[I]Ne bis in idem[/I] en matière fiscale : l’extension, par la CJUE, du principe de proportionnalité au cumul des sanctions de natures différentes

Dans un arrêt du 5 mai 2022, la CJUE se prononce sur la conformité de la législation française relative au cumul des sanctions pénales et fiscales. Si ce cumul est conforme aux exigences posées par l’article 50 de la Charte, lorsqu’il demeure réservé aux cas les plus graves, il appartient à la réglementation nationale de s’assurer que l’ensemble des sanctions infligées dans le cadre de ce cumul, y compris les sanctions de natures différentes, n’excède pas la gravité de l’infraction constatée.

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Audit énergétique : parution du décret et de l’arrêté d’application

Le décret et l’arrêté du 4 mai 2022, pris pour l’application de l’article L. 126-28-1 du code de la construction et de l’habitation, précisent le contenu de l’audit énergétique, les missions dévolues à l’auditeur, ainsi que ses compétences et qualifications.

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Audit énergétique : parution du décret et de l’arrêté d’application

Le décret et l’arrêté du 4 mai 2022, pris pour l’application de l’article L. 126-28-1 du code de la construction et de l’habitation, précisent le contenu de l’audit énergétique, les missions dévolues à l’auditeur, ainsi que ses compétences et qualifications.

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Audit énergétique : parution du décret et de l’arrêté d’application

Afin de lutter contre les « passoires thermiques », la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience » a institué un audit énergétique venant compléter le diagnostic de performance énergétique (DPE) lors de la vente de logements très énergivores. L’obligation d’établir un audit énergétique s’impose pour les ventes de bâtiments ou de parties de bâtiment à usage d’habitation, comprenant un seul logement ou plusieurs logements non soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, et classés D à G sur le seuil de performance visé à l’article L. 173-1-1 (CCH, art. L. 126-28-1). En d’autres termes, la réalisation d’un audit énergétique est obligatoire toutes les fois où est proposé à la vente un logement en monopropriété (logement individuel ou immeuble collectif d’habitation appartenant à un seul et même propriétaire) à faible performance énergétique.

L’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation classe les bâtiments existants à usage d’habitation selon sept niveaux de performance, par ordre décroissant, de la classe A pour les biens « extrêmement performants » à la classe G pour ceux « extrêmement peu performants ». Ce classement prend en compte le niveau de performance énergétique du bien ainsi que son niveau de performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pour aller plus loin : la loi du 22 août 2021 est venue également instituer un seuil minimal de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation : à compter du 1er janvier 2028, leur niveau de performance doit obligatoirement être compris entre les classes A et E au sens de l’article L. 173-1-1 précité (CCH, art. L. 173-2).

À la différence du DPE, lequel vise plus généralement à évaluer la performance énergétique et le taux d’émissions de gaz à effet de serre d’un bâtiment (CCH, art. L. 126-26 s.), l’audit énergétique propose des scénarios de travaux adaptés au logement et destinés à lui faire atteindre une rénovation énergétique dite performante.

L’audit énergétique doit être remis par le vendeur ou son représentant à l’acquéreur potentiel dès la première visite du bien, par tout moyen y compris par voie électronique (CCH, art. L. 271-4). Il permet, ainsi, aux futurs acquéreurs d’appréhender l’ampleur des travaux de rénovation nécessaires et leur impact financier avant d’envisager l’acquisition. Ces derniers pourront, notamment, contracter un prêt global destiné à l’acquisition et à la rénovation du bien. L’audit énergétique et le DPE figurent, ensuite, dans le dossier de diagnostic technique (DDT) fourni par le vendeur et annexé à la promesse de vente ou, à défaut, à l’acte authentique de vente (CCH, art. L. 271-4, 6°).

Le régime de l’audit énergétique réglementaire vient d’être précisé par la parution au journal officiel, ce 5 mai 2022, d’un décret et d’un arrêté datés du 4 mai, pris pour l’application de l’article L. 126-28-1 du code de la construction et de l’habitation.

Compétences et qualifications de l’auditeur

Le décret du 4 mai 2022 précise, tout d’abord, les compétences et qualifications dont doivent justifier les professionnels chargés de réaliser les audits énergétiques obligatoires (art. 1er). Celles-ci varient selon que les bâtiments ou parties de bâtiment en cause comprennent un ou plusieurs logements.

Lorsque la vente porte sur un seul logement, peuvent réaliser un audit énergétique : les professionnels titulaires d’au moins un des signes de qualité au sens du décret n° 2018-416 du 30 mai 2018 (art. 1er, II, 2°, a, b et e) ; les architectes et les sociétés d’architecture au sens de l’article 1er, II, 2°, c et d dudit décret ; les personnes certifiées pour réaliser un DPE au sens de l’article R. 271-1 du CCH qui justifient des compétences nécessaires ainsi que, par dérogation, jusqu’au 31 décembre 2023, celles dont la compétence est attestée par un organisme de certification (l’attestation, d’une durée de validité de neuf mois sauf prorogation, doit être présentée au propriétaire ou à son mandataire lors de la visite du logement et être annexée à l’audit énergétique).

Lorsque la vente porte...

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[Vidéo] Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice: zoom sur le Conseil scientifique

Entretien avec Françoise Tulkens, nouvelle présidente du Conseil scientifique de l’Institut des Études et de la recherche sur le droit et la justice sur la raison d’être de cet Institut, sur son rôle au sein de celui-ci et sur les thèmes prioritaires de recherche retenus pour ces deux prochaines années.

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Les apports du décret du 25 avril 2022 dans la réforme du travail pénitentiaire

La réforme du travail pénitentiaire poursuit progressivement son inclusion dans notre droit positif. À la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 2021, le décret du 25 avril 2022 est venu modifier substantiellement le code pénitentiaire avant même son entrée en vigueur. L’occasion de faire le point sur cette nouvelle étape d’une réforme d’ampleur.

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[Vidéo] Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice: zoom sur le Conseil scientifique

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le 18 mai 2022

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Merci à l’IERDJ et à Françoise Tulkens
Interview : Angeline Doudoux
Réalisation : Laurent Montant, Axel Gable & Antonin Bonin
Musique : TFB9 par Vibe Tracks

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PSE : application des critères d’ordre et compétence du juge judiciaire

Le juge judiciaire est compétent pour connaître d’un litige portant sur la réalité de la suppression d’emplois et l’application par l’employeur des critères d’ordre de licenciement, dès lors qu’il n’est saisi d’aucune contestation portant sur la définition même des catégories professionnelles visées par les suppressions d’emploi au regard des emplois existants dans l’entreprise au moment de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, ni d’une contestation des critères d’ordre et de leurs règles de pondération fixés dans le plan.

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Précisions autour de la mention manuscrite du cautionnement

Dans un arrêt du 21 avril 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient rejeter un pourvoi contre une décision ayant débouté une caution de sa demande de nullité fondée sur des ajouts par rapport à la formule légale de l’ancien article L. 341-2 du Code de la consommation.

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Remboursement d’indemnités dues au Parlement européen et prescription extinctive

Les questions de prescription extinctive continuent d’avoir le vent en poupe pour l’année 2022. Après avoir statué sur plusieurs questions qui intéressent le point de départ de celle-ci (Civ. 1re, 5 janv. 2022, nos 20-16.031, 19-24.436, 20-18.893 et 20-16.350, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 4 image ; Com. 9 févr. 2022, n° 20-17.551, Dalloz actualité, 16 févr. 2022, obs. C. Hélaine), la première chambre civile de la Cour de cassation s’intéresse à la prescription d’une action pour le moins originale, celle du Parlement européen contre un ancien député.

Les faits de l’espèce méritent toute notre attention en raison de cette originalité. Une personne siège en qualité de député européen de juillet 1999 à juillet 2004. Celui-ci décide d’employer deux assistants parlementaires : il demande que le Parlement lui verse des indemnités destinées à couvrir ses dépenses liées à cet engagement. Par courrier du 30 septembre 2004, un juge d’instruction français a informé le Parlement européen de l’ouverture d’une procédure pénale diligentée contre le député en question dans laquelle il est apparu que les deux assistants parlementaires n’ont jamais exercé les fonctions pour lesquelles ils ont été engagés. L’Office européen de lutte antifraude a remis en octobre 2011 un rapport concluant que les indemnités touchées par le député étaient indues pour ces raisons sur la base de fausses déclarations. Le secrétaire général du Parlement européen a donc pris une décision ordonnant le recouvrement de la somme de 148 160,27 € qui correspond aux indemnités indûment versées pour les emplois concernés. Le délai de règlement convenu expirait au 25 mai 2009. Toutefois, au 4 juillet 2013, une somme supplémentaire a été mise à la charge du député au titre des rémunérations des deux assistants parlementaires. Cette fois-ci, le député décide de contester ces décisions, sans succès. C’est dans ce contexte que le Parlement européen a assigné le député devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en responsabilité et en indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Le député lui oppose la...

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Ne pas confondre défense de la Palestine et antisémitisme

Se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le juge des référés du Conseil d’État a suspendu la dissolution d’un groupement de fait et d’une association qui critiquaient violemment Israël. L’appel au boycott ne constitue pas forcément une discrimination, rappelle-t-il.

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Des liens avec un service de renseignement étranger rendent indigne d’acquérir la nationalité française

Les liens qu’un étranger est suspecté d’entretenir avec un diplomate de son pays d’origine identifié comme un agent du renseignement le rendent indigne d’acquérir la nationalité française. Une solution qui témoigne à nouveau du contrôle normal opéré par le juge sur une notion dont les contours se sont essentiellement dessinés de façon prétorienne.

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Du recours de la caution et de l’absence de capitalisation des intérêts

Dans son arrêt du 20 avril 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que l’interdiction de la capitalisation des intérêts issue des règles du droit de la consommation concerne également les recours de la caution contre l’emprunteur.

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Du recours de la caution et de l’absence de capitalisation des intérêts

La question de la capitalisation des intérêts, encore appelée anatocisme, implique des croisements intéressants entre le droit commun d’une part et le droit spécial d’autre part. En droit commun, c’est l’article 1343-2 du code civil qui prévoit la possibilité de capitaliser de tels intérêts dès que les conditions sont réunies. Avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, c’était l’ancien article 1154 du code civil qui prévoyait l’anatocisme (sur cette question, v. F. Gréau, Rép. civ., v° Intérêts des sommes d’argent, n° 117). En matière de droit de la consommation, différentes règles coexistent à ce sujet en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. Pour ce dernier, l’article L. 313-52 du code de la consommation vient empêcher de mettre à la charge de l’emprunteur d’autres frais prévus que ceux mentionnés à l’article L. 313-51 du même code (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 267, n° 206). Les règles du droit commun et du droit spécial s’entrechoquent donc régulièrement, faisant naître des hésitations sur la possibilité de capitaliser des intérêts en matière de prêts régis par le code de la consommation. C’est dans ce maelström de règles que s’aventure l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20 avril 2021.

À l’origine de l’affaire, on retrouve un établissement bancaire qui consent à un particulier un prêt immobilier garanti par une caution professionnelle. Le prêt a été conclu le 14 août 2000, il est donc régi par les dispositions antérieures à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et par l’article L. 312-23 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui énonçait déjà...

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La poursuite abusive d’une activité déficitaire peut être postérieure à la date de cessation des paiements

L’article L. 653-4, 4°, du code de commerce sanctionne par la faillite personnelle le fait pour un dirigeant de poursuivre abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale. Or, pour la Cour de cassation, un tel comportement peut être caractérisé, même lorsque la cessation des paiements est déjà survenue au moment de la poursuite de l’activité déficitaire.

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Application dans le temps de la procédure prud’homale avec représentation obligatoire

Un appel formé avant le 1er août 2016 contre un jugement rendu en matière prud’homale est assujetti aux règles de la procédure sans représentation obligatoire, lesquelles demeurent applicables, en cas de cassation de l’arrêt, devant la cour d’appel de renvoi.

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Contestation de la décision de l’administrateur provisoire d’approbation des comptes

Sans préjudice de la possibilité d’en référer au président du tribunal judiciaire pour mettre fin ou modifier sa mission, les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l’administrateur provisoire qui a reçu tous les pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale, à l’exception de ceux que la loi interdit au juge de lui donner. Dès lors, une cour d’appel, saisie d’une action en recouvrement de charges, en déduit exactement qu’un copropriétaire n’est pas fondé à contester les décisions de l’administrateur provisoire approuvant les comptes et les budgets prévisionnels.

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Contrôle du licenciement d’un salarié protégé lanceur d’alerte

Le Conseil d’État précise les règles de dévolution de la charge de la preuve dans le cadre de la contestation d’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé ayant signalé des faits répréhensibles.

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Contrôle du licenciement d’un salarié protégé lanceur d’alerte

Le Conseil d’État précise les règles de dévolution de la charge de la preuve dans le cadre de la contestation d’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé ayant signalé des faits répréhensibles.

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La CJUE exigeante sur la qualité de l’eau

La directive du 23 octobre 2000 ne permet pas aux États membres d’autoriser un projet qui va provoquer une détérioration, même temporaire, d’une masse d’eau, sauf dans les cas de dérogation qu’elle prévoit.

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L’Agrasc revient sur ces réformes et en demande d’autres

Dans son rapport d’activité de l’année 2021, qui marque ses dix ans, l’Agrasc revient sur ces résultats, en hausse. Elle préconise également plusieurs modifications législatives ou réglementaires pour accroître son efficacité.

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[PODCAST] Dispositifs d’alertes : les 10 points clés pour réussir

Comment déployer ou adapter son dispositif d’alertes pour qu’il soit conforme à la loi du 21 mars 2022, en assurant efficacité, sécurité et confidentialité ?

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Anormalité du dommage : la Cour de cassation – encore une fois – dans les pas du Conseil d’État

En l’absence de responsabilité d’un professionnel de santé, l’article L. 1141-2, II, du code de la santé publique prévoit que les conséquences anormales des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, sont réparées au titre de la solidarité nationale à la double condition (i) qu’elles soient anormales au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de celui-ci et (ii) qu’elles soient suffisamment graves (S. Porchy-Simon et Y. Lambert-Faivre, Droit du dommage corporel, 8e éd., Dalloz, 2015, § 866, p. 759).

Depuis sa création par la loi du 4 mars 2002, la condition d’anormalité du dommage a été interprétée plutôt strictement par la jurisprudence mais, depuis 2016 au moins (Civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-16.824, Dalloz actualité, 29 juin 2016, obs. N. Kilgus ; D. 2016. 1373 image ; ibid. 2017. 24, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz image) et à la suite du Conseil d’État (CE 12 déc. 2014, nos 355052 et 365211, Dalloz actualité, 5 juin 2015, obs. J.-M. Pastor ; Lebon image ; AJDA 2015. 769 image, note C. Lantero image ; ibid. 2014. 2449 image ; D. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout image ; RDSS 2015. 179, obs. D. Cristol image ; ibid. 279, concl. F. Lambolez image ; RTD civ. 2015. 401, obs. P. Jourdain image), la Cour de cassation semble avoir adopté une position beaucoup plus favorable aux victimes (M. Fabre-Magnan, Droit des obligations. 2. Responsabilité civile et quasi-contrats, PUF, 2021, § 70, p. 86-88). Selon cette jurisprudence, l’anormalité du dommage est caractérisée dans deux hypothèses : soit l’acte médical a eu des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ; soit les conséquences ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie mais le risque de survenance du dommage présentait une probabilité faible dans les conditions où l’acte a été accompli.

L’arrêt commenté du 6 avril 2022 ne vient pas remettre en cause ces deux hypothèses mais vient préciser la première en jugeant, comme l’avait fait le Conseil d’État en 2020 (CE 13 nov. 2020, n° 427750, Dalloz actualité, 26 juin 2020, obs. J.-M. Pastor ; Lebon image ; AJDA 2020. 2230 image ; D. 2021. 1980, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon image ; RTD civ. 2021. 432, obs. P. Jourdain image), que la survenance prématurée du dommage est susceptible de caractériser une conséquence notablement plus grave que celle à laquelle le patient était exposé.

En l’espèce, une personne qui présentait une pathologie relative à son artère fémorale droite avait subi une chirurgie carotidienne sous anesthésie locorégionale. Au cours de l’intervention, le patient a eu une crise de convulsion généralisée et est demeuré hémiplégique. Un peu plus de quatre ans plus tard, le patient est décédé.

Les ayants droit de ce patient ont demandé la réparation du préjudice subi au médecin et à son assureur ainsi qu’à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par un arrêt du 22 octobre 2020, la cour d’appel de Paris les a déboutés de l’ensemble de leur demande.

Ils se sont alors pourvus en cassation et ont fait grief à l’arrêt d’avoir mis hors de cause l’ONIAM, les autres chefs de l’arrêt n’étant pas critiqués. Leur moyen, ne comprenant qu’une branche unique, faisait valoir une violation de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique en ce que la cour d’appel aurait relevé que...

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Anormalité du dommage : la Cour de cassation – encore une fois – dans les pas du Conseil d’État

Par un arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation a jugé que « les conséquences de l’acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement si les troubles présentés, bien qu’identiques à ceux auxquels il était exposé par l’évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément » et que « dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu’à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l’absence de survenance de l’accident médical ». Ainsi, s’inscrivant dans les pas du Conseil d’État, la Cour de cassation juge dorénavant que la condition d’anormalité du dommage visée par l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique est remplie alors même que les conséquences de l’acte médical sont identiques à celles auxquelles était exposée la victime par l’évolution prévisible de la maladie dès lors qu’elles sont survenues de manière prématurée.

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Anormalité du dommage : la Cour de cassation – encore une fois – dans les pas du Conseil d’État

Par un arrêt du 6 avril 2022, la Cour de cassation a jugé que « les conséquences de l’acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement si les troubles présentés, bien qu’identiques à ceux auxquels il était exposé par l’évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément » et que « dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu’à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l’absence de survenance de l’accident médical ». Ainsi, s’inscrivant dans les pas du Conseil d’État, la Cour de cassation juge dorénavant que la condition d’anormalité du dommage visée par l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique est remplie alors même que les conséquences de l’acte médical sont identiques à celles auxquelles était exposée la victime par l’évolution prévisible de la maladie dès lors qu’elles sont survenues de manière prématurée.

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Charges locatives et points d’apports volontaires enterrés

Si la mise en place des points d’apports volontaires enterrés (PAVE) a pour effet de décharger le gardien de l’élimination des déchets et est susceptible d’avoir des incidences sur le taux de récupération applicable, la jurisprudence ne limite pas l’élimination des rejets aux seuls déchets ménagers.

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Charges locatives et points d’apports volontaires enterrés

Si la mise en place des points d’apports volontaires enterrés (PAVE) a pour effet de décharger le gardien de l’élimination des déchets et est susceptible d’avoir des incidences sur le taux de récupération applicable, la jurisprudence ne limite pas l’élimination des rejets aux seuls déchets ménagers.

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De l’étendue de l’obligation de conseil du vendeur professionnel

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provencele 20 mai 2022

Civ. 1re, 11 mai 2022, F-B, n° 20-22.210

L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 mai 2022 vient confirmer une solution bien connue mais toujours utile à rappeler dans le cadre du droit des contrats spéciaux. Elle concerne les contours de la vente consentie par un professionnel, notamment sur l’obligation de conseil qui pèse sur lui au moment de la conclusion du contrat. À l’heure de la publication d’un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux (v. not. G. Chantepie, Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : sources et inspirations, Dalloz actualité, Le droit en débats, 11 mai 2022), cette solution permet d’observer la vivacité d’une telle obligation dans le contentieux porté devant la Cour de cassation.

