De la bonne utilisation du droit commun en matière de responsabilité contractuelle engagée par la caution

Dans un arrêt rendu le 9 février 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que les articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier ne font pas obstacle à la mise en œuvre par la caution de la responsabilité contractuelle de droit commun envers l’établissement bancaire.

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Transaction mettant fin à des différends de droit public et de droit privé

Quel est le juge compétent pour connaître d’une transaction mettant fin à des différends dont certains relèvent de la compétence du juge judiciaire et d’autres de celle du juge administratif ? 

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Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre peuvent s’appliquer à certaines décisions individuelles

Une autorisation environnementale qui ne vaut pas autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité au titre du code de l’énergie n’est pas tenue par les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

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Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

À l’heure où la sanction du déséquilibre significatif fait l’objet de contributions régulières de la Cour de justice de l’Union européenne (v. dern., CJUE 19 sept. 2019, aff. C-34/18, Dalloz actualité, 9 oct. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1831 image ; AJ contrat 2019. 493, obs. V. Legrand image ; RTD com. 2019. 963, obs. D. Legeais image) et traverse nombre de codes (C. consom., art. L. 212-1 ; C. com., art. L. 442-6, I, 2° ; C. civ., art. 1171), l’articulation entre les textes interroge (Com. 26 janv. 2022, n° 20-16.782, Dalloz actualité, 1er févr. 2022, obs. C. Hélaine). Dans ce domaine fertile, le contentieux se profile : quant à la qualification de clause abusive et quant à son régime. Le présent arrêt traverse ces interrogations, appliquées à un contrat d’entreprise liant un maître d’ouvrage consommateur à un maître d’œuvre. Il confirme, au fond, que la clause ayant pour objet ou pour effet d’entraver l’exercice d’actions en justice est présumée abusive dans les contrats de consommation. Sur la forme, la décision étend l’office du juge dans le cadre d’un contrat de maîtrise d’œuvre.

Déséquilibre significatif

Le contrat de louage d’ouvrage est peu à peu devenu un terrain expérimental puis d’élection de clauses jugées abusives. Dans l’affaire rapportée, le contrat fut conclu en 2012, soit avant la réforme du droit des obligations ayant institué la sanction du déséquilibre significatif dans les contrats d’adhésion (l’art. 1171 du c. civ. n’était donc pas applicable). Seul le code de la consommation pouvait être invoqué par le maître d’ouvrage à l’appui de sa demande (pour une analyse approfondie, M. Poumarède, Les contrats de construction et le droit de la consommation, RDI 2017. 8). Sur le fondement d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le code de la consommation permet au consommateur, notamment immobilier, de solliciter la sanction d’une clause abusive (art. L. 212-1). En l’espèce, le contrat stipulait que les parties s’engageaient « en cas de litige sur l’exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l’association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ». L’enjeu de la qualification était important car à défaut d’existence d’un déséquilibre significatif créé par la clause litigieuse, le code de procédure civile imposait au juge d’opposer au demandeur à l’action une fin de non-recevoir. L’intérêt de l’examen du déséquilibre significatif en cause touchait moins à sa dimension civiliste rejoignant l’économie générale du contrat qu’à la question de la disponibilité du droit fondamental d’agir en justice.

Sur le fond : examen de la clause de conciliation préalable

La cour d’appel a jugé la clause litigieuse constitutive d’une fin de non-recevoir, faute d’avoir été respectée. À l’appui de ce raisonnement, l’article 122 du code de procédure civile apporte une liste non-exhaustive de fins de non-recevoir des actions en justice. Toutefois, la jurisprudence est venue préciser que la régularité d’une telle clause est soumise à l’examen des droits dont elle est l’objet. En particulier, la Cour de cassation liant la régularité de cette clause aux contrats mettant en cause des droits disponibles, a jugé qu’elle était « présumée abusive » dans les contrats de consommation (Civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-16.197, D. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image). En l’espèce, l’insuffisante motivation de la décision des juges du fond a conduit à sa cassation partielle, pour défaut de base légale. Reprenant le visa de la jurisprudence antérieure (C. consom., anc. art. L. 132-1 devenu L. 212-1 et anc. art. R. 132-2, 10° devenu art. R. 212-2, 10°), l’arrêt présenté n’est pas novateur en établissant que la clause contraignant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une conciliation avant la saisine du juge, « est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire ». L’article R. 212-2, 10°, du même code permet en effet plus largement, de présumer abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ».

Ainsi, la logique de lutte contre les clauses entravant l’exercice d’actions en justice, dites « clauses grises » se poursuit et laisse d’actualité les vœux pourtant anciens de les intégrer dans la liste noire en ce qu’elles constituent une atteinte grave à l’équilibre des droits et des obligations (en ce sens, S. Amrani-Mekki, Décret du 18 mars 2009 relatif aux clauses abusives : quelques réflexions procédurales, RDC 2009. 1617 ; J. Rochfeld, Clauses abusives – Listes réglementaires noire et grise. Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, RTD civ. 2009. 383).

La législation contemporaine en vogue, multipliant les obligations de tentatives préalables de résolution amiable des litiges jusqu’à les instituer en ligne (N. Fricero, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2021-2022, spéc. nos 116.61 et 116.62), pourrait sembler heurter cette position. À y regarder de plus près, il n’en est rien. Nombre de domaines régis par le code de la consommation en sont exclus (crédits à la consommation et immobiliers) et plus particulièrement, les litiges dont le montant excède 5 000 € (C. pr. civ., art. 750-1). Dans ses applications immobilières, l’article 750-1 du code de procédure civile vient également circonscrire les obligations de tentatives de résolution amiable des litiges : aux actions en bornage (COJ, art. R. 211-3-4), aux actions relatives à la distance des lieux pour les plantations, aux constructions de l’article 674 du code civil, au curage des fossés et canaux, aux contestations relatives aux servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil et celles établies au profit des associations syndicales (COJ, art. R. 211-3-8). En dehors de ces quelques cas légalement institués et somme toute résiduels, les clauses afférentes à l’obligation pour le consommateur, de recourir à une médiation avant la saisine du juge demeurent par l’appréciation souveraine des juges du fond, « présumées abusives ». Le droit fondamental d’agir en justice reste ainsi préservé dans les contrats de consommation et en particulier, dans le contrat liant un maître d’ouvrage « consommateur immobilier » à un maître d’œuvre. Rappelons que ce dernier reste libre par ailleurs de rapporter la preuve du caractère non-abusif de la clause litigieuse. Il pourra notamment démontrer que le recours au juge n’est pas écarté mais « suspendu » et que le consommateur reste libre d’exercer une action en justice à défaut de conclusion d’un accord amiable. La nuance réside dans la distinction entre la renonciation à un droit fondamental (clause abusive) et son aménagement (clause qui pourrait être valable. Pour une analyse approfondie, S. Amrani-Mekki, préc.). Toutefois, la jurisprudence n’a jamais accueilli ce raisonnement (Civ. 1re, 16 mai 2018, préc.) et continue de tenir à distance l’exigence du code de la consommation présumant abusive la clause visant à obliger le consommateur « à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ». En l’espèce la clause n’emportait pas de passage exclusif par la conciliation mais un passage avant toute procédure judiciaire. Pour autant, la Cour de cassation l’a jugée abusive, traduisant sa volonté de protéger davantage le consommateur immobilier dont les contrats se rapportent à des enjeux pécuniaires et assurantiels importants.

Sur l’office du juge : relevé d’office de la clause abusive

Le juge a-t-il la faculté ou l’obligation de relever une clause présumée abusive ? À cet égard, le moyen du pourvoi soulevait que « le juge doit examiner d’office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ». L’argument reprend littéralement la solution établie par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 20 sept. 2018, aff. C-51/17, D. 2018. 1861 image ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki image ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet image ; AJ contrat 2018. 431, obs. E. Bazin image ; 4 juin 2009, aff. C-243/08, D. 2009. 2312 image, note G. Poissonnier image ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero image ; ibid. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; Rev. prat. rec. 2020. 17, chron. A. Raynouard image ; RTD civ. 2009. 684, obs. P. Remy-Corlay image ; RTD com. 2009. 794, obs. D. Legeais image). Dans cette veine, la Cour de cassation, censurant la fin de non-recevoir opposée par la cour d’appel, établit qu’il appartenait au juge « d’examiner d’office la régularité d’une telle clause » (au visa de l’art. R. 632-1 c. consom.).

Elle poursuit ainsi l’édification d’un régime procédural protecteur des droits substantiels des consommateurs victimes de clauses abusives (pour une étude d’ensemble, C. Boillot, Le régime des clauses relatives au litige, RTD com. 2013. 1), à l’instar de celui plus récemment appliqué aux non-professionnels (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758, Dalloz actualité, 20 oct. 2021, obs. C. Hélaine ; Civ. 3e, 6 mai 2015, n° 13-24.947 P, D. 2015. 1100 image ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2015. 355, obs. F. Garcia image), en imposant au juge de relever d’office les dispositions consuméristes y afférentes. Où la procédure conforte le droit substantiel et partant, tempère la liberté contractuelle.

Enfin, alors qu’est désormais installée la notion de « consommateur immobilier » et que s’y adjoint progressivement celle de « non-professionnel immobilier », il reste à parfaire le régime jusqu’à son application aux SCI, dont le contentieux a laissé émerger la notion plus complexe de « professionnel de l’immobilier / non-professionnel de la construction » (Civ. 3e, 7 nov. 2019, n° 18-23.259, Dalloz actualité, 26 nov. 2019, obs. D. Pelet ; D. 2020. 55 image, note S. Tisseyre image ; ibid. 353, obs. M. Mekki image ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RDI 2019. 617, obs. B. Boubli image ; AJ contrat 2020. 37, obs. Y. Picod image ; Rev. prat. rec. 2020. 23, chron. R. Bouniol image ; 4 févr. 2016, n° 14-29.347 P, D. 2016. 639 image, note C.-M. Péglion-Zika image ; ibid. 2017. 375, obs. M. Mekki image ; ibid. 539, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; AJDI 2016. 623 image, obs. F. Cohet image ; RDI 2016. 290, obs. B. Boubli image ; AJCA 2016. 200, obs. S. Carval image). Les dispositions de fond et de forme sont désormais nombreuses et éparses en matière de lutte contre les clauses abusives. L’enchevêtrement des codes civil, de la construction et de l’habitation, de la consommation et de procédure civile commandera sans doute de remettre encore l’ouvrage sur le métier… « hâtez-vous lentement, et sans perdre courage » prévenait Nicolas Boileau.

Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

La clause qui contraint le consommateur en litige avec un professionnel, à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive. Le juge doit en examiner d’office la régularité.

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Contrat de maîtrise d’œuvre : examen de la régularité d’une clause abusive

La clause qui contraint le consommateur en litige avec un professionnel, à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive. Le juge doit en examiner d’office la régularité.

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Réforme de l’adoption : vote définitif de la loi par l’Assemblée nationale

Phase parlementaire

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2020, puissamment remaniée par le Sénat le 20 octobre suivant, la proposition de loi visant à réformer l’adoption vient finalement d’être votée par la Chambre basse en lecture définitive le 8 février 2022, soit près de 600 jours à la suite de son dépôt par l’une de ses deux promotrices : Mme la Députée Monique Limon, coauteure du rapport Limon-Imbert rendu public en octobre 2019 (M. Limon et C. Imbert, Vers une éthique de l’adoption. Donner une famille à un enfant, oct. 2019)  et fraîchement accueilli par l’École et le Palais (P. Salvage-Gerest, Le rapport Limon-Imbert, Un coup d’épée dans l’eau, AJ fam. 2020. 350 image). Cette temporalité surprenante pour une proposition de loi pourtant discutée dans le cadre d’une procédure accélérée – engagée par le gouvernement le 3 novembre 2020 – est à mettre sur le compte de désaccords politiques persistants entre les deux chambres, ayant débouché sur l’échec de la Commission mixte paritaire réunie le 4 novembre 2021, et la nouvelle lecture de la proposition de loi devant l’Assemblée nationale et le Sénat les 18 et 28 janvier 2022, avant de donner lieu à la lecture définitive du 8 février dernier devant la Chambre basse. Les députés auront d’ailleurs usé de leur préséance sur les sénateurs pour imposer leurs vues sur la plupart des points en débats. Dix-neuf mois à la suite de son dépôt, la proposition de loi visant à réformer l’adoption est donc votée, pour un résultat enthousiasmant selon certains et décevant selon d’autres.

Objectifs parlementaires

Parmi les principaux objectifs poursuivis par la proposition de loi, six d’entre eux pourront être rappelés pour mémoire (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 6) : valoriser l’adoption simple, ouvrir l’adoption aux couples de partenaires et de concubins, sécuriser la période de placement, renforcer et replacer au cœur du processus d’adoption la notion de consentement, réformer l’agrément et renforcer les droits des pupilles de l’État ; voici le vaste programme porté par les parlementaires. Ces ambitions auront toutefois été tempérées, dans la mesure où bien en deçà des velléités premières de renforcement et de sécurisation de l’adoption dans son ensemble (Proposition de loi visant à réformer l’adoption, Assemblée nationale, 30 juin 2020, p. 4), la loi votée se présente surtout comme un agrégat d’articles hétérogènes, à l’origine de regrets relatifs à l’absence de vision d’ensemble de la protection de l’enfance (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 5), et révélateur selon le Sénat d’une « volonté de faciliter l’adoption pour les candidats, [plus] que de sécuriser la situation des enfants » (ibid.).

Résultats parlementaires

Il n’empêche, plusieurs propositions phares auront survécus à ces débats passionnés, dont la plupart s’inscrivent dans les objectifs précités. C’est pourquoi, sans véritablement réformer l’adoption en profondeur, la loi nouvelle la retouche par endroits, justifiant une analyse article par article de ce texte.

Nouvelle définition de l’adoption simple

Fruit d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat, l’article 1er de la loi visant à réformer l’adoption procède à une réécriture de l’article 364, alinéa 1er, du code civil, destinée à différencier formellement l’adoption simple de l’adoption plénière, dans son domaine et sa portée. Ainsi le nouvel article dispose-t-il désormais que « L’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine », et que « L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ». Place donc à la mention formelle de l’effet principal de cette adoption : l’adjonction d’un lien de filiation à l’enfant, par opposition à la substitution d’un lien de filiation opérée par l’adoption plénière. En outre, exit l’ancienne référence au droit de succéder de l’adopté simple, laquelle pouvait « laisser penser que le maintien des droits dans la famille se [limitait] aux droits héréditaires de l’adopté ou que ces derniers [étaient] plus importants que les droits extrapatrimoniaux » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 14). C’est dire que cette réécriture convaincra à raison de la clarification de l’article 364, alinéa 1er à laquelle elle procède (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 13), même si l’on notera de nouveau avec une auteure que l’établissement d’un double lien de filiation ne vaudra « que si la filiation de naissance [de l’enfant] est établie, ce qui n’est pas toujours le cas » (M.-C. Le Boursicot, Une proposition de loi visant à réformer l’adoption… déconcertante et même inquiétante, RJPF 2020-11). 

Ouverture de l’adoption aux couples de partenaires et de concubins

« Voulu comme la mesure phare du texte » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 6), et approuvée par le Sénat en première lecture, l’article 2 de la loi ouvre l’adoption aux couples de partenaires et de concubins, en alimentant à cette occasion le processus d’édification continu d’un droit commun des couples. À cette fin, et comme nous l’écrivions en décembre 2020 (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : la première lecture est achevée, Dalloz actualité, 22 déc. 2020), 15 articles du code civil sont réécrits pour tenir compte de cette petite révolution (C. civ. art. 343, 343-1, 343-2, 344, 345-1, 346, 348-5, 353-1, 356, 357, 360, 363, 365, 366 et 370-3) et mettre fin, selon la Députée Limon, « à la différence de traitement face à l’adoption entre les couples mariés [et] les couples non mariés – qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 19). Parallèlement, les conditions à remplir par les parents adoptifs sont assouplies via l’abaissement du délai minimum de communauté de vie requis pour les couples candidats à l’adoption (de 2 ans à 1 an ; C. civ., art. 343 nouv.), et via l’abaissement de l’âge minimum requis pour adopter pour l’ensemble des adoptants (de 28 à 26 ans ; C. civ., art. 343 et 343-1 nouv.). S’opposant ici au Sénat, l’Assemblée nationale aura donc eu le dernier mot à ce propos, en dépit des protestations émises par les sénateurs dont l’argumentation consistait à souligner, avec plusieurs acteurs de la protection de l’enfance, que « cette modification ne [répondait] à aucune demande de terrain et [n’aurait] probablement qu’un effet limité en pratique compte tenu du délai pour obtenir un agrément puis pour adopter, et du peu d’enfants adoptables » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 9). En passant en force, la Chambre basse fait donc le pari de la pertinence de sa proposition, dont il faudra apprécier l’opportunité dans un futur proche.

À l’opposé, l’Assemblée nationale confirme la nouvelle rédaction de la règle de conflits de lois de l’article 370-3, en faisant sienne celle proposée par la Commission mixte paritaire (Les mots « de la juridiction saisie » étant substitués aux mots « du for », afin de clarifier cet article). Ainsi cet article dispose-t-il désormais que « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de la juridiction saisie ». Par ailleurs, « L’adoption ne peut […] être prononcée si la loi nationale des deux membres du couple la prohibe ». Comme nous l’écrivions en octobre 2021 (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, Dalloz actualité, 9 nov. 2021), la règle de conflit de lois propre aux couples mariés est donc finalement étendue aux couples non mariés, au détriment de l’article 515-7-1 du code civil, propre aux partenaires pacsés, mais au profit de l’unité du droit international tout entier.

