 janvier 2017, à l’âge de 23 ans, des suites d’un cancer. Il avait procédé au dépôt de ses gamètes auprès du centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) de l’hôpital, établissement relevant de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP). Sa mère avait alors saisi la juridiction administrative pour obtenir l’exportation des gamètes vers un établissement de santé situé en Israël. Cette requête, fondée sur une atteinte au droit au respect de la vie privée, a été rejetée tant par le juge des référés du tribunal administratif de Paris par ordonnance du 2 novembre 2018 que, suite à un recours contre cette décision, par une ordonnance du juge des référés du Conseil d’État rendu le 4 décembre 2018.

La requérante avait alors porté le litige devant la Cour européenne des droits de l’homme, arguant d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par décision du 12 novembre 2019 (n° 23038/19, §§ 16 et 20, Petithory Lanzmann (Mme) c/ France, AJDA 2020. 1096 image ; AJ fam. 2020. 9, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2020. 332, obs. J.-P. Marguénaud image), la Cour a déclaré la requête irrecevable aux motifs d’une part que « le sort des gamètes déposés par un individu et la question du respect de sa volonté qu’elles soient mises en œuvre après sa mort concernent le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment il souhaite devenir parent qui relève de la catégorie des droits non transférables, d’autre part, que le champ d’application de l’article 8 de la Convention ne comprend pas le droit de fonder une famille et ne saurait englober, en l’état de sa jurisprudence, le droit à une descendance pour des grands-parents.

La mère s’est alors tournée devant les juridictions judiciaires devant lesquelles elle a de nouveau assigné l’AP-HP le 22 janvier 2020 afin de se voir restituer les gamètes de son fils. L’AP-HP, quant à elle, a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.

La cour d’appel de Paris, par un arrêt du 6 avril 2021, a rejeté sa demande aux motifs, en substance, que les conditions de conservation des gamètes sont régies par l’article R. 2141-18 du code de la santé publique qui prévoit leur destruction par l’administration en cas de décès de la personne, la possibilité d’un don étant réservé à la décision du déposant exprimée dans les formes requises par ce même texte, le litige relevait de la compétence des juridictions administratives. La mère s’est alors pourvue en cassation. Au soutien de son pourvoi, elle présentait un moyen unique composé de trois branches dont l’argumentaire peut être résumé comme suit : les gamètes constituant un bien au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne, l’AP-HP a commis une voie de fait en refusant de remettre à l’héritière du déposant décédé les gamètes conservés afin qu’ils puissent être utilisés conformément à la volonté exprimée de son vivant par le déposant. Cette voie de fait résultant donc d’une décision prise par l’administration et portant atteinte à la liberté individuelle, le juge judiciaire est compétent.

La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 juin 2022, rejette le pourvoi rappelant que « dès lors que des gamètes humains ne constituent pas des biens au sens de l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, eu égard à la portée économique et patrimoniale attachée à ce texte (CEDH, gr. ch., 27 août 2015, n° 46470/11, 6215, Dalloz actualité, 22 sept. 2015, obs. Nicolas Nalepa ; ibid. 9 juill. 2014, obs. N. Nalepa ; D. 2015. 1700, et les obs. image ; ibid. 2016. 752, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat image ; ibid. 1779, obs. L. Neyret et N. Reboul-Maupin image ; AJ fam. 2015. 433, obs. A. Dionisi-Peyrusse image ; RTD civ. 2015. 830, obs. J.-P. Marguénaud image ; ibid. 2016. 76, obs. J. Hauser image), que seule la personne peut en disposer et que la liberté de procréer n’entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, c’est à bon droit et sans être tenue de procéder à une recherche inopérante que la cour d’appel, faisant application de l’article R. 2141-18 du code de la santé publique, a retenu que le refus opposé par l’AP-HP à la restitution des gamètes se rattachait à ses prérogatives, écarté l’existence d’une voie de fait et déduit que la juridiction judiciaire était incompétente pour connaître du litige ».

La motivation de la Cour de cassation qui exclut les gamètes de la catégorie des biens, ne surprend pas eu égard aux principes assurant en droit français la protection du corps humain et, en particulier, au principe d’extra-patrimonialité. La Cour résiste ainsi à une argumentation qui a su convaincre d’autres juridictions, à l’étranger.

Les gamètes exclues de la catégorie des biens

Entre être et avoir, le corps est au cœur d’importantes questions juridiques dont l’actualité ne s’éteint pas, entretenue par la valeur économique croissante du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Le corps, s’il est le substrat de la personne physique, ne peut à lui seul entrer dans la catégorie des personnes juridiques. C’est ainsi qu’après le décès, le corps devient une chose, tout comme un élément détaché du corps vivant. Une chose auquel le droit reconnaît un statut particulier et pour laquelle il organise une protection particulière. Au titre de ces protections, se trouve le principe d’extra patrimonialité du corps humain énoncé à l’article 16-1 du code civil « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ». Le corps humain, ses éléments et ses produits n’intègrent donc pas le patrimoine de la personne, qui n’est pas pour autant privée d’un droit de disposition sur son corps. Ainsi, la personne peut céder son corps (après sa mort) ou des éléments de celui-ci dans le cadre d’un don (et non d’une donation), mais pas les vendre (à quelques exceptions près comme les cheveux par exemple). Application logique de ces principes en matière d’autoconservation, l’article R. 2141-18 du code de la santé publique prévoyait avant la réforme de la loi de bioéthique de 2022 (et prévoit toujours, mais par renvoi) que la personne dépositaire est la seule à pouvoir disposer de ses gamètes conformément aux possibilités qui lui sont ouvertes par le droit (utilisation pour elle-même, don à la recherche ou à un tiers dans le cadre d’une AMP, destruction) et que, une fois le dépositaire décédé, aucune personne ne pouvant disposer des gamètes à sa place, l’administration doit les détruire. Autrement dit, les gamètes ne faisant pas partie du patrimoine du dépositaire, les droits relatifs à ces gamètes ne sont pas transmis aux héritiers du dépositaire à cause de mort.

Cette exclusion des gamètes du champ des biens est contestée par le pourvoi au nom de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, article qui, on le sait, protège de manière large le droit de propriété. Mais il est vrai, et la cour de cassation le relève, que la Cour européenne avait été saisie d’une question proche tenant à la qualité de bien d’un embryon. Dans l’arrêt Parrillo c/ Italie, cité par la première chambre civile, la Cour européenne avait en effet affirmé que « eu égard à la portée économique et patrimoniale qui s’attache à cet article, les embryons humains ne sauraient être réduits à des « biens » au sens de cette disposition ». La Cour de cassation procède par analogie pour retenir l’inapplicabilité de l’article aux gamètes.

Eu égard à la persévérance de la demanderesse, il n’est pas exclu qu’elle introduise un nouveau recours devant la Cour de Strasbourg pour violation de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention. Or, si du point de vue français, l’interprétation de la Cour de cassation paraît des plus logiques et conforme à la jurisprudence européenne, il faut néanmoins garder à l’esprit que la patrimonialité des gamètes a pu être reconnue ailleurs et que l’extra-patrimonialité ne va donc pas nécessairement de soi.

La tentation de la patrimonialité

En dehors de l’hexagone, l’extra-patrimonialité des gamètes n’est pas une règle absolue et nombre des pays membres de l’Union européenne autorisent la rémunération des donneurs. La question de permettre une telle rémunération est d’ailleurs systématiquement abordée lors des révisions successives des lois de bioéthique, sans avoir jusqu’ici jamais abouti. On se souvient qu’aux États-Unis, la vente d’ovocyte avait même fait l’objet d’une class action sur le terrain du droit de la concurrence pour dénoncer la fixation d’un prix excessivement bas (F. Bellivier et C. Noiville, Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ? Les contrats américains de ventre d’ovocytes à l’épreuve du droit de la concurrence, RDC 2012/1, p.225).

De manière plus directe, l’existence d’un droit de propriété a pu être reconnu par diverses juridictions étrangères, notamment au Royaume-Uni au profit des dépositaires (v. par ex., F. Bellivier et C. Noiville, Sur quel fondement juridique indemniser la destruction des éléments et produits du corps humain ?, RDC 2010/3, p. 1007) et plus récemment en Israël au profit cette fois des parents du dépositaire et contre l’avis de la veuve (M. Lamarche, Procréation – Le sperme des morts… Qui hérite des forces procréatrices du défunt ?, Dr. fam., janv. 2017. Alerte 1). En effet, si les gamètes entrent dans le patrimoine du dépositaire, leur propriété est transmise aux héritiers à son décès à hauteur de leur part respective dans la succession. Cela ne va pas sans rappeler les difficultés qui avaient été rencontrées en droit français concernant le traitement des cendres funéraires (v. par ex., B. Grosjean, Corps épars. De plus en plus de familles s’entredéchirent pour la dépouille du défunt, Libération, 1er nov. 1999) et l’intervention corrélative du législateur pour imposer que le corps humain soit traité avec respect et dignité, y compris après le décès (C. civ., art. 16-1-1).

Espérons donc que la Cour européenne, si elle est saisie, saura résister à la tentation de considérer les gamètes comme des biens au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention et appliquer aux gamètes la solution qu’elle avait retenue pour l’embryon.

Stationnement des vélos : sécurisation renforcée

Un décret du 25 juin 2022 détermine les modalités de sécurisation des infrastructures de stationnement des vélos dans les bâtiments.

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La détermination de la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée en cas d’appel portant sur les seules conséquences du divorce

À quelle date le juge doit-il se placer pour apprécier une demande de prestation compensatoire ?

La question est classique, mais continue de créer quelques difficultés.

Sauf, bien évidemment, en cas de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par un avocat, c’est au jour où la décision qui prononce le divorce passe en force de chose jugée que le divorce est dissous (C. civ., art. 260) ; à cette même date, le devoir de secours prend fin et doivent être appréciées la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie des époux et la nécessité d’ordonner le versement d’une prestation compensatoire (C. civ., art. 270). Ces principes, simples en apparence, sont parfois difficiles à mettre en œuvre. Car il peut arriver que seuls les chefs de dispositif relatifs au règlement des conséquences de la rupture fassent l’objet d’un appel et, en ce cas, celui prononçant le divorce peut, sans qu’on y prête attention, passer en force de chose jugée ; la cour d’appel, doit alors apprécier le principe ou le montant de la prestation compensatoire non pas au jour où elle statue, mais à une date antérieure.

Il faut le rappeler : un jugement passe en force de chose jugée lorsqu’il n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution (C. pr. civ., art. 500). En somme, fixer le jour auquel le jugement prononçant le divorce passe en force de chose jugée revient à déterminer le moment où il n’est plus susceptible d’appel ou d’une autre voie de recours suspensive d’exécution. Du coup, la date du prononcé du jugement de divorce ne peut pas être celle où la décision passe en force de chose jugée. Pourtant, un temps, la Cour de cassation a enjoint aux juges d’apprécier l’existence et le montant de la prestation compensatoire « à la date du prononcé du divorce » dès lors que l’appel ne portait pas sur le principe du divorce (Civ. 1re, 2 mars 2004, n° 03-10.388, inédit ; Civ. 2e, 27 févr. 2003, n° 01-10.066, inédit ; 10 oct. 2002, n° 01-01.432 P ; 28 mars 2002, n° 00-13.936, inédit ; 25 mars 1985, n° 82-15.317 P). Manifestement, il y avait là une erreur car, en raison du caractère suspensif de l’appel, le jugement rendu par le juge aux affaires familiales ne peut passer en force de chose jugée dès son prononcé. Cette erreur était peut-être davantage à mettre au rang des approximations, parfois pratiquement inévitables en la matière ; même s’il paraît relever du bon sens que, en cas d’appel portant tant sur le prononcé du divorce que sur ses conséquences, la cour d’appel doive apprécier l’existence et le montant de la prestation compensatoire au jour où elle statue (Civ. 1re, 2 sept. 2020, n° 19-16.315, RTD civ. 2020. 860, obs. A.-M. Leroyer image; inédit ; 19 sept. 2018, n° 17-23.711, AJ fam. 2018. 546, obs. V. Avena-Robardet image, inédit ; 4 mars 2015, n° 13-28.469, inédit ; 20 nov. 2013, n° 12-27.726, inédit), le caractère suspensif du pourvoi en cassation fait pourtant obstacle à ce que l’arrêt passe en force de chose jugée au moment où la juridiction du second degré statue (C. pr. civ., art. 1086). Toutefois, à la différence de ce dernier cas de figure, aucune raison pratique n’empêche la juridiction du second degré, saisie d’un appel portant sur les seules conséquences du divorce, d’apprécier le principe et le montant de la prestation compensatoire au jour où la décision du premier juge est passée en force de chose jugée. Il suffit de déterminer le jour où le jugement prononçant le divorce n’est plus susceptible d’appel.

On sait que l’appelant principal est soumis à une règle stricte : sa déclaration d’appel (éventuellement complétée) fixe les chefs du jugement critiqués, sans que des conclusions ultérieures puissent étendre l’effet dévolutif de son appel (Civ. 1re, 22 juin 1999, n° 97-15.225 P, Koski c/ Société EMI France, D. 1999. 189 image ; Rappr. égal., Civ. 2e, 19 mai 2022, n° 21-10.685 P, Dalloz actualité, 15 juin 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 1046 image ; 25 mars 2021, n° 20-12.037 P, Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin, A.-I. Gregori, E. Jullien, F. Kieffer, A. Provansal et C. Simon image ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image) ; ce n’est donc qu’au jour où l’intimé ne peut plus lui-même former un appel incident, pour critiquer le principe du divorce, que le jugement le prononçant passe en force de chose jugée ; d’où cette formule de la première chambre civile jugeant à raison que « le prononcé du divorce n’est passé en force de chose jugée qu’à la date du dépôt des conclusions de l’intimée » (Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 13-16.140, inédit ; 6 nov. 2013, n° 12-28.605, inédit ; 6 juin 2012, n° 11-11.260, RTD civ. 2012. 517, obs. J. Hauser image, inédit ; 11 mai 2012, 11-11.588, RTD civ. 2012. 517, obs. J. Hauser image, inédit ; 15 déc. 2010, n° 09-15.235 P, D. 2011. 161 image ; ibid. 1107, obs. M. Douchy-Oudot image ; AJ fam. 2011. 103, obs. S. David image ; RTD civ. 2011. 112, obs. J. Hauser image). Mais, peut-être par inadvertance, la première chambre civile a même été jusqu’à préciser que c’était à la date du dépôt des « dernières conclusions de l’intimé » que le juge devait se placer (Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-19.361, inédit ; 15 nov. 2017, n° 16-26.523, inédit ; 25 juin 2014, n° 13-18.751, inédit).

Dans l’arrêt commenté, la cour d’appel avait choisi de se détourner de cette dernière précision et, alors que l’appel principal était limité aux conséquences du divorce, avait estimé que le jugement était passé en force de chose jugée à la date du dépôt des premières conclusions de l’intimé dès lors que celles-ci ne contenaient aucun appel incident relatif au prononcé du divorce. Un pourvoi a été formé et son auteur avait beau jeu de soutenir que c’était à la date du dépôt des dernières conclusions de l’intimé que la cour d’appel aurait dû se placer pour fixer le principe et apprécier le montant de la prestation compensatoire. Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation, qui amende ainsi sa jurisprudence antérieure. 

Certes, un appel incident peut en principe être formé en tout état de cause (C. pr. civ., art. 550). Mais c’est sous réserve des règles relatives à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire énoncées par les articles 909, 910 et 905-2 du code de procédure civile (C. pr. civ., art. 550). L’article 909, qui prévoit que « l’intimé dispose […] d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant […] pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué », oblige l’intimé à former son appel incident dans le délai de trois mois dont il dispose pour conclure ; il n’y a donc pas lieu d’attendre, pour déterminer si la décision prononçant le divorce passe en force de chose jugée, le dépôt de son dernier jeu d’écritures. La Cour de cassation a logiquement rejeté le pourvoi. Elle a même ajouté que le jugement prononçant le divorce était passé en force de chose jugée au jour du dépôt des premières conclusions de l’intimé. C’est à ce moment là que devait être appréciée la nécessité d’ordonner le versement d’une prestation compensatoire.

Cette solution fait ainsi du délai de trois mois prévu par l’article 909 du code de procédure civile un délai maximum pour déposer les conclusions au greffe (et les notifier à l’appelant) : l’intimé ne devrait pas pouvoir, même dans le délai de trois mois prévu par le texte, déposer un second jeu de conclusions pour former un appel incident ; une fois les conclusions déposées, il perd le bénéfice du délai de trois mois. A suivre ce raisonnement, l’appelant, qui peut toujours déposer une nouvelle déclaration d’appel afin de compléter ou régulariser une déclaration d’appel dans le délai dont il dispose pour conclure (Civ. 2e, 19 nov. 2020, n° 19-13.642 P, Dalloz actualité, 9 déc. 2020, obs. H. Ciray ; D. 2020. 2349 image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image), ne devrait plus pouvoir y procéder une fois qu’il a déposé son premier jeu de conclusions, ce qui avait déjà été souligné par un auteur (S. Amrani-Mekki, note ss. Civ. 2e, 30 janv. 2020, n°18-22.528 P, préc., Gaz. Pal. 28 avr. 2020, p. 45)…

Mais, désormais, même en matière de divorce, l’intérêt à interjeter appel doit, à la suite de l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, être apprécié pour chaque chef de dispositif (Civ. 1re, avis, 20 avr. 2022, n° 22-70.001 P, Dalloz actualité, 13 mai 2022, obs. C. Lhermitte ; D. 2022. 792 image ; AJ fam. 2022. 281, obs. J. Casey image). Cela pourrait conduire à une difficulté lorsque le divorce est prononcé conformément aux prétentions élevées en première instance par celui qui est devenu intimé. Car, en ce cas, il pourrait être avancé que l’intimé n’a pas la possibilité d’interjeter appel du chef dispositif du jugement ayant prononcé le divorce et qu’il est pratiquement inutile d’attendre le dépôt de ses conclusions pour déterminer si le jugement prononçant le divorce est ou non passé en force de chose jugée. Cette analyse, simple et efficace, peut toutefois être contestée. Le défaut d’intérêt à interjeter appel d’un chef de dispositif ne peut résulter que d’une décision du juge – qui n’a d’ailleurs pas à relever d’office le défaut d’intérêt à exercer cette voie de recours (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.301 P) ; en conséquence, tant qu’aucune décision d’irrecevabilité de l’appel n’est prononcée, il n’y a pas lieu de prendre en considération une autre date que celle du dépôt des conclusions de l’intimé. Même si l’appel incident est déclaré irrecevable, la même solution pourrait continuer à s’appliquer ; c’est au jour où il est formé qu’est en principe apprécié l’intérêt de l’appelant à exercer la voie de recours (Com. 29 janv. 2020, n° 18-22.137 P, Dalloz actualité, 24 févr. 2020, obs. C-S. Pinat ; D. 2020. 278 image ; Civ. 2e, 25 juin 2015, n° 14-16.824, inédit ; Com. 26 janv. 2010, n° 08-21.637, inédit ; 6 avr. 2006, n° 04-12.803, inédit ; 8 avr. 1999, n° 97-12.190, inédit ; 6 mai 1998, n° 96-19.014 P;  4 mars 1981, n° 79-17.130 P) ; la décision d’irrecevabilité n’indique pas que, avant d’être interjeté, l’appel incident aurait été irrecevable (même si pratiquement il est rare que l’intérêt disparaisse). On pourrait donc considérer que, en cas d’appel principal portant sur les seules conséquences de la rupture, le jugement prononçant le divorce passe toujours en force de chose jugée au jour où l’intimé dépose son premier jeu de conclusions dès lors qu’elles ne contiennent aucun appel incident portant sur le principe du divorce…

Force de chose jugée: détermination de la date en cas d’appel portant sur les seules conséquences du divorce

Le juge doit se placer au jour où la décision prononçant le divorce est passée en force de chose jugée pour fixer le principe d’une prestation compensatoire et, s’il y a lieu, en évaluer le montant. Dès lors qu’un appel principal, limité aux conséquences du divorce, a été formé, c’est donc au jour où l’intimé ne peut plus former d’appel incident portant sur le prononcé même du divorce que le jugement passe en force de chose jugée. L’intimé dispose d’un délai de trois mois pour former un appel incident à compter de la notification des conclusions de l’appelant (C. pr. civ., art. 909) ; en conséquence, lorsque le premier jeu de conclusions qu’il dépose ne contient pas d’appel incident, c’est au jour de ce dépôt que le jugement prononçant le divorce passe en force de chose jugée.

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Garantie légale de conformité des biens et des contenus et services numériques : le décret

Le décret n° 2022-946 du 29 juin 2022 vient compléter les dispositions réglementaires à la suite de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 sur la garantie légale de conformité des biens et des contenus et services numériques.

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Droit d’alerte économique : chasse gardée du CSE central

Dans les entreprises divisées en établissements distincts, le droit d’alerte prévu par l’article L. 2312-63 du code du travail est réservé au comité social et économique (CSE) central.

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Obligation de remise en état de l’exploitant d’une ICPE cessant son activité

Lorsqu’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) est mise à l’arrêt définitif par le locataire qui l’exploitait, l’intention du propriétaire de reprendre l’exercice de l’activité industrielle est sans incidence sur l’obligation légale de mise en sécurité et de remise en état du site pesant sur ce locataire, en sa qualité de dernier exploitant.

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Pertes d’exploitation et covid-19 : jurisprudence de la cour d’appel de Paris

Si le risque pandémique ne fait l’objet d’aucune obligation d’assurance, il n’est pas, pour autant, non assurable, des extensions de garantie pouvant être souscrites (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, Dalloz actualité, 28 mai 2020).

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De la bonne utilisation de la garantie des vices cachés dans une chaîne de contrats

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser l’absence de recours du maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur en matière de vices cachés tout en rappelant le point de départ du délai biennal de l’article 1648 du code civil.

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De la bonne utilisation de la garantie des vices cachés dans une chaîne de contrats

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser l’absence de recours du maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur en matière de vices cachés tout en rappelant le point de départ du délai biennal de l’article 1648 du code civil.

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Contrat de travail, privilège de nationalité et réfugié

Par deux arrêts du 29 juin 2022, la Cour de cassation retient, en substance, qu’un ressortissant étranger réfugié en France peut, à certaines conditions, se prévaloir de l’article 14 du code civil, qui prévoit un privilège de juridiction.

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Contrat de travail, privilège de nationalité et réfugié

Par deux arrêts du 29 juin 2022, la Cour de cassation retient, en substance, qu’un ressortissant étranger réfugié en France peut, à certaines conditions, se prévaloir de l’article 14 du code civil, qui prévoit un privilège de juridiction.

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De l’art et de la manière d’appliquer l’article 924-2 du code civil

Aux termes de l’article 924-2 du code civil, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. En l’absence d’indivision (et donc de partage) entre le bénéficiaire de la libéralité et l’héritier réservataire et d’aliénation des biens légués, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après leur valeur à l’époque de sa liquidation.

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Recevabilité de l’appel formé par la personne ayant la libre disposition du bien saisi

Lorsque l’ordonnance de saisie est fondée sur la circonstance que le bien concerné est à la libre disposition de la personne mise en cause ou mise en examen, cette dernière, qui peut être assimilée au propriétaire du bien saisi ou à un tiers ayant des droits sur ce bien, est recevable à interjeter appel de l’ordonnance de saisie.

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Confirmation de la contrainte imposée aux parents qui choisissent un double nom pour leur enfant

Le fait que les circulaires relatives au nom et qui abordent plus spécifiquement le double nom parental imposent qu’un espace sépare les deux noms n’est pas jugé illégal par le Conseil d’État, qui refuse leur abrogation.

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Confirmation de la contrainte imposée aux parents qui choisissent un double nom pour leur enfant

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Le proviseur peut modifier le service d’un professeur de chaire supérieure

Le proviseur d’un lycée comportant des classes préparatoires aux grandes écoles est compétent pour modifier le service d’enseignement d’un professeur de chaire supérieure dans le respect du statut de celui-ci.

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De la cause de l’obligation de restituer de l’emprunteur

Préalablement à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la notion de cause était l’un de ces mécanismes fondamentaux qui restaient quelque peu nimbés de mystères tant leurs contours exacts étaient sujets à des conflits doctrinaux importants ; à travers notamment la distinction entre cause du contrat et cause de l’obligation (v. sur ce point M. Latina et G. Chantepie, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 245, n° 284). La réforme a donc décidé de l’abandonner, mais cet abandon n’a été pour certains que sémantique tant la cause survit à travers les notions de contrepartie et de but (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 439 s., nos 395 s.). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 juin 2022 permet d’étudier la notion de cause de l’obligation de restitution dans le contrat de prêt. Reprenons les faits pour mieux en comprendre la portée. Un établissement bancaire consent à un particulier pour les besoins de son activité d’architecte un prêt de 180 000 € remboursable en 84 mensualités au taux de 5,44 % par année. Son épouse séparée de biens est intervenue en qualité de coemprunteur. Les deux emprunteurs ne paient plus malgré plusieurs mises en demeure ayant abouti à une déchéance du terme du prêt. La banque assigne donc en paiement l’épouse coemprunteur mais celle-ci meurt en cours d’instance laissant ses héritiers reprendre le procès. De son côté, son époux a été placé en liquidation judiciaire et c’est donc le liquidateur qui est intervenu ès qualités. Les héritiers de l’épouse formulent une demande reconventionnelle voyant dans le contrat de prêt, un contrat nul pour absence de cause. La cour d’appel de Rennes condamne les héritiers à payer une somme de 133 376,40 € au titre du capital restant dû et à une somme de 18 070,36 € au titre des échéances impayées en 2011. Elle estime que la qualité de tiers de l’épouse à l’entreprise de son conjoint importait peu dès lors que son obligation de restitution trouvait sa cause dans la remise des fonds. Les héritiers et l’emprunteur se pourvoient en cassation en estimant que ce raisonnement n’est pas pertinent....

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La combinaison de l’exception de nullité pour irrégularité de fond et de l’exception d’incompétence

Les règles de présentation des exceptions de procédure relèvent d’un formalisme dont le code de procédure civile livre une image brouillée. Un texte qui se veut général, l’article 74, fixe une chronologie précise : les exceptions de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (in limine litis) et simultanément, à peine d’irrecevabilité. Pourtant, quand on explore le régime propre à chaque exception de procédure, on se rend compte que certaines d’entre elles, parmi lesquelles tout spécialement l’exception de nullité pour irrégularité de fond, font figure de vilains petits canards. L’article 118 du code précise en effet que les exceptions de nullité de fond « peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement ». Cela revient à libérer le plaideur de la chronologie imposée par l’article 74. L’exception de nullité pour irrégularité de fond est une exception de procédure… mais n’obéit pas au régime de ces exceptions. Voilà bien une singularité au regard de la rationalité censée gouverner la méthodologie juridique (J.-L. Bergel, Différence de nature égale différence de régime, RTD civ. 1984. 255 ; F. Rouvière, « Le revers du principe “différence de nature [égale] différence de régime” », in Le droit entre autonomie et ouverture. Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Bergel, Bruylant, 2013, p. 415). L’articulation de ces textes conduit à des difficultés d’application, ce d’autant plus lorsque viennent se greffer d’autres exceptions de procédure, telle qu’une exception d’incompétence…

C’est ce dont rend compte un arrêt rendu le 9 juin 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

En l’espèce, une société de droit portugais a assigné le titulaire de marques françaises en revendication ou annulation de ces marques devant le tribunal judiciaire de Marseille. Le défendeur, domicilié à Toulon, a saisi le juge de la mise en état de différents moyens de défense. Dans un premier temps, il se prévaut dans un jeu de conclusions d’une exception d’incompétence territoriale. Dans un second jeu de conclusions, déposé avant que le juge de la mise en état ne rende son ordonnance sur la compétence, il se prévaut d’une exception de nullité pour irrégularité de fond de l’assignation fondée sur le défaut de pouvoir de la personne représentant la société de droit portugais. Le juge de la mise en état rend une ordonnance où il déclare irrecevable l’exception de nullité de l’assignation et rejette l’exception d’incompétence.

