Compétence dans l’Union, responsabilité délictuelle et dommages-intérêts

L’arrêt de la première chambre civile du 15 juin 2022 met un terme à une affaire qui a déjà donné lieu au prononcé d’un arrêt de la même chambre le 13 mai 2020 et d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne le 21 décembre 2021.

Dans cette affaire, une société tchèque de production et de diffusion de contenus reprochait à un professionnel exerçant son activité en Hongrie d’avoir diffusé des propos dénigrants sur plusieurs sites et forums. Elle avait alors saisi un juge des référés en France, en demandant la cessation des actes de dénigrement ainsi que la réparation de ses préjudices économique et moral.

Le débat portait sur les conditions de mise en œuvre du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui prévoit, par son article 4, que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites devant les juridictions de cet État membre, et, par son article 7, point 2, que ces personnes peuvent également être attraites en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Par son arrêt du 13 mai 2020 (n° 18-24.850, Dalloz actualité, 7 juill. 2020, obs. F. Mélin ; D. 2020. 1114 image ; ibid. 2021. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; Légipresse 2020. 399 et les obs. image ; ibid. 2021. 291, étude...

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De la portée du réputé non écrit dans le contentieux des clauses abusives

Les renvois préjudiciels concernant les clauses abusives sont nombreux et ils donnent lieu à des arrêts toujours très instructifs sur la portée de la protection du dispositif selon la Cour de justice de l’Union européenne (v. par ex., CJUE 21 déc. 2021, aff.C-243/20, Dalloz actualité, 24 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 5 image). Le 8 septembre 2022, une nouvelle décision a été rendue dans la même veine en s’accompagnant d’un communiqué de presse finissant de signer son intérêt particulier. Elle concerne une question délicate, celle de la portée de la sanction des clauses abusives dans les droits nationaux. Hasard de calendrier, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision proche de cette thématique la veille de sa publication (Civ. 1re, 7 sept. 2022, n°Â 20-20.826, à paraître au Dalloz actualité ; D. 2022. 1557 image). Reprenons les faits ayant permis d’aboutir à cet arrêt du 8 septembre 2022 qui concernait, encore une fois, les prêts libellés en devise étrangère.

Des consommateurs concluent des contrats de crédit hypothécaire avec un établissement bancaire pour financer notamment des logements situés en Pologne. Les prêts sont enregistrés en francs suisses mais mis à la disposition des emprunteurs en zlotys polonais avec un cours d’achat du franc-suisse par rapport à la monnaie polonaise comme prix de conversion. Toutefois, lors du remboursement des mensualités, le prix de conversion correspond au cours de vente du franc-suisse par rapport au zlotys polonais. Les consommateurs saisissent la justice, et notamment le tribunal de Varsovie-Śródmieście en se fondant sur les dispositions issues du Code de la consommation concernant les clauses abusives. Dans ces différentes affaires, le tribunal de district de Varsovie-Śródmieście s’interroge s’il est possible pour une juridiction nationale de constater la nullité de la clause abusive et substituer à cette clause une disposition de droit national à caractère supplétif alors que le consommateur ne souhaite pas maintenir le contrat conclu. Est ainsi décidé de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne quatre questions préjudicielles disséminées dans les affaires où elle décide de surseoir à statuer. Ces questions sont assez proches les unes des autres, mis à part la dernière portant sur la prescription de la sanction des clauses abusives.

Nous les reproduisons ci-dessous pour plus de clarté pour le lecteur :

1°) Faut-il interpréter l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle de la législation nationale selon laquelle le juge constate le caractère abusif, non pas de l’intégralité d’une clause contractuelle, mais uniquement de la partie de la clause qui rend celle‑ci abusive, de sorte que la clause reste partiellement effective ?

2°) Faut-il interpréter l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle de la législation nationale selon laquelle le juge peut, après avoir constaté le caractère abusif d’une clause contractuelle sans laquelle le contrat ne saurait être exécuté, modifier le reste du contrat en interprétant les déclarations de volonté des parties afin d’éviter l’annulation du contrat, lequel est favorable au consommateur ? »

3°) Faut-il interpréter l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle de la législation nationale selon laquelle le juge peut, après avoir constaté le caractère abusif d’une clause contractuelle qui entraîne la nullité du contrat, compléter ce contrat par une disposition supplétive du droit national afin d’éviter l’annulation du contrat alors que le consommateur accepte la nullité du contrat ? »

4°) « L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d’équivalence, d’effectivité et de sécurité juridique doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle de la législation nationale selon laquelle l’action du consommateur tendant à obtenir la restitution de sommes indûment versées en exécution d’une clause abusive d’un contrat conclu avec un professionnel se prescrit par dix ans à compter de la date de chaque prestation exécutée par le consommateur, même lorsque ce dernier n’avait pas connaissance du caractère abusif de ladite clause ? »

Nous diviserons le commentaire en plusieurs thématiques, l’arrêt étant long de plus de cent paragraphes.

Le juge national et le caractère abusif d’une partie seulement de la clause

La première question posée dans l’affaire C-80/21 implique de se demander s’il est possible pour les juridictions nationales de ne pas anéantir la totalité de la clause abusive mais seulement une partie de celle-ci quand c’est seulement cette fraction qui présente le caractère illicite reproché. On perçoit immédiatement que la Cour de justice de l’Union européenne émet des réserves quant à la pratique de la révision judiciaire dans ce contexte. Le paragraphe n° 60 rappelle, en ce sens, qu’une telle faculté diminuerait drastiquement l’effet dissuasif qui s’exerce sur les professionnels « dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure du nécessaire, par le juge national, de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels ».

La Cour tempère en rappelant qu’elle a déjà jugé que le juge national peut supprimer l’élément abusif de la clause seulement quand l’effet dissuasif des clauses abusives est assuré par des dispositions législatives nationales qui en réglementent l’utilisation tant que cet élément consiste en une obligation contractuelle qui peut faire l’objet d’un examen « individualisé de son caractère abusif ». Mais la limite est immédiatement rappelée : le juge national ne peut pas supprimer uniquement l’élément abusif d’une clause lorsque la suppression aboutit à réviser le contenu de la clause en modifiant sa substance. En somme, la Cour de justice de l’Union européenne plaide pour une non-immixtion dans la sphère contractuelle en préférant la nullité pure et simple (en France, un réputé non écrit pour être exact eu égard à la transposition de la directive).

La réponse à la question préjudicielle est donc donnée au n° 64 de l’arrêt : le juge national ne peut pas constater le caractère abusif d’une partie de la clause quand une telle suppression aboutit à réviser la stipulation contractuelle et à changer son sens. La juridiction nationale devra vérifier ce point pour déterminer si elle peut annuler partiellement la clause, ce qui paraît extrêmement douteux dans le contentieux des prêts libellés en devise étrangère.

Le juge national et la substitution de la clause abusive par une disposition supplétive

Nous analyserons deux questions dans cette sous-partie qui est le point névralgique de l’arrêt.

Dans l’affaire C-81/21, le tribunal de district de Varsovie-Śródmieście interroge la Cour, en substance, sur la possibilité de constater la nullité de la clause abusive mais de sauvegarder le contrat dans son ensemble en substituant à la clause litigieuse une disposition de droit national supplétive. Dans cette situation, la Cour de justice rappelle qu’il est parfaitement possible de maintenir le contrat sans la clause litigieuse (la nullité n’est alors que partielle) au paragraphe n° 66 de l’arrêt. Mais elle en limite la portée : il faut que le contrat puisse subsister sans aucune autre modification que celle résultant dans la suppression de la clause abusive. Ceci rejoint les développements précédents.

La Cour de justice de l’Union évoque, au n° 67, la possibilité « exceptionnelle » de procéder à une substitution de la clause abusive par une disposition nationale quand le consommateur est exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables dont il pâtirait en raison de la nullité totale du contrat.

La réponse donnée est donc simple : à chaque fois que le contrat peut subsister sans les clauses abusives, il convient de ne pas leur substituer des dispositions nationales supplétives dont la portée est proche. Ceci permet, là-encore, de ne pas sacrifier la force obligatoire choisie par les parties sur l’autel du contrôle des clauses abusives outre mesure. Quand une clause abusive est détectée, elle est supprimée et le contrat survit sans ladite clause lorsqu’une telle survivance est possible. La substitution n’intervient que dans des cas exceptionnels qui sont d’une grande rareté en pratique puisqu’il est assez peu fréquent que le consommateur pâtisse de la disparition d’un contrat vicié par des clauses abusives. C’est toutefois tout à fait possible et la limite portée par la Cour est donc très justement rappelée.

Dans les affaires C-80/21 et C-81/21, il était question de la possibilité pour le juge , tout en annulant la clause abusive devant normalement entraîner la nullité du contrat entier par indivisibilité de substituer à cette clause soit une interprétation de la volonté des parties pour éviter l’annulation du contrat, soit une disposition de droit national à caractère supplétif quand le consommateur a été informé des conséquences de la nullité et en a accepté le principe.

La Cour rappelle donc la réponse précédemment apportée, notamment sur les circonstances exceptionnelles de la substitution de la clause abusive par une disposition légale supplétive et analyse le cas d’espèce sur les conséquences particulièrement préjudiciables (nos 71 à 78 de l’arrêt étudié). Ce n’est pas le cas dans les espèces analysées selon la Cour de justice mais il faudra le vérifier par la juridiction de renvoi.

C’est sur l’interprétation judiciaire par la volonté des parties que la Cour de justice fait preuve de plus de fermeté. Elle rappelle que celle-ci doit être purement et simplement exclue (n° 79). Pour en arriver à ce constat, elle rappelle que le mécanisme des clauses abusives ne fait que de tenir les magistrats comptables de la suppression des clauses sans pouvoir s’immiscer dans le contenu contractuel en le modifiant. La question montre à quel point les systèmes juridiques régis par les dispositions de l’Union peuvent être différents : là où la juridiction polonaise s’interroge, son pendant français n’aurait probablement même pas effleuré la question en raison de la détermination du contenu contractuel par les parties seules en France. Certes, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a permis de faire évoluer ce constat mais les solutions de révision judiciaire sont rares et strictement limitées (v. par ex. sur la genèse de l’introduction de la révision judiciaire pour imprévision : M. Latina et G. Chantepie, Le nouveau droit des obligations et des contrats - Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, p. 13, nos 16 s.).

En somme, voici donc une réponse simple : le juge ne peut pas substituer à la clause abusive une interprétation de la volonté des parties afin d’éviter l’annulation du contrat entier alors que le consommateur a accepté les conséquences de la nullité.

Sur la prescription de l’action visant à obtenir la restitution de sommes indûment versée

La juridiction polonaise s’était, enfin, demandée si la directive des clauses abusives s’oppose à une jurisprudence nationale selon laquelle le délai de dix ans de l’action visant à obtenir restitution des sommes indûment versées à un professionnel en raison d’une clause abusive commence à courir à la date de chaque prestation exécutée par le consommateur quand ce dernier n’était pas en mesure d’apprécier ledit caractère abusif ou quand il n’en avait pas connaissance. La question était particulièrement importante puisque le contrat avait une durée de remboursement de trente ans alors que la prescription n’était que de dix ans.

On comprend immédiatement le lien avec l’imprescriptibilité du réputé non écrit sanctionnant les clauses abusives en France que nous avons déjà eu l’occasion de rencontrer à de multiples reprises dans ces colonnes au sujet des arrêts de la Cour de cassation (Civ. 1re, 30 mars 2022, n° 19-17.996 FS-B<, Dalloz actualité, 4 avr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 974 image, note J. Lasserre Capdeville image ; RDI 2022. 382, obs. J. Bruttin image ; Rev. prat. rec. 2022. 31, chron. K. De La Asuncion Planes image ; RTD civ. 2022. 380, obs. H. Barbier image ; RTD com. 2022. 361, obs. D. Legais image). La Cour de justice rappelle donc, au n° 90 de son arrêt, sa jurisprudence BNP Paribas également commentée dans ces colonnes (CJUE 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19, Dalloz actualité, 9 juill. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 2288 image, note C. Aubert de Vincelles image ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; ibid. 574, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2021. 650, obs. J. Bruttin image ; RTD com. 2021. 641, obs. D. Legeais image). Mais la question est légèrement différente quand il s’agit d’une restitution des sommes indûment versée en raison de cette clause abusive.

On retiendra de l’argumentation de la Cour deux points essentiels : un délai de prescription peut être compatible avec le principe d’effectivité si et seulement si le consommateur a pu connaître ses droits avant que le délai ne commence à courir ou ne s’écoule entièrement (n° 98 de l’arrêt). La réponse se trouvait donc dans la question : puisque le consommateur ne connaissait pas le caractère abusif de la clause, il ne percevait pas que le délai de prescription s’écoulait. Le couperet tombe au n° 99 : « un tel délai rend, partant, excessivement difficile l’exercice des droits que ce consommateur tire de la directive 93/13/CEE et méconnaît, dès lors, le principe d’effectivité ».

Il faut bien rappeler que la Cour de justice ne sanctionne pas tout délai de prescription puisqu’elle estime que ce délai ne paraît aps de nature à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits conférés par la directive (n° 93 de l’arrêt). Elle ne fait que de tenir compte de la situation d’infériorité du consommateur (n° 94). C’est de la confrontation de ces deux arguments contradictoires que la solution s’impose, notamment en raison de la grande différence entre le délai de prescription (dix ans) et la durée du remboursement du triple (30 ans).

 

Voici donc plusieurs réponses allant dans le même sens. Le juge national est tenu de supprimer les clauses abusives sans s’immiscer dans le contenu contractuel, à moins que l’intérêt du consommateur le commande. Quant à la prescription, on retrouve le motif du principe d’effectivité faisant planer le spectre de l’imprescriptibilité sur les conséquences du réputé non écrit (ici, une action en restitution d’un prêt remboursable sur trente ans). La Cour ne l’énonce pas aussi abruptement : le délai de prescription est possible quand le consommateur connaît ses droits ou a la possibilité de les connaître avant que ce délai ne commence à courir ou ne s’écoule entièrement. En somme, c’est le cas dans assez peu de situations… Il faudra veiller sur le développement de cette jurisprudence à l’avenir. Affaire à suivre !

Estimation de la valeur d’un bien exproprié revendu par l’expropriant : non-renvoi d’une QPC

La décision rendue le 22 mars 2022 par le Conseil d’État, selon laquelle les recettes attendues de la vente future des terrains et de l’opération d’expropriation n’ont pas à être incluses dans le dossier soumis à enquête publique, ne constitue pas un changement des circonstances de droit de nature à affecter la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

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De la portée du réputé non écrit dans le contentieux des clauses abusives

Dans un important arrêt rendu le 8 septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne répond à plusieurs questions préjudicielles sur la portée du réputé non écrit concernant les clauses abusives insérées dans des contrats de prêts libellés en devise étrangère.