Assouplissement de l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans

Présenté par les promoteurs de la loi comme une mesure de faveur envers « l’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 23), l’article 3 de la loi réécrit l’article 345 du code civil, dans le dessein d’élargir les possibilités d’adoption plénière de ce public. Pour ce faire, leur adoption devient d’abord permise par le conjoint de l’un de leurs parents lorsque leur autre parent s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ou est décédé sans laisser d’ascendants privilégiés (C. civ., art. 345-1, 2° et 3°, visé par la nouvelle disposition), lorsque leurs père et mère ou le conseil de famille y ont valablement consenti, ou lorsque l’enfant est pupille de l’État ou déclaré judiciairement délaissé (C. civ. art. 347 nouveau, visé par la nouvelle disposition). Au-delà, la loi étend aussi le délai d’adoption de ces enfants de 2 ans à 3 ans à l’issue de leur 18e année, autorisant ainsi leur adoption plénière dans les limites de leurs 21 ans. La loi offre donc un « délai de rattrapage » aux destinataires de ces textes, étant néanmoins précisé que la dérogation initialement proposée par l’Assemblée nationale de permettre cette adoption en cas de « motifs graves » est finalement délaissée, en raison des risques d’aléas judiciaires et d’atteinte au principe de sécurité juridique redoutés par le Sénat (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 15).

Ajustement du placement en vue de l’adoption

L’article 4 de la loi procède ensuite à une pertinente réécriture de l’article 351 du code civil relatif à la procédure de placement en vue de l’adoption plénière, tout en insérant un nouvel article 361-1 à la rédaction décevante.

S’agissant de l’article 351, d’abord, et suivant les recommandations avisées du Sénat et des magistrats de la Cour de cassation auditionnés à cette occasion (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 25), l’alinéa 1er est remanié pour proclamer que « Le placement en vue de l’adoption prend effet à la date de la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption, d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré délaissé par décision judiciaire ». Un nouvel alinéa 2 créé par la loi poursuit en précisant que « Les futurs adoptants accomplissent les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption ». Et ces modifications apparaissent opportunes pour plusieurs raisons. En premier lieu, la substitution des termes « prend effet à la date de » aux mots « est réalisé par » éclaircit assurément le déroulé du processus du placement et réduit « les incertitudes [relatives] à la date du début de [cette] période » (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 3161, 23 nov. 2020, p. 28). En deuxième lieu, la substitution du terme « délaissé » au mot « abandonné » actualise cette disposition, « afin de tirer [toutes] les conséquences du remplacement, par la loi [du 14 mars 2016] de la déclaration judiciaire d’abandon par la déclaration judiciaire de délaissement parental » (ibid., p. 29. Actualisation également réalisée par l’article 20 de la loi s’agissant de l’art. 347, 3°, c. civ). En dernier lieu, le nouvel alinéa 2 éclaircit lui aussi les pouvoirs accordés par la loi aux futurs parents, en sécurisant et en clarifiant « le type d’actes [qu’ils] peuvent accomplir pendant le placement » (Ibid., p. 28), même si la rédaction définitive du texte pourra apparaître plus large que celle proposée par les sénateurs en première lecture (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, préc.), précisément pour permettre l’accomplissement d’actes relatifs à la santé de l’enfant (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 16).

S’agissant de l’article 361-1, en revanche, la doctrine dénoncera certainement sa pertinence. Aux termes de la loi nouvelle, ce texte énonce en effet que « Le placement en vue de l’adoption (simple) est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré judiciairement délaissé », sans autres précisions. La Chambre basse accomplit ainsi l’exploit de créer un article à la rédaction à la fois maladroite (les anciens termes bannis de l’article 351 refaisant surface ici) et incomplète (aucune précision n’étant fournie relativement aux effets de ce placement). On en retiendra toutefois l’extension de la procédure de placement à l’adoption simple, pour les seuls enfants pupilles de l’État ou déclarés délaissés par décision judiciaire (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 16). 

Prohibition de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs

Revenant pour partie à la rédaction initiale de la proposition de loi du 30 juin 2020, l’article 5 de la loi nouvelle crée un article 343-3 portant prohibition de l’adoption « entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs », sauf la possibilité pour le tribunal de « prononcer l’adoption s’il existe des motifs graves que l’intérêt de l’adopté commande de prendre en considération ». Sur ce point et lors de la navette parlementaire, le texte avait subi plusieurs évolutions, les députés ayant un temps proposé de prohiber plus largement « toute adoption conduisant à une confusion des générations », là où les sénateurs s’y étaient opposés en « considérant plus opportun de laisser au juge le soin d’apprécier l’intérêt de l’enfant au cas par cas, plutôt que d’établir une règle qui ne pourrait souffrir d’exception » (Adde M. Jourda, Rapport Sénat, n° 50, 13 oct. 2021, p. 27 s.). En prenant appui sur la rédaction initiale de la proposition de loi, tout en l’enrichissant d’une soupape de sécurité permettant l’adoption de l’enfant (simple ou plénière) pour « motifs graves », l’article 343-3 procède donc avec pertinence, tout en résolvant par la positive l’un des vieux débats du droit de la famille portant sur la possibilité pour les parents d’adopter leurs propres enfants (v. réc., J. Houssier, La filiation du parent d’intention au lendemain des arrêts du 18 déc. 2019, AJ fam. 2021. 359).

Remise en ordre du consentement des parents à l’adoption de leur enfant

L’article 6 de la loi réordonne ensuite les dispositions du code civil relatives au consentement des parents à l’adoption de leur enfant, que l’adoption soit interne ou internationale. Le texte fait ainsi remonter à l’article 348-3 les critères d’intégrité du consentement à l’adoption jusqu’alors prescrits par l’article 370-5, en posant au premier de ces textes que « Le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ». Autrement dit, l’article 6 de la loi transpose à l’adoption interne les exigences de l’adoption internationale, en les précisant un peu plus, et ce afin de mettre en commun « la définition du consentement à l’adoption pour toutes les adoptions », aux dires des promoteurs de ce texte (Amendement n° 512). 

Ouverture de l’adoption du mineur âgé de plus de 13 ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement

Aux termes de l’article 7 de la loi nouvelle, le code civil se voit encore complété d’un nouvel article 348-7, autorisant le tribunal à « prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ». En ouvrant cette nouvelle possibilité, les parlementaires facilitent donc l’adoption de ce public particulier, en prenant le soin de dissocier les cas de refus de consentement à l’adoption énoncés à l’article 348-6, de ceux d’absence de consentement issus de ce texte, mais en oblitérant au passage l’exigence de l’avis du représentant légal, au profit de celui de l’administrateur ad hoc (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 20).

Harmonisation du consentement de l’enfant à son changement de nom et prénom

De façon fort opportune, pour poursuivre, l’article 8 de la loi nouvelle « [harmonise] les conditions d’âge relatives aux changements de nom et de prénom [de l’enfant adopté] entre les procédures de droit commun [des] articles 60 et 311-23 du code civil, et celles propres à l’adoption » (ibid., p. 42). Pour ce faire, le dernier alinéa de l’article 357 est complété par l’exigence d’un consentement de l’enfant adopté de plus de 13 ans à son changement de prénom en cas d’adoption plénière, tandis que l’article 363 procède de même pour son changement de nom en cas d’adoption simple, en dépit des protestations émises par le Sénat sur ce point. L’harmonisation en résultant est donc réelle mais réduite, dans la mesure où l’enfant adopté en la forme plénière ne pourra pas s’opposer à son changement de nom, conformément aux principes mêmes de cette d’adoption. C’est pourquoi la réécriture de ces deux dispositions apparaîtra parfaitement opportune (Contra, P. Salvage-Gerest et all., art. préc., n° 13).

Rétroactivité de la loi du 2 août 2021 en cas d’AMP réalisée à l’étranger au sein d’un couple de femmes

À l’origine de l’échec de la Commission mixte paritaire, l’article 9 de la loi nouvelle consacre un dispositif transitoire permettant d’établir envers la co-mère la filiation de l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation (AMP) réalisée à l’étranger, « lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique ». Ce dispositif présenté comme exceptionnel et applicable pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi nouvelle, impose à la co-mère de « rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse (toutefois) lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil ».

Considéré comme « inacceptable » par la Chambre haute, ce dispositif avait suscité l’ire des sénateurs aux motifs qu’il conduirait « à se passer du consentement de la mère qui a accouché dans des conditions trop floues », qu’il « pourrait concerner des situations très anciennes puisqu’aucun délai n’est prévu pour la réalisation de l’AMP », et qu’il était en outre contraire à l’avis du Conseil national de la protection de l’enfance, lequel s’y était opposé au motif qu’il poursuivait « un autre but que l’intérêt supérieur de l’enfant en visant à régler des litiges entre adultes et à reconnaitre un droit sur l’enfant » (J. Houssier, Proposition de loi visant à réformer l’adoption : coup de rabot ou coup d’épée dans l’eau des Sénateurs ?, préc). Attaché à ce dispositif, l’Assemblée nationale sera donc passée en force pour l’imposer.

Nouvelle règlementation de l’agrément

À l’opposé, l’article 10 signe une certaine synergie des deux chambres relativement à la règlementation de l’agrément à l’adoption. À l’écoute de leurs collègues, « les députés ont [en effet] renoncé à réécrire des sections entières du code de l’action sociale et des familles, [en] n’apportant que les modifications souhaitées au droit existant comme l’y invitait le Sénat » (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 9).

En ce sens, l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) est d’abord modifié afin de mieux définir les finalités de l’agrément et d’imposer une condition d’âge aux candidats à l’adoption. Ainsi est-il enrichi d’un deuxième alinéa disposant que « L’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés », et exigeant qu’il soit « délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ». Au-delà, un troisième alinéa précise que « L’agrément prévoit une différence d’âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter », étant précisé qu’en présence « de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle en démontrant que l’adoptant est en capacité de répondre à long terme aux besoins mentionnés au deuxième alinéa du présent article ». Grâce à la loi nouvelle, cette dernière disposition opère donc son grand retour dans le CASF, après avoir été originellement placée dans le code civil par la proposition de loi, puis déplacée dans le CASF par les députés, puis replacée dans le code civil par les sénateurs… En définitive, son champ d’application en ressort donc limité aux seules adoptions exigeant un agrément, à l’exclusion des adoptions intrafamiliales épargnées par cette condition.

Par ailleurs, et dans le dessein de mieux accompagner les candidats à l’adoption, le même article L. 225-2 est complété d’un autre alinéa énonçant que « Pendant la durée de validité de l’agrément, le président du conseil départemental […] propose aux personnes agréées des réunions d’information ». Dans le même sens, l’article L. 225-3 renchérit en disposant qu’« Elles suivent une préparation, organisée par le président du conseil départemental […] portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives, médicales, juridiques et culturelles de l’adoption, compte tenu de la réalité de l’adoption nationale et internationale, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive ». Destinées à répondre aux difficultés des candidats à l’adoption parfois constatées en pratique, ces dispositions devraient donc permettre une meilleure préparation à l’adoption pour une meilleure réussite du projet parental et, partant, une meilleure préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Définition de l’adoption internationale

Considérée comme un neutron législatif par plusieurs parlementaires (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 8), la définition de l’adoption internationale est finalement gravée dans le code civil par la loi nouvelle. En des termes articulés autour du critère de la résidence habituelle de l’enfant, le nouvel article 370-2-1 prévoit ainsi que « L’adoption est internationale : 1° Lorsqu’un mineur résidant habituellement dans un État étranger a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers la France, où résident habituellement les adoptants ; 2° Lorsqu’un mineur résidant habituellement en France a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers un État étranger, où résident habituellement les adoptants ». Faisant fi de toute référence à la nationalité de l’enfant ou à celle des adoptants, la loi nouvelle privilégie donc une vision matérielle et non personnelle de la notion d’adoption internationale.

Autres évolutions

Parmi les autres points traités par la loi nouvelle, tous s’essayent à répondre aux problématiques récurrentes de l’adoption sans réécrire l’ensemble du code de l’action sociale et des familles. Ainsi, la loi :

introduit la possibilité pour les présidents de conseils départementaux de prolonger à titre dérogatoire et pour une durée de deux ans les agréments en vue de l’adoption en cours de validité à la date du 11 mars 2020, « lorsque le dossier de demande a été enregistré par une autorité étrangère et dont l’agrément est toujours valide à la date de promulgation de la loi » (art. 12), de « faire appel à des associations pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue [d’une] adoption des enfants à besoins spécifiques » (art. 13 ; CASF, art. L. 225-1 dernier al.), réintroduit une procédure d’autorisation et d’habilitation dédoublée des OAA, tout en complétant les textes leur étant propres (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 30) (art. 14 ; CASF, art. L. 225-11, L. 225-12, L. 225-19 ; C. civ., art. 348-4, 348-5, 353-1), oblige les personnes résidant habituellement en France à être accompagnées par un OAA ou l’Agence française de l’adoption pour adopter un mineur résidant habituellement à l’étranger (art.15 ; CASF, art. L. 225-14-3), organise un accompagnement par l’ASE des pupilles de l’État placés en vue de l’adoption comme des adoptants (art. 16 ; CASF, art. L. 225-18), ordonne la réalisation d’un bilan médical, psychologique et social des enfants admis en qualité de pupille de l’État, faisant notamment « état de l’éventuelle adhésion de l’enfant à un projet d’adoption, si l’âge et le discernement de l’enfant le permettent » (art. 19 ; CASF, art. L. 225-1), réécrit les derniers alinéas de l’article L. 244-5 CASF relatifs à la remise d’un enfant à l’ASE par ses parents en vue de son admission comme pupille de l’État, en maintenant le recueil de leur consentement exprès et éclairé, spécialement sur la possibilité pour l’enfant d’être adopté, levant ainsi les craintes émises par plusieurs associations (E. Lucas, Réforme de l’adoption, les pièges d’une modernisation à tout prix, La Croix, 17 janv. 2022) (art. 20 ; CASF, art. L. 244-5 ; C. civ., art. 347), précise la composition et le fonctionnement du Conseil de famille, en imposant la présence d’une personne qualifiée en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations (sur ce point, v. E. Lucas, Adoption : la nouvelle composition des conseils de famille inquiète, La Croix, 17 janv. 2022) et la formation obligatoire de ses différents membres art. 21 ; CASF, art. L. 224-2, L. 224-3, L. 224-3-1), confirme l’information des pupilles de l’État par leurs tuteurs des décisions les concernant (art. 22 ; CASF, art. L. 224-1-1), étend l’examen par les commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles chargées d’examiner la situation des enfants confiés à l’ASE depuis plus d’un an, lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins, des enfants de moins de 2 ans à ceux de moins de 3 ans (art. 23 ; CASF, art. L. 223-1, L. 223-5), réécrit l’art. 411 c. civ. relatif à la vacance de la tutelle (art. 24 ; C. civ., art. 411), et assouplit aussi le régime applicable au congé d’adoption (art. 25 ; CASF, art. L. 161-6, L. 331-7 ; C. trav., art. L. 1225-37, L. 1225-40, L. 3142-1).

Ordonnance balais

Pour finir et pour désespérer peut-être les lecteurs de ces lignes, la loi nouvelle habilite enfin le gouvernement, contre l’avis des sénateurs (M. Jourda, Rapport Sénat, n° 371, 19 janv. 2022, p. 10), à prendre par voie d’ordonnance et dans un délai de huit mois « toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code civil et du code de l’action sociale et des familles en matière d’adoption, de déclaration judiciaire de délaissement parental, de tutelle des pupilles de l’État et de tutelle des mineurs dans le but :
     1° De tirer les conséquences, sur l’organisation formelle du titre VIII du livre Ier du code civil, de la revalorisation de l’adoption simple réalisée par la présente loi et de la spécificité de l’adoption de l’enfant de l’autre membre du couple;
     2° D’harmoniser ces dispositions sur un plan sémantique ainsi que d’assurer une meilleure coordination entre elles ».
C’est dire que la présente loi ne pourrait être que la première partie de la réforme de l’adoption, ce renvoi au gouvernement illustrant de nouveau les dérives du recours désormais ordinaire à la procédure accélérée.

Réforme de l’adoption : vote définitif de la loi par l’Assemblée nationale

Votée par l’Assemblée nationale le 8 février 2022 en lecture définitive, la loi visant à réformer l’adoption renferme plusieurs innovations majeures en droit civil comme en droit de l’action sociale, tout en demeurant constituée d’une majorité de mesures d’ajustement destinées à suivre les évolutions de la société (M. Limon, Rapport Assemblée nationale, n° 4897, 12 janv. 2022, p. 1).

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La modernisation du cadre applicable au financement participatif achevée

Un décret du 1er février 2022, modifiant la partie réglementaire du code monétaire et financier, met en conformité le cadre réglementaire national relatif au financement participatif avec le « paquet européen » issu du règlement (UE) 2020/1503 et de la directive (UE) 2020/1504 du 7 octobre 2020. Il complète ainsi les modifications à valeur législative issues de l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021.

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Transport aérien : indemnisation en cas de retard

La Cour de justice de l’Union européenne complète sa jurisprudence en matière d’indemnisation des retards due par les compagnies aériennes, cette fois pour déterminer le juge compétent en cas de vols avec correspondance avec une réservation unique.

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Transport aérien : indemnisation en cas de retard

Le règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 établit des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Il prévoit notamment une indemnisation en cas d’annulation du vol (art. 5) avec les modalités de calcul de cette indemnisation (art. 7, qui prend en compte la distance du vol), un droit à l’assistance par le transporteur effectif en cas d’annulation ou de retard du vol (art. 5, 6 et 8) ainsi qu’un droit à une prise en charge (art. 9, prévoyant les conditions d’obtention de rafraîchissements, d’une restauration ou d’un hébergement).

Le contexte jurisprudentiel

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de préciser, par exemple, que l’enfant âgé de moins de deux ans qui a voyagé sans billet d’avion sur les genoux de ses parents ne peut pas bénéficier de l’indemnisation forfaitaire due par le transporteur aérien en cas de retard (Civ. 1re, 6 janv. 2021, n° 19-19.940 F-P, Dalloz actualité, 28 janv. 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 77 image ; RTD com. 2021. 179, obs. B. Bouloc image) et qu’un vol dérouté qui atterrit sur un aéroport distinct de l’aéroport initialement prévu mais qui dessert la même ville, agglomération ou région, n’est pas susceptible de conférer au passager un droit à une indemnisation au titre d’une annulation de vol (CJUE 22 avr. 2021, aff. C-826/19, Dalloz actualité, 27 mai 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 845 image ; ibid. 1695, obs. H. Kenfack image ; JCP E 2021. 1379, note P. Dupont et G. Poissonnier).