Sur le terrain de la compétence, rien d’étonnant. Les affaires relatives aux marques (CPI, anc. art. L. 716-3 et désormais L. 716-5) obéissent à des règles qui spécialisent certaines juridictions. En l’espèce, seul le tribunal judiciaire de Marseille pouvait statuer, le tribunal judiciaire de Toulon n’étant pas spécialement désigné à cette fin. On ne rouvrira pas dans ces colonnes le vif débat afférent à la sanction qui sied au non-respect de ces règles spécialisant certaines juridictions (sur la question, v. dernièrement P. Théry, Quelques observations sur le pouvoir juridictionnel, Rev. des procédures [Luxembourg] 2022, n° 3, p. 4 ; T. Goujon-Bethan, Fonction juridictionnelle et questions de compétence, Rev. des procédures [Luxembourg] 2022, n° 3, p. 11. Une uniformisation est peut-être augurée par Com. 17 nov. 2021, n° 19-50.067, Dalloz actualité, 9 déc. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 2084 image ; ibid. 2262, chron. S. Barbot, C. Bellino et C. de Cabarrus image ; ibid. 2022. 625, obs. N. Fricero image ; Rev. sociétés 2022. 185, obs. L. C. Henry image ; RTD civ. 2022. 191, obs. P. Théry image). On se...

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L’UFC-Que Choisir déboutée face aux contrats BlaBlaBus

Dans un jugement en date du 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a débouté l’UFC-Que Choisir de son action contre la société C6 exploitant les autocars Ouibus devenus BlaBlaBus afin de réputer non écrites certaines clauses qu’elle jugeait abusives dans ses contrats de transport.

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L’UFC-Que Choisir déboutée face aux contrats BlaBlaBus

La Cour de cassation connaît depuis ces derniers mois une actualité brûlante au sujet des clauses abusives (v. par ex. Civ. 1re, 30 mars 2022, n° 19-17.996 et 20-16.316, Dalloz actualité, 4 avr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 974 image, note J. Lasserre Capdeville image ; Rev. prat. rec. 2022. 31, chron. K. De La Asuncion Planes image ; 20 avr. 2022, nos 19-11.599, Dalloz actualité, 12 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 789 image). Cette dynamique n’est permise que grâce à un nombre croissant de demandes devant les juges du fond tendant à réputer non écrites toute une série de clauses jugées comme déséquilibrées dans les contrats conclus avec les consommateurs. La décision que nous commentons aujourd’hui en est une bonne illustration en ce que les parties au procès sont des acteurs connus de l’économie. À l’initiative de l’instance, on retrouve l’UFC-Que Choisir qui est agréée sur le plan national pour exercer les droits reconnus aux associations de consommateurs sur le fondement de l’article L. 811-1 et suivants du code de la consommation. Elle assigne une société peu identifiée du grand public par son nom, la société SNCF-C6 qui exploite une activité de transport de voyageurs sous le nom commercial beaucoup plus connu Ouibus. Cette société a été cédée en 2019 au groupe BlaBlaCar et désormais l’activité commerciale s’intitule BlaBlaBus. Ces nouveaux opérateurs économiques ont été la conséquence de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite loi « Macron » libéralisant le secteur du transport en autocars. L’UFC-Que Choisir reproche la présence d’un nombre important de clauses abusives ou illicites dans les contrats de transport par autocar proposés aux voyageurs Ouibus devenu BlaBlaBus. Par lettre recommandée du 1er juin 2017, l’UFC-Que Choisir a mis en demeure la société SNCF-C6 de se conformer aux règles du droit de la consommation et donc de purger ses contrats des clauses qu’elle juge illicites. À l’automne 2017, l’UFC-Que Choisir estime que la société ne s’est pas mise en conformité. Par acte d’huissier délivré le 14 décembre 2017, elle a donc fait assigner la société SNCF-C6 devant le tribunal de grande instance de Paris. L’UFC-Que Choisir avait dans son viseur plus de vingt clauses des conditions générales des contrats de transport de la SNCF qui lui paraissaient abusives. Dans un jugement contradictoire rendu le 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris rend une décision de 28 pages déboutant l’UFC-Que Choisir de l’intégralité de ses demandes. Elle déclare, à titre préliminaire, par ailleurs irrecevable l’association en ses demandes relatives aux clauses des conditions générales 2017. La société C6 ne voit pas sa demande de dommages-intérêts accordée, celle-ci est également déclarée irrecevable. Mais elle récolte une somme importante au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit 10 000 € que devra lui verser l’UFC-Que Choisir.

Afin d’examiner ce jugement intéressant le contentieux des clauses abusives, nous nous pencherons successivement sur les problèmes de recevabilité avant d’examiner le fond des clauses concernées.

Sur les problèmes de recevabilité

La société C6 soutenait que certaines des clauses attaquées n’étaient plus proposées aux consommateurs depuis 2018. Par conséquent, l’UFC-Que Choisir était selon elle dénuée d’intérêt à agir sur ce point. Le jugement commence donc par noter en page 7 la position constante de la Cour de justice de l’Union européenne : le juge national peut déclarer abusives des clauses qui ne...

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La chambre criminelle fait une application rigoureuse de l’article 222-20 du code pénal

Encourt la cassation l’arrêt d’appel qui a condamné une société et son dirigeant au visa de l’article 222-20 du code pénal sur la base, d’une part, d’une faute caractérisée alors même que ce texte n’y fait aucune référence et d’autre part d’une faute délibérée en présence d’obligations générales de formation.

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Sanction d’Amazon : la CNIL confortée dans son rôle de gendarme des cookies

S’inscrivant dans le sillage de sa décision du 28 janvier 2022 (n° 449209,  Dalloz actualité, 9 févr. 2022, obs.  C. Crichton ;  Google LLC (Sté), Lebon ; AJDA 2022. 188 ; Dalloz IP/IT 2022. 62, chron. C. Crichton ; ibid. 337, obs. T.

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Violences conjugales : forte hausse des hébergements d’urgence

La mise à disposition d’hébergements d’urgence pour les femmes et enfants faisant l’objet de violences a progressé de 50 % entre 2017 et 2021. 

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Violences conjugales : forte hausse des hébergements d’urgence

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Réclamation portant sur des postes non mentionnés dans le décompte final

L’établissement d’office par le maître d’œuvre du décompte final ne prive pas le titulaire du marché du droit de former une réclamation sur le décompte général, quand bien même elle porterait sur un élément non mentionné dans le décompte final établi d’office.

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Violences conjugales : forte hausse des hébergements d’urgence

Dans un souci de soutenir la volonté d’accès à l’égalité entre les femmes et les hommes, les services de l’État ont redoublé d’efforts concernant la protection de la femme au sein du ménage.

Renforcement de la mise à disposition d’un environnement sécurisé

Depuis 2017 et jusqu’à l’année dernière, les places du parc d’hébergement d’urgence sont passées de 5 100 à 7 700. Le prix des places ouvertes en 2021 a été revalorisé pour permettre d’améliorer la qualité de l’accompagnement proposé et la sécurisation des lieux, passant de 25 à...

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La cristallisation des moyens s’applique à un jugement avant dire droit

Un moyen contre un jugement avant dire droit en matière d’urbanisme ne peut plus être soulevé plus de deux mois après la réception du premier mémoire en défense, même si le délai de recours n’est pas expiré.

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Résiliation judiciaire et rupture anticipée du CDD : quelles possibilités pour le salarié ?

En cas de demande en résiliation judiciaire d’un CDD, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l’employeur.

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Un état des lieux des fractures de la société

La hausse de plus de 18 % des réclamations adressées au Défenseur des droits en 2021 manifeste notamment les difficultés croissantes des citoyens à accéder aux services publics et à leurs droits.

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Installation d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques : contenu des conventions

Un décret du 29 juin 2022 détermine le contenu des conventions sans frais d’installation de recharges pour véhicules électriques, visées à l’article L. 353-13 du code de l’énergie. 

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Installation d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques : contenu des conventions

Un décret du 29 juin 2022 détermine le contenu des conventions sans frais d’installation de recharges pour véhicules électriques, visées à l’article L. 353-13 du code de l’énergie. 

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Nouvelles règles de recours contre les visas et les autorisations d’entrée en France

À compter de 2023, les ressortissants des pays non membres de l’Union européenne dispensés de visa devront, pour accéder au territoire de celle-ci, être en possession d’une autorisation de voyage, délivrée par voie électronique. La création de ce système ETIAS (European Travel Information and Authorization System) est prévue par le règlement (UE) 2018/1240 du 12 septembre 2018. Les décrets nos 2022-962 et 2022-963 du 29 juin 2022 adaptent le droit français à cette nouvelle donne. À cette occasion, les règles de recours contre les refus de visa sont également revues.

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Quelques précisions de droit de la consommation pour le crédit immobilier

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue rappeler plusieurs constantes autour de l’usage de la condition résolutoire en matière de crédit immobilier et de l’appréciation du devoir de mise en garde de l’établissement bancaire.

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Quelques précisions de droit de la consommation pour le crédit immobilier

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provencele 8 juillet 2022

Civ. 1re, 29 juin 2022, F-B, n° 21-11.690

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 juin 2022 permet au lecteur d’explorer deux facettes très intéressantes au sujet du crédit immobilier, à savoir ses liens avec la condition résolutoire et les contours du devoir de mise en garde du créancier. Ces questions classiques font l’objet d’une jurisprudence importante, et l’arrêt commenté aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de la ligne directrice de la haute juridiction ces derniers mois. Reprenons les faits pour mieux en comprendre la portée. Suivant des offres acceptées le 26 octobre 2009, deux particuliers ont souscrit plusieurs prêts auprès d’un établissement bancaire pour financer une acquisition immobilière de l’un d’eux. Des échéances sont impayées, menant la banque à assigner les coemprunteurs en paiement. À titre reconventionnel, l’un des emprunteurs sollicite des dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde. Pendant la procédure d’appel, l’établissement bancaire a cédé sa créance à un fonds commun de titrisation le 3 août 2020. La cour d’appel de Douai précise que le bien en vue duquel les prêts ont été consentis a été acquis le 2 novembre 2009, si bien que la condition résolutoire ne s’est pas réalisée au profit de l’emprunteur assigné. Elle condamne également l’établissement bancaire à payer à l’emprunteur auteur de la demande reconventionnelle une certaine somme au titre de dommages-intérêts pour défaut dans son devoir de mise en garde. Pour ce faire, elle prend en compte les revenus de l’emprunteur et estime donc que le prêt était à l’origine d’un risque d’endettement sans que la banque démontre avoir...

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La confidentialité de la médiation et ses conséquences

Le principe de confidentialité constitue, à n’en pas douter, l’un des piliers de la justice participative (M. Reverchon-Billot, La justice participative : naissance d’un vrai concept, RTD civ. 2021. 297 image, spéc. n° 21). L’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 prévoit en ce sens que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité ». Voilà qui permet aux parties de s’engager pleinement dans le processus de médiation en sachant que l’avis ou les constatations du médiateur ne seront pas utilisés ultérieurement à leur encontre devant une juridiction. Ce principe, que l’on pourrait qualifier de grand, concerne toute médiation, judiciaire ou conventionnelle (C. pr. civ., art. 131-14 et 1531), et même administrative (CJA, art. L. 213-2). Mais, une fois ce principe proclamé, il reste à le mettre en œuvre et à en tirer les conséquences. L’arrêt rendu le 9 juin 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation livre à cet égard quelques enseignements.

Alors qu’une médiation s’était tenue, une partie avait produit au soutien de son assignation à comparaître différentes pièces relatives à la procédure de médiation et, notamment, l’avis du médiateur. Parce que son adversaire estimait que le respect du principe de confidentialité constituait une formalité substantielle, il avait demandé que la nullité de l’assignation soit prononcée et, pour faire bonne mesure, que les pièces litigieuses soient écartées des débats. Le tribunal d’instance de Marseille a cependant rejeté l’exception de nullité de l’acte introductif d’instance en l’absence de grief et a même statué au vu des pièces litigieuses. La Cour de cassation n’a pas partagé cette manière de voir les choses. Après avoir souligné que « l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge », elle a censuré le jugement rendu par le tribunal d’instance de Marseille.

Cet arrêt apporte quelques précisions importantes relatives au champ d’application du principe de confidentialité et au dispositif garantissant son respect.

Le champ d’application du principe de confidentialité

La lecture de l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 pourrait laisser penser que le principe de confidentialité ne couvre pas tous les éléments échangés au cours du processus de médiation. Le texte indique en effet que seules « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties ». Au cours de la médiation, les parties sont invitées, voire incitées par le médiateur, à faire des concessions en vue de parvenir à un accord. Celle qui fait un pas vers son adversaire, et joue ainsi le jeu de la médiation, ne doit pas le faire avec la crainte que sa bonne volonté puisse se retourner contre elle ; les déclarations ou constatations du médiateur, dont le rôle est de rapprocher les parties, ne doivent naturellement pas davantage pouvoir être utilisées par les parties au cours d’une procédure juridictionnelle. Il en va naturellement de même des offres adressées par une partie au médiateur (Versailles, 13e ch., 26 janv. 2021, n° 19/05110). Le sceau du secret doit donc entourer le processus de médiation… Il ne fait guère de doute, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, que le principe de confidentialité avait été méconnu ; l’avis même du médiateur avait en effet été versé aux débats ; même s’il était « succinct » et se bornait à indiquer que le texte du contrat unissant les parties en litige « porte à confusion », cela importait peu ; les opinions et avis du médiateur sont couverts par le principe de confidentialité.

Il reste qu’on ne peut s’empêcher de trouver la disposition de l’article 21-3 bien étroite. Car, au cours du processus de médiation, d’autres documents peuvent naturellement être échangés par les parties, car il faut bien qu’elles éclairent le médiateur sur l’objet et les causes de leur litige. Au-delà des pièces relatives aux constatations du médiateur et aux déclarations recueillies au cours de la médiation, il est ainsi permis de se demander si toutes les pièces échangées par les parties au cours du processus ne sont pas soumises au principe de confidentialité. Le texte de l’article 21-3 n’incite pas à répondre par l’affirmative ; son esprit, pas davantage. Car la partie, qui a fait l’effort de conserver ou de recueillir des pièces et les présente, à tort ou à raison, au cours de la médiation, ne doit pas être privée du droit de les employer au cours d’une procédure juridictionnelle postérieure (comp. F. de Korodi, La confidentialité de la médiation, JCP 2012. 1320). À la rigueur, il pourrait simplement être admis que les pièces dont il lui a été remis une copie au cours du processus non juridictionnel ne puissent pas être utilisées ultérieurement, même si rien ne lui interdira d’en solliciter la production forcée…

Il reste qu’une pièce soumise au principe de confidentialité peut, dans quelques cas, être utilisée en justice : en cas de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne ou encore lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution (Loi n° 95-125 du 8 févr. 1995, art. 21-3, a et b). Surtout, il ne faut pas oublier qu’un accord des parties peut toujours permettre aux parties de produire des éléments qui sont soumis au principe de confidentialité (Loi n° 95-125, art. 21-3). Sur ce point, les cours d’appel paraissent assez compréhensives en jugeant que la partie qui produit une pièce en justice ne peut, même si elle est couverte par le principe de confidentialité, s’opposer à ce qu’elle soit utilisée par son adversaire (Agen, ch. civ., sect. com., 5 juill. 2021, n° 19/01127, AJDI 2021. 593 image ; ibid. 594 image ;  v. égal. Pau, 1re ch., 31 mars 2015, n° 13/04006), même si, plutôt qu’un hypothétique accord tacite, un tel résultat aurait sans doute pu être obtenu en interdisant simplement à la partie de se prévaloir d’un moyen contraire à ses écritures. Dans l’arrêt commenté, aucune de ces raisons ne paraissait cependant justifier la production des pièces litigieuses en justice.

La sanction de la méconnaissance du principe de confidentialité

Il reste alors à déterminer quelle est la sanction attachée à la méconnaissance du principe de confidentialité. L’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 n’en dit rien ; dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, le requérant avait non seulement soulevé une exception de nullité de l’assignation, mais également demandé au tribunal, à titre subsidiaire, d’écarter des débats les pièces litigieuses.

Il paraît assez évident que des pièces, produites en méconnaissance du principe de confidentialité, doivent être écartées des débats (v. par ex., Dijon, 2e ch. civ., 18 mars 2021, n° 20/01180 ; Paris, pôle 4, ch. 9, 8 oct. 2020, n° 17/15973). C’est précisément ce que juge la Cour de cassation dans l’arrêt commenté : « l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites […] soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge ». Le respect du principe de confidentialité est ainsi garanti par le pouvoir d’office du juge. Il est vrai que le juge peut assez aisément identifier certaines des pièces dont la production heurte le principe de confidentialité ; c’est ce qui explique que la Cour de cassation paraisse bel et bien obliger le juge à écarter les pièces litigieuses. En statuant au vu des pièces couvertes par le principe de confidentialité, le tribunal d’instance avait ainsi méconnu les exigences de l’article 21-3 de la loi et cela suffisait à justifier la censure du jugement rendu ; il ne pouvait en effet se borner à rejeter la demande de nullité de l’assignation.

En revanche, même si la Cour de cassation ne dit rien sur ce point, il pourrait paraître douteux que la méconnaissance du principe de confidentialité puisse conduire à la nullité de l’acte qu’accompagnent les pièces litigieuses. Certes, il existe un lien entre un acte de procédure et les pièces sur lesquels il se fonde, ce qui explique par exemple que la partie qui est privé du droit de conclure ne peut prétendre verser des pièces aux débats (Civ. 2e, 13 nov. 2015, n° 14-19.931 P, D. 2016. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; AJDI 2016. 130 image) ; cependant, l’acte et les pièces ne font pas corps et un acte de procédure peut tout à fait être reçu alors que les pièces versées à son soutien sont déclarées irrecevables. Il existe toutefois une hypothèse qui peut faire difficulté : c’est celle où un acte de procédure recopie le contenu d’éléments couverts par le principe de confidentialité. Dans un tel cas de figure, la cour d’appel de Paris a pu se raccrocher à la théorie des nullités (Paris, pôle 4, ch. 9, 8 oct. 2020, n° 17/15973, préc.) : la méconnaissance du principe de confidentialité, érigé pour l’occasion en formalité substantielle ou d’ordre public, conduit alors à la nullité de l’acte de procédure dès lors que celui qui l’invoque établit un grief (Paris, pôle 4, ch. 9, 8 oct. 2020, n° 17/15973, préc.). La protection du principe de confidentialité serait ainsi soumise à la démonstration d’un grief, qui n’est pourtant pas exigée lorsqu’il s’agit simplement d’écarter certaines pièces des débats ; il est donc permis de penser que les éléments litigieux devraient être ôtés des débats, sans passer par la théorie des nullités…

Le « chef dépendant », ou comment sauver un chef non mentionné dans la déclaration d’appel

Dans un litige d’accident de personne, la victime agit contre les syndicats des copropriétaires et leurs assureurs, en responsabilité et en indemnisation de son préjudice.

Le tribunal écarte la responsabilité des syndicats des copropriétaires, mais retient un droit à indemnisation au regard de la loi du 5 juillet 1985, s’agissant d’un accident de la circulation. Il met hors de cause les assureurs, en leur qualité d’assureurs responsabilité civile immeuble et propriétaire d’immeuble des syndicats des copropriétaires.

La victime fait appel en le limitant à la mise hors de cause des assureurs des syndicats des copropriétaires.

Mais l’appelant conclut du chef de l’application de la loi de 1985 au litige, chef non mentionné sur la déclaration d’appel.

La cour d’appel de Besançon déclare irrecevables les demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation des préjudices, et confirme en conséquence la mise hors de cause des assureurs.

L’arrêt d’appel est cassé.

La cour d’appel devait rechercher si le chef de la « responsabilité » n’était pas dévolu, en ce qu’il serait la conséquence du chef de la mise hors de cause.

Et si la dévolution n’a pas opéré de ce chef, la cour d’appel n’avait pas à prononcer une irrecevabilité, mais devait constater l’absence d’effet dévolutif.

La dévolution d’un chef non mentionné

Aux termes des articles 562 et 901, 4°, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément, contenus dans la déclaration d’appel, et de ceux qui en dépendent.

La dévolution est donc doublement encadrée : d’une part, par la déclaration qui mentionne les chefs critiqués et, d’autre part, par les conclusions qui ne peuvent aller au-delà des chefs mentionnés dans l’acte d’appel, et ne peuvent contenir des demandes mentionnées dans l’acte d’appel mais non susceptibles d’être critiqués.

Depuis la réécriture des articles 901 et 562, les avocats doivent faire preuve de vigilance quant à la rédaction de la déclaration d’appel, ce qui suppose de savoir ce qu’est un chef critiqué, et où il se niche. Et sur ce point, la Cour de cassation est peu diserte.

En pratique, l’habitude – que nous devons certainement à la circulaire du 4 août 2017 (Circ. 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, NOR : JUSC1721995C) – consiste à reprendre, pour tout ou partie, le dispositif du jugement.

Cela vaut ce que ça vaut, mais à ce jour, cette pratique, qui ne nous paraît pas toujours satisfaisante (Procédures d’appel, 2022-2023, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 21.132, p. 94), n’a pas été sanctionnée par la Cour de cassation.

Dans cette affaire, la victime avait agi en responsabilité civile des syndicats des copropriétaires, et avait appelé à la cause les assureurs responsabilité civile.

La responsabilité civile des syndicats des copropriétaires est écartée, le tribunal retenant que le demandeur était victime d’un accident de la circulation, relevant en conséquence des dispositions de la loi de 1985.

Les assureurs responsabilité civile sont donc mis hors de cause.

C’est cette mise hors de cause qui est mentionnée comme chef critiqué sur la déclaration d’appel.

Comme le rappelle de manière habituelle la Cour de cassation, c’est l’acte d’appel et seule- ment l’acte d’appel qui fixe la dévolution de l’appel (v. not., Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, « seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement », Dalloz actualité, 17 fév. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image).

En conséquence, si un chef n’est pas mentionné dans l’acte d’appel, il n’est pas dévolu à la cour d’appel qui n’en sera pas saisie.

Mais comme le prévoit l’article 562, un chef peut néanmoins saisir la cour d’appel, alors même qu’il n’est pas mentionné dans l’acte d’appel, s’il dépend du chef mentionné.

Et c’est sur ce « chef dépendant » du chef mentionné que la Cour de cassation donne des indications, sans pour autant nous en donner trop, de manière à conserver une partie du suspense pour les prochains épisodes.

Le « chef dépendant » d’un chef mentionné

Pour la Cour de cassation, les chefs qui dépendent des chefs mentionnés sont « ceux qui sont la conséquence des chefs du jugement expressément critiqués ».

Et la Cour de cassation d’ajouter que la cour d’appel devait rechercher ce lien de dépendance, tout en se gardant bien de dire si, en l’espèce, ce lien existait. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de lire entre les lignes.

En l’espèce, les assureurs avaient été mis hors de cause au motif qu’ils étaient assureurs responsabilité civile des syndicats.

L’appelant pouvait-il contester cette mise hors de cause sans contester ce faisant le principe de « responsabilité » (étant toutefois précisé que le loi de 1985 est une loi d’indemnisation, non de responsabilité) ?

Et effectivement, le lien de dépendance semble exister, car c’est bien parce que la responsabilité des syndicats est écartée que les assureurs responsabilité civile sont mis hors de cause.

Pour cette raison, même si l’appelant n’a pas mentionné le principe de responsabilité dans son acte d’appel, l’examen de la mise hors de cause suppose que soit tranchée au préalable la « responsabilité » applicable.

En l’espèce, l’appelant semble donc avoir sauvé son appel.

À l’instar des dispositifs des conclusions, les dispositifs des jugements peuvent parfois laisser à désirer.

Un jugement peut par exemple – et ce n’est pas un cas d’école – prononcer la condamnation au remboursement du prix de vente, au titre d’une résolution prononcée dans les motifs mais non reprise dans le dispositif. L’appelant qui reprend le dispositif du jugement mentionnera la condamnation au remboursement comme chef critiqué dans son acte d’appel, sans mentionner la résolution de la vente.

Au regard de cet arrêt de cassation, il pourrait être soutenu que le remboursement du prix de vente suppose la dévolution du chef de la résolution, « chef dépendant ».

Mais cela ne fonctionnera pas à tous les coups.

Si l’appelant se contente de mentionner les condamnations comme chef critiqué, sans mentionner le principe de responsabilité, le quantum ne présente pas un lien de dépendance. En effet, il est parfaitement possible de limiter son appel au seul quantum, sans vouloir discuter du principe de responsabilité, ou du droit à indemnisation. Il peut donc être dangereux de se limiter au dispositif du jugement, et de ne pas mentionner certains chefs (Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21.133, p. 95).

Il en ressort que cette notion de « chef dépendant » devra constituer une bouée de sauvetage, à invoquer lorsque l’appelant n’aura pas été suffisamment complet dans la mention des chefs critiqués.

Même s’il nage bien le chef, le mieux est d’éviter de tomber à l’eau, et d’être complet lors de la rédaction de l’acte d’appel, en mentionnant tous les chefs.

Et dans l’affaire ayant donné lieu au présent arrêt de cassation, l’appelant aurait été mieux inspiré s’il avait mentionné expressément que l’appel portait sur le régime de responsabilité applicable.

Indiquer le chef, mais dans quels termes ?

Les termes de l’arrêt suscitent une interrogation.

Il est précisé que le chef dépendant est « le régime de responsabilité applicable ».

Du fait d’une habitude généralisée, il ne vient à l’esprit d’aucun appelant de se dégager du dispositif du jugement, dont l’acte d’appel devient un copié-collé, avec tous les risques que cela comporte, ce qui engendre une déclaration d’appel parfois peu lisible.

Nous sommes d’avis, néanmoins, que l’appelant n’avait pas l’obligation de mentionner le chef critiqué de cette manière : « dit que la demande de M. [X] est fondée sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ».

Il aurait suffi à l’appelant de préciser ce chef comme « le régime de responsabilité applicable », pour qu’opère la dévolution (Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21.133, p. 95).

Ces termes sont au demeurant plus intelligibles.

Or, « la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul » (Civ. 2e, 14 avr. 2022, n°20-22.497 NP ; 19 mai 2022, n° 21-12.267 NP ; 19 mai 2022, n° 21-13.642 NP ; 13 janv. 2022, n°20-17.516 P, D. 2022. 325 image, note M. Barba image ; ibid. 625, obs. N. Fricero image ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra image ; Rev. prat. rec. 2022. 9, chron. D. Cholet, O. Cousin, M. Draillard, E. Jullien, F. Kieffer, O. Salati et C. Simon image), doit permettre à elle-seule de comprendre quelle est la portée de la dévolution opérée, ce qui suppose que les chefs critiqués soient correctement et précisément indiqués. Au demeurant, cela pose la question des formules sibyllines du style « déboute la partie de toutes ses demandes », sans précisions quant à ces demandes (Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21.133, p. 95).

Une absence d’effet dévolutif qui n’est pas une irrecevabilité

La cour d’appel, suivants en cela les intimés, avait déclaré irrecevables les demandes.

Mais si le doute avait été permis lors de l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017, au regard de la jurisprudence antérieure (Civ. 3e, 15 mai 2002, n° 99-10.507 P), nous savons désormais que toute difficulté liée à l’effet dévolutif ne se traduit pas en terme d’irrecevabilité, mais d’absence d’effet dévolutif (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, préc. ; Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21.171, p. 109), ce qui au demeurant allège le travail d’un conseiller de la mise en état déjà bien occupé par ailleurs.

Il en résulte que si l’appelant a omis de mentionner un chef dans sa déclaration d’appel, que la cour d’appel n’annule pas le jugement et que le chef oublié n’est pas un « chef dépendant » d’un chef mentionné, alors la cour d’appel n’aura pas à se prononcer sur la demande lié à ce chef dont elle n’est pas saisie.

Or, pour déclarer une demande irrecevable, encore faut-il qu’elle passe le stade de la dévolution, et qu’elle saisisse le juge.