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L’assureur est tenu d’indemniser l’assuré entré frauduleusement en possession de la chose assurée

Il résulte des articles L. 121-1 et L. 121-6 du code des assurances et 1134, devenu 1103, du code civil que l’assureur est tenu d’indemniser son assuré de la perte de la chose assurée quand bien même ce dernier serait entré frauduleusement en possession de celle-ci.

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Demande d’infirmation au dispositif des conclusions, la deuxième chambre civile poursuit son [I]opus magnum[/I]

Après le grand saut du 17 septembre 2020 et désormais selon la technique des petits pas, la Cour de cassation reste à la manœuvre pour qualifier les exigences du dispositif des conclusions d’appel. Le 28 juillet 2017, un salarié relève appel d’un jugement du conseil de prud’hommes devant la cour d’appel d’Orléans. Le dispositif des premières conclusions par lui déposées ne mentionnant pas l’infirmation du jugement, l’employeur souleva la caducité de la déclaration d’appel devant le conseiller de la mise en état qui écarta le moyen. Sur déféré, la cour déclara caduque la déclaration d’appel et l’appelante forma un pourvoi afin de se prévaloir d’une atteinte au droit à un procès équitable au regard de l’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 qui prévoit un différé d’application, à cette même date, de sa jurisprudence sanctionnant la partie qui n’a pas précisé sa demande de réformation ou d’annulation dès ses premières conclusions. Selon arrêt du 9 juin 2022, la deuxième chambre civile annule l’arrêt en confirmant l’ordonnance du conseiller de la mise en état. La solution est la suivante :

« Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
4. L’objet du litige devant la cour d’appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l’obligation faite à l’appelant de conclure conformément à l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954.
5. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel.
6. À défaut, en application de l’article 908, la déclaration d’appel est caduque ou, conformément à l’article 954, alinéa 3, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.
7. Ainsi, l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel. Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies (Civ. 2e, 4 nov. 2021, n° 20-15-766, publié).
8. Cette obligation de mentionner expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
9. Pour déclarer caduque la déclaration d’appel, l’arrêt retient que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d’appel par Mme [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu’elle sollicite l’infirmation ou la réformation de la décision critiquée.
10. En statuant ainsi, la cour d’appel a donné une portée aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l’état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n’était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 28 juillet 2017, l’application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l’instance en cours, aboutissant à priver Mme [L] d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Ne jamais avoir raison avant tout le monde

Encore une cour d’appel qui avait un sens aigu de l’anticipation ! La cour d’Orléans avait parfaitement observé que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai imparti, qui énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule mentionnant l’infirmation ou la réformation de la décision critiquée, entraîne la caducité de la déclaration d’appel. Preuve peut-être que la règle dégagée par la Cour de cassation, qui avait surpris plus d’un juriste, était dans l’air du temps, d’autres cours d’appel avaient vu juste également en dégageant cette même exigence de mention de la réformation au dispositif des conclusions avant même le 17 septembre 2020. À nouveau donc, la deuxième chambre civile approuve le raisonnement d’une cour d’appel ayant anticipé sur le sien. La motivation est saluée, mais aussitôt censurée par une annulation de l’arrêt. La cour d’appel, sur déféré, avait raison de dire que l’absence d’infirmation au dispositif des premières conclusions pouvait être sanctionnée par une caducité, mais il était trop tôt pour le dire !

La Cour de cassation pouvant, en matière civile, statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le commande, elle approuve donc la motivation de l’arrêt de la cour, pour finalement l’annuler et confirmer l’ordonnance de son conseiller de la mise en état qui avait jugé que l’acte d’appel n’était pas caduc. C’est « l’effet 17 septembre 2020 » que d’approuver celui qui a tort aujourd’hui et de sanctionner celui qui a raison trop tôt ! Mais on sait avec les Mémoires d’Hadrien que c’est encore avoir tort que d’avoir raison trop tôt.

Le 1er d’entre tous

On finit par comprendre en tous cas où la deuxième chambre civile nous emmène depuis ce fameux arrêt du 17 septembre 2020 : la cour d’appel qui est saisie par un dispositif des premières conclusions qui ne sollicitent pas l’infirmation ou l’annulation du jugement ne peut que le confirmer. Pour la première fois, la Cour de cassation allait assimiler réformation et annulation à une prétention au fond qui doit donc nécessairement être concentrée dans le délai pour conclure (C. pr. civ., art. 910-4) mais encore être contenue au dispositif (C. pr. civ., art. 954). C’était la première fois qu’elle dégageait une telle solution et consacrait le très rare principe de modulation des effets temporels de la jurisprudence dès lors que la voie de recours était en question. Ainsi, seules seraient concernées les déclarations d’appel postérieures au 17 septembre 2020 puisque « l’application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l’interprétation nouvelle d’une disposition au regard de la réforme de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n’a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable » (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, note C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020, p. 2046, comm. M. Barba ; RTD civ. 2021, p. 479, obs. N. Cayrol ; Procédures nov. 2020. Comm. 190, obs. R. Laffly).

C’était donc la première fois, et si l’étudiant en droit de première année sait qu’une fois n’est pas coutume, la situation allait vite devenir coutumière.

Jamais 2 sans 3

La solution fut en effet reprise par deux fois, mais comme en la présente espèce au visa cette fois de l’article 6, § 1, de la Convention EDH. L’accès au juge prenait alors une autre dimension. Dans le premier cas du côté de l’appelant (Civ. 2e, 20 mai 2021, n° 19-22.316 et 20-13.210, F-B, Dalloz actualité, 4 juin 2021, obs. C. Lhermitte ; Dalloz 2021, p. 1217, comm. M. Barba ; Procédures, juill. 2021. Comm. 186, obs. R. Laffly), puis à l’égard de l’intimé qui forme appel incident. Ainsi, celui-ci a l’obligation de solliciter une demande de réformation au dispositif de ses premières écritures lorsqu’il forme appel incident (Civ. 2e, 1er juill. 2020, n° 20-10.694 F-B, Dalloz actualité, 23 juill. 2021, obs. C. Lhermitte ; Procédures, août-sept. 2021. Comm. 216, obs. R. Laffly). Débouté de sa prétention en première instance, c’est bien cette demande d’infirmation qui matérialise l’appel incident de l’intimé et l’on dira que cette solution était logique dans cette nouvelle logique. Et toujours avec le même report d’application au 17 septembre 2020.

Jamais 3 sans 4

Mais alors que l’on commençait précisément à s’accoutumer, par un quatrième arrêt publié, la Haute juridiction allait pour la première fois approuver la sanction de caducité de la déclaration d’appel et la compétence du conseiller de la mise en état pour la prononcer, ajoutant que « cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice » ; « Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626 P+B+I, JurisData n° 2020-013427), imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n’entre pas dans le champ du différé d’application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable » (Civ. 2e, 9 sept. 2021, n° 20-17.263 F-B, Dalloz actualité, 24 sept. 2021, obs. R. Laffly ; D. 2021, p. 1848, obs. M. Barba ; JCP 22 nov. 2021, p. 1228, obs. D. D’Ambra ; Procédures 2021. comm. 288, obs. S. Amrani-Mekki). La sanction dégagée comme l’apparition du conseiller de la mise en état, qui laissaient sans voix l’ensemble des commentateurs (ils s’empressèrent donc de la faire entendre) étaient-elles l’amorce d’une autre voie ? Pas nécessairement, car l’arrêt rendu cette fois au visa des articles 908 et 954 du code de procédure civile, s’inscrivait dans un contexte particulier : l’appel avait été formé avant l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 et donc de la rédaction nouvelle de l’article 542 qui fit apparaître la nécessaire « critique du jugement ». Mais la situation ante, quoique plus souple, n’était bien sûr par exempte d’obligations procédurales, à commencer par l’énoncé de prétentions au dispositif des conclusions. Or, la lecture de l’arrêt d’appel qui donna lieu à celui du 9 septembre 2021 enseignait que les conclusions ne sollicitaient, outre une condamnation à un article 700 du code de procédure civile et aux dépens, que la confirmation du jugement en ce que le grief d’insuffisance professionnelle et le licenciement sans cause réelle et sérieuse n’étaient pas établis, pour mentionner ensuite et seulement : « faire droit à l’ensemble des demandes ».

Aussi, si l’on peut s’interroger sur l’intérêt de mentionner au dispositif de conclusions une réformation ou une annulation que l’on imagine volontiers consubstantielle à l’appel, sur l’idée habilement disruptive de les assimiler à une prétention au fond, le dispositif reste bien le lieu de prétentions par application de l’article 954. Or, si la confirmation est encore une prétention, l’appel principal ne peut être la voie seule de la confirmation. Dit autrement, on ne forme pas appel pour demander la confirmation pure et simple de la décision attaquée ! L’appel est bien la voie de la réformation ou de l’annulation, selon les termes d’un article 542 qui, ici, n’a pas varié. La justification de l’apparition du conseiller de la mise en état, par le biais de la caducité, reposait alors sur l’évidence de conclusions défaillantes ou « vides » qui ne faisaient apparaître ni réformation, ni annulation, ni prétentions.

Jamais 4 sans 5

Il fallait un cinquième arrêt pour clarifier les choses, et il intervint, le 4 novembre suivant, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, et 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi, toujours avec le même différé d’application au 17 septembre 2020, l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation (Civ. 2e, 4 nov. 2021, n° 20-15.757, 20-15.776, 20-15.778, 20-15.787 F-B, Dalloz actualité, 18 nov. 2021, obs. C. Lhermitte ; Procédures, janv. 2022. Comm. 2, obs. R. Laffly). Mais alors que les trois premiers posait le principe que seule la confirmation pouvait être prononcée par la cour d’appel statuant au fond, que le quatrième dégageait la sanction de caducité, compétence partagée par la cour et le conseiller de la mise en état (sans différé d’application mais avec la réserve énoncée), l’arrêt du 4 novembre précisait « En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel. Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies ». À la Cour statuant au fond la possibilité de sanctionner par une confirmation ou une caducité, au conseiller de la mise en état et à la cour sur déféré celle de prononcer la seule caducité.

Jamais 5 sans 6

L’arrêt du 9 juin 2022, sixième arrêt de la deuxième chambre civile sur le sujet, vise cette fois, outre l’article 6, § 1er, de la Convention, tous les articles de l’arsenal procédural et notamment l’article 908 au côté des articles 542 et 954.

Six arrêts, six points pour dégager une synthèse qui pourrait être celle-ci :

1. L’objet du litige devant la cour d’appel est déterminé par les prétentions des parties. 2. La réformation ou l’annulation est une prétention au fond. 3. Cette prétention au fond doit être expressément mentionnée au dispositif des premières conclusions. 4. Cette règle de procédure qui instaure une charge procédurale nouvelle ne peut être appliquée dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure au 17 septembre 2020. 5. La sanction de caducité peut cependant être prononcée par le conseiller de la mise en état ou la cour si l’appel a été interjeté avant le 17 septembre 2020 dès lors qu’aucune demande de réformation ou d’annulation ni même de prétention n’apparaît au dispositif qui saisit la cour. 6. Si dans une instance introduite après le 17 septembre 2020 le dispositif des conclusions ne mentionne pas expressément la réformation ou l’annulation dans le délai imposé pour la remise des premières conclusions, la cour, au fond, peut confirmer la décision dont appel ou prononcer la caducité de la déclaration d’appel et le conseiller de la mise en état et la cour sur déféré peuvent prononcer sa caducité.

Et comme un pont jeté vers ce sixième arrêt du 9 juin, l’observateur attentif aura vu que la 2ème chambre civile a entretemps rappelé qu’une cour d’appel, qui constate que l’appelant a sollicité au dispositif de ses conclusions la réformation du jugement sur les chefs du dispositif critiqués et formulé ses prétentions, ne peut confirmer la décision motif pris que ne s’y trouvent pas détaillés les chefs de jugement critiqués (Civ. 2e, 3 mars 2022, n°20-20.017 F-B, Dalloz actualité, 12 mars 2022, obs. C. Lhermitte ; Procédures mai 2022. Comm. 117, obs. R. Laffly). On qualifiera cet arrêt de moment de respiration pour l’appelant qui avait « coché toutes les cases ». Dans l’attente d’une confirmation, on retiendra cependant sa respiration. L’acte d’appel avait été effectué avant le 17 septembre 2020.

Alors si le parti-pris de la Cour de cassation n’emporte pas tous les suffrages et a livré de nombreux débats et commentaires critiques, on donnera la parole en dernier à la défense. Par la voix de sa très complète « Lettre de la deuxième chambre civile » (Hors série n° 2, Procédure de l’appel civil, juin 2022), la deuxième chambre civile vient de livrer une conclusion en forme de guide :
« De la présentation commentée des avis et arrêts qui précédent, appréhendés en leur ensemble, se dessinent les traits dominants, les contours, et les articulations essentielles d’une jurisprudence qui, au fil des cinq années embrassées par ce panorama, s’est fixée, précisée, affinée.
Si, bien évidemment, elle est, par construction, tributaire, non sans aléas, des espèces à l’occasion desquelles elle s’affirme, cette jurisprudence n’en revendique pas moins, par-delà son inévitable complexité, une cohérence globale.
La politique juridictionnelle à laquelle elle donne forme, peut et doit être lue, interprétée et comprise en suivant moins un fil conducteur unique que plusieurs lignes directrices qui, croisant leurs trajectoires respectives, ont vocation à l’ordonner et à lui donner sens ».

Et de poursuivre s’agissant du différé d’application initié avec son arrêt du 17 septembre 2020 : le recours à ce mécanisme original, sinon inédit, du différé d’application dans le temps permet ainsi d’assurer une conciliation équilibrée, proportionnée, entre le but légitime de célérité et de bonne administration de la justice que poursuivent les règles de procédure civile en cause, issues, en particulier, du décret du 6 mai 2017, telles qu’interprétées et affirmées par la jurisprudence de la Cour de cassation, et les exigences de prévisibilité de la norme et de liberté d’accès au juge, découlant du principe du droit à un procès équitable, garanti par l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ».

Plus qu’un fil conducteur, la complexité du propos offre donc des lignes directrices. Guidé par le droit d’accès au juge, reste à les entrecroiser. Car sur un fil, tout est notion d’équilibre. Voilà sans doute la conclusion de cet opus magnum.

Demande d’infirmation au dispositif des conclusions, la deuxième chambre civile poursuit son [I]opus magnum[/I]

Au visa des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, si la caducité de la déclaration d’appel est bien encourue motif pris que le dispositif des premières conclusions ne mentionne pas de demande de réformation mais seulement les prétentions, l’application immédiate de cette règle dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure au 17 septembre 2020 aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

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[Podcast] Les réformes suggérées par les professionnels de la compliance

Dans l’épiode d’aujourd’hui, pas d’information marquante mais plutôt des idées de réformes à venir. Maintenant que les députés de la majorité et de l’opposition sont élus, que les commissions parlementaires se mettent en place et que le gouvernement planche sur ses projets de lois, pourquoi ne pas soumettre des idées en matière de compliance ? Quelle est la mesure qu’il serait urgent d’adopter dans le domaine de la conformité ? Nous avons tendu notre micro à six professionnels de la compliance. Voici leurs suggestions… 

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La demande d’aide juridictionnelle ne peut interrompre un délai pour exercer une action ou un recours qu’une seule fois

Lorsqu’une décision d’admission à l’aide juridictionnelle est caduque, une nouvelle demande d’aide juridictionnelle, formalisée dans le délai pour agir, est-elle de nature à interrompre le délai de prescription ?