La mise en œuvre des principes prévus par ce règlement n° 261/2004 soulève régulièrement des problèmes de compétence judiciaire dans l’Union européenne, lorsqu’un voyageur, après s’être vu opposer un refus d’indemnisation par une compagnie aérienne, décide de saisir un tribunal, surtout d’ailleurs en présence d’un vol avec correspondance.

Dans ce cadre, la détermination du juge compétent passe par l’application des règles de compétence édictées par le règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et en particulier par celles qui régissent la matière contractuelle.

Il est en effet acquis que relève de cette matière contractuelle l’action des passagers en indemnisation pour le retard d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement n° 261/2004 contre un transporteur aérien, y compris lorsqu’il ne s’agit pas de la compagnie aérienne avec laquelle le passager concerné a conclu le contrat mais la compagnie aérienne qui était, par exemple, chargé d’assurer le premier vol à destination du lieu où la correspondance sera prise (CJUE 7 mars 2018, aff. C-274/16, C-447/16 et C-448/16, pt 65, D. 2018. 1366 image, note P. Dupont et G. Poissonnier image ; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée image ; ibid. 2019. 1016, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke image ; RTD com. 2018. 518, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast image ; RTD eur. 2019. 165, obs. L. Grard image ; RCA 2018. Alerte 11, obs. Coulon).

Rappelons que pour la matière contractuelle, les règles de...

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Précisions sur le point de départ du délai pour contester les élections professionnelles

La contestation portant sur les résultats des élections, lorsqu’elle est la conséquence d’une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu, lequel n’est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats des élections.

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Groupement injustifié et réponse à un appel d’offres peut rimer avec pratiques anticoncurrentielles

La décision n° 22-D-04 du 2 février 2022 ne retiendra pas l’attention à l’aune du montant de la sanction. En revanche, l’analyse réalisée par l’Autorité de la concurrence est stimulante et est particulièrement bienvenue en ce qu’elle démontre l’existence de pratiques anticoncurrentielles illégales qui sont la conséquence de la composition d’un groupement pour répondre à un appel d’offres. Les faits montrent que l’ensemble des opérateurs économiques anciennement concurrents se sont réunis afin de répondre ensemble à un appel d’offres empêchant de fait toute autre offre concurrente, faussant notamment la détermination des prix. 

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Protection de l’environnement [I]vs[/I] liberté contractuelle

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, le 11 février, l’article L. 541-30-2 du code de l’environnement, qui contraignait les exploitants des installations de stockage de déchets à y réceptionner les déchets « ultimes », issus d’opérations de valorisation. Il a jugé que ces dispositions portaient atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues.

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La responsabilité du syndicat n’est pas exclusive de celle encourue par un copropriétaire

Un copropriétaire peut agir en responsabilité délictuelle contre un autre copropriétaire en raison des dommages qu’il subit et qui trouvent leur cause dans une partie commune dont celui-ci a la jouissance privative. 

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Gare au point de départ de la prescription de l’action en responsabilité !

Il est acquis que le début de l’année 2022 est placé sous le signe du point de départ de la prescription extinctive, que ce soit en matière de cautionnement (Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 20-17.325, Dalloz actualité, 18 janv. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 68 image) ou en matière de prêt à intérêt (Civ. 1re, 5 janv. 2022, quatre arrêts n° 20-16.031, n° 19-24.436, n° 20-18.893 et n° 20-16.350, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine). L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 février 2022 s’inscrit dans la même lignée : il permet d’ailleurs de remarquer l’harmonisation de la question entre les différentes chambres de la Haute juridiction.

Rappelons les faits qui sont classiques dans le contentieux du point de départ de la prescription. Une personne physique conclut une promesse d’achat portant sur un immeuble sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Le prêt est débloqué en novembre 2009 par un établissement bancaire grâce à un courtier en opérations de crédit. Malgré la réalisation de la condition suspensive, le promettant refuse toutefois de signer l’acte notarié le 19 janvier 2010 en estimant que le prêt était excessif eu égard à ses capacités financières. Les vendeurs et l’agence immobilière par l’intermédiaire de laquelle la promesse d’achat a été conclue décident d’assigner le promettant en réparation de leur préjudice respectif. Un arrêt du 26 janvier 2012 de la cour d’appel d’Agen condamne le promettant au paiement de 10 000 € de dommage-intérêts au profit des vendeurs pour rupture fautive du contrat de vente et un arrêt de la même cour du 16 janvier 2013 le condamne également à 7 000 € de dommages-intérêts au profit de à l’agence immobilière en réparation de la perte de chance de percevoir une commission. Le promettant ainsi condamné assigne le courtier en opérations de crédit et l’établissement bancaire sur le fondement de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du même code. Le tribunal de grande instance d’Agen déclare prescrite cette dernière action si bien que le demandeur interjette appel. En cause d’appel, la cour d’appel d’Agen confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. L’action en responsabilité délictuelle est déclarée prescrite puisque le dommage ne résulte pas des décisions de justice mais de l’octroi du crédit et de ses conséquences juridiques et financières dont le demandeur a eu connaissance dès le mois de novembre 2009 au moment de l’octroi du crédit. Au jour des assignations introduites les 19 et 22 décembre 2014, l’action en responsabilité délictuelle était donc prescrite de quelques semaines. 

Le promettant se pourvoit en cassation en arguant qu’il ne s’agit pas du bon point de départ de la prescription de son action en responsabilité délictuelle contre la banque lui ayant consenti un prêt alors qu’il n’avait pas les capacités financières pour y faire face et qui avait été, ce faisant, à l’origine de son refus de signer l’acte authentique de vente. Il soutient que ce point de départ ne peut être fixé qu’à partir de sa condamnation à payer les sommes dues au titre de dommages-intérêts consécutivement à son refus de signer l’acte de vente final. La chambre commerciale casse l’arrêt d’appel en estimant que « alors que le dommage dont M. [Z] demandait réparation ne s’était pas manifesté aussi longtemps que les vendeurs et l’agent immobilier n’avaient pas, en l’assignant, recherché sa propre responsabilité, soit au plus tôt le 3 septembre 2010, de sorte que, à la date des assignations qu’il a lui-même fait signifier à la banque et au courtier, les 19 et 22 septembre 2014, la prescription n’était pas acquise » (nous soulignons).

Voici un arrêt permettant d’expliquer la méthodologie pour retracer le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité délictuelle s’inscrivant dans un contexte fourni de solutions sur le même sujet.

De la méthodologie pour déterminer le point de départ de la prescription

La chambre commerciale vient donc préciser que le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé à un moment antérieur au 3 septembre 2010, soit à la première assignation du vendeur victime de la violation de la promesse par le promettant. Autrement dit, le dommage résultant de l’octroi du crédit n’a pu se matérialiser qu’au moment de la première assignation en dommages-intérêts. Ainsi, aux 19 et 22 septembre 2014 – dates de l’assignation initiale de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté – l’action en responsabilité délictuelle du promettant envers la banque n’était pas prescrite. Rappelons bien que l’action intentée vise à réparer le préjudice subi par la condamnation du promettant au paiement de dommages-intérêts dont il pense que la source se situe par l’octroi du crédit litigieux. En somme, vu que ce crédit était inadapté à ses ressources, il n’avait d’autres choix que de refuser de signer l’acte de vente, ce qui avait eu pour effet domino de cristalliser un litige avec les bénéficiaires de la promesse d’achat qu’il avait conclue.

Le raisonnement de la cour d’appel était intéressant. Estimant que « le dommage ne résulte donc pas des décisions de justice l’ayant condamné envers les vendeurs et l’agent immobilier, à payer aux premiers des dommages-intérêts, et au second une commission, à la suite de sa décision de refuser d’acquérir l’immeuble qui avait fait l’objet d’un compromis de vente auquel il avait consenti, mais de l’octroi d’un financement et ses conséquences juridiques et financières » (nous soulignons), les juges du fond étaient restés sur l’appréciation de l’octroi du crédit. En réalité, le dommage ne résulte, en effet, pas des décisions de justice mais ce sont les premières assignations qui l’ont fait apparaître aux yeux du promettant. La nuance est subtile mais importante. Sans ces assignations, le titulaire du droit à réparation n’aurait jamais eu à agir ou, du moins, il n’aurait pas pu orienter ainsi une telle action.

Cette méthodologie implique de rester très vigilant. La naissance du droit ne coïncide pas nécessairement avec le point de départ de la prescription qui s’y attache puisque le titulaire dudit droit peut le connaître à retardement alors qu’il se matérialise déjà dans son patrimoine théoriquement. Le dommage ne se réalise ici que par la délivrance des assignations ayant conduit d’ailleurs à deux condamnations en raison de la violation de la promesse conclue. Tout dépend, en réalité, de la nature de l’action en responsabilité délictuelle en jeu. C’est parce que l’action du promettant visait à réparer le préjudice subi des deux condamnations que la solution est formulée de cette manière. Sur le fond, la cour d’appel de renvoi de Bordeaux devra apprécier cet éloignement entre le fait générateur (l’octroi du crédit) et le refus de régulariser l’acte de vente par le promettant. On peut raisonnablement supposer qu’une telle démonstration sera difficile à mener. 

Cette décision du 9 février 2022 renforce l’intérêt de l’adaptation du point de départ de la prescription pour chaque action prise dans son individualité sous l’égide d’un même principe directeur.

Un contexte pluriel des points de départ de la prescription

L’intégralité des solutions rendues depuis le 5 janvier 2022 par la Cour de cassation peuvent paraître bien plurielles. Le point de départ dit « adapté » invite à être extrêmement précautionneux dans la lecture de chaque dossier faite par les praticiens, sous peine d’engager leur responsabilité. Il n’en reste pas moins que se dégagent des constantes selon nous que ce soit devant la première chambre civile ou devant la chambre commerciale de la Cour de cassation puisque les solutions restent les mêmes.

L’intégralité des arrêts sur la question se fondent, en effet, logiquement sur l’article 2224 du code civil et ne sont que la manifestation de la terminaison de l’article lequel précise que le point de départ de la prescription extinctive court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Les décisions peuvent conduire à, matériellement, retenir des éléments factuels différents : premier incident de paiement pour le devoir de mise en garde de la caution (Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 20-17.325 FS-B, préc.), jour où l’emprunteur a eu connaissance du défaut de garantie du risque qui s’est réalisé (Civ. 1re, 5 janv. 2022, n° 19-24.436, Dalloz actualité, 17 janv. 2022, obs. C. Hélaine), etc. Ces solutions quoique plurielles vont donc dans un même sens, en fonction de l’action engagée. L’unification du point de départ à un même évènement précis aurait pu être plus lisible mais ce choix aurait perdu en sens eu égard à l’article 2224 du code civil.

Pour l’action en responsabilité, le point de départ de la prescription correspond au jour où le dommage se manifeste si bien qu’il faut avoir une approche précise des faits pour déterminer comment dans chaque espèce ceci se concrétise. Dans le cas étudié, c’est parce que le promettant a été condamné qu’il souhaitait engager la responsabilité délictuelle de l’établissement bancaire et du courtier. C’est pour cette raison que le point de départ de la prescription de l’action ne peut pas être fixé avant la date de la première assignation ayant conduit auxdites condamnations. 

En somme, mieux vaut toujours commencer par se demander si l’action en responsabilité introduite n’est pas prescrite en déterminant son point de départ avec soin. Prudence est mère de sûreté, surtout dans ce contentieux où chaque détail peut compter. Cet arrêt n’est assurément pas le dernier à évoquer cette question aussi épineuse que passionnante.  

Gare au point de départ de la prescription de l’action en responsabilité !

La chambre commerciale vient apporter des précisions sur le point de départ d’une action en responsabilité dirigée contre une banque à la suite de l’octroi d’un crédit ayant engendré des conséquences judiciaires pour l’emprunteur à cause du refus de signer un acte authentique de vente conditionné à l’octroi dudit prêt. 

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Gare au point de départ de la prescription de l’action en responsabilité !

La chambre commerciale vient apporter des précisions sur le point de départ d’une action en responsabilité dirigée contre une banque à la suite de l’octroi d’un crédit ayant engendré des conséquences judiciaires pour l’emprunteur à cause du refus de signer un acte authentique de vente conditionné à l’octroi dudit prêt. 

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Le conjoint commun en biens et le principe de l’interdiction de reprise des poursuites

Pour la Cour de cassation, l’époux commun en biens et codébiteur solidaire ne peut invoquer le principe d’interdiction de reprise des poursuites individuelles à la clôture de la liquidation judiciaire de son conjoint qui ne lui profite pas en raison de sa qualité de débiteur tenu d’une obligation distincte.

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Fondement unique ou pluralité de fondements pour la résolution de la vente sur adjudication ?

La décision commentée sème le doute dans l’esprit des praticiens car sa lecture est ambigüe et pourrait laisser penser à une évolution notable dans la mise en œuvre d’une action en résolution de la vente sur adjudication.

Mais, peut-être ne faut-il pas en tirer une conclusion trop large et les faits de l’espèce expliquent certainement la position retenue par les magistrats du Quai de l’horloge.

À l’occasion d’une procédure de saisie immobilière, la partie saisie élève des contestations le jour de l’audience d’adjudication.
Le juge de l’exécution dans un même jugement rejette les contestations, constate l’enchère et dit qu’elle emporte adjudication moyennent la somme de 99 000 € au profit d’une société.
En application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article R. 322-56 du code des procédure civile d’exécution, « Seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de quinze jours à compter de sa notification ». Tel était le cas, et la partie saisie a-t-elle interjeté appel de ce jugement que devaient confirmer les juges du second degré.
La partie saisie s’est alors pourvu en cassation et le pourvoi a été rejeté par décision de rejet non spécialement motivé, la Cour estimant que les moyens invoqués n’étaient pas de nature à entraîner la cassation.

Parallèlement à ces recours, la partie a engagé une action au fond devant le tribunal de grande instance à l’encontre du créancier poursuivant et de l’adjudicataire à fin de solliciter la résolution de la vente faute pour l’adjudicataire d’avoir opéré le paiement du prix d’adjudication dans le délai de deux mois imparti par l’article L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution.
Le tribunal de grande instance a débouté la partie saisie de sa demande, jugement confirmé en appel. C’est cette dernière décision qui a fait l’objet de l’arrêt commenté.

À l’appui de ce pourvoi la partie saisie développait un moyen en quatre branches :

elle faisait grief à l’arrêt d’appel de l’avoir débouté de sa demande tendant à ce que soit constatée, en application de l’article L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution, ou prononcée, en application de l’article 1654 du code civil, la résolution alors que l’action en résolution d’une vente forcée peut être engagée sur le fondement des dispositions du code civil ; elle reprochait à la cour d’appel d’avoir a violé l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; elle affirmait que la cour d’appel aurait entaché sa décision d’une contraction de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile en affirmant que le débiteur saisi ne pouvait agir qu’en réitération des enchères tout en invoquant l’article L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution qui confère compétence au juge de l’exécution pour constater la résolution de plein droit de la vente ; enfin, elle affirmait que la cour d’appel aurait méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée, en violation de l’article 480 du code de procédure civile, ensemble le nouvel article 1355 du code civil en l’invitant à poursuivre la réitération des enchères devant le juge de l’exécution alors qu’elle l’avait préalablement débouté de son action résolutoire à l’occasion de l’appel formé à l’encontre du jugement d’adjudication lorsqu’elle statuait en qualité de juge de l’exécution.

La Cour de cassation rejette le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, les griefs développés n’étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais elle retient la troisième branche du moyen, relatif au fondement juridique de l’action résolutoire. C’est la solution retenue sur ce moyen qui est troublante.

En effet, antérieurement à la réforme de la procédure de saisie-immobilière et sous l’empire des articles 673 et suivants de l’ancien code de procédure civile, il était admis que parallèlement à la procédure de folle enchère, était admis l’action en résolution fondée sur les dispositions du droit commun de la vente et notamment l’article 1654 du code civil (dans ce sens, Civ. 2e, 5 déc. 1952, Bull. civ. II, n° 24 ; RTD civ. 1953. 393, obs. Raynaud).

Ce n’était là qu’une application des dispositions de l’article 713 de l’ancien code de procédure civile aux termes desquelles l’adjudicataire : « …pourra être poursuivi par la voie de la folle enchère, sans préjudice des autres voies de droit ».

Cette position, bien que critiquée en doctrine (G. Taormina, Le nouveau droit des procédures d’exécution et de distribution, tome III, Saisie immobilière, ordre et distribution, édition Journal des notaires et des avocats Lamy, nov. 1995, p. 442, n° 586) avait été confirmée plus récemment, par un arrêt du 11 juillet 2013 dans lequel la Cour de cassation avait décidé que « nonobstant la possibilité de mettre en œuvre la procédure de folle enchère, une demande principale en résolution de la vente par adjudication peut être formée contre l’adjudicataire qui ne justifie pas de l’accomplissement des conditions du cahier des charges » (Civ. 2e, 11 juill. 2013, n° 12-13.737, Dalloz actualité, 26 juill. 2013, obs. T. de Ravel d’Esclapon ; D. 2013. 1908 image).

La réforme de la procédure de saisie immobilière a tué la folle-enchère.

Le droit révolutionnaire, puis le droit napoléonien, puis celui du décret-loi du 17 juin 1938 avaient maintenu une partie du vocabulaire traditionnel comme celui concernant la « folle enchère » (v. D. Talon, La deuxième mort de la folle enchère, JCP 2015. 245).

Hélas, les temps modernes ont signé son enterrement et son remplacement par la « procédure de réitération des enchères », avec la réforme de la procédure de saisie immobilière (ord. n° 2006-461 du 21 avr. 2006 et décr. n° 2006-936 du 27 juill. 2006, textes aujourd’hui codifiés dans le code des procédures civiles d’exécution).