Pour cette raison, au demeurant, la demande de confirmation du chef du prononcé du divorce et de prononcé du divorce n’a pas à être déclarée irrecevable si l’appel ne dévolue pas ce chef du prononcé du divorce. Il n’y a pas davantage lieu à prononcer une irrecevabilité de cet appel de ce chef, s’agissant d’une question de dévolution.

L’absence d’effet dévolutif, c’est le pétard mouillé, celui qui n’explose pas. Pourtant, ce pétard existe bien, et quelqu’un l’a allumé. Mais il ne produit aucun effet.

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Du point de départ de l’action en responsabilité contre le notaire

La question de la prescription extinctive continue d’intéresser la première chambre civile de la Cour de cassation en ce début d’été. Lors de ces six derniers mois, c’est un véritable flot continu d’arrêts qui a été rendu sur cette question (pour un florilège non exhaustif, Civ. 1re, 5 janv. 2022, nos 20-16.031, 19-24.436, 20-18.893 et 20-18.893, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 4 image ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati image; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati image ; RTD com. 2022. 134, obs. D. Legeais image ; D. 2022. 68 image ; AJDI 2022. 217 image ; Com. 9 févr. 2022, n° 20-17.551, Dalloz actualité, 16 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; Civ. 1re, 11 mai 2022, n° 21-12.513, Dalloz actualité, 18 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 992 image). Il faut bien avouer que la matière, technique par nature, implique des hésitations notamment sur le point de départ de la prescription de chaque action en particulier. Pour harmoniser des solutions parfois divergentes, la Cour de cassation apporte des réponses qui sans fixer un point de départ unique, adapte celui-ci pour respecter au mieux la lettre de l’article 2224 du code civil qui fixe ce point de départ au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action personnelle en question. La complexité réside donc dans cette nuance de réponses adaptant le point de départ à l’action prise dans son individualité tout en assurant un ensemble cohérent et respectueux de la lettre du texte concerné. Une belle illustration de cette question est donnée par l’arrêt commenté aujourd’hui et rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 juin 2022. Reprenons-en les faits essentiels pour comprendre où se situait le problème. Un expert-comptable propose à un commerçant un montage juridique lui permettant de céder son fonds de commerce sans être imposé au titre des plus-values. Par acte du 3 avril 2001, le commerçant a ainsi donné son fonds de commerce en location gérance à une société dont il était à la fois le gérant et l’associé majoritaire. Le 29 août 2007, l’administration lui notifie un redressement fiscal d’un montant de 66 960 € au titre de l’imposition des plus-values. La cour administrative d’appel de Bordeaux rejette dans un arrêt confirmatif la demande du contribuable tendant à faire reconnaître son droit à l’exonération envisagée. Les 14 et 23 mars 2016, l’exploitant du fonds de commerce déçu de l’inefficacité de ce montage juridique a assigné le notaire, la société civile professionnelle dans laquelle ce dernier exerce et son assureur en responsabilité et en indemnisation. Par jugement en date du 7 avril 2017, le tribunal de grande instance de Bergerac juge l’action prescrite et déboute le demandeur. Celui-ci interjette appel. La cour d’appel de Bordeaux infirme le jugement entrepris pour substituer au débouté une irrecevabilité qui est la conséquence logique de la prescription qu’elle confirme pour le surplus. Voici notre exploitant du fonds de commerce qui se pourvoit en cassation en arguant que l’action ne pouvait courir qu’à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d’agir. Pour lui, cette date se situait au 07 janvier 2014, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui rejetait son recours contre le redressement fiscal dont il a fait l’objet.

Il obtient gain de cause puisque la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt dans sa décision rendue le 29 juin 2022. Elle précise que : « En statuant ainsi, alors que le dommage de M. [E] ne s’était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux ayant rejeté son recours et constituant le point de départ du délai de prescription quinquennal, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

L’arrêt explore un nouveau cas de nuance du point de départ de la prescription tout en assurant la même ligne directrice désormais connue et ce sous l’égide de l’article 2224 du code civil.

Un point de départ fixé au jour de l’arrêt condamnant le contribuable

L’article 2224 du code civil, utilisé comme visa dans cette solution, est interprété d’une manière adaptative par la première chambre civile de la Cour de cassation. On connaît la solution classique en droit de la responsabilité qui veut que le point de départ se situe au jour où le dommage s’est réalisé ou, du moins, à la date où la victime est en mesure d’agir. Pour les préjudices corporels, ceci implique de prendre en compte la date de consolidation du dommage par exemple (Civ. 2e, 10 févr. 2022, n° 20-20.143, Dalloz actualité, 4 mars 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 279 image). Mais pour les autres préjudices, comme celui au cœur de l’arrêt commenté, d’autres difficultés se posent sur le bon positionnement de ce point de départ. Ici, le facteur de complication consistait à savoir s’il fallait placer le point de départ comme l’avait considéré la cour d’appel au 29 août 2007, date de la lettre de redressement par laquelle l’administration fiscale avait informé le contribuable que la cession devait faire l’objet d’une imposition au titre des plus-values. Est-ce que cette date pouvait convenir pour matérialiser le dommage et ainsi respecter la lettre de l’article 2224 du code civil ? La question se discute car en présence d’un recours comme celui initié par l’exploitant du fonds de commerce redressé, celui pouvait avoir encore l’espoir que le redressement n’était qu’une erreur du Trésor Public. En somme, son dommage n’était peut-être pas encore réalisé à cette date.

La question est résolue d’une manière lapidaire mais efficace par la première chambre civile. Le point de départ se situe au jour de l’arrêt confirmatif qui vient définitivement fermer les portes à cet espoir du contribuable de voir son montage juridique fonctionner. C’est donc au 7 janvier 2014, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux, que se matérialise la connaissance des faits lui permettant d’exercer son action en responsabilité contre le notaire. La solution invite à une certaine prudence les praticiens car elle montre à quel point la lecture de l’article 2224 du code civil implique de veiller à bien positionner le point de départ du délai.

L’ensemble eut créer une impression de pluralité dans les décisions de la Cour de cassation mais la solution n’en est pas moins respectueuse d’une certaine unité.

Diversité des points de départs mais unité de la justification

La lecture des derniers arrêts rendus par la Cour de cassation au sujet du point de départ de la prescription extinctive peut laisser quelques lecteurs perplexes. Les décisions peuvent conduire à, matériellement, retenir des éléments factuels différents : premier incident de paiement pour le devoir de mise en garde de la caution (Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 20-17.325 FS-B, préc.), jour où l’emprunteur a eu connaissance du défaut de garantie du risque qui s’est réalisé (Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 19-24.436, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati image ; RTD com. 2022. 134, obs. D. Legeais image), jour où le dommage s’est consolidé (Civ. 2e, 10 févr. 2022, n° 20-20.143, préc.), etc. Ces solutions plurielles vont toutefois dans le même sens comme nous le notons régulièrement dans ces colonnes et ce sous à l’aide d’une interprétation utile des règles du code civil.

Ces décisions, certes de première apparence différentes, sont les garantes d’une lecture respectueuse de l’article 2224 du code civil lequel est rédigé de telle sorte à entraîner ces questions d’interprétation dynamique en fonction de chaque action prise dans son individualité par le juge. Une telle lecture implique une certaine adresse des praticiens à pouvoir déduire de l’action qu’ils engagent le bon point de départ considéré. Reste à savoir si la construction prétorienne est garante de sécurité juridique. Il faut probablement répondre par la positive car une lecture unitaire fixant au même jour tous les points de départ de la prescription violerait la lettre de l’article 2224 du code civil qui n’évoque pas une telle solution unique.

L’arrêt du 29 juin 2022 est, par conséquent, intéressant à bien des titres. Il vient d’abord confirmer l’attrait des praticiens pour les questions de prescription. Arme redoutable puisqu’entraînant une irrecevabilité de la demande, cette dernière reste parmi l’arsenal de choix du conseil de la partie qui doit subir une action, ici en responsabilité. Mais attention à bien positionner le point de départ, sinon que de temps perdu ! La décision vient également construire une fresque aux motifs divers mais dont l’histoire qu’elle raconte trouve sa cohérence au sein de l’article 2224 du code civil. Reste à attendre la suite de cette belle tapisserie brodée avec soin par la Cour de cassation.

Du point de départ de l’action en responsabilité contre le notaire

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que le point de départ de l’action en responsabilité du notaire manquant à son devoir de conseil court à compter de la décision qui condamne définitivement le contribuable à un redressement fiscal lié à ce manquement. 

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La forme de l’appel incident à l’épreuve du syllogisme juridique

Condamnée à payer diverses sommes à la suite d’un jugement de mainlevée d’une saisie-attribution qu’elle avait pratiquée, la Caisse national des barreaux français (CNBF) relève appel devant la cour d’appel de Basse-Terre. L’appelante intime la partie contre laquelle elle avait pratiqué la saisie sur compte ainsi que la SCP d’Huissiers qui avait diligenté la saisie et leur signifie ses conclusions le 15 octobre 2019. L’intimé se constitue et forme appel incident par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019 et signifiée à la SCP d’Huissiers, non constituée, le 18 novembre 2019. La cour d’appel juge cependant irrecevables ces dernières conclusions dès lors que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient que l’appel incident ou provoqué doit être formé par voie d’assignation. Au visa des articles 909 et 911 du code de procédure civile, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt en ce qu’il a estimé irrecevable l’appel incident et remet sur ce point l’affaire et les parties devant la même cour autrement composée. La solution est la suivante :

« 5. Selon le premier de ces textes, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour former le cas échéant appel incident. Aux termes du second, les conclusions sont signifiées, au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, aux parties qui n’ont pas constitué avocat. Cependant, si, entretemps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à avocat.6. Il en résulte que l’appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n’a pas à revêtir la forme d’une assignation.

7. Pour déclarer irrecevable l’appel incident formé par M. [R] contre le chef du jugement l’ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], l’arrêt retient que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient, à peine d’irrecevabilité, que l’appel incident ou provoqué doit être formé par voie d’assignation lorsqu’il est dirigé contre une partie défaillante, que la société [H], partie intimée dans l’acte d’appel principal, a constitué avocat le 9 décembre 2019 et que l’appel incident dirigé contre elle, partie défaillante à l’appel incident, et formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, doit être déclaré irrecevable.

8. En statuant ainsi, alors que la société [H] avait été régulièrement intimée par l’appelant, et que M. [R], qui formait un appel incident contre elle, n’était donc tenu que de lui signifier ses conclusions d’appel incident dans les délais requis et non de l’assigner à comparaître, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Mouton

Commençons par l’enjeu très pratique de la question posée à la Cour de cassation. Toute solution contraire, dans le sens de celle retenue par la cour d’appel de Basse-Terre, aurait conduit à un flot de déclarations de sinistre tant la pratique révèle que les avocats procèdent le plus souvent, pour dénoncer leurs conclusions à l’intimé non constitué, par voie de signification et non d’assignation. L’enjeu était donc de taille ; le pire étant que le raisonnement de la cour d’appel était exact au regard des textes appliqués. Car si lue rapidement, la solution de la deuxième chambre civile n’étonnera pas, l’évidence de cette première lecture ne provient pas tant des dispositions légales que d’une pratique instaurée depuis des années. Et c’est là que réside le risque : ne plus se poser de questions face à une pratique installée et partagée de tous. Toute coïncidence avec la saga de l’annexe à la déclaration d’appel n’est bien évidemment pas fortuite, et n’est pas terminée. C’est finalement le risque d’un comportement moutonnier, qui s’inscrit au-delà des textes, ici remis sèchement en perspective par la cour d’appel de Basse-Terre.

Ainsi, si l’avocat de l’intimé forme appel incident contre un co-intimé constitué, il lui dénonce ses conclusions par voie de notification et si celui-ci n’est pas encore constitué, comme en l’espèce, il les lui signifie. Tout le monde le sait, donc le fait. Tout le monde le fait, donc le sait. Oui, mais ne devrait-il pas l’assigner à l’instar de l’appel provoqué ? En effet, loin des débats doctrinaux sur le régime procédural de l’appel provoqué et celui de l’appel incident, qui ne répondent pourtant pas à la même fonction, la Cour de cassation avait assimilé les deux pour corriger l’imperfection notable de la rédaction de l’ancien article 909 qui avait omis l’appel provoqué au côté de l’appel incident. L’erreur fut réparée avec le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. Entre temps, on avait appris qu’un appel provoqué se fait nécessairement par assignation et dans le délai pour conclure (Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-27.043, Dalloz actualité, 24 janv. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 795, obs. N. Fricero image ; ibid. 1722, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis et N. Palle image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; Gaz. Pal. 28 févr-1er mars 2014, nos 59 et 60, obs. C. Lhermitte ; Gaz. Pal. 9-11 mars 2014, nos 68 à 70, obs. E. Jullien ; Village de la justice, 29 mai 2015, obs. V. Mosquet). Puis que quand bien même l’intimé sur l’acte d’appel avait, lui aussi, intérêt à relever appel principal, il devait procéder par assignation en appel provoqué sans pouvoir former une déclaration d’appel principal (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-13.835, Dalloz actualité, 24 oct. 2018, obs. R. Laffly). Et enfin que l’assignation en appel provoqué doit être délivrée dans le délai pour conclure de l’intimé, sans que ce délai puisse être prorogé dans les conditions prévues par l’article 911 du code de procédure civile, qui régit la signification de conclusions à une personne déjà attraite dans la procédure d’appel (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-14.901, Dalloz actualité, 3 juill. 2019, obs. R. Laffly ; D. 2019. 1233 image). C’est peu dire que s’ils peuvent se rejoindre, le régime de l’appel provoqué est bien plus sévère que celui de l’appel incident qui se forme par voie de conclusions et qui offre, lui, le délai augmenté de l’article 911. Voilà tout l’enjeu de la recevabilité de l’appel incident pour une question, une de plus, de pure forme.

Rhinocéros

Pour dégager le syllogisme de la forme que doit revêtir l’appel incident dirigé contre un intimé non constitué, les juges d’appel avaient bien à disposition une prémisse majeure et une prémisse mineure. Celle en premier lieu de l’article 68 qui dispose que « Les demandes incidentes sont formées à l’encontre des parties à l’instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l’encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance. En appel, elles le sont par voie d’assignation » et celle de l’article 551 qui précise que « L’appel incident ou l’appel provoqué est formé de la même manière que sont les demandes incidentes ».

Selon les enseignements d’Aristote, pour que le syllogisme fonctionne, sa conclusion doit être contenue dans la prémisse majeure qui doit être générale et universelle. Cela fonctionne à merveille. On le sait :
« Tous les hommes sont mortels.
Socrate est un homme.
Donc Socrate est mortel ».

On sait aussi ce qu’il advint avec Ionesco et son dialogue paralogique :
« Tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
- C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.
- Vous voyez… ».

L’art est difficile et le danger immédiat est celui qui conduit à la pensée totalitaire, suivie par tous et dénoncée par l’auteur de Rhinocéros. Mais à l’inverse, pas de raisonnement sophiste de la part de la cour d’appel. Le piège était d’autant plus réel que le raisonnement par syllogisme, qui s’appuyait sur les textes, était bon :
Les demandes incidentes se forment contre les parties défaillantes ou des tiers, en appel, par voie d’assignation.
L’appel incident se forme de la même manière que sont les demandes incidentes.
L’appel incident contre une partie défaillante se forme donc en appel par voie d’assignation.

Le syllogisme, qui permet de dégager une vérité, pour ne pas dire la vérité, était en marche.

Face à cette logique implacable, comment la Cour de cassation pouvait-elle s’y prendre ? Au regard des dispositions légales, exactement visées, faire échec au raisonnement n’était pas chose aisée. L’argumentation pouvait être : si « Les demandes incidentes sont formées à l’encontre des parties à l’instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense », ces derniers sont formés par voie de conclusions dénoncées à la partie adverse, pas par assignation. Oui, mais le texte ajoute, répondraient les juges de Basse-Terre, que les demandes incidentes « sont faites à l’encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance ». Donc par assignation. Oui mais un co-intimé contre lequel un intimé forme appel incident n’est pas un tiers. Le tiers à la procédure est l’intervenant forcé en cause d’appel qui n’a pas la qualité de partie en première instance ; l’intimé sur appel provoqué est partie en première instance mais n’est pas intimé sur l’acte d’appel principal ; l’intimé sur l’acte d’appel est à la fois partie en première instance et intimé sur l’acte d’appel principal. Il n’est ni un tiers à la procédure de première instance, ni à celle d’appel. Oui, mais la Cour de Basse-Terre répliquerait qu’au sens du texte, ce co-intimé qui n’est certes pas un tiers, est bien « défaillant » au moment de la dénonciation des conclusions puisqu’il n’a pas constitué avocat. Il doit donc être assigné.

Chouette

Perspicacité et sagesse étaient les qualités requises pour contourner l’obstacle. La première erreur de la cour d’appel était déjà de ne pas avoir vu un arrêt de la Cour de cassation qui avait dégagé la même solution. Identiquement, la cour d’appel de Rennes avait estimé, par référence aux mêmes textes, que l’intimé constitué qui forme un appel incident contre un co-intimé non constitué doit procéder par assignation. Mais la deuxième chambre civile avait répondu « Qu’en statuant ainsi, alors que la seule obligation pesant sur M. Z. était de signifier ses conclusions d’appel incident à M. Y, régulièrement intimé par l’appelant, dans les délais prescrits par les articles 909 et 911 du code de procédure civile, soit avant le 12 août 2017, sauf à ce que M. Y constitue avocat avant la signification, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-24.606, Dalloz actualité, 22 janv. 2020, obs. C. Auché et N. de Andrade ; D. 2020. 88 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image).

L’erreur était aussi celle de ne pas avoir vu, ou voulu voir, l’article 911 du code de procédure civile.Car pour sauvegarder les droits des parties, l’habileté de la deuxième chambre civile n’est justement pas de se hasarder à une exégèse des textes, et donc à l’interprétation des articles 68 et 551, mais au contraire d’en trouver un troisième, l’article 911 ! Sur les autres, l’article 911, spécial à l’appel, s’impose. S’il rappelle que les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour, le texte prévoit le sort des conclusions en l’absence de constitution de l’intimé : « elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ».

L’interprétation relève donc d’un parti-pris et d’une hauteur de vue qui s’infèrent de la solution donnée : celle de faire de l’intimé non constitué un personnage comme les autres. L’intimé non constitué, qui peut être défaillant comme le rappelle à propos l’arrêt (6), reste un intimé. Cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il reprend le terme de défaillant, celui de l’article 68, qui était occulté dans l’arrêt précité du 9 janvier 2020. Autrement dit, ce n’est pas cette défaillance qui induit le régime de l’assignation, c’est sa qualité de partie à l’acte d’appel qui exclut l’assignation. Alors on pourra toujours l’assigner à comparaître, mais la seule signification des conclusions sera suffisante. L’arrêt le dit, la signification, qui est une dénonciation par voie d’Huissier de justice, « n’a pas à revêtir la forme d’une assignation ». Lorsque l’article 911 précise que les conclusions sont signifiées aux parties qui n’ont pas constitué avocat, la qualité de partie ne fait aucun doute. En l’espèce, les deux co-intimés sur la déclaration d’appel de la CNBF avaient, dès le départ (constitués ou non par conséquent) cette qualité d’intimé. Mais si l’un ou l’autre avait souhaité intimer une partie présente en première instance mais non intimée sur l’acte d’appel principal, ou faire intervenir pour la première fois un tiers à l’instance, l’un et l’autre n’aurait eu d’autre choix que de l’assigner, soit en appel provoqué, soit en intervention forcée. L’assignation est bien l’invitation à comparaître, c’est là l’un des intérêts de l’assignation, et de cet arrêt. Or, l’intimé sur la déclaration d’appel, peu important qu’il ait constitué, n’avait-il pas déjà été invité à comparaître ? Parmi tous ces textes, n’aurait-on pas oublié l’alinéa 1er de l’article 902 : « Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration d’appel avec l’indication de l’obligation de constituer avocat ». Les invitations étaient parties depuis longtemps.

La forme de l’appel incident à l’épreuve du syllogisme juridique

L’appel incident relevé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n’a pas à revêtir la forme d’une assignation.

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Absence d’effet dévolutif : la cour, rien que la cour !

Le 15 janvier 2019, une partie fait appel d’un jugement ayant déclaré des demandes irrecevables pour autorité de chose jugée attachée à un précédent jugement.

L’appelant omet d’indiquer, dans sa déclaration d’appel, les chefs qu’il entend critiquer dans le cadre de son appel.

L’intimé, de manière peu opportune, saisit le conseiller de la mise en état qui, par chance pour l’intimé et malheureusement pour l’appelant, rejette le moyen de nullité. Aucun déféré n’est formé, et l’ordonnance devient irrévocable.

Dans ses conclusions au fond, l’intimé conclut à l’absence d’effet dévolutif, ce qui est accueilli par la cour d’appel de Douai.

Dans le cadre de son pourvoi, l’appelant soutient en substance que l’irrégularité a été purgée par le conseiller de la mise en état, qui a écarté la nullité, de sorte que la cour d’appel ne pouvait plus être saisie de la question de l’absence des chefs critiqués dans la déclaration d’appel.

Le moyen est rejeté.

Chefs (expressément) critiqués : la sanction deux-en-un

L’intimé, peu ou mal inspiré, avait ouvert les hostilités en saisissant le conseiller de la mise en état d’un incident de nullité, avant de penser à saisir la cour d’appel.

Mais il est vrai que l’irrégularité tenant à l’absence de mention des chefs critiqués dans la déclaration d’appel est doublement sanctionnée, même si en pratique l’une des sanctions constitue un évident cadeau fait à l’appelant.

Comme la Cour de cassation nous l’avait précisé, sans grande surprise, le défaut d’une mention prévue à l’article 901 relève de la nullité, pour vice de forme (Civ. 2e, 20 déc. 2017, 3 avis, nos 17019, 17020 et 17021, Dalloz actualité, 12 janv. 2018, obs. R. Laffly ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, obs. Amrani-Mekki), ce qui suppose de soulever ce moyen devant le conseiller de la mise en état en circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état, avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 74), et en justifiant d’un grief (C. pr. civ., art. 114).

Mais rien n’oblige l’intimé à se prévaloir de cette nullité, qui, évidemment, ne peut être relevée d’office par le juge… qui ne saurait arguer d’un grief (Civ. 3e, 22 mars 1995, n° 93-18.111 P, Omnium de gestion immobilière de l’Île-de-France (Sté) c/ Lemeunier (Epx), D. 1996. 375 image, obs. CRDP Nancy II image ; Rev. huiss. 1995. 821, obs. R. Martin).

L’option dont dispose l’intimé est de renoncer à la nullité, pour se concentrer sur l’absence d’effet dévolutif.

Et pour l’intimé, l’option s’impose, puisque la nullité permettra à l’appelant, qui profite de l’effet interruptif de son acte d’appel, de réitérer son appel, alors même que le délai d’appel serait expiré (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; 1er juin 2017, n° 16-14.300, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1196 image ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; 1er oct. 2020, n° 19-16.992 NP).

Un appelant qui subit une attaque en nullité de sa déclaration d’appel a donc tout intérêt à abonder dans le sens de son adversaire, de manière à profiter d’une nullité salvatrice.

Malheureusement pour l’appelant, l’intimé avait...

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Absence d’effet dévolutif : la cour, rien que la cour !

La déclaration d’appel, en l’absence de la mention des chefs critiqués, est irrégulière et encourt la nullité, prononcée le cas échéant par le conseiller de la mise en état. Cette déclaration d’appel, qui ne mentionne pas les chefs critiqués, n’opère par ailleurs pas dévolution, ce dont le conseiller de la mise en état ne peut être saisi, seule la cour d’appel ayant le pouvoir de statuer sur cette absence d’effet dévolutif.

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Pas de mise en copropriété horizontale sans géomètre-expert

Le plan annexé aux actes de copropriété, règlement de copropriété et état descriptif de division (EDD), qui délimite les droits fonciers des copropriétaires doit être établi par un géomètre-expert.

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La nécessaire désignation judiciaire du notaire remplaçant dans les partages complexes

Dans le cadre d’une procédure de partage complexe, si les copartageants peuvent choisir d’un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis.

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La nécessaire désignation judiciaire du notaire remplaçant dans les partages complexes

Être ou ne pas être désigné par le juge, là est la question permettant, selon la Cour de cassation d’assurer la légitimité du notaire chargé de procéder à la liquidation et au partage d’une succession complexe.

En l’espèce, deux époux étaient décédés à quelques jours d’intervalle en 2006 en laissant deux filles à leur succession. Un jugement rendu le 12 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne avait ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale et désigné un notaire pour y procéder. Il était précisé dans le jugement qu’en cas d’empêchement du notaire il serait pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente.

Le notaire désigné ayant cessé ses fonctions, son successeur, nommé par arrêté du garde des Sceaux en 2011, avait repris la conduite des opérations et établi un acte comportant un projet d’état liquidatif et des propositions d’allotissement. L’une des cohéritières assigna l’autre en homologation du projet de partage. La défenderesse sollicita reconventionnellement la désignation d’un nouveau notaire. Par un arrêt du 9 octobre 2020, la cour d’appel de Reims rejeta la demande de désignation d’un nouveau notaire et homologué le projet de partage.

Le pourvoi formé en cassation questionnait la légitimité du notaire remplaçant. Pouvait-il valablement établir un projet de partage sans avoir été judiciairement désigné ?

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au double visa des articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile. Elle rappelle que selon le premier de ces textes, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations et que le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal. Elle rappelle en outre la teneur de l’alinéa 2 de l’article 1371 du code de procédure civile selon lequel le juge commis peut, même d’office, procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal.

La Cour déduit de la combinaison...

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Clause de conciliation préalable, convention de garantie de passif et cautionnement

La chambre commerciale rappelle plusieurs points essentiels du jeu d’une clause de conciliation préalable obligatoire insérée dans une convention de garantie de passif. L’arrêt explore les rapports entre le créancier et son débiteur principal mais également ceux entre le créancier et la caution.

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La question des exceptions opposables par la caution ne cesse de générer de très intéressantes problématiques portées devant la chambre commerciale de la Cour de cassation. Pour les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, les plaideurs utilisent la distinction entre les exceptions purement personnelles non opposables et les exceptions inhérentes à la dette dont le garant peut se prévaloir. Point désormais classique, voire incontournable, du droit du cautionnement (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2016, p. 44, n° 48), cette dualité appelle des difficultés particulières dans la mise en jeu des clauses de conciliation préalable obligatoire parfois convenues entre le créancier et son débiteur principal. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 juillet 2022 vient approfondir cette jurisprudence en confirmant sa position constante, à savoir que la fin de non-recevoir tirée du défaut de respect de ladite clause dans le contrat principal ne peut être considérée comme une exception inhérente à la dette pour la caution. Mais les difficultés de l’arrêt analysé aujourd’hui vont au-delà de ce simple rappel puisque la clause de conciliation préalable était insérée dans une convention de garantie de passif et non dans le contrat principal. Plus encore, en maintenant sa jurisprudence, la chambre commerciale ne fait pas le choix de la première chambre civile d’aligner la solution sur le droit nouveau comme cette dernière a pu le faire concernant la prescription biennale en droit de la consommation (Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-22.866, Dalloz actualité, 2 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 790 image).

Reprenons les faits pour mieux comprendre la portée de cet arrêt aux intérêts pluriels. Plusieurs personnes physiques cèdent à une société l’intégralité des actions qu’elles détenaient dans le capital d’une société. Par acte du même jour, ils ont consenti une garantie de passif dont un établissement bancaire s’est par un acte distinct du 20 décembre 2011 rendu caution solidaire dans la limite de 250 000 €. La société ayant acquis les actions tente de mettre en œuvre la garantie de passif par lettre recommandée avec accusé de réception en raison d’un redressement de l’URSSAF et d’une rectification fiscale. Elle assigne par la suite les vendeurs et la banque afin de faire jouer judiciairement ladite garantie de passif. Toutefois, est opposée systématiquement à la banque l’irrecevabilité de la demande puisqu’une clause prévoyait une procédure de conciliation amiable préalable obligatoire stipulée dans la convention de garantie de passif. L’affaire suit un premier circuit qui aboutit à un arrêt de la chambre commerciale (Com. 19 juin 2019, n° 17-28.804, D. 2020. 576, obs. N. Fricero image ; RTD civ. 2019. 578, obs. H. Barbier image). L’arrêt d’appel est alors cassé pour un problème lié au principe du contradictoire compte tenu d’un moyen relevé d’office par les juges du fond. La cour d’appel de renvoi déclare irrecevable la société acquéreuse de sa...