C’est à cette question qu’a répondu la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2022.

L’aide juridictionnelle constitue sans doute l’une des mal-aimées du droit judiciaire privé ; elle constitue pourtant un pilier nécessaire afin de garantir à tout justiciable le droit d’accéder à un juge et « participe du droit au procès équitable et du principe de protection juridictionnelle effective » (L. Cadiet, L’accès à la justice, D. 2017. 522 image).

Afin de garantir cet accès au juge, il est nécessaire que, le temps de l’examen de la demande d’aide juridictionnelle, le temps soit figé : l’auteur de la demande doit pouvoir décider d’engager ou non la procédure en sachant s’il peut compter ou non sur cette aide de l’État. C’est pourquoi, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être exercé dans un délai déterminé, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans ce délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration de ce délai et si la demande ou le recours est effectivement introduit dans un nouveau délai qui commence à courir à compter soit de la date à laquelle a été notifiée la décision d’admission provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle (ou à celle où est éventuellement désigné un auxiliaire de justice), soit de celle à laquelle la décision refusant le bénéfice de cette aide ou constatant la caducité de la demande est notifiée ou ne peut...

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La demande d’aide juridictionnelle ne peut interrompre un délai pour exercer une action ou un recours qu’une seule fois

En cas de caducité de la décision accordant le bénéfice de l’aide juridictionnelle, une nouvelle demande ne peut plus interrompre le délai pour exercer une action en justice ou un recours. En somme, l’interruption résultant d’une demande d’aide juridictionnelle ne peut valoir qu’une seule fois.

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Soumission à la loi du 6 juillet 1989 d’un logement déclassé du domaine public

Il résulte de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, d’ordre public, que, dès le déclassement d’un bien du domaine public, sa location à usage d’habitation à titre de résidence principale est soumise aux dispositions du titre 1er de cette loi.

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L’indispensable connaissance de l’objet de la restitution pour prescrire

par Mélanie Jaoul, Maître de conférences, Université de Montpellierle 19 septembre 2022

Civ. 1re, 13 juill. 2022, FS-B, n° 20-20.738

Une femme décède le 31 juillet 2001 en laissant deux testaments. Un premier testament olographe daté du 18 novembre 2000 (testament 1) où elle institue un premier légataire universel (légataire universel A) et un second testament olographe en date du 29 avril 2001 (testament 2) qui institue un légataire universel différent (légataire universel B). Le 6 janvier 2011, une décision judiciaire annule le second testament. Le 4 août 2017, les ayant-droit du légataire universel A – décédé depuis – assignent le légataire universel du testament annulé en restitution des sommes perçues en exécution d’un testament olographe daté du 20 avril 2001. La cour d’appel (Bourges, 8 avr. 2020, n° 19/00406) infirme la décision rendue en première instance et déclare recevable l’action des ayants droit du légataire universel A. Elle condamne alors le légataire universel B, dont le legs a été annulé à leur payer les sommes de 65 550 et 10 589,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2011, ainsi que celle de 3 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le légataire universel déchu forme un pourvoi en cassation considérant que « la prescription quinquennale de l’action en restitution consécutive à une annulation commence à courir à compter de l’annulation de l’acte » (il invoquait donc la prescription de l’action des ayants droit du légataire universel A était acquise depuis le 6 janvier 2016 soit plus d’un an avant l’introduction de l’action). Cependant, les juges du fond ont déclaré que le point de départ du délai de prescription quinquennale enfermant cette action,...

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L’indispensable connaissance de l’objet de la restitution pour prescrire

Lorsqu’un testament a été annulé, l’action en restitution se prescrit en cinq ans à compter du jour où le légataire rétabli dans ses droits a connu ou aurait dû connaître l’appréhension de biens relevant de la succession par le bénéficiaire du testament annulé. Cette date n’est donc pas nécessairement celle du prononcé de la nullité mais celle où il a une connaissance précise de ce qui a été effectivement appréhendé dans la succession. La Cour de cassation précise que le point de départ du délai de prescription ne peut toutefois pas être antérieur à la date de prononcé de la nullité.

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Le rapport sur la chasse qui ne convainc personne

La mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse, décidée par le Sénat, a rendu public son rapport le 14 septembre.

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La Cour des comptes veut fermer le guichet du médiateur de l’énergie aux collectivités territoriales

Alors que l’envolée des prix du secteur place le médiateur national de l’énergie (MNE) au cœur des enjeux d’actualité, la Cour des comptes, dans un rapport publié le 13 septembre, en appelle à une rationalisation de sa mission de médiation.

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Du contrôle de la transaction homologuée

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 14 septembre 2022, la Cour de cassation rappelle qu’une transaction homologuée peut être contestée du point de vue de sa validité devant les juges du fond.

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Concentration des moyens et [I]exequatur[/I]

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la portée du principe de concentration des moyens en présence de deux actions successives destinées à rendre un jugement étranger exécutoire en France, l’une fondée sur le règlement Bruxelles I, l’autre sur le droit commun de l’exequatur.

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Précisions sur la prescription du dommage corporel résultant d’une agression sexuelle

Le préjudice résultant d’une agression sexuelle est un dommage corporel dont l’action en réparation se prescrit dans un délai de dix ans à compter de la date de sa consolidation et de vingt ans lorsque la victime est mineure au moment des faits.

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Indemnité pour frais de réinstallation : absence d’abattement pour vétusté

Il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement tenant compte de la vétusté des aménagements des locaux expropriés à l’indemnité pour frais de réinstallation allouée à une société afin de lui permettre de poursuivre son activité dans de nouveaux locaux.

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L’impact indemnitaire du placement en activité partielle du salarié déjà en arrêt maladie

Basée sur la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait travaillé, l’indemnisation complémentaire du salarié en arrêt maladie est impactée par son placement en activité partielle.

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Délimitation de l’action civile en matière de banqueroute

Dans une décision du 22 juin 2022, la Cour de cassation vient rappeler que les créanciers et actionnaires d’une société débitrice ne peuvent pas se constituer partie civile en matière de banqueroute, sauf à invoquer un préjudice distinct du montant de la créance déclarée dans le cadre de la procédure collective.

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La fiscalité, c’est ROCK ! - Épisode 6 : Sandrine Groult

Vous pensez que la fiscalité c’est ennuyeux ? Attendez d’écouter ceux qui l’ont mise au cœur de leur vie professionnelle et qui l’exercent avec passion ! Pour ce sixième épisode de notre série consacrée aux parcours parfois surprenants de fiscalistes, Stéphane Baller, avocat of counsel chez De Gaulle Fleurance & Associés reçoit Sandrine Groult, Directrice Fiscale et Douanes du groupe Tereos.

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Visite domiciliaire de l’administration fiscale : précisions sur le rôle de l’officier de police judiciaire

Le premier président de cour d’appel, qui constate que l’officier de police judiciaire chargé d’assister aux opérations de visite et de saisies, qui s’est absenté du local où elles se déroulaient, est demeuré à proximité de ce local et est à tout moment joignable, qu’aucun incident n’a été soulevé à ce propos et que le procès-verbal a été signé sans que des observations soient formulées, en déduit à bon droit qu’il n’y pas lieu d’annuler les opérations de visite et de saisies dès lors que n’est invoquée aucune atteinte aux intérêts que l’officier de police judiciaire a pour mission de protéger, rendue possible par ses absences.

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Que signifie faire partie du ménage d’un citoyen de l’Union ?

Pour qu’un ressortissant d’un État tiers soit considéré comme appartenant au ménage d’un citoyen de l’Union, il doit exister entre eux une relation de dépendance, fondée sur des liens personnels étroits et stables.

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Marché du logement en 2022 : le calme avant la tempête ?

En dépit d’une conjoncture compliquée, le marché du logement résiste bien. Mais, jusqu’à quand ?

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Le refus du test covid est une obstruction à une mesure d’éloignement

Le refus d’un étranger, frappé d’une mesure d’éloignement, de se soumettre à un test PCR exigé par la compagnie aérienne, constitue une obstruction à l’éloignement, permettant la prolongation de la rétention, sauf s’il est justifié par des raisons médicales.

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De l’importance de la détermination de l’objet du litige dans le contentieux contractuel

Dans un arrêt rendu le 7 septembre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que c’est aux parties de dessiner l’objet du litige par leurs prétentions respectives.

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Quand l’urgence climatique bouscule le droit de préemption

Un décret du 10 septembre 2022 fixe les modalités selon lesquelles l’autorité administrative peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles, dans les aires d’alimentation de captages utilisées pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine, au bénéfice des personnes publiques disposant de la compétence « eau potable ».

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La stricte interdiction de la prise en compte des tests génétiques prédictifs par l’assureur

Viole les articles L. 113-2, L. 113-8 et L. 133-1 du code des assurances ainsi que l’article L. 1141-1 du code de la santé publique la cour d’appel qui retient la nullité des contrats proposant des garanties des risques d’invalidité et risque décès pour réticence intentionnelle de l’assuré pour ne pas avoir mentionné, lors de la déclaration du risque, les tests génétiques et leurs résultats dont elle faisait l’objet.

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Le chef dépendant est aussi celui qui résulte d’un chef de débouté

Le litige oppose un bailleur à son locataire, auquel celui-là demande le paiement au titre de travaux de réfection.

La contestation quant à ces travaux de réfection est portée devant le tribunal par le locataire.

À titre reconventionnel, le bailleur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, outre une indemnité d’occupation.

Le tribunal déboute le locataire de ses demandes et prononce en conséquence sa condamnation au paiement des travaux de réfection. En outre, faisant droit à la demande reconventionnelle du bailleur, il ordonne la résiliation avec expulsion, et condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

Sur la déclaration d’appel, le locataire appelant mentionne le débouté de ses demandes, la résiliation du bail et la condamnation au titre de l’indemnité d’occupation. N’est pas expressément mentionnée la condamnation au titre des travaux de réfection.

Néanmoins, l’appelant conclut de ce chef, pour lequel il demande l’infirmation.

La cour d’appel relève d’office l’absence de dévolution, du chef de la condamnation pour les travaux de réfection, au motif que ce chef de condamnation n’est pas expressément mentionné dans la déclaration d’appel.

Mais devant la Cour de cassation, ça ne passe pas, et l’arrêt est cassé en ce qu’il a dit que ce chef non mentionné n’était pas dévolu.

Le chef, cette mention qui se précise

Si le « chef » est un terme largement usité en procédure, depuis 2017, il reste difficile d’en donner une définition.

Nous savons ce qu’il n’est pas – ce n’est ni les prétentions formées par la partie (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image) ni les motifs du jugement (Soc. 14 oct. 2020, n° 18-15.229, Dalloz actualité, 3 nov. 2020, obs. C. Lhermitte ; D. 2020. 2071 image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image) – mais il est plus difficile de dire ce qu’il est.

Car de définition, il n’y en a pas véritablement, si ce n’est dans la circulaire du 2 août 2017 qui nous précise que « la notion de chefs de jugement correspond aux points tranchés dans le dispositif du jugement » (circ. 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, NOR : JUSC1721995C).

Cet arrêt ne nous donnera pas une définition, mais il donne d’intéressantes précisions sur la notion de « chef dépendant », qui est venue depuis peu sur le devant de la scène (Civ. 2e, 9 juin 2022, n° 20-16.239, Dalloz actualité, 8 juill. 2022, obs. C. Lhermitte ; D. 2022. 1160 image).

Il apparaît que la Cour de cassation prend de la distance avec cette pratique, qui est malheureusement devenue comme une évidence, consistant à faire une copie servile du dispositif du jugement pour la coller dans la rubrique « chefs critiqués ». Et cette pratique a pris tant d’ampleur que certains juges d’appel peuvent ne pas réussir à s’en défaire, pour considérer que toute autre manière de faire est à proscrire et n’opère pas dévolution.

Ici, le jugement avait expressément condamné le locataire au paiement des travaux de réfection. Et il est acquis que l’appelant, curieusement – mais le processualiste l’en remerciera –, n’avait pas mentionné ce chef.

Mais il avait procédé différemment, en mentionnant dans son acte d’appel qu’il portait sur le débouté de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’il n’était pas tenu au paiement des frais de réfection de la toiture.

S’il fallait traduire, le locataire développait des moyens, en première instance, démontrant qu’il n’avait pas à supporter le coût des travaux, et que le bailleur devait en conséquence être débouté. Cette demande de débouté n’a pas prospéré...

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Notion d’accident de la circulation : limitation du champ d’application de la loi Badinter

Ne constitue pas un accident de la circulation, la chute d’une victime sur un véhicule en stationnement dans un garage privé lorsqu’aucun des éléments liés à sa fonction de déplacement n’est à l’origine de l’accident.

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Le chef dépendant est aussi celui qui résulte d’un chef de débouté

Sont dévolus à la cour d’appel les chefs expressément critiqués, mentionnés dans la déclaration d’appel, et ceux qui en dépendent, qui sont la conséquence d’un chef de jugement expressément critiqué. Si l’appelant n’a pas expressément mentionné le chef de la condamnation, ce chef est néanmoins dévolu lorsque l’appelant mentionne que l’appel porte sur le jugement en ce qu’il a jugé que la partie était tenue au paiement des sommes demandées.

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Notion d’accident de la circulation : limitation du champ d’application de la loi Badinter

La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 visant « à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation », dite « loi Badinter », a mis en place un système de réparation du dommage particulièrement favorable pour les victimes. Les causes d’exonération du responsable sont retenues de manière restrictive (art. 2), particulièrement concernant les dommages corporels subis par des victimes non conductrices (art. 3). Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité sont, en outre, assouplies par rapport au droit commun de la responsabilité civile. Tout recours au concept de causalité a effet été abandonné pour retenir celui d’implication (art. 1), issu de l’article 4 de la Convention de La Haye sur la loi applicable en matière d’accident de la circulation routière. Encore faut-il, toutefois, pour bénéficier de ce régime, avoir été victime d’un accident de la circulation. Il convient, dès lors, de parvenir à circonscrire les limites de cette notion (sur laquelle, v. A. Cayol, « Responsabilité du fait des accidents de la circulation », in R. Bigot et F. Gasnier [dir.],Lexbase, Encyclopédie. Droit de la responsabilité civile, 9 mai 2022 ; R. Bigot et A. Cayol, Le droit de la responsabilité civile en tableaux, Ellipses, 2022, p. 314). Bien qu’elle soit traditionnellement comprise de manière extensive, cette dernière ne saurait englober les hypothèses où un véhicule terrestre à moteur est présent lors d’un accident sans lien direct avec la circulation. Une doctrine autorisée s’interrogeait ainsi : « Ne serait-il pas audacieux de rattacher à la circulation routière l’hypothèse, parfois prise comme exemple, d’une victime défenestrée dont le corps viendrait s’écraser sur un véhicule en stationnement ? » (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les régimes spéciaux de l’assurance de responsabilité, 4e éd., LGDJ, 2017, n° 100, p. 132). Ce cas d’école vient d’être soumis à l’appréciation de la Cour de cassation le 7 juillet 2022.