Récemment, la Cour de cassation avait retenu que l’adjudicataire pouvait consigner le prix et payer les frais au-delà du délai de deux mois suivant l’adjudication et ce n’était qu’en l’absence de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la vente peut être résolue (Civ. 2e, 1er oct. 2020, n° 19-12.830, Dalloz actualité, 9 nov. 2020, obs. F. Kieffer).

Mais, ce « fol enchérisseur » désormais qualifié, de façon moins imagée, d’« adjudicataire défaillant » pouvait-il être poursuivi d’une action en résolution de la vente fondée sur le droit commun ?

Si la Cour de cassation s’était prononcée pour admettre que la demande de résolution de la vente formée émanant de la personne expulsée des lieux par l’adjudicataire pour défaut de consignation du prix pouvait être formée devant le juge de l’exécution, peu important qu’elle soit formulée hors de la procédure de réitération des enchères (Civ. 2e, 23 févr. 2017, n° 16-13.178, Dalloz actualité, 23 févr. 2017, obs. L Camensuli-Feuillard ; D. 2017. 515 image ; ibid. 1388, obs. A. Leborgne image ; Procédures 2017. Comm. 62, obs. Laporte), elle n’avait pas encore été invité à statuer sur la possibilité autrefois admise de mettre en œuvre à côté de la procédure de réitération des enchères, une action en résolution fondée sur le droit commun.

Elle semble y répondre dans l’arrêt commenté, puisqu’elle précise : « Selon l’article L. 322-12 du code des procédures civiles d’exécution, à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit.
En application de cet article, ce n’est qu’en l’absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l’occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution. Ces dispositions, d’ordre public, impliquent que si elle peut être demandée à titre principal en cas de défaut de paiement du prix, la résolution de la vente ne peut l’être que sur le fondement des dispositions spéciales du code des procédures civiles d’exécution, qui dérogent à celles du droit commun de la vente, et tant que le prix de vente n’a pas été payé ».

Puisque seules les dispositions du code des procédures civiles d’exécution peuvent fonder la résolution de la vente, cela signifie que cette action, si elle peut être demandée à titre principal, c’est-à-dire, sans la mise en œuvre de la procédure de réitération des enchères, elle restera de la compétence exclusive du juge de l’exécution par application des dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire.

Donc, les deux voies restent ouvertes, sous certaines conditions, mais seul le juge de l’exécution peut en connaître. 

Fondement unique ou pluralité de fondements pour la résolution de la vente sur adjudication ?

En l’absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue, la résolution de la vente peut être constatée, à l’occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution. Mais cette action déroge au droit commun de l’article 1654 du code civil et ne peut l’être que sur le fondement des dispositions spéciales du code des procédures civiles d’exécution (art. L. 322-12), qui dérogent à celles du droit commun de la vente, et tant que le prix de vente n’a pas été payé.

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Justificatifs de charges et qualité pour demander la nullité du mandat du syndic

Le syndic n’est pas tenu d’envoyer par voie postale une copie des pièces justificatives des charges de la copropriété aux copropriétaires le demandant ; tout copropriétaire est recevable à agir en nullité du mandat de syndic en raison du non-respect par celui-ci, pour la période précédant le jour où il est devenu copropriétaire, de son obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé.

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Responsabilité civile personnelle du médecin du travail : une immunité sans limites ?

Sauf dans l’hypothèse d’une faute susceptible de revêtir une qualification pénale ou de procéder de l’intention de nuire, le médecin du travail salarié qui agit dans les limites de sa mission ne peut voir sa responsabilité civile personnelle engagée.

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La vente par internet d’outils de jardins électriques confrontée au droit de la concurrence

La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel de Paris et de l’Autorité de la concurrence qui avaient restreint, sur le fondement du droit des ententes, la vente par internet de certains matériels de jardinage électrique, pour des raisons de sécurité.

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Appréciation du risque d’atteinte imminente au secret des affaires

Pour apprécier le risque d’atteinte au secret des affaires, le juge administratif des référés doit prendre en compte l’obligation de confidentialité à laquelle est tenu un assistant à maîtrise d’ouvrage.

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Notion de dommage permanent de travaux publics

Par un arrêt du 8 février, le Conseil d’Etat vient compléter la grille de lecture sur la notion de dommages permanent de travaux publics dégagée par sa jurisprudence Compagnie nationale du Rhône (CE 10 avr. 2019, n° 411961, Lebon ; AJDA 2019. 841 ; ibid. 1821 , note E. Barbin ).

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Point de départ de la prescription de l’action contre l’associé d’une SCI

Une société civile avait contracté un prêt bancaire pour financer l’achat de son immeuble par acte authentique en date des 11 et 12 mai 2007. La société ne faisant pas face à ses échéances de remboursement, la banque a engagé des poursuites de saisie immobilière à son encontre.

La vente amiable du bien saisi fut autorisée puis réalisée. Le juge de l’exécution homologua le projet de distribution par ordonnance du 3 janvier 2012.

La banque n’étant pas remplie de l’intégralité de ses droits, elle fit délivrer à la société civile, le 27 février 2017, un commandement de payer aux fins de saisie-vente. Après établissement d’un procès-verbal de carence le 6 mars 2017, la banque assigna le 14 juin suivant l’associée de la SCI en paiement des sommes restant dues.

La cour d’appel déclare recevable l’action engagée par la banque et condamne l’associée au paiement des sommes restant dues. Elle considère en effet que le point de départ du délai de prescription de l’action exercée par la banque contre l’associée au titre du prêt impayé par la société était la date à laquelle les diligences de la banque s’étaient avérées infructueuses, soit celle de l’établissement du procès-verbal de carence.

L’associée se pourvoit en cassation.

Elle fait valoir que l’action en paiement à l’encontre de l’associée de la société civile se prescrit comme l’action en paiement exercée à l’encontre de la société elle-même.

En l’occurrence, elle argue que la prescription quinquennale, certes interrompue par la procédure de saisie immobilière, avait recommencé à courir à compter de la clôture de l’ordre le 3 janvier 2012, si bien que l’action engagée le 14 juin 2017 à l’encontre de l’associée devait être prescrite.

La Cour de cassation devait se prononcer sur le point de départ du délai de prescription de l’action subsidiaire contre l’associé de la société.

Rappelant qu’en vertu de l’article 1857 du code civil, les associés d’une société civile répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date d’exigibilité ou au jour de la cessation en paiement et qu’en application de l’article 1858 du même code, ils ne peuvent être poursuivis que si la société a été préalablement elle-même vainement poursuivie, la haute juridiction affirme que les textes doivent être combinés de sorte que le débiteur subsidiaire puisse opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société, débiteur principal. La Cour de cassation affirme que la poursuite préalable et vaine ne constitue pas le point de départ de la prescription de l’action contre l’associé.

Les hauts magistrats rappellent encore que l’application de l’article 2231 du code civil a pour conséquence que l’interruption de la prescription efface le délai acquis et fait courir un nouveau délai de la même durée que l’ancien.

L’application des articles 2241 et 2242 du code civil emporte que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et l’interruption produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

Appliqué à l’espèce, la Cour de cassation considère que l’effet interruptif prend fin à la date de l’ordonnance d’homologation du projet de distribution et que le nouveau délai ne court qu’à compter de cette date. Ainsi, la créance de la banque était prescrite le 27 février 2017, à la date du commandement aux fins de saisie-vente, de sorte que l’action engagée à l’encontre de l’associée le 14 juin 2017 était quant à elle irrecevable.

Avec la précision d’une horloge, la Cour décompte donc les jours et rend une décision favorable à l’associée, en rappelant les conditions du recours du créancier contre l’associé d’une société civile, d’une part, et en précisant les conditions de la prescription de l’action du créancier, d’autre part. La solution s’avère protectrice de l’associé d’une société civile immobilière de droit commun.

Les conditions du recours contre l’associé d’une société civile

La société civile est une société à risque illimité. L’écran de la personnalité morale de la société ne protège qu’imparfaitement les associés. En effet, ils peuvent être poursuivis par les tiers. Il faut entendre par là que ces associés répondent indéfiniment et conjointement des dettes de la société. L’article 1857 du code civil précise à cet égard que les associés répondent des dettes à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité de la dette ou au jour de la cessation des paiements.

On considère généralement que cette obligation s’étend à toutes les obligations dont la société est tenue. En l’espèce, il s’agissait du paiement d’une somme d’argent, plus exactement des échéances du crédit immobilier non acquittées.

Il n’y a pas de lien contractuel entre les associés et le créancier social (Com. 2 juin 2015, n° 13-25.337, Dalloz actualité, 18 juin 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 1273, et les obs. image ; Rev. sociétés 2016. 114, note J.-J. Ansault image ; RTD civ. 2015. 622, obs. H. Barbier image ; JCP E 2015. 1489, note C. Lebel). Si bien que lorsque l’emprunteur est la société civile, seule cette dernière est débitrice, le recours contre les associés n’étant que subsidiaire. Ainsi, il est impossible de tenir société et associés pour débiteurs conjoints (Civ. 3e, 31 mai 1995, n° 93-11.442, RDI 1995. 759, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary-Houin image ; RTD com. 1995. 797, obs. M. Jeantin image ; ibid. 1998. 682, obs. A. Martin-Serf image).

L’article 1858 du code civil précise les conditions...

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Point de départ de la prescription de l’action contre l’associé d’une SCI

L’associé d’une société civile, débiteur subsidiaire des dettes sociales, est en droit d’opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société ; le point de départ du délai de prescription de l’action subsidiaire du créancier à l’encontre de l’associé est le même que celui de son action à l’encontre de la société ; la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription.

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Point de départ de la prescription de l’action contre l’associé d’une SCI

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De l’étendue de l’obligation de couverture de la sous-caution

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser dans un arrêt du 9 février 2022 comment l’obligation de couverture doit s’apprécier en matière de sous-cautionnement. 

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De l’étendue de l’obligation de couverture de la sous-caution

La thèse de Christian Mouly a permis à la pratique et à la jurisprudence de distinguer dans le contentieux du cautionnement entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement (C. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, Librairies techniques, coll. « Bibliothèque de droit des entreprises », 1979, préf. M. Cabrillac, spéc. n° 255). Cette distinction désormais fondamentale a engendré de nombreuses études à son sujet pour mieux en cerner les contours tant sa dimension pratique reste aujourd’hui indispensable (pour un renouvellement de la question, V. Mazeaud, L’obligation de couverture, IRJS, coll. « Bibliothèque de l’Institut de Recherche juridique de la Sorbonne/André Tunc », 2010, préf. P. Jourdain, lequel propose deux conceptions différentes de l’obligation de couverture). On enseigne traditionnellement que l’obligation de couverture permet d’expliquer le cautionnement des dettes futures : la caution étant tenue d’une obligation de couverture diffuse dans le temps et, ponctuellement, d’obligations de règlements quand elle est effectivement appelée à pallier la défaillance du débiteur principal (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, 7e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2016, p. 105, n° 111). L’arrêt rendu par la chambre commerciale le 9 février 2022 utilise cette distinction essentielle du droit des sûretés personnelles pour évoquer une question délicate, celle du sous-cautionnement. On sait qu’il faut différencier avec soin la situation de la sous-caution de celle du certificateur de caution (L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, 15e éd., LGDJ, coll. « Droit civil », 2021, p. 82, n° 71). Le premier garantit la caution contre le risque de ne pas pouvoir se désintéresser de ce qu’elle a payé envers le débiteur principal tandis que le second paiera à la place de la caution en cas de défaillance de cette dernière. La portée de l’obligation de la sous-caution est au cœur de l’arrêt commenté aujourd’hui. La question posée par le pourvoi se résume à la détermination de cette obligation de couverture, notamment concernant les dates de paiement par la caution de la dette du débiteur principal et la portée de son recours contre la sous-caution.

Les faits permettent de comprendre dans quelle situation le pourvoi est né. Deux personnes physiques sont dirigeantes d’un groupe de promotion immobilière composé de plusieurs sociétés civiles de construction-vente...

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Saisie immobilière : réponse tardive du créancier à la proposition de vente amiable du débiteur

Le 3 février 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui doit retenir l’attention, en ce qu’il permet de raisonner, dans le contexte d’une procédure de saisie immobilière, sur la portée du droit du créancier de poursuivre le recouvrement de sa créance, sur la place de l’exécution « amiable » lato sensu ainsi que sur le caractère d’ordre public des procédures civiles d’exécution.

Les faits de l’espèce peuvent être résumés comme il suit. À l’initiative d’une banque, un commandement de payer valant saisie immobilière est délivré en août 2015 à un couple de débiteurs, puis est publié en septembre de cette même année. Le 12 octobre, un notaire adresse à ladite banque une lettre l’informant du souhait des débiteurs de vendre l’immeuble saisi et lui demandant de lui communiquer le montant de la créance. Trois semaines plus tard, la banque est relancée directement par les débiteurs dans le but d’obtenir son accord en vue de procéder à la vente amiable et de connaître le montant actualisé de la créance. Le 6 novembre, la banque rédige un courrier précisant qu’elle ne s’oppose pas au principe d’une vente amiable et, le 20 novembre, assigne les débiteurs à une audience d’orientation. Huit mois plus tard, le juge de l’exécution (JEX) fixe la créance et autorise les débiteurs à vendre amiablement l’immeuble. Néanmoins, en mai 2017, du fait de l’absence de réalisation de la vente amiable au prix judiciairement déterminé,...

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De l’étendue de l’obligation de couverture de la sous-caution

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser dans un arrêt du 9 février 2022 comment l’obligation de couverture doit s’apprécier en matière de sous-cautionnement. 

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Saisie immobilière : réponse tardive du créancier à la proposition de vente amiable du débiteur

Après avoir délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier poursuivant ne peut, sauf abus de saisie, voir sa responsabilité engagée à raison de ce qu’il aurait tardé à répondre, avant le jugement d’orientation autorisant la vente amiable, à une sollicitation du débiteur saisi tendant à l’autoriser à vendre amiablement le bien saisi.

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Saisie immobilière : réponse tardive du créancier à la proposition de vente amiable du débiteur

Après avoir délivré un commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier poursuivant ne peut, sauf abus de saisie, voir sa responsabilité engagée à raison de ce qu’il aurait tardé à répondre, avant le jugement d’orientation autorisant la vente amiable, à une sollicitation du débiteur saisi tendant à l’autoriser à vendre amiablement le bien saisi.

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La dématérialisation des services publics continue… les plaintes des usagers aussi

Dans un nouveau rapport Dématérialisation des services publics : trois ans après où en est-on ?, le Défenseur des droits constate la persistances des dysfonctionnements liés à la dématérialisation des services.

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Panneaux photovoltaïques : une nouveau coup porté à la loi Littoral sur le point d’être voté ?

Le 22 février 2022 en séance publique, le Sénat examinera la proposition de loi portée par le sénateur vendéen Didier Mandelli enregistrée à la présidence du Sénat le 11 octobre dernier et visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés. 

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Dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics

Syndics 1 – Matera 0 …

Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas avec tout le monde répondait Pierre Desproges. Et assurément, on ne saurait rire des syndics, sinon avec parcimonie. C’est du moins le sens du jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Paris dans l’affaire opposant la FNAIM du Grand Paris, l’ANGC, le SNPI et Foncia à la start-up Matera. En cause, une campagne publicitaire considérée comme dénigrante envers les professionnels et une ambiguïté dans la terminologie employée pouvant induire en erreur les copropriétaires sur le rôle réel de Matera.

En 2020, la société Matera a entrepris une campagne publicitaire, #Mercisyndic, se voulant humoristique et pastichant les reproches des copropriétaires envers leurs syndics. Ont ainsi fleuri sur les abribus et les quais du métro parisien des affiches au contenu ironique tel que « Merci syndic pour votre musique d’attente, maintenant je connais Vivaldi par cœur » ou encore « Merci syndic pour le chauffage H.S., ça me permet de garder la tête froide ». Et chacune de se conclure par la mention « Remerciez votre syndic pour de bon, votez Matera à la prochaine AG ».

En parallèle, un site internet mercisyndic.com était créé pour y organiser un mini-jeu dans lequel les noms et logos des principaux syndics y étaient parodiés. On y trouvait ainsi Sergium, Cityum, Nexitium, Foncinium et Oralium. Le visiteur du site était alors invité à « remercier » son syndic en cliquant sur le logo correspondant, ce qui s’avérait impossible, celui-ci se dérobant dès que le curseur de la souris se rapprochait de lui.

Sans surprise, les professionnels n’ont que très modérément apprécié cette campagne publicitaire, estimant, entre autres, qu’elle était...

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Dénigrement et pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics

Le tribunal de commerce de Paris a condamné la start-up Matera pour actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement et pour pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels.

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Le tribunal de commerce de Paris a condamné la start-up Matera pour actes de concurrence déloyale sous forme de dénigrement et pour pratiques commerciales déloyales et trompeuses envers les syndics professionnels.

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Limite à la renonciation de l’employeur à la clause de non-concurrence en cas de rupture conventionnelle

L’employeur désireux de renoncer à la clause de non-concurrence doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la rupture conventionnelle, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires afin que l’étendue de la liberté de travailler du salarié ne soit pas compromise.

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Le « quoi qu’il en coûte » va peser durablement sur les finances publiques

Fini les rapports patchwork. Le rapport public annuel 2022 de la Cour des comptes, présenté le 16 février par son premier président Pierre Moscovici, est entièrement consacré à la crise sanitaire. 

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Pause hivernale

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause la semaine du 21 février.

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Cessation de l’activité et exécution d’un plan de redressement : concilier l’inconciliable ?

Un plan de sauvegarde ou de redressement ne peut être résolu qu’en cas de cessation des paiements constatée au cours de l’exécution du plan ou d’inexécution, par le débiteur, de ses engagements dans les délais fixés par le plan. Or, pour la Cour de cassation, la disparition du fonds de commerce du débiteur, ayant entraîné la cessation temporaire de son activité, ne fait pas nécessairement obstacle à l’exécution du plan lorsque les engagements souscrits demeurent honorés.