Les faits ne sont pas si classiques. Ils relèvent presque du cas d’école. Une personne physique souhaite acquérir un camping-car pour voyager sur le continent américain avec quatre passagers. Trouvant un camping-car à son goût, il en fait l’acquisition auprès d’une société, elle-même se fournissant auprès d’une seconde société fabricante de véhicules. Le camping-car est livré le 6 mai 2011 mais notre acquéreur décide de faire installer des équipements supplémentaires. En novembre 2011, soit six mois après l’achat, il constate un fléchissement de l’essieu arrière et sollicite à son retour une expertise amiable et une expertise judiciaire ordonnée en référé. Les deux expertises aboutissent au même résultat : le dommage est dû à un excès de poids lié aux bagages stockés à l’arrière du camping-car. Voici que l’acquéreur décide donc d’assigner les deux sociétés – la venderesse et la fabricante du camping-car – en résolution de la vente et en réparation de ses préjudices moral et matériel à la suite d’un manquement au devoir de conseil. Le tribunal de grande instance de Nantes le déboute de sa demande. Interjetant appel devant la cour d’appel de Rennes, l’acquéreur se retrouve tout aussi déçu : le jugement est confirmé en toutes ses dispositions....

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De l’étendue de l’obligation de conseil du vendeur professionnel

La première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que le vendeur professionnel est tenu d’une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l’acheteur pour l’informer de l’adéquation du produit à l’usage qui en est projeté.

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Exemption d’une commune de ses obligations en matière de logement social

Le Conseil d’État précise à quelles conditions une commune peut être exemptée pendant trois ans de l’obligation de compter un pourcentage minimal de logements sociaux.

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Exemption d’une commune de ses obligations en matière de logement social

Le Conseil d’État précise à quelles conditions une commune peut être exemptée pendant trois ans de l’obligation de compter un pourcentage minimal de logements sociaux.

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Calcul de l’indemnité de licenciement d’un agent d’une chambre de commerce

Dans un arrêt du 5 mai, le Conseil d’État détermine les modalités de prise en compte de l’ancienneté d’un agent titulaire d’une chambre de commerce et d’industrie (CCI) pour le calcul de son indemnité de licenciement.

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Chronique d’arbitrage : la Cour de cassation crève l’abcès sur l’ordre public international

C’est naturellement l’arrêt Belokon qui attire toute l’attention, en ce qu’il offre à la Cour de cassation l’occasion de fixer une doctrine nouvelle quant aux modalités de contrôle de l’ordre public international (Civ. 1re, 23 mars 2022, n° 17-17.981, Dalloz actualité, 10 mai 2022, obs. V. Chantebout ; D. 2022. 660 image ; Gaz. Pal. 2022, n° 15, p. 11, obs. L. Larribère). La cour d’appel n’aura attendu que quelques jours pour s’aligner sur la position de la première chambre (Paris 5 avr. 2022, n° 20/03242, Groupement Santullo). Ce dernier arrêt est important, en ce qu’il révèle que la cour d’appel de Paris n’entend pas explorer sa propre voie et accepte de suivre celle tracée par la Cour de cassation.

Au-delà de l’ordre public international, sur lequel nous reviendrons abondamment, trois décisions fondamentales seront abordées dans cette chronique. La première porte sur la sempiternelle question du devoir de révélation des arbitres et c’est l’arrêt Bestful qu’il faut signaler (Paris, 22 févr. 2022, n° 20/05869). Les deux autres arrêts concernent la conformité de l’arbitrage d’investissement au droit de l’Union européenne. Pour la première fois, la cour d’appel de Paris se prononce et reprend à son compte la funeste jurisprudence Achmea. Il en résulte deux annulations successives, dans les affaires Slot (Paris, 19 avr. 2022, n° 20/14581) et Strabag (Paris, 19 avr. 2022, n° 20/13085). Deux annulations qui font mal.

I. Le contrôle de l’ordre public international

L’intensité du contrôle est la question qui a retenu l’attention de la jurisprudence et de la doctrine pendant deux décennies. Le débat est connu et nous n’en ferons qu’un rappel très bref. À l’origine, les jurisprudences Thales (Paris, 18 nov. 2004, n° 2002/19606, Thales Air Défense c. Euromissile, D. 2005. 3050 image, obs. T. Clay image ; Rev. crit. DIP 2006. 104, note S. Bollée image ; RTD com. 2005. 263, obs. E. Loquin image ; RTD eur. 2006. 477, chron. J.-B. Blaise image ; JDI 2005. 357, note A. Mourre ; JCP 2005. II. 10039, note G. Chabot ; ibid. I. 134, obs. C. Seraglini ; adde C. Seraglini, L’affaire Thales et le non-usage immodéré de l’exception d’ordre public [ou les dérèglements de la déréglementation], Cah. arb. 2006. 87 ; L. Radicati di Brozolo, L’illicéité « qui crève les yeux » : critère de contrôle des sentences au regard de l’ordre public international [à propos de l’arrêt Thales de la cour d’appel de Paris], Rev. arb. 2005. 529) et SNF (Civ. 1re, 4 juin 2008, n° 06-15.320, SNF c/ Cytec Industries, Dalloz actualité, 6 juin 2008, obs. X. Delpech ; D. 2008. 1684 image, obs. X. Delpech image ; ibid. 2560, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 3111, obs. T. Clay image ; RTD com. 2008. 518, obs. E. Loquin image ; RTD eur. 2009. 473, chron. L. Idot image ; JCP 2008. I. 164, obs. C. Seraglini ; JDI 2008. 1107, note A. Mourre ; LPA 2008, n° 199, p. 21, note P. Duprey ; Gaz. Pal. 20-21 févr. 2009. 32, note F.-X. Train) ont consacré une approche minimaliste du contrôle de l’ordre public international, à travers l’usage d’un triptyque selon lequel la violation de l’ordre public international devait être « flagrante, effective et concrète ». Il en résultait, pour la cour d’appel de Paris dans l’affaire Thales, que le juge devait rechercher « si au vu du débat entre les parties dans la procédure du recours en annulation, l’illicéité dénoncée […] ″crève les yeux″ de la Cour ». Cette analyse a été étendue par la Cour de cassation aux hypothèses de corruption dans l’arrêt Schneider (Paris, 10 sept. 2009, n° 08/11757, Schneider, D. 2010. 2933, obs. T. Clay image : Rev. arb. 2010. 548, note L.-C. Delanoy).

Ces solutions ont été vertement critiquées. Il leur est reproché de sacrifier la protection des intérêts publics et de faire de la France une terre d’accueil pour les sentences violant l’ordre public international. En appliquant une telle démarche à des problématiques aussi cruciales que la corruption, le blanchiment d’argent ou encore le droit de la concurrence, la jurisprudence abandonne la préservation de ses intérêts fondamentaux au profit de tribunaux arbitraux. La confiance n’excluant pas le contrôle, la solution française s’apparentait à un renoncement.

Cette approche n’a d’ailleurs pas été sans conséquence. Elle a contribué à voir échapper une partie du contentieux post-arbitral en présence de personnes publiques au profit des juridictions administratives. Il n’est pas non plus exclu qu’elle ait eu une influence sur les choix de la Cour de justice en matière d’arbitrage d’investissement. Bref, cette solution était autant inacceptable que néfaste.

Dès 2012, les prémices d’une évolution ont pu être identifiées. Pour la première fois, dans une affaire Planor, la cour d’appel de Paris fait disparaître le critère de la flagrance : « Il résulte de l’inconciliabilité de la sentence avec l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou que sa reconnaissance et son exécution violent de manière effective et concrète l’ordre public international » (Paris 17 janv. 2012, n° 10/21349, Planor Afrique, D. 2012. 2991, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2012, p. 569, note M.-L. Niboyet ; Gaz. Pal. 6-8 mai 2012, p. 16, obs. D. Bensaude). On retrouve une solution similaire dans plusieurs affaires postérieures, notamment des arrêts Sprecher (Paris, 26 févr. 2013, Rev. arb. 2014. 82, note P. Duprey et C. Fouchard) et Gulf Leaders (Paris, 4 mars 2014, n° 12/17681, D. 2014. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2541, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2014, somm. p. 502 ; Rev. arb. 2014. 955, note L.-C. Delanoy).

Toutefois, le diptyque de la violation « effective et concrète » s’est vite retrouvé effacé au profit d’un autre triptyque, celui de la violation « manifeste, effective et concrète ». Là encore, dès 2012, on trouve des traces de l’utilisation de ce nouveau critère (Paris, 26 juin 2012, n° 11/05156, Cah. arb. 2012. 703). C’est néanmoins à partir de 2016 que la jurisprudence s’est fixée, à travers une multiplication des solutions marquantes visant cette formule (Paris, 27 sept. 2016, n° 15/12614, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2559, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2017. Somm. 325 ; ibid. 824, E. Gaillard ; JDI 2017. Comm. 20, note E. Gaillard ; 16 mai 2017, n° 15/17442, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2559, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; JDI 2017. Comm. 20, note E. Gaillard ; Rev. arb. 2018. 248, note J.-B. Racine ; 16 janv. 2018, n° 15/21703, D. 2018. 1635 image, note M. Audit image ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2448, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; Rev. arb. 2018. 401, note S. Lemaire ; JDI 2018. Comm. 12, note S. Bollée ; ibid. Comm. 13, note E. Gaillard ; 27 févr. 2018, n° 16/01358, Rev. arb. 2018. Somm. 299 ; 10 avr. 2018, n° 16/11182, D. 2018. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; Rev. arb. 2018. 574, note E. Gaillard). Depuis six ans au moins, la cour d’appel de Paris est acquise à un contrôle « manifeste, effectif et concret ».

Cette évolution soulève néanmoins deux questions. D’une part, la substitution de l’adjectif flagrant par l’adjectif manifeste emporte-t-elle des conséquences réelles – on n’ose dire effectives et concrètes – sur le contrôle réalisé ? D’autre part, la Cour de cassation allait-elle se rallier à cette nouvelle solution ?

Le choix des mots a alimenté les débats doctrinaux les plus savants (v. not. E. Gaillard, note ss Civ. 1re, 13 sept. 2017, JDI 2017, 20 ; E. Gaillard, note ss Paris, 16 janv. 2018, JDI 2018. 13 ; S. Bollée, note ss Paris, 16 janv. 2018, JDI 2018. 12). On peut se demander s’il faut y voir une évolution dans l’intensité du contrôle, dans l’intensité de la violation ou dans la preuve de la contrariété. Si l’on se permet d’être plus pragmatique que théorique, la lecture de la jurisprudence depuis cette date révèle surtout une émancipation de la cour d’appel de toutes limites dans la réalisation de son examen. Là où les jurisprudences Thales et SNF ont pour objet d’interdire au juge de réaliser une analyse exhaustive, le nouveau critère vise à libérer le juge de toute contrainte.

Restait à savoir si la Cour de cassation allait soutenir la cour d’appel dans cette démarche. Pendant longtemps, elle a éludé la question. Dans les arrêts Gulf Leaders (Civ. 1re, 24 juin 2015, n° 14-18.706, Rev. arb. 2016, p. 219, note L.-C. Delanoy), Indagro (Civ. 1re, 13 sept. 2017, nos 16-25.657 et 16-26.445, D. 2017. 2559, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2017. 900, note T. Dufour ; Procédures 2017, n° 11, p. 21, obs. L. Weiller ; Bull. ASA 2018. 31, note A.-M. Lacoste) et Alstom (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769, Dalloz actualité, 4 févr. 2022, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2021. 2272, obs. T. Clay image ; Rev. arb. 2021.687, note C. Jarrosson ; Gaz. Pal. 2022, n° 15, p. 12, obs. L. Larribère), elle s’est gardée de prendre position. C’est en cela que l’arrêt Belokon est un arrêt majeur. La Cour de cassation livre enfin sa position sur le contrôle de l’ordre public international.

Comme s’il fallait réaffirmer sa suprématie, la Cour de cassation substitue ses propres critères à ceux de la cour d’appel. Ainsi, nulle mention n’est faite du triptyque « manifeste, effectif et concret », lequel est remplacé par une exigence de violation « caractérisée » de l’ordre public international. Qu’on ne s’y trompe pas : cette évolution ne change rien. C’est bien l’approche amorcée par la cour d’appel de Paris qui est consacrée, indépendamment des choix sémantiques. Cette dernière n’a d’ailleurs pas pris ombrage de cette démonstration de force, puisqu’elle a immédiatement repris à son compte ce nouveau critère dans l’arrêt Groupement Santullo (Paris, 5 avr. 2022, n° 20/03242).

L’arrêt Belokon réussit l’exploit d’être à la fois l’arrêt tant attendu tout en ne réalisant que des modifications cosmétiques du droit positif tel qu’il était posé par la cour d’appel de Paris. Aussi, plutôt que de commenter exclusivement l’arrêt Belokon, nous proposons au lecteur de faire un panorama rapide – et incomplet – de plusieurs questions relatives à l’ordre public international (pour une démarche identique et très exhaustive, v. J.-B. Racine, Le contrôle de la conformité de la sentence à l’ordre public international : un état des lieux, Rev. arb. 2022. 179). En effet, au-delà des arrêts Belokon et Groupement Santullo, on ajoutera un arrêt Bestful (Paris, 22 févr. 2022, n° 20/05869) et un arrêt (plus ancien) DNO Yémen (Paris, 5 oct. 2021, n° 19/16601, Cah. arb. 2022, à paraître, note A. Reynaud). Ces quatre décisions constituent un point de départ intéressant pour faire le point sur les principaux traits du contrôle de l’ordre public international. L’occasion nous est ainsi donnée de revenir sur les aspects de fond de la violation de l’ordre public international et sur les modalités du contrôle réalisé par le juge.

A. La violation de l’ordre public international

Le juge du recours sanctionne les sentences portant atteinte à l’ordre public international. Cette affirmation soulève a minima trois questions. D’abord, quel est le contenu de l’ordre public international ? Ensuite, quelles sont les preuves qui sont attendues pour établir une violation de l’ordre public international ? Enfin, la violation de l’ordre public international doit-elle présenter une gravité particulière ?

1. Le contenu de l’ordre public international

La question du contenu de l’ordre public international est une question classique. Il est pourtant difficile d’en dresser un tableau exhaustif. Cela s’explique au moins pour deux raisons. D’une part, parce que l’ordre public international ne cesse d’évoluer. À ce titre, de nouvelles valeurs et de nouveaux principes viennent régulièrement l’enrichir alors que d’autres peuvent disparaître. D’autre part, car il ne se limite pas à l’ordre public de direction et inclut aussi l’ordre public procédural et l’ordre public de protection. Il en résulte une difficulté récurrente à saisir la notion et il en découle des incertitudes de régime.

Les arrêts Belokon et Groupement Santullo rappellent que la lutte contre le blanchiment et la corruption sont deux objectifs particulièrement impérieux de l’ordre juridique français. L’arrêt Belokon énonce, en reprenant la motivation de l’arrêt d’appel, que « la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l’ordre juridique français ne saurait souffrir la violation, même dans un contexte international, et relève de l’ordre public international, la lutte contre le blanchiment d’argent provenant d’activités délictueuses faisant l’objet d’un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations unies contre la corruption conclue à Mérida le 9 décembre 2003 ». La formule de l’arrêt Groupement Santullo à propos de la corruption n’est pas bien différente : « La lutte contre la corruption est un objectif poursuivi, notamment, par la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption du 17 décembre 1997, entrée en vigueur le 15 février 1999, et par la Convention des Nations unies contre la corruption faite à Merida le 9 décembre 2003, entrée en vigueur le 14 décembre 2005 ». Il n’y a aucune discussion – et à dire vrai aucune contestation – sur l’impossibilité de reconnaître une sentence qui permet à une partie de tirer profit de telles pratiques. Reste que, dans un cas comme dans l’autre, les cours usent d’une formule plus énigmatique. Elles estiment qu’il appartient au juge de rechercher « si la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est de nature à entraver l’objectif de lutte contre la corruption [ou le blanchiment] » (v. déjà, Paris, 28 sept. 2021, n° 19/19834, Nurol, Dalloz actualité, 19 nov. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; Rev. arb. 2021. 1154, note G. Bertrou, H. Piguet et D. Bayandin ; Paris, 21 févr. 2017, n° 18/01650, Belokon, Rev. arb. 2017. 915, note S. Bollée et M. Audit ; JCP 2017. Doctr. 1326, obs. C. Seraglini ; Cah. arb. 2017. 668, note B. Poulain ; ASA 2017. 551, note L.-C. Delanoy). La question qui se pose est de savoir si la prohibition du blanchiment ou de la corruption sont des objectifs parfaitement identiques à ceux de ne pas entraver la lutte contre la corruption ou le blanchiment. Spontanément, il semble que le second soit beaucoup plus vaste que le premier. Il faudra observer si, par cette formule, la jurisprudence entend donner une appréciation extensive de l’ordre public international en cette matière.

Au-delà de la corruption et du blanchiment, d’autres valeurs et principes intègrent l’ordre public international. L’affaire DNO Yémen en offre deux exemples. D’une part, il vise « la lutte contre les violations des droits de l’homme, protégés notamment par la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 et le Pacte des droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ainsi que la lutte contre les violations du droit humanitaire international, lui-même consacré par les Conventions de Genève (1949), entrées en vigueur en France en 1951, et notamment la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 ». La formule est relativement vague, d’autant que la CEDH et le Pacte des droits civils et politiques contiennent une grande variété de dispositions. Dans la présente affaire, l’argumentation porte sur le financement d’activités terroristes. C’est sans doute sous cet angle qu’il convient de comprendre l’attendu de la cour. D’autre part, l’arrêt inclut dans l’ordre public international « les sanctions internationales et européennes, en ce qu’elles visent à contribuer au maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ». Sur ce point, la solution n’est pas totalement nouvelle, la jurisprudence ayant eu l’occasion à plusieurs reprises d’indiquer que les mesures d’embargo, lorsqu’elles émanent de l’Union européenne ou de la communauté internationale, intègrent l’ordre public international (dernièrement, v. Paris, 1er févr. 2022, nos 19/22977 et 18/27765, Armanenti, Dalloz actualité, 16 mars 2022, obs. J. Jourdan-Marques ; Gaz. Pal. 2022, n° 15, p. 13, obs. L. Larribère). Néanmoins, l’arrêt ajoute au titre des dispositifs intégrant l’ordre public international les mesures de sanctions (gel des actifs) visant des individus. À cette occasion, la cour précise que s’il ne lui appartient pas « d’étendre ces sanctions à des personnes qui ne figurent pas sur les listes annexées à ces sanctions, en revanche, il rentre dans son contrôle de vérifier que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence n’est pas susceptible de contrevenir à ces sanctions en permettant “directement ou indirectement”, la mise à la disposition de fonds à des personnes physiques ou morales, entités ou organismes inscrits sur la liste figurant à l’annexe I ou que ces fonds soient utilisés à leur profit ». Cette inclusion des mesures de sanctions individuelles dans l’ordre public international et la nécessité de ne pas les détourner pourrait devenir une préoccupation majeure dans les mois à venir, à travers la multiplication des sanctions prises contre des personnalités russes depuis la guerre en Ukraine.