En l’espèce, une personne, effectuant des travaux sur le toit de son garage, tombe au travers de la lucarne du garage de son voisin, heurtant dans sa chute le véhicule de ce dernier qui y était stationné. La victime assigne l’assureur dudit véhicule en indemnisation de ses préjudices. La cour d’appel fait droit à sa demande en retenant l’existence d’un accident de la circulation, au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985. Selon elle, « le stationnement d’un véhicule terrestre à moteur constitue en tant que tel un fait de circulation » (pt 5). Sa décision est cassée par la deuxième chambre civile, au visa de l’article 1er de la loi Badinter, aux motifs que « ne constitue pas un accident de la...

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L’application du principe de subsidiarité de l’intervention de l’AGS en redressement et en liquidation judiciaires

En présence d’un relevé de créances présenté à l’AGS sous la seule responsabilité du mandataire, sa garantie ne peut être exclue au motif qu’à la suite de l’adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession. La sanction de l’absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne peut être obtenue qu’a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances assorties du superprivilège dont l’AGS bénéficie, ainsi que par la mise en jeu de la responsabilité des mandataires pour avoir présenté un relevé de créances afin d’obtenir des avances en violation de l’article L. 3253-20 du code du travail.

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Brevets : compétence dans l’Union européenne

Par un arrêt du 8 septembre 2022, la Cour de justice se prononce sur la détermination du champ d’application de l’article 24, point 4, du règlement Bruxelles I bis, en présence de demandes de brevets déposées dans des États tiers à l’Union et de brevets obtenus dans l’un d’eux.

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Brevets : compétence dans l’Union européenne

Un litige oppose, devant une juridictions suédoise, deux sociétés suédoises à propos de droits contestés sur des inventions protégées par des brevets américains ou qui ont donné lieu au dépôt de demandes de brevets aux États-Unis et en Chine.

Le juge saisi se déclare alors incompétent en ce qui concerne la détermination de l’inventeur mais sa décision d’incompétence est contestée.

La Cour de justice est saisie, ce qui la conduit à se pencher sur la portée de l’article 24, point 4, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale : « Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties : (…) en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, que la question soit soulevée par voie d’action ou d’exception, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument de l’Union ou d’une convention internationale. (…) ».

Il s’agit de déterminer si cet article 24 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un litige tendant à déterminer, dans le cadre d’un recours fondé sur la qualité alléguée d’inventeur ou de co-inventeur, si une personne est titulaire du droit sur des inventions visées par des demandes de brevet déposées et par des brevets délivrés dans des pays tiers.

Pour répondre à cette question, il convient de déterminer si le litige considéré relève bien du champ d’application du règlement alors que les seuls éléments d’extranéité concernent des États tiers à l’Union, à savoir les brevets demandés ou délivrés aux États-Unis et en Chine, le reste du litige étant relatif à deux sociétés ayant leur siège dans le même État membre. Cette problématique n’est pas nouvelle :...

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La preuve de dépôt d’une déclaration d’ICPE est une décision qui fait grief

Dans un avis contentieux, le Conseil d’État précise que la délivrance par voie électronique de la preuve de dépôt de la déclaration d’une installation classée est une décision susceptible de recours.

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Quand un courriel du président ne sauve pas le jugement de la nullité pour violation de l’imparité

Pour être un acte éminent, le jugement n’en est pas moins un acte juridique. Comme tel, il est exposé à des causes de nullité qui sanctionnent les irrégularités affectant son élaboration. Toutefois, en tant qu’il est l’œuvre d’un juge et se voit doter d’une autorité de chose jugée, l’annulation du jugement pour de telles irrégularités obéit à un régime spécial, non seulement par rapport aux actes juridiques privés, mais aussi par rapport aux autres actes de procédure. Ce n’est que sous certaines réserves et conditions que les parties peuvent obtenir le prononcé de la nullité du jugement, ce dont témoigne l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 23 juin 2022.

En l’espèce, une cour d’appel a rendu un arrêt qui mentionne que quatre juges ont constitué la juridiction lors des débats et du délibéré. Cette situation n’est pas conforme à la règle qui veut que les juridictions soient composées de juges en nombre impair. Comme la nullité d’un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours (C. pr. civ., art. 460), un pourvoi en cassation est formé par la partie perdante. La Cour de cassation prononce l’annulation de l’arrêt (et non une cassation) précisant que « la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l’arrêt à l’avocat du défendeur au pourvoi n’est pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ».

L’arrêt donne l’occasion de revenir sur la cause de nullité, la violation de la règle d’imparité, et sur les conditions de prononcé de la nullité, la Cour ne se contentant pas du courriel du président pour sauver le jugement.

La cause de nullité : l’imparité violée

Les causes de nullité des jugements (le terme est pris dans son sens notionnel et inclut les arrêts) sont définies strictement.

L’article 430 du code de procédure civile prévoit au stade des débats que « la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire ». Par ailleurs, une liste, non limitative (C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2020, n° 1161), de causes de nullité figure à l’article 458 concernant l’élaboration du jugement. Cet article renvoie notamment à l’article 447 qui prévoit qu’« il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. Ils doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent les règles relatives à l’organisation judiciaire ».

L’article L. 121-2 du code de l’organisation judiciaire prévoit l’imparité comme règle commune aux juridictions judiciaires. La règle fut formulée par la loi du...

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Précision sur le champ d’application des contrats conclus hors établissement

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 31 août 2022, la Cour de cassation rappelle utilement comment un professionnel peut bénéficier des règles applicables aux contrats conclus hors établissement par le jeu de l’article L. 221-3 du code de la consommation.

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La nullité du rapport d’expertise est soumise aux conditions de la nullité des actes de procédure

Les rapports d’expertise jouent bien souvent un rôle décisif sur l’issue d’un litige et, pour cette raison, il n’est pas rare que l’une des parties prenne l’initiative d’en solliciter la nullité. Mais que les conditions nécessaires au prononcé de la nullité soient réunies s’avère finalement peu fréquent. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 8 septembre 2022 le rappelle à nouveau.

Alors qu’un bail commercial avait été conclu, le preneur, invoquant de multiples désordres et notamment des infiltrations provenant de la toiture, avait saisi un juge des référés afin qu’il ordonne une expertise et désigne un expert. Sitôt le rapport d’expertise déposé, le locataire avait assigné son bailleur en réalisation du bail et en paiement de dommages-intérêts, ce à quoi ce dernier avait répliqué en sollicitant la nullité du rapport d’expertise. Il faut bien dire que le bailleur avait de quoi critiquer le déroulement des opérations d’expertise : les conditions météorologiques avaient en effet dissuadé l’expert de se rendre sur le toit du local loué et il avait préféré conclure à l’existence d’infiltrations en se fondant sur des photographies issues d’un rapport amiable réalisé à la demande du locataire. Le bailleur avait beau jeu de soutenir qu’en procédant ainsi, l’expert n’avait pas personnellement rempli la mission qui lui avait été confiée. Le tribunal de grande instance d’Agen a effectivement prononcé la nullité du rapport ; mais, saisie d’un recours, la cour d’appel a réformé le jugement de ce chef. L’expert avait en effet respecté le principe du contradictoire lors de l’examen des photographies et avait répondu au dire du bailleur qui s’était borné à soutenir que les désordres pouvaient avoir une autre origine que celle retenue par le technicien : pour la juridiction du second degré, cela suffisait amplement. Le bailleur eut beau former un pourvoi en cassation pour invoquer la violation de l’article 233 du code de procédure civile, celui-ci fut rejeté dès lors que la cour d’appel avait ainsi fait ressortir que le bailleur n’avait subi aucun grief.

Le raisonnement suivi par la Cour de cassation est imparable.

Il faut en effet se souvenir qu’en vertu de l’article 175 du code de procédure civile, « la...

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La nullité du rapport d’expertise est soumise aux conditions de la nullité des actes de procédure

Même lorsqu’un rapport d’expertise est irrégulier parce que l’expert n’a pas lui-même accompli les termes de sa mission, la nullité du rapport demeure soumise aux conditions de la nullité des actes de procédure par application de l’article 175 du code de procédure civile.

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Imprévision et conditions de modification des contrats publics

Dans un avis de dix pages, le Conseil d’État donne le mode d’emploi de la modification des contrats de la commande publique pour faire face à la hausse des prix.

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Toute perte de chance est réparable, [I]bis repetita[/I]

La perte de chance fait partie des figures connues en droit de la responsabilité pour son ambivalence et pour sa technicité. Elle illustre, en effet, le croisement entre les préjudices futurs et les préjudices éventuels (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, 13e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2022, p. 1049, n° 925). Mais ce n’est pas tout : on rencontre surtout la perte de chance dans toute une série de contentieux très différents lui donnant une certaine pluralité d’aspects. Par exemple, nous l’avons croisé récemment dans plusieurs matières : droit des assurances (Civ. 2e, 24 sept. 2020, n° 18-12.593, Dalloz actualité, 12 oct. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2020. 2323 image, note P.-G. Marly image ; AJ contrat 2020. 492, obs. P. Guillot image ; ibid. 558, obs. L. Perdrix image), droit des clauses abusives (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 1920 image ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; ibid. 574, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image), ou encore droit du crédit (Com. 9 févr. 2022, n° 20-17.551 F-B, Dalloz actualité, 16 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2022. 401, obs. P. Jourdain image). C’est d’ailleurs au sujet de cette dernière thématique que nous la retrouvons aujourd’hui dans cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 14 septembre 2022 et promis aux honneurs d’une publication au Bulletin. La solution donnée vient, par ailleurs, confirmer un arrêt de 2020 de la même formation (Civ. 2e, 20 mai 2020, n° 18-25.440, Dalloz actualité, 19 juin 2020, obs. A. Hacene-Kebir ; D. 2020. 1100 image ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; RDI 2020. 524, obs. H. Heugas-Darraspen image ; AJ contrat 2020. 385, obs. C. François image ; RTD civ. 2020. 629, obs. H. Barbier image ). Notons qu’il s’agit de responsabilité contractuelle, l’arrêt étant rendu au double visa de l’article 1147 ancien, devenu 1217 du Code civil après l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d’une part et, celui du « principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime », d’autre part. Voici déjà de quoi annoncer la teneur de l’arrêt analysé, peu de décisions pouvant se targuer d’un tel double visa.

Positionnons le problème en évoquant les faits ayant donné lieu au pourvoi. Un établissement bancaire consent deux prêts immobiliers à une personne physique par acte du 16 novembre 2006. Afin de garantir le remboursement des prêts dans le cas de plusieurs sinistres possibles (décès, perte d’autonomie, incapacité de travail), l’emprunteur adhère à une assurance de groupe souscrite par la banque. Il déclare, au moment de son adhésion, le traitement médical qu’il suivait depuis quinze ans en raison d’une maladie de longue durée. Le 31 août 2015, l’emprunteur est placé en arrêt de travail en raison de l’évolution défavorable de sa maladie décrite précédemment. Il sollicite de l’assurance la garantie incapacité de travail dans le même temps. Après avoir fait réaliser une expertise médicale, l’assureur informe son assuré le 8 juin 2016 de son...

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[I]Trademark Troll[/I] : monopolisation d’un signe par le jeu des dépôts successifs

Doit être déclarée nulle pour dépôt de mauvaise foi sur le fondement de l’article 59, § 1, b) du règlement (UE) 2017/1001, la marque déposée dans le seul but d’obtenir, pour son titulaire, une position de blocage sur le marché. Se rend coupable d’abus de droit le déposant qui détourne le droit de priorité à son profit afin de prolonger artificiellement la période de six mois.

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Toute perte de chance est réparable, [I]bis repetita[/I]

Dans un arrêt rendu le 14 septembre 2022, la deuxième chambre civile rappelle que toute perte de chance est réparable. L’emprunteur n’a pas, dans le contexte de l’adhésion à une assurance de groupe, à démontrer qu’il aurait de manière certaine souscrit une assurance couvrant le risque réalisé.

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Une conception large de la notion d’« accident » au sens de la Convention de Montréal du 28 mai 1999

Une situation dans laquelle, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse relève de la notion d’« accident », au sens de l’article 17, § 1er, de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 relative au transport aérien international, y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard.

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Reconnaissance d’un jugement dans l’Union et arbitrage

La Cour de justice de l’Union européenne se penche sur le régime juridique, en application du règlement Bruxelles I, d’une décision anglaise reprenant les termes d’une sentence arbitrale.

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Reconnaissance d’un jugement dans l’Union et arbitrage

La Cour de justice de l’Union européenne se penche sur le régime juridique, en application du règlement Bruxelles I, d’une décision anglaise reprenant les termes d’une sentence arbitrale.

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Reconnaissance d’un jugement dans l’Union et arbitrage

Faits et procédures arbitrales et nationales

Une importante pollution s’est produite, en Espagne et en France, en novembre 2002, à la suite du naufrage du pétrolier Prestige, au large des côtes espagnoles. Des poursuites pénales ont alors été engagées en Espagne à la fin de l’année 2002, de même que des actions civiles à l’encontre du capitaine du navire, de son propriétaire et de son assureur, qui n’a toutefois pas comparu.

S’appuyant sur la clause compromissoire stipulée dans le contrat d’assurance, l’assureur a quant à lui engagé à Londres une procédure d’arbitrage, en soutenant que l’Espagne devait faire valoir ses prétentions, déjà formulées dans la procédure engagée en Espagne, devant les arbitres et que sa responsabilité ne pouvait pas, en tout état de cause, être engagée à l’égard de l’Espagne, compte tenu des stipulations du contrat d’assurance. L’Espagne a toutefois refusé de participer à la procédure d’arbitrage.

Par une sentence du 13 février 2013, le tribunal arbitral a notamment retenu que l’Espagne aurait dû formuler ses demandes indemnitaires dans le cadre de l’arbitrage et que la responsabilité de l’assureur ne pouvait pas être engagée à son égard.

Par une ordonnance du 22 octobre 2013, la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles a autorisé l’assureur à faire exécuter la sentence arbitrale. Elle a également prononcé le 22 octobre 2013 un arrêt, qui reprend les termes de la sentence, en application de l’article 66 de l’Arbitration Act 1996 (loi de 1996 sur l’arbitrage), intitulé « Exécution de la sentence », qui dispose que : « 1) Une sentence prononcée par le tribunal [arbitral] en vertu d’une convention d’arbitrage peut, sur autorisation de la cour, être exécutée de la même manière qu’un arrêt ou une ordonnance de la cour aux mêmes fins. 2) Lorsque cette autorisation est accordée, un arrêt reprenant les termes de la sentence peut être rendu ».