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Chronique d’arbitrage : CJUE [I]versus[/I] CEDH, la bataille pour l’arbitrage a commencé

La présente livraison est l’occasion de mettre en perspective deux arrêts. D’une part, un arrêt London Steam-Ship de la Cour de justice (CJUE 20 juin 2022, aff. C-700/20), par lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) révèle que son acrimonie à l’encontre de l’arbitrage n’est pas limitée au droit des investissements. Elle concerne désormais l’arbitrage commercial et c’est tout l’édifice qui se met à trembler. D’autre part, un arrêt BTS Holding (CEDH 30 juin 2022, n° 55617/17), où la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne l’État slovaque pour défaut d’exécution d’une sentence. Deux décisions qui, si elles ne se situent pas sur le même plan, mettent à jour les préoccupations divergentes des deux juridictions européennes. Au point que, face aux assauts de la Cour de justice, le salut de l’arbitrage pourrait bien venir de la Cour européenne.

Au-delà de ces deux arrêts, deux autres décisions, l’une de la Cour de justice (CJUE 16 juin 2022, avis n° 1/20, Traité sur la charte de l’énergie) et l’autre de la Cour européenne (CEDH 9 juin 2022, Lucas c. France, n° 15567/20, Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. C. Bléry ; AJDA 2022. 1190 image ; AJ fam. 2022. 353, obs. F. Eudier image), sont à signaler. Si la quantité ne fait pas la qualité, avoir quatre décisions supranationales en quelques jours révèle l’accélération du phénomène d’européanisation du droit de l’arbitrage. Si, pendant des années, il suffisait d’observer la jurisprudence de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation, il est désormais indispensable de tourner le regard vers Strasbourg et Luxembourg.

Que le lecteur se rassure néanmoins. La cour d’appel de Paris constitue encore un moteur du droit français et international de l’arbitrage. Plusieurs décisions intéressantes sont à signaler, notamment l’affaire Antrix dans le cadre du renvoi après cassation (Paris, 28 juin 2022, n° 20/05699, Dalloz actualité, 20 mai 2022, obs. J. Jourdan-Marques) ou encore les arrêts Pizzarotti (Paris, 17 mai 2022, n° 20/15162) et Billionaire (Paris, 17 mai 2022, n° 20/18020) en matière de révélation.

I. Arbitrage et droit de l’Union européenne

A. Arbitrage commercial et droit de l’Union européenne

La décision rendue le 20 juin 2022 fera date (CJUE 20 juin 2022, aff. C-700/20, London Steam-Ship). Elle laisse peu de doutes sur la volonté de la Cour de justice d’étendre sa croisade contre l’arbitrage à l’arbitrage commercial. Pour mener à bien son entreprise, la Cour s’affranchit du droit. Car il faut le dire simplement : juridiquement, la solution proposée, qui consiste à consacrer un principe d’effet relatif de la clause compromissoire et à imposer indirectement un respect des règles de litispendance aux arbitres, est dépourvue de fondement. Elle fait litière de l’exclusion de l’arbitrage par les règlements de Bruxelles 1 (applicable ratione temporis au litige) et 1 bis. À ce titre, il devient délicat d’en livrer une analyse rationnelle, d’en rechercher les limites ou d’anticiper ce qu’elle autorise par une lecture a contrario. En réalité, l’arrêt London Steam-Ship offre le spectacle d’une Cour de justice toute puissante, qui s’octroie le droit de vie et de mort sur l’arbitrage. Comme elle l’a fait à travers sa jurisprudence Achmea (CJUE 6 mars 2018, aff. C-284/16, Dalloz actualité, 4 avr. 2018, obs. F. Mélin ; AJDA 2018. 1026, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser image ; D. 2018. 2005 image, note Veronika Korom image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2018. 616, note E. Gaillard image ; RTD eur. 2018. 597, étude J. Cazala image ; ibid. 649, obs. Alan Hervé image ; ibid. 2019. 464, obs. L. Coutron image ; Rev. arb. 2018. 424, note S. Lemaire ; Procédures 2018. Comm. 143, obs. C. Nourissat ; JDI 2018. 903, note Y. Nouvel ; JDI 2019. 271, note B. Rémy) et ses suites, à l’occasion desquelles elle n’a pas hésité à faire évoluer sa solution au gré des nécessités et indépendamment de ses propres fondements, on pressent que cette décision est un séisme majeur dont on éprouvera les répliques à l’occasion de futures affaires.

Afin de mieux comprendre, un retour sur les faits est indispensable. Il n’est pas exclu qu’ils ne soient pas été indifférents à la solution retenue. À la suite du naufrage, au mois de novembre 2002, du pétrolier Prestige au large des côtes espagnoles, une instruction pénale a été ouverte en Espagne. Plusieurs personnes morales, parmi lesquelles l’État espagnol, ont engagé des actions civiles dans le cadre de la procédure pénale. Elles étaient dirigées contre le capitaine du Prestige, contre les propriétaires du navire et, sur le fondement de l’article 117 du code pénal espagnol relatif à l’action directe, contre l’assureur, le London P&I Club. L’action qui nous intéresse est celle opposant l’État espagnol au London P&I Club. Elle a abouti à une condamnation du London P&I Club au profit de l’État espagnol, par deux décisions de 2017 et 2019, à la somme de 855 millions d’euros.

Parallèlement, le London P&I Club a engagé une procédure d’arbitrage à Londres visant à faire constater que, en application de la clause compromissoire figurant dans le contrat d’assurance conclu avec les propriétaires du Prestige, le Royaume d’Espagne est tenu de présenter ses demandes au titre de l’article 117 du code pénal espagnol dans le cadre de cet arbitrage. Par une sentence rendue le 13 février 2013, le tribunal arbitral a statué en faveur du London P&I Club.

La situation est celle d’un conflit entre, d’une part, les deux décisions espagnoles et, d’autre part, la sentence arbitrale, qui se prononcent l’une et l’autre en sens opposé au point de faire naître une discussion sur leur caractère inconciliable.

Au mois de mars 2013, le London P&I Club a saisi la High Court of Justice, au titre de l’article 66, paragraphes 1 et 2, de la loi de 1996 sur l’arbitrage, afin qu’elle autorise l’exécution de la sentence arbitrale sur le territoire national, et qu’elle rende un arrêt reprenant les termes de cette sentence. Par ordonnance du 22 octobre 2013, la High Court a autorisé le London P&I Club à faire exécuter la sentence arbitrale du 13 février 2013. Elle a rendu, également le 22 octobre 2013, un arrêt reprenant les termes de cette sentence.

Par requête du 25 mars 2019, le Royaume d’Espagne a demandé à la High Court of Justice, sur le fondement de l’article 33 du règlement n° 44/2001, la reconnaissance au Royaume-Uni de la décision espagnole du 1er mars 2019. Cette juridiction a fait droit à cette demande par ordonnance du 28 mai 2019. Le 26 juin 2019, le London P&I Club a saisi la juridiction de renvoi d’un appel contre cette ordonnance en application de l’article 43 du règlement n° 44/2001. À l’appui de son appel, le London P&I Club a soutenu, d’une part, que la décision de 2019 est inconciliable, au sens de l’article 34, point 3, du règlement n° 44/2001, avec l’ordonnance et l’arrêt du 22 octobre 2013 rendus en application de l’article 66 de la loi de 1996 et, subsidiairement, que cette décision espagnole est contraire à l’ordre public, notamment au regard du principe de l’autorité de la chose jugée (ce second point, objet de la troisième question préjudicielle, ne sera pas évoqué). C’est au titre de ces questions que la High Court of Justice a saisi la Cour de justice d’une triple question préjudicielle. La principale question est de savoir si un arrêt rendu sur le fondement de l’article 66 de la loi de 1996 sur l’arbitrage est une décision au sens de l’article 34, point 3, du règlement n° 44/2001.

Avant d’évoquer le contenu de la décision, il faut dire un mot de l’article 66 (2) de l’Arbitration Act. L’article 66 énonce que « (1) An award made by the tribunal pursuant to an arbitration agreement may, by leave of the court, be enforced in the same manner as a judgment or order of the court to the same effect ; (2) Where leave is so given, judgment may be entered in terms of the award ». Autrement dit, la sentence arbitrale interne peut-être intégrée au sein de l’ordre juridique anglais par la voie d’un jugement qui en reprend les termes. L’intérêt de ce mécanisme est de faire bénéficier le créancier de la réglementation sur le « contempt of court » ainsi que des traités de circulation des jugements, en particulier au sein des pays du Commonwealth (l’auteur remercie maître Rory Wheeler pour ces précisions). Une doctrine, tout en confirmant ce second aspect, envisage également la faculté de bénéficier des traités européens : « The method outlined in section 66(2) permits “judgment to be entered in terms of the award”. The practical result is that the applicant will have not only an arbitral award, but also an English court judgment in the same terms. This option may be attractive where the applicant wishes to rely on the award in another jurisdiction where court judgments are given more weight or greater legal recognition. This may be the case, for example, where enforcement is sought in another EU Member State under the provisions of the Brussels Regulation and the provisions of the Regulation are considered to be more favourable to the claimant than those under the New York Convention as applied in the country where enforcement is sought » (C. Tevendale et A. Canon, Arbitration in England, with chapters on Scotland and Ireland, [Lew, Bor, Fullelove, et al. (eds), Jan 2013], Chapter 26: Enforcement of Awards, n° 26-9).

Toute la difficulté dans l’analyse de cet arrêt réside dans la question de savoir s’il faut s’en tenir au caractère spécifique de cette incorporation de la sentence ou s’il faut en tirer des conséquences au-delà. À ce titre, on peut tenter une lecture optimiste de l’arrêt. Néanmoins, on peut craindre que la Cour de justice ait profité de l’occasion pour faire acte d’autorité à l’encontre de l’arbitrage. On est alors contraint d’envisager une lecture pessimiste de la décision.

1. Une analyse optimiste de l’arrêt London Steam-Ship

Soyons optimistes. L’arrêt London Steam-Ship ne doit être lu qu’à l’aune du caractère exceptionnel de la procédure visant à reprendre une sentence arbitrale dans un arrêt. La réponse à la question préjudicielle donnée par la Cour de justice invite d’ailleurs à une telle lecture. Elle énonce qu’« il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 34, point 3, du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’un arrêt prononcé par une juridiction d’un État membre et reprenant les termes d’une sentence arbitrale ne constitue pas une décision, au sens de cette disposition […] ». Partant, la cour ne se prononce par sur les hypothèses où la sentence arbitrale intègre l’ordonnancement juridique sans être reprise dans un arrêt, comme c’est le cas en France. En effet, le droit français ne substitue pas son jugement d’exequatur à la sentence. Ainsi, la décision de la Cour de justice n’emporterait aucune conséquence sur le droit français et l’arbitrage continuerait à échapper à l’autorité de la Cour de justice.

D’ailleurs, une lecture rapide de l’arrêt London Steam-Ship conforte cette analyse. La question est de savoir si l’arrêt des cours anglaises reprenant une sentence est une « décision », au sens de l’article 34, point 3, du règlement, de nature à faire obstacle à la circulation d’un jugement européen. Pour y répondre, la Cour de justice commence par livrer une motivation rassurante. Elle rappelle l’exclusion de l’arbitrage du champ d’application des règlements Bruxelles 1 et 1 bis (§ 43), dont elle précise qu’elle vaut « en tant que matière dans son ensemble, y compris les procédures introduites devant les juridictions étatiques » (§ 44). Elle en profite pour rappeler que la procédure de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale ne relève pas des règlements, mais du droit national (§ 45). Elle en tire une première conclusion, en soulignant qu’un « arrêt reprenant les termes d’une sentence arbitrale relève de l’exclusion de l’arbitrage énoncée à l’article 1, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 44/2001 et qu’il ne saurait, partant, bénéficier de la reconnaissance mutuelle entre les États membres et circuler dans l’espace judiciaire de l’Union conformément aux dispositions dudit règlement » (§ 47).

Cette première salve de motivation n’a rien d’étonnant et est conforme à la lettre et à l’esprit des textes. L’arbitrage échappe aux règlements mais, en contrepartie, n’en bénéficie pas. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la Cour de justice ait souhaité mettre les points sur les i, en rappelant l’interdiction de faire bénéficier les sentences du régime de circulation des jugements. En effet, si l’objectif de l’intégration prévue par le droit anglais est de faire bénéficier les sentences arbitrales des règlements européens, en les faisant circuler sous un faux-nez de jugement d’un État membre, la solution anglaise est inadmissible et devait être condamnée. Cela dit, la question préjudicielle posée par les juridictions anglaises partage ce postulat, en retenant qu’un « arrêt reprenant les termes d’une sentence arbitrale, tel que celui rendu en vertu de l’article 66 de la loi de 1996 sur l’arbitrage, est une décision qui n’entre pas dans le champ d’application matériel du règlement n° 44/2001 du fait de l’exception d’arbitrage visée à son article 1er, paragraphe 2, sous d) ».

Une fois ces questions préliminaires résolues, la cour s’intéresse à la faculté de qualifier de « décision » l’arrêt anglais reprenant une sentence. La réponse est positive. Elle juge, sur cet aspect, que « cette notion recouvre toute décision rendue par une juridiction d’un État membre, sans qu’il y ait lieu de faire une distinction en fonction du contenu de la décision en cause, pourvu qu’elle ait fait, ou était susceptible de faire, dans l’État membre d’origine, l’objet, sous des modalités diverses, d’une instruction contradictoire » (§ 49). La Cour de justice fait ainsi le choix d’intégrer les arrêts anglais au sein de la catégorie « décision » du règlement. Partant, le caractère inconciliable des décisions devient un motif de refus de reconnaissance d’un jugement européen au titre du règlement (§ 53). On notera simplement, à ce stade, que l’absence de caractère contradictoire de l’ordonnance d’exequatur interdit de faire un parallèle avec le droit français, au moins avant la décision de la cour d’appel.

Pour justifier sa solution, la Cour de justice se prévaut d’ailleurs d’un argument qui devrait emporter les suffrages. Elle souligne que la finalité de l’article 34, point 3, du règlement est de « protéger l’intégrité de l’ordre juridique interne d’un État membre et garantir que son ordre social ne soit pas troublé par l’obligation de reconnaître un jugement émanant d’un autre État membre qui est inconciliable avec une décision rendue, entre les mêmes parties, par ses propres juridictions » (§ 50). Difficile d’être hostile à un tel objectif, le refus d’intégrer dans un ordre juridique des décisions contradictoires étant une préoccupation centrale du droit international privé.

Le bilan de cette démonstration est simple : le règlement ne s’applique pas à la circulation des arrêts d’incorporation vers les autres États membres ; en revanche, le règlement s’applique lorsqu’il s’agit de faire échec à la circulation d’un jugement européen sur le territoire de l’État requis. La solution est alléchante pour l’arbitragiste. Elle permet de renforcer la faculté pour une sentence de faire échec à la circulation d’un jugement européen. En outre, elle respecte la logique de la territorialité de la reconnaissance et de l’exequatur des sentences arbitrales.

Cela dit, cette solution ne va pas sans exception. C’est la suite de la démonstration de la Cour de justice. Elle énonce qu’« il en va cependant autrement dans l’hypothèse où la sentence arbitrale dont cet arrêt reprend les termes a été adoptée dans des circonstances qui n’auraient pas permis l’adoption, dans le respect des dispositions et des objectifs fondamentaux de ce règlement, d’une décision judiciaire relevant du champ d’application de celui-ci » (§ 54). La formule est sibylline. Elle est explicitée plus loin (§ 59 s.). L’idée est de se demander si, toute chose égale par ailleurs, un jugement étatique aurait pu être rendu de la même façon que la sentence arbitrale a été rendue. La Cour invite donc à assimiler l’arbitre à un juge – ici le juge anglais – et à se demander si la même décision aurait pu être celle d’un juge anglais. Or l’assimilation de l’arbitre à un juge d’un État membre permet de s’interroger sur le respect par l’arbitre des « règles fondamentales » des règlements européens (§ 59).

Dans la présente affaire, ce sont deux « règles fondamentales » qui sont en cause : l’effet relatif de la clause compromissoire et la litispendance. Or, nous y reviendrons (v. infra), la solution de l’arbitre ne respecte pas ces deux principes (faute, sans doute, de lui être applicables). Ainsi, le juge anglais mis dans la peau de l’arbitre n’aurait pas pu rendre cette décision, car il aurait violé le règlement Bruxelles 1. Partant, il convient pour la Cour de justice d’en tirer les conséquences et de refuser la qualification de « décision » à un arrêt qui, en réalité, n’aurait pas pu être rendu dans les mêmes conditions par le juge anglais. La Cour en conclut qu’« un arrêt reprenant les termes d’une sentence arbitrale, tel que celui en cause au principal, ne saurait faire obstacle, en vertu de l’article 34, point 3, du règlement n° 44/2001, à la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre » (§ 72).

En définitive, l’arrêt incorporant une sentence peut faire échec, sur le fondement du droit européen, à la circulation des jugements des États membres, sauf dans certains cas, lorsque le juge n’aurait pas pu rendre une décision identique. Une telle solution n’est d’ailleurs pas illogique : dès lors que l’arrêt incorpore la sentence, le juge anglais fait sienne la décision des arbitres. Partant, on peut s’accorder pour dire que, pour agir de cette façon, encore faut-il qu’il puisse rendre une décision identique indépendamment de toute sentence. Ce n’est pas le cas dans les hypothèses où le règlement y fait obstacle, en particulier en ne lui donnant pas compétence ou en lui interdisant de statuer prioritairement en vertu de la litispendance. La solution est alors compréhensible, et elle l’est d’autant plus que rien n’impose au juge anglais de recourir à une telle incorporation. Ainsi, les spécificités de l’arrêt expliquent la solution et l’analyse restrictive retenues par la Cour de justice. Reste à savoir si l’on peut se tenir à cette version optimiste, qui réduit la décision de la Cour de justice à une figure d’espèce dont la portée est limitée matériellement aux seuls arrêts d’incorporation d’une sentence arbitrale.

2. Une analyse pessimiste de l’arrêt London Steam-Ship

Il n’est pas certain que l’on puisse s’en tenir à une vision optimiste de l’arrêt. Tout au contraire, les voyants sont au rouge. La raison principale à cela est que l’on imagine mal la Cour de justice rendre un arrêt dépourvu de portée pratique. En effet, l’analyse optimiste nous conduit à une distinction entre l’arrêt d’incorporation qui, s’il est « régulier », est une décision pouvant faire échec à la circulation d’un jugement européen en cas d’inconciliabilité et celui qui est « irrégulier », qui n’est pas une décision au sens du droit européen. Que faire dans cette seconde hypothèse ? Deux options sont envisageables. La première conduit à considérer qu’il convient de se fonder sur le droit commun de l’État membre d’accueil pour vérifier la compatibilité entre l’arrêt anglais et le jugement espagnol. Autrement dit, le défaut de qualification de « décision » de l’arrêt conduit à se situer en dehors du droit européen. La seconde option invite à retenir que, faute de pouvoir être qualifié de décision, l’arrêt anglais ne peut plus faire échec à la circulation du jugement espagnol, le retour au droit commun étant exclu.

L’arbitragiste sera tenté de pencher en faveur de la première branche de l’alternative. N’est-ce pas celle qui doit prévaloir, dès lors que l’arbitrage est exclu du champ d’application des règlements ? On imagine d’autant plus aisément cette hypothèse que la sentence arbitrale n’a pas fait simplement l’objet d’un arrêt d’incorporation ; plus classiquement, elle a aussi été reconnue. La question de l’articulation entre une sentence et un jugement relève, en principe, du droit commun. Reste que cette solution prive de tout intérêt la décision de la Cour de justice. D’ailleurs, la Cour de justice ne semble pas encline à la suivre, elle qui écrit noir sur blanc que « cet arrêt ne pouvant dans ce cas faire obstacle, dans ledit État membre, à la reconnaissance d’une décision rendue par une juridiction dans un autre État membre » (§ 73). Le défaut de qualification de décision emporte l’impossibilité de faire obstacle à la circulation du jugement espagnol. Impossibilité qui paraît définitive.

En réalité, l’arrêt garde le silence sur la problématique qui aurait dû être celle au cœur de la discussion : l’application du règlement Bruxelles 1 (et 1 bis) en présence d’un conflit entre deux décisions, lorsque l’on touche à des questions d’arbitrage. Cet éléphant au milieu de la pièce est soigneusement ignoré – faute de clarté de la question préjudicielle ? parce que les parties se sont exclusivement fondées sur le règlement ? – et constitue l’origine de tous les doutes. La situation factuelle nécessitait d’être éclairée. D’un côté, il est indiscutable que l’arrêt anglais, par sa nature, touche à l’arbitrage. De l’autre, l’arrêt espagnol, en l’absence de comparution du London P&I Club, n’a jamais eu à trancher une question relative à l’arbitrage. Doit-on considérer, dans une telle situation, que l’exclusion par le règlement de l’arbitrage nous place dans ou en dehors du règlement ? Trancher ce préalable aurait permis de lever une partie des hésitations. Tel n’a pas été le cas.

En déplaçant la discussion, la Cour de justice tend un piège à l’arbitrage. L’inclusion des arrêts anglais d’incorporation de la sentence parmi les « décisions » susceptibles de faire échec à la circulation des jugements sur le fondement du règlement conduit, de facto, à placer le débat sur le terrain du règlement. Cette forme de faveur – presque de bienveillance – vis-à-vis de ces arrêts d’incorporation, que l’on accepte d’intégrer parmi les « décisions », permet à la Cour de justice de refermer son piège. Puisque les arrêts d’incorporation des sentences font partie du règlement, on en déduit que la question relève du règlement. De la sorte, la Cour de justice a la possibilité, d’une part, d’imposer ses conditions à la mise en œuvre du règlement et, d’autre part, d’interdire de s’abstraire du règlement. Surtout, la Cour de justice a étendu de façon considérable le champ d’application de ses règlements.

La question qui en découle est celle de la portée d’une telle solution en présence d’une simple reconnaissance d’une sentence arbitrale, sans incorporation. Que ce serait-il passé si le juge anglais s’était limité à faire bénéficier la sentence de l’article 66 (1) de l’Arbitration Act ou si la sentence avait été exequaturée en France ? La Cour de justice est-elle prête à rendre d’une main ce qu’elle vient de prendre de l’autre ? C’est là que l’on voit que la question du champ d’application du règlement est centrale. Si l’on se place dans le règlement, il est certain qu’une sentence, même exequaturée, ne répond pas aux exigences de l’article 34, point 3, du règlement Bruxelles 1. La définition de la notion de « décision », donnée par l’article 32 précise bien qu’il faut l’entre comme « toute décision rendue par une juridiction d’un État membre ». Or il est acquis de longue date et répété à l’envi que l’arbitre n’est pas la juridiction d’un État membre (CJCE 23 mars 1982, aff. C-102/81, Nordsee, Rec. CJCE 1982. I. 1095 ; Rev. arb. 1982. 349, obs. X. de Mello ; Rev. arb. 1982. 473, concl. av. gén. G. Reischl ; D. 1983. 633, note J Robert ; Cah. dr. eur. 1983. 207, obs. F. Dumon ; v. égal. CJCE 27 janv. 2005, Denuit et Cordenier, aff. C-125/04, RTD com. 2005. 440, obs. M. Luby image ; ibid. 488, obs. E. Loquin image ; RTD eur. 2006. 477, chron. J.-B. Blaise image ; JCP 2005. 1132, note G. Chabot ; Bull. ASA 2005. 408, note A. Mourre ; Rev. arb. 2005. 765, note L. Idot ; Procédures 2005, n° 12, p. 15). Ainsi, il est impératif de se situer en dehors des règlements européens pour qu’une sentence arbitrale puisse faire échec à la circulation d’un jugement d’un État membre. À défaut, la sentence est ravalée au rang de simple contrat – voire de bout de papier – insusceptible d’être placé sur le même plan qu’un jugement.

Tout repose donc sur l’interprétation de l’article 1er, 2 (d) du règlement Bruxelles 1 bis et du considérant 12. Cette question centrale fait pourtant l’objet de peu de jurisprudence. Aucune méthodologie précise n’existe à ce jour. Néanmoins, dans l’arrêt Armanenti (Paris, 1er févr. 2022, nos 19/22977 et 18/27765, Dalloz actualité, 16 mars 2022, obs. J. Jourdan-Marques), la cour d’appel de Paris a esquissé quelques lignes directrices. Dans cette affaire, elle a privé un jugement italien du bénéfice des règlements européens, dès lors qu’il a eu à trancher la question de la compétence arbitrale. C’est donc une interprétation extensive de l’exclusion de l’arbitrage qui est retenue.

La Cour de justice sera-t-elle prête à suivre une logique équivalente ? La lecture de l’arrêt permet d’en douter. La Cour rappelle clairement qu’elle ne se sent pas tenue par la seule lettre des textes. Elle commence par rappeler que « pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie » (§ 55). Ces objectifs sont ensuite listés : « ces objectifs se reflètent dans les principes qui sous-tendent la coopération judiciaire en matière civile au sein de l’Union, tels que ceux de libre circulation des décisions relevant de cette matière, de prévisibilité des juridictions compétentes et, partant, de sécurité juridique pour les justiciables, de bonne administration de la justice, de réduction au maximum du risque de procédures concurrentes et de confiance réciproque dans la justice » (§ 56). Quelle est la place de l’arbitrage au milieu de ces objectifs ? La réponse est dépourvue de toute ambiguïté : « il y a lieu d’ajouter que la confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union sur laquelle sont fondées, selon le considérant 16 du règlement n° 44/2001, les règles que celui-ci prévoit en matière de reconnaissance des décisions judiciaires ne s’étend pas aux décisions prises par des tribunaux arbitraux, ni aux décisions judiciaires qui en reprennent les termes » (§ 57). Pour finir, la Cour précise « qu’une sentence arbitrale ne saurait, au moyen d’un arrêt reprenant les termes de celle-ci, emporter des effets dans le cadre de l’article 34, point 3, du règlement n° 44/2001 que si cela n’entrave pas le droit à un recours effectif garanti à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et permet d’atteindre les objectifs de la libre circulation des décisions en matière civile ainsi que de confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union dans des conditions au moins aussi favorables que celles résultant de l’application de ce règlement » (§ 58). L’incise, qui rappelle que la question au cœur de la motivation est celle d’un arrêt reprenant une sentence, peine à faire illusion. On pressent de cette motivation que la faculté d’une sentence arbitrale à faire échec à la circulation d’un jugement européen doit rester exceptionnelle. Partant, on peut craindre une extension du champ d’application du règlement.

Si l’avenir nous en dira plus sur l’approche adoptée par la cour, on peut d’ores et déjà anticiper au moins trois questions, qui risqueront de cristalliser le débat : premièrement, la seule présence d’une sentence arbitrale a-t-elle pour conséquence d’exclure l’application des règlements ? Deuxièmement, un jugement sur le fond est-il exclu du règlement lorsque la question sur la compétence a été tranchée dans une décision distincte ? Troisièmement, comme faut-il interpréter les notions de principal et d’incident en présence d’une question touchant à l’arbitrage ? On peut craindre qu’en dépit de la formulation du considérant 12, la Cour de justice donne à chacune de ces questions une réponse visant à réduire au maximum les hypothèses échappant au règlement.

Au-delà de la question du champ d’application du règlement, l’arrêt London Steam-Ship soulève une deuxième série de difficultés. La Cour consacre des « règles fondamentales » permettant de priver une sentence arbitrale de toute portée. La Cour en évoque deux, mais la liste est loin d’être exhaustive et on peut compter sur l’imagination de la Cour pour en identifier d’autres. Revenons toutefois sur la litispendance et l’effet relatif.