L’extension de l’ordre public international concerne également l’impartialité [et l’indépendance] de l’arbitre. Déjà identifiée dans deux précédents arrêts (Paris, 15 juin 2021, n° 20/07999, Pharaon, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; 12 juill. 2021, n° 19/11413, Fiorilla, Dalloz actualité, 17 sept. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; Paris, 22 févr. 2022, n° 20/05869), l’arrêt Bestful continue d’emprunter cette voie, en réalisant un contrôle de l’impartialité de l’arbitre à ce titre. Néanmoins, on peine à comprendre si ce grief est autonome de celui relatif à la violation de l’obligation de révélation. Deux éléments au moins tendent à révéler une autonomie entre les deux : d’une part, l’absence de référence à l’obligation de révélation (sauf pour dire que le requérant « s’appuie sur le même grief que celui examiné au titre de l’irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ») ; d’autre part, la disparition de l’irrecevabilité du grief à laquelle la cour aboutit lors de son examen sur le fondement de l’article 1520, 2° du code de procédure civile. Pourtant, ce régime distinct qui se dessine peine à convaincre, dès lors qu’on identifie mal les justifications à une telle différence (v. infra).

En revanche, la jurisprudence continue d’exclure certains griefs du champ de l’ordre public international. C’est le cas de la contradiction de motifs. Dans l’arrêt DNO Yémen, la cour énonce que « le grief pris d’une contradiction de motifs de la sentence arbitrale, constitue nécessairement une critique de la sentence au fond qui échappe au juge de l’annulation, même s’il est invoqué au soutien d’un moyen d’annulation fondé sur la violation de l’ordre public international ».

2. La preuve de la violation de l’ordre public international

En matière de violation de l’ordre public international, la jurisprudence reconnaît aux parties la faculté de l’établir par des « indices graves, précis et concordants ». Cette solution est retenue depuis plusieurs années (Paris, 16 mai 2017, n° 15/17442, D. 2017. 2054, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2559, obs. T. Clay image ; RTD com. 2020. 283, obs. E. Loquin image ; JDI 2017, comm. 20, note E. Gaillard ; Rev. arb. 2018. 248, note J.-B. Racine). Elle est confirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt Belokon. Nous ne reviendrons pas en détail sur le recours à cette méthode, qui a déjà fait l’objet d’analyses savantes. Nous nous limiterons à quelques remarques.

Premièrement, il faut signaler que l’examen de ce faisceau d’indices fait l’objet d’une appréciation souveraine par la cour d’appel. C’est l’un des points importants établis par la Cour de cassation dans l’arrêt Belokon. Ainsi, si un débat complet peut avoir lieu devant l’arbitre puis devant le juge du recours, il n’est pas question d’autoriser une troisième mi-temps devant la Cour de cassation. La seule réserve réside dans le contrôle de la dénaturation. C’est là l’apport principal de l’arrêt Alstom (Civ. 1re, 29 sept. 2021, n° 19-19.769, préc.). La Cour de cassation entend donc poser les principes du contrôle, mais refuse de s’intéresser à sa réalisation.

Deuxièmement, il faut se demander si l’appréciation par faisceau d’indices vaut pour toutes les violations de l’ordre public international. Sur ce point, la jurisprudence ne l’utilise que ponctuellement, en particulier en matière de corruption et de blanchiment. Dans l’arrêt DNO Yémen, elle y a toutefois recours pour vérifier la compatibilité de la sentence avec des mesures de sanctions individuelles et des mesures d’embargo. Ce n’est pas la nature de l’ordre public en cause qui paraît guider la solution, mais le caractère occulte des violations de l’ordre public international. À cet égard, on peut s’interroger sur une éventuelle extension de la méthode à certaines violations du droit de la concurrence.

Troisièmement, la question de l’exclusion de certaines preuves du débat se pose. Dans l’arrêt Belokon, la Cour de cassation soumet la production des preuves à un double principe de respect de la contradiction et d’égalité des armes. Cette question est débattue dans l’arrêt Groupement Santullo. Sans entrer dans le détail, certains éléments produits à la procédure résultent d’une enquête pénale menée dans des conditions troubles. La cour d’appel les écarte, au motif que « la reconnaissance de culpabilité des intéressés, [l’auteur] ayant jusqu’alors au surplus toujours contesté les faits, repose sur des aveux obtenus, sans procès ni débats publics, dans des conditions susceptibles de méconnaître les principes fondamentaux liés au respect de la dignité humaine, l’exercice des droits de la défense et la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, la cour considère qu’ils ne peuvent être pris en compte en l’espèce et admis pour caractériser la corruption ». Cette solution est salutaire. L’objectif de lutte contre les violations de l’ordre public international ne justifie pas l’accueil de preuves profondément viciées.

Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que la question probatoire cristallise les débats pendant les prochaines années. Sur ce point, et malgré un rejet opportun des éléments issus de la procédure pénale gabonaise, l’arrêt Groupement Santullo inquiète. L’annulation de la sentence arbitrale est fondée sur des preuves qui, prises individuellement soulèvent des questions et, prises collectivement, prouvent très peu. Primo, si l’on observe attentivement la motivation, on se rend compte que la cour d’appel se fonde malgré tout sur des éléments de preuve obtenus au cours de la procédure pénale dont le résultat a été intégralement écarté. Ainsi, des propos recueillis pendant une confrontation à l’occasion de cette procédure sont retenus au titre de la motivation de la cour d’appel (§ 104). Secundo, la cour accorde une valeur probante indéterminée (mais non négligeable) à des preuves émanant d’organes de l’État partie à la procédure. Lorsque l’État présente une preuve qui provient de ses services, on peut s’interroger sur l’indépendance de ces derniers. Pour fonder sa motivation, la cour accumule les rapports, notes ou déclarations provenant d’agences nationales, de directions générales voire des services de police et d’instruction de l’État partie à la procédure. Il ne faut pas que, pour un État, la preuve de la violation de l’ordre public international puisse en grande partie résulter d’éléments émanant de ses organisations internes. Il y a ici matière à réflexion. Tertio, la cour identifie des corrélations entre des dépôts d’espèce par les agents prétendument corrompus de l’État et le bénéficiaire du marché public. Malheureusement, la cour se méprend dans la chronologie des paiements, en indiquant qu’un dépôt d’espèce réalisé le 18 avril est postérieur à un paiement daté du 10 mai (§ 97)… Quarto, la cour accorde une valeur probante à une décision suisse refusant la mainlevée d’un séquestre, alors que ce refus ne semble motivé par rien d’autre que des soupçons identiques à ceux présentés au juge français, sans que le juge suisse apporte d’éléments autonomes. En bout de course, on peine à être convaincu par le choix réalisé par la cour d’appel d’annuler la sentence. Il y a un véritable travail à opérer par la jurisprudence quant à la hiérarchie entre les preuves produites et sur le standard de preuve à atteindre pour emporter la conviction du juge.

Quatrièmement, la jurisprudence rappelle systématiquement que le juge du recours est juge de la sentence et non de l’affaire. Le raisonnement des arbitres n’est pas scruté par le juge. Peu importe que la sentence n’ait pas, ou ait mal appliqué l’ordre public. Ce qui compte c’est que l’exécution ou la reconnaissance de la sentence n’y porte pas atteinte. En conséquence, il faut établir un lien entre la sentence et la violation de l’ordre public international. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Les arrêts Belokon et Groupement Santullo nous en donnent une explication. Dans le premier, la cour énonce qu’il convient de rechercher si « la reconnaissance ou l’exécution de la sentence était de nature à entraver l’objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d’activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida ». Dans le second, la cour retient une formule identique, en remplaçant le blanchiment par la corruption. Cette formule est importante, car elle est le cœur de l’examen réalisé par la cour d’appel. Elle doit rechercher si la sentence permet à une partie de récolter les fruits d’une opération de corruption ou de blanchiment. Ces solutions peuvent être étendues à l’ensemble des griefs intégrant l’ordre public international. Chaque fois, il s’agit de se demander si l’exécution de la sentence (le plus souvent, le paiement) permet à une partie de bénéficier d’une violation de l’ordre public international.

Cette nature particulière du contrôle du juge du recours appelle une précision dont, à l’heure actuelle, la portée est sans doute insuffisamment appréhendée. L’exigence selon laquelle l’exécution de la sentence ne doit pas permettre à une partie de bénéficier d’une violation de l’ordre public international appelle la preuve d’un lien entre la violation de l’ordre public et le bénéfice tiré de la sentence. Dans les affaires Belokon et Groupement Santullo, ce lien n’est pas difficile à établir. Le paiement est le résultat, d’une part, d’une opération de blanchiment et, d’autre part, d’un contrat obtenu par corruption. En revanche, la situation est parfois plus délicate. L’affaire DNO Yémen en offre une illustration topique. Dans cette affaire, la violation de l’ordre public international alléguée est relative à une atteinte aux droits de l’homme et au droit humanitaire international. Toutefois, il n’est pas prétendu que le paiement permet à une partie de tirer profit de telles violations de l’ordre public international, mais que le paiement peut permettre d’en commettre. La sentence ne donne donc pas effet à une violation de l’ordre public international, mais pourrait conduire à une violation de l’ordre public international. Outre que cette violation est incertaine, elle inverse la causalité. La caractérisation d’un lien entre l’ordre public international et l’exécution de la sentence se fait à sens unique : l’exécution de la sentence ne doit pas permettre à une partie de tirer les fruits d’une violation de l’ordre public international, mais il est indifférent qu’une violation de l’ordre public international puisse avoir lieu grâce aux fruits de la sentence. La cour énonce que « ne peuvent être prises en compte des circonstances futures hypothétiques présumant l’emploi par l’une des parties au litige des sommes dues en exécution de la condamnation prononcée par cette sentence à des agissements violant les valeurs et principes protégés par l’ordre public international. Une telle prise en compte, en ce qu’elle supposerait d’anticiper sur des événements futurs et porterait sur des actes qui, pour condamnables qu’ils soient, sont détachables de ceux ayant conduit à la sentence et sur lesquels le tribunal arbitral a statué, relève d’un contrôle qui échappe au juge de l’annulation de la sentence ». Cette analyse emporte des conséquences importantes dans de nombreux domaines. En effet, il n’est pas rare qu’une violation de l’ordre public international soit brandie comme un épouvantail, tant devant l’arbitre que devant le juge. C’est le cas, par exemple, en matière de corruption, mais cela peut autant l’être en matière de concurrence. Ainsi, il ne suffit pas qu’il y ait quelque part dans le monde des atteintes par le créancier aux règles relatives à la corruption ou à la concurrence. Il faut que, dans l’affaire soumise à l’arbitre puis au juge, le créancier entende récolter les fruits d’un contrat obtenu par corruption ou violant le droit de la concurrence. L’établissement du lien entre la violation de l’ordre public international et le paiement ou l’exécution de la sentence est donc de nature à circonscrire le débat.

3. L’intensité de la violation de l’ordre public international

Si l’arrêt Belokon a mis fin au débat sur l’intensité du contrôle du juge, il est susceptible d’en ouvrir un nouveau avec la consécration d’un critère selon lequel la violation de l’ordre public international doit être caractérisée. L’arrêt Groupement Santullo s’est immédiatement approprié ce critère, en ce qu’il conclut que la reconnaissance et l’exécution de la sentence « sont de nature à violer de manière caractérisée l’ordre public international ». Il n’est pas évident de déterminer le sens précis de ce nouveau critère. On peut sans doute voir dans ce choix le poids doctrinal encore très présent d’Emmanuel Gaillard (E. Gaillard, note ss Civ. 1re, 13 sept. 2017, JDI 2017, 20 ; E. Gaillard, note ss Paris, 16 janv. 2018, JDI 2018, 13), qui invite la jurisprudence à prendre en compte l’intensité de la violation, entendue comme son retentissement sur l’ordre juridique. Il faudra néanmoins déterminer si cette précision emporte des conséquences et conduit à écarter certains recours au motif que la violation n’est pas caractérisée. On peut imaginer trois interprétations différentes, qui peuvent au choix être alternatives ou cumulatives : la temporalité de la violation (passée/future) ; l’intensité de la violation (grave/pas grave) ; la certitude de la violation (établie/incertaine). La première conduit à opposer la violation caractérisée de la violation éventuelle. À ce titre, on oppose les violations passées – sanctionnables car caractérisées – et les violations futures – qui ne le sont pas, comme c’est déjà le cas dans l’affaire DNO Yémen. La deuxième invite à distinguer la violation caractérisée de la violation simple. On oppose alors la violation grave de la violation insignifiante. Toutefois, on peut se demander s’il existe des violations insignifiantes de l’ordre public international. La troisième nécessite de dissocier la violation caractérisée de la violation insuffisamment prouvée. Cela dit, retenir une telle distinction peut s’avérer délicat dès lors que la preuve de la violation est, dans un certain nombre d’hypothèses, rapportée à travers un faisceau d’indices. Il faudra observer l’appréciation qui en sera faite par la jurisprudence.

B. Les modalités du contrôle de l’ordre public international

Lorsque l’on évoque les modalités du contrôle, on fait référence non pas à ce qui est contrôlé, mais à la façon dont le contrôle est réalisé. Trois grandes caractéristiques de ce contrôle peuvent d’emblée être identifiées. Premièrement, il peut s’agir d’un contrôle nouveau, si la question n’a pas été débattue devant le tribunal arbitral. Deuxièmement, le débat peut évoluer, dès lors qu’il n’a pas à être identique à celui réalisé devant le tribunal arbitral. Troisièmement, le débat ne souffre d’aucune limite dans son étendue, le juge étatique étant libre de l’approfondir autant que nécessaire.

1. La nouveauté du débat au stade du recours

L’ordre public international peut-il être discuté pour la première fois devant le juge de l’annulation ou de l’exequatur ? En creux, cette question se divise en deux branches. Premièrement, le comportement des parties peut-il caractériser une renonciation à se prévaloir de la violation de l’ordre public international ? Deuxièmement, le juge peut-il relever d’office le moyen ? La réponse est clairement apportée par l’arrêt d’appel dans l’affaire Schooner (Paris, 2 avr. 2019, n° 16/24358, Schooner, Dalloz actualité, 17 avr. 2019, obs. J. Jourdan-Marques ; Cah. arb. 2019. 751, note C. Crepet Daigremont), sans que sa cassation ne remette en cause le principe (Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-15.396, Schooner, Dalloz actualité, 15 janv. 2021, obs. J. Jourdan-Marques ; D. 2020. 2456 image ; ibid. 2021. 1832, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux image ; ibid. 2272, obs. T. Clay image ; Procédures 2021, n° 2, p. 24, obs. L. Weiller ; Rev. arb. 2021. 419, note P. Duprey et M. Le Duc). La cour énonce que les « moyens fondés sur l’article 1520, 5°, du code de procédure civile et tirés de ce que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence violerait de façon manifeste, effective et concrète l’ordre public international de fond, lesquels, en raison de leur nature, peuvent être relevés d’office par le juge de l’annulation, et soulevés pour la première fois devant lui ». De façon moins explicite, on retrouve cette solution dans l’arrêt Bestful (§ 27). Ainsi, lorsque l’on est dans le domaine de l’ordre public international, l’importance des intérêts protégés justifie de ne pas dresser d’obstacle à la recevabilité du moyen.

Cependant, les lecteurs avisés ont immédiatement remarqué que l’arrêt Schooner vise l’ordre...

Chronique d’arbitrage : la Cour de cassation crève l’abcès sur l’ordre public international

Le droit français de l’arbitrage international n’est plus minimaliste. Il y a dix-huit ans, en exigeant que la violation de l’ordre public international crève les yeux, l’arrêt Thales constituait le pinacle de la faveur française à l’arbitrage. Un cadeau inutile et empoisonné. Dix ans après la cour d’appel de Paris, et non sans quelques atermoiements, la Cour de cassation réalise enfin le revirement attendu.

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Pas d’interruption de la prescription pour la seule mise en demeure

L’année 2022 reste un cru d’excellence pour la prescription extinctive. Après avoir rappelé il y a quelques jours la prescription applicable à une indemnité réclamée à un ancien député par le Parlement européen (Civ. 1re, 11 mai 2022, n° 21-12.513, Dalloz actualité, 18 mai 2022, obs. C. Hélaine), la Cour de cassation vient s’attaquer à une question épineuse, à savoir ses causes d’interruption. Contrairement à la suspension, l’interruption de la prescription permet de refaire courir un nouveau délai égal à celui qui était en train de s’écouler avant ladite cause d’interruption (F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 1860 s., nos 1787 s.). La question de l’énumération de ces causes d’interruption est donc cruciale en ce qu’elle peut être une issue décisive du procès civil. La pratique reste donc particulièrement alerte sur ce point crucial mêlant droit des obligations et droit judiciaire privé. L’arrêt en date du 18 mai 2022 doit donc attirer particulièrement l’attention en ce qu’il vient énoncer une solution très importante quoiqu’attendue sur le rôle d’une mise en demeure. Son originalité lui vaut d’être promis aux très sélectives Lettres de chambres.

Les faits permettent de mieux comprendre le problème posé. Un médecin souscrit le 10 février 2008 un contrat de location pour un matériel laser transcutané pour des loyers mensuels de 743,91 € le tout sous une durée de soixante mois (pour l’importance de cette précision de durée, v. réc. Com. 11 mai 2022, n° 19-22.015, Dalloz actualité, à paraître, obs. C. Hélaine). Mais le médecin preneur du matériel arrête de payer les loyers à partir du 1er janvier 2011. Le 27 avril suivant puis le 3 avril 2013, le bailleur le met en demeure de respecter ses engagements, en vain. Le propriétaire du matériel assigne le 12 octobre 2016, par conséquent, le locataire en résiliation de plein droit du...

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Pas d’interruption de la prescription pour la seule mise en demeure

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler que les causes d’interruption de la prescription sont limitativement énumérées par le code civil. Par conséquent, la mise en demeure n’en faisant pas partie, elle ne peut interrompre la prescription d’une créance.

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Une attestation sur l’honneur pour le concubin du chef d’entreprise

Un arrêté du 9 mai 2022 tient compte de l’extension, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 du statut de conjoint collaborateur au concubin du chef d’entreprise qui travaille régulièrement dans l’entreprise. Il modifie à cette fin les informations devant figurer dans l’attestation sur l’honneur produite par le concubin du chef d’entreprise.

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Prime d’assiduité [I]vs[/I] prime de production : cumul d’avantages exclu en raison d’une similitude d’objet

En cas de concours entre les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d’entre eux pouvant seul être accordé. À ce titre, une prime d’assiduité et une prime de production peuvent enfermer un objet identique, si bien que seule la plus avantageuse des deux doit être allouée au salarié.

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Encadrement des loyers : à l’Est (Ensemble), du nouveau !

Un arrêté du 6 mai 2022 fixe les loyers de références applicables sur le territoire de l’établissement public territorial Est Ensemble à compter du 1er juin.

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Comment financer l’effort de défense avec des finances publiques dégradées ?

Pour la première fois en deux décennies, la mise en œuvre de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a été conforme à cette programmation, relève la Cour des comptes dans son rapport La loi de programmation militaire 2019-2025 et les capacités des armées. Ce rapport, indique sa préface, a été achevé avant le début de la guerre en Ukraine, laquelle devra amener à revisiter la programmation au regard « de la situation stratégique, peut-être durablement instable, qui en résultera ».

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Rejet du référé contre la livraison additionnelle d’électricité nucléaire

Faute d’urgence, le juge des référés du Conseil d’État a refusé de suspendre le décret qui impose à EDF de livrer davantage d’électricité d’origine nucléaire à bas coût à ses concurrents, afin de limiter la hausse des tarifs pour les consommateurs.