Les procédures judiciaires engagées en Espagne ont quant à elles conduit, notamment, à la condamnation de l’assureur à indemniser l’Espagne, par une ordonnance de la cour provinciale de la Corogne du 1er mars 2019.

Cette ordonnance espagnole a été reconnue, à la demande de l’Espagne, par une ordonnance de la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles du 28 mai 2019, sur le fondement de l’article 33 du règlement Bruxelles I (CE n° 44/2001) du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Toutefois, l’assureur a formé un appel contre cette ordonnance du 28 mai 2019.

C’est au regard de ces éléments que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie et a rendu un arrêt le 20 juin 2022.

Problématique juridique

Le débat partait du constat que l’arrêt de la Haute Cour de justice d’Angleterre et du Pays de Galles du 22 octobre 2013 a repris les termes de la sentence arbitrale et était inconciliable avec l’ordonnance de la cour provinciale de la Corogne du 1er mars 2019. Dans ce cadre, il s’agissait de déterminer si, compte de la spécificité de son contenu, l’arrêt du 22 octobre 2013 pouvait être qualifié de « décision » au sens du règlement Bruxelles I et faire obstacle à la reconnaissance en Grande-Bretagne de l’ordonnance espagnole du 1er mars 2019.

Pour bien comprendre la position de la Cour de justice de l’Union européenne, il est utile de rappeler quelques dispositions du règlement Bruxelles I, étant souligné que le Brexit a été sans conséquence dans cette affaire, compte tenu des dates des décisions concernées :

• Art. 1 : « Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives. 2. Sont exclus de son application : […] ; d) l’arbitrage » ;

• Art. 32 : « On entend par décision, au sens du présent règlement, toute décision rendue par une juridiction d’un État membre quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi que la fixation par le greffier du montant des frais du procès » ;

• Art. 33, point 1 : « Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure » ;

• Art. 34, point 3 : « Une décision n’est pas reconnue si : […] ; 3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État membre requis ; […] » ;

• Art. 27 (litispendance) : « 1. Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie. 2. Lorsque la compétence du...

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L’article premier de la Charte de l’environnement devient une liberté fondamentale

Le référé-liberté peut être invoqué au regard du droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Le Conseil d’État reconnaît une nouvelle liberté fondamentale en l’assortissant de conditions qui limiteront l’usage d’un tel recours.

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Être ou ne pas être une demande nouvelle en cause d’appel

Étendard de l’appel voie de réformation, l’interdiction de la demande nouvelle en cause d’appel fait toujours parler tant le principe et ses exceptions semblent délicats à aborder. C’est cette fois la voix de la première chambre civile qui se fait entendre. Une SCI assigne sa banque en nullité de la stipulation du taux d’intérêt et en substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel. En appel, elle sollicite la déchéance du droit aux intérêts. Reprochant à la cour d’appel de Dijon d’avoir jugé cette demande recevable comme non nouvelle en cause d’appel, la banque forma pourvoi incident sur cette question. La première chambre civile répond :

« 4. Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Aux termes de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

5. La demande en annulation d’une stipulation d’intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu’elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé. »

Être ou ne pas être nouvelle

Voilà un nouvel arrêt publié qui permet de (re)définir ce qu’est une demande nouvelle. Ou ce qu’elle n’est pas. Bien que l’arrêt débouche in fine sur une cassation totale à la suite du pourvoi principal de l’emprunteur sur l’articulation entre le coût de l’assurance invalidité-décès et le taux effectif global, sa publication au Bulletin résulte non pas de la vision consumériste mais de l’approche processualiste. Mis en exergue par la première chambre elle-même – et c’est un signe – le pourvoi incident de la banque est examiné avant le pourvoi principal de l’emprunteur. Il est rejeté. Mais il est publié.

L’article 564 du code de procédure civile, cité par la Cour de cassation, pose le principe bien connu de l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel. Mais l’appel est une voie d’achèvement maîtrisée – ou une voie de réformation élargie selon la théorie du verre à moitié plein ou à moitié vide – et des exceptions au principe sont aussitôt apportées : les prétentions ne sont pas nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, les parties pouvant ajouter aux prétentions soumises au premier juge...

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Être ou ne pas être une demande nouvelle en cause d’appel

N’est pas nouvelle en cause d’appel la demande en annulation d’une stipulation d’intérêts avec substitution du taux légal qui tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts, dès lors qu’elles visent l’une et l’autre à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

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Intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme

C’est uniquement à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire et sans qu’il y ait lieu de tenir compte des circonstances postérieures que s’apprécie l’intérêt pour agir d’un requérant contre un permis de construire.

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Intérêt à agir contre une autorisation d’urbanisme

C’est uniquement à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire et sans qu’il y ait lieu de tenir compte des circonstances postérieures que s’apprécie l’intérêt pour agir d’un requérant contre un permis de construire.

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L’obligation de réserve « ne saurait servir à réduire un magistrat au silence »

S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil supérieur de la magistrature insiste sur la liberté d’expression des magistrats.

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Nouvelles précisions sur la tierce opposition du jugement constatant le bon achèvement du plan

Un arrêt du 14 septembre 2022 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation précise le régime des voies de recours applicables au jugement qui constate le bon achèvement du plan. L’espèce est rendue sous l’empire des textes antérieurs à la loi de sauvegarde des entreprises, époque à laquelle cette décision n’était pas prévue par le législateur. Cependant, les enseignements fournis demeurent d’actualité dès lors que les nouveaux textes qui l’envisagent (C. com., art. L. 626-28 et R. 626-50) ne précisent rien sur les voies de recours qui lui sont applicables.

L’arrêt est le second rendu par la haute juridiction dans la même affaire. Tout avait commencé lors d’une procédure de redressement judiciaire ouverte en 2002. Un plan de continuation avait été adopté, en août 2004, écartant le passif demeurant litigieux. Ce jugement n’avait fait l’objet d’aucune voie de recours, pas plus qu’une décision ultérieure qui modifiait le plan. Par la suite, un jugement du 7 juin 2011 constatait le bon achèvement du plan. Des créanciers dont les créances faisaient toujours l’objet d’instances en cours en formaient alors tierce opposition. La cour d’appel de Paris avait déclaré cette tierce opposition irrecevable, qualifiant la décision de simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de toute voie de recours. Un pourvoi en cassation fut alors formé par lesdits créanciers, qui fut couronné de succès. Dans un arrêt du 29 septembre 2015, la Cour de cassation énonçait que le jugement constatant le bon achèvement du plan était un acte juridictionnel et non une mesure d’administration judiciaire (Com. 29 sept. 2015, n° 14-11.393, Société d’expansion du spectacle c. Odetto, Dalloz actualité, 23 sept. 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 1839 image ; ibid. 2016. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas image ; JCP E. 2015, obs. P. Pétel ; APC 2015-15, n° 262, obs. P. Cagnoli ; Gaz. Pal. 19 janv. 2016, p. 63, obs. C. Lebel), donc potentiellement susceptible de voies de recours. Pour ce faire la haute juridiction retenait que cette décision était susceptible d’affecter les droits des créanciers.

La cour d’appel de Paris, qui fut désignée juridiction de renvoi dans une formation autrement composée, reprenait sa décision initiale dans un arrêt du 10 novembre 2020. Tout en prenant acte de la qualification retenue par la Cour de cassation, elle concluait à nouveau à l’irrecevabilité de la tierce opposition des créanciers, en retenant alors leur absence d’intérêt à former cette voie de recours. Pour ce faire, elle retenait, d’une part, que le jugement arrêtant le plan, tout comme celui le modifiant était passé en force de chose jugée et ne pouvait plus être remis en cause et, d’autre part, que la mission du représentant des créanciers n’avait pas pris fin, dès lors que la procédure de vérification des créances n’était pas allée jusqu’à son terme, les créanciers pouvant dès lors faire admettre leurs créances au passif et les recouvrer, le cas échéant.

C’est cet arrêt qui était l’objet d’un nouveau pourvoi en cassation par les créanciers concernés. Pour rejeter ce pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article L. 621-79 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées. Elle en déduit que « lorsque le plan est arrivé à son terme, les créances déclarées qui n’ont pas été inscrites au plan peuvent être recouvrées par l’exercice par le créancier de son droit de poursuite individuelle ». Enfin,...

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Nouvelles précisions sur la tierce opposition du jugement constatant le bon achèvement du plan

Est irrecevable faute d’intérêt la tierce opposition d’un jugement constatant la bonne exécution du plan, formée par un créancier exclu du plan à raison de la contestation de sa créance. Une telle créance peut néanmoins être recouvrée par l’exercice par le créancier de son droit de poursuite individuelle.

Sur la boutique Dalloz

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L’office de l’huissier significateur à l’épreuve des boîtes aux lettres

En l’espèce, une assignation en paiement est délivrée à la requête d’une banque (créancière au titre d’un cautionnement) à l’un des époux codébiteurs d’un prêt. La signification s’effectue selon les modalités de l’article 656 du code de procédure civile dans les circonstances suivantes : l’huissier de justice se rend à l’adresse qui lui est communiquée par la banque, constate que le nom du destinataire figure sur la boîte aux lettres (et vraisemblablement que celui-ci est absent, personne d’autre n’acceptant, en outre, de recevoir l’acte au domicile). Dans ces conditions, il laisse un avis de passage et conserve l’acte à son étude, à charge pour le destinataire de venir le récupérer.

Hélas, les époux se sont séparés. L’épouse, destinataire de la signification, ne réside plus à l’adresse à laquelle la signification a été effectuée. Elle n’a pas connaissance de l’acte signifié et ne comparaît pas en première instance. Condamnée par jugement réputé contradictoire, elle relève appel de la décision et demande l’annulation du jugement en raison de la nullité de l’assignation introductive d’instance pour irrégularité de la signification. La cour d’appel refuse de prononcer l’annulation du jugement et condamne la débitrice à régler diverses sommes.

Un pourvoi est formé par la débitrice. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en ce qui concerne le refus d’annuler l’assignation. Elle rappelle que « la seule mention, dans l’acte de l’huissier de justice, que le nom du destinataire de l’acte figure sur la boîte aux lettres, n’est pas de nature à établir, en l’absence de mention d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte » et relève que la cour d’appel n’a pas constaté « que l’acte de l’huissier de justice comportait d’autres mentions que celle relative au nom figurant sur la boîte aux lettres ». Cette cassation entraîne par voie de conséquence celle des autres chefs de dispositif, ceux-ci ayant un lien de dépendance nécessaire avec celui du refus d’annulation (C. pr. civ., art. 624).

Cet arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 8 septembre 2022 donne l’occasion d’opérer un rappel sur la rigueur de l’office de l’huissier significateur et d’apporter quelques précisions quant à la valeur de la stratégie du débiteur défendeur.

La rigueur de l’office de l’huissier significateur

Trois séries d’observations peuvent être faites quant au rappel de la rigueur de l’office de l’huissier dans le cadre de la signification à domicile.

D’abord, sur la rigueur. Le recours à la signification a pour but de maximiser les chances que le destinataire prenne connaissance de l’acte signifié par rapport à une notification par voie postale. C’est la raison pour laquelle il est attendu de l’huissier des vérifications supérieures à celles auxquelles se livrerait la Poste. En particulier, il doit prioritairement tenter de remettre l’acte à la personne du destinataire (C. pr. civ., art. 654). Lorsque cela est impossible, la signification peut être pratiquée à domicile au lieu où demeure le destinataire (C. pr. civ., art. 655, 656, 689). La réalité du domicile doit alors être scrupuleusement vérifiée. Le terme de « vérifications » figure au pluriel dans l’article 656 du code de procédure civile, de sorte que plusieurs vérifications sont requises. Ces vérifications doivent être relatées dans l’acte de signification (C. pr. civ., art. 655, 656), qui doit se suffire à lui-même (C. pr. civ., art. 663), conséquence du caractère solennel des actes dressés par l’huissier (en ce sens, C. Bléry, Conditions de formation et communication des actes de procédure, in S. Guinchard [dir.], Droit et pratique de la procédure civile, 10e éd., 2021, Dalloz Action, n° 271.31). À ce titre, la Cour de cassation avait déjà jugé que l’acte de signification ne pouvait pas se contenter de mentionner que le nom du destinataire figurait sur la boîte aux lettres (Civ. 2e, 15 janv. 2009, n° 07-20.472 P, D. 2009. 378 image ; ibid. 757, chron. J.-M. Sommer et C. Nicoletis image ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero image ; 20 avr. 2017, n° 16-12.393 ; 4 mars 2021, n° 19-25.291 P, D. 2021. 530 image

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L’office de l’huissier significateur à l’épreuve des boîtes aux lettres

La seule mention, dans l’acte de signification dressé par l’huissier de justice, que le nom du destinataire de l’acte figure sur la boîte aux lettres, n’est pas de nature à établir, en l’absence de mention d’autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l’acte.

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Cautionnement, abus de dépendance économique et disproportion

Malgré la toute récente réforme issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 qui vient de fêter sa première bougie, le droit des sûretés personnelles antérieur au 1er janvier 2022 reste, aujourd’hui encore, celui de la majorité des cautionnements en circulation en France. Par conséquent, les arrêts qui statuent sur les règles du droit ancien doivent retenir toute l’attention de la pratique tant civiliste qu’affairiste. L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 21 septembre 2022 croise, dans cette optique, deux problématiques importantes de ce droit antérieur : celle de la disproportion du cautionnement et celle, plus rare, de la nullité pour violence et, plus précisément, pour abus de dépendance économique. Rappelons les faits pour comprendre comment la situation a pu se présenter devant la Cour de cassation. Une société ouvre, le 25 janvier 2011, un compte auprès d’un établissement bancaire. Par acte du 29 août 2013, une personne physique se rend caution des engagements de celle-ci et ce dans la limite du 360 000 €. La société débitrice principale est, peu de temps après, mise en redressement puis en liquidation judiciaires. Le créancier assigne donc la caution en paiement des sommes non réglées. Mais celle-ci lui oppose la nullité de son engagement ainsi que sa disproportion, à titre subsidiaire. À hauteur d’appel, les juges du fond rejettent l’abus de dépendance économique et donc la nullité du contrat. Ils relèvent également qu’il n’y avait pas de disproportion de l’engagement ainsi souscrit en s’appuyant sur la fiche de renseignement remplie par le garant. Voici notre caution qui se pourvoit en cassation. Elle reproche à ce raisonnement une double violation de la loi. La première concernerait l’abus de dépendance économique : pour le demandeur au pourvoi, les juges du fond ne pouvaient pas se fonder sur des circonstances postérieures à l’échange des consentements. La seconde concernait la disproportion du cautionnement et la fameuse fiche de renseignements qui était selon le demandeur au pourvoi au moins partiellement inexact.

Le pourvoi est rejeté sur les deux chefs d’argumentation que nous venons de citer. Nous allons examiner pourquoi ce rejet s’imposait dans cette affaire mêlant des thématiques plurielles.