La litispendance est érigée au rang de règle fondamentale dont la violation justifie d’écarter une décision de celles bénéficiant de l’article 34, point 3. L’opportunisme d’un tel choix est évident. D’une part, la Cour de justice a jugé précédemment que la violation des règles de litispendance par une juridiction saisie en second ne permet pas de refuser sa reconnaissance (CJUE 16 janv. 2019, aff. C-386/17, Dalloz actualité, 31 janv. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 135 image ; ibid. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; AJ fam. 2019. 214, obs. A. Boiché image ; Rev. crit. DIP 2019. 487, note H. Muir Watt image ; RTD eur. 2019. 761, obs. V. Egéa image ; Procédures 2019, n° 3, p. 20, obs. C. Nourissat ; Europe 2019, n° 3, p. 34, obs. L. Idot ; LPA 2019, n° 53, p. 7, obs. V. Legrand ; JDI 2019. 1232, note I. Barrière-Brousse). Voilà donc une drôle de règle fondamentale, qui peut librement être violée par la juridiction d’un État membre, mais qui s’impose aux arbitres. D’autre part, il est évident que la volonté d’imposer le respect des règles de litispendance aux arbitres est dépourvue de fondement. Pourtant, la Cour de justice juge l’inverse : « il incombe à la juridiction saisie en vue de rendre un arrêt reprenant les termes d’une sentence arbitrale de vérifier le respect des dispositions et des objectifs fondamentaux du règlement n° 44/2001 afin de prévenir un contournement de ceux-ci, tel que celui consistant à mener à son terme une procédure arbitrale en méconnaissance […] des règles relatives à la litispendance prévues à l’article 27 de ce règlement » (§ 71). Sans même parler du principe compétence-compétence, qui est ostensiblement ignoré, les règlements européens sur la compétence n’ont jamais eu vocation à s’imposer aux arbitres. Retenir une telle solution, même indirectement, revient à méconnaître la lettre et l’esprit de ces textes. D’ailleurs, on imagine bien que l’application de cette règle se fera dans un sens – au détriment des arbitres – mais jamais dans l’autre – en faveur des arbitres.

L’effet relatif est également consacré comme règle fondamentale. Pas simplement l’effet relatif de la clause attributive de juridiction, mais bien l’effet relatif de la clause compromissoire (§ 59). Pour aboutir à une telle solution, la Cour de justice assimile purement et simplement ces deux clauses. Autant les clauses attributives de juridiction sont incluses au sein des règlements européens, autant les clauses compromissoires en sont exclues. Une fois encore, la Cour de justice s’autorise à imposer une interprétation en dehors de tout fondement.

La consécration de ces règles fondamentales suscite de nouvelles interrogations. Si leur portée est réduite au domaine d’application des règlements de Bruxelles, cette consécration de règles fondamentales n’a qu’un intérêt limité. En effet, l’intégralité du débat se réduira à la question de savoir si l’on se trouve dans le champ d’application du règlement. Si c’est le cas, peu importe ces règles fondamentales, dès lors que la sentence est dépourvue de toute portée. En conséquence, la question est de savoir si la Cour de justice imposera le respect de ces règles fondamentales en dehors du champ d’application du règlement. Autrement dit, les sentences sont confrontées à une double lame : d’abord, l’absence d’effet dans le champ d’application du règlement ; ensuite, l’absence d’effet, même en dehors du champ d’application du règlement, en cas de violation de ces règles fondamentales.

Les conséquences d’une telle solution – dont la consécration est hypothétique – sont vertigineuses. Pour le droit français, cela implique ni plus ni moins qu’une révision des règles matérielles sur la circulation des conventions d’arbitrage et la mise en place d’exceptions au principe de compétence-compétence. Pire, à l’échelle européenne, on imagine très bien les stratégies qui peuvent être mises en place pour faire échec à la convention d’arbitrage, notamment par la résurrection des fameuses « torpilles italiennes ».

En définitive, l’arrêt London Steam-Ship soulève de très nombreuses questions. La principale est de savoir si sa portée doit être limitée aux arrêts d’incorporation de sentences arbitrales. En cas de réponse positive, son apport pour le juriste français est minime et le Brexit en tournera rapidement la page. En cas de réponse négative, c’est un arrêt majeur, qui bouleverse en profondeur le droit français de l’arbitrage et entraîner une pluie de questions préjudicielles. Dans cette perspective, la Cour de justice pose un véritable défi à l’arbitrage et aux arbitragistes : intégrer le champ du droit européen ou continuer à faire cavalier seul, au risque de disparaître. Il y a un peu plus de dix ans, à l’occasion de la réforme du règlement de Bruxelles, le choix de l’exclusion l’a emporté. Aujourd’hui, la Cour de justice, en détruisant méthodiquement les atouts de l’arbitrage, impose de se poser de nouveau la question.

B. Arbitrage d’investissement et droit de l’Union européenne

La présente chronique est (trop) riche en décisions de la Cour de justice. Néanmoins, l’avis du 16 juin 2022 sur le projet de modernisation du Traité sur la charte de l’énergie (CJUE 16 juin 2022, avis n° 1/20) ne suscite pas des réactions aussi épidermiques que l’affaire London Steam-Ship. Dans le cadre des négociations de modernisation du TCE, le Royaume de Belgique a saisi pour avis la Cour de justice à propos de l’article 26 (3) portant sur l’arbitrage. Ces négociations ont donné lieu, le 27 novembre 2018, à l’adoption d’une liste de domaines ouverts à la négociation. Cette liste, longue d’une vingtaine de points, ne comprend par l’arbitrage. Depuis, les discussions en vue de la modernisation du TCE vont bon train et l’Union européenne y participe activement. Toutefois, l’Union a tenté, sans succès, d’ajouter à la liste des négociations la question du règlement des différends. C’est la raison pour laquelle la Cour de justice a été saisie pour avis. La crainte formulée par le Royaume de Belgique est que l’article 26 du TCE demeure inchangé et, en conséquence, que les solutions imposées par la jurisprudence Achmea ne soient pas reprises. Pire, certains pourraient interpréter ce statu quo comme une ratification implicite du recours à l’arbitrage. Il est d’ailleurs remarquable de constater que la Commission et la quinzaine des États membres – à l’exception notable de la Hongrie – ayant participé à la procédure devant la CJUE soutiennent à l’unisson la démarche de la Belgique. On ne boudera pas notre plaisir de voir la Commission et les États membres confrontés à leurs paradoxes. Alors qu’un retrait du TCE est la seule conséquence cohérente à tirer de la jurisprudence de la Cour de justice, cette solution a finalement été écartée. Dès lors, l’Union se retrouve en difficulté dans une négociation où les États tiers pourraient lui faire payer cher une évolution des textes sur ce point. C’est la raison pour laquelle la Cour de justice est appelée à la rescousse.

Ce renfort, la Commission et les États membres ne l’obtiendront pas. Alors qu’ils espéraient se trouver liés par un avis de la Cour, elle s’y refuse. La Cour estime que la demande d’avis porte sur la compatibilité de l’accord avec le droit de l’Union. Or, à ce stade des négociations, le contenu du texte est inconnu et le choix de ne pas faire porter la révision sur l’article 26 du TCE n’est pas encore définitif. L’avis est donc prématuré. La Cour ajoute, et cela ne manque pas de sel, que la demande d’avis a été formulée avant l’arrêt Komstroy. Dans l’esprit de la Cour, cette décision peut conduire les États tiers à ouvrir la négociation sur la clause de règlement des différends. Il n’est d’ailleurs pas faux de penser que ces États tiers pourraient être échaudés de voir la Cour de justice préempter l’interprétation d’un traité dans un litige extraeuropéen pour lequel les parties ont consenti à recourir à l’arbitrage.

On fera deux remarques supplémentaires sur cet avis. D’une part, la Cour de justice signale que, quand bien même les négociations ne portent pas sur l’article 26, elles portent sur des notions telles que l’« investissement » ou l’« investisseur ». Pour le coup, on peut suivre la Cour de justice dans l’idée qu’il n’est pas nécessaire de modifier l’article 26 pour aboutir au résultat désiré. Il est possible, par exemple, de restreindre les notions d’investisseur ou d’investissement afin d’en écarter les situations intraeuropéennes. Par cette voie, il est possible de faire échapper ces situations non seulement du champ de l’arbitrage, mais également du champ du TCE. Cette solution est cohérente avec l’idée, prônée depuis quelques années, selon laquelle le droit européen protège les investisseurs. D’autre part, la Cour de justice précise qu’aucune modification du TCE n’est en réalité nécessaire, dès lors que sa jurisprudence Komstroy est claire en rendant inapplicable l’article 26 aux investissements intraeuropéens. On aimerait lui donner tort et rappeler que le TCE est un acte de droit international, et non un acte de droit européen. Cela dit, la jurisprudence arbitrale commence à suivre la Cour de justice dans cette voie (Green Power K/S and Obton A/S v. Spain, SCC Case n° 2016/135). Faut-il y voir une capitulation ?

II. Arbitrage et convention européenne des droits de l’homme

Depuis plusieurs années, et face au mouvement d’hostilité de la Cour de justice, une partie de la doctrine préconise le recours à la Cour européenne pour faire contrepoids et rappeler les États à leurs obligations conventionnelles. L’arrêt BTS Holding contre Slovaquie (CEDH 30 juin 2022, n° 55617/17, l’arrêt n’est pas traduit en français) révèle que cette stratégie est possiblement la bonne et qu’il est désormais nécessaire de s’intéresser aux potentialités offertes par la Convention.

L’intérêt de l’arrêt ne concerne pas tant les faits, relativement anecdotiques, que les perspectives offertes par le contrôle réalisé par la Cour européenne des droits de l’homme et le fondement de la condamnation. En quelques mots, la société BTS Holding a été le soumissionnaire retenu pour l’achat d’une part majoritaire de l’aéroport de Bratislava dans le cadre de sa privatisation. Un contrat a été conclu avec le National Property Fund of Slovakia (NPF). Pourtant, l’opération a été annulée et la société requérante a obtenu le remboursement d’une partie du prix d’achat versé. Un litige est toutefois né et un tribunal arbitral, avec un siège à Paris, a été saisi conformément à la clause compromissoire figurant dans l’accord. Le NPF a été condamné à diverses sommes. L’exécution de la sentence a été réclamée en Slovaquie, mais les juridictions locales s’y sont opposées, pour des motifs variés, certains pouvant être rattachés à la convention de New York et d’autres non.

L’apport de l’arrêt de la Cour européenne est essentiel sur trois points. Premièrement, la Cour reconnaît la qualification de bien (« possession » dans la version anglaise de l’arrêt) à la créance figurant dans la sentence arbitrale. La solution n’est pas nouvelle. Elle a été consacrée à l’occasion de l’affaire Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (CEDH 9 déc. 1994, n° 13427/87, AJDA 1995. 124, chron. J.-F. Flauss image ; RTD civ. 1995. 652, obs. F. Zenati image ; ibid. 1996. 1019, obs. J.-P. Marguénaud image). Elle est néanmoins fondamentale. En admettant une telle qualification, la Cour européenne fait bénéficier la sentence arbitrale de la protection de l’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention. Une condition préalable est toutefois nécessaire. Il faut que la créance soit suffisamment établie pour être exécutoire (« sufficiently established to be enforceable »). Or la spécificité des faits laisse persister une double ambiguïté sur ce point. D’une part, le droit slovaque ne distingue pas l’exequatur de l’exécution. Cette reconnaissance implicite et automatique de la sentence change-t-elle quelque chose (« there was no separate decision to be taken for the recognition of the award in Slovakia and, by operation of law, its legal recognition in Slovakia was implicit ») ? Autrement dit, l’acquisition de la qualité de bien n’est-elle que postérieure à l’exequatur ? D’autre part, cette qualification dépend-elle de l’échec ou de l’absence d’exercice d’un recours en annulation ? Autrement dit, la sentence est-elle un bien avant le recours en annulation ? La réponse à ces deux questions est essentielle, puisqu’elle conduit à appliquer ou à ne pas appliquer les exigences de la convention à l’occasion des recours contre la sentence. Plus la qualification de bien est acquise en amont – au moment où la sentence est rendue par le tribunal – plus la protection est forte. L’arrêt BTS Holding ne permet pas d’apporter une réponse très précise, comme avant l’arrêt Raffineries grecques. Simplement, certains critères soulignés par la cour – le caractère définitif et obligatoire de la sentence, l’autorité de la chose jugée de la sentence, la référence à la Convention de New York – plaident en faveur d’une qualification de bien en amont de l’exequatur.

Deuxièmement, et c’est la conséquence logique, la Cour examine la conformité des décisions slovaques aux exigences de l’article 1er du protocole additionnel. La question est de savoir si un refus d’exécution d’une sentence par un État constitue une ingérence dans le droit au respect des biens. Pour le vérifier, la Cour examine successivement les cinq motifs retenus par les juridictions internes pour refuser l’exécution de la sentence. Certains aspects de la motivation de la Cour sont marquants. Ainsi, pour ce qui relève de la compétence et afin de constater le caractère arbitraire du refus d’exécuter la sentence, la Cour européenne des droits de l’homme vise l’indépendance de la clause compromissoire par rapport au contrat principal (« under the applicable domestic law a recission of a contract as such has no impact on the validity of an arbitration clause ») et constate l’absence de contestation de la compétence devant le tribunal arbitral (« the Court notes that under the ICC Tribunal’s terms of reference the parties submitted their dispute to the ICC Tribunal and that neither of them objected to its jurisdiction in the course of the arbitration proceedings »). Toutefois, c’est la conclusion qui est la plus marquante. La cour retient que les motifs utilisés pour refuser l’exécution sortent du cadre juridique fixé par le droit interne et la Convention de New York (« it would appear that the grounds relied on by the domestic courts were not given and/or fell outside the legal framework for denying enforcement of a foreign arbitration award allowed by the provisions of the domestic law and the New York Convention »). Elle insiste sur le caractère disproportionné de ce refus (« even assuming that denying enforcement of the award on these grounds served a general interest, it has not been shown that it was proportionate to that aim »). Elle termine en soulignant qu’il n’a pas été tenu compte des droits fondamentaux du requérant (« the domestic courts took no account of the requirements of the protection of the applicant company’s fundamental rights and the need for a fair balance to be struck between them and the general interest of the community rights »).

Deux éléments sont essentiels dans cette analyse. D’une part, la Cour européenne des droits de l’homme contrôle la motivation du juge étatique. Que le motif retenu se rattache à la Convention de New York (comme c’est le cas pour la compétence) ou pas, la Cour n’hésite pas à substituer son appréciation à celle de la juridiction nationale. D’autre part, la Cour contrôle la proportionnalité de l’atteinte, quand bien même elle est fondée sur un motif d’intérêt général. En cela, l’arrêt offre des perspectives intéressantes pour discuter les obstacles à l’exécution d’une sentence arbitrale, en particulier ceux résultant de l’arrêt Achmea (mais aussi Micula). Cette jurisprudence Achmea présente, a minima, une double difficulté. Elle conduit à un anéantissement rétroactif de la faculté de recourir à l’arbitrage, indépendamment du consentement des parties et même de leur absence d’objection. Elle fait prévaloir l’intérêt général unioniste sans aucune préoccupation pour le caractère proportionné de la solution.

Troisièmement, il faut signaler que les perspectives de réparation sont encore incertaines, mais pourraient être favorables. Contrairement à l’affaire Lucas (v. infra), et probablement car l’État condamné est le débiteur de la sentence, la cour envisage une réparation équivalente à celle fixée par les arbitres. Après avoir constaté l’absence de révision possible des décisions slovaques, la Cour décide d’ouvrir à nouveau le débat pour permettre aux parties de discuter du montant de l’indemnisation. Il faudra attendre une décision ultérieure pour en tirer tous les enseignements. Si toutefois l’État est condamné à payer le montant fixé par la sentence, la saisine de la Cour européenne ne sera pas une voie symbolique : elle permettra d’obtenir une réparation pécuniaire satisfaisante.

Ainsi, comme cela était déjà préconisé, la saisine de la CEDH est bien la voie à suivre pour les investisseurs privés de leur droit de recourir à l’arbitrage – voire de leur sentence – afin de forcer les États à respecter leurs engagements. Si de nombreuses zones d’ombres subsistent, notamment sur le moment où une sentence acquiert la qualité de bien, il n’en demeure pas moins que la perspective de voir les solutions européennes examinées par la Cour européenne est réelle. C’est alors que la bataille pour l’arbitrage aura lieu !

III. Le principe compétence-compétence

A. La qualité des parties à la clause

L’article 2061 du code civil, que ce soit dans sa version antérieure ou postérieure à la loi du 18 novembre 2016, conditionne, hier la validité, aujourd’hui l’opposabilité de la clause à l’exercice d’une activité professionnelle. La caractérisation de cette activité est donc déterminante à la mise en œuvre de la clause. Plus encore, même si la question n’a jamais été frontalement tranchée, cette qualification semble pouvoir être réalisée indépendamment du principe compétence-compétence. La Cour de cassation a déjà jugé à propos de retraités, alors que les juridictions étatiques étaient saisies en présence d’une clause compromissoire, que ceux-ci n’exerçaient « plus aucune activité professionnelle, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que les contrats n’ont pas été conclus en raison d’une activité professionnelle au sens de l’article 2061 du code civil, de sorte que la clause compromissoire était nulle et de nul effet » (Civ. 1re, 29 févr. 2012, n° 11-12.782, Dalloz actualité, 6 mars 2012, obs. X. Delpech ; D. 2012. 1312, obs. X. Delpech image, note A.-C. Rouaud image ; ibid. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2012. 359, note M. de Fontmichel ; JCP 2012. Act. 310, obs. J. Béguin ; JCP E 2012. 1314, note J. Monéger ; ibid. 2012. 1498, obs. J. Ortscheidt ; Procédures 2012, n° 4, p. 21, obs. L. Weiller ; LPA 2012, n° 102, p. 11, note V. Legrand ; ibid. n° 135, p. 7, note A.-S. Courdier-Cuisinier ; ibid. n° 187, p. 14, note E. Faivre).

Dans une affaire soumise à la cour d’appel de Fort-de-France (17 mai 2021, n° 21/00302), la question se pose cette fois à propos d’une société en formation. Un fonds de commerce a été cédé à une personne physique pour le compte d’une société en formation. La cour est saisie d’une action de la société ayant acquis le fonds contre le cédant. Comme dans l’arrêt de 2012, la cour d’appel fait abstraction du principe compétence-compétence. Elle juge que l’acquisition du fonds de commerce a pour objet la reprise de l’activité de courtier en assurance du cédant, ce qui permet de caractériser une activité professionnelle. La solution est logique. On peut difficilement faire plus topique comme contrat conclu à raison d’une activité professionnelle que l’acquisition d’un fonds de commerce. Néanmoins, on comprend mal pourquoi la discussion s’est focalisée sur l’article 2061 du code civil, alors que l’article L. 721-3 du code de commerce paraît plus adéquat.

Un arrêt de la cour d’appel de Rennes balaie aussi cette question (Rennes, 3 mai 2022, n° 21/06099). Le contrat contenant la clause compromissoire a été souscrit dans le cadre de l’ouverture d’une salle de remise en forme. La cour y voit le reflet de « l’exercice de son activité professionnelle de gérant de la société d’exploitation de cette salle ». De ce fait, elle écarte l’inopposabilité de la clause, après avoir procédé à la qualification nécessaire.

En revanche, un arrêt de la cour d’appel de Toulouse ne s’intéresse pas à la qualité de professionnel, mais à celle de salarié (Toulouse, 30 mai 2022, n° 20/03103). De celle-ci dépend, en matière interne, la compétence exclusive des juridictions prud’homales. C’est à une analyse minutieuse que se livre la cour d’appel pour écarter, en l’espèce, la qualité de salarié et renvoyer à l’arbitrage. Toutefois, la logique reste la même, à savoir l’indifférence au principe compétence-compétence lorsqu’il s’agit d’établir la qualité d’une partie.

En somme, ces trois décisions révèlent qu’en l’état actuel, la jurisprudence est indifférente au principe compétence-compétence à l’occasion de la qualification des parties. Si la solution n’est pas injustifiée, elle reste une entorse au principe qui mérite une décision claire de la part de la Cour de cassation.

B. La deuxième mise en œuvre de la clause compromissoire

Il est acquis que la clause compromissoire ne se périme pas par son usage. Pourtant, cette évidence ne l’est pas pour tout le monde. Une affaire TCM, soumise à la 5-16, ce qui n’est pas le plus fréquent à ce stade, le rappelle (Paris, 24 mai 2022, n° 21/21700). La cour commence par retenir un attendu que l’on trouve rarement en jurisprudence : « en présence d’une clause compromissoire et alors même que le tribunal arbitral n’est pas saisi, le juge étatique doit se déclarer incompétent à moins qu’un examen sommaire ne lui permette de constater la nullité ou l’inapplicabilité manifeste de la clause, priorité étant réservée à l’arbitre auquel il appartient de statuer sur sa propre compétence pour juger de la validité et de l’efficacité de la clause d’arbitrage » (v. néanmoins, Paris, 23 janv. 2014, n° 13/03806 ; Paris, 8 oct. 2013, n° 12/18722). Au soutien de la compétence des juridictions étatiques, le demandeur considère que les arbitres ont vidé leur saisine par la première sentence et qu’ils ont exclu leur compétence pour connaître des prétentions. Le moyen est sèchement rejeté. La cour constate que « le tribunal ne s’est pas prononcé sur la validité de ces obligations et n’a pas jugé qu’il était ou non compétent ». Partant, il s’agit de questions nouvelles, pour lesquelles il faut vérifier la nécessité de mettre en œuvre la clause compromissoire. Pour ce faire, la cour identifie un lien entre l’action et la clause. Elle conclut en soulignant que « par l’effet lié à la force obligatoire d’une clause compromissoire qui interdit au juge étatique de se prononcer sur sa compétence avant ce dernier ». La solution est logique.

On signalera une curiosité à propos de cette affaire. Au moment de la saisine des juridictions étatiques, le tribunal arbitral est encore constitué. En toute logique, il appartient au juge étatique de faire droit à l’exception d’incompétence, sans même examiner la question de l’inapplicabilité ou la nullité manifeste. En revanche, en appel, la sentence est rendue. Quid de la mise en œuvre de l’article 1448 du code de procédure civile ? La cour ne s’y intéresse pas. Il y a pourtant un vrai sujet en matière d’application temporelle du principe compétence-compétence, en fonction des dates de saisine des juridictions et des dates auxquelles les décisions sont rendues. En tout état de cause, le praticien doit être vigilant sur ces questions.

C. Les clauses pathologiques

Les clauses pathologiques sont fréquentes dans les contrats. Une affaire en offre une belle illustration, ce qui permet au demandeur devant les juridictions étatiques de contester la clause tous azimuts (Rennes, 3 mai 2022, n° 21/06099). La clause mérite d’être reproduite : « Différends – Médiation – Clause attributive de compétence – Contenu du contrat. Droit applicable – Attribution de juridiction : […] 20.2 – Tous les litiges auxquels la présente convention pourrait donner lieu, ou tout différend né entre les parties de son interprétation concernant notamment sa validité, son interprétation, son exécution ou sa résiliation seront soumis à une procédure d’arbitrage conformément au Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Elles s’engagent dans les sept jours de la nomination du médiateur à adresser à celui-ci tous les documents et pièces utiles à son travail en en adressant copie à la partie adverse. Dans le cas contraire sera, à défaut de solution amiable, soumis par la partie la plus diligente, au tribunal de grande instance ou de commerce de Rennes, selon la nature du différend ». Cette clause est un cas classique de confusion entre la médiation et l’arbitrage, avec une faculté subsidiaire de recourir à la justice étatique, ce qui accroît l’incertitude. Toutefois, l’article 1448 du code de procédure civile impose, en présence d’un tel doute, de renvoyer aux arbitres. C’est ce que juge la cour d’appel de Rennes, qui estime que « l’obligation de recourir à l’arbitrage […] n’en est pas moins expressément prévue, dès lors seulement que toute solution négociée a échoué ». Par ailleurs, le requérant conteste le champ d’application matériel de la clause, estimant les litiges relatifs à la conclusion ou à la validité du contrat sont exclus. Pour le coup, c’est une critique qui peut difficilement être adressée à la clause, ce que souligne la cour, qui relève « la très grande généralité des termes employés » pour écarter l’inapplicabilité manifeste de la clause et rappeler que cette question appartient au tribunal arbitral. Enfin, la partie conteste la validité de la clause, sur le fondement de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’égalité des armes, de l’article 1170 du code civil et enfin sur celui du déséquilibre significatif. La cour écarte l’ensemble des griefs, en notant en particulier qu’« à supposer même que les conventions litigieuses instaurent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce déséquilibre serait sans effet sur la validité des clauses compromissoires elles-mêmes », clauses qui « ne renferment en elles-mêmes aucun déséquilibre ». Enfin, à propos des difficultés financières du requérant, la cour conclut en soulignant que « la nullité manifeste d’une clause compromissoire, au sens de l’article 1448 du code civil, ne saurait être déduite de l’impossibilité alléguée par les appelants de faire face au coût de la procédure d’arbitrage, étant en effet observé que la validité d’une clause contractuelle, quelle qu’en soit la nature, doit toujours être appréciée au jour où elle est souscrite, et non au regard de circonstances postérieures ».

D. L’arbitrage d’un litige entre avocats

L’arbitrage du bâtonnier est sans doute une anomalie. L’article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, crée selon certains auteurs un « arbitrage contre nature » du fait de son caractère forcé (T. Clay, obs. ss décr. n° 2011-1985, 28 déc. 2011, D. 2012. Pan. 2991 image, spéc. p. 2992). L’alinéa 3 de cet article énonce que « tout différend entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel est, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats ».

Néanmoins, en parallèle de ce faux arbitrage, il est possible qu’un véritable arbitrage, fondé sur une clause compromissoire, existe. C’est une telle hypothèse qui a donné lieu à un jugement d’incompétence du tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris, 12 mai 2022, n° 20/02767). Dans cette affaire, plusieurs cabinets d’avocats internationaux se sont réunis dans un groupe. La convention de correspondance organique de ce groupe contient une clause compromissoire stipulant que « tout litige pouvant survenir au sujet de l’interprétation ou de l’exécution des présentes sera tranché en dernier ressort par l’arbitre désigné d’un commun accord par monsieur le bâtonnier du barreau de Paris et monsieur le bâtonnier du barreau de New York ». Ainsi, c’est bien d’un véritable arbitrage dont il s’agit, lequel emporte application du régime approprié. En conséquence, le tribunal renvoie à mieux se pourvoir le requérant, ancien avocat de l’un des cabinets du groupe, agissant contre le groupe. Il juge que « les effets de cette clause compromissoire s’étendent à l’ensemble des parties directement impliquées dans cette relation d’affaires et dans les litiges qui peuvent en résulter, bien qu’elles ne soient pas signataires du contrat qui la stipule ».

IV. Les mesures d’instruction préalables à la saisine de l’arbitre

L’article 1449, alinéa 1er, du code de procédure civile énonce que « l’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’État aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire ». On pense à celles réalisées avant tout litige, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Il n’est pas rare que le juge étatique soit saisi d’une telle demande. Néanmoins, pour être admise, la mesure doit avoir pour objet la conservation ou l’établissement de la preuve de faits. C’est ce que rappelle la cour d’appel de Rennes (10 mai 2022, n° 21/05443) pour rejeter la demande formée par une partie. Elle juge que « s’agissant de l’examen des prestations qu’elle a réalisées, et notamment des études qu’elle a rédigées, de sa bonne conduite du projet, de sa bonne coordination des différentes missions et de son engagement humain, matériel et financier, la société WTA n’explicite pas quelles preuves doivent être établies ou conservées, s’agissant d’éléments qu’elle détient nécessairement. Elle entend en fait que l’expert se livre à un recollement de ses propres pièces d’exécution, qu’elle devrait être capable de justifier elle-même devant le tribunal arbitral, en en demandant une “évaluation” au regard de dispositions contractuelles sur la valeur et la nature desquelles il est apparu que les parties ne s’accordent pas ». Ainsi, il ne peut être demandé au juge étatique d’ordonner des mesures qui ont vocation à empiéter sur le débat qui doit être mené devant le tribunal arbitral.