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Éric Dupond-Moretti maintenu à la Chancellerie avec sursis

Malgré, ou peut-être à cause de la guérilla judiciaire menée par les magistrats, Éric Dupond-Moretti est maintenu à son poste. Mise en œuvre des États généraux, surpopulation carcérale, défi budgétaire, réforme des cours d’appel, revue des principaux chantiers qui attendent le ministre.

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Éric Dupond-Moretti maintenu à la Chancellerie avec sursis

La nomination d’Éric Dupond-Moretti avait été la principale surprise du gouvernement Castex. Son maintien est celle du nouveau gouvernement Borne. Beaucoup pariaient sur son départ. Son cabinet s’était d’ailleurs largement dépeuplé ces dernières semaines. Mais il a finalement été maintenu à son poste.

Hier dans un entretien au Journal du Dimanche, Élisabeth Borne justifiait son maintien par son bon bilan budgétaire et par les États généraux de la justice « il était important qu’il puisse recevoir les conclusions de ces travaux et engager rapidement leur mise en œuvre ». Une argumentation passe-partout, pas totalement convaincante.

Un procès pour un ministre en exercice ?

À la nomination de Dupond-Moretti, l’Union syndicale des magistrats avait parlé de « déclaration de guerre ». Elle l’a ensuite menée, portant plainte avec d’autres syndicats pour prise illégale d’intérêts dans différents dossiers où le garde des Sceaux a sollicité des inspections dans des affaires où il avait précédemment été avocat. L’une des plaintes a été classée sans suite, mais ses demandes d’enquête administrative dans l’affaire des fadettes du PNF et contre l’ancien juge Édouard Levrault à Monaco ont abouti à une mise en examen pour prise illégale d’intérêts. Il y a deux semaines, François Molins a communiqué pour indiquer qu’il demandait le renvoi du ministre devant la Cour de justice de la République (CJR). Ce sera à la commission d’instruction de la CJR de décider s’il y a procès. Une situation inédite.

La guérilla juridique menée par les syndicats de magistrat a profondément agacé les responsables politiques. « Ce n’est pas aux magistrats de choisir leur ministre » est une parole qui revient souvent chez les élus de la majorité, mais parfois aussi auprès de parlementaires d’opposition. Le maintien d’Éric Dupond-Moretti à la Chancellerie est une manière de signifier que, pour le président de la République, le pouvoir de choisir un ministre reste au politique. Quitte à créer un conflit malsain au cœur de nos institutions.

Les chantiers à venir

Maintenu à son poste malgré sa situation judiciaire et des relations exécrables avec la magistrature, reste à savoir ce qu’Éric Dupond-Moretti pourra faire. Le ministre va déjà devoir recomposer son cabinet, qui sera dirigé par l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, Jean-Denis Combrexelle. Le rapport des États généraux de la justice devrait prochainement être remis au ministre. Certains éléments ont déjà été dévoilés par les journaux L’Opinion et Le Figaro, mais le collège n’a pas toujours été en mesure d’aboutir à des solutions consensuelles.

Parmi les chantiers à venir : le défi budgétaire. Au cours de la campagne, Emmanuel Macron a indiqué qu’il s’engageait, d’ici 2027, à la création de 1 000 postes de magistrat, 2 500 greffiers, 2 500 juristes constitués en équipe auprès des magistrats, et 2 500 agents en soutien.

La confirmation d’Éric Dupond-Moretti garantit le maintien de plusieurs réformes dont la mise en œuvre sera délicate, dont l’encadrement dans le temps des enquêtes préliminaires et la suppression des aménagements de peine automatique. Cette mesure risque d’être inflationniste, à un moment où les maisons d’arrêt débordent (taux d’occupation de 139 % au 1er avril) et alors que le moratoire sur l’encellulement individuel prendra fin en décembre. La loi Belloubet se donnait cinq ans pour se conformer à ce principe qui a plus d’un siècle. Mais, plutôt que de le respecter, des parlementaires ont déjà demandé l’abandon de l’objectif de l’encellulement individuel en maison d’arrêt (Dalloz actualité, 21 janv. 2022, obs. P. Januel). Par ailleurs, une fois le programme de 15 000 places de prison achevé, les créations de places devraient se concentrer sur la semi-liberté et le placement extérieur.

Parmi les chantiers judiciaires : la réforme de la carte et du statut des cours d’appel, la réécriture du code de procédure pénale pour le rendre plus simple, lisible et cohérent et une refonte de la politique de la protection de l’enfance. Ce chantier relèvera de la magistrate Charlotte Caubel, ancienne directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui a été nommée secrétaire d’État chargée de l’enfance, auprès d’Élisabeth Borne.

Dans le précédent quinquennat, la réforme constitutionnelle n’a pu aboutir. Si ce chantier relèvera partiellement d’Olivier Véran, ministre des Relations avec le Parlement à qui a été confiée la « Participation citoyenne », deux propositions reviennent constamment depuis dix ans : la nécessité de revoir le statut du parquet, et la suppression de la cour de justice de la République. Ces points pourraient aboutir, à condition de trouver un accord entre députés et sénateurs. Mais qui des deux, entre le ministre et la CJR, supprimera l’autre en premier ? 

L’exécution des travaux en violation des règles d’urbanisme : une clause d’exclusion indirecte dans l’assurance de l’architecte

Il résulte de l’article L. 113-1 du code des assurances que la clause, qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, constitue une clause d’exclusion de garantie.

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Inaptitude médicale et reclassement : application dans le temps de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016

L’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail. Dès lors que l’inaptitude n’a pas été constatée en application de l’article L. 4624-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur postérieurement à l’avis d’inaptitude, une cour d’appel décide à bon droit que les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de cette loi s’appliquent.

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Responsabilité décennale : absence d’obligation contractuelle de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes

La clause de saisine de l’ordre des architectes préalable à toute action judiciaire, en cas de litige sur le respect des clauses du contrat, ne peut porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’ancien article 1134 du code civil et n’a donc pas vocation à s’appliquer dès lors que la responsabilité de l’architecte est recherchée sur le fondement de l’article 1792 du même code.

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Responsabilité décennale : absence d’obligation contractuelle de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes

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Responsabilité décennale : absence d’obligation contractuelle de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes

La garantie légale consacrée par l’article 1792 du code civil prévaut sur les clauses du contrat de maîtrise d’œuvre. Dans la décision rapportée, la troisième chambre civile remet en évidence cette primauté.

Absence de saisine préalable obligatoire : fin de non-recevoir s’imposant au juge

Dans un arrêt rendu le 23 février 2021 (Orléans, ch. civ., 23 févr. 2021, n° 19/00489), la cour d’appel d’Orléans a rejeté la demande de Mme Y, tendant à engager la responsabilité décennale de son maître d’œuvre, la société Neodomus, ainsi que celle de l’assureur de celui-ci, la Mutuelle des architectes français (MAF). En l’occurrence, le contrat d’architecte contenait une clause de conciliation préalable obligatoire, subordonnant toute action en justice du maître d’ouvrage à la saisine du conseil régional de l’ordre des architectes.

Ainsi, sur ce fondement et alors même que la requête était introduite au titre de l’article 1792 du code civil, les juges d’appel ont fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs, en déclarant irrecevable l’action en réparation.

Mme Y a contesté cette décision devant le juge du droit.

Absence de saisine préalable obligatoire : inopposabilité de la fin de non-recevoir concernant les désordres de nature décennale

Par le biais d’une cassation partielle, la haute juridiction maintient sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le manquement à une obligation contractuelle de saisine préalable pour avis du conseil est licite et opposable au maître d’ouvrage. Ce dernier ne pourra régulariser son erreur en cours d’instance (v. par ex. Civ. 3e, 16 nov....

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Concession de service public : régularité d’une méthode reposant sur une appréciation qualitative des critères

Une méthode d’évaluation littérale des offres, qui permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur chaque critère que les différentes offres entre elles, n’est pas irrégulière.

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Renforcer le contrôle des installations classées agricoles

Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) agricoles méritent un encadrement et une surveillance particulière compte tenu des nuisances de voisinage (odeurs et bruits) qu’elles peuvent générer et des risques d’accidents et de pollutions chroniques (air, sol et eau) qui leur sont associés, constate la Cour des comptes dans un rapport publié le 9 mai et consacré à L’encadrement et le contrôle des ICPE dans le domaine agricole.

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Du vice de perpétuité en matière de louage de choses

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser les contours du vice de perpétuité d’un contrat évolutif de location en présence d’une reconduction systématique du contrat.

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Accès au droit : incursion dans les permanences des MJD (partie I)

V. la seconde partie de cet article.

 

À Troyes (Aube), la maison de la justice et du droit (MJD) est à peine excentrée : elle est plantée quasiment dans l’ombre de la cathédrale du XIIIe siècle, non loin d’une maison à colombages comme la ville en compte des centaines, et à même pas deux kilomètres du tribunal judiciaire. Comme toutes les MJD, elle est aux couleurs du ministère de la Justice. Mais concrètement, c’est un groupement d’intérêt public, le conseil départemental d’accès au droit (CDAD) qui, au travers d’une subdélégation de service public, fait intervenir juristes, associatifs, avocats, etc. Ici comme ailleurs, on trouve également un délégué du procureur (DPR), qu’on laissera un peu de côté puisque, par définition, ce ne sont pas les justiciables qui sont à l’initiative de la rencontre.

Une première permanence, généraliste, est justement assurée par une juriste du CDAD. Sur le listing, il est indiqué Mickaël* « souhaite connaître les démarches pour dénoncer un mariage blanc ». « Je vis en concubinage, mais elle est déjà mariée, avec son frère », commence le trentenaire sous le regard un peu perdu de son interlocutrice, « parce qu’en fait, son frère, c’est son cousin ». « Hmm, d’accord », ponctue régulièrement la juriste, sans conviction, en se tassant progressivement dans son siège. Le cas pratique finit tout de même par prendre forme : « En fait, c’est pour voir ma fille, parce qu’elle ne veut pas me la donner. Elle dit que je ne participe pas financièrement. Je dois lui faire un virement de 50 € pour qu’elle me la donne, une journée. » « Ce sont deux choses différentes », précise la juriste : « Il faut contribuer aux charges, mais vous n’avez pas besoin de payer pour voir votre enfant. Vous avez droit à un maintien des liens, mais effectivement, avant d’avoir un jugement, c’est un peu bancal. »

— Sauf que le juge m’a dit qu’il abandonnait, qu’il en avait marre…

— Et quel jugement a été rendu, du coup ?

— Il m’a mis qu’il fallait ressaisir le juge aux affaires familiales.

— Ah, donc c’était le juge des enfants ?

— Voilà.

— Bon, ben vous allez être bon pour faire un deuxième dossier pour l’aide juridictionnelle. Y a pas le choix.

« On va voir dans le journal qu’un homme a pété les plombs devant une CAF… »

« Et donc, vous avez un problème avec qui ? », demande un peu plus loin la conciliatrice à Karim, qui réfléchit quelques secondes avant de répondre, non sans une certaine morgue : « J’ai divers problèmes actuellement. Je suis d’un milieu assez modeste, je mène ma vie assez péniblement et difficilement, et le président Macron… » « Alors, on va en venir au litige, Monsieur », le coupe la conciliatrice. En fait, on était en plein dedans, puisque tout a démarré avec l’annonce d’une « indemnité inflation » de 100 €. « Voyant mes réserves vides, mais devant faire des courses pour la petite », Karim a cherché à récupérer ce modeste pécule. Il s’est donc rendu en agence mais, « victime d’une perte d’identité », comprendre de la carte du même nom, « je me suis présenté avec [le récépissé de] déclaration. Sauf que je me suis retrouvé dans un litige commercial, ils ont appelé la police, et je vais aller devant le juge pour une vexation que j’aurais faite… » On croit comprendre qu’il serait question d’une tentative d’extorsion.

— En plus, la banque a clôturé mon compte.

— Mais ce n’est pas du ressort du conciliateur.

— Ben justement, j’avais demandé à ne pas avoir un conciliateur.

Le jeune homme monte en pression, et en vient à lâcher : « Après, on va voir dans le journal qu’un homme a pété les plombs devant une CAF… » Pas rassurée outre mesure, la conciliatrice va chercher le délégué du procureur dans le bureau voisin. Karim proteste : « Je me suis pas énervé, j’ai juste une éloquence un peu véhémente. » Il explique que, sans accès à son compte, il ne peut pas faire de photos d’identité ; et que, sans carte d’identité, il ne peut pas ouvrir de nouveau compte. « La pauvreté, elle m’a mise dans un cercle vicieux », conclut Karim : « Moi je me suis braqué maintenant, ça y est. C’est peine perdue pour moi, en fait. Toutes les démarches que j’ai faites, on m’a menacé d’appeler les policiers. » Il se lève et lance sèchement : « Au revoir, et merci ! Enfin, c’est ironique, mais bon, merci. »

« On lui souhaite une longue vie quand même, hein ! »

Dans le XVIIe arrondissement parisien, les justiciables ne convergent pas seulement vers le tribunal des Batignolles. On en croise aussi du côté de la Porte de Saint-Ouen, dans l’une des trois MJD que compte la capitale. Aujourd’hui, c’est « permanence notaire ». Jean-Pierre se « pose des questions » sur la future succession de sa belle-mère. Il sait qu’il y aurait des choses à faire pour optimiser la transmission avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, avec sa compagne, « on est allé la voir plusieurs fois, mais elle a dit que ça ne valait plus le coup ». Il faut dire qu’elle est « un peu têtue », et « aussi un peu méfiante, quand même ». « Ah oui, les personnes âgées, des fois… » répond la notaire, imperturbable. Jean-Pierre a déjà tout calculé, au centime près, et fait toutes sortes de simulations : « Ben oui, elle peut faire ça… Mais est-ce qu’elle veut ? », lui rétorque-t-elle à l’occasion. « Moi, je n’ai jamais pu parler à ma mère de tout ce qui était argent », ajoute-t-elle, « mais si elles arrivent à en parler, il faut qu’elles discutent ensemble. Et évidemment, si elles arrivent à en liquider un peu, c’est mieux. Il faut lui expliquer qu’il serait dommage que l’État garde son argent ». Pour le moins clinique, la lecture que Jean-Pierre fait de la situation sent tellement le sapin pour belle-maman que la notaire se sent obligée de préciser : « Enfin bon, on lui souhaite une longue vie quand même, à cette dame, hein ! »

Alexandre, quant à lui, vient sur les conseils de la chambre des notaires, avec des questions sur la loi Elan. Il cherche à vendre son appartement, auquel il a réuni des combles « récupérées par AG en jouissance exclusive il y a vingt ans ». Or « la surface Carrez a été prise sur l’ensemble ». « Ah ben oui mais non ! », se marre la notaire. « Sans rentrer dans le détail, je vais vous dire un truc tout simple », poursuit-elle : « Soyez clair dès le départ, trouvez un acquéreur qui veuille absolument le bien et qui le prenne en l’état. Mais faites la promesse chez un notaire, pour qu’il bétonne l’acte. Parce que sous seing privé, dans une agence, ils ne le feront pas bien. » Alexandre est rassuré, mais « le notaire, il ne peut pas refuser, en disant que ce n’est pas d’équerre ? » « Alors oui, c’est sûr, certains vont refuser », répond-elle avec un sourire entendu, « mais vous en trouverez toujours un qui ne refusera pas ».

« Elle ne se plaint pas, mais je vois bien qu’elle est épuisée »

Dans un bureau voisin, une avocate assure une permanence en droit du travail. Et reçoit Samba, « bientôt 35 ans, enfin je crois ». Il travaille « au planning », qu’il reçoit chaque fin de semaine pour la suivante. Depuis quelque temps, son employeur l’envoie aux quatre coins de l’Île-de-France, pour des missions dont la durée, dans le meilleur des cas, excède à peine le temps de transport aller-retour. Il pense être le seul dans ce cas, mais ne connaît pas les plannings de ses collègues et ne veut surtout pas leur en parler. Épuisé, il a fini par refuser son dernier emploi du temps : l’employeur vient donc de le convoquer en vue d’une sanction disciplinaire, tout en lui indiquant oralement que, « si vous voulez démissionner, moi, ça ne me dérange pas ». « Mon sentiment », analyse l’avocate, « c’est qu’ils cherchent à vous faire partir. Mais vous êtes un peu pris au piège, parce que ces plannings, ils sont conformes à votre contrat, ils ne portent pas atteinte à votre droit au repos, et vous ne pouvez pas démontrer qu’ils ne concernent que vous. Donc vous n’avez pas vraiment de motif légal de refuser, c’est une forme d’insubordination ». Partir, Samba n’a rien contre, au demeurant. « Par contre, il ne faut surtout pas démissionner », précise l’intervenante, « mais peut-être que vous pourriez faire une rupture conventionnelle, qui donne droit à une petite indemnité ». Samba n’arrive pas à retenir le nom, alors elle griffonne sur un coin de feuille : « Rupture conventionnelle ».

Caroline, pour sa part, est venue pour sa mère, femme de ménage. Longtemps, elles ont été plusieurs à travailler dans les locaux, mais il ne reste plus qu’elle, alors « elle est sous l’eau. Ce n’est pas quelqu’un qui se plaint, mais moi, je le vois bien, qu’elle est épuisée ». « Si elle estime qu’elle a une charge de travail trop importante pour une seule personne », explique l’avocate, « elle peut parfaitement demander un entretien avec son responsable ». Sinon, « elle a aussi le droit de solliciter d’elle-même, sans que son employeur soit averti, le médecin du travail. Il peut préconiser certaines choses, parce que l’employeur, il a quand même une obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés. Mais bon, si elle y va, il ne faut pas qu’elle dise que tout va bien, hein ». Caroline ne semble pas convaincue, mais après un petit temps de réflexion, elle ajoute : « Il faudrait peut-être seulement que je la pousse un peu… » « Par exemple, on pourrait parfaitement imaginer », reprend l’intervenante, « que le médecin du travail dise qu’elle ne peut pas monter plus de X étages, ce qui contraindrait l’employeur à prendre une autre personne, à temps partiel, pour faire les étages supérieurs ». Pendant que Caroline se dirige vers la porte, l’avocate ajoute : « Après, si elle est vraiment trop fatiguée, elle se met en congé maladie, ça arrive à plein de gens, hein. »

« Avec les tribunaux, on ne peut jamais savoir »

C’est à une trentaine de minutes de marche du centre-ville de Blois (Loir-et-Cher) que se trouve notre troisième MJD, dont les intervenants assurent également des permanences à Vendôme et Romorantin. Posée dans un quartier-dortoir essentiellement animé par la présence d’une mosquée et d’un petit café, cette « maison » est en fait un appartement, au second étage d’un petit immeuble qui accueille également des cabinets médicaux ou des associations d’insertion. La greffière est une stakhanoviste des petits livrets d’information thématiques, très bien fichus, dont débordent les présentoirs de la salle d’attente. Mais entrons dans une première salle. Une avocate y tient une permanence généraliste, facturée 10 € pour couvrir partiellement les 252 € de la vacation de l’auxiliaire de justice.