De l’appréciation de l’abus de dépendance économique

Le premier ressort argumentatif utilisé par le demandeur au pourvoi reposait sur l’appréciation de l’abus de dépendance économique qu’il alléguait et ce depuis la première instance. Il estime, devant la Cour de cassation, que c’est au moment où le consentement est donné qu’il convient de se placer pour déterminer si l’acte juridique doit être anéanti ou non. La situation était la suivante selon la rédaction du moyen : la société débitrice principale avait bénéficié pendant plusieurs années de larges facilités de caisse. Or, il a été demandé à la personne physique qui allait devenir la caution son engagement personnel à garantir les dettes de la société « sous la menace implicite de mettre fin à ces facilités » (§ n° 2) puisque le compte courant affichait un découvert de la somme de 254 513,02 €. Il n’en fallait guère plus pour le demandeur au pourvoi pour penser que le raisonnement des juges du fond était donc maladroit. En prenant en compte la situation selon laquelle le compte bancaire était redevenu créditeur deux mois après l’engagement, la décision n’aurait donc pas suffisamment été rigoureuse dans le moment d’appréciation de la violence économique alléguée selon le pourvoi.

La chambre commerciale refuse ce raisonnement en jugeant que la cour d’appel « pouvait prendre en compte l’évolution des comptes de la société dans les semaines ayant suivi le cautionnement litigieux afin d’apprécier la réalité de sa situation de dépendance économique à la date où ce cautionnement a été donné » (nous soulignons). On comprend de cette motivation que l’intérêt d’une telle démarche était de mettre en exergue la situation de dépendance économique pour savoir si, au moment où le contrat a été conclu, cette dépendance diffuse dans le temps avait exercé une pression ayant conduit à un consentement vicié. Le choix du verbe pouvoir est probablement à dessein : l’argumentation des juges du fond aurait pu par ailleurs se fonder sur d’autres éléments.

Sur le fond, la chambre commerciale rappelle que les juges du fond ont bien retenu qu’aucune preuve d’une dépendance économique n’était établie. La solution est donc dans la plus stricte orthodoxie de la théorie générale du contrat tout en apportant une dose de souplesse aux situations juridiques envisagées : les juges du fond peuvent prendre en compte un continuum de situations autour de l’acte pour déterminer si l’état de dépendance économique existe ou non (ici, l’évolution du compte de la société passant du statut de débiteur au statut de créditeur quelques semaines le cautionnement). On comprend l’intérêt de cette solution notamment quand on se rappelle l’important arrêt rendu à propos de l’abus de dépendance économique l’année dernière à propos des honoraires d’avocat (Civ. 2e, 9 déc. 2021, n° 20-10.096 F-P+B, Dalloz actualité, 13 déc. 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 384 image, note G. Chantepie image ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki image ; Just. & cass. 2022. 221, rapp. F. Besson image ; ibid. 228, avis S. Grignon Dumoulin image ; AJ fam. 2022. 8, obs. F. Eudier image ; RTD civ. 2022. 121, obs. H. Barbier image). Nul doute que ce style de raisonnement essaime donc, ces temps-ci, dans les stratégies développées par les avocats. La précision sera donc utile pour les plaideurs : l’appréciation de l’abus de dépendance s’apprécie bien au jour où le cautionnement est donné mais n’empêche pas de prendre en compte certains éléments contextuels à proximité de l’acte pour apprécier la réalité de la situation de dépendance économique. De l’art de la nuance, donc.

Sur l’appréciation de la disproportion, la solution est plus classique.

De l’appréciation de la disproportion du cautionnement

Si sa demande de nullité ne pouvait être accueillie, la caution avait formé une demande subsidiaire sur la disproportion de l’acte conclu. Elle estimait que la fiche de renseignement remplie comportait des anomalies si bien que les juges du fond devaient vérifier la réalité du patrimoine sans pouvoir se fonder sur cette seule fiche de renseignements.

La chambre commerciale refuse purement et simplement ce raisonnement. Elle rappelle le travail minutieux des juges du fond ayant relevé que la caution avait certifié de l’exactitude des renseignements. Elle estime encore, qu’il n’y a lieu à aucune cassation quand la cour ne détecte aucune disproportion en se fondant sur les éléments exacts de la fiche litigieuse. On se rappelle, qu’en la matière, les juges du fond doivent veiller à ne pas se fonder sur une fiche de renseignements comportant des anomalies apparentes. Ici, tel n’était pas le cas : les éléments qui n’étaient affectés d’aucune erreur matérielle apparente permettait d’apprécier la situation patrimoniale de la caution et donc de vérifier si l’engagement était disproportionné ou non.

Précisément, le problème portait sur l’inexactitude de certains éléments précis mais qui s’ajoutaient à d’autres dont l’exactitude ne posait pas question (notamment un contrat d’assurance-vie, un portefeuille boursier et plusieurs dépôts sur des comptes bancaires pour un montant de 980 000 €). La chambre commerciale estime, à raison selon nous, que ces éléments dont il est constant qu’ils sont exacts suffisent déjà s’assurer que le cautionnement n’est pas manifestement disproportionné (§ n° 7). Voici donc là où l’on voit que l’appréciation de la disproportion du cautionnement peut être souple tant que les éléments sur lesquels se fonde le juge pour en contrôler la substance sont exempts de défauts apparents et ce même si d’autres éléments portent à discussion.

L’arrêt du 21 septembre 2022 est donc original en ce qu’il mêle une thématique rare (l’abus de dépendance économique) à une problématique plus commune (la disproportion du cautionnement). Sa publication au Bulletin permet de confirmer ces solutions déjà connues en la matière.

Cautionnement, abus de dépendance économique et disproportion

Dans un arrêt rendu le 21 septembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte d’utiles précisions sur l’appréciation de l’état de dépendance économique et sur l’appréciation de la disproportion du cautionnement.

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Comment instruire et juger une demande « en la forme des référés » ?

Légiférer est un art difficile ! Telle pourrait être la morale de l’avis rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 14 septembre 2022.

Il n’y a pas si longtemps les textes regorgeaient de demandes qui devaient être instruites et jugées « en la forme des référés ». La formule, maintes fois critiquée, était trompeuse et ce fût une bonne chose que l’article 38 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice autorise le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d’harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai (Y. Strickler, De la forme des référés à la procédure accélérée au fond, JCP 2019. 928). L’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 et le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 entreprirent donc de préciser le régime et le champ d’application de cette procédure accélérée au fond : ils tentèrent d’inventorier l’ensemble des textes mentionnant qu’une demande devait être jugée et instruite en la forme des référés pour préciser si elle devrait l’être désormais selon la procédure de référé, la procédure sur requête, la procédure de droit commun ou la procédure accélérée au fond.

Ce recensement des textes qui prescrivaient d’instruire et de juger une demande en la forme des référés était fastidieux et, inévitablement, exposait au risque d’un oubli (Y. Strickler, Les procédures rapides (procédure accélérée au fond, procédures d’urgence), Procédures 2020. Étude 7, n° 5). C’est précisément ce qui est arrivé à l’article 17 de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi : ce texte indique que toutes les demandes formées en application de l’ordonnance devaient être soumises au président du tribunal civil ou du tribunal de commerce « statuant en la forme des référés ». Certes, comme l’a relevé la Cour de cassation dans l’avis commenté, l’article 28 de l’ordonnance n° 2019-738 prévoit de manière générale que le président du tribunal judiciaire devra désormais connaître selon la procédure accélérée au fond des litiges attribués par conventions internationales ; mais l’ordonnance de 1945 n’est pas une convention internationale. Il y avait bel et bien un oubli qu’il fallait combler.

La Cour de cassation aurait pu rendre un avis un brin provocateur. On sait, en effet, que le président du tribunal judiciaire n’a en principe vocation à statuer selon la procédure accélérée au fond que dans les cas prévus par la loi ou le règlement (COJ, art. L. 213-2 ; v. égal., C. pr. civ., art. 481-1). Sauf en matière d’indivision (Civ. 1re, 15 févr. 2012, n° 10-21.457 P, Dalloz actualité, 21 mars 2012, obs. S. Prigent ; D. 2012. 553 image ; 20 mai 2009, nos 07-21.679, Larrivière (Epx) c/ Foncia Chablais (Sté), D. 2009. 1536 image ; ibid. 2058, chron. P. Chauvin, N. Auroy et C. Creton image et 08-10.413), c’était d’ailleurs en suivant scrupuleusement les textes que la Cour de cassation avait pu identifier les demandes qui devaient être instruites en la forme des référés (M. Foulon et Y. Strickler, Les référés en la forme, Dalloz, 2013, n° 11.14). Parce que l’article 17 de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 ne prévoit pas expressément le recours à la procédure accélérée au fond, la Cour de cassation aurait pu décider qu’il convenait de lui appliquer la procédure de droit commun (comp., Civ. 1re, 15 févr. 2012, n° 10-21.457 P, Dalloz actualité, 12 mars 2012, obs. S. Prigent).

Une telle lecture aurait cependant occulté l’intention du législateur et la Cour de cassation a justement préféré recourir à une interprétation téléologique (v. déjà, Civ. 2e, avis, 8 juill. 2022, n° 15008 P, Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. R. Laffly ; Légipresse 2014. 396 et les obs. image ; ibid. 556, comm. X. Salvat et B. Ader image). Lorsqu’une demande fondée sur l’application de l’ordonnance n° 45-770, le président du tribunal judiciaire décide « au fond », expression un peu vague qui paraît toutefois exclure qu’il statue selon la procédure de référé ou la procédure sur requête qui ne conduisent qu’au prononcé de décisions provisoires. Il fallait alors déterminer si la demande devait être instruite selon la procédure de droit commun ou selon la procédure accélérée au fond. Pour ce faire, la Cour de cassation a, dans l’avis commenté, opéré un rapprochement. D’un côté, l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 avait, d’après ses motifs, pour finalité de permettre « par une procédure aussi rapide et peu coûteuse que possible, aux propriétaires dépossédés de rentrer légalement en possession de leurs biens, droits ou intérêts ». De l’autre, dans le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, il était indiqué que le texte tendait à « préserver la philosophie de la procédure « en la forme des référés » dans les matières dans lesquelles il est indispensable de pouvoir disposer d’une voie procédurale permettant d’obtenir un jugement au fond dans des délais rapides ». De ce rapprochement, la Cour de cassation a en déduit que le président du tribunal judiciaire statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l’article 481-1 du code de procédure civile lorsqu’il connaît de demandes formées en application de l’article 17 de l’ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945. La solution est tout à fait conforme à l’intention du législateur et l’oubli est finalement sans conséquences dommageables…

L’associé face à l’ouverture de la procédure collective de sa société : quel(s) recours ?

Le jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire d’une société ne peut pas faire l’objet d’un appel et d’un pourvoi en cassation de la part d’un associé de cette société. À cet égard, il importe peu qu’il soit intervenu volontairement en première instance pour contester la déclaration d’état de cessation des paiements effectuée par la personne morale. Cette intervention, même principale, n’a pas pour effet de lui ouvrir une voie de recours que la loi lui a fermée.

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L’associé face à l’ouverture de la procédure collective de sa société : quel(s) recours ?

Entre des délais d’action réduits et une qualité pour agir triée sur le volet, l’exercice des voies de recours dans le contexte particulier du droit des entreprises en difficulté est un art subtil (v. par ex., Com. 14 sept. 2022, n° 21-11.937 P, Dalloz actualité, 26 sept. 2022, obs. P. Cagnoli ; D. 2022. 1596 image).

La situation de l’associé face au jugement d’ouverture de la procédure collective de sa société en témoigne et c’est ce qu’illustre l’arrêt ici rapporté.

En l’espèce, une SCI a sollicité l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. Or, l’un de ses associés est intervenu volontairement à l’instance devant le tribunal et a contesté l’état de cessation des paiements de la personne morale. Las, la société ayant été mise en liquidation judiciaire, l’associé a fait appel du jugement d’ouverture.

Les juges du second degré estimeront ce recours irrecevable et l’associé se pourvoit en cassation.

Sans surprise, la Haute juridiction déclare, à son tour, le pourvoi irrecevable au visa de l’article L. 661-1, I, 2°, du code de commerce.

Plus précisément, la Haute juridiction estime que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire d’une société n’étant pas susceptible d’un appel et d’un pourvoi en cassation de la part d’un associé de cette société, le pourvoi de ce dernier, qui n’invoque aucun excès de pouvoir qu’aurait commis ou consacré la cour d’appel, n’est pas recevable, et ce, peu important qu’il soit intervenu volontairement en première instance pour contester l’état de cessation des paiements déclaré par la débitrice.

Plus précisément, là où l’arrêt est intéressant, c’est qu’il affirme que l’intervention, fût-elle qualifiée de principale, n’a pas pour effet d’ouvrir à l’associé une voie de recours, qui, en tout état de cause, lui est fermée par la loi.

Au demeurant, hormis cette spécificité procédurale, en refusant la voie de l’appel et du pourvoi en cassation à l’associé sur le jugement d’ouverture de la procédure collective de sa société, l’arrêt sous commentaire opère le rappel d’une règle bien établie. Cela étant, c’est ici l’occasion d’identifier les voies de recours qui sont, au contraire, ouvertes à l’associé.

Les voies de recours fermées à l’associé : l’appel et le pourvoi en cassation

L’article L. 661-1 du code de commerce n’ouvre l’appel et le pourvoi en cassation contre le jugement d’ouverture d’une procédure collective qu’aux seules personnes qui y sont visées : le débiteur, le créancier poursuivant, le comité social et économique ou les membres de sa délégation du personnel et le ministère public.

Ainsi la Cour de cassation a-t-elle déjà eu l’occasion de préciser qu’un associé, n’ayant pas la qualité de partie au jugement prononçant la liquidation judiciaire, n’est pas recevable à interjeter appel du jugement d’ouverture de la procédure (Com. 13 juin 2006, n° 05-12.748 NP).

Ce dernier arrêt est extrêmement intéressant pour l’analyse, mais il pourrait quelque peu en brouiller les pistes en ce qu’il semble conditionner l’ouverture de l’appel et du pourvoi en cassation à la qualité de partie au jugement d’ouverture de la procédure collective.

À ce propos, l’on peut s’interroger sur l’incidence, en l’espèce, de l’intervention volontaire de l’associé à l’instance. Plus précisément, la question se pose de savoir si l’intervention volontaire de l’associé n’a pas eu pour effet d’ériger ce dernier au rang de « partie » à l’instance lui ouvrant donc, théoriquement, la voie de l’appel et du pourvoi.

Dans la pureté des notions, l’article 63 du code de procédure civile qualifie l’intervention de « demande incidente » et cette dernière est définie par l’article 66 du même code comme la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires.

En outre, cette intervention volontaire peut être qualifiée de principale (C. pr. civ., art. 329) ou bien d’accessoire (C. pr. civ., art. 330).

Selon le premier de ces textes, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et qu’elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention. Selon le second texte, l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie et elle n’est recevable que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie (pour un exemple d’enjeu lié à cette qualification, Civ. 2e, 14 janv....