V. Les recours contre la sentence

A. Aspects procéduraux des voies de recours

1. L’utilisation de la voie électronique

Il y a quelques années, la Cour de cassation a rappelé que l’utilisation de la voie électronique s’impose en matière de recours contre les sentences arbitrales (Civ. 2e, 26 sept. 2019, n° 18-14.708, Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. C. Bléry ; ibid., 28 janv. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2019. 1891 image ; ibid. 2435, obs. T. Clay image ; JCP 2019. 2072, note L. Weiller ; Gaz. Pal. 2019, n° 40, p. 25, obs. D. Bensaude ; Procédures 2019, n° 12, p. 23, obs. L. Weiller ; JCP E 2019, n° 50, p. 45, note P. Casson). Cette décision, qui a attiré l’attention en dehors de la communauté des arbitragistes, met toutefois en lumière une double difficulté : d’une part, le rôle des protocoles de procédure, de nature à induire en erreur le justiciable ; d’autre part, l’inadéquation de l’outil informatique, qui nécessite d’être « forcé » en présence d’un recours non prévu par le système.

C’est cette affaire qui est soumise à la Cour européenne des droits de l’homme et qui donne lieu à un arrêt de condamnation de la France (CEDH 9 juin 2022, Lucas c. France, n° 15567/20, préc.). Si la cour juge que l’obligation de recourir à la voie électronique est prévisible, notamment par la généralité des textes applicables, elle est plus critique sur les moyens à mettre en œuvre. Elle constate que « la remise par voie électronique de son recours en annulation sur ebarreau supposait que l’avocat du requérant complète un formulaire en utilisant des notions juridiques impropres » (§ 54). Elle ajoute qu’aucune « information précise relative aux modalités d’introduction du recours litigieux [ne] se trouvait à la disposition des utilisateurs » (§ 55) et qu’en conséquence, « le conseil du requérant n’a pas agi avec une particulière imprudence » (§ 56). Ces éléments justifient la condamnation de la France. La Cour européenne juge que « dans les circonstances de l’espèce, que les conséquences concrètes qui s’attachent au raisonnement ainsi tenu apparaissent particulièrement rigoureuses. En faisant prévaloir le principe de l’obligation de communiquer par voie électronique pour saisir la cour d’appel sans prendre en compte les obstacles pratiques auxquels s’était heurté le requérant pour la respecter, la Cour de cassation a fait preuve d’un formalisme que la garantie de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice n’imposait pas et qui doit, dès lors, être regardé comme excessif » (§ 57).

En droit de l’arbitrage, il n’y a pas grand-chose à tirer de cette affaire, puisque, quand bien même les plateformes n’ont pas, à notre connaissance, été modifiées depuis cette date, l’arrêt du 26 septembre 2019 rend la solution prévisible. On peut toutefois faire deux remarques. D’une part, on voit que l’intervention de la Cour européenne des droits de l’homme ne concerne pas seulement les aspects substantiels (comme dans l’affaire BTS Holding [v. supra]), mais aussi les questions procédurales. D’autre part, la saisine de la CEDH pose un dilemme, révélé par cette affaire. La cour d’appel de Douai a annulé la sentence, avant que son arrêt soit cassé sans renvoi par la Cour de cassation. Devant la CEDH, le requérant sollicite une condamnation de l’État à la somme correspondant au montant figurant dans la sentence (autour de trois millions d’euros) qui aurait dû être annulée. Assez logiquement, la Cour européenne s’y refuse, et limite la réparation à 3 000 €, après avoir également rejeté le remboursement des frais de défense. D’abord, d’un point de vue financier, l’opération est négative pour le requérant. Ensuite, d’un point de vue juridique, la condamnation de la France pourrait n’être que symbolique, dès lors qu’aucune voie de révision n’est ouverte en matière civile, en dehors de l’état des personnes (COJ, art. L. 452-1). Enfin, et surtout, le succès devant la Cour européenne pourrait avoir pour effet paradoxal de priver le justiciable de son action en responsabilité contre son conseil. On voit mal comment ce dernier pourrait être désormais condamné, étant donné que la Cour écrit que « le conseil du requérant n’a pas agi avec une particulière imprudence ». En somme, ce succès devant la CEDH a un goût amer pour le justiciable, qui est toujours lié par la sentence, mais perd sa meilleure piste d’indemnisation. Il est donc impératif, avant d’envisager une saisine de la Cour européenne, d’en examiner l’apport. Et pourquoi pas de privilégier, en amont, une demande d’avis à la Cour, comme le permet le protocole n° 16 de la Convention.

2. La rédaction de la déclaration d’appel

L’utilisation de la voie électronique n’est pas le seul piège susceptible de se trouver sur le chemin des parties dans le cadre d’un recours. L’article 901, 4°, du code de procédure civile, qui impose à l’appelant de critiquer les chefs de jugement dans sa déclaration d’appel, soulève également des difficultés. En réalité, la question ne se pose pas dans un recours en annulation. En revanche, elle existe dans le cadre de l’appel de l’ordonnance d’exequatur. L’appelant doit critiquer l’ordonnance d’exequatur s’il veut que son recours emporte effet dévolutif. C’est sur ce point que l’arrêt Vergnet (Paris, 28 juin 2022, n° 21/03765) apporte des précisions. Pour trancher la question, la cour distingue, au sein de l’ordonnance d’exequatur, faute de dispositif, ce qui relève des motifs (l’absence de contrariété à l’ordre public) et ce qui relève de la décision (la force exécutoire apposée sur la sentence). Or, à partir du moment où la force exécutoire constitue le seul « chef de jugement », c’est celui qui doit être critiqué par l’appelant. C’est cet élément qu’il convient de citer et critiquer dans la déclaration d’appel, afin que l’elle emporte effet dévolutif.

3. La présentation des conclusions

L’article 954 du code de procédure civile pose des règles précises en matière de rédaction des conclusions. Ces exigences ne sont pas dépourvues de sanction, notamment en ce que l’alinéa 3 précise que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». La première partie de cet alinéa fait déjà l’objet d’une jurisprudence abondante, la 5-16 ayant pris l’habitude de faire le ménage dans les prétentions, en particulier les irrecevabilités, non reproduites (Paris, 5 avr. 2022, Alltech Metal, n° 20/13582 ; 22 mars 2022, n° 19/09863, Saab ; 1er mars 2022, n° 20/13575, Legrand, Dalloz actualité, 20 mai 2022, obs. J. Joudran-Marques, LexisPSL, 11 avr. 2022, obs. B. Rigaudeau). En revanche, la question des moyens devant figurer dans la discussion est moins fréquente. C’est pourtant cette difficulté qui est soumise à la cour à l’occasion d’un déféré (Paris, 10 mai 2022, n° 20/18330, Douala International Terminal). Il est reproché aux conclusions du requérant de ne pas contenir une partie « discussion » distincte de l’exposé des faits et de la procédure. La cour rejette l’incident. Elle constate que, malgré l’absence de partie « discussion » et un éclatement de l’argumentation au sein de plusieurs parties, que « les motifs du recours sont bien discutés sur le fond dans les conclusions litigieuses ». Ce point écarte une lecture trop formaliste du texte, qui exige d’intituler les développements avec le terme « discussion ». Surtout, la cour précise qu’aucune caducité n’est prévue par la combinaison des articles 908 et 954 du code de procédure civile. À ce titre, on peut se demander si la sanction idoine n’est pas, comme en matière de prétentions, un défaut de saisine.

4. Les auditions devant la cour

L’article 5.5 du protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale de la cour d’appel de Paris du 7 février 2018 prévoit la possibilité d’auditionner des techniciens (notamment sur des points de droit). Il y a quelques mois, une telle audition a eu lieu pour un seul technicien. Dans l’affaire Aersud (Paris, 21 juin 2022, n° 21/00473), ce sont deux techniciens – un par partie – qui ont été auditionnés, après avoir produit une consultation écrite. Cette démarche révèle la volonté de la cour d’appel de Paris de favoriser l’oralité et de laisser une place réelle au débat. D’un point de vue pratique, cette audition conduit – même si rien n’est figé – à une présentation de sa position par chaque technicien puis à un échange avec la cour, ponctué par des questions des parties. Si le cadre n’est pas identique à celui utilisé en arbitrage, la volonté de rapprochement est évidente.

5. Le choix de l’appel en arbitrage interne

Le décret du 13 janvier 2011 a inversé le principe et l’exception en matière de voies de recours contre les sentences internes. Avant ce décret, l’appel était prévu, sous réserve d’une stipulation contraire des parties. Désormais, l’appel est exclu, sauf volonté contraire (C. pr. civ., art. 1489). La question est de savoir comme doit être exprimée cette volonté contraire des parties. Dans un arrêt Rurban Coop, la cour d’appel de Paris (14 juin 2022, n° 20/16019) estime implicitement que la mention « les sentences arbitrales sont exécutoires, sauf appel devant les juridictions compétentes » suffit à établir le choix de se ménager la voie de l’appel. Une autre analyse conduit à considérer que la stipulation ne porte que sur le caractère exécutoire de la sentence, dont le caractère immédiat dépend de l’exercice d’une voie de recours. Cette solution révèle une interprétation très compréhensive de la volonté des parties de se ménager la voie de l’appel.

6. L’articulation entre la sentence et l’arrêt d’appel

Dès lors que les parties ont choisi la voie de l’appel contre une sentence interne, la question de l’articulation entre les deux décisions peut se poser. Dans une affaire soumise à la cour d’appel de Rouen (25 mai 2022, n° 19/03457), les arbitres réclament le paiement de leurs honoraires. La question qui se pose est celle de la répartition de ceux-ci entre les parties. La sentence a procédé à une répartition deux tiers et un tiers des frais d’arbitrage. En appel contre la sentence, la cour a « dans son dispositif rejeté toute autre demande et condamné la société Novellus aux dépens, en ce compris les frais d’expertise ». La cour saisie de la demande des arbitres estime que son homologue saisie de l’appel contre la sentence n’a pas tranché la demande de modification de répartition des frais d’arbitrage. En conséquence, c’est la répartition prévue par la sentence qui perdure, malgré l’exercice d’un appel. Cette solution est cohérente avec l’idée que l’appel contre une sentence est une voie de réformation. Elle est toutefois moins intuitive qu’en matière judiciaire et rend l’articulation entre la sentence et l’arrêt d’appel peu évidente.

B. Aspects substantiels des voies de recours

1. La compétence

a. La recevabilité des moyens nouveaux

L’affaire Schooner, qui a fait tant de bruit (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-15.396, Schooner, Dalloz actualité, 24 déc. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2456 ; ibid. 2021. 1832, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; ibid. 2272, obs. T. Clay ; Procédures 2021, n° 2, p. 24, obs. L. Weiller ; Rev. arb. 2021. 419, note P. Duprey et M. Le Duc) et dont la solution fait tant de mal, est de retour devant la cour d’appel (Paris, 31 mai 2022, n° 21/01497). Sans doute pour la gloire, l’argument relatif à l’irrecevabilité des moyens est maintenu par le défendeur. La réponse ne faisait aucun doute, non seulement à cause de la solution de la Cour de cassation dans la présente espèce, mais encore par la reprise immédiate de cette jurisprudence par la cour d’appel (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, Vidatel, Dalloz actualité, 22 févr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; JCP 2021. Doctr. 696, obs. P. Giraud ; Paris, 16 févr. 2021, n° 18/16695, Grenwich, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques). En toute logique, la cour s’en tient donc à cette solution et se limite à une reprise de la solution énoncée par la Cour de cassation. Elle juge que, « lorsque la compétence a été débattue devant les arbitres, les parties ne sont pas privées du droit d’invoquer sur cette question, devant le juge de l’annulation, de nouveaux moyens et arguments et à faire état, à cet effet, de nouveaux éléments de preuve ».

Ce qui est intéressant dans l’affaire Schooner – et qui n’a sans doute pas été assez souligné – c’est que le moyen nouveau ne vise pas à contester la compétence, mais à fonder positivement la compétence. Pourtant, il est vrai qu’intuitivement, on s’attend plutôt à ce que cette solution soit utilisée par une partie déçue de la compétence arbitrale plutôt que l’inverse. À ce titre, la jurisprudence Schooner n’a pas de religion : elle peut être utilisée au profit du demandeur ou du défendeur à l’arbitrage. Une des questions qu’il faudra se poser dans un avenir proche est relative à la faculté pour une partie de se prévaloir d’une convention d’arbitrage différente au soutien de son recours. Imaginons une sentence d’incompétence ou une sentence de compétence contestée. Dans un cas comme dans l’autre, la partie au recours peut-elle se fonder sur une convention figurant dans un autre contrat ou dans un autre traité pour soutenir la compétence arbitrale ? La logique de la jurisprudence Schooner voudrait que la réponse soit positive. La difficulté réside toutefois dans la divergence de rédaction de ces clauses, qui peut avoir un impact réel sur l’arbitrage. Il ne nous semble pas pour autant qu’il faille abandonner d’emblée cette voie. La restriction progressive du champ de la compétence au profit de la recevabilité (v. infra) contribue à rendre cette analyse viable et peut offrir d’intéressantes perspectives aux plaideurs.

b. La distinction entre compétence et recevabilité

La distinction entre compétence et recevabilité n’est pas évidente à réaliser. Elle est rendue d’autant plus difficile qu’elle est confrontée à une forme d’inadéquation entre les notions employées en matière de procédure civile classique et celles utilisées en arbitrage. À cela, il faut ajouter la problématique du droit comparé, qui peut entraîner une appréciation distincte de la question. Par ailleurs, la difficulté touche aussi bien l’arbitrage commercial que l’arbitrage d’investissements. C’est à ces questions que les arrêts Rusoro (Paris, 7 juin 2022, n° 21/10427) et Aktor (Paris, 31 mai 2022, n° 20/17978) s’intéressent.

Dans un cas comme dans l’autre, on voit apparaître une formule identique. La cour estime que « le juge de l’annulation n’a pas à s’arrêter aux dénominations et qualifications retenues par les arbitres ou proposées par les parties ». Si la formule est connue et a été utilisée en matière de qualification des sentences arbitrales, elle est plutôt originale dans un tel cas de figure. Il semble qu’elle soit utilisée par la cour pour s’extraire du débat imposé par les parties et suivre sa propre démonstration.

Surtout, les deux arrêts révèlent une volonté de restreindre la notion de compétence au profit de celle de recevabilité. En matière d’arbitrage commercial, la question se pose à travers les éventuelles imperfections ou restrictions prévues par la clause. En matière d’arbitrage d’investissement, ce sont les stipulations du traité qui sont à l’origine des discussions.

En matière commerciale, il n’est pas rare que les clauses soient rédigées de manière plus ou moins restrictive. C’est le cas des clauses types figurant dans les contrats FIDIC, qui prévoient le recours à un dispute adjudication board (DAB), lequel pour donner lieu ensuite à un arbitrage. Plus précisément, deux types de procédures sont prévues par ces clauses. La première est celle de la contestation de la décision du DAB, qui peut donner lieu à un arbitrage. La seconde est celle de l’inexécution de la décision du DAB, qui là aussi peut donner lieu à un arbitrage. Le problème réside dans une rédaction divergente entre les deux hypothèses, qui font l’objet de deux clauses différentes. Dès lors, il s’agit de savoir si les pouvoirs du tribunal arbitral en ressortent affectés. C’est la problématique à laquelle la cour est confrontée dans l’affaire Aktor. Le tribunal arbitral est saisi car une partie ne s’est pas conformée à la décision du DAB. Devant l’arbitre, des demandes complémentaires, relatives à de la TVA, ont été présentées. À l’occasion du recours, le requérant conteste la faculté pour le tribunal arbitral d’examiner ces prétentions qui n’ont pas été soumises au DAB. La rédaction restrictive de la convention d’arbitrage fonde cette argumentation, en particulier à travers une comparaison avec l’hypothèse d’une contestation de la décision du DAB.

La cour d’appel refuse d’entrer dans cette discussion. Elle juge « la circonstance selon laquelle le tribunal arbitral aurait à tort ajouté à la condamnation prononcée par les comités amiables le montant de la TVA qui lui avait été demandé dans le cadre de la requête d’arbitrage, ne constitue pas un moyen relevant de la compétence de ce tribunal pour trancher le manquement de l’ARA à se conformer aux décisions rendues par ces comités amiables. En effet, les parties ont accepté de soumettre à l’arbitrage leurs différends liés aux contrats nos 1 et 3 auxquels se rattachaient les réclamations formées par la société JV Copri. Cet argument revient à contester la recevabilité d’une telle demande devant le tribunal arbitral alors qu’elle n’avait pas été soumise de manière expresse et préalablement aux comités amiables ». Cette réponse, qui conduit à placer l’argumentation sur le terrain de la recevabilité plutôt que celui de la compétence, est assez remarquable. Elle s’inscrit dans un rétrécissement progressif de la notion de compétence (au sens de C. pr. civ., art. 1520, 1°) au profit d’un élargissement de celle de recevabilité.

En matière d’investissement, l’arrêt Rusoro adopte une démarche similaire. Certes, dans un premier temps, la cour énonce que, « lorsque la convention d’arbitrage résulte d’un traité bilatéral d’investissements, la compétence du tribunal arbitral et l’existence de son pouvoir de juger dépendent du traité qui l’investit de sorte que le tribunal arbitral ne peut connaître d’un litige que s’il entre dans le champ d’application du traité et qu’il est satisfait à l’ensemble de ses conditions d’application temporelle, personnelle et matérielle ayant trait à l’existence de ce pouvoir ». Cette formule donne le sentiment d’une approche distincte, avec une appréciation plus large de la compétence. Toutefois, la cour nuance le propos, en ajoutant que, « sauf stipulation expresse, ces conditions ne peuvent conduire à priver le tribunal arbitral, ainsi investi, de l’exercice de son pouvoir de juger et notamment faire dépendre la compétence du tribunal de la recevabilité des demandes portées devant lui ».

Une telle approche, si elle est influencée par la solution de la Cour de cassation rendue dans la même affaire (Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-11.551, Dalloz actualité, 30 avr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2021. 704 image ; ibid. 2272, obs. T. Clay image ; JCP 2021. 1214, obs. P. Giraud) se retrouve de façon très remarquable dans d’autres affaires, en particulier les arrêts Cengiz (Paris, 25 mai 2021, n° 18/27648, Dalloz actualité, 18 juin 2021, obs. J. Jourdan-Marques) et Aboukhalil (Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625, Dalloz actualité, 19 nov. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2021. 2272, obs. T. Clay image). Au fur et à mesure, la jurisprudence réalise un tri entre ce qui relève de la compétence et ce qui n’en relève pas. Dans l’arrêt Rusoro, comme on pouvait s’y attendre, la cour juge à propos d’une stipulation du traité relative au délai pour introduire la demande que « cette condition de délai, qui s’apparente à un délai de prescription, ne conditionne pas l’aptitude du tribunal arbitral à connaître du litige et donc sa compétence, mais seulement la recevabilité devant ce tribunal, régulièrement investi, de certaines demandes ».

Ce phénomène mérite de faire l’objet d’une réflexion approfondie. Il est délicat d’en avoir une appréciation tranchée à ce stade. D’un côté, cette restriction de la notion de compétence conduit le juge à s’assurer de l’essentiel – une volonté des parties de recourir à l’arbitrage – et de laisser ensuite aux arbitres le soin d’examiner ce qui doit être tranché. Partant, le juge limite son immixtion dans le travail des arbitres, ce qui n’est pas une mauvaise chose. D’un autre côté, on peine à expliquer comment le choix des parties de limiter les pouvoirs des arbitres à certaines questions peut être exclu du champ de la compétence, voire (surtout ?) du champ de la mission. En tout état de cause, c’est une piste sérieuse à creuser dans le cadre d’un recours pour faire échec à une argumentation sur la compétence.

c. La validité de la clause

Le contrôle de la compétence est toujours réalisé à l’aune de ses règles matérielles. Quelle que soit la nature du grief invoqué contre la clause – validité, efficacité, existence, licéité –, la règle reste inchangée. En revanche, la cour n’hésite pas à adapter sa formulation en fonction de l’angle sous lequel la clause est contestée. Ainsi, dans un arrêt Aktor (Paris, 31 mai 2022, n° 20/17978, préc.), la cour use d’une formule à la fois originale et tout droit transposée de Dalico pour répondre à une objection relative à la validité de la clause : « si devant le juge de l’annulation la nullité de la clause d’arbitrage peut être alléguée, le contrôle de la validité de la clause est effectué par le juge, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international au regard de la seule volonté commune des parties, sans qu’il soit besoin de se référer à une loi étatique ».

En l’espèce, la question est de déterminer la compétence du tribunal arbitral en présence de deux clauses compromissoires successives, où la validité de la seconde est discutée. Avant de s’attacher aux différences entre les clauses, la cour remarque qu’« il se déduit de ces deux contrats une volonté commune des parties de soumettre leurs différends à un tribunal arbitral ». Elle ajoute ensuite que les discussions autour de la seconde clause compromissoire « n’ont apporté que des modifications d’ordre technique, voire purement formelles, au processus de résolution du litige préalablement à la saisine du tribunal arbitral, sans remettre nullement en question le recours à l’arbitrage et le consentement des parties à l’arbitrage ». Elle en conclut que « la volonté commune des parties de soumettre leur différend à l’arbitrage, incontestée au terme des contrats initiaux de 2012, n’a pas été modifiée du fait de la conclusion de ces avenants, quand bien même ils auraient été signés dans des conditions irrégulières au regard de la loi albanaise et des pouvoirs du directeur du PMU, points dont l’ARA n’est pas fondée à se prévaloir pour remettre en cause son consentement à l’arbitrage ». La solution est logique. En présence de deux clauses compromissoires successives, il serait paradoxal de remettre en cause le recours à l’arbitrage motif pris de l’incomplétude du processus de conclusion de la seconde. En outre, dès lors que ces difficultés résultent d’exigences d’une loi étrangère, le recours à la règle matérielle justifie d’y être indifférent.

En réalité, la principale difficulté en présence de deux conventions d’arbitrage successives réside dans la détermination des règles applicables à la procédure. En effet, si les parties font le choix d’une modification de la clause, c’est pour en faire évoluer certains éléments (en changeant la procédure, le siège, la langue, etc.). Or les arbitres sont tenus de respecter la volonté des parties, sous peine de voir leur sentence annulée. En conséquence, le risque est que les arbitres et le juge de l’annulation n’adoptent pas la même approche et ne s’appuient pas sur la même clause pour déterminer les règles applicables. Dans une telle hypothèse, le juge de l’annulation, saisi en second, est susceptible d’annuler la sentence s’il est en désaccord avec l’analyse retenue par les arbitres.

d. La clause de la nation la plus favorisée

La question de la clause de la nation la plus favorisée continue à faire l’objet d’incertitudes en jurisprudence française. L’affaire Schooner apporte une nouvelle pierre à l’édifice (Paris, 31 mai 2022, n° 21/01497), sans permettre de dégager une ligne claire en la matière. Dans un premier temps, la cour d’appel de Paris a jugé que la clause de la nation la plus favorisée n’a pas vocation à s’étendre aux avantages procéduraux de règlement des différends prévus dans les traités de protection des investissements (Paris, 25 juin 2019, n° 17/06430, Dalloz actualité, 23 juill. 2019, obs. J. Jourdan-Marques). Dans un deuxième temps, elle a été plus ambiguë sur la question, en n’excluant pas qu’une telle clause puisse inclure l’importation d’une procédure de règlement des différends (Paris, 23 mars 2021, n° 18/05756, DS Construction, Dalloz actualité, 4 févr. 2022, obs. J. Jourdan-Marques). C’est une approche différente qui est cette fois retenue. La cour estime, dans son arrêt Schooner, que, « si par une telle clause, les États parties au TBI ont admis la possibilité d’importer des dispositions plus favorables, cette extension doit s’inscrire dans le périmètre du TBI de base et ne saurait excéder le champ des matières qui sont incluses dans ce TBI, sauf à être en confrontation directe avec la volonté commune des États parties. Ainsi, sauf disposition expresse résultant de la clause NPF, celle-ci n’a vocation à produire ses effets que dans la limite et le champ du traité de base ». Autrement dit, la clause NPF n’a pas vocation à permettre au traité de couvrir de nouveaux domaines, notamment les questions fiscales. Reste à savoir si la solution de l’arrêt Schooner doit être considérée comme exclusive des précédentes ou si elles sont complémentaires. En tout état de cause, la question de la clause de la nation la plus favorisée est en cours de construction et le juge français entend suivre sa propre voie.

e. L’arbitrabilité du litige

La jurisprudence sur l’arbitrabilité est rare et il est donc heureux de voir la cour reprendre les principes (Paris, 28 juin 2022, n° 21/06317, Haco). D’abord la cour rappelle – mais était-ce bien nécessaire ? – que le grief tiré de l’arbitrabilité est recevable devant le juge de l’annulation, qui peut la contrôler sur le fondement des articles 1520, 1° et 5°, du code de procédure civile. Ensuite, elle nous offre une succession d’attendus riches en informations. Elle juge qu’il lui appartient de contrôler « l’existence de la clause compromissoire, l’applicabilité de la clause, et l’arbitrabilité du litige, qui est non seulement une condition de validité de la convention d’arbitrage, mais aussi une condition de la compétence des arbitres et relève à ce titre du contrôle par le juge de l’annulation au titre de l’article 1520-1° susrappelé ». La formule est intéressante à double titre. Premièrement, elle rappelle la triple dimension du contrôle de la compétence, qui porte sur l’existence (ou la validité) et l’applicabilité de la clause ainsi que l’arbitrabilité du litige. On peut ajouter, car c’est parfois ce fondement qui est utilisé, le respect du délai par le tribunal arbitral. Deuxièmement, la cour estime que l’arbitrabilité peut affecter aussi bien la validité de la clause que la faculté de l’arbitre à trancher tout ou partie du litige. À dire vrai, une nullité de la clause fondée sur l’arbitrabilité est improbable. Il faudrait que sa rédaction soit en contradiction avec les exigences relatives à l’arbitrabilité. L’essentiel du temps, l’inarbitrabilité découle des prétentions ou des moyens des parties et prive l’arbitre de trancher tout ou partie du litige, sans pour autant que la clause ne soit remise en question. La cour d’appel ajoute que « l’arbitrabilité d’un litige doit être tranchée en priorité par les arbitres en vertu du principe de compétence-compétence ». La formule est nouvelle et permet de signaler que l’arbitrabilité ne met pas en échec le principe compétence-compétence.

Par ailleurs, l’arrêt réitère des principes anciens, qui découlent de l’arrêt Labinal (Paris, 19 mai 1993, Rev. arb. 1993. 645, note C. Jarrosson). D’une part, « l’arbitrabilité d’un litige n’est pas exclue du seul fait qu’une réglementation d’ordre public, fût-elle une loi de police, est applicable au rapport de droit litigieux ». D’autre part, l’arbitre a « compétence pour apprécier sa propre compétence quant à l’arbitrabilité du litige au regard de l’ordre public international et dispose du pouvoir d’appliquer les principes et règles relevant de cet ordre public, ainsi que de sanctionner leur méconnaissance éventuelle, sous le contrôle du juge de l’annulation. Si le caractère de loi de police économique d’une réglementation est établi et qu’il interdit aux arbitres de prononcer des injonctions ou des amendes, les arbitres peuvent néanmoins tirer les conséquences civiles d’un comportement jugé illicite au regard desdites règles d’ordre public qui peuvent être directement appliquées ». Rien n’est nouveau dans ces attendus. Ils rappellent que l’article 2060 du code civil est, déjà depuis plusieurs décennies, désuet et la jurisprudence est dans l’obligation de s’en écarter.