Entre un couple de petits vieux, accompagné d’un énorme dossier. Ils prennent chacun leur histoire par un bout, et la déroulent en parallèle, jusqu’à ce que Jacqueline pose une main autoritaire sur l’avant-bras de Marcel : « On ne va peut-être pas parler en même temps ! » Ils sont « enfumés jour et nuit » par la cheminée de leur voisine : « Il y a plein de bistre et de suie partout. Elle est à trois mètres de notre aération, et visiblement, il en faudrait six ». C’est « un mec qui monte des cheminées » qui leur a dit. Ils ont d’ailleurs imprimé le texte en question, sauf qu’il ne concerne que « celui qui veut construire… » : « Ça ne parle pas de la mise en conformité d’une installation existante », souligne l’avocate. « Mais il ne faut pas nuire à ses voisins », assène Marcel : « Sauf que vous ne pouvez pas non plus la contraindre à l’impossible », relativise son interlocutrice. « Tout ça, c’est quand même bon pour nous ! », s’enthousiasme l’homme. « Avec les tribunaux, on ne peut jamais savoir », répond l’avocate : « En tout cas, il faut d’abord passer par une conciliation, c’est obligatoire ». Lorsqu’ils tournent les talons, l’avocate intercale à notre attention : « Parfois, les gens ne veulent pas comprendre qu’il n’y a juste rien à faire, si ce n’est trouver un compromis. Et souvent, ils sont tellement sûrs de leur coup qu’ils ne se ménagent même pas la charge de la preuve. »

« Vous pensez que je dois lui mettre la pression ? »

Dans le bureau voisin se trouve un juriste du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). « Ma femme et moi, on ne se parle plus beaucoup », explique par la suite Christophe en se grattant la tête : « Elle est partie avec une femme depuis plusieurs mois, et je commence à en avoir marre d’attendre qu’elle revienne, donc je veux lancer une procédure de divorce. » « Votre avocat peut écrire à madame pour proposer un divorce par consentement mutuel », explique l’intervenant, « sinon, vous partirez sur un divorce contentieux ». La liquidation du régime pourrait réserver quelques surprises à Christophe, notamment parce qu’ils disposent de « deux comptes joints, chacun le sien. D’ailleurs, elle met le sien à découvert exprès pour qu’on vienne me demander à moi ». Mais aussi parce que « notre maison, je l’ai construite moi-même, sur un terrain qui est à mon nom, sauf que le prêt a continué après le mariage », et qu’il l’a remboursé depuis « son » compte joint. Suivent d’autres montages un peu baroques, mais rien d’inextricable. Pourtant, au fil de l’entretien, on comprend que Christophe cherche surtout de bonnes raisons de ne pas pouvoir aller au bout de sa démarche. Comme son interlocuteur ne lui répond visiblement pas ce qu’il a envie d’entendre, il finit par lui faire dire ce qu’il n’a pas dit : « Du coup, vous pensez que je dois lui mettre la pression pour qu’elle revienne ? » Drôle de question, surtout lorsqu’on la pose à un organisme aussi fondamentalement féministe. « Alors non, ça ne se fait pas », s’agace l’intervenant, en faisant les gros yeux : « Ça peut donner lieu à indemnisation si c’est reconnu comme une faute, mais c’est tout. Les gens, ils partent, ils partent, c’est comme ça, ça fait partie des libertés. »

Au fond du couloir, permanence de la Ligue des droits de l’homme (LDH). « J’ai une situation avec la préfecture », franglise Moussa, « dubliné » d’une trentaine d’années. Patiemment, l’intervenante essaie de démêler son dossier, mais à chaque fois qu’elle termine ses explications, il change de version. On en est à la troisième lorsque Moussa lâche : « Alors… je ne vous ai pas tout dit. Je vais vous expliquer exactement ce qu’est la vérité… » « À mon avis », l’interrompt-elle, « à la préfecture, ils en ont long comme ça sur vous, faut pas rêver ! Les cas compliqués comme vous, ça passe quand même mieux quand c’est présenté par un avocat. » Moussa cède la place à Charifa, qui cherche à obtenir une carte de séjour pour sa mère : « On a fait une première demande, refus… Une deuxième, refus… une troisième, refus… » Elle cherche donc des conseils pour mieux tourner la quatrième.

— Quelle raison ils ont donné, pour le refus ?

— Ils ont dit qu’elle avait un visa touriste, alors qu’il aurait fallu un visa long séjour.

— On sait très bien qu’aucun consulat n’en délivre.

— Mais… Pourquoi ils demandent ça, alors ?

« J’ai envie de vous dire de toucher du bois »

Retour en Champagne, pour une permanence du délégué du Défenseur des droits (DDD), compétent en cas de discriminations, mais aussi pour tous les litiges avec les administrations et, plus largement, les services publics. Le listing des rendez-vous évoque des « contraventions » : « J’imagine que c’est un problème de carte grise qui n’a pas été transférée… », tente-t-il. Bingo. « Vous êtes mon dernier espoir, parce que j’ai été con, mais alors vraiment très très con », s’autoflagelle Christian. « Je l’ai vendue sur internet », entame-t-il. « Bien sûr », répond le délégué.

— Il m’a payé en liquide.

— Bien sûr.

— Il m’a dit qu’il reviendrait le lendemain pour les papiers.

— Bien sûr.

— Et je n’ai plus eu de signe de vie.

On attend le « bien sûr », qui ne vient pas, mais toujours est-il que les contraventions s’accumulent : Christian en règle d’ailleurs certaines. Comme le délégué a quelques talents de divination, il continue tout seul : « Et puis, vous avez voulu porter plainte, et on n’a pas voulu la prendre. » Christian confirme, et ajoute que le dossier qu’il a patiemment monté en ligne (sur le site de l’ANTAI) a été déclaré irrecevable… faute de plainte. Son interlocuteur hausse les épaules : « Malheureusement, vous n’êtes pas le premier. On est trois sur le département, et on a bien dû avoir une trentaine de cas identiques. » « J’ai envie de vous dire de prier le Bon Dieu, et de toucher du bois », poursuit le même : « Peut-être qu’il s’est planté avec, ou qu’il l’a revendue… À part croiser la voiture par hasard et foutre une bombe dessous… Si j’avais la solution, je la ferais payer, et je serais riche. » C’est finalement le délégué du procureur, ancien policier, qui trouve la solution : un coup de fil au gradé du commissariat du coin. « Je préfère t’appeler avant, pour ne pas qu’il se fasse shooter une deuxième fois… », glisse-t-il à son correspondant. Dès le lendemain, Christian pourra déposer la plainte que jamais personne n’aurait dû refuser de prendre.

Arrive Louisa, qui commence à détailler sa procédure de divorce. « J’ai un problème », l’interrompt le DDD, « j’ai vu votre ex-époux ! » Il tourne les pages d’un cahier à grands carreaux, puis le referme : « C’est bon, il n’y a rien de confidentiel. » Louisa lui tend l’arrêt d’appel, et il se cogne la lecture à mi-voix de l’ensemble de la décision. Au bout de plusieurs minutes, enfin arrivé au dispositif, il ponctue : « Bon, ben c’est la copie conforme du premier jugement, quoi. » Le problème, c’est que, pendant de nombreux mois, l’ex-mari de Louisa n’a versé ni prestation compensatoire ni pension alimentaire pour leur progéniture. La caisse d’allocations familiales (CAF) a commencé à procéder au recouvrement, et donc au versement sur le compte de Louisa, mais c’est alors que son ex a entrepris de lui faire en direct des virements mensuels du même montant. Louisa a considéré que cela couvrait les mois de retard, ce que plusieurs interlocuteurs de la CAF lui ont d’ailleurs confirmé. Mais l’organisme y voit un trop-perçu, dont il exige le remboursement. Au fil des mois, l’entremêlement d’interventions humaines et d’opérations automatisées a achevé de transformer les comptes en sac de nœuds : « Et comme d’habitude, vous ne les avez eus que par téléphone ou internet, et il n’y a aucune trace de rien… » Une fois, Louisa a en fait réussi à échanger avec un être humain en chair et en os : une femme brune qui lui a promis de la rappeler sous quarante-huit heures. C’était il y a des semaines. « Je regarde ça, je les appelle et je vous tiens au courant. »

 

* Tous les prénoms et certains détails ont été modifiés.

Accès au droit : incursion dans les permanences des MJD (partie I)

Ce mardi 24 mai, c’est la journée nationale de l’accès au droit. Un enjeu qui repose notamment sur les maisons de la justice et du droit (MJD), que la Chancellerie définit comme des « établissements judiciaires de proximité ». Pour nous faire une idée des cas qui passaient entre leurs murs, nous en avons arpenté trois, croisant une douzaine d’intervenants et une centaine de requérants.

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Les notaires peuvent procéder à l’adjudication de parts sociales

Dans un arrêt du 19 mai 2022, la deuxième chambre civile vient préciser que les notaires, comme tous les officiers publics ou ministériels, peuvent procéder à l’adjudication de parts sociales. La pratique en la matière est donc consacrée.

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Les notaires peuvent procéder à l’adjudication de parts sociales

La question du pouvoir de procéder à l’adjudication n’est pas fréquente devant la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Généralement, les problèmes sont rapidement résolus en raison de la précision des textes sur le sujet. Mais, parmi les zones d’ombres laissées par les dispositions en vigueur, se trouve l’adjudication des parts sociales. Pour celles-ci, la doctrine était jusqu’à l’arrêt commenté particulièrement divisée : qui des huissiers de justice ou des notaires étaient compétents ? Le silence des textes laissait songer soit à un pouvoir partagé soit à un pouvoir exclusif de l’un d’eux (A. Leborgne, Droit de l’exécution, 3e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, p. 716, n° 1578). L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 19 mai 2022 met fin au débat en prenant clairement position pour une compétence partagée. L’arrêt n’étonnera guère car beaucoup d’auteurs s’étaient prononcés en ce sens ces dernières années (v., pour un exposé des positions de chacun, Rép. sociétés, v° Saisie de droits sociaux et de valeurs mobilières, par P. Théry, nos 102 s.).

Positionnons le problème de l’arrêt du 19 mai 2022 en rappelant les faits ayant donné lieu au pourvoi. Une personne est condamnée par jugement du 8 avril 2014 au paiement d’une certaine somme d’argent au profit d’une société. La société créancière décide de recourir à une saisie des parts sociales détenues par le débiteur condamné. La vente par adjudication de ces parts a été réalisée au profit d’une autre personne physique le 8 décembre 2017 par la chambre départementale des notaires de la Somme. Voici que le débiteur mécontent de s’être vu saisir ses parts sociales intente une action en justice pour annuler les...

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Accès au droit : incursion dans les permanences des MJD (partie II)

V. la première partie de cet article.

 

En Champagne, permanence de l’association locale de soutien aux tuteurs familiaux, qui accompagne de près ou de loin un millier d’entre eux, entre l’Aube et la Marne voisine. « Ma sœur a mis un peu le grappin sur mon père… », entame Jean*, la soixantaine, en reprenant son souffle, « et elle s’est portée tutelle sans qu’on en soit averti ». L’intervenant est surpris : « En théorie, quand on fait une demande de mesure de protection, on est censé communiquer les identités de tous les membres de la famille », en plus de joindre le livret du même nom. Faute d’avoir été consulté, Jean a fait un courrier à la juge, « en l’informant comme quoi on n’avait pas été informé ». Dans la foulée, il a demandé à « avoir de la visibilité sur les comptes en banque », en vain : « Elle n’a de comptes à rendre qu’à votre père et à la juge », objecte l’intervenant. À l’écoute du portrait que Jean brosse de sa fameuse frangine, on se dit que les dîners de famille doivent être animés : « Depuis son mariage avec un agriculteur qui a beaucoup de terres, du jour au lendemain, elle s’est vue grande dame. Elle est prête à tout, elle est pas humaine. » En fait, aucun risque : des dîners de famille, ils n’en font plus depuis un bail, et d’ailleurs, « la dernière fois que j’ai vu mon père, qui est Alzheimer, il m’a pas reconnu ». Après de longues secondes de réflexion, Jean parvient à situer dans le temps cette dernière rencontre : « C’était il y a quinze ans. » Dégainant un Cerfa de requête, l’intervenant en arrive à la conclusion suivante : « Peut-être qu’elle vous a mentionné, mais qu’elle a précisé que ça faisait une vingtaine d’années que vous n’aviez plus de contact avec votre père, ce qui a pu conduire la juge à ne pas vous convoquer. » « C’est parce que c’est elle qui a mis des barrières ! », proteste énergiquement Jean. « Bon, au moins, j’ai un avis », poursuit-il une fois calmé, « parce qu’entendre tous les sons de cloche de partout… »

« Ne faites surtout pas de recours tout seul »

Porte de Saint-Ouen, permanence d’une avocate en droit des étrangers. « Comment vous avez entendu parler de la maison ? Par bouche-à-bouche ou… ? », lance l’avocate, avant de se reprendre dans un grand éclat de rire. Tariq a été régularisé par le travail en 2016, et sa demande de naturalisation vient d’être « refusée ». En fait, elle est ajournée à deux ans : « L’ajournement, ce n’est pas un refus, mais une chance », estime l’avocate. Ce qui chagrine Tariq, c’est la lapalissade qui tient lieu de motivation : on lui reproche d’avoir « séjourné de manière irrégulière » sur le territoire antérieurement à sa régularisation. Lui croit comprendre « de manière intermittente ». Or il le jure, il n’est jamais ressorti de France. « Alors oui, sauf que là, ça ne veut pas du tout dire ça », corrige l’avocate, « ça veut dire “de manière illégale”… »

— En plus, j’ai des récépissés avant 2016, et toutes mes feuilles d’impôt, et tout.

— Et pourquoi vous ne les avez pas données dès le début ?

— Ils ne demandent que les trois dernières années.

— Mais la liste, elle n’est pas limitative, il faut leur donner le maximum.

Tariq ne veut pas attendre les deux ans, et tient à faire un recours hiérarchique, parce que « je connais plein de gens qui l’ont eue après une contestation ». « Ne le faites surtout pas tout seul », explique l’avocate, « vous devez au moins être assisté d’un juriste, qui va vous aider à rectifier des petites choses dans votre courrier ». À l’accueil, la greffière objecte que « mes juristes ne perdront pas de temps à faire un courrier qui ne servira à rien, parce que vous contestez une chose qui n’est pas contestable. Ce sera même encore pire, parce qu’on vous reproche d’avoir été illégalement sur le territoire, et vous voulez expliquer qu’en plus, vous avez travaillé illégalement. » Finalement, c’est un écrivain public qui aide Tariq à rédiger son recours.

Dans le bureau de la « permanence notaire », Louise, invalide, explique d’une toute petite voix que son père lui a légué le droit d’usage et d’habitation d’un petit appartement du nord parisien. Dans son testament, le patriarche avait couché que, « au cas où ce legs serait contesté » par un cohéritier, elle en aurait à la place la pleine propriété. Une contestation plus tard, la délivrance de son legs ne porte pourtant que sur la moitié indivise, car un remploi n’avait pas été correctement pris en compte. Depuis, elle est donc en indivision avec sa mère. « Je ne saisis pas bien où vous voulez en venir… », l’interrompt la notaire. « Dans l’intervalle », précise donc Louise, « ma mère a fait plusieurs donations, hors part successorale, à mes frères et sœurs. Et rien à moi, parce que c’est un peu tendu dans ma famille. Du coup, je me demande si j’ai une chance de pouvoir racheter l’autre moitié un jour, parce que… j’en peux plus ». Or on ne peut pas dire que les planètes de Louise soient bien alignées : « Je suis malheureusement obligée d’attendre que ma mère décède, parce qu’elle est sous curatelle renforcée. Sauf que, maintenant, ma sœur veut me mettre à la porte, elle dit que je suis occupant sans titre. Et les autres me disent que j’aurais dû payer un demi-loyer pendant tout ce temps, ils me terrorisent avec ça depuis des années… » On commence à cerner le problème, mais l’entretien a déjà largement dépassé le temps imparti : « Il faut que vous alliez voir un avocat en droit de la famille, parce que vous n’allez pas pouvoir rester dans cette situation, ça c’est sûr. »

« Mais moi, je veux que ça passe par la justice ! »

En Champagne, la permanence de la juriste du CDAD se poursuit avec Corinne, qui a « 59, euh… 69 ans, excusez-moi ». Elle vient « par rapport à ma fille, qui m’a volée. Elle me doit 8 000 €, parce qu’elle m’a volé des chèques sur plusieurs années. C’était après la mort de mon autre fille, j’étais en dépression ». Dans un premier temps, elle a tenté une médiation : « Le médiateur lui a fait une leçon de morale, et il lui a dit de s’excuser, mais elle ne voulait pas. » Puis, devant une commission de surendettement, en 2008, sa créance a été inscrite au plan (au troisième palier), à hauteur de… 10 € par mois. Corinne pouvait ainsi espérer un remboursement au bout de soixante-dix-sept ans, soit autour de ses 110 printemps. « Mais elle n’a jamais payé », précise Corinne, « et, en plus, elle déménage tout le temps, et je n’ai pas son numéro ». Sans compter que, dans l’intervalle, « ma fille m’a demandé de lui avancer de l’argent. Je lui ai prêté 4 000 €, puis 3 000, puis 1 000. Donc on en est à seize mille en tout. Traverser tout ça, ç’a été une descente aux enfers pour moi ». Récemment, elle a fini par se décider à aller voir un huissier de justice, qui n’a bien sûr rien pu faire, pour cause de forclusion : « Le temps joue contre moi, forcément. Il m’a dit de voir avec un avocat. » « Effectivement », répond la juriste, « la seule solution, ce sera peut-être de lancer une procédure. Mais il faudra voir si ce n’est pas prescrit ».