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Élections professionnelles : précisions sur les modalités de vérifications du système de vote électronique

Le test du système de vote électronique et la vérification que l’urne électronique est vide, scellée et chiffrée ne doivent pas nécessairement intervenir immédiatement avant l’ouverture du scrutin et publiquement en présence des représentants des listes de candidats.

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Nominations au Conseil constitutionnel

Les très attendues propositions de nominations au Conseil constitutionnel ont déjoué tous les pronostics qui circulaient tant dans le monde juridique que dans la presse.

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Légalisation des actes publics établis à l’étranger : l’absence de voie de recours censurée

Le Conseil constitutionnel censure l’absence de voie de recours en cas de refus de légalisation par l’autorité compétente d’un acte public étranger.

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Absence de mise en cause de l’assureur : indemnité de l’article L. 1142-15 du CSP à la charge de l’établissement de santé

Si le paiement de l’indemnité prévue à l’article L. 1142-15, alinéa 5, du code de la santé publique doit, en principe, être supporté par l’assureur n’ayant pas présenté d’offre d’indemnisation, il incombe à l’établissement de santé dans le cas où celui-ci n’a pas mis en cause son assureur dans la procédure contentieuse.

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La décentralisation sanitaire aux lendemains de l’adoption de la loi 3DS

Au lendemain de la « première vague » de la pandémie, le volontarisme dont ont fait preuve les collectivités territoriales afin de pallier les insuffisances de l’État pose en des termes nouveaux la question d’une décentralisation des compétences dans le domaine de la santé publique. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, comporte un chapitre consacré à la « participation à la sécurité sanitaire territoriale ». S’il donne quelques signes d’inflexion en direction d’une plus grande appropriation par les collectivités territoriales des politiques de santé publique, il ne se traduit pas par de véritables transferts de compétences.

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Loi 3DS et mise en conformité des règlements de copropriété

La loi 3DS du 21 février 2022 a réformé les articles 206 et 209 de la loi ELAN, opérant ainsi en apparence un sauvetage attendu de certains droits (lot transitoire, parties communes spéciales et à jouissance privative) et emportant transformation de l’obligation de mise en conformité des règlements de copropriété.

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Devoir de vigilance européen : le contenu de la proposition de directive

Le texte proposé par l’exécutif européen pourrait instaurer une obligation de vigilance au spectre large imposée à de très nombreuses entreprises. La démarche européenne reste toutefois pragmatique et connaît de nombreuses exceptions.

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Pour un « tournant délibératif » de la démocratie française

Alors que l’abstention ne cesse de progresser et que les sondages montrent une désaffection profonde des Français vis-à-vis des institutions de la démocratie représentative, « l’introduction de dispositifs participatifs ou délibératifs assurerait un meilleur fonctionnement du système démocratique à condition d’être bien articulés aux institutions représentatives », estime Patrick Bernasconi dans le rapport Rétablir la confiance des Français dans la vie démocratique. 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française, qu’il a remis au Premier ministre le 21 février.

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Prise en compte pour le calcul du RSA de ressources tirées d’un placement financier

Le Conseil d’État a précisé les modalités de prise en compte des intérêts annuels d’un placement financier perçus par un bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) dans le cadre de l’appréciation de ses ressources pour le calcul de l’allocation.

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Prise en compte pour le calcul du RSA de ressources tirées d’un placement financier

Le Conseil d’État a précisé les modalités de prise en compte des intérêts annuels d’un placement financier perçus par un bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) dans le cadre de l’appréciation de ses ressources pour le calcul de l’allocation.

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Expiration de la période de protection et appréciation de la loyauté de l’employeur

En l’état d’une décision non contestée d’incompétence de l’inspecteur du travail consécutive à une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, au motif que celui-ci n’était plus protégé au jour où il statue, le juge judiciaire ne peut analyser le licenciement prononcé par l’employeur en un licenciement nul intervenu en violation du statut protecteur. Le salarié qui entend invoquer une déloyauté de l’employeur par des manœuvres dilatoires doit la prouver.

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Copropriété : validité rétroactive de l’acte introductif d’instance en contestation d’une décision d’assemblée générale

L’action en annulation d’une assemblée générale des copropriétaires engagée, sans mandat commun, par un seul indivisaire, est, sans qu’il y ait lieu à régularisation de l’acte introductif d’instance, rendue recevable par l’effet rétroactif du partage lui attribuant la propriété des lots de la copropriété, depuis le décès de son auteur.

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Comparution en procédure sans représentation obligatoire : c’est la première fois qui compte

Dans le cadre d’un litige prud’homal, la salariée fait appel, le 17 mai 2016, d’un jugement rendu le 17 mai 2016 par le conseil de prud’hommes.

L’affaire est appelée à une première audience, le 17 avril 2019, à laquelle seul l’employeur, intimé, comparaît. L’intimé demande alors à la cour d’appel de confirmer le jugement au motif que l’appel n’est pas soutenu.

Un arrêt du 7 août 2019 rouvre les débats avec injonction faite aux parties de conclure et de communiquer les pièces, avec fixation d’une nouvelle audience le 10 décembre 2019.

À l’audience du 10 décembre 2019, l’appelant ne comparaît pas.

La cour d’appel confirme donc le jugement, au motif que l’appelante était ni comparante ni représentée.

La salariée se pourvoit en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir confirmé le jugement alors que l’employeur n’était pas comparant à l’audience de renvoi du 10 décembre 2019, et qu’il n’a pu, de ce fait, demander la confirmation du jugement pour appel non soutenu.

Le pourvoi est rejeté.

L’état procédural

Cet arrêt nous parle d’un temps que les avocats de moins de cinq ans de barreaux n’ont pas connu.

En effet, jusqu’en 2016, la matière prud’homale, en appel, relevait de la procédure sans représentation obligatoire, avec au surplus des règles de représentation tout à fait spécifique.

L’article R. 1461-2 du code de travail, avant la réforme du 20 mai 2016 (Décr. n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail), prévoyait que « l’appel […] est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire », ce qui renvoie aux articles 931 et suivants du code de procédure civile.

Et l’article 931 prévoit précisément que « les parties se défendent elles-mêmes », avec la possibilité néanmoins d’être représenté.

L’appel ayant été inscrit avant le 1er août 2016, il relevait donc de la procédure sans représentation obligatoire.

À la première audience, l’appelant n’avait pas comparu, et l’affaire avait été retenue à la demande de l’employeur intimé, comparant, qui invoquait le caractère non soutenu de l’appel.

Toutefois, en cours de délibéré, un avocat s’était manifesté pour la salariée appelante, ce qui avait justifié une réouverture des débats, un calendrier pour conclure et communiquer les pièces, et la fixation d’une nouvelle...

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Comparution en procédure sans représentation obligatoire : c’est la première fois qui compte

En procédure orale, en cas de renvoi de l’audience, la cour d’appel reste saisie des écritures de la partie qui avait comparu à la première audience, même si elle n’est ni comparante ni représentée à l’audience de renvoi. Ainsi, c’est à juste titre que la cour d’appel a confirmé le jugement dont appel, alors que ni l’appelant ni l’intimé n’était comparant à l’audience de renvoi, dès lors que l’intimé avait demandé la confirmation à la première audience.

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Consécration du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante crée un nouveau statut de l’entrepreneur individuel, dont l’élément essentiel réside dans l’instauration d’un patrimoine professionnel, distinct de son patrimoine professionnel. Ce nouveau statut devrait significativement limiter l’intérêt du régime de l’EIRL, dont la mise en extinction est de ce fait organisée, à défaut d’être imposée.

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Concessions de mines et prévention des atteintes à l’environnement

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, le 18 février, la seconde phrase de l’article L. 144-4 du code minier dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011. En revanche, et sous une réserve d’interprétation, le même article est conforme à la Constitution depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience du 22 août 2021.

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Circulaire du 4 octobre 2021 : Épisode 8 - L’articulation entre transaction avec l’administration fiscale et poursuites pénales

Le 4 octobre 2021, la Direction des affaires criminelles et des grâces a adressé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une « circulaire relative à la lutte contre la fraude fiscale », publiée dès le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Un texte qui s’inscrit dans un contexte global de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale.

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Compétence dans l’Union en matière de divorce : prise en compte de la nationalité

Un ressortissant italien et une ressortissante allemande se marièrent à Dublin. À la suite de leur séparation, l’époux s’installa en Autriche puis saisit un juge autrichien d’une demande en divorce après avoir – cet élément est essentiel – résidé dans cet État plus de six mois, mais moins d’un an.

La compétence du juge fut alors discutée au regard des dispositions de l’article 3 du règlement Bruxelles II bis n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, qui énoncent notamment que :

« 1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre :

a) sur le territoire duquel se trouve :

la résidence habituelle des époux, ou
  la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou
  la résidence habituelle du défendeur, ou
  en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou
  la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou
  la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son “domicile” ;

[…] ».

La problématique juridique

Le débat s’est porté sur ces deux derniers critères de compétence – formulés dans les cinquième et sixième tirets de l’article 3 – qui prennent tous les deux en compte la localisation de la résidence habituelle du demandeur mais qui diffèrent sur un aspect, à l’origine de l’affaire : alors que le cinquième tiret vise la résidence habituelle du demandeur s’il a résidé sur le territoire de l’État membre considéré depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, le sixième tiret prend par ailleurs en considération le critère de la nationalité du demandeur, qui doit alors avoir sa résidence habituelle dans l’État membre depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande mais qui doit par ailleurs en être ressortissant, si l’on écarte le cas spécifique du Royaume-Uni et de l’Irlande (pour des illustrations de mise en œuvre de ce principe, v. Civ. 1re, 2 déc. 2015, n° 14-20.848, Rev. crit. DIP 2016. 649, note E. Gallant image ; 12 juill. 2017,...

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Compétence dans l’Union en matière de divorce : prise en compte de la nationalité

Dans une affaire jugée le 10 février 2022, la Cour de justice se penche, sur le fondement du règlement Bruxelles II bis, sur le rapport entre la nationalité et les règles de compétence en matière de divorce, au regard du principe de non-discrimination.

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Facture électronique entre entreprises : où en est l’Union européenne ?

La facture électronique entre entreprises se développe dans l’Union européenne à l’échelle nationale des États membres volontaires. La Commission européenne doit proposer une directive cette année pour éviter les coûts de fragmentation et optimiser la lutte contre la fraude à la TVA sur les échanges transfrontaliers.

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Facture électronique entre entreprises : où en est l’Union européenne ?

Tantôt encouragée, tantôt obligatoire, la facture électronique entre entreprises (assujetties à la TVA) se développe dans l’Union européenne. Mais ces pratiques ne sont déployées qu’à l’échelle des États membres qui s’y intéressent et en dehors d’un cadre harmonisé. Car comme le résume la Commission européenne, « la législation actuelle de l’Union en matière de TVA ne contient aucune disposition relative à des obligations de communication d’informations par voie numérique ».

Ainsi, le projet de la France de généraliser la facture électronique entre entreprises assujetties à la TVA, qui vient d’obtenir le feu vert de l’Union européenne, ne pourra être obligatoire qu’entre celles établies en France. Conséquence : ce dispositif, qui, rappelons-le, doit être déployé entre le 1er juillet 2024 et le 1er janvier 2026, ne pourra pas être imposé aux entreprises établies dans d’autres États membres (c’est aussi le cas pour un assujetti hors Union européenne). Concrètement, cela signifie qu’une entreprise française qui vendra à une entreprise allemande devra, sur le plan juridique, obtenir son accord pour lui transmettre...

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Facture électronique entre entreprises : où en est l’Union européenne ?

La facture électronique entre entreprises se développe dans l’Union européenne à l’échelle nationale des États membres volontaires. La Commission européenne doit proposer une directive cette année pour éviter les coûts de fragmentation et optimiser la lutte contre la fraude à la TVA sur les échanges transfrontaliers.

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Sanction d’un employeur et rétroactivité [I]in mitius[/I]

L’ajout à la possibilité de prononcer une amende administrative de celle de se contenter d’un avertissement constitue une loi plus douce qui doit s’appliquer à des faits commis postérieurement.

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Les communes n’ont pas à recueillir l’ensemble des eaux de pluie ruisselant sur leur territoire

Le Conseil d’État précise que la gestion du service public de gestion des eaux pluviales n’implique pas pour la commune de recueillir l’ensemble des eaux de pluie transitant sur son territoire.

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Marché immobilier francilien : record historique d’activité en 2021

Fruit d’une crise sanitaire inédite, l’année 2021 a été marquée par une activité immobilière d’exception, malgré un ralentissement observé au cours du quatrième trimestre.

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Non, le préjudice nécessaire n’est pas mort

Le dépassement de la durée maximale de travail ouvre à lui seul droit à réparation.

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Cession de bail commercial et loi « activité professionnelle indépendante »

Aux termes de la réécriture partielle, l’article L. 145-16 du code de commerce par la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel sont réputées non écrites.

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Cession de bail commercial et loi « activité professionnelle indépendante »

Aux termes de la réécriture partielle, l’article L. 145-16 du code de commerce par la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel sont réputées non écrites.

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[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique - Épisode 6 : reconnaissance ou négation des enfants intersexes ?

Dans ce sixième épisode, Marie-Xavière Catto, maîtresse de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, aborde le sujet sensible et complexe des enfants intersexes, désignés dans la loi de bioéthique du 2 août 2021 comme « présentant une variation du développement génital ».

Écouter le podcast

Voir déjà les épisodes 1, 2, 3, 4 et 5.

Sur la réforme de la loi bioéthique, v. aussi notre dossier « Réforme de la loi de bioéthique ».

[PODCAST] Nouvelle loi de bioéthique - Épisode 6 : reconnaissance ou négation des enfants intersexes ?

Entrée en vigueur le 4 août 2021, la quatrième version de la loi de bioéthique revient sur de nombreuses questions : AMP et ses enjeux filiatifs, droit d’accès aux origines, autoconservation, don de gamètes, d’embryon et d’organes, génétique, recherche sur l’embryon, IVG et intersexualité. Retour en podcast sur un texte complexe.

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Résiliation judiciaire et application du barème Macron

Lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié aux torts de l’employeur et que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relatives au montant de l’indemnité due à ce titre sont applicables dès lors que la résiliation judiciaire prend effet à une date postérieure à celle de la publication de l’ordonnance.

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Bail d’habitation : le cautionnement n’est régi que par la loi de 1989

Par la décision de rejet rapportée, la haute juridiction précise, à notre connaissance, pour la première fois, que le régime applicable au cautionnement donné dans le cadre d’un bail d’habitation ne relève que des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Créancier professionnel

En l’espèce, une caution solidaire avait argué de la qualité de créancier professionnel du bailleur (une société civile immobilière) pour tenter d’obtenir l’annulation de son engagement, faute pour le professionnel d’avoir respecté les règles protectrices du consommateur qui, à l’époque des faits, étaient édictées par le code de la consommation.

Plus de 30 000 € étaient en jeu.

Il a été débouté en appel, le juge du fond refusant de considérer que la SCI bailleresse était un créancier professionnel.

La caution s’est alors pourvue en cassation, rappelant, à titre principal, qu’aux termes du code de la consommation un créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession. Or une SCI exerce une activité professionnelle.

De fait, la décision du juge du fond prêtait le flanc à la critique puisque, selon une jurisprudence solidement ancrée, le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale (Civ. 1re, 9 juill. 2009, n° 08-15.910, Dalloz actualité, 23 juill. 2009, obs. X. Delpech ; D. 2009. 2198 image, note S. Piédelièvre image ; ibid. 2032, obs. X. Delpech image ; ibid. 2058, chron. P. Chauvin, N. Auroy et C. Creton image ; ibid. 2010. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud image ; RTD civ. 2009. 758, obs....

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Bail d’habitation : le cautionnement n’est régi que par la loi de 1989

Le cautionnement relatif à un bail d’habitation étant spécifiquement régi par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, les anciens articles du code de la consommation relatifs au cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel ne lui sont pas applicables.

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Bail d’habitation : le cautionnement n’est régi que par la loi de 1989

Le cautionnement relatif à un bail d’habitation étant spécifiquement régi par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, les anciens articles du code de la consommation relatifs au cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel ne lui sont pas applicables.

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Contentieux de l’urbanisme : une interprétation toujours plus souple de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

Par une décision Ministre de la Cohésion des territoires c. Association Éoliennes s’en naît trop, du 16 février 2022, le Conseil d’État a une nouvelle fois interprété les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme relatives à la régularisation des autorisations d’urbanisme dans un sens favorable aux intérêts des porteurs de projets.

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Loi « activité professionnelle indépendante » : mesures diverses de droit des affaires

La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante n’a pas seulement créé un nouveau statut de l’entrepreneur individuel. Elle contient toute une série de mesures qui intéressent plus professions et activités, professions libérales réglementées et artisanat, notamment.

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Le passe vaccinal est encore nécessaire selon le Conseil d’État

Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté, le 1er mars, la demande de suspension de l’obligation de présenter un passe vaccinal pour accéder à certains lieux et événements.

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Le passe vaccinal est encore nécessaire selon le Conseil d’État

Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté, le 1er mars, la demande de suspension de l’obligation de présenter un passe vaccinal pour accéder à certains lieux et événements.

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Décret d’application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : répercussions sur la procédure civile

La plupart des dispositions contenues dans le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 concernent directement la procédure civile. Elles font l’objet du présent commentaire. D’autres constituent des adaptations périphériques à des textes déjà en vigueur. Elles seront simplement rappelées puisque n’appelant pas de commentaire particulier.

I. Les dispositions de procédure civile

Observations liminaires

Ainsi que le rappelle l’intitulé du texte commenté, il constitue, pour l’essentiel, le décret d’application de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire (JO 23 déc.). Sa portée reste cependant plus large puisqu’elle concerne également la mise en œuvre de la médiation judiciaire.