2. La constitution du tribunal arbitral

a. L’obligation de révélation

La présente livraison est encore l’occasion de s’intéresser à l’obligation de révélation dans toutes ses dimensions. Avant cela, on signalera que l’arrêt Haco (Paris, 28 juin 2022, n° 21/06317) souligne la demande de récusation d’un arbitre rejetée par le juge d’appui, si elle a autorité de chose jugée, n’interdit pas une nouvelle discussion devant le juge de l’annulation sur la partialité de l’arbitre, si elle est fondée sur des éléments résultant de la sentence. La cour énonce que « le fait que le juge d’appui ait rejeté la demande de récusation d’un arbitre n’épuise pas le grief tiré de la partialité ou de sa dépendance dès lors que celui-ci résulte de circonstances survenues postérieurement ». Elle ajoute que, « si un tel doute peut le cas échéant résulter de la sentence elle-même, encore faut-il, dès lors que le contenu de la motivation de la sentence arbitrale échappe au contrôle du juge de l’annulation, que ce doute soit fondé sur des éléments précis quant à la structure de la sentence ou ses termes mêmes, qui laisseraient supposer que l’attitude de l’arbitre a été partiale ou à tout le moins serait de nature à donner le sentiment qu’elle l’a été ».

i. L’arrêt Pizzarotti

L’arrêt Pizzarotti (Paris, 17 mai 2022, n° 20/15162) est intéressant sur au moins deux aspects.

D’une part, il confirme la place des règlements d’arbitrage dans la délimitation des obligations de révélation. Cette évolution, que l’on a vue venir depuis l’arrêt Vidatel (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, préc.), conduit à faire des règlements la source principale de l’obligation de révélation. Dans cet arrêt (v. égal. Paris, 17 mai 2022, n° 20/18020, Billionaire), la cour commence, comme elle en a désormais l’habitude, par viser le règlement d’arbitrage de la CCI et sa Note aux parties de 2016. C’est seulement après que le code de procédure civile est mentionné. Toutefois, la motivation va désormais beaucoup plus loin, puisqu’elle tire les conséquences de ce renversement de la hiérarchie des normes. En effet, la lecture de l’arrêt permet de constater que l’étendue de l’obligation de révélation ne dépend plus du code de procédure civile, mais bien du règlement d’arbitrage. En l’espèce, le lien au cœur de la discussion concerne l’arbitre et le conseil de la partie l’ayant désigné. À cet égard, la Note aux parties de la CCI prévoit que l’arbitre doit révéler toute circonstance pouvant être considérée comme caractérisant « une relation professionnelle ou personnelle étroite avec le conseil de l’une des parties ou le cabinet d’avocats de ce conseil ». Or c’est ce critère qui va être utilisé par la cour d’appel pour déterminer si l’arbitre a violé son obligation de révélation. La cour va passer au crible les différentes circonstances litigieuses et vérifier si, oui ou non, elles manifestent une « relation professionnelle ou personnelle étroite ». On retrouve quatre fois la mention selon laquelle les circonstances litigieuses n’impliquent nullement une relation « étroite ». La bascule est donc définitive (v. égal. l’arrêt Billionaire, qui adopte une démarche identique). L’obligation de révélation est désormais fixée, à titre principal, par les règlements d’arbitrage et, à titre subsidiaire, sur le code de procédure civile. Cela change tout, car cela signifie qu’à situations identiques, mais dans des arbitrages distincts, un arbitre aura à révéler certaines circonstances et pas un autre. Surtout, la jurisprudence s’érige désormais en interprète officiel des règlements d’arbitrage, ce qui est là aussi une nouveauté. Enfin, il faudra observer si ce mouvement concerne la question de la notoriété et celle du doute raisonnable. Pour l’instant, rien n’indique que c’est le cas, notamment car la jurisprudence tient fermement à l’exception de notoriété malgré le silence des règlements sur cette question. En tout état de cause, la cour d’appel innove et on reste très curieux de connaître la suite de ce mouvement, qui ne manquera pas de susciter la discussion.

D’autre part, même si l’analyse résulte d’une interprétation de la note de la CCI, l’appréciation faite de l’obligation de révélation reste intéressante. Il est reproché, pêle-mêle à l’arbitre et au conseil d’avoir été, ensemble, membres de la chambre arbitrale de Milan, d’avoir participé à une quinzaine de manifestations scientifiques, d’avoir été enseignants dans la même université, d’avoir coaché des équipes d’étudiants dans le cadre du Vis Moot de Vienne et même, bouquet final, d’avoir participé à un match de football ! Les divers arguments sont balayés, en particulier à cause de l’ancienneté de certains d’entre eux (vingt ans pour la circonstance relative à la chambre arbitrale de Milan, sept ans pour le match de football), de leur caractère insignifiant (la qualité de visiting professor, parmi près de 80 autres enseignants), voire leur caractère inexact (le coaching). Surtout, la cour précise à propos des activités scientifiques que « la participation commune à des travaux ou réflexions scientifiques qui, s’ils peuvent emporter l’existence de relations entre des confrères susceptibles de devenir arbitres et/ou conseil d’une partie, ne sont pas de nature à déclencher une obligation de révélation dès lors qu’ils s’inscrivent dans un contexte purement académique dont il ne peut être déduit de ce seul fait la caractérisation de relations étroites susceptibles de générer un potentiel conflit d’intérêts ».

ii. L’arrêt Billionaire

L’arrêt Billionaire (Paris, 17 mai 2022, n° 20/18020) reprend plusieurs traits de l’arrêt Pizzarotti, en particulier sur l’utilisation des règlements d’arbitrage en tant que source de l’obligation de révélation. Néanmoins, c’est sur la question de l’exception de notoriété qu’il est le plus intéressant.

D’une part, la cour réitère une formule vue dans un arrêt précédent (Paris, 22 févr. 2022, n° 20/05869, Bestful, Dalloz actualité, 20 mai 2022, obs. J. Jourdan-Marques) selon laquelle, en l’absence de demande de récusation la partie est « présumée avoir renoncé à soulever le grief tiré d’une telle irrégularité, sauf pour elle à établir qu’elle n’avait pu en avoir connaissance avant la sentence ». Une telle présomption, constitutive d’un renversement de la charge de la preuve, ne semble pas être mise en œuvre avec trop de rigueur. En effet, prise au pied de la lettre, elle doit conduire le requérant à démontrer sa méconnaissance des circonstances discutées. Cela revient à imposer une preuve négative et, partant, impossible à rapporter. En réalité, on se rend bien compte que la cour continue à examiner les preuves positives de la notoriété apportées par le défendeur. L’échec dans l’administration de cette preuve conduit le défendeur à succomber sur ce moyen, ce qui révèle que la charge de la preuve n’a pas été véritablement renversée.

D’autre part, l’arrêt Billionaire nous offre un exemple, désormais exceptionnel, d’une situation non notoire. La circonstance porte sur la coprésidence d’une conférence quelques années avant la désignation. La conférence et la coprésidence sont mentionnées, de manière plus ou moins claire, sur la page internet de l’arbitre, sur le site du barreau de Genève, sur la déclaration d’indépendance de l’arbitre et sur le CV du conseil. La cour en conclut qu’« en dépit de la faculté pour la société Billionaire de retrouver cette information sur des sites publics, une telle information ne peut être considérée comme aisément accessible puisqu’elle nécessitait des investigations minutieuses pour être retrouvée plus de cinq ans après, et ce alors que l’arbitre mentionnait avoir participé à plus de 22 conférences ». Naturellement, on se réjouit d’une appréciation moins excessive de l’exception de notoriété. Reste que l’on peine à comprendre ce qui a pu, dans cette espèce, convaincre la cour d’écarter l’irrecevabilité. Il est difficile d’y voir, à tout le moins dans l’immédiat, un infléchissement de la jurisprudence. En effet, dans le même arrêt, à propos cette fois de l’appartenance à la section des avocats de barreaux étrangers du barreau de Genève, la cour considère la circonstance notoire. Pour cela, elle juge que l’appartenance à cette section est mentionnée dans le CV de l’arbitre, sur sa page personnelle et sur le site de la section. En revanche, il n’est précisé nulle part dans ces documents que le conseil d’une partie est président de ladite section. Pour le découvrir, il faut prendre l’initiative de se rendre sur le site de la section, où l’information se trouve. Reste qu’aucun élément objectif n’invitait les parties à entamer une telle démarche.

En tout état de cause, l’arrêt Billionaire confirme la priorité donnée à l’examen de la notoriété par rapport à l’obligation de révélation. Ainsi, la cour d’appel recherche si une circonstance est notoire, avant même de s’assurer qu’elle doit être communiquée. Après avoir abondamment discuté de la notoriété de la coprésidence d’une conférence, la cour retient sobrement que, faute d’éléments complémentaires, « le seul fait d’avoir coprésidé une conférence n’implique nullement l’existence de relations professionnelles ou personnelles “étroites” au sens de la note CCI précitée, les relations pouvant tout au plus être qualifiées d’académiques ».

La contestation de la constitution du tribunal arbitral est une course d’obstacles. L’euphorie du franchissement de la première haie ne doit pas faire perdre de vue que l’on peut échouer à la deuxième… alors même qu’il en reste encore une troisième !

iii. L’arrêt Soletanche

On sera bref sur l’arrêt Soletanche, dès lors que l’apport de la Cour de cassation est modeste (Civ. 1re, 25 mai 2022, n° 20-23.148). L’arrêt d’appel (Paris, 15 déc. 2020, n° 18/14864, Dalloz actualité, 22 févr. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; Rev. arb 2021. 1203, note M. Henry) a eu à trancher la question d’un arbitre ayant indiqué, lors d’une audience, avoir reçu mandat de la société mère d’une partie pour une mission de conseil, dans le cadre d’un projet sans rapport avec le litige. Postérieurement, cette mission initiale de conseil s’est transformée en mission d’accompagnement dans le cadre d’un arbitrage. Pourtant, la déclaration d’indépendance de l’arbitre n’a fait l’objet d’aucune mise à jour. La cour d’appel a rejeté ce grief, au motif que « ces échanges, les conseils prodigués à ces occasions et la rencontre organisée à Perth pour préparer la demande d’arbitrage, qui s’inscrivaient dans la poursuite et l’évolution prévisibles du mandat connu des parties, ne modifiaient pas la nature et l’ampleur de l’intervention de l’arbitre auprès de l’entité qui l’avait mandaté ». Cette analyse a été critiquée en doctrine (M. Henry, note préc.), qui relève qu’en pratique, une telle évolution de la mission n’est pas prévisible ni insignifiante. Pourtant, la Cour de cassation rejette le pourvoi. L’essentiel dans l’arrêt réside dans le pouvoir souverain confié à la cour d’appel. Ainsi, en ce qui concerne les circonstances devant faire l’objet d’une révélation, la Cour de cassation refuse d’entrer dans l’examen des faits pour contredire l’analyse de la cour d’appel. Cette solution est donc de nature à réduire l’intérêt pour les parties de former un pourvoi et conforte la cour d’appel dans son approche restrictive du grief relatif au devoir de révélation.

b. Le respect des règles prévues par les parties

L’affaire Antrix est de retour devant la cour d’appel. Après avoir donné lieu à un très remarqué arrêt de cassation (Civ. 1re, 4 mars 2020, n° 18-22.019, Dalloz actualité, 4 mai 2020, note J. Jourdan-Marques ; ibid. 3 juill. 2020, obs. L. Jandard ; D. 2020. 608 image ; ibid. 2484, obs. T. Clay image ; RTD civ. 2020. 617, obs. H. Barbier image ; JDI 2021. 612, note C. Debourg ; Procédures 2020, n° 6, p. 23, obs. L. Weiller ; JCP E 2020, n° 42, p. 23, note P. Casson), la cour d’appel de Paris est à nouveau saisie du dossier (Paris, 28 juin 2022, n° 20/05699). La première question à trancher, qui a fait l’objet de tout le débat à l’occasion du pourvoi, est celle de la recevabilité des griefs.

Dans cette affaire, la clause compromissoire est mal rédigée et laisse planer un doute sur la volonté des parties de se soumettre à un arbitrage CCI ou un arbitrage CNUDCI. Cette alternative a cristallisé la discussion, le demandeur ayant saisi la CCI et le défendeur s’y opposant. Afin de faire valoir sa position, le défendeur a adopté deux positions distinctes. Dans un premier temps, il a protesté, auprès de la CCI, contre le caractère institutionnel de l’arbitrage, en invoquant que le choix d’un tel arbitrage ne peut être réalisé par le seul demandeur. En dépit de ses objections, la Cour internationale d’arbitrage de la CCI a procédé à la désignation des arbitres. Dans un second temps, il a contesté la compétence du tribunal arbitral en soutenant que la clause compromissoire, en ce qu’elle fait référence à deux règlements d’arbitrage sans fixer les modalités de choix entre eux, est pathologique. À défaut d’accord préalable des parties, elle est donc inapplicable, ce qui prive le tribunal de pouvoir juridictionnel. Le tribunal arbitral n’y a pas fait droit.

Devant les juridictions françaises, la question est de savoir si cette argumentation peut être avancée sur le fondement de la constitution irrégulière du tribunal arbitral plutôt que sur celui de la compétence. La Cour de cassation a tranché positivement cette question et jugé que « l’invocation par la société Antrix, devant le tribunal arbitral, du caractère pathologique de la clause prévoyant une procédure d’arbitrage conduite conformément aux règles et procédures de la CCI ou de la CNUDCI emportait nécessairement contestation de la régularité de la composition du tribunal arbitral, constitué sous l’égide de la CCI, dès lors que l’option alternative du choix des règles de la CNUDCI offerte par la clause impliquait un arbitrage ad hoc, exclusif d’un arbitrage institutionnel, de sorte que l’argumentation soutenue devant le juge de l’exequatur, selon laquelle la clause d’arbitrage viserait un arbitrage ad hoc sans intervention de la CCI dans la désignation du tribunal arbitral, n’était pas contraire à celle développée devant celui-ci ». Dans le renvoi après cassation, la cour d’appel s’aligne sur cette analyse. Certes, elle reprend, dans un premier temps, une formule qui a justifié l’irrecevabilité du grief par le premier arrêt d’appel (Paris, 27 mars 2018, n° 16/03596, Gaz. Pal. 2019, n° 11, p. 39, obs. D. Bensaude) : « c’est au regard de l’argumentation développée devant les arbitres, et non des péripéties procédurales antérieures ou parallèles à l’instance arbitrale, qu’il convient d’apprécier si une partie est réputée avoir renoncé à se prévaloir d’une irrégularité ». Elle ajoute toutefois que « cette présomption ne peut résulter de la seule qualification retenue par le tribunal de l’argumentation faite devant lui. En outre, si une renonciation est alléguée, encore faut-il qu’elle ne soit pas équivoque ».

Ainsi, la cour d’appel de Paris ne renie pas sa doctrine, mais l’infléchit pour respecter les injonctions de la Cour de cassation. Pour motiver sa solution, la cour prend en considération le comportement de la société Antrix devant l’institution, devant les juridictions indiennes, mais aussi devant le tribunal arbitral. Dans une motivation très dense d’un point de vue factuel, la cour conclut que « la contestation de la régularité de la constitution du tribunal arbitral avait donc bien été soumise au tribunal quand bien même la société Antrix a ensuite articulé dans ce mémoire son argumentation sur la question de l’inefficacité de la clause, à défaut pour celle-ci de prévoir que le choix entre un arbitrage CCI et un arbitrage CNUDCI peut résulter unilatéralement de l’une des parties ou d’un accord complémentaire entre les parties ». Autrement dit, c’est une lecture plus souple des faits qui est réalisée par la cour d’appel, qui ne s’en tient pas à la stricte dénomination de l’argumentation soumise au tribunal arbitral pour juger de la recevabilité du grief. Cela lui permet de juger que « l’invocation par la société Antrix devant le tribunal arbitral du caractère pathologique d’une clause compromissoire emportait aussi contestation de la régularité de la composition du tribunal arbitral, ce dont le tribunal était aussi saisi ».

Faut-il tirer de cette solution des enseignements plus généraux ? Il est difficile d’être tranché. Cela dit, en permettant aux parties de ne pas être liées par leurs qualifications – ce qui est indispensable dans un arbitrage international où les concepts français ne sont pas toujours utilisés – et en refusant une renonciation équivoque, la cour fait un pas vers une appréciation plus souple. Néanmoins, elle reste attachée à l’exigence d’une argumentation soumise aux arbitres, invitant les parties à systématiquement réitérer leurs réserves pendant l’instance.

L’obstacle de la recevabilité étant franchi, il convient ensuite pour la cour d’appel d’examiner le bien-fondé du moyen. La clause litigieuse est ainsi rédigée : « la procédure d’arbitrage sera conduite conformément aux règles et procédures (rules and procedures) de la CCI (Chambre de commerce internationale) ou de la CNUDCI ». Le requérant soulève principalement deux arguments à l’encontre de cette stipulation : d’une part, elle concerne la procédure, à l’exclusion de la nomination des arbitres et, d’autre part, elle nécessite un accord des parties pour le choix des règles applicables à la procédure.

L’argumentation est écartée. La motivation de la cour, qui n’est pas sans rappeler celle retenue dans l’arrêt Vidatel (Paris, 26 janv. 2021, n° 19/10666, préc.) à propos de la recherche d’un effet utile du règlement d’arbitrage, est de nature à renforcer l’efficacité des procédures arbitrales. La cour estime qu’« il [lui] appartient […] d’interpréter la clause, guidée par un principe de cohérence et d’utilité et privilégier une interprétation qui confère un effet à la clause dont l’objet est de tendre à la mise en place effective d’un arbitrage, afin d’éviter qu’une partie ne puisse se soustraire à ses engagements et remettre en cause son consentement à l’arbitrage ». Par cet attendu, la cour d’appel établit une hiérarchie très claire entre la volonté de recourir à l’arbitrage et ses modalités. Dès lors que la volonté est actée, les modalités doivent être lues avec suffisamment de souplesse pour garantir la mise en œuvre de l’arbitrage. Partant, elle juge, à propos du premier argument du requérant, que « considérer que cet alinéa doit être lu, au regard notamment de son emplacement, comme cantonnant l’application du Règlement CCI à la seule conduite de la procédure d’arbitrage, après seulement la désignation des arbitres par les seules parties, conduit à privilégier une interprétation restrictive de la clause qui ne permet pas d’en donner une pleine efficacité ». Elle ajoute, à propos du second argument, que « le fait que cette clause n’impose pas qu’un accord soit conclu entre les parties préalablement à l’exercice de l’option, ne signifie pas que celle-ci ne serait pas efficace, mais conduit à considérer que les parties ont considéré que cette clause impliquait qu’à défaut de précision sur ce point, le choix était laissé à la partie la plus diligente, l’autre partie consentant à s’y soumettre ayant dès le départ accepté l’une ou l’autre des modalités ».

En définitive, l’arrêt Antrix trouve un équilibre que l’on peut juger très satisfaisant. Dans un premier temps, la cour d’appel s’est écartée d’une vision restrictive de la recevabilité du grief, pour accueillir un débat qui, s’il a pris des formes et une coloration juridiques variables, n’a jamais cessé d’exister. Dans un second temps, elle adopte une lecture finaliste de la clause compromissoire afin d’éviter que ses imperfections soient utilisées pour en paralyser les effets. Cette approche mérite approbation.

3. Le respect de la mission

L’arrêt Pizzarotti (Paris, 17 mai 2022, n° 20/15162) mérite quelques mots sur la question du respect par les arbitres de leur mission. Plusieurs moyens sont soulevés par le requérant, souvent couplés avec une violation du contradictoire ou de l’ordre public. Premièrement, la cour juge que les arbitres ne violent pas leur mission pour avoir pris en compte dans leur sentence de nouveaux éléments soumis par une partie au soutien de sa demande, alors qu’une ordonnance de procédure leur a imposé de se limiter à répondre aux demandes reconventionnelles. Pour admettre cette solution, la cour constate que les arbitres ont examiné la demande d’irrecevabilité formulée par le défendeur à propos de cette nouvelle argumentation, qu’ils ont explicitement indiqué qu’ils en examineraient la « force probante » et ont laissé suffisamment de temps au défendeur pour en débattre. Deuxièmement, en matière de demandes nouvelles après la conclusion de l’acte de mission, la cour juge que le règlement CCI n’impose pas une décision formelle d’admission de celles-ci. Le tribunal est libre de statuer sur cette question dans sa sentence. Troisièmement, la cour rappelle que le moyen tiré d’une clause préalable de règlement amiable constitue une question relative à la recevabilité des demandes, qui n’entre pas dans le champ de la mission de l’arbitre.

Dans l’affaire Rusoro, la difficulté au cœur du débat porte sur l’évaluation du préjudice par les arbitres (Paris, 7 juin 2022, n° 21/10427). En principe, cette question échappe au contrôle du juge de l’annulation. Néanmoins, dans cette affaire, les parties se sont accordées sur une méthode d’évaluation du préjudice, qui doit conduire à rechercher la « juste valeur de marché ». En l’espèce, la cour mène une analyse superficielle en observant la démarche du tribunal arbitral pour vérifier s’il a recherché la « juste valeur de marché » exigée par les parties. Convaincue par l’identification de certains passages allant en ce sens, elle juge qu’il « ressort de ces énonciations que le tribunal arbitral ne s’est ainsi pas écarté de la mission qui lui a été confiée de déterminer la “juste valeur de marché” de l’entreprise, mais qu’il a choisi pour déterminer cette juste valeur de s’en remettre à trois méthodes d’évaluation combinées ».

La démarche est à peu près équivalente concernant la date d’évaluation du préjudice relatif à l’expropriation. La cour considère qu’il « ne peut être reproché au tribunal d’avoir méconnu l’accord des parties sur la date d’évaluation de l’expropriation, et ce quand bien même il a pu prendre en compte des paramètres antérieurs à celle-ci ».

Dans un cas comme dans l’autre, il est flagrant que la cour ne souhaite pas entrer dans le débat. Son analyse ressemble à celle adoptée en matière de contrôle du respect par l’arbitre de ses pouvoirs d’amiable compositeur. Si la cour d’appel ne se limite pas à la recherche de certains mots magiques, elle n’envisage pas de substituer son appréciation à celle du tribunal arbitral. Si l’équilibre est délicat à trouver, il est certain que l’évaluation du préjudice relève du cœur du litige et que le principe de non-révision au fond doit s’appliquer. L’identification de certaines contraintes imposées par les parties aux arbitres ne doit pas servir de prétexte pour tenter de remettre en cause ces principes. À ce titre, le travail réalisé par la cour d’appel est pleinement satisfaisant et assure un équilibre bienvenu.

C’est encore une difficulté relative à la mission qui est à l’origine de l’arrêt Bluestone (Paris, 28 juin 2022, n° 20/17927). Il est reproché au tribunal arbitral de ne pas avoir respecté sa mission de détermination de la valeur d’un actif, alors que c’est ce qui lui était demandé par les parties. Selon le demandeur, il est unanimement constaté que cet actif a au moins une certaine valeur. En conséquence, le tribunal arbitral ne peut pas rejeter la demande, même pour insuffisance de preuve. La cour ne retient pas cette analyse. Elle constate que la question de la charge de la preuve est bien dans le débat et que la mission du tribunal arbitral n’est pas limitée à l’évaluation d’un actif. Implicitement, la cour refuse de retirer à l’arbitre une partie de son pouvoir juridictionnel et d’en faire un simple tiers évaluateur. La plénitude de sa juridiction l’autorise à vérifier le bien-fondé des prétentions d’une partie et, le cas échéant, de les rejeter faute de preuve.

4. La violation du contradictoire

L’obligation imposée aux arbitres de respecter le contradictoire est souvent l’objet de discussions lorsque la sentence révèle un raisonnement riche qui peut, parfois, surprendre les parties dans le cheminement utilisé. Il est alors nécessaire de faire le tri entre ce qui révèle une véritable violation du contradictoire et ce qui est indifférent. L’arrêt Aersud, sur lequel nous resterons bref, apporte quelques précisions (Paris, 21 juin 2022, n° 21/00473, le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours). La cour rappelle les principes cardinaux en la matière : « le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débat contradictoire. De plus, si le tribunal arbitral n’est pas tenu de soumettre au préalable l’argumentation juridique qui étaye sa motivation aux parties, celui-ci ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit non invoqués ». Après avoir exposé la motivation du tribunal arbitral, la cour juge « qu’aucun des motifs décisoires contenus dans ces paragraphes rejetant la demande en paiement ne fait référence à des éléments qui n’auraient pas été débattus, relatifs notamment à la licéité de la clause de résiliation, seule la section D) de la sentence, dont l’arbitre lui-même note qu’elle est surabondante, portant sur la faculté unilatérale pour les défendeurs de cesser le paiement et de résilier le contrat ». Elle ajoute, dans une synthèse éclairante, que « les motifs critiqués n’ont, au mieux, qu’enrichi la sentence d’éléments complémentaires ». Elle conclut en ajoutant que « la référence à une jurisprudence de la Cour de cassation du 20 novembre 2019, ou la référence à l’ordre public transnational font partie du raisonnement juridique de l’arbitre qui n’a pas à être débattu préalablement par les parties ». Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt. D’une part, la référence aux « motifs décisoires », nouvelle à notre connaissance, constitue une piste sérieuse pour réaliser une distinction entre ce qui peut conduire à une annulation et ce qui ne peut pas être retenu. D’autre part, les références juridiques ajoutées par l’arbitre pour enrichir son raisonnement n’ont pas à être débattues.

Une autre affaire attire l’œil du lecteur et permet de se rendre compte que, à côté de l’arbitrage international pour lequel le cadre est plutôt clair, il existe des pratiques beaucoup plus folkloriques de l’arbitrage. L’arrêt Les serres du Mont Saint Michel (Paris, 31 mai 2022, n° 20/15799) nous propose de découvrir l’institution « CIMEDA », dont la première valeur mentionnée par la charte éthique est la… convivialité (on attend impatiemment que la devise de l’arbitrage « liberté, égalité, efficacité » devienne « liberté, égalité, convivialité », v. T. Clay, « “Liberté, égalité, efficacité” : la devise du nouveau droit français de l’arbitrage. Commentaire article par article (Première partie) », JDI 2012. 444) !

Pour le plaisir des yeux, et parce que cette chronique est déjà bien trop longue, nous proposons au lecteur une reproduction de la clause type proposée par l’institution : « Devant la Cour internationale de médiation et d’arbitrage de l’association mondiale de médiarbitrage et, conformément à sa procédure de médiarbitrage, dans une première phase de médiation, les parties devront tenter de résoudre à l’amiable tous conflits découlant du contrat ou en relation avec celui-ci ainsi que les rapports ou les effets juridiques qui lui sont liés directement ou indirectement ou ayant trait à un acte illicite opposant les parties. Dans une seconde phase, consécutive à la phase précédente et quelle que soit l’issue de la première phase de médiation, l’arbitrage tranchera définitivement le litige. La Cour internationale de médiation et d’arbitrage applique son Règlement international de médiarbitrage auquel les parties se réfèrent, à l’exclusion de tous autres tribunaux. Le Conseil de délibéré se tiendra à Genève ou Paris. Selon le Règlement international de médiarbitrage, le Conseil de délibéré sera composé d’au moins trois (3) juges-médiateurs. Convient, à la demande des parties, que la Cour internationale de médiation et d’arbitrage statuera avec les pouvoirs d’amiable compositeur. La sentence arbitrale de la Cour internationale de médiation et d’arbitrage est définitive ». Il y a beaucoup à dire sur cette clause. On soulignera simplement, avec une certaine gourmandise, que le « Conseil de délibéré » auquel la clause fait référence ne figure à aucun endroit du règlement de l’institution…

Surtout, le fonctionnement de cette institution laisse songeur. À la lecture du règlement et de l’arrêt, la distinction entre la cour et le tribunal arbitral n’est pas claire au sein de cette institution. On découvre que, dans cette affaire, la sentence est rendue au nom de l’institution qui, tout en se prononçant sur le fond, rejette les demandes de récusation. Plus encore, alors que la sentence est rendue au nom de l’institution, on apprend que le représentant légal d’une des parties n’est autre que le vice-président de l’institution.

Les problèmes de fonctionnement de cette institution sont tellement flagrants que le lecteur peut finir par se demander la raison pour laquelle cet arrêt est évoqué dans la rubrique relative au contradictoire. La raison est simple : c’est le seul grief qui est invoqué contre la sentence ! Fort heureusement, il y a matière à annulation sur ce fondement. La cour juge qu’« il ne résulte d’aucun élément produit aux débats [que la partie] a été informée, suite à l’achèvement de la médiation, de la mise en œuvre de la procédure d’arbitrage ». Bref, la sentence subit le sort qu’elle mérite.