Christine a une toute petite voix, et s’efforce manifestement d’occuper le moins possible d’espace dans la pièce : « Ben voilà, je suis mariée, et… Comment expliquer ça ? Je n’ai plus les mots. » Elle les trouve tout de même : « Mon mari, petit à petit, s’est éclipsé. Il travaille à Paris, il a emmené de plus en plus d’affaires, et maintenant, il ne vient plus du tout. Et il veut me forcer à faire un divorce à l’amiable, parce qu’il ne veut pas aller en justice. » « Effectivement, si vous êtes d’accord… », entame la juriste : « Mais moi, je veux que ça passe par la justice ! », s’indigne Christine. Elle estime s’être fait rouler dans la farine depuis le départ : « Il a tout planifié petit à petit, […] alors que moi, je me suis mariée par amour. » « C’est pour ça qu’on parle de mariage gris », rebondit son interlocutrice : « Parce qu’il n’est blanc que d’un côté. Par contre, si vous demandez, non pas un divorce, mais une annulation du mariage, il faudra apporter des éléments au juge. Là, je ne suis pas certaine que ça tienne la route, mais il faudra voir avec un avocat » « Il me dit qu’il veut se marier avec une autre femme, parce qu’il veut des enfants », explique Christine : « Moi aussi, j’en voulais, sauf que maintenant, je suis trop vieille… » La juriste poursuit : « Si l’avocat vous dit que l’annulation n’est pas possible et que vous ne voulez pas divorcer, vous n’êtes pas obligée. Mais il saisira le juge qui, à un moment ou un autre, le prononcera. Donc vous pouvez reculer l’échéance, mais c’est tout. » Christine est bien décidée à rendre à son futur ex la monnaie de sa pièce, en l’empêchant d’acquérir la nationalité française par le mariage : « Si vous ne faites que divorcer, a priori, ça ne devrait pas avoir d’incidence », lui répond la juriste, « sauf que, normalement, il faut une cohabitation, donc parlez-en à l’avocat, ça vaut le coup ! »

« Mais qu’est-ce que vous voulez que j’écrive, moi ? »

Dans le Loir-et-Cher, place au conciliateur, qui accomplit son sacerdoce depuis qu’il a pris sa retraite… il y a maintenant plus de trente ans. Il reçoit aujourd’hui Jean et Madeleine, qui ont fait démousser leur toit (6 000 €) et installer une nouvelle douche (11 000 €), sans voir la couleur de la « PrimeRénov’ » qu’on leur avait promise. Surtout, ils considèrent que le chantier n’est pas terminé, mais ils n’ont plus de nouvelles de l’entrepreneur : « C’est un menteur ! Un magouilleur ! », éructe Jean. Pourtant, l’organisme de crédit vient de commencer les prélèvements sur leur compte. Quant au chef d’entreprise, il dit ne pas comprendre ce qu’il fait là : « On a un PV de réception de chantier. Ce qui veut dire que, pour nous, le chantier, il est ter-mi-né. Je n’ai rien à me reprocher. » « Y a rien qui va dans votre truc », le coupe Jean : « Pour moi, vous êtes en train de nous baiser. » « On n’a absolument rien signé », s’insurge Madeleine, « d’ailleurs, j’étais à l’hôpital à ce moment-là ». Les regards convergent vers Jean, qui baisse d’un ton : « Enfin, euh… peu importe, hein… Une entreprise consciencieuse, même si on a signé, elle sait bien qu’elle n’a pas fini son travail, et elle revient. » « Pour moi, c’est terminé pour aujourd’hui », lance le conciliateur à l’artisan, « vous pouvez y aller ». « Je vais vous envoyer vers un avocat », explique-t-il au couple, « parce qu’à mon sens, il va falloir entamer une procédure. » Il ajoute : « Mais bon, c’est mal parti, là… »

D’autres fois, les conciliations marchent sans marcher. Comme pour cet autre couple d’octogénaires, flanqué du gendre. Jacques et Geneviève se sont offert sept volets roulants électriques en alu, pour 13 000 €, mais sont mécontents du résultat. Ils ont envoyé plusieurs recommandés, puis ont laissé passer la période covid, mais sont toujours aussi remontés. L’installateur arrive à son tour, essoufflé : « Je suis navré, je m’étais trompé… Je viens d’aller… ben… chez vous, en fait. » On en vient au cœur du problème. Certains volets sont trop larges, et accrochent ; d’autres sont trop étroits, et laissent passer le jour : « C’est normal qu’il y ait quelques millimètres de chaque côté », objecte l’entrepreneur. « Oui m’enfin là, on passe la main, quand même… », réplique Geneviève. Au bout d’une trentaine de minutes d’invectives, ils en arrivent à la conclusion que l’explication la plus plausible est que des volets aient été intervertis, et donc montés sur les mauvaises fenêtres. « Mais qu’est-ce que vous voulez que j’écrive, moi ? », tente ponctuellement le conciliateur lorsqu’il parvient à en placer une. Parce qu’ils discutent entre eux, et finissent même par convenir d’un rendez-vous sur place. « Bon, ben on y va comme ça, alors », conclut le gendre. « Bon, ben alors, je ferme le dossier », boude le conciliateur : « Je vais vous adresser une attestation comme quoi il n’y a pas eu de conciliation aujourd’hui. » « Comment ça ? », sursaute l’entrepreneur : « On vient de se concilier ! » « Mais… il n’y a rien à signer ? », s’interrogent les autres en chœur. « Non non », répond le conciliateur, en refermant son dossier : « Allez, je vais vous mettre dehors. »

« Ils vont se prendre votre plainte en boomerang »

Retour avec l’avocate. Philippe, nimbé de légers effluves de cigare, raconte ainsi de sa voix de stentor que « j’ai eu il y a des années un contrôle fiscal, qui a occasionné un recalcul d’URSSAF. Il y en avait pour 30 000 €, mais j’ai passé un accord avec l’huissier, et depuis, plus de nouvelles ». Jusqu’au début de cette année, où l’organisme a finalement réclamé le (gros) solde : « L’huissier était étonné, parce qu’il m’a dit qu’il y avait une prescription de trois ans. » Il n’a pas le souvenir d’avoir véritablement contesté les contraintes successives : « Honnêtement, j’ai dû écrire. Et puis, quand je n’ai plus eu de nouvelles d’eux, j’ai tout jeté. » À plusieurs reprises, L’URSSAF a ensuite interrompu la prescription (ici par trois ans) de justesse : « Cette prescription, elle est acquise s’il ne se passe rien, mais s’ils vous font une mise en demeure, par exemple, ça repousse. » Les négociations n’ont pas donné grand-chose : « Ils me laissent trente-six mois maxi. » « Vous n’aurez pas plus en justice », explique l’avocate, « vous aurez même moins, puisque les délais de paiement, c’est vingt-quatre mois au maximum ». Elle lui conseille de convenir amiablement d’un échéancier: « Vous ne pouvez pas étaler sur vingt ans non plus, il faut leur proposer un truc raisonnable… » En remballant sa pochette, il ajoute : « J’ai eu plusieurs contrôles fiscaux, en plus. À chaque fois, ça m’a coûté un appartement… »

Magali a un enfant en bas âge sur les genoux, mais il l’empêche d’ouvrir sa pochette, alors elle le refile au vieil homme à béret qui les accompagne. C’est Louis, le père de Magali. Il a « acheté » la maison d’une voisine, pour 10 000 €. Plus exactement, le petit-fils de cette dernière lui a fait une promesse de vente sur papier libre. Et puis, « elle a eu des problèmes d’argent, donc elle a demandé à mon père de commencer à payer ». Ont suivi plusieurs autres versements, toujours contre signature. « Mais vous n’avez jamais rien formalisé devant un notaire ?! », sursaute l’avocate. Non, mais cela n’a pas empêché Louis de faire des travaux dans « sa » maison : par exemple, de remplacer un vieux ballon d’eau chaude. « Mais il y a un mois, la voisine m’a dit que la maison avait été vendue à quelqu’un d’autre », lance Magali, avant d’ajouter : « Les gendarmes n’ont pas voulu prendre notre plainte. Ils nous ont dit que les voisins seraient peut-être dans la merde, mais que nous aussi, et que le procureur nous condamnerait autant qu’eux. » L’avocate secoue la tête de gauche à droite, en levant les yeux au plafond : « Pour moi, c’est une escroquerie. Il vous vend une maison qui n’est pas à lui, le papier n’est pas valable pour une vente mais ça reste un acte sous seing privé, et il prend votre argent, donc bon… » Quoi qu’il en soit, elle leur conseille de chercher, dans les locaux de la gendarmerie, l’affiche « Charte de l’accueil », puis l’article cinq, et de le montrer à leur interlocuteur : « Ils sont obligés de la prendre. Sinon, vous écrivez directement au procureur, en mettant bien les copies des… trucs. Ils vont se prendre votre plainte en boomerang, avec un joli papier “soit-transmis” qui leur fait rarement plaisir. » « On va y retourner tout de suite, et puis leur dire qu’on sort de chez vous », conclut Magali.

« Tuer quelqu’un, c’est simple »

Remontons enfin à Paris. À la permanence droit du travail, c’est au tour de Nacera, qui a gardé les enfants successifs d’un couple à leur domicile, avant d’y faire un peu de ménage à mesure que ceux-ci quittaient le nid. À force de réclamer, elle a réussi à obtenir ses fiches de paie des trois dernières années, mais toujours rien pour les dix-neuf précédentes. Elle a fini par refuser de travailler, et vient de recevoir un courrier constatant son abandon de poste.

— Est-ce que vous avez toujours été déclarée ?

— Elle m’a toujours donné des chèques.

— Oui, mais est-ce qu’elle vous a déclarée aux caisses ?

— Comme elle me donne des chèques, pour moi, je suis déclarée.

— Mais vous êtes allée voir votre caisse de retraite ?

— Oui. Ils n’ont rien.

L’avocate fait la moue : « Ce que vous pourriez faire, c’est aller à l’inspection du travail, parce qu’ils pourront peut-être faire un courrier qui lui fera peur. Soit vous êtes déclarée, et le seul problème, c’est la remise des bulletins. Soit vous ne l’êtes pas, et c’est du travail dissimulé. » Nacera sursaute : « Pour elle ou pour moi ? » « Pour elle », la rassure l’avocate, « d’autant que vous, vous avez bien déclaré ces revenus. » Elle poursuit : « Vous pourrez même déposer une plainte pénale contre elle, mais vous aurez sans doute intérêt à demander des dommages-intérêts, parce que même si une régularisation était faite, je ne sais pas si la caisse en tiendrait compte. » Nacera ne semble guère convaincue, et finit par lâcher : « C’est que… son mari est avocat, et il m’a dit qu’il allait porter plainte. » « Alors non », rectifie la consœur amusée, « c’est contre lui qu’on va déposer plainte. En plus, quand il y a une procédure contre un avocat, on doit en informer notre ordre professionnel, et ça aussi, ça peut faire pression sur eux… »

Chez le Défenseur des droits, Linda est persuadée de payer trop d’impôts, et ne veut pas en démordre : c’est forcément (encore) un sale coup de son ex-mari. En fait non, c’est juste la conjonction du prélèvement à la source et d’un changement de tranche : « Elle est mal tombée, je suis fiscaliste, c’est mon métier », lâche le délégué en aparté. Norbert, lui, a une question à laquelle seul Pôle emploi serait en mesure de répondre. « Il faut que vous preniez rendez-vous avec votre conseiller, parce qu’il faut avoir accès à votre dossier pour pouvoir vous dire à quoi vous avez droit exactement », explique le DDD : « Par contre, si vous n’arrivez pas à en avoir un, revenez me voir. » Et le même d’ajouter, une fois la porte refermée : « Beaucoup savent pertinemment qu’ils n’ont pas raison, mais ils viennent nous voir pour pouvoir raconter ensuite qu’on leur a dit que… C’est pour ça qu’on est très prudent. » Vient le tour de Pierre, qui a couru comme un dératé et peine à reprendre son souffle. S’il est ici, c’est parce qu’il est mort. Il l’a appris vers Pâques, par un courrier adressé à sa succession : « Au début, ça m’a fait rire. Et puis, j’ai été radié de la sécurité sociale. Puis de la caisse de retraite. Personne ne comprend d’où ça vient, mais j’aimerais bien descendre de la croix, moi. » Erreur ou malveillance… Vu son parcours de vie rocambolesque, et accessoirement le nombre de ses créanciers, il ne semble pas inenvisageable que Pierre ait pu lui-même chercher à disparaître des radars, avant de retrouver pris à son propre piège. On ne le saura sans doute jamais et, à vrai dire, peu importe. « Tuer quelqu’un, c’est simple, mais le ressusciter, c’est plus compliqué… », philosophe le DDD pendant que le mort-vivant cherche dans son sac à dos le certificat de vie qu’il vient d’aller faire contresigner à la mairie. « L’urgence, c’est la réactivation de votre pension », ajoute le même, « pour que vous puissiez vivre ». « Je ne vous le fais pas dire… », sourit Pierre.

 

* Tous les prénoms et certains détails ont été modifiés.

Accès au droit : incursion dans les permanences des MJD (partie II)

C’était hier la journée nationale de l’accès au droit. Suite de nos pérégrinations dans trois maisons de la justice et du droit (MJD), au contact d’une douzaine d’intervenants, et d’une centaine de requérants.

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Pas d’hospitalisation sous contrainte d’un mineur sur décision d’un directeur d’établissement

Dans un avis publié au Rapport en date du 18 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation se prononce pour l’impossibilité de déclencher des soins psychiatriques sous contrainte pour un mineur sur demande d’un directeur d’établissement.

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Pas d’hospitalisation sous contrainte d’un mineur sur décision d’un directeur d’établissement

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provencele 25 mai 2022

Civ. 1re, avis, 18 mai 2022, B+R, n° 22-70.003

Si les soins psychiatriques sans consentement ont fait l’objet récemment d’une actualité brûlante, c’est surtout sous l’angle des mesures connexes que sont l’isolement et la contention (Décr. n° 2022-419 du 23 mars 2022, JO 25 mars, Dalloz actualité, 29 mars 2022, obs. C. Hélaine). Les différentes abrogations en série de ces corps de règles pourraient presque faire occulter les autres difficultés de cette matière qui n’est pas connue pour être une terre de simplicité. La question de la nouvelle législation de l’isolement et de la contention ainsi que ses modalités pratiques étant désormais réglée – bien que subsistent nombre des difficultés sur le terrain qui ne pourront pas perdurer – d’autres problèmes mis de côté rejaillissent. L’une de ces incertitudes réside sur l’application des soins psychiatriques sans consentement aux mineurs. Sur le principe, la question est réglée par les textes du code de la santé publique. Le mineur peut être hospitalisé sous contrainte à l’initiative des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur (CSP, art. L. 3211-10 et L. 3211-1, al. 1er, sur décision de placement prise par le juge des enfants en assistance éducative ou par le procureur de la République, sur décision du représentant de l’État dans le département (CSP, art. L. 3213-1) ou encore sur décision de la chambre de l’instruction ou d’une juridiction de jugement prononcée à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Mais ces hypothèses énumérées par le code de la santé publique peuvent faire apparaître une question lancinante. Une décision du directeur d’établissement peut-elle conduire à une telle hospitalisation d’un mineur, sur le fondement du droit commun en la matière à savoir l’article L. 3212-1 du code de la santé publique ? C’est la question posée dans cet avis rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 mai 2022. La réponse donnée est promise à une publication maximale, c’est-à-dire au Bulletin, aux Lettres de chambres mais également au très prestigieux Rapport annuel de la Cour de cassation. Voici donc une décision importante qui, même si elle ne lie pas la juridiction ayant saisi la Cour eu égard à l’article L. 441-3 du code de l’organisation judiciaire, devra nécessairement être prise en compte pour éviter une future et probable cassation pour violation de la loi en cas de recours.

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Régularité des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles

La chambre criminelle se prononce dans un arrêt du 20 avril 2022 sur la portée du secret des correspondances entre avocat et client et sur l’obligation de confidentialité prévue par l’article L. 611-3 du code de commerce dans le cadre d’opérations de visites et saisies en matière de pratiques anticoncurrentielles.

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Créance admise au passif et dette de restitution née d’une nullité de la période suspecte : pas de compensation

Les sommes recouvrées, à la demande d’un commissaire à l’exécution du plan, consécutives à la restitution par un créancier de montants reçus au titre d’opérations annulées sur le fondement des nullités de la période suspecte entrent dans le patrimoine du débiteur et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Aussi, pour cette raison et pour la Cour de cassation, toute compensation en vertu de l’existence d’un lien de connexité est exclue entre ladite dette de restitution découlant d’une nullité de la période suspecte et une créance admise au passif du débiteur.

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Date de la disparition de la personnalité morale de la société dissoute : l’importance de la publicité

Il résulte de l’article 1844-7, 7°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ainsi que des articles 1844-8, alinéa 3, du même code et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce, que le jugement de liquidation judiciaire d’une société, s’il entraîne sa dissolution de plein droit, est sans effet sur sa personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de la procédure, de sorte que, tant que cette publication n’est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont toujours une existence juridique et peuvent faire l’objet d’une restitution en nature.

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Délai de prescription du recours subrogatoire de la caution contre le locataire (loi 1989)

Il résulte des articles 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et 2306 du code civil, dans sa version applicable, que le recours subrogatoire intenté par une caution contre le locataire se prescrit par trois ans.

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Conditions de retrait de l’aide juridictionnelle

Si un avocat ne peut pas être rétribué deux fois par l’aide juridictionnelle pour deux recours identiques, la présentation de la seconde n’est pas pour autant abusive et ne justifie pas le retrait de l’aide juridictionnelle.

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Obligation d’information et geste chirurgical contraire aux bonnes pratiques

Pour écarter la responsabilité d’un établissement de santé au titre du défaut d’information du patient sur les risques d’un acte médical, le juge ne peut pas se contenter de constater que la réalisation du risque est due à un geste chirurgical contraire aux bonnes pratiques médicales. Il doit rechercher si le risque ne pouvait advenir que du fait de ce geste.

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Obligation d’information et geste chirurgical contraire aux bonnes pratiques

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Les chambres commerciales internationales de Paris, quatre ans après

Faire des propositions « pour adapter le système juridictionnel français aux enjeux économiques et juridiques internationaux contemporains ». Tel était l’objet de la mission confiée par le ministère de la Justice au Haut Comité juridique de la place financière de Paris et qui a donné lieu, en mai 2017, à la remise d’un rapport préconisant la mise en place à Paris de chambres spécialisées pour le traitement du contentieux international des affaires. Et c’est ainsi que, le 7 février 2018, deux protocoles de procédure signés par le barreau de Paris ont officiellement institué ces chambres commerciales internationales, l’une au tribunal de commerce de Paris, l’autre à la cour d’appel.

Renforcer l’attractivité de la place de Paris

Initié dans le contexte du Brexit, le dispositif vise avant tout à renforcer l’attractivité des juridictions commerciales de la capitale en proposant, à côté des centres d’arbitrage, des chambres spécialisées dans le traitement du contentieux international des affaires. Et tenter ainsi de concurrencer la place de Londres à l’heure où, du fait de la sortie du Royaume-Uni, les décisions des juridictions britanniques ont perdu le bénéfice de la reconnaissance et de l’exécution automatique au sein de l’Union européenne. D’autres places européennes ont créé ou envisagé de créer à cette même époque de nouvelles juridictions spécialisées pour attirer une part du contentieux du commerce international. La Chamber for International Commercial Disputes a ainsi vu le jour à Francfort en janvier 2018 et la Netherlands Commercial Court à Amsterdam en janvier 2019. En Belgique, un projet de loi portant création de la Brussells International Business Court introduit en 2018 a finalement été abandonné.

Des protocoles procéduraux sur mesure

Les chambres commerciales internationales de Paris ont vocation à traiter le contentieux international des affaires : contrats commerciaux, rupture de relations commerciales, concurrence déloyale, réparation à la suite de pratiques anticoncurrentielles, litiges en matière de transports, d’opérations sur instruments financiers, de conventions-cadres de place… Leur compétence peut résulter d’une clause attributive de compétence territoriale. Outre les appels des décisions de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris, la chambre internationale de la cour d’appel est également compétente pour connaître des recours en annulation et en exécution contre les décisions d’arbitrage international.

Établis à droit constant, les protocoles de procédure auxquels les parties peuvent adhérer devant ces chambres exploitent plusieurs des possibilités offertes par la procédure civile mais non utilisées. À commencer par la possibilité pour les parties d’utiliser l’anglais dans les débats et de communiquer des pièces en anglais sans avoir à les traduire. Les actes de procédure sont rédigés en français, quel que soit le droit choisi, de même que les jugements et les arrêts, accompagnés d’une traduction jurée en anglais. Autre particularité : la possibilité de procéder à des interrogatoires croisés de la partie adverse, des témoins et des experts selon le principe de la cross-examination et de former des demandes de production forcée de documents. Enfin, toujours sous réserve de l’adhésion au protocole, les parties sont amenées à fixer avec le juge un calendrier impératif de procédure dès les premières audiences. Il s’agit ainsi d’une procédure largement inspirée de celles en vigueur dans des chambres d’arbitrage international et des juridictions de common law.

Quel impact sur l’activité de la chambre internationale du tribunal de commerce ?

Créée en 1995, la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris est le premier maillon de ce dispositif. Elle compte aujourd’hui neuf juges, disposant chacun d’au moins trois ou quatre ans d’expérience au tribunal de commerce. Lui sont attribuées en priorité les affaires qui comprennent un élément d’extranéité. S’il est possible, depuis 2018, d’utiliser l’anglais dans les débats, les parties choisissent le plus souvent un avocat francophone – parfois accompagné d’un avocat étranger – et les plaidoiries d’avocat en anglais sont rares. Il est en revanche plus fréquent que les parties et les experts s’expriment en anglais.