Le décret apporte également une modification à l’article 901 du code de procédure civile relatif au contenu de la déclaration d’appel (Décr. n° 2022-245, 25 févr. 2022, art. 1, 16°). Il est complété par un arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel (JO 26 févr.). Ces dispositions sont consécutives à un récent arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, susceptible de mettre en péril l’effet dévolutif de certaines déclarations d’appel comportant une annexe (Civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-17.516, R. Laffly, Annexe à la déclaration d’appel : tout sauf annexe, Dalloz actualité, 20 janv. 2022 ; D. 2022. 325 image, note M. Barba image ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra image ; CNB, Le CNB demande la suppression de la limitation à 4 080 caractères de la déclaration d’appel via le RPVJ, 14 janv. 2022, en ligne). Compte tenu de leur spécificité, ces dispositions feront l’objet d’un commentaire séparé (v. C. Lhermitte, Procédure d’appel : une mini réforme pour un maxi bazar procédural ?, Dalloz actualité, 3 mars 2022).

La promotion de la médiation judiciaire devant toutes les juridictions

L’injonction à la médiation

La médiation a été mise en œuvre il y a plus de vingt-sept ans, par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Six articles lui étaient alors consacrés (L. préc., art. 21 à 26). Elle a fait l’objet de modifications successives tendant à assurer son développement et à faciliter sa mise en œuvre. La première, par l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. La deuxième, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. La troisième, par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Enfin, une quatrième modification a été opérée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, afin, notamment, d’instituer un Conseil national de la médiation et de faciliter le mode de saisine du médiateur en substituant au processus de consignation un versement direct, par les parties, de la provision à valoir sur sa rémunération (L. n° 2021-1729, art. 45).

Le décret apporte des modifications au titre IV « La conciliation et la médiation (art. 127 à 131-15) » du livre Ier du code de procédure civile dont il sera rappelé qu’il est applicable à toutes les juridictions.

Il n’est pas inutile de rappeler la base législative sur laquelle s’appuient ces nouveaux textes. L’article 22 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (mod. L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, art. 5) dispose ainsi que :

« Le juge peut désigner, avec l’accord des parties, un médiateur pour procéder à une médiation, en tout état de la procédure, y compris en référé. Cet accord est recueilli dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. »

L’article 131-1 du code de procédure civile est ainsi réécrit sans que sa portée soit ici modifiée (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 2°) :

« Le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation.
Le médiateur désigné par le juge a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.
La médiation peut également être ordonnée en cours d’instance par le juge des référés. »

L’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 énonce par ailleurs que (mod. L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 3) :

« En tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne et qui répond aux conditions prévues par décret en Conseil d’État. Celui-ci informe les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation. »

Le nouvel article 127-1 du code de procédure civile (Décr. n° 2022-245, art. 1, 1°) consacre l’hypothèse d’une absence d’accord des parties qui permet au juge de leur enjoindre de rencontrer un médiateur :

« À défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire. »

Ce texte vient donner un cadre procédural à une pratique judiciaire déjà en cours, en première instance comme en appel, et consistant à inviter les parties à une réunion sur la médiation. Même s’il s’agit ici d’une injonction, c’est-à-dire un ordre du juge, aucune sanction n’est cependant prévue à l’encontre de la partie qui s’y déroberait. Il ne peut en être autrement puisque la médiation ne peut être imposée. Le rôle du médiateur consistera à identifier les éventuels verrous à ce processus amiable qui souvent se confondent avec ceux nécessaires à un dénouement du différend. L’avenir nous dira si cette modification a pu permettre un développement de la médiation. 

La simplification des modes de rémunération et de saisine du médiateur

Le régime de saisine des médiateurs était, jusqu’à présent, aligné sur celui des experts judiciaires. Les parties consignaient, auprès du service concerné (régie du tribunal judiciaire ou greffe du tribunal de commerce), une provision à valoir sur sa rémunération. Le médiateur n’était saisi qu’après un avis lui confirmant le versement de la provision. Afin de simplifier ce processus et surtout l’accélérer, dans un domaine où toute prédisposition amiable du justiciable peut s’évanouir du jour au lendemain, la loi a été modifiée pour permettre une saisine et un versement direct par les parties. L’article 22-2, alinéa 4, de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 précise désormais (mod. L. n° 2021-1729, art. 45) :

« Le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui versent la provision dans le délai qu’il détermine. La désignation du médiateur est caduque à défaut de versement dans le délai et selon les modalités impartis. Lorsque la médiation est ordonnée en cours d’instance, celle-ci est alors poursuivie. »

Par voie de conséquence, le nouvel article 131-6 du code de procédure civile est ainsi rédigé (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 4°) :

« La décision qui ordonne une médiation mentionne l’accord des parties, désigne le médiateur et la durée initiale de sa mission et indique la date à laquelle l’affaire sera rappelée à l’audience.
La décision fixe le montant de la provision mentionnée à l’article 131-3 à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible, ainsi que le délai dans lequel les parties qu’elle désigne procéderont à son versement, directement entre les mains du médiateur. Si plusieurs parties sont désignées, la décision précise dans quelle proportion chacune effectuera le versement.
À défaut de versement intégral de la provision dans le délai prescrit, la décision est caduque et l’instance se poursuit. »

C’est ce versement direct qui constitue le point de départ de la durée initiale de la médiation ainsi que le rappelle le nouvel article 131-3 du code de procédure civile (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 3°) :

« La durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur. »

Cette modification est la bienvenue puisque, jusqu’à présent, ce point de départ était fixé au jour de la décision ordonnant la médiation. Or les délais de consignation, de traitement de celle-ci par les services du tribunal, et d’information du médiateur pouvaient aboutir au dépassement du délai de trois mois, obligeant le juge à rendre une décision de prolongation de la mission avant même l’organisation de la première réunion. La réforme devrait donc non seulement décharger le juge, et ses services, de certaines diligences mais également raccourcir le délai dans lequel sera organisée la médiation.

L’article 131-7 du code de procédure civile est également réécrit (Décr. n° 2022-245, art. 1, 5°) :

« Dès le prononcé de la décision désignant le médiateur, le greffe de la juridiction en notifie copie par lettre simple aux parties et au médiateur.
Le médiateur fait connaître sans délai au juge son acceptation. Il informe les parties des modalités de versement de la provision.
Le médiateur convoque les parties dès qu’il a reçu la provision. Les parties qui sont dispensées de ce versement en vertu des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle lui en apportent la justification.
Les parties peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation. »

Deux observations peuvent être faites à la lecture du nouveau texte.

En premier lieu, on rappellera que le processus de médiation judiciaire peut être pris en charge par l’aide juridictionnelle (L. n° 95-125, art. 22-2, al. 3 ; L. n° 91-647, 10 juill. 1991, art. 11-1 ; Décr. n° 2020-1717, 28 déc. 2020, art. 10, 13, 99, 100 et 116). L’article précité impose à la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle d’en justifier auprès du médiateur.

En second lieu, le dernier alinéa de l’article 131-7 prévoit expressément la faculté pour les parties d’être assistées, devant le médiateur, par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation. Cette précision était souhaitable. Si la présence des avocats des parties ne semblait pas poser de difficulté, il en allait autrement des personnes habilitées à les assister devant le juge. Le texte lève le doute et permettra d’éviter d’inutiles discussions en début de réunion.

L’article 131-10 du code de procédure civile est complété afin de permettre au juge qui peut déjà mettre fin, à tout moment, à la médiation, sur demande d’une partie ou à l’initiative du médiateur, ou encore d’office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis, d’y procéder, également, « lorsqu’elle est devenue sans objet » (Décr. n° 2022-245, art. 1, 6°).

Le nouvel article 131-13 du code de procédure civile détermine les conditions de fixation de la rémunération finale du médiateur suivant l’existence ou l’absence d’un accord des parties sur ce point (Décr. n° 2022-245, art. 1, 9°) :

« La rémunération du médiateur est fixée, à l’issue de sa mission, en accord avec les parties. L’accord peut être soumis à l’homologation du juge en application de l’article 1565.
À défaut d’accord, la rémunération est fixée par le juge.
Lorsqu’il envisage de fixer un montant inférieur à celui demandé par le médiateur, le juge invite ce dernier à formuler ses observations. S’il y a lieu, le médiateur restitue aux parties la différence entre le montant de la provision et celui de sa rémunération.
La charge des frais de la médiation est répartie conformément aux dispositions de l’article 22-2 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
Le juge ordonne, s’il y a lieu, le versement de sommes complémentaires après déduction de la provision. Il désigne la ou les parties qui en ont la charge.
Une copie exécutoire de la décision est délivrée au médiateur, sur sa demande. »

L’article 1565 du code de procédure civile, tel que visé dans l’article précité en cas d’accord des parties, est complété par un deuxième alinéa (Décr. n° 2022-245, art. 1, 21°, b) :

« L’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
L’accord sur la rémunération du médiateur conclu conformément à l’article 131-13 peut être rendu exécutoire dans les mêmes conditions, à la demande d’une partie ou du médiateur, par le juge qui a ordonné la médiation.
Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »

Enfin, l’article 131-15 du code de procédure civile précise que la décision ordonnant ou renouvelant la médiation ou y mettant fin « est une mesure d’administration judiciaire » (Décr. n° 2022-245, art. 1, 10°). L’ancienne rédaction indiquait seulement qu’elle n’était pas susceptible d’appel.

La médiation en appel et la vigilance sur les délais

Jusqu’à présent l’article 910-2 du code de procédure civile, applicable devant la cour en matière de procédure avec représentation obligatoire, disposait que la décision ordonnant une médiation avait pour effet d’interrompre les délais pour conclure.

La Cour de cassation avait jugé, à cet égard, que la simple convocation à une réunion d’information sur la médiation ne rentrait pas dans les prévisions du texte. Elle avait, par conséquent, rejeté un pourvoi à l’encontre d’un arrêt qui avait déclaré une déclaration d’appel caduque faute pour l’appelant, convoqué à une telle réunion, d’avoir conclu dans le délai de l’article 908 (Civ. 2e, 20 mai 2021, n° 20-13.912, R. Laffly, Délais pour conclure en appel et médiation, Dalloz actualité, 9 juin 2021 ; AJ fam. 2021. 322 et les obs. image).

Le texte de l’article 910-2 du code de procédure civile est opportunément modifié afin de prévenir ce risque en cas d’injonction d’avoir à rencontrer un médiateur (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 17°) :

« La décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 ou qui ordonne une médiation en application de l’article 131-1 interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910. L’interruption produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur. »

Dans les dossiers d’appel complexes, l’incitation à médier aura donc un intérêt direct pour les avocats en différant d’autant les délais pour conclure.

Mais attention ! Il y aura lieu de surveiller le calendrier procédural et à inscrire à l’encre rouge les nouveaux délais d’expiration pour conclure, soit un mois pour une affaire fixée à bref délai (C. pr. civ., art. 905-2 ; sauf réduction intervenue par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président), ou trois mois dans les autres cas (C. pr. civ., art. 908 à 910).

Comment seront calculés ces délais ?

Si l’injonction de rencontrer le médiateur échoue (absence d’un participant, refus de l’un d’entre eux de consentir à la médiation) les délais devraient recommencer à courir dès la décision d’injonction de rencontrer un médiateur (C. pr. civ., art. 127-1 nouv.).

Dans les autres cas, le texte précise que « l’interruption produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur » (C. pr. civ., art. 910-2 nouv.).

En cas de caducité de la désignation du médiateur, faute d’un versement intégral de la provision dans le délai prescrit (C. pr. civ., art. 131-6, al. 3), le point de départ du délai devrait, selon nous, rétroagir à la date à laquelle la médiation a été ordonnée (C. pr. civ., art. 910-2 nouv.).

En cas de mise en œuvre effective d’une médiation, la date d’expiration de la mission du médiateur, renouvelée ou non, devra être calculée en tenant compte de sa durée, à partir du jour où la provision est versée entre ses mains, puisqu’elle constitue le point de départ de la durée initiale de la médiation (C. pr. civ., art. 131-3 nouv.). Il sera alors nécessaire de connaître la date exacte à laquelle ce versement est intervenu ainsi que ses modalités (virement, chèque) avec de possibles difficultés liées à la détermination de la date d’envoi ou de réception dudit paiement.

En revanche, il n’y aura pas de difficulté si une décision met fin à la mission du médiateur (C. pr. civ., art. 131-10 nouv.). Elle constituera le point de départ des délais pour conclure. 

La médiation devant la Cour de cassation

En 2021, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, a installé un groupe de travail portant sur les conditions d’instauration de la médiation devant la Cour de cassation en matière civile, commerciale et sociale. Le rapport qui a été déposé, issu d’un travail réunissant notamment de hauts magistrats ainsi que des avocats aux conseils, a permis de dégager des propositions (C. Arens et F. Molinié, La médiation devant la Cour de cassation, pourquoi pas ?, Dalloz actualité, 7 juill. 2021). Le décret commenté répond aux vœux de ce groupe de travail.

L’article 1012 du code de procédure civile est complété pour être désormais rédigé en ces termes (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 18°) :

« Le président de la formation à laquelle l’affaire est distribuée désigne un conseiller ou un conseiller référendaire de cette formation en qualité de rapporteur.
Il peut fixer aussitôt la date de l’audience.
Il peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner un médiateur afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, conformément à l’article 131-1. La décision ordonnant la médiation est prise après le dépôt des mémoires et, s’il y a lieu, après avis du procureur général. Le président de la formation à laquelle l’affaire a été distribuée fixe la durée de la médiation conformément à l’article 131-3, en considération de la date de l’audience qu’il a fixée. »

Conformément aux préconisations du rapport, le recours à la médiation, après accord des parties, est fixé « à la suite du dépôt des mémoires, ampliatif et en défense » (C. cass., La médiation devant la Cour de cassation, rapport préc. p. 13).

Le texte issu du décret du 25 février 2022 reste très proche de celui qui avait été proposé par le groupe de travail (C. cass., La médiation devant la Cour de cassation, rapport préc. p. 15) :

« Le président de la formation à laquelle l’affaire est distribuée désigne un conseiller ou un conseiller référendaire de cette formation en qualité de rapporteur.
Il peut fixer aussitôt la date de l’audience.
Il peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, conformément à l’article 131-1. La décision ordonnant la médiation est prise après le dépôt des mémoires et, le cas échéant, après avis du ministère public. Le président de la formation à laquelle l’affaire a été distribuée fixe la durée de la mission de médiation conformément à l’article 131-3, en considération de la date de l’audience qu’il aura éventuellement fixée. Il informe sans délai le médiateur de la date de l’audience une fois celle-ci établie. »

S’agissant de l’homologation du constat d’accord le décret suit également les travaux du groupe de travail (C. cass., La médiation devant la Cour de cassation, rapport préc., p. 25) en reprenant, très exactement, sa proposition de modification de l’article 1014 du code de procédure civile qui est ainsi complété par un troisième alinéa (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 19°) :

« Après le dépôt des mémoires, cette formation décide qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée lorsque le pourvoi est irrecevable ou lorsqu’il n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Toute formation peut aussi décider de ne pas répondre de façon spécialement motivée à un ou plusieurs moyens irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
La formation restreinte est compétente pour homologuer le constat d’accord conformément à l’article 131-12 ou pour mettre fin à la mission du médiateur conformément à l’article 131-10. »

La modification souhaitable

La réforme opérée par ce dernier décret vient compléter utilement l’architecture du processus de médiation judiciaire en le simplifiant et en l’accélérant.

Un point mériterait cependant d’être précisé en l’état de décisions, assez fluctuantes, émanant de cours d’appel. Il concerne l’effet de la médiation sur la péremption d’instance et qui semble, à cet égard, incertain.

On sait que l’article 369 du code de procédure civile dispose que l’instance est interrompue, notamment, « par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle ». L’article 392 du même code précise que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption » et qu’un « nouveau délai court à compter de l’extinction de la convention de procédure participative aux fins de mise en état ».

Il serait ici utile que ces derniers textes incluent la décision de désignation d’un médiateur comme un événement de nature à interrompre l’instance, au même titre que la conclusion d’une convention de procédure participative de mise en état. L’interruption pourrait alors produire ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur, sur le modèle prévu en matière de délais pour conclure en appel (C. pr. civ., art. 910-2).

Les conditions d’entrée en vigueur

Selon l’article 6, alinéa 1, du décret commenté, celui-ci entre en vigueur le lendemain de sa publication. Ce même article énonce que les dispositions précitées sont applicables aux instances en cours (Décr. n° 2022-245, art. 6, 1°). 

L’extension – aux troubles anormaux de voisinage – de l’obligation de procéder à une tentative de règlement amiable

L’évolution des textes

L’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a institué l’obligation de procéder à une tentative de règlement amiable, à peine d’irrecevabilité de la demande que le juge peut prononcer d’office, pour certains litiges de voisinage ou dont l’intérêt financier est limité. Cet article dispose in fine : « Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. »

S’en est suivi l’article 750-1 du code de procédure civile, institué par l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 devant le tribunal judiciaire (Décr. préc., art. 55, II).

Depuis, l’article 46 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a modifié l’article 4 précité de la loi n° 2016-1547 en étendant ce dispositif obligatoire préalable à la demande relative « à un trouble anormal de voisinage » tout en ajoutant à la liste de ses exceptions le cas du créancier qui « a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances ».

Le texte commenté en constitue le décret d’application. Le nouvel article 750-1 du code de procédure civile, compris dans les dispositions communes applicables au tribunal judiciaire, est ainsi rédigé (Décr. n° 2022-245, art. 1, 14°) :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution. » 

Le danger à venir

La fin de non-recevoir tirée du non-respect de la prescription édictée à l’article 750-1 du code de procédure civile est redoutable à deux égards. D’une part, l’acte de saisine n’aura aucun effet interruptif de prescription. D’autre part, et sous réserve de la solution qui sera donnée par la jurisprudence, elle est susceptible de faire obstacle à l’introduction d’une nouvelle demande. On sait que la Cour de cassation a pu juger que « le caractère nouveau de l’événement permettant d’écarter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l’invoque a négligé d’accomplir une diligence en temps utile » (Civ. 1re, 19 sept. 2018, n° 17-22.678, Dalloz actualité, 3 oct. 2018, obs. C. Bléry ; D. 2018. 2347 image, note J. Jourdan-Marques image ; AJ fam. 2019. 51, obs. J. Casey image ; RTD civ. 2019. 181, obs. N. Cayrol image).