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Déploiement et concrétisation des bornes de recharge pour véhicules électriques

Les modalités de déploiement des infrastructures collectives par un gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sont fixées par un décret du 21 septembre 2022, pris en application des articles L. 353-12 et L. 342-3-1 du code de l’énergie.

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Clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif et notion d’actif « réalisable »

Pour la Cour de cassation, si la fraction saisissable des pensions de retraite du débiteur est concernée par l’effet réel de la procédure collective, le liquidateur doit, pour l’appréhender, mettre en œuvre une procédure de saisie des rémunérations. Or, pour aboutir, cette procédure exige que son initiateur soit muni d’un titre exécutoire. Las, le liquidateur qui ne dispose pas d’un tel titre se trouve empêché d’y recourir. Par conséquent, même en présence de pensions de retraite venant agrémenter l’actif du débiteur, la procédure de liquidation judiciaire peut être clôturée pour insuffisance d’actif.

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Une statue de l’archange Saint-Michel présente un caractère religieux

La cour administrative d’appel de Nantes juge que la statue de l’archange Saint-Michel installée sur une place publique de la commune des Sables-d’Olonne est un emblème religieux et confirme l’injonction du tribunal administratif enjoignant à son maire de procéder à son enlèvement.

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Une statue de l’archange Saint-Michel présente un caractère religieux

La cour administrative d’appel de Nantes juge que la statue de l’archange Saint-Michel installée sur une place publique de la commune des Sables-d’Olonne est un emblème religieux et confirme l’injonction du tribunal administratif enjoignant à son maire de procéder à son enlèvement.

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Des dépens engagés par le consommateur dans le cadre du contrôle des clauses abusives

La Cour de justice de l’Union européenne continue son travail d’interprétation de la directive 93/13/CEE sur la réglementation des clauses abusives. Les renvois préjudiciels sont, ces temps-ci, assez nombreux et c’est dans ce contexte que la Cour de justice a pu rendre deux arrêts le même jour sur cette thématique (v. aussi CJUE 22 sept. 2022, aff. C-335/21, Vicente c/ Delia, à paraître au Dalloz actualité). Dans sa décision Zulima c/ Servicios Prescriptor y Medios de Pagos EFC SAU, la Cour vient examiner une question qui n’intéresse, de prime abord, pas directement les clauses abusives mais qui concerne tous les plaideurs engageant des actions contre des professionnels en vue de réputer non écrites ces clauses. Il s’agit d’un problème de procédure civile : celui des dépens engagés à l’occasion de l’instance. Ces derniers sont, en procédure civile française, supportés par la partie perdant le procès même si des exceptions existent (C. pr. civ., art. 696). On peut raisonnablement estimer que lorsqu’un professionnel succombe sur une thématique de clauses abusives, il est fréquemment condamné aux dépens de l’instance (sauf si chacun supporte ses propres dépens, ce qui peut arriver quand chaque plaideur succombe partiellement). Le consommateur n’a pas, dans ce contexte, alors la charge pécuniaire de la procédure visant à réputer non écrites des clauses abusives. Mais qu’en est-il quand, avant l’issue judiciaire, une voie amiable est trouvée entre le consommateur et le professionnel ? Tel est le problème posé en substance par l’arrêt du 22 septembre 2022 commenté.

Rappelons les faits pour comprendre comment la juridiction de renvoi a été saisie : ces derniers se déroulent en Espagne, dans les îles Canaries. Un consommateur conclut un contrat de crédit à la consommation renouvelable avec un professionnel du crédit par acte du 21 septembre 2016. Moins de quatre ans plus tard, l’emprunteur invoque le caractère usuraire du prêt et souhaite en obtenir la résiliation ainsi que le remboursement par le professionnel des sommes indûment perçues. Le professionnel du crédit refuse de donner satisfaction au consommateur par la voie amiable. Le requérant saisit donc une juridiction, le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Las Palmas de Gran Canaria (le tribunal de première instance de Grande Canarie en Espagne), pour constater la nullité du contrat de crédit en invoquant notamment son caractère usuraire. À titre subsidiaire, il invoque le caractère abusif de la clause relative aux intérêts notamment en raison d’un défaut de transparence du prêteur de deniers. Le recours est jugé recevable. Mais voici que notre professionnel souhaite obtenir la radiation de l’affaire dans le temps imparti pour conclure en faisant valoir que le consommateur aurait obtenu satisfaction par voie extrajudiciaire et qu’il avait pu notamment obtenir la résiliation du contrat de crédit concerné et le remboursement souhaité. Précisons tout de suite qu’en Espagne, si les chefs de demande sont satisfaits en dehors de la procédure, celle-ci est close sans qu’il y ait lieu de statuer sur les dépens de l’instance. Problème : le consommateur n’est pas d’accord avec la radiation de l’affaire en estimant que celle-ci n’était pas fondée au principal. Ce dernier précise qu’il n’a pas pu obtenir la nullité du contrat et qu’il souhaite obtenir à son profit la condamnation du professionnel aux dépens puisque celui-ci n’avait pas souhaité le rembourser pendant la phase amiable.

Voici la juridiction bien embarrassée : elle remarque que le demandeur à l’action a obtenu satisfaction par voie extrajudiciaire. Les chefs de demandes sont satisfaits en dehors de la procédure puisque le consommateur a pu obtenir la résiliation du contrat et le remboursement des sommes indûment versées. L’embarras vient d’une règle issue du droit espagnol empêchant les juridictions de condamner l’une ou l’autre des parties aux dépens quand celles-ci ont trouvé une issue extrajudiciaire à l’instance en cas notamment de protocole transactionnel. En outre, elle n’est pas autorisée à prendre en compte l’existence de mises en demeure antérieures à la procédure judiciaire pour apprécier si le professionnel est de mauvaise foi. C’est de ces points que le renvoi préjudiciel est né. Le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Las Palmas de Gran Canaria décide donc de surseoir à statuer.

La juridiction de renvoi a posé à la Cour de justice la question préjudicielle suivante :

Dans le cadre des recours de consommateurs contre des clauses abusives, fondés sur la [directive 93/13], en cas de satisfaction extrajudiciaire de ces consommateurs, l’article 22 de la [LEC] prévoit que lesdits consommateurs doivent supporter les dépens de l’instance, et ce indépendamment du comportement adopté antérieurement par le professionnel concerné, qui n’a pas donné suite aux mises en demeure préalables. Cette réglementation espagnole en matière de procédure constitue-t-elle un obstacle significatif susceptible de dissuader les mêmes consommateurs d’exercer leur droit à un contrôle juridictionnel effectif du caractère potentiellement abusif d’une clause contractuelle, obstacle qui serait contraire au principe d’effectivité ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE ?

La Cour de justice répond à cette question délicate en essayant de préserver l’autonomie procédurale des États tout en liant, comme à l’accoutumée, la question au principe d’effectivité et au principe d’équivalence. Notons, à titre liminaire, la présence d’un problème épineux de compétence ainsi qu’un problème de recevabilité. Ce sera le plan de notre étude.

Une immixtion discutée dans la réglementation procédurale d’un État membre

Les arrêts répondant aux renvois préjudiciels posés par les juridictions nationales en matière de clauses abusives n’ont que des développements assez rapides sur la question de la compétence et de la recevabilité de la question posée. Ici, les paragraphes nos 17 à 24 (sur la compétence) et nos 25 à 31 (sur la recevabilité) sont particulièrement développés et pour cause : le gouvernement espagnol était assez fermement opposé à ce que la Cour de justice de l’Union se penche sur la question car il considérait que le renvoi était tout à la fois hors du champ de compétence de l’Union et qu’il doutait de l’interprétation faite du droit interne par la juridiction de renvoi. Nous allons examiner pourquoi cette interrogation liminaire permet de se rendre compte du niveau de protection imposé par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de clauses abusives.

Sur la question de la compétence, bien évidemment c’est à la Cour de justice de vérifier sa propre compétence comme une jurisprudence constante l’exige. Le problème était épineux car il est tout à fait exact que la question des dépens concerne le droit judiciaire privé espagnol, domaine qui ne devrait pas pouvoir intéresser le droit de l’Union. Mais la Cour de justice sauve sa compétence en rappelant que l’enjeu procédural est directement lié à la thématique de clause abusive issue de la directive 93/13/CEE : le but est de savoir si la règle procédurale « peut constituer un obstacle substantiel susceptible de décourager les consommateurs d’exercer leurs droits, en violant des dispositions du droit de l’Union, à la lumière du principe d’effectivité » (§ n° 21 de l’arrêt). La Cour rappelle alors sa jurisprudence sur les injonctions de payer et cite toute une panoplie d’arrêts récents où elle a pu déployer cette analyse et détecter des procédures dissuasives pour les consommateurs (la Cour cite, 14 juin 2012, aff. C‑618/10, Banco Español de Crédito, pt 54, Dalloz actualité, 15 juill. 2012, obs. Caroline Fleuriot ; D. 2012. 1607 image ; ibid. 2013. 945, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD eur. 2012. 666, obs. C. Aubert de Vincelles image ; 18 févr. 2016, aff. C-49/14, Finanmadrid EFC, pt 52 ; 13 sept. 2018, C-176/17, Profi Credit Polska, pt 69, D. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). La question de la compétence est donc ici réglée à la double satisfaction du principe d’équivalence et du principe d’effectivité (§ n° 23). Le renvoi préjudiciel ne vise pas à étudier la règle procédurale en elle-même mais à vérifier si elle ne fait pas obstacle à la protection contre les clauses abusives. Nuance légère mais importante, en somme.

Sur la question de la recevabilité de la question préjudicielle, le requérant et le gouvernement espagnol arguaient d’une correction jurisprudentielle des textes du LEC. Ils estiment qu’un « critère de correction » permettrait de prendre en compte la mauvaise foi du professionnel et du défendeur et de condamner celui-ci aux dépens même en cas de satisfaction extrajudiciaire empêchant normalement cette condamnation. La Cour de Justice rappelle bien qu’elle est incompétente pour interpréter le droit national (§ n° 26), motif récurrent de ses décisions. Elle précise que le rejet d’une demande de décision préjudicielle n’est possible que si l’interprétation demandée n’a pas de rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou quand le problème est de nature hypothétique. La Cour peut également juger la question irrecevable quand elle ne dispose pas assez d’éléments en fait et en droit pour y répondre. Le paragraphe n° 28 sonne le glas de cette argumentation en rappelant que ce n’est pas le cas ici : la question est donc recevable. Était-elle nécessaire ? La question se discute en droit espagnol.

La compétence et la recevabilité permettent de montrer que même à propos d’un objet aussi éloigné de la compétence de l’Union (le droit procédural des États membres), la Cour de justice arrive à pouvoir sauvegarder la question posée par la juridiction de renvoi. Ceci lui permet, chemin faisant, de glaner un terrain rarement devant elle et périphérique aux clauses abusives, celui de la procédure qui est le cadre juridictionnel du contrôle de la protection du consommateur contre celles-ci.

Le fond présente un degré d’intérêt tout aussi important pour les spécialistes de droit de la consommation.

Un contrôle nuancé de la réglementation procédurale sur les dépens

La question permet de déterminer si des législations nationales peuvent ne pas permettre la condamnation aux dépens du professionnel quand le consommateur a pu trouver une issue favorable à ces demandes dans le cadre extrajudiciaire. La difficulté est, en droit espagnol, de l’impossibilité, au moins selon la juridiction de renvoi, de prendre en compte le comportement du professionnel qui n’avait pas répondu aux mises en demeure adressées avant la saisine de la juridiction pour le condamner aux dépens de l’instance qui se solde par voie amiable.

Les paragraphes nos 34 à 38 permettent de justifier – une dernière fois si nécessaire – la compétence de la Cour dans le contrôle opéré pour répondre à la juridiction de renvoi. La question des dépens, en ce qu’elle dépend (sans mauvais jeu de mot) de la procédure nationale de chaque État membre, ne devrait pas pouvoir être dans le champ de son contrôle. Mais ici, les principes d’effectivité et d’équivalence lui permettent de s’y intéresser pour savoir si le contrôle des clauses abusives peut être correctement réalisé eu égard à cette question. La Cour de justice cite donc son arrêt Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (CJUE 16 juill. 2020, aff. C-224/19 et C-259/19, pt 98, D. 2020. 1516 image ; ibid. 2021. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image) pour rappeler avec force que la répartition des dépens peut être un des obstacles procédural susceptible de décourager les consommateurs de pouvoir bénéficier de la protection contre les clauses abusives.

Or, le point faisant difficulté est un peu différent dans la question posée dans l’arrêt du 22 septembre 2022. Dans le droit espagnol, le consommateur engageant une action visant à annuler une clause abusive (en France, à la réputer non écrite) doit supporter ses propres dépens quand une issue extrajudiciaire est trouvée. La Cour de justice, sans le dire tout à fait explicitement, condamne cette pratique au paragraphe n° 41 en y voyant un de ces obstacles substantiels de nature à empêcher le consommateur de profiter de la réglementation issue du droit de l’Union. Or, comme le rappelle le gouvernement espagnol, un « principe de correction » prétorien est dégagé par les juridictions en la matière permettant de condamner le professionnel aux dépens en pareille situation quand il est démontré que ce dernier est de mauvaise foi. Dans notre affaire, la question se discute mais il est constant que le professionnel n’a pas répondu aux sollicitations amiables avant la saisine du juge. Ce n’est que sous la pression de cette saisine qu’il a pu proposer une issue amiable. Sa mauvaise foi pourrait donc permettre aux juridictions de renvoi de le condamner aux dépens et donc de permettre au consommateur de ne pas supporter toute une série de dépenses… même si en l’état aucune annulation n’a été prononcée. C’est l’effet comminatoire de la protection contre les clauses abusives qui est à l’œuvre. Mais il n’en reste pas moins que même à ce stade précoce, certains frais ont été engagés.

La réponse est donc teintée de nuances. Une réglementation nationale peut laisser le consommateur supporter ses propres dépens quand une issue extrajudiciaire au litige sur une clause abusive est trouvée. Mais elle doit impérativement permettre au juge de tenir compte de l’éventuelle mauvaise foi du professionnel et, le cas échéant, lui laisser la possibilité de condamner ce dernier aux entiers dépens. Voici une précision fort utile ! En droit français, la question posera certainement moins de difficultés (v. sur ceci , Rép. civ., v° Désistement, par Y. Strickler, 2021, n° 149).

Des dépens engagés par le consommateur dans le cadre du contrôle des clauses abusives

Dans un arrêt du 22 septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne vient préciser que le consommateur peut supporter ses propres dépens quand il obtient satisfaction par voie extrajudiciaire à condition que le juge puisse tenir compte de la mauvaise foi du professionnel.

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Congé délivré par LRAR : l’irrégularité ne fait pas un pli !

N’est pas régulièrement donné le congé d’un bail d’habitation délivré par lettre recommandée avec demande d’avis de réception revenue à son expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé ».

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Congé délivré par LRAR : l’irrégularité ne fait pas un pli !