Avec une telle institution, on peut au moins espérer une procédure bon marché. Que nenni. Pour un litige à 30 000 000 €, il vous en coûtera 105 000 € de frais administratifs et… 1 400 000 € d’honoraires des arbitres ! La qualité (et la convivialité), ça se paie…

5. L’ordre public

a. L’ordre public international

i. La renonciation à l’ordre public de protection

On sait depuis longtemps que l’ordre public de fond n’est pas susceptible de renonciation, contrairement à l’ordre public procédural ou de protection (encore récemment, v. Paris, 22 févr. 2022, n° 20/05869, Dalloz actualité, 20 mai 2022, obs. J. Jourdan-Marques). En revanche, la question est plus délicate lorsque certains éléments sont dans le débat devant l’arbitre, sans faire l’objet d’une articulation précise. C’est à cette question que l’arrêt Aersud répond, sur laquelle nous resterons concis (Paris, 21 juin 2022, n° 21/00473, le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours). La cour rappelle le principe selon lequel l’article 1466 du code de procédure civile « ne vise pas les seules irrégularités procédurales, mais tous les griefs qui constituent des cas d’ouverture du recours en annulation des sentences, à l’exception des moyens tirés de ce que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence violerait l’ordre public international de fond ». Elle constate ensuite que « la question du déséquilibre significatif et de la validité de la clause 4.4.5 du contrat a été posée par la société Aersud […] et les sociétés Airbus y ont répondu » et que les arbitres y ont répondu. La cour en conclut que c’est au regard de cette argumentation sur les clauses du contrat, même si le demandeur à l’arbitrage n’a formulé aucune demande à ce titre, et même s’il n’est fait référence dans la sentence à l’article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce que dans une note de bas de page, qu’il convient de considérer qu’aucune renonciation à se prévaloir d’un déséquilibre significatif ne peut résulter de ces éléments, ce grief ayant été débattu par les parties, même si elles ne s’en sont pas prévalues pour fonder leurs demandes ». Ce faisant, la cour adopte une démarche permissive quant à l’invocation des moyens d’ordre public susceptibles de renonciation. Elle semble adopter une logique proche de celle retenue en matière de compétence avec l’arrêt Schooner. Certes, il faut que le moyen tiré de l’ordre public de protection ait été évoqué d’une façon ou d’une autre, mais une fois cet élément acquis, il est possible de faire évoluer son argumentation devant la cour d’appel.

ii. L’ordre public étranger

L’arrêt MK Group est à l’origine d’une nouvelle ère en matière de contrôle de l’ordre public international (Paris, 16 janv. 2018, n° 15/21703, MK Group, Paris, 16 janv. 2018, n° 15/21703, D. 2018. 1635 image, note M. Audit image ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2018. 401, note S. Lemaire ; JDI 2018. Comm. 12, note S. Bollée ; ibid. Comm. 13, note E. Gaillard). En acceptant d’intégrer dans l’examen du juge du recours une loi de police étrangère, il a ouvert la voie à une multiplication des recours fondés sur des dispositions étrangères. C’est encore le cas dans l’arrêt Aktor (Paris, 31 mai 2022, n° 20/17978, préc.). La situation est originale, puisque c’est un traité qui est invoqué au soutien du moyen fondé sur l’ordre public international.

Dans cette affaire, un accord entre un établissement public albanais et la Banque islamique de développement a été conclu. La question est alors de savoir si les allégations de violation de cet accord (qui relève du domaine des traités) par les arbitres sont susceptibles de faire l’objet d’un examen à travers le fondement de l’ordre public international. Pour le requérant, « la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait de nature à exposer l’Albanie à la violation de ces accords internationaux et entérinerait la violation des principes de primauté des accords internationaux et de respect de l’ordre public, reconnus comme essentiels tant par l’Albanie que par la France ».

Le moyen est finement présenté. En soulignant la préoccupation commune de la France et de l’Albanie de respecter leurs engagements internationaux, le requérant tend un bel hameçon à la cour. Elle ne s’y laisse pas prendre. Elle juge que « le contrôle par le juge de l’annulation du respect de l’ordre public international, n’a pas vocation à permettre d’apprécier le respect par l’Albanie de ses propres engagements qu’elle qualifie en l’espèce d’internationaux ». Juger l’inverse aurait entraîné le juge de l’annulation sur une pente très glissante. Surtout, il est loin d’être acquis que, même pour la France, tout ce qui relève d’un engagement international puisse intégrer l’ordre public international (on pense au droit dérivé de l’Union). Par conséquent, la solution retenue est justifiée.

iii. Le déséquilibre significatif

Le déséquilibre significatif est-il une loi de police en droit de l’arbitrage ? Dans l’arrêt Aersud, la cour d’appel de Paris laisse la question en suspens (Paris, 21 juin 2022, n° 21/00473, le lecteur est informé que le rédacteur de cette chronique a été impliqué dans le recours). Pour rejeter le recours, plutôt que d’écarter une qualification de loi de police, la cour constate que l’arbitre n’a donné effet à aucune clause illicite. Elle considère que pour rejeter la demande de paiement du requérant, l’arbitre s’est fondé sur des indices de corruption plutôt que sur des clauses contractuelles, pour lesquelles le caractère déséquilibré ne fait l’objet d’aucune demande. Elle conclut en soulignant qu’il « ne peut être soutenu qu’il aurait dû annuler d’office le contrat ou la clause de résiliation unilatérale en application de ce texte, ce qui reviendrait à contrôler la motivation de l’arbitre sous couvert de la qualification de loi de police invoquée et à faire rejuger au fond la demande, la nature de loi de police de l’article susrappelé, à la supposer établie, étant en en tout état de cause sans incidence sur la solution retenue par l’arbitre au visa des “red flags” ». En somme, la cour d’appel mêle deux arguments pour écarter le grief : d’une part, que l’arbitre a raisonné sur la corruption plutôt que sur les clauses contractuelles pour rejeter la demande de paiement ; d’autre part, que l’arbitre n’est pas saisi d’une demande relative à la validité ou à la résiliation du contrat au regard des textes sur le déséquilibre significatif. Partant, elle ne constate aucune violation caractérisée de l’ordre public international.

iv. Les procédures collectives

Depuis toujours, la question de l’articulation des procédures collectives avec l’arbitrage est une question complexe qui emporte des conséquences radicales. La cour d’appel fait œuvre de pédagogie dans l’affaire Vergnet (Paris, 28 juin 2022, n° 21/03765) et rappelle les principes acquis, mais le plus souvent méconnus. Elle rappelle que « le contrôle exercé par le juge de l’annulation pour la défense de l’ordre public international ne vise cependant pas à s’assurer que le tribunal arbitral a correctement appliqué des dispositions légales, fussent-elles d’ordre public, mais s’attache vérifier qu’il ne résulte pas de la reconnaissance ou de l’exécution de la sentence une violation caractérisée de l’ordre public international ». Ainsi, ce n’est pas tant le respect scrupuleux des dispositions techniques des procédures collectives qui est attendu, mais la conformité aux grands principes. Parmi eux, la cour rappelle le principe essentiel : « le principe d’arrêt ou de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite relève de l’ordre public international ». Cela dit, la portée exacte de ce principe n’est pas toujours claire. C’est en cela que l’arrêt Vergnet fait œuvre utile. Il rappelle que « ce principe interdit, après l’ouverture de la procédure collective, la saisine du tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, sans qu’il se soit soumis, au préalable, à la procédure de vérification des créances ». Cette règle soulève une épineuse question de date, afin de déterminer si la saisine du tribunal arbitral est antérieure ou postérieure à la procédure collective. Pour contourner l’obstacle, la cour d’appel souligne une seconde conséquence du principe de suspension des poursuites individuelles : « De même, les instances en cours à la date du jugement d’ouverture sont suspendues jusqu’à ce que le créancier ait déclaré sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et, le cas échéant, l’administrateur dûment appelés, mais ne peuvent tendre en tout état de cause qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ». De cette seconde branche du principe, résulte une interdiction pour le tribunal arbitral de prononcer une condamnation du débiteur. C’est ce qui n’a pas été fait en l’espèce par le tribunal arbitral, raison pour laquelle l’exequatur de la sentence est refusé.

En définitive, l’arrêt Vergnet est très utile pour se rappeler des principes cardinaux à suivre en présence d’une procédure collective. D’une part, pas de saisine du tribunal arbitral postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective sans procédure de vérification des créances. La difficulté, dans ce cas de figure, réside dans l’identification de la date de saisine du tribunal arbitral, entre la date de la demande d’arbitrage et celle à laquelle le tribunal arbitral est constitué. D’autre part, après la déclaration de la créance par le créancier, la procédure arbitrale peut avoir pour objet unique la constatation et la fixation de la créance. En revanche, le tribunal arbitral doit se garder de faire figurer une condamnation dans son dispositif.

b. L’ordre public interne

Contrairement à l’ordre public international, l’ordre public interne attire rarement les regards. S’il est admis que le second est plus large que le premier, en ce qu’il inclut des règles qui ne figurent pas dans l’ordre public international, la question de la nature de l’examen reste mystérieuse. Un arrêt SODIPI de la formation interne (Paris, 17 mai 2022, n° 20/05576) apporte une contribution intéressant à cette discussion. Le litige est relatif à un contrat de franchise. Le contrat contient en son sein une clause prévoyant un droit d’entrée différé et une clause de non-réaffiliation. La validité de ces clauses a été contestée devant les arbitres, en particulier sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce, mais également de l’article L. 442-6, I du même code.

Pour commencer, la cour rappelle les principes applicables à l’occasion d’un examen de la conformité d’une sentence à l’ordre public interne. Elle souligne que « le constat que l’arbitre a violé une règle d’ordre public ne peut être retenu par le juge de l’annulation que si la solution qui en résulte heurte l’ordre public. Le juge de l’annulation n’a pas le pouvoir de contrôler le contenu de la motivation de la sentence ni de procéder à sa révision au fond. Le contrôle du respect des règles d’ordre public doit être mené à partir des éléments de fait et de droit retenus par les arbitres dans leur sentence compte tenu de ce qui a été plaidé devant eux, la cour saisie d’un recours en annulation, n’étant pas le juge du procès qui s’est déroulé devant le tribunal arbitral ».

La première observation que l’on peut formuler, c’est que les attendus diffèrent entre la matière interne et la matière internationale. Alors que l’on se situe après l’arrêt Belokon et la consécration de la violation caractérisée (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 17-17.981, Dalloz actualité, 10 mai 2022, obs. V. Chantebout ; D. 2022. 660 image ; Gaz. Pal. 2022, n° 15, p. 11, obs. L. Larribère), que les défendeurs invitaient la cour à rechercher une « violation manifeste, effective et concrète » de l’ordre public, la cour d’appel ne fait aucune référence à ces méthodes. De plus, si la cour accepte de réaliser un examen « de fait et de droit », elle le limite aux éléments « qui [ont] été plaidé devant [les arbitres] », ce qui constitue encore une potentielle divergence avec l’ordre public international.

Ensuite, la façon de réaliser l’examen s’éloigne de la logique retenue par la chambre internationale. La cour s’intéresse uniquement à la démarche des arbitres. Elle constate qu’ils se sont prononcés sur la compatibilité des clauses aux dispositions invoquées et qu’ils ont décidé de réduire, en équité, les montants alloués afin d’écarter toute restriction de concurrence. Partant, la cour d’appel juge que les requérants, en reprenant les moyens développés devant les arbitres, demandent « à la cour de vérifier la pertinence du raisonnement juridique par lequel les arbitres se sont prononcés sur la question dont ils étaient saisis […] et ce faisant d’exercer un contrôle au fond de la sentence qui échappe au juge de l’annulation ». Ce choix de s’intéresser à la solution des arbitres, plutôt que d’y substituer sa propre analyse, est révélateur d’une approche distincte. Elle repose sur l’observation de la réalisation par les arbitres d’un contrôle, puis par la confiance dans leur jugement. Cette démarche est confortée par le rappel selon lequel le juge de l’annulation n’exerce pas un contrôle au fond de la sentence, motivation qui n’est pas de pure apparence.

En somme, on sent bien que la démarche n’est pas identique entre le contrôle de l’ordre public interne et l’ordre public international. Cela dit, on peut se demander si la différence de fondement justifie vraiment, en l’espèce, la différence de démarche. Il fait peu de doute que l’article 420-1 du code de commerce, qui porte sur une pratique anticoncurrentielle, tombe également sous le coup de l’ordre public international. Dès lors, il n’est pas exclu que les différentes formations de la 5-16 ne soient pas en phase pour contrôler l’ordre public.

VI. Le recours en annulation du recours en révision

L’articulation des différents recours contre la sentence n’est pas toujours évidente. D’une part, le plaideur peut se trouver en position de choix entre l’exercice d’un recours en annulation ou d’un recours en révision. Sur ce point, la jurisprudence ne s’est jamais prononcée, à notre connaissance, sur le caractère alternatif ou cumulatif des deux. Simplement, il ne faut pas oublier que le choix de l’un n’interrompt pas le délai pour exercer l’autre. À ce titre, il peut être pertinent de former les deux en même temps.

Une fois le choix du recours en révision fait, la voie du recours en annulation s’ouvre à nouveau. En effet, la décision de l’arbitre rendue à l’issue d’un recours en révision est bien une sentence (on notera que, de façon discutable, la cour a refusé de qualifier de sentence une décision de l’arbitre se prononçant favorablement sur le bien-fondé du recours et acceptant de rétracter la sentence, v. Paris, ord., 30 juin 2020, n° 19/12440, Libye, Dalloz actualité, 29 juill. 2020, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image). Par conséquent, elle est susceptible de recours. Sur quoi porte ce recours en annulation ? En toute logique, il porte sur la sentence en révision, et non sur la sentence d’origine. C’est ce que met en lumière un arrêt Hydro (Paris, 31 mai 2022, n° 20/06119), qui souligne que l’acte de mission conclu dans la première instance ne peut fonder un examen du juge pour examiner la sentence en révision. Il en va de même pour une violation du principe de la contradiction, si le grief porte sur une circonstance résultant de la première instance.

Néanmoins, l’arrêt soulève une autre difficulté intéressante. L’article 595 du code de procédure civile prévoit plusieurs cas d’ouverture du recours en révision. Le tribunal arbitral est-il tenu de tous les examiner, quand bien même le recourant ne s’est fondé que sur l’un d’entre eux. La réponse est logiquement négative. La cour retient qu’il n’appartient pas au tribunal arbitral « d’examiner cette demande fondée autrement que sur le paragraphe 1 de l’article 595 du code de procédure civile ni en quoi il appartenait aux arbitres de le relever d’office ». La question peut d’ailleurs rebondir sur le point de savoir si les parties ont la faculté, dans le cadre du recours en annulation, de se fonder sur un moyen différent de celui présenté à l’arbitre. La réponse semble toutefois devoir être négative, dès lors que la cour refuse de voir dans la décision de réouverture une question de compétence (Paris, 1er déc. 2020, n° 17/22735, Tecnimont, Dalloz actualité, 4 févr. 2022, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2484, obs. T. Clay image).

Chronique d’arbitrage : CJUE [I]versus[/I] CEDH, la bataille pour l’arbitrage a commencé

Les États sont-ils en train de perdre la main sur leur droit de l’arbitrage ? Avec la multiplication récente des interventions des cours européennes, l’arbitrage éprouve une forme de fondamentalisation. De ce mouvement, l’arbitrage pourrait sortir affaibli… ou renforcé !

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L’action en contribution au passif et le sort des cautions associées

La proximité entre le droit des sûretés et le droit des obligations est particulièrement perceptible dans certaines facettes particulières des garanties à disposition du créancier (P. Delebecque et P. Simler, Droit civil. Les sûretés, 7e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2016, p. 13, n° 9). Mais les comparaisons ne s’arrêtent pas là : au sein même du cautionnement personnel, la place du régime général des obligations reste de choix puisqu’elle permet de mieux comprendre comment la dette de la caution s’éteint notamment. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 juillet 2022 insiste sur la distinction entre l’obligation du débiteur principal et celle de la caution, ce qui permet de retrouver de belles problématiques de droit des sociétés, de procédure civile et de droit des obligations entremêlées. Rappelons les faits ayant donné lieu au pourvoi pour mieux comprendre la portée de cet arrêt à la croisée des chemins.

Un établissement bancaire consent à une EARL plusieurs concours financiers garantis par les cautionnements des fondateurs de celle-ci. L’EARL est plus tard transformée en société civile d’exploitation agricole (une SCEA). Sont entrées dans le capital, dans cette optique, deux nouvelles sociétés tandis que les fondateurs initiaux restaient détenteurs de 29 % des parts du capital social. La société agricole est mise en redressement judiciaire par jugement publié le 8 juin 2003. La banque a donc assigné ses deux garants en leur qualité de caution. Par une décision devenue irrévocable, les cautions ont été condamnées à payer diverses sommes à l’établissement bancaire. Mais la banque a également été condamnée à payer à l’un des fondateurs de la société une certaine somme de dommages-intérêts d’un montant égal à celui au paiement duquel il était condamné en sa qualité de caution. Par assignation du 11 octobre 2007, les deux associés cautions ont demandé sur le fondement de l’article 1857 du code civil la condamnation des deux sociétés entrées en capital tardivement à leur payer des sommes correspondantes au montant des dettes dont la SCEA était tenue à l’égard du créancier, et ce à due concurrence de la participation des sociétés dans le capital de ladite société. Par assignation en intervention forcée du 7 mai 2008, l’une des deux sociétés entrées en capital appelle en garantie la banque, laquelle a notifié des conclusions par lesquelles elle demandait la condamnation de tous les associés de la SCEA au titre de l’article 1857 du code civil. La cour d’appel saisie déclare recevable la demande formée par la banque. Les juges du fond condamnent les deux associés à payer à la banque la somme de 110 957,77 € pour la cofondatrice et 246 572,85 € pour le cofondateur.

Les deux associés forment un pourvoi reprochant deux griefs distincts : le premier est tiré de la prescription des demandes de la banque. Le second s’intéresse à l’action en contribution au passif. L’arrêt du 6 juillet 2022 aboutit à un rejet du pourvoi sur ces deux moyens distincts. Nous allons examiner pourquoi il faut accueillir cette décision avec bienveillance en étudiant successivement la question de la prescription et celle de la compensation.

Interruption de la prescription et intervention forcée

La question de l’interruption de la prescription occupe une place centrale dans le contentieux civil si bien que tous les arrêts de la Cour de cassation promis aux honneurs du Bulletin s’y intéressant sont intéressants pour les praticiens. La décision du 6 juillet 2022 ne fait pas exception, notamment après une autre solution importante rendue en mai dernier que nous avons commentée dans ces colonnes (Com. 18 mai 2022, n° 20-23.204 P, Dalloz actualité, 23 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 992 image). Dans l’arrêt étudié aujourd’hui, l’argumentation des demandeurs au pourvoi résidait sur une donnée factuelle évoquée ci-dessus : la banque avait été appelée en garantie au présent contentieux par une intervention forcée de la société attraite par les associés. Or ces derniers déniaient tout lien d’instance en pareille situation. Le demandeur à l’action principale et le garant n’étaient pas, selon eux, en situation de lien d’instance propre à interrompre la prescription.

Le raisonnement a été purement et simplement refusé par les juges du fond qui ont considéré que l’intervention forcée avait conféré la qualité de partie à l’instance à la banque. Dès lors, cette dernière était parfaitement recevable à former des demandes contre toute partie à l’instance, dont les associés garants. La chambre commerciale ne trouve rien à redire à cette solution qui est respectueuse d’une lecture classique des règles communes de procédure civile en matière d’intervention forcée (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, p. 289, nos 361 s.). Le paragraphe 9 de l’arrêt rappelle utilement l’article 68 du code de procédure civile pour bien préciser que l’assignation forcée du 7 mai 2008 avait pu utilement conférer la qualité de partie à l’instance à la banque. Par conséquent, les premières conclusions du 5 juin 2008 mentionnant la demande de celle-ci avaient interrompu la prescription à l’égard des associés.

La solution permet de préserver le recours de la banque, appelée en garantie par la société à la suite de la mise en mouvement de l’article 1857 du code civil contre les sociétés entrées en capital. Une solution inverse aurait été peu compréhensible eu égard à la conception de l’intervention forcée qui permet d’intégrer une partie non assignée initialement dans le lien d’instance créé par l’acte introductif originel.

Le second moyen présentait une difficulté plus épineuse.

Contribution au passif et compensation

Les demandeurs au pourvoi avaient songé à un second moyen pour remettre en cause leur condamnation. Ils pensaient que la compensation, en tant qu’exception inhérente à la dette, emportait extinction de l’obligation principale garantie. Rappelons-nous de ce que nous avons évoqué au titre des faits : les fondateurs de la SCEA avaient été condamnés en qualité de cautions dans un jugement précédent devenu irrévocable mais le cofondateur avait bénéficié d’une condamnation de la banque du même montant que la somme à régler. Ce dernier invoquait alors la compensation dans cette nouvelle instance dédiée à l’action en contribution au passif.

Le raisonnement avait été balayé par les juges du fond qui avaient considéré que la compensation n’avait aucune utilité ici. Les indemnités dues à la caution en raison de la condamnation de la banque ne sauraient, en effet, avoir un quelconque lien avec la contribution au passif exercée par la banque. L’arrêt du 6 juillet 2022 vient rejeter le pourvoi. Il estime ce raisonnement parfaitement fondé en droit. Ceci vient utilement distinguer les deux contentieux successifs qui se sont enchaînés dans cette situation. Reprenons de manière synthétique :

• dans le premier contentieux opposant la banque et la caution, la compensation pouvait évidemment avoir une utilité : l’obligation de la seule caution diminuant alors à hauteur de la condamnation de la banque ;

• dans le second contentieux, c’est-à-dire celui de l’action en contribution au passif, la compensation n’a plus aucun intérêt. Cette dernière n’a, en effet, pas de lien avec l’obligation principale qui fonde le recours de la banque contre les associés. Les soldes impayés des prêts cautionnés pouvaient donc parfaitement être réclamés dans cette instance où la banque n’avait été qu’appelée en garantie et donc attraite en intervention forcée.

En somme, le piège se referme contre les associés : initialement demandeurs à l’action contre les sociétés entrées tardivement en capital, ils se retrouvent débiteurs envers la banque au titre des soldes impayés des prêts cautionnés. L’intérêt de la distinction entre les obligations du débiteur principal et de la caution conserve donc une force importante pour le créancier. Celui-ci conserve, en pareille situation, ses pleins recours eu égard à la situation de redressement judiciaire connue par la société. D’où l’on voit l’importance de pouvoirs jouer sur plusieurs tableaux.

L’action en contribution au passif et le sort des cautions associées

Dans un arrêt rendu le 6 juillet 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser le régime applicable à une action en contribution au passif exercée contre des associés cautions des dettes de ladite société. 

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La liberté d’expression d’un directeur de filiale et ses limites

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression. Partant, le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

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La dispense de mention des chefs critiqués, sous conditions, en cas d’indivisibilité de l’objet du litige

La dévolution opère des seuls chefs expressément critiqués, qui doivent être détaillés dans la déclaration d’appel, sauf lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, auquel cas la dévolution opère pour le tout. Mais même si l’objet du litige est indivisible, la déclaration d’appel doit faire référence à cette indivisibilité, faute de quoi elle n’emporte pas effet dévolutif.

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La dispense de mention des chefs critiqués, sous conditions, en cas d’indivisibilité de l’objet du litige

Une partie fait appel d’un jugement l’ayant condamnée à se séparer de ses coqs, sous astreinte, et au paiement de dommages et intérêts.

Le propriétaire de la basse-cour fait appel a minima, se contenant de mentionner sur l’acte d’appel que l’appel est « limité aux chefs expressément critiqués », sans autres précisions.

Pour tenter de sauver son appel mal engagé, l’appelant argue de l’indivisibilité du litige, estimant que la séparation des gallinacés et les dommages et intérêts étaient unis de manière indivisible par un lien de dépendance et de subordination.

La Cour de cassation refuse cette porte de sortie qui ouvrait la boîte de Pandore.

Le pourvoi est rejeté.

L’appel est « limité aux chefs du jugement critiqués »

L’appelant avait fait preuve d’une grande originalité et avait longuement réfléchi la rédaction de sa déclaration d’appel, avant de préciser que l’appel était « limité aux seuls chefs de jugement critiqué ».

Dès lors que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément » (C. pr. civ., art. 562), l’appel est nécessairement limité aux chefs du jugement critiqué, de sorte que cette précision sur l’acte d’appel était sans grand intérêt, et ne valait pas beaucoup mieux que le « appel total » que l’on rencontre encore trop souvent.

Si cette formule n’est pas exclue, en soi, la Cour de cassation souligne son insuffisance, puisque ces chefs devaient être détaillés.

Et là se pose une autre interrogation, à savoir jusqu’où doit aller le détail des chefs critiqués, étant relevé que ce terme ne nous semble pas habituellement usité.

Et ici encore, nous sommes amenés à nous interroger sur la portée de formules qui, pour n’être pas aussi imprécises et inutiles que celle dont il est question ici, ne nous paraissent pas d’une grande précision… faute de détail. Il s’agit de ces déclarations d’appel qui, reprenant le dispositif du jugement, mentionne que l’appel porte sur le « débouté de toutes les demandes ».

L’intimé qui reçoit un tel acte d’appel n’est pas beaucoup plus avancé que celui qui découvre, en lisant l’acte d’appel, qu’il porte sur les chefs de jugement critiqués.

Au risque de faire dire à cet arrêt davantage que ce qu’il dit, et d’y voir un message subliminal, nous serions tentés de comprendre que l’appelant doit être précis dans la rédaction de son acte d’appel, de manière à ce qu’il soit utile et permette tant à la cour d’appel qu’à l’intimé, de savoir précisément ce qui sera discuté en cause d’appel.

Pour cette raison, il nous paraît préférable, dans l’acte d’appel, de préciser les chefs de...

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Cette année encore, nous espérons que Dalloz actualité a répondu, au quotidien, à vos attentes. Si vous souhaitez profiter de cette pause pour nous faire part de vos suggestions, remarques et commentaires, vous pouvez nous écrire en utilisant la zone « La rédaction » en bas de la page d’accueil.

Nous reprendrons les publications dès le 5 septembre 2022, avec une édition qui signalera, notamment, les principaux textes parus au Journal officiel et au Journal officiel de l’Union européenne durant l’été.

Encore merci d’être toujours plus nombreux à nous lire.

Nous vous souhaitons d’excellentes vacances, sous le soleil, et serons ravis de vous retrouver à la rentrée !

Le renseignement et la surveillance continuent leur montée en puissance

Le rapport 2021 de la CNCTR (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement) montre que la surveillance administrative reste à un niveau important : près de 23 000 personnes ont fait l’objet d’au moins une technique de renseignement l’an dernier. Parallèlement, les possibilités légales de surveillance s’accroissent et la CNCTR se plaint des limites que connaît son contrôle.

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Le créancier face au formalisme de la lettre de contestation de créance

Pour faire courir le délai de trente jours au-delà duquel l’absence de réponse du créancier emporte interdiction de toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, la lettre adressée par ce dernier au créancier doit contenir un avertissement quant aux conséquences de son abstention par la reproduction de l’article L. 622-27 du code de commerce. Or, pour la Cour de cassation, cela doit également comprendre la mention selon laquelle l’absence de réponse du créancier n’a aucune incidence sur son droit d’exercer un recours ultérieur lorsque la discussion ne porte que sur la régularité de la déclaration de créance.

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Vendeur professionnel : absence d’exonération de garantie des vices cachés

Tenu de connaître les vices afférents au bien qu’il cède, le vendeur professionnel ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés. 

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Vendeur professionnel : absence d’exonération de garantie des vices cachés

Tenu de connaître les vices afférents au bien qu’il cède, le vendeur professionnel ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés. 

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 SYMBOLE GRIS