Les exceptions, édictées au 3° de ce même article, vagues et imprécises, restent soumises à l’appréciation du juge. Les invoquer relève d’un funambulisme judiciaire pratiqué sans le moindre filet de sécurité :

« motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative » ;
  « indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».

Le dispositif tendant à obliger un plaideur à essayer de rechercher une solution amiable, avant de saisir un juge, serait parfaitement louable s’il avait été complété par un mécanisme d’interruption des délais pour agir dès la saisine d’un conciliateur ou d’un médiateur.

L’article 2238, alinéa 1er, du code civil est à cet égard très restrictif. Il prévoit que la prescription est suspendue si les parties conviennent, par écrit, de recourir à un mode amiable de règlement des différends ou, à défaut d’écrit, à compter de la première réunion de médiation ou de conciliation. Différer l’effet suspensif de la prescription à une réunion, future et incertaine, ne peut que générer un risque insupportable pour le praticien.

Face à l’approche de l’expiration d’un délai de prescription ou de forclusion, la solution de fortune qui s’offrait au plaideur était le recours à la procédure judiciaire de tentative préalable de conciliation. L’enregistrement de la demande avait pour effet d’interrompre « la prescription et les délais pour agir » (C. pr. civ., art. 820 anc.). Un décret du 11 octobre 2021 a expressément supprimé cette possibilité (Décr. n° 2021-1322, 11 oct. 2021, art. 2, 2° ; F.-X. Berger, Nouveau décret de procédure civile : du mieux, du moins bon et de l’incertain, Dalloz actualité, 15 oct. 2021).

Jusqu’à présent, le risque était contenu puisque se limitant à des demandes n’excédant pas 5 000 €.

Tout laisse à penser que le législateur a envisagé la notion de « trouble anormal de voisinage » dans son acceptation populaire et non juridique.

L’action fondée sur un trouble anormal de voisinage est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil (E. Botrel, Reconnaissance des troubles anormaux de voisinage et prescription de l’action, Dalloz actualité, 29 janv. 2021, et les décis. citées). Elle peut concerner des dossiers à forts enjeux, notamment en matière de glissement de terrain ou d’effondrement d’immeubles, et impliquer, le cas échéant, de nombreuses parties.

Dans ces conditions, toute action relative à un trouble anormal de voisinage imposera une vigilance accrue sur les délais pour agir. Il sera nécessaire de tenir compte du délai nécessaire à la mise en œuvre de cette tentative de règlement amiable obligatoire.

Sous réserve de la jurisprudence à venir, nous considérons qu’une procédure de référé expertise, fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, et se rapportant à l’existence d’un trouble anormal de voisinage relève de l’obligation instituée par l’article 750-1 du code de procédure civile. En effet, les termes du nouvel article 750-1 du code de procédure civile apparaissent très larges dans leur portée. On aurait pu espérer, par exemple, une restriction à une demande en réparation d’un trouble anormal de voisinage. Il n’en est rien. Le texte vise toute demande « relative […] à un trouble anormal de voisinage ».

Les conditions d’entrée en vigueur : bug ou réalité ?

L’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction initiale, avait été rendu applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 (Décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 55, II).

S’agissant de l’extension de ce texte à la demande relative à un trouble anormal de voisinage (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 14°) on s’attendait à ce que le décret prévoie qu’elle soit applicable aux instances introduites à compter d’une certaine date, ne serait-ce que pour tenir compte des assignations actuellement en cours de délivrance.

L’article 6 du décret qui en fixe les conditions d’entrée en vigueur n’est pas sans poser de difficulté (Décr. n° 2022-245, art. 6, 1°). Il est rédigé en ces termes :

« Le présent décret entre en vigueur le lendemain de sa publication. Toutefois :
1° Les articles 1er, 4 et 5 à l’exception de son 2° sont applicables aux instances en cours […] »

Il résulte de la lecture du 1° que l’article 1er qui modifie l’article 750-1 du code de procédure civile serait applicable aux instances en cours.

Gageons qu’il s’agit là d’une rédaction hâtive et erronée du texte. En effet, nous ne pouvons imaginer que le décret ait pu instituer une tentative de règlement amiable obligatoire, applicable aux instances en cours relatives aux troubles anormaux de voisinage, lesquelles deviendraient irrecevables, ipso jure, dès l’entrée en vigueur du décret. Une rectification urgente du texte est ici souhaitable.

L’apposition de la formule exécutoire sur l’acte d’avocat constatant une transaction ou un accord issu d’un mode amiable de résolution des différends

Présentation des nouveaux textes

L’article 44 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a complété l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution d’un 7° ainsi rédigé (JO 23 déc., n° 2) :

« 7° Les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »

Le décret institue la procédure applicable à l’apposition de la formule exécutoire par le greffe dans les hypothèses ainsi prévues par la loi. Quatre nouveaux articles sont créés dans le code de procédure civile sous une section 2 intitulée « De l’apposition de la formule exécutoire par le greffe » (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 21°, c) :

Article 1568 :

« Lorsque l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative prend la forme d’un acte contresigné par les avocats de chacune des parties, cet acte peut être revêtu, à la demande d’une partie, de la formule exécutoire.
La demande est formée par écrit, en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord.
Le greffier n’appose la formule exécutoire qu’après avoir vérifié sa compétence et la nature de l’acte. »

Article 1569 :

« L’acte contresigné par avocats et revêtu de la formule exécutoire, ou la décision de refus du greffier, est remis ou adressé au demandeur par lettre simple.
Le double de la demande ainsi que la copie de l’acte et, le cas échéant, la décision de refus du greffier sont conservés au greffe. »

Article 1570 :

« Toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
La demande est formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure accélérée au fond. »

Article 1571 :

« Les dispositions de la présente section sont applicables à la transaction. »

Cette procédure est simplifiée puisqu’elle permet d’éviter le recours au juge. La demande d’apposition de la formule exécutoire, sur l’acte d’avocat, est soumise au greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord. Les contestations relèveront de la juridiction dont le greffe a apposé cette formule et qui statuera selon les règles de la procédure accélérée au fond.

Le nouvel article 1571 du code de procédure civile étend ce processus à l’acte d’avocat constatant une transaction. Il sera donc intéressant pour les avocats de recourir à l’acte d’avocat en matière de transaction là où la pratique les conduisait, jusqu’à présent, à ne la faire signer que par leurs seuls clients.

Le dispositif antérieur, concernant l’homologation judiciaire d’un accord ne rentrant pas dans le cadre d’un acte contresigné par les avocats, est maintenu aux articles 1565 à 1567 du code de procédure civile qui figurent sous une section 1 intitulée « De l’homologation judiciaire » (Décr. n° 2022-245, art. 1er, 21°, a).

Les conditions d’entrée en vigueur

Selon l’article 6, alinéa 1er, du décret commenté, celui-ci entre en vigueur le lendemain de sa publication. Ce même article énonce que les dispositions précitées sont applicables aux instances en cours (Décr. n° 2022-245, art. 6, 1°).

Les frais non compris dans les dépens

La production de justificatifs au soutien de la demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le texte législatif, sur lequel se fonde l’article 700 du code de procédure civile, figure à l’article 75, I, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Il a été complété par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire afin de permettre aux parties de produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent (L. n° 2021-1729, art. 48, V, 2°) :

« I.- Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

S’agissant d’une partie assistée d’un avocat, ces justificatifs ne peuvent résulter que des factures émises par l’avocat ou de la convention d’honoraires qui a été signée. Or l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques édicte un principe de confidentialité :

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention “officielle”, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. »

Il s’ensuit que ces pièces sont normalement couvertes par le secret professionnel.

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a donc apporté une précision, en complétant comme suit l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (L. n° 2021-1729, 22 déc. 2021, art. 48, V, 2°) :

« V.- L’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ne fait pas obstacle à la production en justice de tout élément nécessaire à la justification des sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Le décret commenté adapte, en conséquence, l’article 700 du code de procédure civile en le complétant d’un alinéa ainsi rédigé (Décr. n° 2022-245, art. 1, 13°) :

« Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. »

Nonobstant l’exception apportée à l’article 66-5 précité, relatif au secret professionnel de l’avocat, nous pensons qu’il est de loin préférable que l’avocat obtienne l’accord exprès de son client avant de produire factures ou convention d’honoraires.

L’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et le « minimum garanti »

L’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à payer à l’avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l’aide juridictionnelle, une somme qu’il détermine.

Repris à l’article 700 du code de procédure civile ce dispositif, susceptible de décharger d’autant le budget consacré à l’aide juridictionnelle, n’est sollicité ou appliqué que très rarement.

Afin d’inciter à sa mise en œuvre la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a modifié l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique en édictant une sorte de « minimum garanti » : la somme allouée à l’avocat « ne saurait être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 % » (L. n° 2021-1729, 22 déc. 2021, art. 48, V, 2°).

Le décret complète, comme suit, l’article 700 du code de procédure civile (Décr. n° 2022-245, art. 1, 13°) :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° […] ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 % »

Rappelons qu’il s’agit d’une somme mise à la charge d’une partie au bénéfice direct de l’avocat d’une autre partie. L’avocat présentant une telle demande pourra utilement justifier auprès du juge, tant du calcul précis de ce « minimum garanti » que de son assujettissement, ou non, à la TVA.

Les conditions d’entrée en vigueur

Selon l’article 6, alinéa 1, du décret commenté, celui-ci entre en vigueur le lendemain de sa publication. Ce même article énonce que les dispositions précitées sont applicables aux instances en cours (Décr. n° 2022-245, art. 6, 1°).

La nouvelle procédure d’injonction de payer

Un précédent décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a sensiblement modifié la procédure d’injonction de payer en prévoyant une entrée en vigueur à une date fixée par arrêté du garde des Sceaux et au plus tard le 1er mars 2022 (Décr. n° 2021-1322, 11 oct. 2021, art. 8, II, 2° ; Dalloz actualité, 15 oct. 2021, obs. F.-X. Berger, préc.)

Il était prévu que l’ordonnance, alors revêtue de la formule exécutoire, soit signifiée au débiteur, avec la requête ainsi que les documents justificatifs produits à l’appui de celle-ci (C. pr. civ., art. 1411 mod. ; Décr. n° 2021-1322, 11 oct. 2021, art. 3, 3°).

Avant même l’entrée en vigueur de ces dispositions, celles-ci sont modifiées par le décret du 25 février 2022. Le nouvel article 1411 du code de procédure civile est ainsi rédigé (Décr. n° 2022-245, art. 1, 20°) :

« Une copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs et de l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs. L’huissier de justice met à disposition de ces derniers les documents justificatifs par voie électronique selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l’huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée.
L’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date. » 

Le texte institue une communication au débiteur, et par voie électronique, des pièces venant au soutien de la requête.

L’arrêté pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile a été signé le 24 février 2022 et publié concomitamment au décret commenté (JO 26 févr., n° 35).

Il édicte les conditions techniques permettant la consultation, par le débiteur, des documents justificatifs, « au moyen d’une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée “Mes Pièces” (www.mespieces.fr), mise en œuvre sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice, et intégrée au réseau privé sécurisé huissiers (RPSH) » (Arr. du 24 févr. 2022, art. 2).

Le texte précise que « l’huissier de justice s’assure que les pièces demeurent disponibles au minimum un mois après la signification faite en application de l’article 1411 du code de procédure civile » (Arr. 24 févr. 2022, art. 5).

Deux critiques peuvent être apportées à ce système.

En premier lieu, l’arrêté ne prévoit pas expressément une prolongation de l’accès aux pièces lorsque la signification n’a pas été faite à la personne du débiteur. Dans cette hypothèse « l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur » (C. pr. civ., art. 1416, al. 2). Cette omission est anormale.

En second lieu, le texte ne prévoit aucune alternative lorsque le débiteur ne dispose pas d’un accès informatique ou de connaissances suffisantes lui permettant d’utiliser l’outil informatique. Le contentieux des impayés affectant souvent une population susceptible d’être en difficulté, ces nouvelles modalités restent donc perfectibles. Bien plus, elles interviennent au moment même où la Défenseure des droits publie un rapport de suivi sur les inégalités d’accès aux droits provoquées par des procédures numérisées (Défenseur des droits, Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, 16 févr. 2022). Dans ce rapport, consultable sur le site de la Défenseure des droits, figure une « Recommandation 19 » ainsi rédigée :

« La Défenseure des droits réitère ses recommandations formulées dans sa décision 2020-142, et notamment :
- Garantir plusieurs modalités d’accès effectif aux services publics afin qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée […] »

Le nouveau texte n’y répond pas.

Le régime applicable à la signature électronique du jugement

Le décret commenté complète l’article 456 du code de procédure civile qui édicte les conditions dans lesquelles un jugement peut être signé par voie électronique. Afin de préciser le régime lié à une éventuelle irrégularité du procédé, il ajoute, à cet article, un alinéa ainsi rédigé (Décr. n° 2022-245, art. 1, 11°) :

« Le retrait de la qualification d’un ou plusieurs éléments nécessaires à la production de la signature constitue un vice de forme du jugement. »

Cet ajout ne se comprend qu’en rappelant que la signature électronique des jugements des juridictions civiles repose sur un système dit de « signature qualifiée » dont les conditions de mise en œuvre sont prévues par l’arrêté du 20 novembre 2020 relatif à la signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile (JO 22 nov.) (T. Cassuto, Signature électronique des décisions juridictionnelles rendues en matière civile : nouvel arrêté, Dalloz actualité, 2 déc. 2020).

II. Les autres dispositions du décret

Le décret comprend enfin diverses dispositions, extérieures à la procédure civile, et qui seront ici citées.

La notice figurant en tête du décret précise que « l’article 2 modifie, à l’article 7 du décret n° 2021-1888 du 29 décembre 2021 pris en application de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, la date d’abrogation des dispositions applicables à la publicité des gages de stocks et des nantissements de l’outillage du matériel d’équipement » (Décr. n° 2022-245, art. 2).

Elle précise également que « l’article 3 modifie l’article 20 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 afin de clarifier le fait que, lors de la signature d’un acte authentique électronique à distance, le client peut être présent physiquement ou être représenté devant le second notaire qui doit recueillir son consentement, comme il aurait pu l’être devant le notaire instrumentaire. Dès lors, la référence au terme comparaître ne fait pas obstacle au recours à la procuration ». On relèvera que le texte précise que « la modification apportée par le présent article à l’article 20 a un caractère interprétatif » de sorte qu’elle est susceptible de valider les actes déjà reçus par les notaires dès lors qu’ils sont conformes à l’interprétation ainsi précisée (Décr. n° 2022-245, art. 3).

Décret d’application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : répercussions sur la procédure civile

Un décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions a été publié au Journal officiel du 26 février 2022. Il est accompagné notamment d’un arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile. Avocats, huissiers, notaires, mais aussi justiciables se trouvent ici concernés.

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Procédure d’appel : une mini réforme pour un maxi bazar procédural ?

Sur les dispositions du décret du 25 février non spécifiques à la procédure d’appel et l’arrêté du 24 février pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile, v. F.-X. Berger, Décret d’application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : répercussions sur la procédure civile, Dalloz actualité, 3 mars 2022.

 

Un peu plus d’un mois après l’arrêt publié du 13 janvier 2022 (Civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-17.516, Dalloz actualité, 20 janv. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 325 image, note M. Barba image ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra image), dont la solution avait pourtant été annoncée par la Cour de cassation deux ans plus tôt (Civ. 2e, 5 déc. 2019, n° 18-17.867, Dalloz actualité, 13 janv. 2020, obs. C. Lhermitte ; D. 2019. 2421 image ; ibid. 2020. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; AJ fam. 2020. 130, obs. S. Thouret image ; JCP n° 5, 3 févr. 2020, obs. R. Laffly), le législateur a estimé opportun de modifier les textes relatifs à la procédure d’appel en matière civile.

Certains voudront y voir la réaction d’un législateur, un peu mal à l’aise alors que la pratique de l’annexe résulte d’une circulaire (Circ. 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017). Mais s’agit-il réellement de réduire à néant la portée d’un arrêt dont les effets sont évidemment désastreux pour les avocats qui ont tout de même fait preuve d’une certaine témérité ? Ou s’agit-il au contraire de tenir compte de cette jurisprudence, de manière à faire oublier cette funeste circulaire dont les avocats s’étaient abusivement emparés ?

Rien n’est certain, si ce n’est que les apparents correctifs de détails peuvent avoir des conséquences plus lourdes que prévu.

Les textes modifiés

Le décret sous commentaire du 25 février 2022 modifie l’article 901 du code de procédure civile, en y ajoutant, au premier alinéa, les mots « , comportant le cas échéant une annexe » (Décr., art. 1er, 16°). L’article 901 est ainsi désormais rédigé comme suit (l’ajout est en gras) :

« La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle. »

L’arrêté technique du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel est par ailleurs modifié par l’arrêté du 25 février 2022 sous commentaire. Il en résulte que l’article 3 de l’arrêté de 2020 est complété d’un alinéa, de sorte qu’il est désormais rédigé comme suit (ajout en gras) :

« Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4. »

Quant à l’article 4 de l’arrêté, il est réécrit (ajout en gras et suppression en italique) :

« Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier au format XML contenant l’acte sous forme de message de données visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »

Quelques légères modifications dont nous pourrons voir qu’elles ne sont pas sans poser quelques problèmes.

901 : l’ajout qui ne sert à rien

La déclaration d’appel peut désormais comporter « le cas échéant » une annexe. Si le terme « annexe » ne mérite pas de précisions particulières, il n’en va pas de même de l’expression « le cas échéant ». Et c’est là que les discussions peuvent s’engager.