« Baux d’habitation : bannissez la lettre recommandée ! » Cette supplique adressée par la doctrine à la fin du siècle dernier aux contractants et à leurs conseils n’a pas pris une ride (J.-P. Blatter, AJDI 1997. 192 image).

Remise de la lettre à son destinataire

La raison de cette défiance envers ce mode de remise est à rechercher à l’alinéa 3 de l’article 669 du code de procédure civile, qui dispose que « la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire » (pour des décisions rendues au visa de cet article en matière de bail d’habitation, v. Civ. 3e, 14 déc. 1994, n° 93-12.481, AJDI 1997. 209 image ; ibid. 192, obs. J.-P. Blatter image ; 10 janv. 1996, n° 93-17.725, D. 1996. 369 image, obs. CRDP Nancy II image ; AJDI 1997. 209 image ; ibid. 192, obs. J.-P. Blatter image ; refusant de prendre en considération la date d’arrivée de la lettre au bureau de poste, v. aussi, Civ. 3e, 10 janv. 1996, n° 93-21.097, AJDI 1997. 209 image ; ibid. 192, obs. J.-P. Blatter image ; v. encore not., Civ. 3e, 7 janv. 1998, n° 96-10.326, D. 1998. 35 image ; AJDI 1998. 272 image, obs. J.-P. Blatter image ; RDI 1998. 305, obs. F. Collart-Dutilleul image ; 2 févr. 2005, n° 04-10.219, AJDI 2005. 463 image, obs. Y. Rouquet image ; 24 sept. 2020, n° 19-16.838, D. 2021. 1048, obs. N. Damas image).

Partant, le destinataire de l’envoi à qui la lettre n’est pas « remise » (parce que, absent lors du passage du préposé, il ne va pas retirer le pli à La Poste ou parce qu’il refuse de signer l’avis de réception) est réputé ne pas l’avoir reçue. Et le délai que le courrier est censé faire courir reste … lettre morte.

Stratégies de contournement

Devant cette fragilité consubstantielle de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les législations spéciales ont adopté diverses stratégies de contournement.

Ainsi, la loi du 6 juillet 1989 permet-elle, en son article 15, que les notifications prennent la forme, certes d’une « LRAR », mais aussi d’une remise en main propre contre récépissé ou émargement, voire d’un acte d’huissier (forme qui, soit dit en passant, aux termes de l’art. 651 du c. pr. civ. est envisageable alors même qu’elle n’est pas expressément prévue ; concernant la sécurité juridique que confère le recours à un huissier, V. Fradin, Dr. et patr. 1/2010. 66). Le texte précise par ailleurs que le délai court « à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre » (assimilant la notion de « réception » à celle de « remise effective au locataire », v. Civ. 3e, 13 juill. 2011, n° 10-20.478, Dalloz actualité, 31 août 2011, obs. Y. Rouquet ; D. 2011. 2037, obs. Y. Rouquet image ; ibid. 2012. 1086, obs. N. Damas image ; AJDI 2012. 121 image, obs. N. Damas image).

Plus radicale est l’approche adoptée par les textes en matière de copropriété et de délai de rétractation dans le cadre d’une vente immobilière, puisque tant l’article 64 du décret du 17 mars 1967 (en copropriété) que l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation (relatif à la vente) considèrent que le destinataire a reçu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception le lendemain du jour de sa première présentation.

Pli avisé et non réclamé

Au cas particulier, le locataire signataire d’un bail d’habitation estimait être délié de tout engagement à l’égard de son cocontractant à l’issue du congé qu’il avait adressé au bailleur via une LRAR, alors même que la lettre lui était revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé ».

En appel, il a obtenu gain de cause, le juge ayant estimé que le congé avait été régulièrement donné pour la date mentionnée dans l’acte.

Si, au regard de ce qui vient d’être exposé, on ne saurait être surpris de la censure opérée par le juge du droit (au visa de l’art. 15 de la loi de 1989), en revanche, on a du mal à s’expliquer comment un tel contentieux a, une fois encore, pu encombrer les prétoires.

Rapport judiciaire se fondant sur un rapport officieux : nullité… si grief

Dans le cadre d’un litige opposant un locataire à son bailleur, et relatif à la résiliation du bail aux torts de ce dernier, une expertise est ordonnée en référé.

Ne pouvant, pour des raisons météorologiques, accéder au toit de l’immeuble pour constater les désordres, l’expert avait examiné, avec les parties, les documents photographiques annexés à un précédent rapport d’expertise, officieux et non-contradictoire.

Le bailleur s’était prévalu de la nullité de ce rapport d’expertise judiciaire, au motif que l’expert n’avait pas rempli personnellement sa mission, en violation de l’article 233 du code de procédure civile.

La cour d’appel d’Agen ne l’avait pas suivi, et le bailleur n’obtiendra pas une meilleure écoute devant la Cour de cassation qui rejette le pourvoi.

Le rapport d’expertise judiciaire à l’épreuve de la nullité pour vice de forme

La Cour de cassation nous dit que « les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise (…) sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure, et notamment aux irrégularités de forme de l’article 114 du code de procédure civile ».

Cela mérite quelques explications, car c’est une nullité soumise à un régime un peu différent des nullités des actes de procédure.

L’irrégularité des opérations d’expertise relève du régime des exceptions de procédure, mais sans pour autant être une exception de procédure, comme nous l’a précisé la Cour de cassation (Civ. 2e, 31 janv. 2013, n° 10-16.910 P, D. 2013. 372 image ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon image ; ibid. 2014. 795, obs. N. Fricero image ; JCP 2013. 263, note X. Vuitton ; Gaz. Pal. 24-25 mai 2013, p. 27, note Amrani Mekki ; Procédures 2013. Chron. 2, obs. Raschel ; ibid. n° 98, note Perrot ; Dr. et pr. 2013. 55, note Fricero).

En conséquence, et ce rappel ne paraît pas inutile, il n’y a pas lieu de saisir le magistrat de la mise en état en application de l’article 789 du code de procédure civile pour qu’il se prononce sur cette nullité, lequel magistrat de la mise en en état étant déjà bien occupé par ailleurs pour trancher les fins de non-recevoir dont il a hérité.

Et cette nullité présente aussi une particularité, en ce que la sanction pourra être atténuée. En effet, la nullité peut ne pas être intégrale, et ne pas affecter l’ensemble du rapport d’expertise (Civ. 2e, 12 juin 2003, n° 01-13.502 P, D. 2003. 2284 image ; Gaz. Pal. 9-10 juill. 2004, p. 13, obs. du Rusquec).

Pour autant, c’est bien le régime des nullités qui régit l’irrégularité.

Et si l’arrêt précité du 31 janvier 2013 pouvait éventuellement laisser entendre le contraire, l’irrégularité, et donc la nullité, devra être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 12-21.484 P, D. 2014. 1040 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; ibid. 649, obs. M. Douchy-Oudot image ; ibid. 1231, obs. M. Bacache, D. Noguéro, L. Grynbaum et P. Pierre image ; AJ fam. 2014. 382, obs. P. Hilt image ; RTD civ. 2014. 936, obs. B. Vareille image ; Gaz. Pal. 10-12 août 2014, p. 33, obs. Leducq ; ibid. 9 sept. 2014, p. 11, note Amrani Mekki ; ibid. 14-16 sept. 2014, p. 35, obs. Casey ; LPA 31 mars 2015, p. 10, note Blaringhem-Lévêque; ibid. 8 mai 2015, p. 14, note YildIrim ; 14 nov. 2018, n° 17-28.529 P, Dalloz actualtié, 11 déc. 2018, obs. A. Hacene et M. Kebir). Hors de question, donc, d’invoquer la nullité « en tout état de cause », et la partie devra donc veiller à ne pas couvrir l’irrégularité en présenter des moyens de défense.

Outre cette antériorité, la nullité, en ce qu’elle relève des nullités pour vice de forme – et nous ne voyons pas comment une nullité de rapport d’expertise pourrait être de fond –, obligera la partie à justifier d’un grief.

Il ne suffit pas à la partie de se prévaloir d’une irrégularité, encore faut-il qu’il existe un grief.

Et c’est là certainement la principale difficulté pour espérer obtenir une nullité.

Pas de grief, pas de nullité

L’expert judiciaire n’avait pas pu accéder au toit pour constater de lui-même les désordres allégués.

Pour pallier à cette impossibilité, temporaire puisqu’elle résultait de la météo au moment des opérations d’expertise, l’expert a examiné les documents photographiques annexés à un rapport d’expertise qui non seulement était amiable, mais surtout n’était pas contradictoire.

Tout de suite, nous pensons à ces rapports d’expertise amiables, ou officieux, dont nous connaissons le peu de poids lorsqu’il s’agit d’administrer la preuve.

Si un tel rapport peut effectivement constituer un élément de preuve, encore faut-il qu’il ait été soumis à la discussion (cette fois contradictoire) des parties. Mais surtout, le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur un tel rapport, même si les parties ont pu en discuter (Cass., ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18.710 P, D. 2012. 2317, et les obs. image ; ibid. 2013. 269, obs. N. Fricero image ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon image ; RTD civ. 2012. 769, obs. R. Perrot image ; RJ com. 2013. 59, obs. V. Vigneau ; Civ. 2e, 7 nov. 2013, n° 12-25.334 P).

C’est au vu d’un tel rapport que le technicien commis a pu établir ses conclusions, et rédiger un rapport d’expertise judiciaire.

En d’autres termes, les documents photographiques, qui jusqu’alors avaient une valeur assez relative, se sont vus accorder le poids accordé à une expertise judiciaire dont on sait que même si elle ne lie pas le juge (C. pr. civ., art. 246), ce dernier a parfois un peu de mal à s’en défaire. Et quiconque part avec un rapport d’expertise défavorable éprouvera le plus grand mal à remonter la pente et à espérer un jugement en sa faveur. Et précisément, la nullité du rapport d’expertise peut permettre cette remontée de pente, d’où l’intérêt de tout mettre en œuvre pour pouvoir utilement invoquer cette nullité.

Il apparaît que l’expert, quant à lui, s’était fondé exclusivement sur cette seule expertise amiable, non contradictoire, pour constater la réalité des désordres. Ce que le juge ne pouvait faire, l’expert le pouvait. Ce procédé revient tout de même à donner une force particulière à un rapport officieux qui jusqu’alors ne valait pas grand-chose devant une juridiction.

Mais voilà, il se trouve que ces documents avaient été examinées avec les parties. Il a donc été soumis à la libre discussion des parties… tout comme l’est le rapport officieux communiqué dans le cadre d’un litige, et qui pourtant ne lui confère pas une autorité permettant au juge de se l’approprier de manière exclusive.

Mais surtout, et c’est certainement là l’essentiel, la partie n’avait pas contesté cette manière de faire de l’expert.

Dans son dire, la partie n’avait pas contesté la réalité des désordres constatés par l’expert avec ces documents photographiques.

En conséquence, en l’absence de contestation de la part de la partie, celle-ci ne peut arguer d’un grief.

Au regard de cet arrêt, il en ressort que la partie aurait dû anticiper cette nullité, et contester le procédé lors des opérations d’expertise. La partie aurait dû refuser que l’expert se fonde sur des éléments d’un rapport officieux.

Ne l’ayant pas fait, et n’ayant pas exigé par exemple de l’expert qu’il revienne aux beaux jours pour accéder au toit, la partie s’était privée de la possibilité de se prévaloir ultérieurement d’une nullité au motif que l’expert n’avait pas accompli personnellement sa mission.

Et pourtant, il n’était pas abusif de soutenir que l’expert n’avait pas satisfait aux dispositions de l’article 233 du code de procédure civile.

Au demeurant, la Cour de cassation ne dit pas l’inverse. Elle ne dit pas que l’expert peut, de cette manière, transformer tout ou partie d’un rapport officieux en un rapport d’expertise judiciaire.

Mais si personne ne le conteste en temps utile, la partie devra se taire à jamais, sans pouvoir arguer d’une quelconque nullité qui autrement avait probablement des chances de prospérer, dès l’instant où il n’est pas discutable que l’expert n’a pas constaté de lui-même la réalité des désordres, faut d’être monté sur le toit (v. pour la nullité d’un rapport alors que l’expert a renvoyé les parties à un rapport concernant la cause des désordres, Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 93-14.697 P).

Il appartient donc aux parties d’être vigilante, lorsque l’expert entend se fonder sur des éléments provenant d’une expertise officieuse, surtout lorsque les conclusions de ce rapport sont contestées.

La nullité du rapport se prépare dès le déroulement des opérations d’expertise.

De l’importance de l’objet du litige en droit de la consommation

On sait que le droit de la consommation peut souvent apparaître comme un droit d’exception et notamment sur le terrain de la procédure civile. Par exemple, on se rappelle en ce sens de l’inflexion de la règle de l’article 910-4 du code de procédure civile édictant le principe de concentration temporelle des prétentions au sujet des clauses abusives (Civ. 1re, 2 févr. 2022, n° 19-20.640 FS-B, Dalloz actualité, 8 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 277 image ; AJDI 2022. 290 image) ou encore du relevé d’office systématiquement imposé des règles protectrices de la matière (CJUE 11 mars 2020, aff. C-511/17, Dalloz actualité, 30 mars 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1394 image, note G. Poissonnier image ; AJ contrat 2020. 292, obs. V. Legrand image ; Rev. prat. rec. 2020. 35, chron. K. De La Asuncion Planes image). L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 7 septembre 2022 peut s’inscrire dans une logique différente en ce qu’il se rattache directement aux principes essentiels de la procédure civile en invoquant la notion d’objet du litige. Rappelons les faits ayant donné lieu au pourvoi pour comprendre où se situait la difficulté. À l’occasion d’un démarchage, un auto-entrepreneur exerçant une activité de nettoyage automobile signe un bon de commande établi par une société spécialisée dans la communication. Ce bon de commande concerne la parution d’une publicité dans un annuaire. Voici que notre auto-entrepreneur ne règle pas la somme visée dans le bon de commande. La société l’assigne donc en paiement de la somme de 1 264,03 €. Le tribunal judiciaire d’Agens prononce d’office la nullité du contrat sur le fondement de l’article L. 242-1 du code de la consommation puisque le bon de commande ne comportait pas de référence à l’article L. 221-5 du même code et n’était pas accompagné d’un formulaire de rétractation. Ce moyen avait été relevé d’office mais l’entrepreneur avait proposé, le jour de l’audience, de régler progressivement la dette à la société de publicité. Cette dernière se pourvoit en cassation ; taux de ressort oblige. La société ayant établi le bon de commande reproche au jugement d’avoir annulé le contrat alors que l’auto-entrepreneur ne souhaitait pas obtenir la nullité mais régler sa dette de manière progressive.

La première chambre civile casse et annule le jugement attaqué en ces termes : « en statuant ainsi, après avoir relevé que M. [W], qui proposait à l’audience un paiement échelonné de sa dette, ne contestait pas celle-ci dans son principe, le tribunal, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé...

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