Quel impact ont eu la mise en place de protocoles et la création d’une chambre internationale à la cour d’appel de Paris sur l’activité de celle du tribunal de commerce ? « La signature des protocoles a attiré l’attention sur les chambres internationales, notamment celle d’avocats et de cabinets anglo-saxons », répond le président de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris, Christian Wiest. Et depuis, « de plus en plus d’avocats demandent à ce que leur affaire soit confiée à la chambre internationale du tribunal lors de l’assignation et de plus en plus de parties adhèrent au protocole ».

Mais si la chambre semble avoir gagné en notoriété, cela n’a pas eu d’impact sensible sur le volume des affaires traitées. « En 2021, la chambre a traité environ 400 dossiers dont 200 affaires internationales, ce qui correspond au volume habituel pour les affaires internationales. » Sur ces 200 décisions, « la moitié concerne le contentieux général – des contrats, principalement –, 10 à 15 % portent sur des incidents – les questions de droit applicable et de compétence sont portés devant cette chambre – et le reste concerne beaucoup d’affaires en droit des sociétés, de rupture brutale des relations commerciales, d’assurances, de distribution, d’économie numérique… »

Peut-on dire que Paris fait aujourd’hui davantage concurrence à Londres sur le contentieux international des affaires ? « Je n’ai aucun exemple d’affaire qui aurait été déplacée de Londres pour être jugée à Paris. Mais certaines affaires – de grosses affaires avec des enjeux importants – qui auraient peut-être été jugées ailleurs, et notamment aux États-Unis, sont venues à nous en raison du protocole de procédure. » Quid des clauses attributives de compétence désignant la chambre commerciale internationale de Paris ? « Je n’en ai encore jamais vues, et je pense que c’est de toute façon encore un peu tôt » pour que de telles clauses insérées dans des contrats soient activées.

187 affaires au rôle de la nouvelle chambre de la cour d’appel

La chambre commerciale internationale créée à la cour d’appel de Paris est le second maillon du dispositif. Elle traite les appels de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris, ainsi que les recours contre les sentences d’arbitrage (jusqu’alors traités par la chambre 1.1). Instituée en février 2018, elle n’a véritablement démarré qu’en septembre 2018, le temps de constituer l’équipe des conseillers. Celle-ci compte trois juges, un poste de juriste assistant et une greffière – qui maîtrise plusieurs langues étrangères dont l’anglais. « Un juge spécialisé d’une autre de pôle économique peut venir compléter la formation de jugement sur des dossiers particuliers », précise le président de la chambre, François Ancel, après avoir rappelé que la cour d’appel de Paris compte douze chambres autres spécialisées en droit économique.

Président de la chambre depuis septembre 2018, François Ancel était précédemment président de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris, compétente en matière de propriété intellectuelle. Ancienne avocate, Fabienne Schaller a notamment exercé à la chambre des délits économiques et financiers complexes du tribunal judiciaire de Paris, avant de rejoindre la cour d’appel de Paris où elle s’est spécialisée en droit des transports, de la concurrence, des contrats commerciaux et des ruptures brutales, puis de devenir juge assesseur à la nouvelle chambre commerciale internationale. Ancienne avocate également, Laure Aldebert a notamment été vice-présidente de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris, spécialisée dans le contentieux de la propriété intellectuelle, avant d’être nommée conseillère à la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris.

En mars 2022, 187 affaires étaient inscrites au rôle de la chambre, dont environ 60 % concernent des sentences arbitrales. Les affaires traitées impliquent à 75 % des plaideurs ressortissants de la zone Europe (Russie et Ukraine comprises) et à 25 % de pays non européens. Depuis sa création, la chambre a été sollicitée par des plaideurs issus de 73 pays. Comme en première instance, les parties sont généralement représentées par des avocats francophones (dont des avocats d’origine anglo-saxonne parlant très bien français), parfois accompagnés d’avocats étrangers. Les plaidoiries en anglais sont possibles, mais « il n’y a pas de demande pour cela aujourd’hui », reprend le président François Ancel. En revanche, « nous avons des auditions de parties et d’experts en anglais ».

Alors qu’au départ tous les dossiers étaient orientés vers la chambre par le greffe, désormais « des avocats demandent à ce que le dossier soit orienté vers la chambre parce qu’ils la connaissent », poursuit le magistrat. Pour cela, « il suffit qu’ils indiquent pourquoi ils veulent que l’affaire soit traitée par la chambre internationale ». Pour ce qui de l’adhésion au protocole, « au début, les parties se méfiaient un peu parce que c’était tout nouveau, mais maintenant elles adhèrent au protocole dans la majorité des cas ».

Un protocole de procédure « suffisamment souple pour s’adapter aux spécificités des dossiers », observe-t-il. Pour en faciliter encore l’appropriation, un guide pratique de procédure bilingue, commun aux deux chambres et élaboré des magistrats et des avocats, est accessible en ligne depuis novembre dernier. « Le protocole laisse beaucoup de liberté et renvoie souvent au code de procédure civile », explique-t-il. C’est pourquoi le guide rassemble en un même document les dispositions issues du code de procédure civile et celles des protocoles de procédure applicables devant les chambres.

Continuer de cultiver ses atouts

La création d’une nouvelle chambre spécialisée en appel et de protocoles ad hoc inspirés des procédures anglo-saxonnes a-t-elle permis d’atteindre les objectifs visés en termes d’attractivité de la place de Paris ? « Je crois que l’on est dans une très bonne voie pour cela. Et avec 187 affaires au rôle, je pense que l’on peut dire qu’il y avait un besoin et que la création de cette chambre répond à ce besoin. » Reste que, outre la présence à Paris d’un barreau d’affaires international et le coût très modéré des procédures françaises – une centaine d’euros au tribunal de commerce, 225 euros par partie en appel, quel que soit l’enjeu du litige –, la place de Paris doit sans nul doute continuer de cultiver d’autres atouts pour attirer le contentieux international des affaires, voire ravir une partie de l’activité juridictionnelle commerciale de Londres.

Le fait de disposer d’équipements technologiques modernes en fait partie. Pendant la crise sanitaire, les juges du tribunal de commerce de Paris ont pu assurer la poursuite de l’activité grâce notamment à la tenue d’audiences par visioconférence. À la chambre internationale, par exemple, « nous avons tenu une audience de trois heures entre Paris, les États-Unis et le Japon, avec traduction simultanée français japonais », raconte le président Christian Wiest. « Le demandeur était américain, le défendeur japonais et le litige portait sur une filiale française. Les parties étaient tout à fait satisfaites du déroulement de l’audience. » À compter de septembre prochain, le tribunal de commerce de Paris va disposer « d’une salle spécialement équipée pour l’organisation de visio-audiences, avec des cabines de traduction simultanée comme il en existe à la CJUE ». À la cour d’appel de Paris, François Ancel aimerait que la chambre internationale puisse elle aussi « disposer d’une salle équipée avec tous les moyens offerts par les nouvelles technologies, comme celle prévue au tribunal de commerce ». Cela « fait partie de l’offre de service aux parties et c’est important », dit-il.

L’émergence d’un office de juge de chambre commerciale internationale

Mais le principal enjeu reste « l’émergence d’un office du juge de chambre commerciale internationale en France », poursuit le magistrat. Car le premier vecteur d’attractivité d’une juridiction demeure la qualité de ses juges, la doctrine et la jurisprudence. D’où « la volonté de la place de Paris de spécialiser des magistrats professionnels et non professionnels » et « le choix de magistrats légitimes » aux postes de conseillers à la chambre internationale.

Pour mieux faire connaître sa chambre commerciale internationale, ses juges et sa jurisprudence, la cour d’appel de Paris y consacre plusieurs pages sur son site Internet. Présentation de la chambre (en français et en anglais et, depuis l’an dernier, en espagnol, allemand et chinois) des profils et des parcours des juges, du protocole et du guide pratique d’application, publication des décisions rendues et de résumés de celles-ci en français et en anglais, et pour certains en espagnol, allemand et chinois, calendrier des audiences, statistiques d’activité… « Cela traduit notre volonté de montrer comment nous travaillons », explique-t-il. « Nous appliquons des standards internationaux pour la rédaction des décisions, avec des paragraphes numérotés, nous rédigeons et traduisons les résumés des décisions, qui sont très vite mis en ligne… Cela représente un très gros travail pour les magistrats, mais la création d’un office de juge international en France était un des grands objectifs de la création de la chambre. »

Après Paris, Versailles

« La seule fragilité de ces protocoles, c’est qu’une autre juridiction peut s’en saisir », relève-t-il. « Une autre cour d’appel peut décider de spécialiser une chambre, ce qui serait légitime, mais je pense qu’il y aurait une réflexion à avoir pour assurer une politique cohérente en termes d’attractivité des juridictions. » Fin 2019, le président du tribunal de commerce de Nanterre a ainsi signé avec le bâtonnier des Hauts-de-Seine un protocole, très similaire à celui du tribunal de commerce de Paris, pour formaliser la création d’une chambre du contentieux international. Il s’agissait en réalité de recréer, dans la perspective du Brexit, une chambre spécialisée qui avait déjà existé à Nanterre, puis disparu. Et fin 2020, le premier président et le procureur général de la cour d’appel de Versailles ont signé avec le barreau des Hauts-de-Seine un protocole, très similaire à celui de la cour d’appel de Paris, organisant la procédure devant une chambre commerciale qui a vocation à traiter les litiges du commerce international. Le département des Hauts-de-Seine compte un grand nombre de sièges d’entreprises qui ont des activités avec l’étranger.

Qui, pour faire la promotion du dispositif ?

Faudrait-il lancer des actions pour assurer la promotion des chambres commerciales internationales de Paris ? Si les deux présidents de chambre et certains des juges participent à de nombreux colloques et évènement en France et à l’étranger pour présenter et parler de ce dispositif, il leur est difficile d’en assurer le marketing. « En tant que magistrats, nous devons garder une certaine distance dans la mesure où nous jugeons ces affaires », rappelle François Ancel. Vanter les atouts d’une juridiction, « cela relève davantage du rôle des barreaux que celui des magistrats », ajoute-t-il. Peut-être le Haut Comité juridique de la place financière, qui a préconisé la mise en place de ce dispositif, a-t-il de nouvelles propositions à faire pour donner un nouvel élan à ces chambres désormais bien installées. Un groupe de travail a en effet été constitué au sein du Haut Comité pour dresser un premier bilan et proposer des pistes d’amélioration. Son rapport devrait être publié prochainement.

 

Audience en anglais à la cour d’appel de Paris

Un grand nombre de salles d’audience ayant été réquisitionnées pour le procès des attentats du 15 novembre 2015, c’est une petite salle sombre qu’est provisoirement installée la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris – la chambre 16 du pôle 5. C’est là que s’est tenue, le 17 mai 2022 dans l’après-midi, l’audition d’un homme d’affaires allemand dans une affaire qui l’oppose à un groupe multinational originaire d’outre-Rhin également. Ce dernier conteste la validité d’une sentence rendue à Moscou en 2019 par un tribunal arbitral et qui condamne le groupe à verser 49 millions d’euros, plus les frais de justice, à son ancien partenaire commercial en Russie. Plusieurs procédures sont actuellement en cours dans différentes juridictions où l’homme d’affaires demande à faire exécuter la sentence. En France, une ordonnance d’exequatur a été rendue. La chambre commerciale internationale a été saisie d’un recours aux fins d’obtenir l’infirmation de cette ordonnance pour divers motifs – et notamment que le tribunal arbitral se serait déclaré à tort compétent.

Acceptée par le conseiller de la mise en état, l’audition de l’homme d’affaires devant la chambre commerciale internationale s’est déroulée entièrement en anglais. Après s’être d’abord exprimé librement pendant une dizaine de minutes, il a répondu aux questions des avocats et de la cour, formulées en anglais elles aussi. Il était représenté par un avocat spécialiste de l’arbitrage et inscrit aux barreaux de Paris, New York et de l’Ontario (Canada), accompagné par un avocat allemand, qui n’est pas intervenu lors de l’audience. Le groupe allemand était représenté par deux avocats du bureau de Paris de Clifford Chance, venus accompagnés par deux avocats allemands du groupe. Les parties se sont mises d’accord sur le fait de joindre au procès-verbal de l’audience une transcription de l’audition réalisée par une sténo-dactylographe, présente à l’audience.

Loi applicable à l’obligation alimentaire d’un enfant enlevé

Les circonstances à l’origine de cette affaire sont très simples.

Un couple de ressortissants polonais résida au Royaume-Uni et y eut deux enfants. Par la suite, la mère décida de s’installer en Pologne avec les enfants, malgré l’opposition du père, qui resta au Royaume-Uni.

Deux actions en justice furent alors engagées, l’une par la mère, l’autre par le père.

D’une part, la mère obtint d’un juge polonais la condamnation du père au paiement d’une pension alimentaire, sur le fondement de l’article 3 du protocole de La Haye, du 23 novembre 2007, sur la loi applicable aux obligations alimentaires qui dispose qu’en principe, « la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires » (art. 3, § 1) et qu’« en cas de changement de la résidence habituelle du créancier, la loi de l’État de la nouvelle résidence habituelle s’applique à partir du moment où le changement est survenu » (art. 3, § 2). Ce juge accorda cette pension en application du droit polonais, après avoir retenu que la résidence habituelle des enfants se trouvait en Pologne.

D’autre part, le père obtint d’un autre juge polonais une injonction dirigée contre la mère de lui remettre les enfants, au motif que leur résidence habituelle se trouvait, avant leur retenue illicite en Pologne, au Royaume-Uni. Ce juge statua au regard des dispositions de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, qui énonce notamment, par son article 12, que, « lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat ». Néanmoins, la mère ne respecta pas cette injonction.

Ces quelques éléments permettent de cerner immédiatement la difficulté soulevée par cette...

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Les chambres commerciales internationales de Paris, quatre ans après

Quatre ans après leur lancement officiel, les chambres commerciales internationales de Paris ont-elles atteint leur objectif, à savoir améliorer l’attractivité de la capitale pour capter une part du contentieux international des affaires ?

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Loi applicable à l’obligation alimentaire d’un enfant enlevé

La Cour de justice se prononce de l’Union européenne, pour la première fois, sur la détermination de la loi applicable à l’obligation alimentaire lorsqu’un enfant est retenu par sa mère, malgré l’opposition de son père, dans un État dans lequel il n’avait pas initialement sa résidence habituelle.

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Appel incident du chef d’un débouté de demande de condamnation [I]in solidum[/I] : portée

Dans le cadre d’un projet de réhabilitation d’un ancien corps de ferme, un maître de l’ouvrage conclut un contrat d’architecte. Diverses entreprises interviennent pour effectuer les travaux.

Les travaux, réceptionnés, présentant des désordres, les maîtres de l’ouvrage agissent alors en responsabilité contre l’architecte, qui fera l’objet d’une liquidation, son assureur, et les divers entrepreneurs et leurs assureurs respectifs.

L’un des entrepreneurs condamnés fait appel du jugement, en limitant son appel à certaines parties, et à certains chefs de condamnation.

Les maîtres de l’ouvrage, qui n’ont pas fait le plein de leurs demandes, se portent appelant incident notamment du chef du préjudice de jouissance que le tribunal a rejeté.

Pour écarter cette demande, la cour d’appel retient que les maîtres de l’ouvrage « n’ayant pas formé d’appel provoqué pour intimer les autres parties contre lesquelles ils avaient présenté leur demande en première instance, la disposition du jugement qui les en a déboutés est définitive », ajoutant que « la cour n’en est donc pas saisie ».

L’arrêt est cassé, au visa de l’article 553 du code de procédure civile.

Pour la Cour de cassation, le rejet de la demande en condamnation in solidum contre plusieurs défendeurs ne crée aucune indivisibilité entre eux, de sorte que les maîtres de l’ouvrage, appelants incidents, n’avaient pas à se porter appelants provoqués contre les parties non intimées à l’encontre desquelles il était conclu du chef du préjudice de jouissance en première instance.

Irrecevabilité, cour non saisie, chef définitif… gare aux mélanges

Pour bien comprendre l’arrêt, il convient déjà de faire un peu de ménage.

Tout d’abord, la cour d’appel était bien saisie d’une irrecevabilité de l’appel incident, mais par l’appelant principal, non par son assureur, intimé, ce dernier demandant la confirmation de ce chef et subsidiairement la garantie de son assuré à ce titre.

Alors que la cour d’appel devait se prononcer sur une irrecevabilité, elle « constate que les dispositions du jugement ayant […] débouté [les maîtres de l’ouvrage] de leur demande au titre du préjudice de jouissance sont devenues définitives en l’absence d’appel provoqué contre les autres parties à l’instance ».

D’irrecevabilité, il n’en est pas question, la fin de non-recevoir étant remplacée par un « constat ».

Première erreur, qui n’est toutefois pas l’objet du pourvoi.

Il y a certainement défaut de réponse à conclusions, même s’il est vrai que pour les parties en défense à l’appel incident, cela ne change pas grand-chose.

Mais à l’heure où la chasse est ouverte pour traquer, dans le dispositif des conclusions, la présence de moyens (Civ. 2e, 9 janv. 2020, n° 18-18.773 NP, D. 2021. 543, obs. N. Fricero[RECUEIL/CHRON/2021/0677]) et l’absence de prétentions (Civ. 2e, 26 juin 2014, n° 13-20.393 P, Dalloz actualité, 22 juill. 2014, obs. M. Kebir ; Civ. 3e, 2 juill. 2014, n° 13-13.738 P, Dalloz actualité, 18 juill. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 1505 image ; v. aussi « l’interprétation nouvelle » du 17 sept. 2020 imposant un formalisme jugé non excessif, Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626 P, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, note C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 image, note M. Barba image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne image ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet image ; D. avocats 2020. 448 et les obs. image ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal image ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol image ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. Faivre, Gregori, Laher et Provansa ; Gaz. Pal. 27 oct. 2020, p. 9, note P. Gerbay ; ibid. 8 déc. 2020, p. 41, note Ansault ; ibid. 26 janv. 2021, p. 79, note Hoffschir ; ibid. 26 janv. 2021, p. 82, note Lauvergnat ; Defrénois 2021, n° 3, p. 13, note Mazure), les avocats sont en droit d’avoir la même exigence à l’égard d’un jugement, surtout lorsqu’il émane d’une juridiction d’appel.

Or il ne suffisait pas aux juges d’appel de « constater » que des dispositions...

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Appel incident du chef d’un débouté de demande de condamnation [I]in solidum[/I] : portée

Il ne peut être reproché à une partie intimée, appelant incident, de ne pas se porter appelant provoqué contre une partie non intimée, à l’égard de laquelle l’intimé appelant incident formait une demande de condamnation in solidum, et ce d’autant que l’appel à la cause de cette partie ne pouvait se faire par un appel provoqué. Le chef non dévolu à la cour d’appel, par appel principal ou incident, ne devient pas de ce fait définitif, ni même irrévocable. C’est donc à tort que la cour d’appel a constaté que la disposition du jugement ayant débouté les maîtres de l’ouvrage de leur demande au titre du préjudice de jouissance est devenue définitive en l’absence d’appel provoqué contre les autres parties à l’instance.

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Plaine commune : publication du nouvel arrêté d’encadrement des loyers

Un arrêté du 6 mai 2022 fixe les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour l’établissement public territorial Plaine Commune.