Ces termes ne sont pas inconnus du code de procédure civile (v. par ex. art. 909). S’il fallait les remplacer, ils devraient l’être par « si cela est nécessaire ». Par conséquent, l’article 901 prévoit désormais que la déclaration d’appel peut, si nécessaire, comporter un acte joint, appelé « annexe », dont il n’est pas précisé, à ce stade, ce à quoi il peut servir, ni ce qu’il contient, et encore moins sa valeur.

En soi, cet ajout à l’article 901 n’a pas tellement de sens. En effet, cette « annexe » n’a réellement d’intérêt que pour la communication électronique, lorsque l’acte d’appel doit être remis par voie électronique et que l’appelant se heurte à un « empêchement d’ordre technique ». Ce n’est pas pour rien que dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation vise les articles 748-1 et 930-1 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, plutôt que de modifier l’article 901, pour y prévoir une annexe, c’est seulement l’arrêté du 20 mai 2020, voire l’article 748-7 du code de procédure civile, qui aurait dû prévoir qu’« en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer ».

Le législateur n’a pas modifié le bon texte. En l’état, la modification concerne toutes les déclarations d’appel, y compris celles qui sont remises sur support papier en cas de cause étrangère (C. pr. civ., art. 930-1) ou lorsque l’appelant est représenté par défenseur syndical (C. pr. civ., art. 930-2). Cependant, nous ne voyons pas dans quel cas il pourrait être nécessaire de joindre une annexe à une déclaration d’appel sur support papier.

La modification de l’article 901 ne présente donc strictement aucun intérêt.

La valeur de l’annexe ?

L’article 901 ne précise pas que l’annexe s’incorpore à la déclaration d’appel à proprement parler, de sorte que nous ignorons si ce document devra être joint à la déclaration d’appel lorsque l’appelant devra, en application de l’article 901 ou de l’article 905-1, signifier la déclaration d’appel.

En effet, l’alinéa 2 de l’article 902 n’a pas été complété d’un « , comportant le cas échéant l’annexe de l’article 901 alinéa 1er ». L’article 905-1 n’a pas davantage été modifié.

Bien entendu, un premier élément de réponse se trouve à l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020. Mais sa rédaction laisse entendre que l’incorporation de l’annexe à la déclaration d’appel suppose que les services du greffe retournent le récapitulatif du fichier XML avec en accompagnement « la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message ». Si cette annexe jointe au fichier XML n’accompagne pas le récapitulatif, elle ne ferait pas corps avec l’acte d’appel, et n’aurait pas à être signifiée dans le cadre de l’article 902 ou 905-1 (v. aussi Civ. 2e, 5 déc. 2019, n° 18-17.867 P, préc.).

Pour la Cour de cassation, l’annexe fait corps avec la déclaration d’appel, et il aurait été opportun que le texte reprenne cette précision. Quitte à modifier l’article 901, il aurait fallu pousser un peu plus la réflexion, et prévoir l’ajout suivant : « , comportant le cas échéant une annexe faisant corps avec elle », qui n’est que la reprise des termes de l’arrêt de la Cour de cassation.

En l’état, le timide ajout est bien inutile, et risque de poser davantage de questions que de réponses.

L’annexe nécessaire ?

Jusqu’alors, la problématique de l’annexe ne se posait pas pour les actes sur support papier, ce qui concerne les actes d’appel émanant d’un défenseur syndical ou l’appelant ayant rencontré une cause étrangère lors de la remise par voie électronique. La nécessité de recourir à une annexe ne se comprend qu’au regard d’une limitation technique du système de communication, qui n’accepte pas de dépasser les 4 080 caractères, dans l’espace prévu pour y mentionner les chefs critiqués.

Au lieu de reprendre la formule de la Cour de cassation, à savoir « l’empêchement d’ordre technique », l’article 901 admet l’annexe en cas de nécessité, ce qui englobe certainement l’empêchement d’ordre technique, mais pas seulement.

Cependant, en pratique, nous ne voyons pas tout à fait dans quel autre cas une annexe sera nécessaire. Et pour une déclaration d’appel sur support papier, il n’y aura donc jamais lieu à une annexe.

Mais le législateur a vraisemblablement perdu de vue que cet acte d’appel pouvait ne pas être un acte électronique. Si l’envie prenait à un défenseur syndical, ou un avocat rencontrant une cause étrangère, de rédiger deux actes, à savoir une déclaration d’appel et un document annexe listant les chefs critiqués, ces représentants se retrouveraient en difficulté pour justifier ce document joint.

Alors que l’arrêt du 13 janvier 2022 ne répondait qu’à un problème technique de communication électronique, le législateur a restreint l’annexe qui sera exclue lorsque la déclaration d’appel est au format papier, la nécessité de procéder de cette manière ne pouvant être démontrée.

En définitive, donc, la réécriture de l’article 901, qui dépasse la communication électronique, a restreint la possibilité de recourir à une annexe pour y mentionner notamment les chefs critiqués.

Une annexe « fourre-tout »

L’article 901 reste vague sur le contenu de l’annexe. Par conséquent, même si ce document a été imaginé à l’origine pour y mentionner les chefs expressément critiqués de l’article 901, 4°, force est de constater que l’on devrait pouvoir y trouver tout autre chose.

Et en pratique, nous verrons vraisemblablement des annexes qui, au lieu de n’être que la liste des chefs critiqués, seront ni plus ni moins qu’un semblant de déclaration d’appel. Plus exactement, le document sera présenté comme une déclaration d’appel sur support papier, sans pour autant en avoir la valeur.

Ce manque de précision dans le texte, qui n’est peut-être pas volontaire, est néanmoins heureux. En effet, ce faisant, le législateur tue dans l’œuf une discussion quant au contenu de l’annexe. Dans bien des cas, l’appelant met tellement de choses dans l’annexe qu’elle dépasse le nombre fatidique de 4 080 caractères. C’est donc l’appelant lui-même qui est à l’origine de cet empêchement. Il en sera ainsi pour les annexes contenant déjà les prétentions, l’identité des parties appelantes et intimés. Dans un tel cas, l’intimé pouvait soutenir que si l’appelant n’avait mentionné que les seuls chefs critiqués, il n’aurait pas été confronté à un empêchement d’ordre technique.

Même si l’appelant avait déjà de quoi répondre à cette argumentation (v. Procédures d’appel, 2022-2023, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 21-163), il disposera d’un argument de plus à faire valoir.

Les mentions « obligatoires » de la déclaration d’appel remise par voie électronique

Proposition de lecture

L’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 précise que la déclaration d’appel, transmise par voie électronique au format XML, comprend « obligatoirement » les mentions des « alinéas 1 à 4 de l’article 901 ».

Nous aurions préféré l’emploi des termes « les mentions des 1° à 4° de l’article 901 » au lieu de « les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 ».

Les mentions concernées sont-elles : la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté et les chefs du jugement expressément critiqués (C. pr. civ., art. 901, 1° à 4°) ? ou alors l’objet de l’appel (C. pr. civ., art. 54, 2°, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), l’identité de l’appelant (C. pr. civ., art. 54, 3°, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), la date et la signature (C. pr. civ., art. 57, al. 5, par renvoi de l’alinéa 1er de l’article 901), la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté, à l’exclusion donc du 4° concernant les chefs expressément critiqués ?

Nous pensons qu’il faut lire « les mentions des 1° à 4° de l’article 901 », en attendant une éventuelle rectification à laquelle nous commençons à nous habituer, les textes en procédure étant malheureusement de moins en moins bien écrits.

Ces précisions étant faites, relevons que la déclaration d’appel de l’article 901 prévoit déjà que l’acte de procédure doit contenir les mentions des 1° à 4°, et ce à peine de nullité. L’article 3 de l’arrêté est donc a priori redondant, et ne prévoit pas une nouvelle obligation procédurale à la charge de la partie appelante. Bref, ça ne sert à rien.

Incertitudes

Mais en sommes-nous bien assurés ? Ce qui est un peu dérangeant est que si l’article 901 est édicté à peine de nullité, l’article 3 susvisé n’édicte quant à lui aucune sanction. Et comme il n’y a pas de nullité sans texte (C. pr. civ., art. 114), cette exigence interroge quant à la sanction applicable qui ne serait pas la nullité, non prévue.

Dès lors que l’on considère que l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020 est distinct de l’article 901, et ne renvoie pas à cette disposition, notamment quant à la sanction, la nullité pour vice de forme serait exclue. En effet, l’article 3, alinéa 2, concerne le fichier XML transmis par voie électronique, et qui contient les données de la déclaration d’appel.

Nous ne pensons pas que le législateur, sournoisement, ait entendu introduire une nouvelle chausse-trappe. Mais ce faisant, volontairement ou non, il a ouvert la porte à une autre sanction, qui ne pourrait donc qu’être l’irrecevabilité de la déclaration d’appel ne comportant pas ces mentions, dont il est dit qu’elles sont « obligatoires ». En effet, le caractère « obligatoire » peut difficilement se passer d’une sanction, sauf à admettre une obligation de fait facultative, et dès lors que la sanction n’est pas prévue dans le texte, elle ne pourrait qu’être une irrecevabilité (v. pour le caractère non limitatif des art. 122 et 124 : Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423 P, D. 2003. 1386, et les obs. image, note P. Ancel et M. Cottin image ; ibid. 2480, obs. T. Clay image ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller image ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages image ; ibid. 349, obs. R. Perrot image).

Est-ce une volonté du législateur ou une erreur de rédaction ? Nous l’ignorons. Mais ces quelques mots interrogent et pourront générer un nouveau contentieux de l’acte d’appel.

À côté de la nullité, qui ne présentait aucun intérêt depuis 2014 (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088 P, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 image ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero image ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; 1er juin 2017, n° 16-14.300 P, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1196 image ; ibid. 1868, chron. E. de Leiris, N. Touati, O. Becuwe, G. Hénon et N. Palle image ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero image), et l’effet interruptif de l’article 2241 du code civil appliqué à la déclaration d’appel, il existerait désormais la possibilité d’invoquer une irrecevabilité de la déclaration d’appel qui ne contient pas les mentions obligatoires des 1° à 4°, lorsqu’elle est transmise par voie électronique. Cela concernerait donc la déclaration d’appel ne contenant pas la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté et, surtout, les chefs du jugement expressément critiqués.

En revanche, sauf à lire « alinéas 1 à 4 de l’article 901 » et non « 1° à 4° de l’article 901 », le fichier XML contenant les données relatives à la déclaration d’appel ne doit pas « obligatoirement » comprendre l’objet de l’appel (C. pr. civ., art. 54, 2°), l’identité de l’appelant (C. pr. civ., art. 54, 3°), la date et la signature (C. pr. civ., art. 57, al. 5). Pour ces mentions, il continue de s’agir d’une nullité, comme le prévoit l’article 901.

Pourtant, quitte à admettre un nouveau cas d’irrecevabilité, il aurait pu être davantage intéressant de prévoir une irrecevabilité lorsque l’appelant ne précise, au stade de sa déclaration d’appel, l’objet de son appel, c’est-à-dire s’il tend à l’annulation, à la réformation voire à la nullité.

Mais en l’état de cette rédaction malheureuse de l’article 3, il semble que l’intimé pourra envisager une irrecevabilité de la déclaration d’appel qui ne mentionnera pas les chefs critiqués, ce que la Cour de cassation avait évidemment rejeté jusqu’alors (Cass., avis, 20 déc. 2017, nos 17-70.034, 17-70.035 et 17-70.036, D. 2018. 18 image ; ibid. 692, obs. N. Fricero image ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle image ; AJ fam. 2018. 142, obs. M. Jean image).

Et comme se pose la question de la recevabilité, se pose celle de la régularisation.

Concernant les chefs critiqués, plusieurs thèses se présentent. La première, la plus sévère, serait que cette régularisation est exclue. Cela ne semble pas cohérent avec la jurisprudence en la matière et priverait de portée toute la construction jurisprudentielle sur l’effet dévolutif de l’appel (Cass., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.034 s. préc. ; 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 image ; ibid. 576, obs. N. Fricero image ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle image ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero image ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon image ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry image ; ibid. 458, obs. N. Cayrol image ; 2 juill. 2020, n° 19-16.954 P, Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero image).

Il pourrait être aussi considéré que la nouvelle déclaration d’appel pourrait être formée dans le délai d’appel. Mais ici encore, l’articulation avec la jurisprudence de la Cour de cassation peut être difficile.

Le mieux serait de retenir une régularisation dans le délai pour conclure. Cette solution a le mérite de la simplicité et de correspondre à la jurisprudence en matière de dévolution.

Mais une autre question demeure, à savoir celle de la nature de la seconde déclaration d’appel. Jusqu’alors, la seconde déclaration était purement rectificative, sans introduire une nouvelle instance puisque la cour d’appel était régulièrement saisie par la première déclaration (Civ. 2e, 21 janv. 2016, n° 14-18.631 P, Dalloz actualité, 16 févr. 2016, obs. R. Laffly ; D. 2016. 736, chron. H. Adida-Canac, T. Vasseur, E. de Leiris, G. Hénon, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati image ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero image ; 16 nov. 2017, n° 16-23.796 P, Dalloz actualité, 7 déc. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2018. 692, obs. N. Fricero image ; 22 oct. 2020, n° 19-21.186 NP ; v. aussi Procédures d’appel, 2022-2023, op. cit., n° 21-211).

Mais si l’irrecevabilité est encourue, alors la seconde déclaration saisit véritablement la cour d’appel, sans être seulement rectificative.

La problématique est insoluble, alors pourtant que la qualification de ce second appel est essentielle au regard de l’effet interruptif ou du délai pour conclure, par exemple.

Nous ignorons si le législateur a voulu sanctionner par l’irrecevabilité la déclaration d’appel transmise par voie électronique qui ne satisferait pas à l’article 3 de l’arrêté du 20 mai 2020, mais il est certain qu’en opérant cette modification, il a (encore) mis un beau bazar dans cette procédure d’appel qui se complexifie encore.

Il est regrettable que le législateur n’ait pas réfléchi davantage aux conséquences d’une modification qui est moins anodine qu’elle n’y paraît. En attendant une éventuelle correction, la Cour de cassation précisera peut-être que l’article 3 renvoie nécessairement à l’article 901, de sorte que l’obligation est à peine de nullité.

Compte tenu de la menace qui plane, les avocats devront encore redoubler de vigilance quant à la rédaction de leurs déclarations d’appel. 

Le renvoi au document qui doit être joint

L’article 4 de l’arrêté technique, d’une part, supprime la référence au format XML, tout en renvoyant à l’article 3 qui précise ce format, et, d’autre part, précise que l’acte transmis par voie électronique renvoie au document lorsqu’il doit être joint. L’arrêté prévoit également que lorsqu’un document doit être joint à un acte, cet acte renvoie à ce document. L’article 4 ne concerne pas la seule déclaration d’appel, mais c’est évidemment à cet acte de procédure que l’on pense.

C’est une reprise de l’arrêt du 13 janvier 2022 pour lequel « l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer ». Rien que nous ne sachions déjà.

Il n’est prévu aucune sanction, mais il pourrait être excessif de prévoir de sanctionner la déclaration d’appel ne contenant pas ce renvoi. Il aurait pu être envisagé, éventuellement, une nullité pour vice de forme, ce qui aurait le mérite d’imposer la démonstration d’un grief.

Nous préférons y voir une bonne pratique, de manière à informer le destinataire de la déclaration d’appel de l’existence de ce document annexe. Quoi qu’il en soit, même si l’article 4 de l’arrêté n’avait pas été modifié, il était de bon sens de porter cette précision dans l’acte d’appel.

Cette disposition concerne tout document devant être joint.

Ainsi, pour les appels en matière d’exception d’incompétence, la déclaration d’appel, si elle n’est pas motivée, devra renvoyer aux conclusions jointes à l’acte en application de l’article 85.

Il faudrait aussi renvoyer au jugement dont appel, qui est un document qui doit être joint (C. pr. civ., art. 901, al. 3).

Au regard de la portée générale de l’article 4, il concerne tous les actes, et non seulement la déclaration d’appel. La déclaration de saisine devra renvoyer à l’arrêt de cassation, annexé à l’acte comme le prévoit l’article 1033.

Nous ne percevons pas bien l’intérêt de cette disposition, imposant une nouvelle obligation procédurale qui, fort heureusement, devrait rester sans sanction.

En définitive…

… le législateur aurait dû se garder de cette réforme, a priori anodine mais qui pose de nombreux problèmes sans en résoudre un seul.

Il est tout de même agaçant que les réformes en procédure civile s’opèrent de cette manière, dans la précipitation et sans concertation.

La réforme d’ampleur de 2009, et même de 2017, reposait sur un rapport dit Magendie du 24 mai 2008, qui avait notamment réuni des professionnels éminents qui savaient de quoi ils parlaient. La méthode a du bon, et il serait opportun de réunir les processualistes pour discuter des vraies réformes, celles qui ne défigurent pas un code de procédure civile dont les rédacteurs de 1975 pouvaient être fiers.

 

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C’est cette interprétation constante qui est à l’origine de cet arrêt rendu par la première chambre civile le 16 février 2022. En l’espèce, à la suite du prononcé du divorce, l’homme se voit condamné à verser à son ex-épouse une prestation compensatoire dont le montant est évalué en faisant application de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la vocation successorale. Contestant l’évaluation réalisée par les juges, il a formulé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) tendant à faire examiner la jurisprudence constante de la Cour de cassation à l’aune du principe d’égalité devant la loi. En effet, selon le demandeur au pourvoi, le fait de prendre en compte les droits successoraux de l’époux dont les parents sont décédés, mais non la vocation successorale de l’époux dont les parents ne sont pas décédés introduit entre eux une rupture d’égalité. La Cour de cassation, après avoir relevé que la disposition contestée est applicable au litige, mais pas nouvelle, rejette la demande aux motifs que la question posée ne présente pas un caractère sérieux....

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