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L’intervention du rapporteur public est une garantie fondamentale

« Si les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution ou d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle, tel n’est pas le cas des dispositions de l’article L. 7 du code de justice administrative prévoyant l’intervention du rapporteur public, lesquelles relèvent des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. »

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De la possibilité d’interjeter appel en cas de refus de désignation d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4

La chambre commerciale de la Cour de cassation revire sa jurisprudence sur les voies de recours offertes au plaideur se heurtant au refus du président de désigner un expert sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil. Désormais, il est possible d’entreprendre un appel voie de réformation à cette fin. 

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Patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel : régime de la renonciation et du transfert universel

Un décret du 12 mai 2022, pris en application de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, complété par un arrêté du même jour, précise les conditions de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel et du transfert universel du patrimoine professionnel vers le patrimoine d’un tiers.

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Diffamation : de l’importance du contexte dans l’appréciation de la bonne foi

L’existence d’une base factuelle suffisante, qu’il appartient aux juges d’examiner lorsque l’auteur des propos diffamatoires soutient qu’il était de bonne foi, doit être appréciée compte tenu du contexte dans lequel les propos ont été tenus. En outre, l’expression #balancetonporc est suffisamment prudente dès lors qu’elle permet aux internautes de se faire une idée personnelle sur le comportement dénoncé et de débattre du sujet en toute conscience de cause.

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Diffamation : de l’importance du contexte dans l’appréciation de la bonne foi

Par deux arrêts, la première chambre civile s’est prononcée sur la bonne foi de femmes assignées en diffamation pour avoir, pour l’une, dénoncé dans la presse une agression sexuelle dont elle aurait été victime sept ans auparavant de la part d’un ancien ministre de la République (pourvoi n° 21-16.158) et, pour l’autre, publié sur twitter des propos que lui aurait tenu l’ex-patron d’Equidia (« Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit »), assortis du hashtag « balancetonporc » (pourvoi n° 21-16.497).

Révélation de faits d’agressions sexuelles : la base factuelle était-elle suffisante ?

Dans la première affaire, la fille d’un ancien ministre avait révélé dans la presse, en octobre 2017, avoir été victime d’agressions sexuelles de la part d’un homme âgé, ancien ministre de la République lui aussi, alors qu’elle avait une vingtaine d’années et qu’elle assistait, seule, à une représentation lyrique. Le 10 janvier 2018, le mis en cause l’avait assigné en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Dans son pourvoi, le mis en cause contestait la pertinence des différents éléments retenus par les juges du fond (Paris, 14 avr. 2021) pour conclure à l’existence d’une base factuelle suffisante et à la bonne foi de la défenderesse. Le premier moyen, reprochant à la cour d’appel d’avoir pris en compte des témoignages portant sur d’autres faits, est écarté au motif qu’il critique un motif surabondant relatif au comportement déplacé du demandeur vis-à-vis d’autres femmes. Le second, en revanche, est dûment examiné, la Cour de cassation contrôlant les motifs par lesquels les juges du fond ont considéré que la diffamation était justifiée.

La première chambre civile commence par rappeler les contours de l’examen de proportionnalité en matière d’atteintes à la liberté d’expression. Ainsi, seules les ingérences nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention sont permises. En outre, « en matière de diffamation, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient aux juges […] de rechercher […] si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante ».

En l’espèce, elle relève que les juges du fond ont bien établi l’existence d’un débat d’intérêt général dans lequel s’inscrivaient les propos litigieux, à savoir la libération de la parole des femmes au lendemain de l’affaire Weinstein. Sur la base factuelle suffisante, il résultait des éléments soumis au débat que le demandeur et la défenderesse avaient assisté, côte à côte, à une représentation de l’Or du Rhin le 25 mars 2010, qu’après la soirée, la défenderesse avait confié à son entourage avoir subi une agression, certains de ses proches l’ayant dissuadé de porter plainte, et qu’une expertise psychiatrique amiable effectuée huit ans après n’avait révélé aucune pathologie mentale qui aurait pu affecter la crédibilité de ses propos. Sur les quelques erreurs commises par la défenderesse (s’agissant du nom de l’opéra et de l’existence d’un entracte), les juges du fond ont estimé qu’elles « n’étaient pas de nature à discréditer l’ensemble de ses propos dès lors qu’elle les exprimait plus de sept ans et demi après les faits et que cette durée faisait également obstacle à la recherche de témoins directs ». Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a, sans méconnaître son office, déduit à bon droit que les propos en cause reposaient sur une base factuelle suffisante et que, « compte tenu du contexte dans lequel ils avaient été tenus, le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à Mme L », la défenderesse.

La bonne foi, fait justificatif d’origine prétorienne propre à la diffamation, exige la réunion de quatre éléments : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression,...

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Pas de citation de l’appelant par LRAR dans les procédures sans représentation obligatoire

Dans les procédures d’appel sans représentation obligatoire, le demandeur est avisé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience par tous moyens. C’est donc en toute conformité, et sans qu’il y ait violation de l’article 6, § 1, de la Convention, que le greffe a informé l’appelant par l’envoi d’un courrier simple, sans avoir à se préoccuper si la partie a effectivement reçu l’avis, l’appelant devant par ailleurs s’enquérir du sort de l’appel qu’il a interjeté.

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Pas de citation de l’appelant par LRAR dans les procédures sans représentation obligatoire

Une partie fait appel d’un jugement ayant statué sur une contestation du nombre de trimestres retenues par la caisse d’assurance retraite.

L’appel en la matière relève de la procédure sans représentation obligatoire.

En conséquence, si, aux termes de l’article 937 du code de procédure civile, le défendeur est cité à comparaître par lettre recommandée avec avis de réception, le même article prévoit que le demandeur est quant à lui avisé de la date et du jour de l’audience par tous moyens.

Le jugement est confirmé par la cour d’appel, l’appelant n’ayant pas été présent à l’audience.

Au soutien de son pourvoi, le demandeur précise qu’il n’est pas rapporté qu’il ait été touché par l’avis du greffe valant convocation à l’audience, et que, tout comme pour le défendeur, le demandeur devait être cité par une lettre recommandée avec avis de réception.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant que c’est à raison que la cour d’appel a confirmé le jugement dès l’instant où l’appelant a été destinataire d’une lettre simple de convocation, ajoutant que l’appelant devait s’enquérir du sort de son appel.

Intimé et appelant : une inégalité de traitement

Lorsque la procédure d’appel est sans représentation obligatoire, l’article 937 du code de procédure civile prévoit que le défendeur est cité à comparaître dans des formes particulières, à savoir par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception.

Et la Cour de cassation veille alors à ce que l’intimé ait été régulièrement cité à comparaître (pour une convocation remise le lendemain du jour de l’audience : Civ. 1re, 25 mars 1997, n° 96-05.064 NP).

Quant au demandeur, qui n’est pas sans connaître l’existence de la procédure d’appel, l’ayant engagée, le texte est moins exigeant, puisqu’il suffit au greffe de l’aviser de la date d’audience « par tous moyens ».

On comprend que cette forme allégée permet aux juridictions de faire des économies, en se dispensant d’une lettre recommandée au coût élevé.

Si ce « par tous moyens » consiste en pratique en l’envoi d’une lettre simple, rien n’exclut l’envoi d’un SMS, d’un courrier électronique, ou même un appel téléphonique.

Au-delà du caractère économique, qui certainement a pesé lourd pour cette inégalité de traitement, il est vrai que la partie appelant n’est pas prise au dépourvu, puisque c’est elle qui a formé l’appel. Elle sait donc qu’elle sera convoquée à une audience.

Il n’y a pas atteinte au principe de l’égalité des armes, dès...

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Mariage célébré à l’étranger : loi applicable au consentement des époux

Le consentement au mariage d’époux tunisiens mariés en Tunisie doit être apprécié sur le fondement de l’article 146 du code civil.

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Mariage célébré à l’étranger : loi applicable au consentement des époux

Deux ressortissants tunisiens se marient en Tunisie en 2012.

Par la suite, l’épouse assigne l’époux devant un juge français en nullité du mariage, pour absence d’intention matrimoniale.

Sa demande est rejetée en application du droit français.

L’épouse forme alors un pourvoi en cassation, en soutenant notamment que les juges du fond ont appliqué à tort le droit français, alors que le consentement au mariage devait être apprécié, selon elle, au regard de la nationale de l’époux, qui était en l’espèce la loi tunisienne.

Par son arrêt du 18 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi (en procédant à une substitution de motif), aux motifs que :

« 5. Aux termes de l’article 202-1 du code civil, les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l’article 146 et du premier alinéa de l’article 180.

6. L’article 146 dispose : “Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.”

7. La cour d’appel a relevé que Mme [V] se prévalait d’un défaut d’intention matrimoniale de M. [P].

8. Il en résulte que l’action était en réalité fondée sur l’article 146 du code civil, de sorte que la loi...

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Plan national de lutte contre les logements vacants : bilan et perspectives

Une réponse ministérielle du 5 avril 2022 fait le bilan du plan national de lutte contre les logements vacants lancé en 2020.

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Suspension d’un agent hospitalier non vacciné en congé de maladie

Le Conseil d’État précise, dans un arrêt du 11 mai, sa jurisprudence sur la suspension de fonctions des agents non vaccinés contre la covid-19 exerçant dans un établissement de santé, en congé de maladie. Il indique que le juge des référés peut suspendre jusqu’au terme du congé la décision de suspension.

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Suspension d’un agent hospitalier non vacciné en congé de maladie

Le Conseil d’État précise, dans un arrêt du 11 mai, sa jurisprudence sur la suspension de fonctions des agents non vaccinés contre la covid-19 exerçant dans un établissement de santé, en congé de maladie. Il indique que le juge des référés peut suspendre jusqu’au terme du congé la décision de suspension.

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Ne pas prendre en compte l’avis du médecin de prévention est une faute

L’administration commet une faute en ne prenant pas en compte les recommandations d’aménagement de poste formulées par le médecin de prévention. Le fait que cet avis n’ait pas été repris lors d’une visite de suivi infirmier n’exonère pas l’employeur.

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De l’information sur le risque d’amortissement négatif

Dans un arrêt du 25 mai 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler l’obligation d’information pesant sur le prêteur et le devoir de mise en garde sur le risque d’amortissement négatif attendu de l’intermédiaire en crédit lorsqu’un prêt présentant ce danger est conclu.

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De l’information sur le risque d’amortissement négatif

Le lecteur attentif de ces colonnes remarquera que la Cour de cassation est particulièrement vigilante en droit des contrats spéciaux sur le prêt d’argent, notamment en raison du risque de toxicité de certaines pratiques bancaires. À ce titre, nous avons pu analyser ces dernières semaines plusieurs décisions qui faisaient appel à la notion de clauses abusives pour réputer non écrites certaines stipulations à la licéité discutée (Civ. 1re, 20 avr. 2022, nos 19-11.599 et 20-16.316, Dalloz actualité, 12 mai 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 789 image). L’arrêt du 25 mai 2022 rendu par la première chambre civile que nous commentons aujourd’hui fait appel à la responsabilité contractuelle de droit commun pour rappeler l’existence d’une obligation d’information et d’un devoir de mise en garde dans le cadre très précis de prêts comportant des paliers d’échéances dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, le tout ayant pour effet d’aboutir à un contrat risqué pour l’emprunteur au fur et à mesure des échéances.

Positionnons le problème en rappelant les faits ayant donné lieu à ce pourvoi. Par offre du 11 août 2004, acceptée le 23 août et réitérée par acte authentique le 31 août, un établissement bancaire consent à un couple d’emprunteurs un prêt de 220 000 € pour une durée de vingt ans. Ce produit financier a pu être trouvé grâce à l’entremise d’une société intermédiaire. Le prêt stipule un taux d’intérêt fixe de 3,55 % pendant les trois premiers mois mais susceptible de variations en fonctions de l’évolution d’un indice (l’indice TIBEUR 3 mois que l’on appelle également dans la pratique EURIBOR) convenu entre les parties. Le prêt prévoit également deux périodes de différés d’amortissement avec franchise partielle d’intérêts. L’amortissement du capital devait prendre effet avec le 52e versement.

Trouvant le produit dangereux et inadapté à leur situation financière, le couple emprunteur a sollicité la condamnation en paiement de dommages-intérêts du prêteur et de l’intermédiaire pour manquement à leurs devoirs d’information et de conseil ainsi que de mise en garde. L’affaire a...

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Précisions en matière d’élections professionnelles : distinguer le vrai du faux (pas)

D’une part, il appartient au syndicat qui invoque la violation par l’employeur de son obligation de neutralité d’en rapporter la preuve. D’autre part, à défaut d’avoir émis des réserves et saisi le juge judiciaire d’une demande visant les conditions du scrutin fixées par décision unilatérale de l’employeur, un syndicat n’est pas admis à contester les modalités d’organisation des élections professionnelles une fois le résultat proclamé.

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Entérinement de la destination du père de famille des servitudes discontinues

La destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division d’un fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

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Entérinement de la destination du père de famille des servitudes discontinues

La destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu’existent, lors de la division d’un fonds, des signes apparents de la servitude et que l’acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

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Entérinement de la destination du père de famille des servitudes discontinues

Les articles 692 et 694 du code civil possèdent un champ d’application différent et des conséquences distinctes en fonction de la nature des servitudes concernées (Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation). Dans l’arrêt rapporté, la troisième chambre civile remet en évidence cette différenciation.

Rejet de la destination du père de famille des servitudes discontinues en appel

Dans un arrêt rendu le 15 décembre 2020, la cour d’appel de Caen a rejeté la demande de M. et Mme M, tendant à la remise en état d’une canalisation d’évacuation des eaux usées par Mme S, propriétaire de la parcelle voisine. Les appelants avaient invoqué l’existence d’une servitude par destination du père de famille entre les deux parcelles, issue de la division d’un seul fonds par acte du 30 septembre 1997 (Caen, 15 déc. 2020, n° 18/01639).

Alors même qu’elle présentait un signe apparent matérialisé par un regard, le rejet était fondé sur l’absence de mention de...

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Les syndicats mixtes ne sont pas obligatoirement affiliés à un centre de gestion

Les syndicats mixtes, même ceux ne regroupant que des communes et des établissements publics administratifs en dépendant, ne sont pas obligatoirement affiliés au centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale.

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80 % des recommandations des juridictions financières sont suivies d’effet

Pour la première fois et conformément au projet de réforme JF 2025, le suivi des recommandations adressées lors de leurs contrôles par la Cour des comptes et les vingt-trois chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) fait l’objet d’un rapport spécifique, présenté le 17 mai par le premier président de la Cour, Pierre Moscovici.

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Communication des pièces en appel : c’est quand je veux, ou presque

Une partie fait appel d’une ordonnance de référé, laquelle relève du droit de la procédure à bref délai en appel.

La lecture de l’arrêt de la cour d’appel ne permet pas précisément de savoir à quelle date les parties ont conclu ou devait conclure, mais cela est indifférent.

Il n’est pas discuté que l’appelant a remis et notifié ses conclusions dans le délai, et il en est de même de l’intimé.

En revanche, ce que l’intimé reproche à l’appelant est d’avoir attendu l’expiration du délai dont disposait l’intimé pour conclure, avant de lui communiquer les pièces visées.

L’intimé avait demandé à ce que les pièces soient écartées, et que les conclusions soient déclarées irrecevables, au motif que les pièces n’avaient pas été communiquées dans le délai pour conclure.

La cour d’appel déclare les pièces et conclusions recevables, ce que la Cour de cassation approuve.

Conclusions et pièces : une indissociabilité à sens unique

« Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables », nous rappelle la Cour de cassation, même si cela n’a certainement échappé à personne.

Le texte ne le disait pas, et les avis étaient partagés. Nous pensions que rien ne justifiait que l’irrecevabilité des conclusions entraîne l’irrecevabilité des pièces, mais la Cour de cassation en avait jugé autrement (Cass., ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-27.501 P, Dalloz actualité, 12 déc. 2014, obs. M. Kebir ; BICC 1er mars 2015, p. 7, rapp. Andrich, avis Lesueur de Givry ; D. 2014. 2530 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2015. 80, obs. C. Lhermitte image ; RTD civ. 2015. 200, obs. N. Cayrol image ; Gaz. Pal. 24 mars 2015, p. 32, note Malherbe ; JCP 2014. 1300, obs. Gerbay ; ibid. 2015. 10, note N. Fricero ; Procédures 2015, n° 29, note Croze ; Civ. 2e, 13 nov. 2015, n° 14-19.931 P ; v. encore Civ. 2e, 23 juin 2016, n° 15-10.831, D. 2017. 422, obs. N. Fricero image).

Le décret du 6 mai 2017 en avait pris acte, et modifié en conséquence l’article 906, qui s’était vu alourdi d’un « les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables ».

Mais, dans l’autre sens, rien n’est prévu.

Si des pièces sont rejetées, il n’est pas prévu que les conclusions seraient elles-mêmes irrecevables. Le caractère indissociable des pièces et des conclusions, c’est dans un seul sens.

Et c’est ainsi que la Cour de cassation a déjà considéré que des conclusions recevables ne préjugent pas du rejet des pièces, lesquelles peuvent être tardives au regard du temps utile (Civ. 2e, 6 déc. 2018, n° 17-17.557 NP, Dalloz actualité, 7 janv. 2019, obs. A. Danet ; ibid., 11 janv. 2019, obs. M. Kebir ; D. 2018. 2370 image ; ibid. 2019. 555, obs. N. Fricero image ; ibid. 848, chron. N. Touati, C. Bohnert, E. de Leiris et N. Palle image ; Gaz. Pal. 29 janv. 2019, note C. Bléry).

Le défaut de simultanéité à peine d’irrecevabilité ?

L’intimé voulait voir une irrecevabilité des conclusions, comme sanction d’une absence de communication en temps utile.

Il est vrai que la Cour de cassation a pu faire naître des irrecevabilités, là où le texte ne précise pas, au motif que l’article 122 du code de procédure civile n’édicte pas une liste limitative (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, BICC 1er mai 2003, p. 43, avis Benmakhlouf, rapp. Bailly ; R. p. 471 ; D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image ; LPA 12 mars 2003, p. 13, note Bernheim ; JCP 2003. I. 128, n° 17, obs. Cadiet ; ibid. 2003. I. 142, n° 13, obs. Virassamy ; ibid. 2003. I. 164, n° 9, obs. Seraglini ; Procédures 2003, n° 96, note Croze ; JCP E 2003. 707, note Croze et Gautier ; ibid. 627, n° 4, obs. Caussain, Deboissy et Wicker ; CCE 2003, n° 60, note Grynbaum ; CCC 2003, n° 84, note Leveneur ; Rev. arb. 2003. 403, note Jarrosson ; Defrénois 2003. 1158, obs. Libchaber ; BJS 2003....

Communication des pièces en appel : c’est quand je veux, ou presque

Si l’article 906 prévoit que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément, cette disposition n’érige aucune sanction, et notamment aucune irrecevabilité des conclusions en cas de communication tardive. En conséquence, il suffit à l’appelant de les communiquer à l’avocat de l’intimé « en temps utile », ce qui est le cas d’une communication avant la clôture de l’instruction et après le délai pour conclure de l’intimé, dès lors que, malgré la tardiveté dans la communication, l’intimé a été en mesure de conclure utilement au fond avant la clôture de l’instruction.

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Le divorce, la procédure collective et l’insaisissabilité légale de la résidence principale

Lorsqu’au cours d’une procédure de divorce de deux époux, dont l’un exerce une activité indépendante, le juge ordonne leur résidence séparée et attribue au conjoint de l’entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l’entrepreneur, à l’égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n’est plus située dans l’immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Par conséquent, les droits qu’il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de son activité professionnelle.

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